Réf. : Décrets du 21 avril 2004, n° 2004-346 (N° Lexbase : L1625DYT) et n° 2004-342 (N° Lexbase : L1621DYP)
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par S. D.
Le 07 Octobre 2010
De par ses caractéristiques, le PERP est un produit plus rentable pour certains épargnants que pour d'autres. C'est pourquoi, il convient, avant de s'engager, d'évaluer ses conséquences fiscales aussi bien à l'entrée qu'à la sortie.
1. Le grand atout du PERP : sa fiscalité...
Pour inciter les épargnants à souscrire au PERP, le Gouvernement a doté ce dispositif d'avantages fiscaux.
Ainsi, à l'instar de la Préfon pour les fonctionnaires, et des contrats "loi Madelin " réservés aux travailleurs indépendants, le PERP offre la possibilité aux contribuables souscripteurs, quelle que soit leur activité professionnelle, de déduire de leur revenu imposable les sommes ainsi épargnées en prévision de leur retraite. Ce cadeau fiscal est, néanmoins, limité.
En effet, pour les personnes actives, la déduction maximale est fixée à 10 % des revenus d'activité professionnelle de l'année précédente et 8 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit une déduction annuelle maximum de 23 769 euros (pour la tranche d'imposition la plus élevée).
Toutefois, viennent en déduction de ce plafond général, les cotisations qui ont pu être faites à d'autres produits d'épargne retraire volontaire, tels que la Préfon, les contrats "Madelin", les cotisations au titre de l'article 83 du CGI qui autorise la souscription de contrats d'assurance vie dans le cadre de l'entreprise, ainsi que l'abondement éventuel de l'employeur au plan d'épargne retraite collectif (PERCO).
Cette déduction s'effectue au niveau du calcul du revenu global, c'est-à-dire après abattement de 10 % pour frais professionnels et abattement de 20 %.
En outre, si un solde de déduction non consommé apparaît, ce dernier peut être reporté durant trois ans.
Enfin, les sommes versées sont exonérées de prélèvements sociaux, tels que la CSG et la CRDS, et n'entrent pas dans l'assiette de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il convient de souligner qu'un plancher de déduction a été prévu pour les personnes ayant de faibles revenus ou sans activité égal à 10 % du plafond de la Sécurité sociale (soit un plancher de 2 920 euros, pour 2004).
Ainsi, la défiscalisation des cotisations prévue à l'entrée du PERP est un argument plus qu'attrayant pour des contribuables désireux d'optimiser leur impôts, tout en préparant leur retraite. Néanmoins, ce PERP présente quelques inconvénients, et surtout il favorise les contribuables les plus aisés.
2. ...avantageuse à l'égard des contribuables les plus aisés.
Les investisseurs institutionnels ne se privent pas de mettre en exergue la défiscalisation des cotisations. Cependant, cet avantage dépend exclusivement de la tranche marginale du barème de l'impôt à laquelle est soumis le contribuable.
Ainsi, l'avantage fiscal à l'entrée du PERP est d'autant plus important que le contribuable est soumis à la tranche du barème de l'impôt la plus élevée. Prenons, par exemple, le cas d'un contribuable qui investit 10 000 euros. Si ce dernier est imposé dans la tranche du barème de l'impôt sur le revenu de 48,09 %, il réalisera un gain d'impôt de 4 809 euros. En revanche, s'il se situe dans la tranche à 19,14 %, le gain ne sera que de 1 914 euros.
En outre, le PERP présente deux autres inconvénients. Tout d'abord, c'est un placement de très longue durée, dont l'économie d'impôt est plafonnée. Si un contribuable commence à cotiser à 25 ans, il devra atteindre environ 40 ans pour profiter des fruits de son investissement, surtout qu'aucune sortie anticipée n'est autorisée en cours de vie du plan (sauf cas exceptionnels, tels que l'invalidité grave, l'expiration des droits à l'assurance-chômage pour les salariés ou la liquidation judiciaire pour les indépendants). Ensuite, il est impossible de sortir de ce placement en capital ; la sortie se faisant uniquement sous la forme d'une rente viagère, qui sera soumise à l'impôt sur le revenu après abattement des 10 % et 20 % appliqués aux salaires et pensions (actuellement, seul le PERCO permet une sortie en capital).
De là à concevoir qu'un souscripteur de PERP se mette à payer des impôts à la sortie après y avoir échappé à l'entrée, il n'y a qu'un pas que nous pouvons franchir. En effet, même s'il est difficile d'anticiper aujourd'hui les revenus futurs d'un contribuable, on peut imaginer, avec beaucoup de réalisme, un jeune travailleur disposant de faibles revenus au début de sa carrière prometteuse, mais jouissant, au terme de cette dernière, d'une retraite confortable. Dans cette hypothèse, le contribuable imposé sur sa retraite dans une tranche supérieure à celle dans laquelle les cotisations ont été défiscalisées, paiera alors plus d'impôt que ce que l'Etat lui a jadis si généreusement offert. Ce cas d'école est d'autant plus concevable que le PERP séduit particulièrement une clientèle jeune. Ainsi, par exemple, depuis le lancement du PERP, 72 % des clients du PERP de la Caisse d'épargne sont âgé de moins de 45 ans ; au Crédit Lyonnais, on dénombre 38 % de moins de 40 ans. Toutefois, il convient de souligner que la moitié des jeunes souscripteurs du PERP au Crédit Lyonnais signe en même temps un contrat d'assurance vie (Le PERP rajeunit le profil des épargnants, Armelle Boiheust, Le Figaro du 21 juin 2004).
En effet, le PERP n'est pas le seul instrument permettant d'assurer sa retraite. D'autres produits financiers d'épargne retraite individuelle existent tels que l'assurance vie ou le PERCO. Ces derniers pouvant s'avérer mieux adaptés à la stratégie de l'épargnant, il est donc judicieux de bien comparer leurs avantages et inconvénients avec ceux du PERP avant de signer.
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Réf. : Cass. soc., 23 juin 2004, n° 02-31.071, Mme Danièle Desrumaux, F-P+B (N° Lexbase : A8068DCS) ; Cass. soc., 22 juin 2004, n° 02-15.500, Union locale CGT c/ Société des textiles de Munas STM, FS-P (N° Lexbase : A8001DCC)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 07 Octobre 2010
Décision
1. Cass. soc., 23 juin 2004, n° 02-31.071, Mme Danièle Desrumaux, F-P+B (N° Lexbase : A8068DCS) Rejet (CA Metz, réf., 3 septembre 2002) 2. Cass. soc., 22 juin 2004, n° 02-15.500, Union locale CGT c/ Société des textiles de Munas STM, FS-P (N° Lexbase : A8001DCC) Cassation partielle de CA Nîmes (1re ch. Civ.), 21 février 2002 Textes visés : article 809 du nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC) Grève ; expulsion ; conditions ; preuve du rôle actif des acteurs Liens base : |
Faits
1. Pourvoi n° 02-31.071 Par actes en date du 19 octobre 2000, la société BVF a fait assigner en référé d'heure à heure, Mmes Desrumaux et M. Mangin, représentants du personnel et participants au mouvement de grève affectant l'entreprise, afin que l'ensemble des grévistes soient expulsés des locaux de celle-ci, qu'ils occupaient depuis le 15 octobre 2000, entretenant des feux sur le site et bloquant les accès à celui-ci au moyen de leurs véhicules, ce qui constituait selon elle un trouble manifestement illicite par entrave à la liberté du travail et à celle de l'industrie. L'arrêt confirmatif attaqué (Metz, 3 septembre 2002) a ordonné l'expulsion de Mme Desrumaux et de M. Mangin et de tous autres grévistes occupant l'usine avec le concours de la force publique et ce, sous astreinte de 1 000 francs par occupant se maintenant dans les lieux passé le délai de deux heures après la signification aux défendeurs de l'ordonnance, ordonné l'extinction des feux sous astreinte de 1 000 francs passé le délai de deux heures après la signification aux défendeurs de l'ordonnance et ordonné l'enlèvement des véhicules stationnés de façon à empêcher l'entrée et la sortie du site sous astreinte de 1 000 francs passé le délai de deux heures après la signification aux défendeurs de l'ordonnance. 2. Pourvoi n° 02-15.500 A la suite d'une grève avec occupation des locaux de l'usine de la société Chamatex, le juge des référés a ordonné l'expulsion des lieux occupés sous astreinte par jour de retard à la charge des Unions locales CGT et CFDT et condamné ces organisations à payer une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2976ADL) ; Pour confirmer l'ordonnance entreprise, la cour d'appel énonce que Mme Monteforte et M. Laffont ont déclaré à l'huissier que "la grève continue" et que "personne n'entrera dans l'usine" et qu'ils ont entendu s'exprimer en raison de leur appartenance respective aux syndicats CGT et CFDT dont les banderoles déployées sur place reprenaient ces slogans. |
Problème juridique
A quelles conditions le juge des référés peut-il ordonner l'expulsion de grévistes qui occupent une usine ? |
Solution
1. Pourvoi n° 02-31.071 Rejet "En raison de la nécessité de mettre fin à un trouble manifestement illicite résultant de l'entrave à la liberté du travail et de l'atteinte portée à la sécurité du personnel et des biens, la cour d'appel, qui a constaté que Mme Desrumaux et M. Mangin, représentants du personnel, avaient, avec l'appui de leur organisation syndicale, eu un rôle actif et déterminant dans l'organisation de la grève et l'occupation des lieux, a pu ordonner les mesures exigées par les circonstances compte tenu de la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de grève de présenter les moyens de défense communs à l'ensemble du personnel". 2. Pourvoi n° 02-15.500 Cassation sans renvoi "Il ne résultait pas de ses constatations que les syndicats étaient impliqués dans l'occupation illicite des locaux de l'entreprise". |
Commentaire
1. Les conditions du recours à l'expulsion
Le Code du travail ne contient aucune disposition relative à ce qu'il est convenu d'appeler les "ripostes patronales" à la grève. C'est donc le droit commun, et singulièrement les dispositions des articles 808 (N° Lexbase : L3103ADB) et 809 (N° Lexbase : L3104ADC) du nouveau Code de procédure civile, et la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui fournissent au juge les seules indications pertinentes. Même si la notion de "trouble manifestement illicite" relève, en principe, de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. soc., 3 décembre 1986, n° 85-15.376, Société Les Ciments français Paris la Défense c/ M. Lay et autres, publié N° Lexbase : A6565AAE), les deux arrêts rendus les 22 et 23 mai 2004 montrent que la Cour de cassation exerce sur les juges du fond une surveillance accrue.
Contrairement à ce que pensent les grévistes, "le droit de grève n'emporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de l'entreprise" (Cass. soc., 21 juin 1984, n° 82-16.596, Lopez, Ottaviani, Vidal, Brau, Massard, Gilly, Filliol, Duporge c/ SA La Générale Sucrière, publié N° Lexbase : A0504AAW Dr. soc. 1985, p. 15, note J. Savatier). Si les salariés qui se mettent en grève peuvent donc demeurer pacifiquement sur leur lieu de travail sans commettre de faute lourde (Cass. soc., 11 février 1960 : Bull. civ. IV, n° 170 ; Cass. soc., 16 mai 1989 : Bull. civ. V, n° 361), il ne s'agit nullement d'un droit opposable à l'employeur et celui-ci peut valablement exiger qu'ils quittent les lieux. Le refus opposé par les salariés sera alors fautif et pourra justifier un licenciement pour faute lourde (Cass. soc., 6 décembre 1956 : Bull. civ. V, n° 907). A plus forte raison, les salariés n'auront pas le droit d'empêcher l'accès des non-grévistes ou de l'employeur à l'entreprise (Cass. soc., 21 juin 1984, n° 82-16.596, Lopez, Ottaviani, Vidal, Brau, Massard, Gilly, Filliol, Duporge c/ SA La Générale Sucrière, publié N° Lexbase : A0504AAW), soit personnellement, soit en plaçant devant les grilles des véhicules qui en interdisent l'accès (Cass. soc., 4 novembre 992, n° 90-41.899, M. Cherki et autres c/ Société France glaces Findus, publié N° Lexbase : A3727AAB).
Lorsque les salariés se maintiennent abusivement dans l'entreprise, l'employeur est en droit de saisir le juge des référés pour obtenir une ordonnance d'expulsion. La Chambre sociale de la Cour de cassation avait eu l'occasion d'affirmer que le fait pour les salariés d'empêcher l'employeur d'accéder normalement à l'entreprise suffisait à justifier l'expulsion (Cass. soc., 21 juin 1984 : préc.). L'un des arrêts rendus par la Chambre sociale le 23 juin 2004 (pourvoi n° 02-31.071) rappelle les conditions du recours à l'expulsion. Dans cette affaire, l'employeur avait assigné deux représentants du personnel qu'il considérait comme étant les "dirigeants de fait" d'une grève avec occupation de l'entreprise et des piquets de grève empêchant l'accès à l'entreprise. Les juridictions du fond avaient ordonné l'expulsion sous astreinte de l'entreprise et la libération de ses abords, après avoir caractérisé le "trouble manifestement illicite" visé à l'article 809 du nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L3104ADC), par référence à l'entrave à la liberté du travail et de l'industrie. C'est cette analyse que se trouve confortée par le rejet du pourvoi. La Chambre sociale de la Cour de cassation, sans reprendre d'ailleurs la référence aux atteintes à la liberté du commerce et de l'industrie, a considéré que caractérisaient un "trouble manifestement illicite" "l'entrave à la liberté du travail et l'atteinte portée à la sécurité du personnel et des biens" (pour des voies de fait et des entraves à la liberté du travail : Cass. soc., 1er juillet 1998, n° 96-41.385, M. X et autres c/ Société Sicup, publié N° Lexbase : A5614ACW). On retrouve ici les conditions communes à l'expulsion et à la mise en chômage technique de l'entreprise, notamment les impératifs de sécurité (Cass. soc., 7 novembre 1990, n° 89-44.264, Régie des transports de Marseille c/ M. Sava et autres N° Lexbase : A4709ACE JCP E. 1991, I, 27, n° 14, obs. B. Teyssié pour le chômage technique ; Cass. soc., 26 février 1992, n° 90-15.459, M. Cougnon et autres c/ Société Utec, publié N° Lexbase : A5143AB4 pour l'expulsion, en raison d'un risque de pollution). Ces exigences, lorsqu'elles sont satisfaites, sont parfaitement légitimes. Le droit de faire grève ne saurait en effet se concevoir sans le respect du droit absolu de ne pas faire grève, et le droit de nuire, inhérent à la grève, ne saurait justifier que la sécurité des personnes ou des biens ne soit assurée. 2. La réalisation de l'expulsion
L'une difficultés rencontrées par le chef d'entreprise qui souhaite obtenir une ordonnance d'expulsion réside dans la nécessité d'assigner les grévistes devant le juge des référés. Les grévistes agissent souvent masqués ou dans des conditions qui rendent leur identification délicate (sur le rôle purement passif qui doit être celui de l'huissier de justice : Cass. soc., 2 mars 2004, n° 01-44.644, FS-P N° Lexbase : A3999DBQ voir Quels pouvoirs pour l'huissier dans les conflits collectifs ? Motus et bouche cousue ? Lexbase Hebdo n° 111 du jeudi 11 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0836ABL). Même lorsque certains salariés peuvent être identifiés, l'application stricte des règles de procédure devrait contraindre l'employeur à assigner chaque salarié présent dans l'entreprise, ce qui est en pratique presque impossible.
Devant ces difficultés pratiques, la jurisprudence a assoupli les règles habituelles de l'assignation pour permettre à l'employeur de n'assigner que les meneurs du conflit (Cass. soc., 21 février 1978, n° 76-14.909, Dame Lacroix, Desdoigts c/ SA France-Printemps, publié N° Lexbase : A7242AGC JCP CI 1978, I, 7087, p. 184, n° 14, obs. B. Teyssié et R.Descottes). Ces meneurs sont alors traités comme les "représentants de fait" des grévistes (CA Paris, 25 juin 1975 : Dr. ouvrier 1975, p. 415), ce qui a fait dire à Gérard Lyon-Caen que cette jurisprudence aboutissait à traiter les grévistes comme un "troupeau anonyme" (G . Lyon-Caen, L'occupation des lieux de travail et la procédure civile, Dr. ouvrier 1977, p. 648). Les salariés considérés comme les meneurs du conflit sont généralement représentants du personnel, dont le mandat ne se trouve d'ailleurs pas suspendu pendant le conflit (Cass. soc., 25 mai 1981 : Bull. civ. V, n° 463, p. 347). Ces représentants pourront même se fonder sur le rôle joué pendant la durée du conflit pour présenter à l'employeur une demande de crédits d'heures exceptionnels (Cass. soc., 26 janvier 1966 : Bull. civ. V, n° 113). Cette simple qualité ne suffit toutefois pas à établir leur qualité de meneur. Encore faut-il que les juges du fond établissent, comme le relève d'ailleurs l'arrêt n° 1289 du 23 juin 2004, que ces derniers ont eu "un rôle actif et déterminant dans l'organisation de la grève et l'occupation des lieux", c'est-à-dire qu'ils se soient comportés effectivement comme des meneurs.
L'exigence d'une implication personnelle dans les faits d'occupation de l'entreprise et les piquets de grève est également très forte lorsque ce sont les syndicats qui soutiennent le mouvement qui seront directement visés par la procédure. Cette hypothèse ne doit pas surprendre car, lorsque l'employeur n'a pas été à même d'identifier les meneurs du conflit, il cherchera à impliquer les syndicats qui en revendiquent la paternité. C'est ce qui s'était passé dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 22 juin 2004 (pourvoi n° 02-15.500). A la suite d'une grève avec occupation des locaux de l'usine, le juge des référés avait ordonné l'expulsion des lieux occupés sous astreinte par jour de retard à la charge des Unions locales CGT et CFDT. La juridiction d'appel avait confirmé l'ordonnance après avoir relevé les propos de militants syndicaux, se réclamant de leurs syndicats, et la présence de banderoles déployées sur place qui reprenaient les slogans des grévistes. Or cet arrêt est cassé, la Cour de cassation relevant qu'"il ne résultait pas de ses constatations que les syndicats étaient impliqués dans l'occupation illicite des locaux de l'entreprise". Il ne suffit donc pas que des grévistes prétendent agir sur instruction de leurs syndicats pour que ces derniers soient suffisamment impliqués dans le conflit pour subir une action en justice. Comme l'a rappelé à de nombreuses reprises la jurisprudence, les syndicats ne sont pas, de plein droit, responsables de leurs militants et représentants syndicaux (Cass. soc., 9 novembre 1982, n° 80-16.929, Société Dubigeon Normandie c/ Syndicat CGT de Dubigeon-Normandie, Syndicat CGT des Métaux de Nantes Le Floch, Union des syndicats des Métaux de Nantes Syndicat CFDT, Guihenneuf, Milpied, publié N° Lexbase : A1596ABQ JCP G 1983, II, 19995, concl. Gauthier ; D. 1983, p. 531, note H. Sinay ; Dr. soc. 1983, p. 175, chron. J. Savatier). Le chef d'entreprise devra ainsi, s'il prétend assigner le syndicat pour obtenir l'expulsion des grévistes, prouver son implication personnelle dans le conflit, comme lorsque ce dernier en a été "l'instigateur, le promoteur et l'organisateur" (Cass. soc. 16 janv. 1985 : Juri-social 1985, n° 5, F. 45, p. 31).
La seconde condition posée par la jurisprudence pour admettre cette représentation de fait est que les salariés identifiés soient à même de présenter, au nom de leurs camarades, les éléments de leur défense en justice (Cass. soc., 17 mai 1977, n° 75-11.474, Société Française du Ferodo c/ Bault, Daniel, Pade, Ponge, Maucollot, Doligez, publié N° Lexbase : A9650AAN D. 1977, p. 645, note A. Jeammaud). C'est bien ce que confirme l'arrêt du 23 juin 2004 (n° 02-31.071), puisque la Cour a affirmé que les salariés devaient être considérés comme "les dirigeants de fait du mouvement de grève" qui disposaient de la possibilité "de présenter les moyens de défense communs à l'ensemble du personnel". Cette condition est tout à fait légitime dans la mesure où les salariés qui n'ont pas été visés par l'assignation ne pourront pas, à moins d'intervenir personnellement dans la procédure, faire valoir leurs intérêts ; les représentants du personnel poursuivront donc leur mission de représentation devant les tribunaux. |
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Réf. : Instruction du 7 juin 2004, BOI n° 8 A-3-04 (N° Lexbase : X2274AC9)
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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA
Le 07 Octobre 2010
1. Le contexte de l'instruction fiscale du 7 juin 2004
L'article 266-2 du CGI dispose qu'"en ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise, [...] pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur [...] la valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L8380AE4), si cette valeur vénale est supérieure au prix". Ce texte soulève un problème de compatibilité avec l'article 11-A-1-a de la 6ème directive TVA, lequel définit l'assiette de la TVA, comme "la contrepartie obtenue ou à obtenir". Selon la CJCE, la contrepartie s'entend de "la valeur subjective dans chaque cas concret et non pas une valeur estimée selon des critères objectifs" (CJCE, 15 mai 2001, aff. C-34/99, Commissioners of Customs & Excise c/ Primback Ltd, § 24 N° Lexbase : A3959ATS). Cependant, la France ayant obtenu l'autorisation de maintenir sa disposition dérogatoire, en application de l'article 27 (dit "clause de gel") de la 6ème directive, la question se pose de savoir si elle peut taxer un contribuable comme un fraudeur, qu'il ait ou non rapporté la preuve contraire.
Ce dernier article prévoit que "le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout Etat membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasion fiscales". S'agissant d'un texte permettant, notamment, de déroger à la définition de l'assiette de la TVA comme la contrepartie voulue par les parties, il convient tout d'abord de rappeler la position de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Elle sanctionne les mesures dérogatoires fixant une base minimale d'imposition, surtout lorsqu'elles dérogent, d'une manière globale et systématique à l'article 11 de la 6ème directive (CJCE, 10 avril 1984, aff. C-324/82, Commission des Communautés européennes c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A8682AU4). Ne constitue pas une mesure dérogatoire autorisée, la règle interne absolue et générale selon laquelle, "c'est le prix convenu entre les parties lui-même qui n'est pas pris en compte et est remplacé par la base minimale d'imposition" (CJCE, 9 juillet 1992, aff. C-131/91, Line Air Service Europe BV c/ Eulaerts NV et État belge N° Lexbase : A9706AUZ). Les mesures adoptées dans le cadre de l'article 27 précité afin de combattre la fraude ou l'évasion fiscale ne peuvent déroger à l'article 11 fixant une assiette égale à la valeur subjective que dans les limites strictement nécessaires pour atteindre cet objectif. S'il est démontré que le contribuable a agi correctement, les mesures dérogatoires ne sont pas couvertes par l'article 27 de la 6ème directive (CJCE, 29 mai 1997, aff. C-63/96, Finanzamt Bergisch Gladbach c/ Werner Skripalle N° Lexbase : A0356AW4).
La défense doit être proportionnée à l'attaque. Le droit communautaire n'autorise pas un Etat membre à poser une présomption générale et absolue de fraude à l'encontre des vendeurs ou apporteurs de biens immeubles au seul motif que le prix stipulé demeure en-deçà de la valeur vénale. Depuis longtemps, la CJCE contrôle la proportionnalité des mesures adoptées en application de l'article 27 de la 6ème directive (CJCE, 12 juillet 1988, aff. C-138/86, Direct Cosmetics Ltd et Laughtons Photographs Ltd c / Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A4534AWT). Ce même principe de proportionnalité interdit également les exclusions générales du droit à déduction prétendument destinées à combattre la fraude (CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-177/99, Ampafrance SA c/ Directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire (C-177/99) et Sanofi Synthelabo contre Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne (C-181/99) N° Lexbase : A7225AH3). Enfin, la CJCE exclut toute procédure nationale conférant à l'administration un pouvoir d'appréciation discrétionnaire (CJCE, 14 septembre 2000, aff. C-384/98, D. c/ W N° Lexbase : A2011AIC). Force est de constater que la France, en permettant formellement à l'administration fiscale, sans condition de fraude ou d'évasion fiscale, de substituer la valeur vénale d'un immeuble à son prix stipulé ne respecte pas la 6ème directive TVA.
Après une première décision des juges du fond en faveur de la conformité de l'article 266-2-b du CGI à l'article 27 de la 6e directive TVA (TA Paris, 30 octobre 1997), quatre décisions ont manifesté leur défiance (TA Lyon des 5 décembre 2000 et 3 juillet 2001 : Dr. fisc. 2002, n° 39, comm. 733, note M. Cozian ; TA Grenoble, 20 décembre 2001 et 2 mai 2002). Conformément au droit communautaire ci-dessus rappelé, les derniers jugements cités n'admettent la dérogation française qu'en cas de fraude ou d'évasion fiscale établie par l'administration fiscale. Ces décisions de juges du fond ont vraisemblablement incité le tribunal administratif de Pau à solliciter l'avis du Conseil d'Etat par jugement en date du 4 mars 2003. Le 30 juillet 2003, la Haute juridiction administrative a répondu que "l'administration fiscale ne conserve le droit d'écarter le prix résultant de la volonté des parties qui, en vertu des stipulations de l'article 11 de la 6ème directive, constitue en principe l'assiette de la taxe, et d'asseoir l'imposition d'office sur une base plus élevée qu'à la condition d'établir que celle-ci correspond à la valeur vénale réelle des biens en cause" (CE, 8° et 3° s-s., 30 juillet 2003, n° 254824, SCI Villa Amaya c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A2619C9U, Dr. fisc. 2004, n° 6, comm. 223, concl. P. Collin).
Apparemment, le Conseil d'Etat ne conteste pas la substitution de la valeur vénale au prix de vente déclaré d'un immeuble, même si, comme en l'espèce, le redevable établi que la base retenue d'office dépasse le prix stipulé et réellement encaissé. Il s'abstient d'exiger la preuve d'une fraude ou d'une évasion fiscale, telle qu'évoquée par l'article 27 de la 6ème directive. Soulignons que le litige portait essentiellement sur la procédure utilisée par l'administration fiscale (cf. concl. P. Collin). En l'espèce, le prix étant celui effectivement perçu, il eut été difficile de caractériser une fraude, sauf à considérer que les parties n'ont pas le droit de fixer un prix inférieur à celui du marché. La liberté contractuelle étant un principe et une valeur consacrés par tous les pays de l'Union, une telle interdiction paraît difficilement envisageable. D'autant moins que la CJCE interdit de fixer l'assiette en fonction de critères objectifs, d'une valeur minimale ou de mesures dérogatoires globales et systématiques, particulièrement s'il est établi que le contribuable a agi correctement (supra). L'administration fiscale préfère respecter la 6ème directive TVA.
2. Le contenu de l'instruction fiscale du 7 juin 2004
L'instruction commentée traduit la primauté du droit communautaire. Elle précise en effet que "comme la jurisprudence l'a récemment souligné à plusieurs reprises, l'administration est tenue, lorsqu'elle met en oeuvre la notion de valeur vénale, d'établir que la différence entre cette évaluation et le prix stipulé dans l'acte résulte de la fraude ou de l'évasion fiscale" (§ 4). Elle précise aussi qu'"en matière de TVA, l'évasion fiscale n'est pas avérée lorsque la TVA collectée par le vendeur peut être déduite dans sa totalité par l'acquéreur assujetti à la taxe" (§ 5). Que la base d'imposition soit de 1 000 ou de 100, si la TVA de 1 000 x 19,6 % ou 100 x 19,6 % est entièrement récupérable par l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport, Etat et contribuable ne perdent ni ne gagnent aucun avantage pécuniaire. La neutralité effective de la TVA rend inutile tout redressement. Le champ d'application de l'article 266-2.b du CGI autorisant la substitution de la valeur vénale au prix de cession se limite désormais aux ventes et apports de biens ou droits immobiliers en faveur de personnes dépourvues du droit de déduire la TVA. Il s'agit des particuliers et des assujettis non redevables dans la mesure où la déductibilité de la TVA ne dépend que de l'affectation des dépenses grevées de TVA à des opérations effectivement imposables . L'administration fiscale exclut du champ d'application de la substitution de la valeur vénale au prix de cession les fonds de commerce, actions et parts de sociétés immobilières sauf lorsque ces dernières visent l'attribution en propriété ou en jouissance d'un bien immeuble (§ 3). Cette faveur s'expliquerait par le contenu de la demande de dérogation, laquelle ne mentionnait que les immeubles. Certes, la substitution autorisée par le droit communautaire ne peut recevoir qu'une application littérale. Ajoutons toutefois que l'article 266-2 du CGI organisant la lutte contre la sous évaluation de l'assiette de la TVA ne vise que les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257 du CGI. Ce texte dispose à propos de la production et de la livraison d'immeubles ou opérations similaires et non des fonds de commerce ou titres de sociétés immobilières n'ouvrant pas accès à la propriété ou à la jouissance d'un immeuble.
En admettant que la dérogation à l'article 11-A de la 6ème directive TVA présuppose établie la fraude ou l'évasion fiscale, l'administration fiscale rend exceptionnelle la substitution de la valeur vénale au prix de cession, du moins en matière de TVA. Cette substitution demeure plus largement applicable en matière de droits d'enregistrement. Certes, la TVA chasse les droits d'enregistrement. Encore faut-il qu'elle s'applique. L'instruction commentée rappelle opportunément qu'"une opération est considérée comme réalisée à titre onéreux, en matière de TVA, lorsqu'il existe un lien direct entre le service rendu ou le bien livré et la contre-valeur reçue. Pour cela, le bénéficiaire de la prestation ou de la livraison doit en retirer un avantage individuel et le niveau de cet avantage doit être en relation avec le prix payé. Tel n'est pas le cas lorsque le prix payé est très inférieur au niveau de l'avantage procuré au bénéficiaire de la livraison. Dès lors, la cession d'un bien immobilier pour un prix symbolique constitue une opération située hors du champ d'application de la TVA. Elle est soumise aux droits d'enregistrement dans les conditions de droit commun. La TVA supportée en amont par le cédant, notamment au titre de l'acquisition du terrain ou de travaux immobiliers, n'est pas déductible (CGI, art. 271)" (§ 8 et 9).
Il est exact que le droit communautaire exclut du champ d'application de la TVA les livraisons réalisées pour un prix dérisoire (CJCE, 1er avril 1982, aff. C-89 /81, Staatssecretaris van Financiën c/ Hong-Kong Trade Development Council N° Lexbase : A6251AU3 ; CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A7265AHK). Apparaît tout aussi incontestable l'exigence d'un rapport juridique à titre onéreux. Ce dernier doit comprendre une contrepartie, critère de taxation et mesure de l'assiette de la TVA, ayant pour cause la contre-prestation fournie (CJCE, 5 février 1981, aff. C-154/80, Staatssecretaris van Financiën c/ Association coopérative Coöperatieve Aardappelenbewaarplaats N° Lexbase : A6101AUI ; CJCE, 8 mars 1988, aff. C-102/86, Apple and Pear Development Council c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7336AH8 ; CJCE, 3 mars 1994, aff. C-16/93, R. J. Tolsma c/ Inspecteur der Omzetbelasting Leeuwarden N° Lexbase : A7246AHT, Dr. fisc. 1995, n° 11, comm. 525, concl. Carl Otto Lenz - Petites Affiches, n° 119, 5 septembre 94, note M. Cozian - Adde, Y. Sérandour, L'année fiscale, 2003, p. 326, n° 6). Néanmoins, l'administration fiscale oublie de préciser que la TVA facturée à tort peut donner lieu à régularisation, dès lors qu'elle n'a pas été déduite (Y. Sérandour, L'exigibilité de toute TVA facturée, Lexbase Hebdo n° 112 du 18 mars 2004 - édition fiscale N° Lexbase : N0923ABS et N° Lexbase : N0925ABU).
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par Christophe Willmann, Maître de conférences à l'Université de Picardie
Le 07 Octobre 2010
1.1. Consécration législative
Avant la réforme de 2003, le cadre juridique était le suivant : le code de la Sécurité sociale prévoyait, dans son article L.161-17 (N° Lexbase : L4693AD8) deux obligations pour l'ensemble des régimes (hors fonction publique d'Etat). Deux autres articles traitaient de l'information : les articles R.112-2 (N° Lexbase : L6078ADH) et L. 815-6 (N° Lexbase : L5785ADM).
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, comporte d'importantes dispositions relatives au droit à l'information individuelle des assurés, en modifiant l'article L. 161-17 du code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7738DKS). La loi pose ainsi d'importants principes, fondés sur la reconnaissance générale du droit de la personne à une information individuelle sur sa retraite qui se décompose de la façon suivante :
- droit à obtenir périodiquement une information consolidée sur l'ensemble des droits qu'elle a jusqu'à présent acquis dans l'ensemble des régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) dont elle a relevé ;
- droit à obtenir, également périodiquement et à partir d'un certain âge, une estimation des droits qu'elle sera susceptible d'avoir dans l'ensemble des régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) dont elle aura relevé au moment de son départ à la retraite.
La loi prévoit que cette information sera délivrée par un interlocuteur unique, régime de retraite auquel l'assuré est ou a été affilié, selon des modalités qui seront fixées par décret. Elle pose les bases, jusqu'alors inexistantes, d'une coordination entre régimes pour la constitution puis la diffusion de l'information avec la mise en place d'un GIP (groupement d'intérêt public) associant l'ensemble des organismes gestionnaires de régimes de retraite et les services de l'Etat chargés du service des pensions des fonctionnaires. Le GIP devrait jouer le rôle d'une instance technique, les régimes demeurant les interlocuteurs des assurés sociaux.
1.2. Développements judiciaires
Outre la jurisprudence déjà examinée (Cass. soc., 28 avril 1994, n° 91-20.609, Caisse organic Cavicorg c/ Mme Adrai, inédit N° Lexbase : A2318AGX), il faut citer quelques décisions topiques, extraites d'un ensemble de références jurisprudentielles conséquent.
La Caisse, tenue à l'égard d'un assuré social d'un devoir d'information, ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle lui a rappelé, avant l'expiration du délai, les conséquences attachées à sa méconnaissance (Cass. soc., 12 octobre 2000, n° 98-15.831, M. Zappellini c/ Caisse nationale d'assurance vieillesse et autre, publié N° Lexbase : A7663AHB). Dans un sens plus définitif, la Cour de cassation a retenu le principe selon lequel il incombe à la Caisse régionale d'assurance maladie de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation d'information des assurés (Cass. soc., 6 mars 2003, n° 01-20.840, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) de Normandie c/ Mme Françoise Gaillardon, F-D N° Lexbase : A3725A74).
Une assurée sociale dispose d'un droit personnel et reconnu à l'égard de la Caisse en matière d'information : mais, selon la Cour de cassation, l'article L. 161-17 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7738DKS) n'impose d'obligation aux Caisses de retraite qu'à l'égard de leurs ressortissants. Or, le bénéficiaire éventuel d'une pension de réversion n'a pas cette qualité (Cass. soc., 26 avril 2001, n° 99-18.548, Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) c/ Mme Christiane Renaudineau, publié N° Lexbase : A2927ATL).
Il résulte des articles L. 222-1 (N° Lexbase : L7691DK3) et R. 222-1 (N° Lexbase : L5637ABE) du Code de la Sécurité sociale que la Caisse nationale d'assurance vieillesse qui coordonne et contrôle par les caisses régionales d'assurance maladie, la gestion de l'assurance veuvage notamment en ce qui concerne les modalités de liquidation des droits et le paiement des prestations, n'est pas un tiers par rapport à ces organismes. Caractérise une faute de la Caisse nationale d'assurance vieillesse de nature à engager la responsabilité de la caisse régionale d'assurance maladie l'arrêt qui relève que les renseignements donnés par la caisse nationale à la suite du courrier adressé par le fils de l'assurée avaient conduit cette dernière à déposer tardivement sa demande d'allocation de veuvage, la privant ainsi du bénéfice de cette prestation dans des conditions qu'elle n'avait pu prévoir (Cass. soc., 19 juillet 2001, n° 00-11.699, Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Nord Picardie c/ Mme Zohra Ouldi Benameur, publié N° Lexbase : A2308AUZ).
Il ressort de ces décisions que l'obligation d'information au profit des assurés sociaux, en matière de vieillesse, répond à des réelles préoccupations de prise en charge et de bénéfice de prestations, refusées, modifiées, suspendues ou reportées parce que l'assuré ne connaissait pas ses droits, et parce que la CPAM ou l'organisme assurant le versement d'une prestation (pension) n'a pas respecté son obligation d'information.
2. Obligation d'information du futur retraité : la contribution prospective du COR
2.1. Constats
L'information individuelle des assurés, qui est de la responsabilité des régimes de retraite dont ils relèvent, est orientée par l'objectif de préparation du dossier de liquidation de la pension. Dans la plupart des régimes, l'information et les échanges avec les assurés se concentrent au cours des quelques années précédant le moment du départ à la retraite. Mais le COR déplore que l'information se fasse de façon très souvent dispersée, régime par régime, ce qui constitue une importante difficulté pour les nombreux assurés qui ont relevé au cours de leur vie professionnelle de plusieurs régimes de retraite.
Le système de retraite français est fractionné en de multiples régimes de base et complémentaires structurés sur une base professionnelle : régimes de base (régime général) et complémentaires (ARRCO et AGIRC) des salariés du secteur privé, régimes de base et complémentaires des artisans, des commerçants, des professions libérales et des exploitants agricoles, régimes des fonctionnaires, régimes spéciaux. Chaque régime a ses règles propres et ses organismes gestionnaires. Bref, la situation actuelle qui se caractérise par le morcellement de l'information entre les différents régimes et par une diffusion de l'information concentrée, pour l'essentiel, à la fin de la vie active des assurés, est très largement insatisfaisante.
2.2. Propositions du COR
L'objectif est de mieux répondre aux attentes des assurés qui ne disposent aujourd'hui que d'une information fractionnée par régime et de nature essentiellement rétrospective.
- Une information globale, dispensée par un interlocuteur unique
Selon le COR, il est souhaitable que l'information diffusée soit globale, c'est-à-dire consolidée, pour tous les régimes obligatoires de base et complémentaires confondus. Il paraît également indispensable qu'elle soit émise par un interlocuteur unique. Le Conseil a souligné la nécessité que les régimes de retraite demeurent les seuls interlocuteurs des assurés. Dans un souci de simplicité, la proposition faite par le Conseil est que, en règle générale, l'interlocuteur de l'assuré pour la diffusion d'une information consolidée sur ses droits dans l'ensemble des régimes, soit son actuel ou dernier régime d'affiliation (avec, le cas échéant la faculté pour l'assuré de choisir entre régime de base et régime complémentaire). Ceci exclut toute solution faisant d'un groupement d'intérêt public associant l'ensemble des régimes un nouveau guichet et un lieu de centralisation des données détenues par les différents régimes de retraite.
L'orientation retenue suppose que toute la complexité du système soit gérée par les régimes et non, comme c'est aujourd'hui le cas, supportée par l'assuré. A cette fin, une coordination efficace reposant sur des échanges d'informations entre les régimes doit être mise en place. C'est à un groupement d'intérêt public, associant l'ensemble des régimes, qu'il appartient d'organiser cette coordination et de mettre en place une normalisation permettant des échanges informatiques de données entre régimes.
- Une information à caractère rétrospectif et prospectif
La question se pose de savoir si l'information délivrée ne doit avoir qu'un caractère rétrospectif (portant sur les droits déjà constitués dans les régimes de retraite) ou aussi, un caractère prospectif (portant sur les droits susceptibles d'être acquis à l'avenir).
Jusqu'à présent, l'ensemble des gestionnaires s'est montré extrêmement prudent vis-à-vis de la fourniture d'estimations de montants de retraite. Ces estimations peuvent, en effet, être prises par les assurés pour des engagements du régime.
Pour répondre aux attentes exprimées, il peut être souhaitable de fournir aux personnes de moins de 55 ans non seulement une présentation synthétique des éléments constitutifs de leurs droits à pension, mais aussi la possibilité d'avoir, en fonction d'hypothèses diverses, une estimation du montant de cette pension. Cette estimation, réalisée avec un outil de simulation, devrait comporter des hypothèses (entre lesquelles un certain choix pourrait être laissé à l'assuré) relatives à l'évolution du contexte économique général (évolution des salaires, de l'emploi...) et de la réglementation et relatives à sa propre trajectoire professionnelle et personnelle.
Jusqu'à présent, l'information individuelle se concentre, dans la plupart des régimes, peu de temps avant le passage à la retraite, répondant mal au besoin d'information tout au long de la vie qui devrait se développer à l'avenir.
- Une information systématique à l'entrée dans la vie active
Il paraît tout d'abord essentiel pour le COR de diffuser très tôt, au début de la vie active, une information sur la retraite. Dès l'entrée dans la vie active, tout nouvel actif devrait être destinataire d'une brochure d'information générale, par son employeur lorsqu'il est salarié, par sa caisse de retraite ou par son organisme professionnel lorsqu'il est non salarié. L'envoi d'un relevé de carrière par son régime, à tout jeune de 25 à 32 ans ayant un premier "report à son compte retraite", à l'instar de ce qui s'est fait en 2000 dans le régime général, pourrait constituer une action complémentaire de la précédente, extrêmement utile.
- Une information périodique et modulée, dans la suite de la vie active
Dans la suite de la vie active, il paraît possible de distinguer trois types de population ayant des besoins distincts :
- les personnes de plus de 55 ans qui entrent dans une phase de préparation de leur passage à la retraite et peuvent être confrontées à des choix relatifs notamment à leur âge de départ en retraite ;
- les personnes de moins de 55 ans qui n'ont pas de préoccupation immédiate en termes de cessation d'activité et qui, lorsqu'elles se soucient de leurs droits à la retraite le font, le plus souvent, en liaison avec une préoccupation d'épargne (acquisition de logement, épargne complémentaire en vue de la retraite...) ;
- des populations spécifiques pour qui une information sur la retraite peut être utile dans un contexte professionnel ou familial particulier (choix d'un statut professionnel en cas de changement d'activité, divorce, veuvage, départ à la retraite avant 60 ans...).
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Le 07 Octobre 2010
Partant du constat que l'issue d'une procédure de surendettement ne permettait pas au débiteur, dont la situation était lourdement obérée, de retrouver un état financier personnel stable, le Gouvernement a décidé d'instaurer une procédure de rétablissement personnel. Dans les grandes lignes, cette procédure permet au débiteur de "souffler et de repartir dans la vie. Cette réforme, voulue par nombre de familles touchées par le surendettement, s'inscrit dans la politique du Gouvernement de lutte contre l'exclusion" (J.-L. Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, mise en place du Comité de pilotage crée dans la mise en oeuvre de la loi réformant le surendettement des particuliers, mercredi 12 mai 2004, [LxB=N1606AB4]). Pour ce faire, l'issue du rétablissement personnel conduit à l'effacement des dettes non professionnelles du débiteur. Bien qu'il soit lié à la procédure de surendettement des particuliers, le rétablissement personnel ne s'adresse qu'à une certaine catégorie de débiteurs qui acceptent une lourde procédure de liquidation de leurs biens. Afin de comprendre le rétablissement personnel, il convient de détailler cette procédure qui réforme également certains points du surendettement des particuliers.
I- Les principaux changements procéduraux
Dans le but de mieux évaluer la situation du débiteur, la Commission comprend deux nouveaux intervenants associés à l'instruction du dossier. Il s'agit d'un conseiller en économie sociale et familiale et d'un juriste, tous deux nommés par arrêté du préfet (C. consom., art. L. 331-1 [LxB=L6790AB4]). Ils n'ont qu'une voix consultative aux réunions de la Commission et peuvent participer à l'audition du débiteur.
Désormais, le débiteur devra, dans son dossier, indiquer s'il est suivi ou non par un travailleur social. Il est dans l'obligation d'en préciser son nom, son prénom et les coordonnées de ce dernier. Cette mention supplémentaire permettra au juge de l'exécution de convoquer, s'il le souhaite, ce travailleur social à l'audience d'ouverture de la procédure de rétablissement personnel.
Afin de mieux cerner l'actif du débiteur, le dossier de surendettement devra également comporter un état de son actif patrimonial détaillant les immeubles et meubles de ce dernier.
Le dossier devra, en sus, mentionner toutes les dettes fiscales non professionnelles du débiteur.
Enfin, le dossier doit comprendre l'information selon laquelle le débiteur est ou non inscrit au Fichier national de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
Dans un délai de maximum six mois, la Commission décide de l'orientation du dossier. Elle peut saisir le juge de l'exécution d'une demande d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel. Néanmoins, elle devra recueillir, préalablement, l'accord du débiteur. Celui-ci donne son approbation par écrit à l'aide d'un formulaire. Cette précaution est établie du fait du risque lié à l'issue éventuelle de la procédure, à savoir la liquidation du patrimoine du débiteur.
II- Le rétablissement personnel
Par l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]), le juge "connaît de la procédure de traitement des situations de surendettement devant la Commission de surendettement et de la procédure de rétablissement personnel".
Pour la phase de liquidation de la procédure, comportant notamment des procédures de saisies immobilières et des procédures d'ordre, le Tribunal de grande instance est compétent.
En principe, c'est la Commission qui saisit le juge de l'exécution lorsqu'elle décide de l'orientation du dossier en rétablissement personnel (C. consom., art. L. 331-3 [LxB=L6792AB8]). Cependant, le juge de l'exécution peut décider d'office de l'ouverture lorsqu'il est saisi d'un recours à l'encontre d'une décision relative à l'orientation du dossier par la Commission. Dans ce cas, l'accord du débiteur sera recueilli à l'audience. Enfin, et de manière exceptionnelle, le débiteur peut saisir lui-même le juge si le délai de neuf mois à compter du dépôt du dossier s'est écoulé sans décision d'orientation de la Commission.
Le juge de l'exécution doit préalablement constater la situation irrémédiablement compromise du débiteur et sa bonne foi, avant de prononcer le jugement d'ouverture. Ce jugement entraîne la suspension des poursuites, à savoir "des procédures d'exécutions diligentées contre le débiteur et portant sur les dettes autres qu'alimentaires" (C. consom., art. L. 332-6 [LxB=L5289DA7]).
Afin de l'aider dans sa prise de décision, le juge peut, dès l'ouverture du jugement, désigner un mandataire chargé d'établir un bilan économique et social (C. consom., art. L. 332-6). De même, et dans le souci d'avoir la mainmise sur le débiteur à compter du jugement d'ouverture, le juge peut ordonner un suivi social de celui-ci afin d'éviter l'accroissement de son endettement.
Les créanciers doivent, dans les deux mois de la publicité du jugement, déclarer leurs créances au mandataire ou, à défaut, au greffe du juge de l'exécution (C. consom., art. L. 331-3). Les créanciers doivent déclarer, à peine de nullité, le montant en principal, intérêts, accessoires et frais de la créance au jour de la déclaration. A défaut de déclaration dans les délais, les créanciers ont toujours la possibilité de saisir le juge dans un délai de six mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture. Dès lors, le juge effectue un relevé de forclusion dans le cas où le créancier demandeur justifie que son défaut de déclaration n'est pas dû de son fait.
Par la suite, le mandataire établit son bilan économique et social de la situation du débiteur qui comprend un état des créances. De son côté, le greffe dresse aussi l'état de celles-ci et le notifie aux parties par lettre recommandée.
Le juge peut prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine non professionnel du débiteur (C. consom., art. L. 332-8 [LxB=L5319DAA]). Il ne peut prendre une telle décision qu'au vu du bilan économique et social du mandataire ainsi qu'à l'aide de l'instruction de la Commission. De même, le juge ne peut prononcer une telle liquidation, facultative, que si elle permet de contenter le plus grand nombre de créancier.
Un liquidateur, nommé par le juge de l'exécution, tente, en premier lieu, une vente amiable. Les biens meublants nécessaires à la vie courante et les biens non professionnels indispensables à l'exercice de l'activité professionnelle en sont exclus par l'article 39 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ([LxB=L9125AG3]). Dans le cas d'une absence de vente amiable, le liquidateur doit procéder à la vente forcée des biens du débiteur.
La clôture est prononcée soit pour extinction du passif soit pour insuffisance d'actif (C. consom., art. L. 332-9 [LxB=L4839DAH]). Il entraîne alors l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur à l'exception de celles dont le prix a été payé aux lieu et place du débiteur.
Le jugement de clôture peut ordonner une mesure de suivi social destinée à aider le débiteur dans la gestion de son budget afin d'éviter un nouvel endettement.
Aspects jurisprudentiels
Une banque forme un recours contre une décision de la Commission de surendettement. Celle-ci avait, en effet, reçu la demande de surendettement d'un particulier. Le juge de l'exécution relève que les dettes visées sont des dettes non professionnelles contraires l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]). En effet, les dettes du débiteur ont été contractées en qualité de conjoint collaborateur d'un commerçant exploitant un fonds de commerce. De même, le prêt contracté par les co-débiteurs n'a servi qu'à l'acquisition du fonds susvisé et le surendettement du conjoint collaborateur n'est dû qu'au financement de ce fonds. Le juge de l'exécution s'appuie sur la circulaire d'application de la procédure de situation de surendettement des particuliers (Circulaire min., du 24 mars 1999, section 1 [LxB=L2034ATI]) qui stipule que "doit être considérée comme professionnelle toute dette ayant un rapport direct ou indirect avec l'activité économique exercée par le débiteur". On voit mal, alors, pourquoi les juges de la Cour de cassation n'ont pas accueilli les conclusions du juge de l'exécution. Pour constater le caractère non professionnel des dettes, la Haute juridiction se fonde sur interprétation ad litteram de l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3055DAE]) selon lequel le débiteur peut bénéficier d'une procédure de surendettement s'il a souscrit "un engagement d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société dès lors qu'il n'a pas été, en droit ou en fait, dirigeant de celle-ci". En outre, le caractère professionnel des dettes ne peut en aucun cas découler, de manière singulière, des qualités de co-emprunteur et de conjoint collaborateur du débiteur, et ce, même si elles n'ont servi qu'à l'acquisition d'un fonds de commerce.
Il convient toujours de vérifier si le débiteur est dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles ou à échoire. Contrevenir à l'article L. 330-1 du Code de la consommation ([LxB=L3063DAP]) est irrémédiablement sanctionné par la Cour de cassation. Ainsi une commission de surendettement avait-elle reçu la demande d'une débitrice. Le juge de l'exécution avait même rééchelonné le paiement des dettes de celle-ci et réduit le aux des intérêts. Pourtant, le litige est présenté à la cour d'appel à la suite d'un recours formé par la banque créancière, au motif que la débitrice n'est pas véritablement en état de surendettement. En effet, et dans le cadre d'une interprétation in extenso, la commission aurait dû prendre en considération la valeur de l'aliénation du bien immobilier du débiteur. Les juges de la deuxième chambre civile accueillent cet argument puisque la cour d'appel aurait dû s'interroger sur l'ensemble du patrimoine du débiteur et non se cantonner aux revenus et charge de celui-ci.
A la suite d'un plan conventionnel de redressement non respecté, deux co-débiteurs demandent à ce que leur situation de surendettement soit réexaminée. De prime abord refusée, la demande est finalement acceptée par une Commission de surendettement. Le juge de l'exécution déclare la demande irrecevable au motif que les débiteurs sont de mauvaise foi, puisqu'on ne peut aggraver sa situation après un plan conventionnel de redressement. Pour justifier sa décision, le juge prend appui sur l'article L. 333-2 du Code de la consommation ([LxB=L6806ABP]) qui dispose que le débiteur est déchu lorsque celui-ci a aggravé son endettement sans l'accord de la Commission ou du juge. Néanmoins, et au regard des faits, il apparaît que les débiteurs n'ont pas intentionnellement empiré leur situation de surendettement. D'une part, l'un des époux a, en effet, fait valoir son arrêt de travail pour cause de maladie. D'autre part, l'autre époux, pour cause de maternité, a été contraint de cesser son emploi. Or, selon une jurisprudence constante, le fait pour un débiteur de contracter des dettes, même après avoir été licencié pour faute, est insuffisant pour caractériser la mauvaise foi (Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-04.065, M. Zanarde c/ Comité interprofessionnel du logement, [LxB=A3120ACK]). En conséquence, le juge de l'exécution n'a pas pris ensemble tous les éléments pour apprécier la bonne foi des débiteurs.
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Réf. : Cass. civ. 3, 16 juin 2004, n° 03-11.314, Compagnie Foncière de la MACIF, venant aux droits de la SCI Alsace entrepôts par transmission universelle du patrimoine c/ Société Auchan France, F-P+B+I (N° Lexbase : A7441DCL)
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Le 07 Octobre 2010
La Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir rejeté cette demande dans la mesure où :
- les locaux loués étaient constitués d'un entrepôt de stockage et de bureaux ;
- le bail précisait qu'ils seraient à usage d'entreposage de produits de grande consommation ;
- les locaux ne constituaient pas le lieu d'exploitation d'un fonds de commerce.
Par conséquent, le locataire était en droit de quitter les lieux au terme de la dernière prorogation de la convention, soit le 31 décembre 1995.
Cet arrêt apporte donc une précision intéressante sur l'applicabilité du statut des baux commerciaux à l'expiration du bail dérogatoire de courte durée.
Le statut des baux commerciaux est, pour la plupart de ses dispositions, d'ordre public (C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5743AIK et L. 145-16 N° Lexbase : L5744AIL). Les parties, en principe, ne peuvent donc contractuellement décider qu'il ne s'appliquera pas à leur bail si ses conditions d'application sont remplies.
Cependant, une exception est prévue à l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L5733AI8). Les parties peuvent, en effet, conclure un bail dérogatoire au statut. Ce dernier est un bail, comme l'a parfaitement défini J.-P. Blatter dans une formule condensée, "initial, unique et d'une durée de deux ans au plus" (J.-P. Blatter, "Les conventions exclues du statut des baux commerciaux", Rev. Loyers 2004, p. 64).
Aux termes du premier alinéa de ce texte, les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, prévoir la mise à l'écart du statut à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux années. Cette volonté doit être clairement exprimée (Cass. civ. 3, 8 novembre 1972, n° 71-13.008, Boudes c/ Choisy N° Lexbase : A6812AGE et CA Agen, 16 octobre 1986, n° 993/85, Ginibrière c/ Tastets N° Lexbase : A3557A4I).
Le deuxième alinéa de l'article prévoit que, si à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession des lieux, il s'opère un nouveau bail soumis au statut. Il faut donc non seulement que le preneur soit resté dans les lieux, mais que le bailleur ait également consenti, ne serait-ce que tacitement, à ce que le preneur y reste. Le bailleur devra sur ce point être vigilant, la Cour de cassation ayant jugé que le bail dérogatoire devait être soumis au statut lorsque le bailleur n'avait pas demandé au locataire de quitter les lieux avant son expiration (Cass. civ. 3, 1er juin 1994, n° 92-12.186, Suttel c/ Epoux Gayraud N° Lexbase : A8034CKR).
Le troisième alinéa de l'article L. 145-5 du Code de commerce précise qu'il en sera de même si les parties renouvellent expressément le bail ou qu'elles concluent un nouveau bail pour le même local. Cette dernière opération, au demeurant, devrait en réalité être analysée en un renouvellement qui ne porterait pas son nom. Les parties ne peuvent donc conclure un nouveau bail à l'expiration du premier, même si la durée totale serait inférieure à deux années, sans échapper à l'application du statut. Dans ses propositions pour la modernisation des baux commerciaux, le groupe de travail s'est prononcé en faveur de la possibilité d'une succession de plusieurs baux dérogatoires dans la limite de la durée de deux années (rapport, p.61).
Toutefois, l'application du statut, dans ces deux hypothèses, n'est pas une fatalité.
En effet, faisant une application controversée (voir la critique limpide de B. Boccara in "Le droit fondamental privé en question(s) IV : la tacite reconduction, l'ordre public et les baux commerciaux de dérogation", JCP éd. G 1996, I, 3898), de la règle selon laquelle il est possible de déroger à l'application d'une loi d'ordre public après la naissance du droit qu'elle consacre, la Cour de cassation admet que le locataire puisse valablement renoncer, de manière expresse, à l'application du statut une fois le droit à son application acquis (Cass. civ. 3, 20 février 1985, n° 83-15.730, Consorts Ruberti c/ Mme Raibaud N° Lexbase : A7645AGA et, dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt rapporté, Cass. civ. 3, 21 novembre 2001, n° 00-14.761, société civile immobilière (SCI) Alsace entrepôts c/ Société Alsacienne de supermarchés (SASM), FS-D N° Lexbase : A2032AXK).
Dans l'espèce rapportée, le bail dérogatoire, conclu le 28 juillet 1989 pour une durée de vingt-trois mois, avait été conventionnellement plusieurs fois prorogé jusqu'au 31 décembre 1995. L'article L. 145-5 du Code de commerce avait donc vocation à s'appliquer dans la mesure où il était difficilement contestable que le preneur était et avait été laissé en possession des lieux. Il est toutefois intéressant de souligner, même si le problème n'a pas été abordé, que la prorogation du bail, qui est la continuation d'un même bail au-delà de son terme, ne peut être assimilée à la reconduction, qui est la conclusion d'un nouveau bail. Or, implicitement mais nécessairement, l'article L. 145-5 du Code de commerce semble viser l'hypothèse de la tacite reconduction telle qu'elle est définie par l'article 1738 du Code civil (N° Lexbase : L1860ABI).
L'application de l'article L. 145-5 du Code de commerce n'était donc pas discutée. Cependant, le statut des baux commerciaux était-il pour autant applicable à la convention litigieuse ? En d'autres termes, l'article L. 145-5 du Code de commerce crée-t-il un critère autonome d'application du statut ?
Les deuxième et troisième alinéa de l'article L. 145-5, lus isolément, pourraient le laisser entendre. Cependant, ils ne peuvent être appréhendés en dehors du premier aliéna qui précise que "les parties peuvent échapper, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux disposition du présent chapitre [chapitre V : du bail commercial], à la condition que le bail soit conclu pour une durée inférieure au plus égale à deux années". Or, par hypothèse, pour déroger au statut... il faut déjà y être soumis ! Par conséquent, il ne devrait pas s'appliquer dans les cas visés aux deuxième et troisième alinéa si, en amont, la convention ne se situe pas elle-même dans son champ d'application.
La Cour de cassation s'était déjà prononcée, in fine, en ce sens en refusant l'application du statut à un bail dérogatoire où le preneur avait été laissé en possession des lieux au motif que ce dernier n'avait pas de clientèle et qu'il n'exerçait pas son activité dans un local au sens de l'article L. 145-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L5729AIZ) (Cass. civ. 3, 5 juillet 1995, n° 93-17.674, Mme Fosse c/ Société des Grands Magasins ardennais N° Lexbase : A7931ABD, RD imm., janv-mars 1996, p. 117).
Un arrêt avait pu semer le doute même si certains ne s'y étaient pas laissé piéger (J. Monéger, obs. sous Cass. civ. 3, 30 avril 1997, JCP éd. N 1997, p. 1538). Dans une décision du 30 avril 1997, la Cour de cassation avait, en effet, jugé que le bénéfice du statut des baux commerciaux ne pouvait être refusé au locataire resté en possession des lieux loués à la suite de l'expiration d'un bail de courte durée, au motif qu'il n'était pas encore inscrit au registre du commerce à la date de cette expiration. Or, l'inscription au registre du commerce et des sociétés semble bien, à la lecture de la disposition qui la prévoit, constituer une condition d'application du statut (C. com., art. L. 145-1).
Cependant, la jurisprudence a précisé qu'elle ne constituait qu'une condition du droit au renouvellement (Cass. civ. 3, 1er octobre 1997, n° 95-15.842, Syndicat mixte pour l'aménagement touristique de la montagne c/ Mathot N° Lexbase : A1903ACH et Cass. civ. 3, 1er octobre 2003, n° 02-10.381, FS-P+B N° Lexbase : A6682C9D).
Cet arrêt ne pouvait donc être interprété comme remettant en cause la solution qui se dégageait de l'arrêt de l'arrêt du 5 juillet 1995 (Cass. civ. 3, 5 juillet 1995, n° 93-17.674, Mme Fosse c/ Société des Grands Magasins ardennais, précité).
L'arrêt rapporté confirme cette vue en approuvant la cour d'appel d'avoir refusé l'application du statut au bail dérogatoire qui s'était prolongé bien au-delà de la durée maximale de deux années au motif, pour l'essentiel, qu'aucun fonds de commerce n'y était exploité, condition essentielle d'application du statut (C. com., art. L. 145-1).
La solution doit être approuvée, tant au regard de l'article L. 145-5 du Code de commerce, comme il a été démontré, qu'au regard de son opportunité. En effet, aucune raison valable ne justifierait l'application du statut à un bail qui normalement n'y est pas soumis au motif que les parties ont conclu préalablement un bail de courte durée, sauf à considérer qu'elles ont procédé, ce faisant, à une extension conventionnelle du statut en choisissant de l'exclure : impossible à soutenir.
Julien Prigent
Avocat au barreau de Paris
(1) C'est donc le bailleur qui invoque l'application de l'article L.145-5 du Code de commerce. La Cour de cassation a déjà précisé que l'application de cette disposition peut être invoquée par les deux parties au bail (Cass. civ. 3, 27 avril 1988, n° 87-11.667, Société civile immobilière Saint-Claude c/ Société Vitrage isolant technique N° Lexbase : A8437AAQ).
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Le 07 Octobre 2010
- Les enjeux de l'harmonisation comptable pour notre droit fiscal ;
- L'impact fiscal de la convergence du plan comptable général vers les IFRS ;
- L'impact des normes internationales sur la notion d'impôt différé.
- Eric Delesalle, expert-comptable, commissaire aux comptes, professeur agrégé, CNAM-INTEC, président de la Commission supérieure de l'Ordre des experts-comptables ;
- Hervé Quéré, directeur divisionnaire, chef de section, direction de la Législation fiscale, Bureau B1 ;
- Dominique Villemot, avocat associé, cabinet Villemot Névot Barthès, président du groupe IAS Fiscalité du Conseil national de la comptabilité.
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