Lecture: 3 min
N1189BWX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 04 Février 2016
L'exercice de courtoisie pourrait paraître convenu, tant il est rodé depuis de nombreuses années ; le ministre en exercice serrant les dents et sourire aux lèvres face aux critiques et mécontentements des avocats de France, avant de répondre, point par point, aux rodomontades dont il a connaissance depuis des lustres, pour la plupart d'entre elles. Le style est ampoulé, les effets oratoires sont au rendez-vous et une citation -d'Aimé Césaire ou d'un autre- la bienvenue.
Et bien rien de tout cela n'arriva ce vendredi 30 janvier 2016, en la salle des réceptions de l'hôtel de Castiglione. La faute, que dis-je la grâce, au temps : à ce peu de temps que pouvait consacrer le ministre nouvellement nommé, qui se devait d'enchaîner les visites auprès des administrations sous sa tutelle.
Du coup, le Président Yves Mahiu a convenu à l'essentiel, brossant rapidement le portrait sous embolie d'une justice asphyxiée, d'une France en liberté... surveillée. Il y reviendra plus longuement, dans un discours à l'attention des membres de la Conférence, pour que l'on ne pense pas que les combats des avocats pour l'accès à la justice et la préservation des libertés soient tombés aux oubliettes. La concision et la pertinence oratoire auront pour premier objectif d'inscrire la loyauté dans les échanges qui émailleront les débats entre la Chancellerie et les avocats. Une loyauté tôt conjuguée à la rudesse, tant l'antagonisme est sincère sur nombre de sujets et réformes orchestrées par les pouvoirs publics.
Ce à quoi le nouveau ministre, Maître de conférence en droit public en disposition, mais surtout ancien Président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, a répondu avec une franchise et un pragmatisme hors pairs.
D'abord, citant Lao Tseu -ou Apocryphe car là n'est pas l'essentiel, rompant dès lors avec le style de son prédécesseur-, Jean-Jacques Urvoas a prévenu qu'il parlerait peu... de crainte d'être réduit au silence. Ensuite, le ministre de la Justice n'a pas fait mystère que son mandat, quinze mois, l'obligeait à circonscrire ses ambitions quant à la réforme de la Justice tant attendue. C'est pourquoi, enfin, il a fait cet aveu, cinglant et lourd de sens, aux termes duquel il s'engageait à n'oeuvrer que pour une seule loi : la loi de finances !
Ite missa est : le sort de la Justice, donc celui des magistrats et des avocats relève, désormais, clairement des cordons de Bercy ; le ministre de tutelle, passant sous celle progressivement élaborée du ministre du Budget. Il n'y a pas là grand mystère : toute modernisation de la Justice du XXIème siècle, toute réforme de l'accès au droit et à la justice à travers l'aide juridictionnelle passe par la dotation de moyens plus, beaucoup plus conséquents. Et le ministre d'exhorter les Bâtonniers à convaincre l'opinion publique de dépenser plus pour la Justice, que pour... la redevance télévisuelle ! La formule est sans ambages et en dit long sur l'état de notre société ; que ce soit au regard des moyens de la justice, elle-même, ou celui des conditions pénitentiaires.
Pourtant, on sait bien que la seule loi de finances ne permettra pas d'annihiler les inquiétudes des avocats, et à travers eux celles des citoyens justiciables. Et le nouveau ministre aura tôt à faire avec la grande révision de la Constitution en préparation, la constitutionnalisation de l'état d'urgence, le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et la réforme de la procédure pénale. Et rien ne dit que les arlésiennes sur la refonte du Conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la Cour de justice de la République et celle du statut pénal du chef de l'Etat ne viennent pas agrémenter le bilan -dans quinze mois- du tout nouveau ministre. En revanche, la création de "tribunaux de première instance", un temps pressentie, semble patiner, de même que la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs.
Mais l'enjeu, ce 30 janvier, était de rassurer les avocats sur la compréhension du ministre quant aux préoccupations existentielles d'une profession qui, selon la presse, "tousse, alors que la justice est enrhumée".
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451189
Réf. : Cass. QPC, 20 janvier 2016, n° 15-40.041, F-D (N° Lexbase : A5677N4Z)
Lecture: 1 min
N1116BWA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 04 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451116
Réf. : Cass. civ. 2, 14 janvier 2016, n° 15-10.130, F-P+B (N° Lexbase : A9244N3R)
Lecture: 7 min
N1124BWK
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Jean Bouëssel du Bourg, Docteur en droit, ancien Bâtonnier, Avocat au barreau de Rennes
Le 04 Février 2016
On l'a d'abord vu apparaître en matière d'aide juridictionnelle partielle. Depuis la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), l'article 35 de cette loi prévoit qu'il est possible à l'avocat de réclamer un honoraire complémentaire de l'indemnité versée par l'Etat à condition de rédiger une convention.
L'article 10 du décret précité a ensuite prévu la rédaction d'une convention d'honoraires lorsque l'avocat est rémunéré en tout ou partie au titre d'un contrat de protection juridique sauf si l'avocat intervient en urgence.
L'article 14 de la loi du 13 décembre 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), a également rendu obligatoire les conventions d'honoraires pour les procédures de divorce.
Depuis la loi "Macron" (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC), la convention d'honoraires s'impose désormais en toute matière (consultation, postulation, assistance, conseil, rédaction d'actes, plaidoirie).
On peut penser que ces nouvelles lois constituent un progrès pour le consommateur qui a légitimement soif de savoir à quoi il s'engage. Mais ces nouvelles lois n'ont aucunement réglé le problème. Aucune de ces lois ne prévoit que la convention doit fixer un honoraire forfaitaire.
L'article 51-6° de la loi du 6 août 2015 dispose, en effet, que : "les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client".
La convention d'honoraires peut se contenter de déterminer un mode de calcul des honoraires par exemple un tarif horaire. Le client n'en saura pas pour autant à combien lui reviendra le service demandé...
La convention ne donnera par ailleurs aucune sécurité à l'avocat car rien n'interdit au client qui a signé une convention d'honoraires et s'est engagé sur un montant, de solliciter malgré tout, la taxation des honoraires. On peut certes penser que le juge taxateur aura plutôt tendance à appliquer le montant convenu lorsque ce montant avait un caractère forfaitaire mais il n'en n'a pas l'obligation. Nonobstant les dispositions de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), les honoraires initialement convenus peuvent être réduits lorsqu'ils apparaissent exagérés au regard du service rendu. Le juge n'est lié par la convention que si les honoraires ont été acceptés après service rendu (Cass. civ. 1, 24 novembre 1999, n° 98-13.044 N° Lexbase : A8426CZ4, JCP éd. G, 2000, I, 231).
Sauf en matière d'aide juridictionnelle partielle, les obligations de convention d'honoraires n'ont été assorties d'aucune sanction. En matière d'aide juridictionnelle partielle, il est prévu que la convention sera nulle si elle n'est pas communiquée au Bâtonnier.
On pouvait se demander si certains juges ne seraient pas enclins cependant à rejeter toutes demandes d'honoraires dès lors que l'avocat n'aurait pas respecté son obligation d'information et de rédaction d'une convention d'honoraires puisque celle-ci est obligatoire et ce, même lorsqu'il ne s'agit pas d'aide juridictionnelle partielle.
La question a été soumise à la Cour de cassation en matière de protection juridique. Elle y répond dans son arrêt du 14 janvier 2016.
Dans cette affaire, une avocate avait sollicité la taxation de ses honoraires. Pour réduire à 300 euros le montant des honoraires dus à l'avocat, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait indiqué qu'aucune convention d'honoraires n'avait été signée par les parties alors que la cliente bénéficiait d'un contrat de protection juridique. Or, le barème de cette compagnie d'assurance prévoyait un honoraire de 300 euros pour une assistance devant le bureau de conciliation. Le premier président avait donc estimé que l'avocat qui n'avait pas respecté ses obligations déontologiques en ne faisant pas signer une convention d'honoraires prévoyant un honoraire supérieur ne pouvait réclamer davantage que ce qui était stipulé au barème de la compagnie (CA Aix-en-Provence, 4 novembre 2014, n° 14/03863 N° Lexbase : A6175MZQ).
La sanction était lourde car il n'est pas contestable qu'une intervention devant le bureau de conciliation peut nécessiter des diligences importantes pour faire échec par exemple à une demande de provision ou à une demande de remise de documents.
La Cour de cassation a cassé cette décision au visa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) et de l'article L. 127-5-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L6586HWT).
Cette décision ne peut qu'être approuvée pour plusieurs raisons.
L'obligation de signer une convention d'honoraires en matière de protection juridique n'est pas assortie d'une sanction permettant de limiter le montant des honoraires réclamés. Dès lors, le juge taxateur ne pouvait pas en infliger une et il devait, selon les dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, taxer les honoraires à partir des critères énumérés par ce texte (usages, situation de fortune du client, difficulté de l'affaire, frais exposés, notoriété de l'avocat, diligences accomplies).
Il faut rappeler au passage que cette obligation de signer des conventions d'honoraires en matière de protection juridique avait été instaurée non pas pour protéger le consommateur mais pour protéger les avocats victimes de ces tarifications réduites imposées par les assureurs. Pour cette raison, depuis la loi du 19 février 2007, l'article L. 127-5-1 du Code des assurances dispose que "les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client, sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec l'assureur de protection juridique".
L'avocat, qui est confronté à une assurance protection juridique a le choix entre accepter le tarif qu'on lui soumet ou se voir retirer le dossier. Depuis le décret du 12 juillet 2005, l'article L. 127-5-1 du Code des assurances et l'article L. 224-5-1 du Code de la mutualité (N° Lexbase : L6706HWB) interdisent les accords d'honoraires entre l'assureur et l'avocat. L'honoraire doit être en principe fixé librement entre l'avocat et son client.
En rendant obligatoire les conventions d'honoraires, le législateur avait l'espoir que les avocats puissent échapper à la tarification de leurs honoraires par les compagnies d'assurance. Cet espoir est resté la plupart du temps sans lendemain puisque des compagnies expliquent à leurs assurés qu'elles peuvent leur trouver un avocat qui fera le travail pour le montant prévu à leur barème, ce qui incite les clients à prendre l'avocat proposé par la compagnie. L'avocat n'aura pas d'autre choix que d'accepter le barème de la compagnie s'il souhaite recevoir de nouveaux dossiers...
Il serait donc paradoxal qu'une règle instaurée pour protéger les avocats soit utilisée pour les priver de leurs honoraires.
La deuxième raison qui justifie la cassation est qu'il ne faut pas confondre le manquement déontologique et le montant des honoraires. Le juge taxateur ne peut pas réduire le montant des honoraires d'un avocat au motif que celui-ci a commis une faute qu'elle soit civile ou disciplinaire.
L'avocat qui commet une erreur dans un dossier n'est pas pour autant privé de son droit à honoraire. Sa faute peut seulement permettre d'ouvrir une autre action distincte qui donnerait éventuellement droit à des dommages intérêts. Le juge taxateur n'a pas le pouvoir de se prononcer sur la responsabilité de l'avocat qui aurait manqué à son obligation de conseil. Il ne peut pas examiner l'utilité des diligences dont il constate l'existence (Cass. civ. 2, 10 juin 2010, n° 09-11.914, F-D N° Lexbase : A0075EZS).
Il est bien certain qu'une faute déontologique peut donner naissance à une action disciplinaire mais cette faute n'est pas de nature à justifier une diminution du montant des honoraires. Ainsi, l'avocat qui omet d'informer son client du montant prévisible de ses honoraires commet une faute déontologique puisque l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 prévoit que l'avocat doit "dès sa saisine" informer son client sur le montant de ses honoraires mais ce n'est pas parce qu'il a commis une telle faute que le juge taxateur peut le priver de ses honoraires.
Une décision avait déjà été prise en ce sens par la cour d'appel de Nîmes pour une convention d'honoraires en matière de divorce, convention obligatoire depuis la loi du 13 décembre 2011. Le juge taxateur avait rappelé que l'absence de convention ne pouvait pas priver l'avocat de son droit aux honoraires et qu'il convenait dans ce cas d'en apprécier le montant au regard des principes énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (CA Nîmes, 5 mars 2015, n° 14/04940 N° Lexbase : A0433NDE).
Une troisième raison mérite d'être avancée pour rejeter la solution de la décision cassée. La solution proposée par le juge taxateur aboutit à imposer à l'avocat le barème de la compagnie d'assurance dès lors qu'il n'a pas signé de convention d'honoraires. Or, l'assureur ne peut pas intervenir sur le contenu de la convention d'honoraires passée entre l'avocat et son client en vertu de l'article L. 127-5-1 du Code des assurances qui dispose que les honoraires sont déterminés par un accord entre le client et son avocat.
Il s'agit au demeurant d'un document couvert par le secret professionnel qui ne peut même pas être soumis à la compagnie d'assurance. Si le principe proposé était appliqué cela reviendrait à mettre en application un barème qui n'est pas opposable à l'avocat et à appliquer le barème de la compagnie alors même qu'elle ne peut pas intervenir sur le contenu de la convention d'honoraires.
Il faut rappeler enfin que l'article L.121-4 du Code des assurances permet de cumuler les contrats de protection juridique pour pouvoir couvrir les honoraires de l'avocat. On ne voit pas dès lors comment on pourrait retenir comme référence le barème d'un seul contrat de protection juridique.
Cette décision peut paraître quelque peu rassurante pour les avocats qui peuvent oublier dans l'urgence d'établir une convention d'honoraires. Il faut quelquefois agir dans les heures qui suivent la saisine et il n'est pas toujours possible alors d'attendre d'avoir une convention signée pour agir. Si tel devait être le cas, il y aurait risque que les avocats refusent d'intervenir dans l'urgence sans convention et cela se retournerait contre le justiciable.
Pour autant la loi "Macron" doit être appliquée et on ne peut qu'inciter les avocats à aller vers une clarification de leurs honoraires afin de leur permettre d'éviter des contestations qui pourraient être évitées.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451124
Réf. : Cass. civ. 2, 28 janvier 2016, n° 14-29.185, F-P+B+I (N° Lexbase : A9588N4U)
Lecture: 1 min
N1129BWQ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 04 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451129
Réf. : Décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016 (N° Lexbase : L3565KYP)
Lecture: 2 min
N1224BWA
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451224
Réf. : Cass. civ. 3, 28 janvier 2016, n° 14-28.812, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9586N4S)
Lecture: 2 min
N1127BWN
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 04 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451127
Réf. : Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, relative aux contrats de concession (N° Lexbase : L3476KYE) et décret n° 2016-86 du 1er février 2016, relatif aux contrats de concession (N° Lexbase : L4192KYW)
Lecture: 2 min
N1203BWH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451203
Lecture: 19 min
N1126BWM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Lorraine
Le 04 Février 2016
Le Conseil constitutionnel n'a censuré dans sa décision sur la loi "NOTRe" du 7 août 2015 qu'une disposition juridiquement mineure malgré son enjeu politique : le mode de répartition des sièges de conseillers de la métropole du Grand Paris. Le juge constitutionnel s'est toutefois bien gardé de délivrer un certificat de constitutionnalité à l'ensemble de la loi. Ses autres dispositions, comme, par exemple, celles présentant un caractère financier, demeurent donc attaquables dans certains cas. Il en est ainsi en cas d'inconventionnalité de la loi. La violation par le législateur d'une convention internationale serait alors invocable tout autant devant le juge ordinaire que devant un juge européen. Ce moyen aboutit cependant rarement en matière financière. Certaines dispositions pourraient aussi être contestées par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil constitutionnel après le filtre du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Dans ce cas, le requérant devra pouvoir invoquer la violation d'un droit fondamental constitutionnel, ce qui en matière budgétaire ou comptable n'est pas toujours évident. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique...
Principalement destinée à clarifier la répartition des compétences entre les collectivités locales après la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (N° Lexbase : L3048IZW) (dite "MAPTAM"), la loi "NOTRe" contient une dizaine de dispositions relatives aux finances locales. Elles sont regroupées au titre IV de la loi, lui-même divisé en trois chapitres : transparence financière de l'action locale, responsabilité financière des collectivités locales et de leurs établissements et Observatoire des finances et de la gestion publique locales.
1 - Tout d'abord, le débat d'orientation budgétaire (DOB) est renforcé dans les collectivités locales les plus importantes, à savoir les communes de plus de 3 500 habitants (CGCT, art. L. 2312-1 N° Lexbase : L2577KGK), départements (CGCT, art. L. 3312-1 N° Lexbase : L2575KGH) et régions (CGCT, art. L. 4312-1 N° Lexbase : L2573KGE). Il pourra désormais s'appuyer sur un rapport d'orientation budgétaire (ROB) et devra donner lieu à une délibération de l'assemblée locale. Ce ROB devra être déposé devant l'organe délibérant dans les deux mois qui précèdent l'examen du budget local (dix semaines pour les régions). Il est destiné à améliorer l'information des élus non seulement en détaillant les orientations budgétaires proposées, mais aussi en matière de dette locale (1) et d'engagements pluriannuels de la collectivité locale. Les communes de plus de 10 000 habitants doivent de surcroît transmettre ce rapport au préfet et à leur EPCI. Les départements et les régions, quant à eux, doivent le communiquer au préfet. Son contenu est en outre étoffé dans les collectivités locales de plus de 10 000 habitants par, notamment, des données relatives à l'évolution prévisionnelle des dépenses de personnel. Un tel ROB est aussi prévu dans les EPCI de plus de 10 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 3 500 habitants (CGCT, art. L. 5211-36 N° Lexbase : L2571KGC). Il doit être transmis aux communes membres.
2 - Les organes délibérants ne peuvent pas toujours estimer à leur juste mesure les coûts de fonctionnement induits lors de leur approbation d'un investissement local. A partir d'un certain coût de l'investissement, les exécutifs locaux doivent à l'avenir transmettre à leur assemblée délibérante une étude d'impact pluriannuelle des dépenses de fonctionnement engendrées par une opération exceptionnelle d'investissement (modification de l'article L. 1611-9 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L2524KGL). Les seuils applicables seront fixés par décret en fonction de la catégorie et du nombre d'habitants de la collectivité ou de l'EPCI.
3 - La loi "NOTRe" étend ensuite l'information du public en matière financière. Les communes (modification de l'article L. 2313-1 du même code N° Lexbase : L3198KGK), les départements (modification de l'article L. 3313-1 du même code N° Lexbase : L2574KGG) et les régions (modification de l'article L. 4313-1 du même code N° Lexbase : L2572KGD) doivent désormais joindre une synthèse au budget primitif et au compte administratif. Cette synthèse devra être publiée sur le site internet de la collectivité locale avec le ROB et la note explicative ou les rapports annexés au budget primitif et au compte administratif (2). La loi prend étrangement la peine de préciser que cette dernière disposition ne s'applique que si la collectivité locale est dotée d'un site internet. Peut-être afin de ne pas consacrer une obligation législative de se doter d'un site internet pour les collectivités locales ?
4 - La loi "NOTRe" marque par ailleurs une nouvelle étape dans la dématérialisation des documents administratifs. Dans un délai de cinq ans, les documents budgétaires des collectivités locales et des EPCI de plus de 50 000 habitants devront être transmis au préfet sous forme numérique. La quatrième année suivant la promulgation de la loi (nouvel article L. 1617-6 du Code général des collectivités territoriales), il en sera de même pour les pièces justificatives transmises au comptable public par les collectivités locales et certains EPCI (ceux de plus de 10 000 habitants ou bien ceux dont les recettes de fonctionnement sont supérieures à vingt millions d'euros).
5 - Dorénavant, les avis des CRC (chambres régionales des comptes) et les arrêtés des préfets intervenant dans le cadre du contrôle des budgets locaux sont, dans certains cas, immédiatement rendus publics avant même que l'assemblée délibérante concernée ne se réunisse. Les avis de la CRC et les arrêtés du préfet bénéficient ainsi d'un retentissement plus large en cas de dépassement du délai d'adoption du budget local, d'adoption d'un budget déséquilibré, de rejet du compte administratif ou d'apparition d'un déficit lors de l'exécution du budget local. Cette novation permet en effet une double avancée. D'une part, l'information des assemblées locales est accélérée puisque la publicité n'est plus fixée à sa prochaine réunion. D'autre part, l'information du public est améliorée, ce qui augmente la pression sur l'organe délibérant et l'exécutif local pour revenir dans les clous de la légalité budgétaire.
6 - La loi "NOTRe" tente, en outre, de renforcer le suivi des observations des CRC. Les exécutifs locaux (collectivité locale ou EPCI) doivent à présent répondre aux observations définitives des CRC dans un délai d'un an après leur transmission. Ils doivent ainsi déposer devant leur assemblée délibérante un rapport sur les mesures correctrices entreprises (C. jurid. finan., art. L. 132-7 N° Lexbase : L2527KGP). Ces rapports seront aussi transmis aux CRC. La synthèse de ces rapports sera présentée par chaque CRC à la conférence territoriale de l'action publique et communiquée à la Cour des comptes. Le Palais Cambon consacre déjà en effet une partie de son rapport public annuel aux suites données aux observations définitives des juridictions financières. Dans le cas des EPCI, les maires des communes membres deviennent destinataires des observations définitives des CRC et doivent les présenter devant leur organe délibérant. Un débat sur ce sujet est même prévu devant le conseil municipal.
7 - Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les finances locales publié chaque année en octobre depuis 2013 devient un rapport annuel sur la situation financière et la gestion des collectivités locales et de leurs établissements (C. jurid. finan., art. L. 132-7). Ce que la loi "MAPTAM" n'avait pas réussi à atteindre en raison de l'opposition du Sénat au Haut conseil des territoires, a été réalisé par le Parlement lors du vote de la loi "NOTRe". Le rapport sur les finances locales quitte le statut périphérique du rapport thématique pour devenir un rapport égal en dignité à celui sur l'exécution des lois de finances, sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale ou les perspectives des finances publiques. Il est aussi expressément prévu que ce rapport soit transmis au Gouvernement et au Parlement.
Le respect des critères du Traité de Maastricht s'appréciant au vu des déficits de l'ensemble des administrations publiques (étatiques, sociales et locales), les administrations publiques locales ne peuvent pas échapper aux efforts de redressement des finances publiques nationales. Ce rapport permet de mieux connaître la situation des finances locales et d'identifier des pistes d'économies. Son renforcement constitue une source supplémentaire d'information pour les parlementaires. C'est pourquoi il est permis de penser qu'il anticipe l'éventuelle création de lois de financement des collectivités locales. Cette nouvelle catégorie de lois financières chercherait à davantage concilier, à l'instar des lois de financement de la Sécurité sociale pour ses différents régimes, autonomie financière des collectivités locales et maîtrise des déficits publics.
8 - Après le lancement de la certification des comptes de l'Etat et des régimes de Sécurité sociale en 2006 puis des hôpitaux en 2007 et des Universités en 2009, le chantier de la certification des comptes locaux est enfin inauguré par l'article 110 de la loi "NOTRe". Les collectivités locales et les EPCI ont jusqu'au 17 août 2016 pour se porter candidates à une expérimentation conduite par la Cour des comptes. Une telle expérimentation est en effet permise par l'article 37-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5155IBK) depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République N° Lexbase : L8035BB9) (3). Notons au passage qu'une telle certification n'est pas seulement une exigence comptable : elle découle aussi de la Directive européenne du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres (N° Lexbase : L8173IR7). Elle débutera en 2018 afin de laisser le temps aux acteurs concernés de s'y préparer et devrait durer cinq ans. Un rapport intermédiaire (au bout de trois ans) puis un rapport définitif (à la fin de l'expérimentation) seront remis au Parlement par le Gouvernement. On aurait pu s'attendre à ce que les parlementaires soient directement informés sur cette expérimentation par la Cour des comptes. Ces rapports comprendront cependant les observations de la Cour des comptes (ainsi que des collectivités locales et des EPCI concernés).
9 - L'Observatoire des finances locales est rebaptisé Observatoire des finances et de la gestion publique locale à l'occasion de l'extension de ses missions (CGCT, art. L. 1211-4 N° Lexbase : L2581KGP). Il avait déjà pour mission d'analyser la gestion des collectivités locales par le biais d'un rapport annuel sur la situation financière des collectivités locales et d'études pluriannuelles sur l'évolution des dépenses locales. Il est désormais chargé de la diffusion des bonnes pratiques en ce domaine et pourra évaluer des politiques publiques locales. Il se voit notamment confier la tache de rassembler et d'actualiser les données et les statistiques relatives aux politiques et à la gestion locales. Dans cette optique, il lui faudra mettre en place un tableau du coût des principaux services publics locaux afin de faciliter les comparaisons entre les collectivités locales.
10 - La CJUE tient l'Etat pour seul responsable en cas de manquement au droit de l'Union européenne (4). A partir du 1er janvier 2016, en cas de recours contre la France pour manquement devant la CJUE (TFUE, art. 258 N° Lexbase : L2571IPW à 260), une procédure provisoire sera mise en place afin d'associer la collectivité locale, l'EPCI ou l'établissement public local (EPL) concerné au paiement de l'amende et des astreintes prononcées (CGCT, art. L. 1611-10 N° Lexbase : L2528KGQ). Cette procédure est en effet seulement provisoirement mise en place afin de laisser au Gouvernement le temps d'améliorer son projet de recours récursoire rejeté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette procédure devrait surtout s'appliquer au contentieux des fonds européens dont la gestion est totalement décentralisée depuis la loi "MAPTAM".
La collectivité locale, le groupement ou l'établissement public concerné doit être informé du recours en manquement dès son dépôt. Un avis rendu par une commission indépendante recommandera une répartition de l'amende et des astreintes entre l'Etat et la collectivité locale, le groupement ou l'établissement public concerné. Cette commission sera composée de magistrats du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, ainsi que de représentants des collectivités locales. Saisie par le Premier ministre, elle pourra auditionner des experts en plus des représentants de l'Etat et des collectivités locales, du groupement ou de l'établissement public concerné. Son avis sera rendu avant même l'arrêt de la CJUE mais pourra être rectifié par la suite en fonction du niveau de l'amende et des astreintes. Le montant à la charge de la collectivité locale représentera une dépense obligatoire au sens de l'article L. 1612-15 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8456AAG). Un abattement ou une modulation du remboursement seront toutefois envisageables. Comme on le voit, cette procédure ne s'applique pas aux personnes juridiques de droit privé.
Les annulations prononcées par le Conseil constitutionnel lors du contrôle de la loi de finances initiale pour 2016 ne concernent, en matière de finances locales, que la fiscalité locale (l'amendement "Ayrault" sur la CSG et la taxation des transactions financières intrajournalières). Les autres dispositions financières intéressant les collectivités locales sont donc applicables en l'état actuel du droit et en l'absence d'inconventionnalité ou de QPC victorieuse. Nous allons rapidement commenter les principales d'entre elles.
1 - Dans le cadre du Pacte de confiance et de solidarité, proposé par l'Etat aux collectivités locales en 2013 et précisé par la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014, de programmation des finances publiques pour 2014-2019 (N° Lexbase : L2842I7E), les dotations de l'Etat aux collectivités locales doivent baisser de 10,5 milliards d'euro entre 2015 et 2017. Ces 10,5 milliards représentent la contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques nationales. Toutes administrations publiques confondues, 50 milliards de réduction des dépenses publiques ont été prévues entre 2015 et 2017 afin de revenir au respect des critères du Traité de Maastricht. Les 10,5 milliards d'économies attendues des collectivités locales sur les 50 milliards d'économies toutes administrations publiques confondues sont proportionnelles au poids des collectivités locales au sein de l'ensemble de la dépense publique. Il est cependant admis que le pacte de sécurité proposé par le président de la République après les attentats du 13 novembre 2015 éloigne de cet objectif.
Après une baisse de 1,5 milliards en 2014 et 3,5 milliards en 2015, les dotations étatiques versées aux collectivités locales vont à nouveau baisser de 3,5 milliards d'euros en 2016 (5). En pratique, seule la DGF (dotation générale de fonctionnement) est affectée. Un même effort est attendu des collectivités locales en 2017. Les 3,5 milliards de réduction des dotations étatiques sont répartis entre les collectivités locales en fonction de leurs recettes réelles de fonctionnement. Les communes perdent ainsi 1,45 milliards, les EPCI à fiscalité propre, 621 millions, les départements, 1,148 milliards et les régions, 451 millions. Cette baisse de la DGF est toutefois en partie compensée par une hausse de la péréquation verticale. La dotation nationale de péréquation est supprimée afin d'augmenter la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR).
2 - La loi de finances initiale pour 2016 initie la grande réforme de la DGF tant attendue en raison de la complexité de sa construction actuelle. En 2015, le rapport "Pires-Beaune" (Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : osons la réforme, remis au Premier ministre le 24 juillet 2015) avait notamment dénoncé cette situation et proposé des améliorations. L'année précédente, des pistes intéressantes d'évolution avaient déjà été préconisées dans le rapport "Malvy-Lambert" (Pour un redressement des finances publiques fondé sur la confiance mutuelle et l'engagement de chacun, remis au Président de la République le 16 avril 2014). Cette simplification de la DGF est aujourd'hui indispensable pour atténuer la baisse des dotations étatiques. Son application est cependant reportée à 2017.
La structure actuelle de la DGF des communes voit sa principale composante, la dotation forfaitaire, divisée en trois éléments. Une dotation socle de soixante-quinze euros et soixante-douze centimes par habitant garantira à chaque commune un même montant par habitant. Une dotation "centralité" allant de quinze à quarante-cinq euros en fonction du nombre d'habitants permettra de mieux prendre en compte les charges spécifiques des villes-centres (6). Une dotation "ruralité" s'élevant à vingt euros par habitant compensera le manque de ressources des villages peu peuplés. La DGF des EPCI à fiscalité propre est elle aussi réformée à partir de 2017. Elle comprendra tout d'abord une partie de la dotation de centralité revenant aux communes membres. Elle sera aussi composée d'une dotation de péréquation de quarante-neuf euros par habitant. Elle sera enfin complétée par une dotation d'intégration s'élevant à vingt-et-un euros par habitant. Afin de rassurer le bloc communal, la loi prend soin de garantir que la nouvelle dotation forfaitaire des communes et la nouvelle DGF des EPCI ne pourront être ni inférieures à 95 %, ni supérieures à 105 % du montant perçu l'année précédente. Un rapport du Gouvernement au Parlement est aussi prévu avant le 30 juin 2016 afin de préciser la réforme et de proposer des adaptations.
3 - Les dépenses des collectivités locales en vue de l'entretien du patrimoine et de la voirie entrent à partir de 2015 dans le champ du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Il en va de même pour les investissements dans le haut-débit à compter de 2016. Le projet de loi de finances initiale déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale ne prévoyait qu'une extension limitée aux dépenses d'entretien des bâtiments publics à partir de 2016. Le Parlement a élargi la réforme aux dépenses d'entretien de la voirie et aux dépenses des collectivités locales effectuées dans le cadre du plan "France très haut débit". Ces mesures ne visent cependant pas seulement à encourager l'entretien du patrimoine et des voiries ainsi que le développement du haut-débit. Le remboursement partiel de la TVA payée sur ces dépenses dégagera une ressource nouvelle importante au profit de l'investissement des collectivités locales. En année pleine, il devrait s'agir de 374 millions d'euros susceptibles d'abonder les dépenses d'investissement des collectivités locales.
4 - Les investissements du bloc communal sont encouragés par un fonds national d'un milliard d'euros. Ce fonds est constitué de deux enveloppes de 500 millions d'euros gérées par les préfets de région. La première enveloppe financera de grands projets prioritaires décidés en commun par l'Etat et des communes ou des intercommunalités. Ces priorités concernent notamment la rénovation thermique, la transition énergétique et la mise aux normes d'équipements publics. La seconde enveloppe est destinée à soutenir les projets de développement de bourgs-centres et de villes petites et moyennes. Cette seconde enveloppe est elle-même constituée de la majoration de 200 millions d'euros de la dotation d'équipement des territoires ruraux et de 300 millions d'euros dédiés aux territoires faiblement peuplés. En effet, seules les communes de moins de 50 000 habitants pourront candidater sur cette partie de la seconde enveloppe.
5 - Certaines incitations financières encourageant la formation de communes nouvelles sont prolongées. Parmi ces incitations, on compte notamment l'exonération de contribution au redressement des finances publiques et la non baisse de dotation forfaitaire de la DGF. Deux catégories de communes nouvelles bénéficient de cette prolongation : les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants et les communes nouvelles formées à partir d'un EPCI regroupant moins de 15 000 habitants. L'arrêté de création doit avoir été édicté avant le 30 septembre 2016 et les délibérations des conseils municipaux concernés doivent avoir été adoptées avant le 30 juin 2016. En cas d'extension d'une commune nouvelle à une ou plusieurs communes, l'incitation financière demeure en revanche bornée à trois ans après sa création.
6 - Le montant du FPIC (Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales) passe de 780 millions d'euros en 2015 à seulement 1 milliard d'euro en 2016 au lieu des 1,2 milliards attendus. Cette mesure est principalement destinée à contenir la montée des contributions versées par les communes les plus riches.
7 - Le fonds de soutien aux collectivités locales possédant des emprunts structurés à risque (dits emprunts toxiques) est réformé. Afin de tirer les conséquences du décrochage de la parité entre l'euro et le franc suisse depuis janvier 2015, le fonds de soutien aux collectivités locales qui possèdent des emprunts toxiques voit son montant doublé. Ce doublement est financé par l'augmentation de la taxe assise sur les niveaux minimum de fonds propres exigés. Cette taxe est acquittée par les banques. La loi "NOTRe" était déjà intervenue en ce domaine quelques mois plus tôt. Son article 111 avait en effet réformé l'article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW), organisant le fonds de soutien aux collectivités locales possédant des emprunts toxiques.
Soucieuses de réduire la somme totale des intérêts payés, les collectivités locales et leurs établissements publics tentent de rembourser de façon anticipée les emprunts toxiques. Des indemnités de remboursement anticipé sont dues lors du remboursement du prêt avant la date prévue. Elles compensent en partie pour le prêteur la perte des intérêts attendus. Comme ces indemnités de remboursement anticipé sont le plus souvent indexées sur le franc suisse, son décrochage avec l'euro a accrû les difficultés financières des collectivités locales détentrices d'emprunts toxiques. Afin de les soulager lors du remboursement anticipé des emprunts toxiques, la loi "NOTRe" a permis au fonds de soutien de prendre en charge les indemnités de remboursement anticipé jusqu'à 75 % (leur laissant assumer 25 %) et non plus 45 % comme auparavant. Cependant, l'aide du fonds étant versée progressivement chaque année, parfois jusqu'à quinze tranches, la collectivité locale doit dans un premier temps financer seule la totalité des indemnités de remboursement, ce qui n'est pas possible sans endettement nouveau ...
8 - La cotisation des collectivités locales au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) est ramenée de 1 % à 0,9 % de la masse salariale de chaque collectivité locale. Cette réduction du budget du CNFPT fait écho à différentes critiques adressées par la Cour des comptes à la gestion du CNFPT. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet (Observations définitives sur la gestion du CNFPT pour les exercices 2008-2013, mai 2015) pointe à cet égard certaines sources d'économies. Il s'agit par exemple du régime indemnitaire des délégués régionaux des Centres régionaux d'orientation, du coût de la direction de la communication ou de l'attribution de logements de fonctions. Le projet de loi de finances initiale abaissait à 0,8 % la cotisation des collectivités locales au CNFPT. Les députés ont tout d'abord résisté en votant en première lecture le retour au 1 % avant d'accepter une réduction à 0,9 %. Cette solution signifie un rétablissement de la situation qui prévalait avant le passage au 1% en 2013, puisqu'un amendement du sénateur Jean Arthuis avait déjà fait descendre à 0,9 % la cotisation au CNFPT en 2011.
Le Conseil constitutionnel a validé les principales dispositions relatives aux finances locales dans cette décision. Seules deux mesures intéressant les finances locales ont été annulées par le juge constitutionnel (considérants n° 15 à 18 et 21-22). Il s'agit, d'une part, de la nouvelle obligation de contribution à une dotation de solidarité communautaire pour certaines communes, complétée par le partage entre la métropole du Grand Paris et ses communes membres du prélèvement du FPIC (paragraphes VII et VIII de l'article 50 de la loi de finances rectificative). Il s'agit, d'autre part, de la réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes (article 115 de la loi de finances rectificative).
Cette double censure doit toutefois être relativisée. En effet, le Conseil constitutionnel s'appuie sur des vices de procédures et non des inconstitutionnalités de fond pour fonder sa décision dans ces considérants. Dans le premier cas, les deux assemblées n'ont pas été en mesure de discuter les amendements ajoutant ces dispositions à la loi de finances rectificative puisqu'ils ont été déposés en seconde lecture. Dans le second cas, le juge constitutionnel a considéré que la disposition contrôlée ne relevait pas du domaine des lois de finances. A condition de ne pas répéter les vices de formes identifiés par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement peut proposer à sa majorité parlementaire l'adoption de ces mesures lors de l'examen d'un prochain texte par les deux assemblées. Les dispositions relatives à la contribution à une dotation de solidarité communautaire articulée au partage du prélèvement du FPIC pourront, par exemple, être adoptées lors du vote de la prochaine loi de finances rectificative. La réforme du régime indemnitaire des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes devra être adoptée dans une loi ordinaire puisque le juge constitutionnel a interdit au Gouvernement de bénéficier ici des facilités procédurales des lois financières.
Hormis ces dispositions censurées, cette loi de finances rectificative pour 2015 contient deux mesures significatives du point de vue des finances locales.
1 - Dix départements se voient accorder une aide d'urgence de cinquante millions d'euros en raison de leurs difficultés financières particulièrement importantes pour verser les allocations individuelles de solidarité (AIS) que sont le RSA (revenu de solidarité active), l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) et la PCH (prestation de compensation du handicap). Ce fonds de soutien exceptionnel est pris sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Le CNSA est aussi chargé de la gestion de ce fonds. La somme débloquée paraît considérable mais s'apparente plutôt à une rustine. Elle ne représente en réalité que quelques journées de RSA pour les départements.
2 - Les amortissements des subventions d'équipement peuvent désormais être neutralisés par les communes et les EPCI. Les emprunts finançant les subventions d'équipement versées par les communes et les EPCI sont comptabilisés en dépenses dans la section d'investissement. Les années suivantes, l'amortissement de cet emprunt est lui aussi inscrit dans la section d'investissement, mais parmi les recettes. Il est financé par une dotation aux amortissements prévue dans les dépenses de fonctionnement. Cette dotation aux amortissements devait être financée par une recette de fonctionnement. Elle peut désormais être financée sur les fonds propres de la commune ou de l'EPCI, par exemple en redéployant des dépenses, et donc sans recourir à une hausse de la fiscalité locale (CGCT, art. L. 2331-4 N° Lexbase : L3268IZ3). Les régions, les départements et les métropoles bénéficient déjà de cette souplesse comptable, toujours utile en période de baisse des dotations étatiques.
Cette mesure a été accompagnée par plusieurs décrets, dont notamment les deux décrets du 29 décembre 2015 (décret simple n° 2015-1848 N° Lexbase : L2391KWH et décret en Conseil d'Etat n° 2015-1846 N° Lexbase : L2372KWR) s'appliquant aux collectivités locales et aux EPCI. Ces deux décrets (ainsi que le décret n° 2015-1546 du 27 novembre 2015, modifiant les conditions de reprise de l'excédent d'investissement en fonctionnement N° Lexbase : L5021KRE) ont certes reçu un avis défavorable du Comité des finances locales, mais également un avis favorable du Conseil d'évaluation des normes. Ils allongent, d'une part, de quinze à trente ans l'amortissement des subventions d'équipement finançant des bâtiments. Ils font, d'autre part, passer de trente à quarante ans la durée d'amortissement des subventions d'équipement destinées à un projet d'intérêt national.
(1) Dans le prolongement de la loi "MAPTAM" qui a étendu le DOB à la dette locale.
(2) L'article L. 2121-12 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L3336KGN) prévoit une note explicative lors de l'adoption, par exemple, du budget primitif et du compte administratif dans les communes de plus de 3 500 habitants. Les articles L. 3121-19 (N° Lexbase : L6535I78) et L. 4132-18 (N° Lexbase : L7930IMN) du Code général des collectivités territoriales prévoient, entre autres, un rapport annexé au budget primitif et un rapport annexé au compte administratif du département ou de la région.
(3) Cette révision constitutionnelle représente le principal volet de l'acte II de la décentralisation.
(4) Voir par exemple l'arrêt CJCE, 26 octobre 2000, aff. C-16/98 (N° Lexbase : A5910AYK).
(5) 3,67 milliards d'euros si l'on compte les réductions de compensations d'exonération de fiscalité locale décidées par l'Etat.
(6) Comme par exemple l'utilisation de leurs équipements par les communes périphériques.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451126
Réf. : CJUE, 28 janvier 2016, aff. C-64/15 (N° Lexbase : A7660N4H)
Lecture: 2 min
N1172BWC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 11 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451172
Réf. : Communiqué de presse du 28 janvier 2016
Lecture: 2 min
N1173BWD
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451173
Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 25 janvier 2016, n° 391178, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4463N7G)
Lecture: 1 min
N1214BWU
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 06 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451214
Réf. : Ordonnance n° 2016-56 du 29 janvier 2016, relative au gage des stocks (N° Lexbase : L3474KYC)
Lecture: 2 min
N1131BWS
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 04 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451131
Réf. : Cass. soc., 27 janvier 2016, n° 14-10.084, F-P+B (N° Lexbase : A3355N7E)
Lecture: 1 min
N1151BWK
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 05 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451151
Lecture: 10 min
N1120BWE
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Aziber Seïd Algadi, Docteur en droit, Rédacteur en chef droit pénal et droit processuel
Le 04 Février 2016
Lexbase : Quels sont les principaux fondements textuels en matière de terrorisme ?
Thierry-Serge Renoux : En France, le terrorisme constitue l'un des crimes et délits dirigés contre "la nation, l'Etat et la paix publique", visés comme tels par le livre IV du Code pénal (C. pén., art. 421-1 N° Lexbase : L8437I4A à 421-6) aux côtés (et à la différence) des crimes et délits de guerre.
Notre pays a le triste privilège d'avoir inventé le mot même de "terrorisme", à une époque où régnait "la Terreur", régime politique totalitaire imposé par Robespierre, fondé sur l'arbitraire et contraire à toute idée de droit, de liberté, ou de sécurité juridique issus de la Constitution.
L'objet même du terrorisme est tout désigné : propager la terreur au sein d'un peuple afin de mettre à bas les institutions démocratiques de son Etat. C'est ce qui distingue le résistant du terroriste : l'un cherche à s'opposer à la violence politique et à instaurer la liberté et la démocratie ; l'autre entend au contraire utiliser la violence contre la liberté et la démocratie qu'il récuse, là où les citoyens peuvent résister paisiblement.
Si les conflits liés à la décolonisation l'ont fait apparaître, mais sous une forme plus proche de la guérilla, le terrorisme "moderne" -violence théoriquement "aveugle" car les victimes sont choisies comme média d'un odieux message dirigée contre toute une population, en tous lieux et tous moments-, surgit dans le dernier quart du XXème siècle. C'est en 1997 qu'est adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies une Convention pour la répression des attentats commis par voie d'explosifs concernant l'ensemble des citoyens (N° Lexbase : L0793A47) (et non plus les agents diplomatiques ou les seuls actes commis à bord d'avions ou de navires), suivie en 1999 de son complément en matière de financement du terrorisme, puis en 2005 par le traité sur la répression des actes de terrorisme nucléaire et enfin, sur un plan régional, par la Convention du conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme.
Hélas, c'est en raison même de la multiplication des attaques que la législation se perfectionne. Ceci explique que très tôt, notre pays ait été cité en exemple pour son expertise. Ayant connu dès les années 80 plusieurs graves vagues de terrorisme, la France a été amenée à légiférer aussitôt, non seulement pour réprimer les auteurs d'actes terroristes, mais également pour trouver un moyen d'indemniser rapidement les victimes, domaine dans lequel notre législation est très en avance sur celle des autres pays.
Lexbase : Pouvez-vous nous préciser principales caractéristiques de l'"acte terroriste" ?
Thierry-Serge Renoux : A la suite des tragiques attaques du World Trade Center de New-York le 9 septembre 2001, l'Union européenne s'est très vite efforcée de fonder une définition commune du terrorisme, définition d'ailleurs largement inspirée de la législation française. Ainsi, à l'instar de notre Code pénal, la décision-cadre du Conseil n° 2002/475/JAI du 13 juin 2002, définit l'acte terroriste comme étant le résultat d'une conjonction nécessaire entre deux catégories d'éléments : un élément objectif consistant en un acte matériel de prise d'otage, homicide, atteintes graves à l'intégrité des personnes ou des biens notamment, et un élément subjectif, ces actes devant être commis dans le but d'intimider gravement toute une population, de déstabiliser ou de détruire la structure institutionnelle d'un pays ; éléments sans lesquels on pourra être en présence d'un attentat, d'une agression mais pas nécessairement d'un acte terroriste. Il suffit de penser par exemple aux violences commises lors de manifestations publiques particulièrement "musclées", telles que celles commises par des agriculteurs en colère ou par des gens du voyages particulièrement mécontents d'une décision de justice les concernant.
Dès 1992, on retrouve ces deux éléments caractéristiques dans la formulation même de l'article 421-1 du Code pénal français (N° Lexbase : L8437I4A) : ainsi, une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité des personnes, un vol, une extorsion, la dégradation de bien, la reconstitution d'associations dissoutes, la détention illégale d'armes, le blanchiment, ou même le délit d'initié ne constituent un "acte terroriste", au sens (strict) de notre Code pénal que si deux conditions cumulatives sont réunies :
- d'une part, l'acte doit "être intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective",
- d'autre part, l'acte a pour "but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".
Ce texte, issu du Code pénal de 1992, entré en vigueur en 1994, a été modifié depuis lors à huit reprises, soit en dix années, près d'une modification par an. Mais, à juste titre, surtout pour la protection de nos libertés, cette double exigence n'a jamais été abandonnée par le législateur.
Certes, dans un sens répressif et préventif, est tout aussi bien incriminé depuis 1996, la participation à "un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation" d'un acte de terrorisme tel que ci-dessus mais à la condition qu'elle soit "caractérisée par un ou plusieurs fait matériels" (C. pén., art. 421-2-1).
Pour autant, l'action isolée, même très violente, celle d'un "loup", plus "solidaire" selon nous (avec une idéologie destructrice), que "solitaire", n'est pas, per se, en elle-même, constitutive d'un acte terroriste.
Cette question a été examinée par le Parlement à l'automne 2014 et de nouvelles dispositions du Code pénal sont issues de cette réflexion. Elles assimilent explicitement à un acte de terrorisme "le fait de préparer la commission d'une des infractions" déjà citées (homicide, prise d'otage...) mais à la condition que la préparation de cette infraction, d'une part, soit "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle" -intention et organisation qui excluent l'improvisation, l'action soudaine et non délibérée-, d'autre part, ait "pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur" -les deux éléments qui caractérisent selon nous "l'acte terroriste"- enfin, qu'elle se manifeste dans deux actes objectifs cumulatifs : primo, dans le fait de détenir, rechercher ou fabriquer "des objets et substances de nature à créer un danger pour autrui", secundo, dans "l'un des autres faits matériels" limitativement visés par le Code pénal : recueillir des renseignements sur les lieux ou les personnes cibles ; l'entraînement ou la formation au maniement d'armes ; la consultation de sites internet ou la détention de documents appelant à l'action terroriste ou last but not least, le fait d'"avoir séjourné à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes".
De telle sorte que, contrairement à ce qui est souvent avancé dans le débat public, ni la diffusion d'un message de revendication, ni la consultation de sites défendant la cause terroriste ne qualifient, à eux seuls, un acte terroriste. Ce qui n'empêche nullement d'ailleurs que l'apologie du terrorisme ou la diffusion de message incitant au terrorisme soit poursuivi en tant que délit spécifique.
Lexbase : Quelles sont les sanctions encourues par les personnes coupables d'actes de terrorisme ?
Thierry-Serge Renoux : L'échelle des peines applicables aux infractions terroristes a ceci de particulier d'être relevée d'un degré par rapport au droit commun. Autrement dit, en matière terroriste, la sanction pénale est portée au double (six ans) lorsque l'infraction est punie habituellement -traduisez en droit commun- d'un emprisonnement de trois ans ; à sept ans et dix ans lorsque les peines de droit commun sont respectivement de cinq et sept ans de prison ; à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de dix ans de prison ; vingt ans ou trente ans de cette même réclusion alors que les mêmes faits délictueux commis en l'absence de qualification d'acte de terrorisme, auraient été punis de quinze ou vingt ans de la même peine ; enfin au lieu du prononcé d'une peine de trente années de réclusion, le caractère terroriste de l'infraction conduit à ce que soit encourue la peine de réclusion criminelle à perpétuité...
Cette règle de l'élévation des peines institue dès lors automatiquement un mécanisme dérogatoire, surprenant au regard du principe général énoncé à l'article 131-4 du Code pénal (N° Lexbase : L1995AMT), lequel ne prévoit aucune faculté de dérogation à l'échelle des peines d'emprisonnement qu'il institue. Mais le Conseil constitutionnel n'a pas estimé devoir sanctionner un tel mécanisme comme étant contraire au principe de nécessité des peines, alors que dans le même temps, il a jugé disproportionné et donc non conforme à ce principe, énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P), le dispositif législatif qui incriminait "non pas un acte matériel" mais "un simple comportement d'aide directe ou indirecte à des personnes en situation irrégulière" sans que celui-ci "soit en relation immédiate avec la commission d'un acte terroriste" (Cons. const. décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996 N° Lexbase : A8343ACY, Loi sur la répression du terrorisme, considérants n° 8 et 9).
En matière de terrorisme s'applique depuis 1989 un régime pénal spécifique, disons "incitatif" : exemption de peine lorsque, ayant averti les autorités administratives ou judiciaires, la personne qui a tenté de commettre un acte de terrorisme a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables (C. pén., art. 422-1 N° Lexbase : L1835AMW). Forte réduction de peine (la peine prononcée est diminuée de moitié) pour l'auteur ou le complice qui, condamné à une peine privative de liberté, se repentit et, ayant averti les autorités, a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente (C. pén., art. 422-2 N° Lexbase : L2007AMB).
Enfin, l'acte de terrorisme peut être sanctionné de peines complémentaires facultatives, prévues par le Code pénal et que le juge peut prononcer, telle que l'interdiction de séjour à titre définitif sur le territoire français. Ces peines complémentaires peuvent être assorties de sanctions accessoires, qui ne sont pas à proprement parler des peines car prononcées non par le juge mais par l'autorité administrative. Il en va ainsi de la déchéance de la nationalité française qui, en application de l'article 25 du Code civil (N° Lexbase : L2614ABG), peut être prononcée par décret du président de la République, pris après avis conforme du Conseil d'Etat, à l'encontre de la personne condamnée pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme et qui a acquis la nationalité française : juridiquement, il suffit que les actes de terrorisme reprochés à l'intéressé se soient produits dans un délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française. Pour d'obscures raisons procédurales, liées au contrôle indirect de ces dispositions du Code civil déjà promulguées, le Conseil constitutionnel n'a décelé ici aucune inconstitutionnalité -ce que nous avions regretté dans notre commentaire à la Revue française de droit constitutionnel (1996, p. 819-820), de telles sanctions apparaissant au juge constitutionnel comme liées à "la gravité toute particulière que revêtent par nature (sic) les actes de terrorisme" (Cons. const., décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, Loi sur la répression du terrorisme, cons. 23). Et cette solution réaffirmée près de dix ans plus tard, sur recours d'un justiciable (Cons. const., décision n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015 cons. 19 N° Lexbase : A8044M9S) dans une relative indifférence de la doctrine (voir notre Code constitutionnel, 2016, Lexis Nexis, p.175 )
Lexbase : Qu'en est-il des mesures visant à faciliter leur réinsertion sociale et quid des garanties pour éviter une récidive ?
Thierry-Serge Renoux : Bien que le Conseil constitutionnel ait élevé au rang constitutionnel, le principe formulé par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (N° Lexbase : L9344IES) selon lequel toute peine privative de liberté doit contribuer à l'amendement de la personne condamnée et préparer sa réinsertion au sein de la société dans laquelle elle vit, la question de la réinsertion sociale des délinquants emprisonnés pour acte terroriste est peu, sinon jamais abordée, si ce n'est au travers de programmes dits "de dé-radicalisation" ou d'isolement carcéral.
Un juriste digne de ce nom ne peut se contenter d'une seule réponse pénale relevant de la répression, quant bien même elle est fort évidemment nécessaire et conjuguée à des mécanismes de prévention ou de détection de l'acte terroriste.
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 n'énonce-t-elle pas que "le régime d'exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions" ? Et toute politique pénale n'a-t-elle pas pour finalité de prévenir la récidive ou la réitération ?
Le débat est ouvert notamment en ce qui concerne le respect du principe constitutionnel d'individualisation des peines, selon l'âge, les capacités et la personnalité, autre aspect, mais souvent méconnu, du principe de nécessité des peines. En d'autres termes, d'ici peu de temps, la question ne sera plus de savoir comment juger l'acte terroriste mais bien plutôt de déterminer comment sanctionner utilement l'auteur d'un tel acte contraire aux intérêts de ses concitoyens, à la vie même de la nation à laquelle il appartient.
On peut déjà parler d'un modèle français en matière de répression du terrorisme. Ainsi, à la différence du système nord-américain, notre législation, d'un côté, ne considère pas juridiquement l'acte terroriste comme une criminalité de guerre (les crimes et délits de guerre sont réprimés au visa d'autres dispositions introduites dans le Code pénal en 2010) ni comme relevant de la justice militaire (ce qui est le cas en temps de guerre, en application des articles L.112-1 N° Lexbase : L2453HTZ et suivants du Code de justice militaire), mais comme visant une catégorie très précise d'infractions, qui même si elles restent particulièrement atroces, relèvent de la criminalité de droit commun, mais, d'un autre côté, n'hésite pas à faire appel à la solidarité nationale, et donc à un mode de réparation largement emprunté à celui des dommages de guerre, dès lors qu'il s'agit de l'indemnisation des victimes. Reste dès lors à espérer que notre législation servira également de modèle dans sa réponse pénitentiaire à la lutte contre le terrorisme.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451120
Réf. : Décret n° 2016-67 du 29 janvier 2016, relatif aux techniques de recueil de renseignement (N° Lexbase : L3571KYW)
Lecture: 1 min
N1183BWQ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 09 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451183
Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 9 décembre 2015, n° 387630, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0449NZN)
Lecture: 12 min
N1177BWI
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 04 Février 2016
Lexbase : Cette décision ne vous paraît-elle pas trop sévère à l'égard des contribuables ?
Marie Masclet de Barbarin : Il semble difficile de parler de sévérité au vu d'une décision qui, bien que refusant de faire droit aux prétentions des requérants, ne constitue que la stricte application d'une jurisprudence clairement posée et, sur le fond, difficilement contestable. Un arrêt du 30 octobre 1996 a en effet établi qu'une demande en réparation ne pouvait être recevable dès lors qu'elle n'invoquait pas de préjudice autre que celui résultant du paiement de la taxe (CE Ass., 30 octobre 1996, n° 141043, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1115APY : RJF, 12/96, n° 1469, concl. Goulard, p. 809). Le paiement de l'impôt dû, si douloureux puisse-t-il être perçu par le contribuable, ne peut être considéré en soi comme un préjudice. Et si ce dernier estime qu'il n'est pas redevable de l'impôt réclamé, il pourra le contester dans le cadre d'un contentieux d'assiette ou de recouvrement selon les dispositions fixées à cet effet par le législateur.
Cette condition de recevabilité trouve son fondement dans un édifice jurisprudentiel qualifié en son temps par le président Odent de distinction des contentieux, qui s'oppose à ce que le contribuable puisse obtenir par la voie du contentieux de la responsabilité ce qu'il aurait pu obtenir par la voie du contentieux fiscal, en s'affranchissant ainsi des règles de procédures spécifiques y étant attachées (CE Sect., 2 mai 1959 : Lebon, p. 282). Si donc, le contribuable souhaite obtenir la décharge de l'imposition ou de l'obligation de payer mise à sa charge, il devra le faire conformément aux dispositions du LPF dans le cadre d'un contentieux d'assiette ou de recouvrement. Si, en revanche, il estime que le comportement fautif de l'administration fiscale lui a causé un véritable préjudice, il devra alors engager un contentieux indemnitaire fondé sur un objet distinct de celui susceptible de justifier une éventuelle demande en décharge de l'imposition.
Par ailleurs, alors que le Conseil d'Etat considérait auparavant qu'un recours en indemnité contre l'Etat pour faute de l'administration ne pouvait être recevable que si le contribuable avait préalablement obtenu du juge de l'impôt la décharge de l'imposition contestée, il est revenu sur cette position particulièrement stricte dans sa décision du 5 juillet 1996 (CE 9° et 8° s-s-r., 5 juillet 1996, n° 150398, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0306APZ, concl. Ph. Martin : Dr. fisc., 1996, n° 52, comm. 1574). C'est en ce sens que le Conseil d'Etat fait référence, en l'espèce, à l'action en décharge de l'imposition que le contribuable "a introduit ou aurait pu introduire" sur le fondement des règles prévues par le LPF. Cette décision apparaît donc comme conforme en tous points à la jurisprudence applicable en la matière.
Lexbase : Le Conseil d'Etat n'aurait-il pas dû élargir le champ d'action des requérants au cas présent ? Jusqu'à quelle limite le préjudice est-il lié au paiement de l'impôt en principe ?
Marie Masclet de Barbarin : Le préjudice a, certes, toujours un lien avec le paiement de l'impôt, mais il ne peut se confondre avec ce dernier. Le fait d'avoir à acquitter une imposition, quand bien même serait-elle reconnue par le juge comme n'étant pas due, n'a jamais été considéré comme constitutive, en soi, d'un préjudice. Le Conseil d'Etat considère, en effet, que le contribuable dispose dans la plupart des cas de la possibilité de surseoir au paiement de l'impôt qu'il entend contester. Si toutefois, il s'acquitte de sa dette et que le juge fiscal prononce par la suite le dégrèvement de cet impôt, il pourra obtenir non seulement son remboursement, mais également des intérêts moratoires qui feront oeuvre de réparation légale. Rappelons d'ailleurs à cet effet que l'article L. 207 du LPF (N° Lexbase : L8347AEU) prévoit que lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 (N° Lexbase : L7618HEU).
Dans l'espèce qui nous occupe, les requérants reprochaient à l'administration fiscale de ne pas avoir appliqué les abattements à la base de taxe d'habitation auxquels ils estimaient avoir droit au titre des années 2011 et 2012. Ils demandaient d'une part, le bénéfice de la réduction de taxe d'habitation mise à leur charge au titre de l'année 2012, et, d'autre part, le versement d'une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de l'absence d'application de ces abattements au titre de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2011.
Ces abattements avaient été octroyés par deux délibérations du conseil municipal en date du 6 octobre 2010. Le budget de l'année 2010 de la commune n'ayant cependant pas été voté en équilibre réel, le préfet avait réglé le budget de la commune par un arrêté du 3 novembre 2010, conformément à la procédure prévue par l'article L. 1612-5 du CGCT (N° Lexbase : L8447AA4). Le tribunal administratif avait alors considéré que cet arrêté s'était substitué aux décisions de la commune ayant octroyé les abattements de taxe d'habitation et avait sur ce fondement rejeté les conclusions des requérants tendant à la réduction de la taxe d'habitation due au titre de 2012. C'est sur ce point que le Conseil d'Etat a censuré pour erreur de droit le jugement du tribunal, au motif que la saisine de la chambre régionale des comptes ne suspend le pouvoir budgétaire de la collectivité que pour le budget de l'année au titre de laquelle la chambre a été saisie. L'arrêté ne peut donc produire d'effet sur les décisions affectant l'assiette des impositions dues au titre des années suivantes. Les conclusions des requérants relatives à la réduction de taxe d'habitation mise à leur charge au titre de l'année 2012 étaient donc bien recevables et apparemment fondées.
Pour autant, leur demande en réduction ne pouvait porter sur la taxe d'habitation due au titre de l'année 2011, car la réclamation préalable ayant été formée le 19 février 2013, le délai de reprise était déjà écoulé. Les voies du contentieux fiscal ne leur étant ainsi plus accessibles, les requérants ont alors intenté une action en responsabilité, soumise, quant à elle, à la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968, en vue d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de l'absence d'application des décisions communales. Cela explique pourquoi la demande de réparation ne portait que sur le préjudice résultant du paiement de la taxe d'habitation mise à leur charge en 2011.
La question que l'on peut certes se poser ici est effectivement de savoir si le Conseil d'Etat n'aurait pas dû accueillir favorablement cette demande en raison de l'absence de voies de recours susceptibles de faire droit à la demande vraisemblablement fondée des contribuables. En d'autres termes, le principe de distinction des contentieux peut-il être opposable alors que la voie de recours alternative n'est plus accessible pour cause de forclusion ?
Pour autant qu'il semble conforme à une certaine idée de l'équité, ce raisonnement ne saurait cependant prospérer en droit dans la mesure où le Conseil d'Etat n'a pas fondé le rejet des prétentions indemnitaires des requérants sur l'existence d'une voie de recours parallèle mais sur le non-respect des conditions de recevabilité propres à ce type d'action, à savoir l'invocation d'un préjudice autre que celui résultant du paiement de l'imposition. Fonder une exception au principe de distinction des contentieux sur la prescription de l'action en réduction offerte au contribuable dans le cadre d'un contentieux fiscal reviendrait, en l'espèce, à revenir sur l'existence même de cette prescription, solution qui ne serait favorable ni aux intérêts de l'administration fiscale, ni à ceux des contribuables (voir notamment l'étude sur "Le caractère nécessairement prescriptible du pouvoir d'imposition de l'administration fiscale" in Mélanges en l'honneur du professeur Christian Louit, éd. Bruylant, p. 399 et s.).
Lexbase : Plus généralement, qu'en est-il, à ce jour, du régime de l'indemnisation du contribuable dans le cadre du contentieux de la responsabilité ?
Marie Masclet de Barbarin : Les conditions d'engagement de la responsabilité de l'administration fiscale ont considérablement évolué ces dernières années, du moins quant aux principes qui les gouvernent.
Rappelons pour mémoire que le chemin a été long puisque les services fiscaux étaient à l'origine considérés comme purement et simplement irresponsables. Le régime est ainsi passé de l'irresponsabilité totale à la reconnaissance d'une responsabilité pour faute manifeste d'une particulière gravité (CE 21 février 1913, Cie parisienne des tramways, Rec. CE 1913, p. 247) puis pour faute lourde (CE, 21 décembre 1962, Rec. CE, 1962, p. 702). Ce n'est qu'en 1990 qu'un arrêt finira par considérer que la responsabilité de l'administration fiscale puisse être engagée sur le fondement d'une faute simple résultant d'erreurs "commises lors de l'exécution d'opérations qui, si elles se rattachent aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt, ne comportent pas de difficultés particulières tenant à l'appréciation de la situation des contribuables" (CE Sect., 27 juillet 1990, n° 44676, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4648AQ9).
Le Conseil d'Etat ayant adopté une conception restrictive de la notion de faute simple, limitée aux erreurs matérielles ou liées à l'organisation interne de l'administration (CE 7° et 9° s-s-r., 31 octobre 1990, n° 71073, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4666AQU : RJF, 12/90, n° 1537), le régime de la faute lourde est cependant longtemps restée la règle dès lors que l'erreur d'assiette ou de recouvrement impliquait une appréciation, si simple soit-elle, de la situation du contribuable.
Il a donc fallu attendre un arrêt de 2011 (CE Sect., 21 mai 2011, n° 306225, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5714HIH : Dr. fisc., 2011, n° 13, act. 109 ; RJEP 2011, n° 687, comm. 30, commentaire M. Collet ; RJF, 6/2011, n° 742, chron. C. Raquin, p. 597 ; BDCF, 6/2011, n° 76, concl. C. Legras - v. Th. Lamulle, La responsabilité pour faute des services fiscaux : Dr. fisc., 2012, n° 18-19, 285) pour que le critère de la faute lourde soit définitivement abandonné. Depuis lors, toute faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations d'établissement et de recouvrement de l'impôt est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. L'alignement de ce régime sur le droit commun de la responsabilité administrative pour faute ne s'est cependant pas traduit par un élargissement significatif des cas d'engagement de la responsabilité de l'Etat, ne serait-ce qu'en raison des tempéraments apportés par le considérant de principe de cet arrêt. La responsabilité de l'administration ne sera en effet pas engagée si elle établit "soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition". Le fait du contribuable pourra, au demeurant, conformément au droit commun, être considéré comme une cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité. Le préjudice invoqué devra enfin trouver sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration et c'est sans doute dans le cadre de l'examen de cette dernière condition que la jurisprudence se montre la plus sévère, notamment comme dans l'espèce de 2011 lorsque l'entreprise connaissait déjà, avant l'intervention de l'administration fiscale, des difficultés financières.
Si toutefois la responsabilité de l'administration fiscale se trouve engagée malgré les limites ainsi définies, le contribuable devra alors faire état d'un préjudice indemnisable, réel, certain et surtout distinct du paiement de l'impôt : préjudice à caractère commercial ou financier (perte de clientèle, atteinte portée à la réputation de l'entreprise, baisse de valeur des titres de la société, obligation pour le contribuable d'aliéner une partie de son patrimoine...) ou encore préjudice moral (atteinte psychologique, troubles dans les conditions d'existence, dans la jouissance du patrimoine privé...). Le contribuable devra donc être en mesure de présenter des pièces justificatives attestant de la réalité du préjudice subi. Il devra également prouver le lien direct entre ledit préjudice et l'activité fautive de l'administration fiscale et il lui faudra enfin évaluer de façon objective le montant de celui-ci, ce qui aboutira dans le meilleur des cas à une réparation relativement modeste du préjudice indemnisable (cf. Th. Lamulle, La responsabilité pour faute des services fiscaux, § 6, préc.).
Autant dire que la route sera longue et semée d'embûches, ce qui explique sans doute l'insuccès de la plupart des actions intentées dans le cadre d'un contentieux indemnitaire mettant en cause la responsabilité de l'administration fiscale, sauf cas particulièrement caricaturaux comme dans un arrêt en date de 1999 (CE 8° et 9° s-s-r., 16 juin 1999, n° 177075, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4881AX3 : RJF, 8-9/1999, n° 1049, chron. E. Mignon, p. 602).
Lexbase : Selon vous, quelles seraient les mesures les plus urgentes à adopter s'agissant du contentieux de la responsabilité en matière fiscale ?
Marie Masclet de Barbarin : Je ne pense pas qu'une réforme radicale du régime applicable soit à ce jour indispensable. Comme nous l'avons vu, le juge dispose à présent de tous les instruments juridiques adaptés à la mise en oeuvre d'un contentieux de la responsabilité propre à sauvegarder les intérêts des contribuables estimant avoir souffert d'un préjudice, tout en préservant l'administration fiscale d'une éventuelle multiplication exponentielle des demandes d'indemnisation. Pour autant, et alors même la décision de 2011 précitée semble avoir été en partie conçue pour remédier au bilan extrêmement modeste issu de la jurisprudence du 27 juillet 1990, ce dernier semble encore relativement réticent à conférer à cette jurisprudence toute sa portée.
Certes, certaines décisions récentes ont commencé à adopter une position plus favorable au contribuable, notamment en acceptant de procéder à une pondération du lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute de l'administration fiscale. La demande en indemnité n'est plus rejetée purement et simplement pour absence de lien direct entre le préjudice dont fait état le contribuable et la faute censée avoir été commise par l'administration fiscale, elle est seulement diminuée à proportion du rôle joué par cette dernière au côté des autres circonstances telles que les difficultés économiques et financières du contribuable (CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2014, n° 359643, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9176MGX, concl. B. Bohnert, note P. Fumenier et C. Maignan).
L'évolution demeure cependant extrêmement mesurée et la sévérité du juge n'apparaît pas toujours comme parfaitement justifiée. Comme nous l'avons précédemment souligné, l'appréciation particulièrement stricte de la condition tenant au caractère direct du préjudice conduit tout particulièrement à des situations souvent ressenties comme particulièrement injustes par les contribuables. C'est notamment le cas lorsque le Conseil d'Etat considère que lorsqu'une société est conduite à la faillite en raison des agissements fautifs de l'administration fiscale, les conséquences qui en découlent pour les salariés et les créanciers ne sont pas directement liées au comportement de l'administration, mais résultent des liens juridiques que ces derniers entretiennent avec la société (CE 7° et 8° s-s-r., 8 août 1990, n° 54500, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4772AQS : RJF, 10/90, n° 1262) ou encore lorsque, pour obtenir réparation de leur préjudice, les dirigeants et associés d'une société doivent démontrer qu'ils ont effectivement et personnellement supporté un préjudice distinct de celui subi par la société, ce qui conduit en pratique à cantonner le droit à réparation de ces derniers aux hypothèses de disparition pure et simple de la société, à l'instar de la jurisprudence de juin 1999 précitée (cf. CE 3° et 8° s-s-r., 3 août 2011, n° 307164, 307325 et 307432, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9278HWK : RJF, 11/11, n° 1216 ; CE 3° et 8° s-s-r., 3 août 2011, n° 304838, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9331HWI : RJF, 11/11, n° 1216, concl. Mme N. Escaut, BDCF, 11/11, n° 132).
Il serrait donc plus que souhaitable, à cet égard, que le Conseil d'Etat prenne toute la mesure de l'abandon du régime de la faute lourde en matière de responsabilité de l'administration fiscale et applique avec un peu plus de souplesse les conditions posées par la jurisprudence de 2011.
Cette évolution serait, au demeurant, conforme avec celle du contentieux de la responsabilité de droit commun, qui semble évoluer à l'heure actuelle vers la recherche d'un plus juste équilibre dans le respect des droits de chacune des parties. La récente reconnaissance par la Cour de cassation du préjudice d'anxiété concernant les salariés victimes de l'amiante est à cet égard particulièrement remarquable (Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241 à n° 09-42.257, FP-P+B+R N° Lexbase : A1745EXW : JCP éd. G, 2010, 733, V. Renaux-Personnic et J. Colonna). Cette jurisprudence apparaît certes difficilement transposable en matière fiscale mais, pour finir sur une note optimiste, il n'est toutefois pas interdit de rêver aux applications qui pourraient en résulter en matière de contrôle fiscal...
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451177
Réf. : Rapport sur les principes essentiels du droit du travail, du 25 janvier 2016 (N° Lexbase : X7292APR)
Lecture: 12 min
N1135BWX
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 04 Février 2016
Résumé
Le comité formule 61 principes constituant les piliers sur lesquels repose le droit du travail, fruit de l'examen des textes constitutionnels, législatifs, internationaux et européens ainsi que les jurisprudences constitutionnelle, judiciaire et administrative. Ces principes devraient figurer dans un chapitre autonome placé en tête du Code du travail. Ils auront vocation à être développés par la commission en charge de la future réforme du Code du travail. |
I - Des objectifs peu lisibles
Répondre à l'attente du pouvoir exécutif. La lecture du rapport ne constitue nullement une surprise pour qui avait en tête l'ouvrage de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen publié en juin 2015 (1) et l'objectif assigné au comité par le Premier ministre (2).
Formellement, le rapport de douze pages est encore plus minimaliste que l'était déjà l'ouvrage de soixante-dix-sept pages publié en juin 2015, dont il constitue une extension puisque Le travail et la loi ne portait que sur le contrat de travail, alors que le rapport du comité prétend embrasser l'ensemble du droit du travail et se divise en huit sections : Libertés et droits de la personne au travail ; Formation, exécution et rupture du contrat de travail ; Rémunération ; Temps de travail ; Santé et sécurité au travail ; Libertés et droits collectifs ; Négociation collective et dialogue social ; Contrôle administratif et règlement des litiges.
Le choix de cette méthode est assumé et le comité a "écarté le recours à des commentaires qui auraient alourdi le texte sans être indispensables et auraient contraint leur interprétation future" (page 5).
Voilà qui est tout de même fâcheux car en l'absence de commentaires, comment interpréter les intentions des auteurs, identifier avec certitude leurs sources d'inspirations, même si l'origine des principes peut certainement être retracée, comment se prémunir contre un risque d'interprétation déformante ?
Ces inconvénients n'en sont, toutefois, réellement, qu'à condition de voir dans ces articles l'énoncé de véritables principes-normes et pas seulement des affirmations incantatoires, programmatiques, car si au final ils ne jouent qu'un rôle symbolique, pour ne pas dire décoratif, en tête du futur Code, alors qu'importe.
"Mettre en lumière les piliers sur lesquels repose l'édifice" en travaillant "à droit constant". Comme l'indique Robert Badinter en guise de courte introduction, le rôle du comité n'était pas de proposer une refonte du Code du travail, tâche qui appartiendra à une commission future, ni même de faire oeuvre de proposition de nouveaux principes, mais "de procéder à une analyse des dispositions actuelles du droit du travail pour mettre en lumière les piliers sur lesquels repose l'édifice" (page 5).
Alors que le droit constant était bien le maître mot de la précédente recodification, intervenue en 2007 (3), la recodification qui s'annonce, et à laquelle ce rapport semble ouvrir la voie, n'a rien à voir avec le droit constant. Même s'il s'agit de reprendre certains principes dans les textes ou la jurisprudence, le choix de 61 articles n'est pas une photographie fidèle et donc neutre du droit positif ; la démarche impose des choix, des exclusions, des interprétations, bref, une intervention doctrinale qui façonne la matière et éloigne, par hypothèse, le résultat de l'état du droit actuel.
Il suffit, pour s'en convaincre, de prendre l'exemple du traitement du contentieux du travail par le comité, puisque l'article 59 ne reprend ni le principe de la conciliation, ni la paritarisme, ni le principe électif, pour affirmer que "les litiges en matière de travail sont portés devant une juridiction composée de juges qualifiés dans le domaine du droit du travail".
L'autorité douteuse des principes. C'est sans doute ici que l'ambition affichée peut être la plus sérieusement discutée.
Contrairement à ce que certains feignaient de croire, ces principes ne pouvaient constituer la partie législative du futur Code du travail, pour des raisons évidentes qui tiennent à l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) et aux obligations constitutionnelles qui pèsent sur le législateur, chargé de préciser le contenu des droits fondamentaux et d'en prévoir également les garanties.
Le caractère minimaliste des principes ainsi formulés fait bien plus penser à une charte des droits sociaux, ce qui, d'ailleurs, expliquerait la composition du comité autour de neuf personnalités incontestables du droit du travail (4).
Mais alors pourquoi ne pas avoir choisi la voie de la Charte sociale constitutionnelle annexée à la Constitution, à l'instar de la Charte de l'environnement adoptée en 2004 (N° Lexbase : L0268G8G), et qui aurait utilement complété le Préambule de la Constitution de 1946, bien pauvre en droits sociaux fondamentaux. Pareille Charte aurait ancré ces principes plus solidement, auraient fourni au Conseil constitutionnel les instruments pour assurer la protection des droits des salariés dans les années à venir et dans la perspective de la recodification à venir, et redonné toute sa chance à la Constitution, face au contrôle de conventionalité qui s'exerce devant les juges ordinaires. Au moment où le Parlement s'apprête à voter une nouvelle réforme constitutionnelle pour inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité française pour les terroristes, n'y avait-il pas là une occasion historique de montrer que notre pays ne cède pas uniquement à la pression des événements et se projette également dans l'avenir ?
Au lieu de cela, le comité nous propose un chapitre préliminaire au Code du travail, par hypothèse impuissant à s'imposer au législateur qui n'est jamais tenu de respecter ses propres textes, avec un degré de généralité tel qu'il doit impérativement être complété par des dispositions d'application, présentes dans l'ouvrage de juin de Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen mais absentes du rapport, et sans aucune effectivité ni véritable chaire.
Pire. Ce qui pourrait n'être pas grave s'agissant de principes d'origine législative est bien plus problématique s'agissant de principes supérieurs, constitutionnels ou internationaux, car en les traduisant dans la loi le comité donne le sentiment de les ravaler au rang de simples règles légales, diminuant symboliquement leur autorité.
Par ailleurs, pourquoi n'avoir consacré que certains principes constitutionnels, et pas d'autres ? Pourquoi avoir, par exemple, laissé de côté le droit à l'emploi et le devoir de travailler de l'alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6821BH4) (5) ? Pourquoi avoir protégé les jeunes travailleurs (art. 8) et n'avoir pas consacré le droit des vieux travailleurs à une retraite digne (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946) ?
II - Des principes sans véritable autorité
Le droit du travail limité au droit des travailleurs. L'exemple le plus fragrant de ces choix méthodologiques qui façonnent ces principes fondamentaux est celui de la totale ignorance des droits des entreprises, les principes consacrés par le comité étant tout entier tournés vers les droits des travailleurs. Il ne s'agit donc pas des principes "essentiels" du "droit du travail", mais seulement "des droits des travailleurs", ce qui n'est pas la même chose, ce qui explique certainement les réactions patronales au projet. Lorsqu'il reconnaît la liberté syndicale, l'article 44 ne vise que le salarié, et lorsqu'il reprend le principe de participation, l'article 47 vise encore les salariés, alors que ce principe s'applique également, et c'est nouveau, aux entreprises, depuis 2014 (6).
Le texte ne dit rien sur le libre choix des collaborateurs, pourtant consacré depuis 1989 par le Conseil constitutionnel, rien sur la liberté d'entreprendre, qui constitue pourtant, au vu de la jurisprudence dégagée par le Conseil ces dernières années, le principal fondement des censures législatives (7).
L'intérêt de l'entreprise apparaît, toutefois, comme une limite aux droits des salariés dans l'article 1er, et dans son article 6 pour régler la question de la liberté religieuse.
Réorganiser les principes fondamentaux. L'ordre d'exposé des principes traduit, tout d'abord, des choix en partie autres que ceux qui avaient conduit à la précédente refonte du Code en 2007, puisque le comité a choisi, par exemple, de soustraire la question des juridictions du travail aux règles applicables au contrat de travail, en la regroupant avec les principes applicables au contrôle des normes, de traiter la sécurité au travail avant les droits collectifs, de séparer les droits collectifs des dispositions applicables aux acteurs, ou encore d'inverser le traitement de la durée du travail et des rémunérations.
Les risques de l'énumération. Le risque propre à toute énumération est bien entendu d'oublier certains principes, ou de se voir reprocher d'en avoir choisi certains, au détriment d'autres. Ce risque est ici d'autant plus fort que le comité ne s'est pas contenté de promouvoir des principes existants dans l'actuel Code du travail, qui contenait de nombreux énoncés sous forme de principe, pour aller chercher certains autres principes, tant constitutionnels qu'internationaux, ce qui multiplie, bien entendu, les risques de révéler en creux les oubliés, ou les exclusions.
Des principes d'origine ou de valeur légale. La plupart des articles est directement inspirée des dispositions de l'actuel Code du travail : ainsi, les articles 1er (garantie des libertés et droits fondamentaux) et 10 (limites au pouvoir de direction) inspirés de l'article L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) ; l'article 5 prohibant les discriminations et inspiré de l'article L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ) ; l'article 7 prohibant les harcèlements issu des articles L. 1152-1 (N° Lexbase : L0724H9P) et L. 1153-1 (N° Lexbase : L8840ITL) ; l'article 12 concernant la bonne foi inspiré par l'article L. 1222-1 (N° Lexbase : L0806H9Q) ; l'article 13 concernant le principe du CDI issu de l'article L. 1221-2 (N° Lexbase : L8930IAY) ; le principe de la période d'essai issu de l'article L. 1221-19 (N° Lexbase : L8751IAD) ; la finalité professionnelle des évaluations (article 15) issue de l'article L. 1221-8 (N° Lexbase : L0784H9W) ; la prise en compte de la grossesse et de la maternité (art. 17) issue des dispositions des articles L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97) et suivants pour les différences de traitement, et L. 1225-17 (N° Lexbase : L5727IAD) et suivants concernant les congés ; les dispositions relatives à la mise à disposition (art. 18) issues de l'article L. 8241-1 (N° Lexbase : L3539I8L) ; le transfert des contrats de travail (art. 18) issu de l'article L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y) ; le droit à une formation professionnelle (art. 20) issu de l'article L. 6111-1 (N° Lexbase : L2656IZE) ; l'adaptation au poste de travail (art. 21) issue de l'article L. 6321-1 (N° Lexbase : L6413IZK) ; le principe du contradictoire en matière disciplinaire (art. 22) issu de l'article L. 1332-1 (N° Lexbase : L1862H9T) ; la prohibition des sanctions pécuniaires de l'article 23 issue de l'article L. 1331-2 (N° Lexbase : L1860H9R) ; les modalités de rupture du CDI (art. 24) issues de l'article L. 1231-1 (N° Lexbase : L8654IAR) ; la liberté de rompre le CDI pour le salarié (art. 24) issu de l'article du même article L. 1231-1 ; la justification du licenciement (art. 26) issue des articles L.1232-1 (N° Lexbase : L8291IAC) et L. 1233-2 (N° Lexbase : L8307IAW) ; le principe du contradictoire en cas de licenciement (art. 26), reprenant les dispositions du droit disciplinaire (préc.) mais aussi des articles L. 1232-2 (N° Lexbase : L1075H9P) (motif personnel) et des dispositions applicables en matière économique, tant pour le licenciement individuel que pour les licenciements collectifs ; l'obligation de reclassement (art. 28) reprenant les dispositions des articles L. 1226-2 (N° Lexbase : L1006H97) (inaptitude) et L. 1233-4 (N° Lexbase : L2149KGP) (motif économique) ; le principe du préavis d'un délai raisonnable de l'article 29 issu des articles L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z) (motif personnel) et des dispositions applicables en matière économique ; le principe d'une indemnité de licenciement (art. 29) issu de l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) ; le droit à un salaire minimum (art. 30) issu de l'article L. 3231-2 (N° Lexbase : L0825H9G) ; le droit à une rémunération périodique (art. 32) ; etc..
D'autres sont également importés de dispositions légales, comme le droit au respect de la vie privée de l'article 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), repris à l'article 3 dans une formule modifiée.
Certains autres articles formalisent des principes d'origine doctrinale et jurisprudentielle, comme la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, à l'article 9, le principe de l'égalité de rémunération de l'article 31, issu de la jurisprudence "Ponsolle", le principe de faveur consacré à l'article 56, dont on peut également considérer qu'ils sont de nature légale.
Les oubliés légaux du comité. Le choix des principes est difficile, et la critique est aisée. Même si le travail de reprise semble complet, il met de côté certains, et n'en consacre d'autres que partiellement, traitant certains de manière plus complète que d'autres.
Le comité a également modifié certains principes, et ajouté à l'intégration de solutions jurisprudentielles, comme l'intégration du "bon fonctionnement de l'entreprise" au titre des limites aux droits et libertés des salariés, dans le très symbolique article 1er.
L'intégration directe de principes supra légaux. Mais, et de manière plus surprenante et problématique, d'assez nombreux principes sont issus de normes de valeur supra légales.
Certains résultent de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, comme l'article 4 consacré au principe d'égalité (8), l'article 6 issu des articles 10 (N° Lexbase : L1357A97) et 11 (N° Lexbase : L1358A98) de la Déclaration, voire de dispositions antérieures encore, comme le principe de liberté de l'activité professionnelle de l'article 11, directement emprunté au décret d'Allarde de 1791 et apparu dans les visas des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation à partir de 1996 (9).
D'autres proviennent du Préambule de la Constitution de 1946, comme l'égalité entre les femmes et les hommes de l'article 4, le principe de participation des articles 47 et 52 et issu de l'aliéna 8 du Préambule de la Constitution de 1946, voire de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme l'article 2 concernant le respect de la dignité de la personne au travail (10),
D'autres encore de traités internationaux, de chartes ou de déclarations, comme l'âge d'accès à l'emploi de l'article 8, issu des nombreuses conventions de l'OIT adoptées depuis la Convention n° 5 de 1919 sur l'âge minimum dans l'industrie ; la durée raisonnable de la période d'essai (article 14), reprise de l'article 2b de la Convention 158 de l'OIT de 1982 (N° Lexbase : L4795I3Y) ; le droit à une rémunération assurant des conditions de vie digne (art. 30), issu notamment de l'article 23 de la DUDH ; la liberté syndicale, l'indépendance de l'inspection du travail (art. 58).
Le rapport reprend également des formulations issues de juridictions internationales en charge du respect des droits de l'Homme, comme celle relative à la validité de la condition de représentativité comme condition d'exercice de certaines prérogatives syndicales (art. 46).
Certains principes inscrits dans des directives communautaires sont également identifiés par le comité, telle l'information du salarié sur les éléments essentiels de la relation de travail (art. 16) mettant en oeuvre la Directive 91/533/CEE du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), le droit à un repos minimum (directive temps de travail), à des congés payés, à la santé et à la sécurité.
La consécration de droits privés de garanties. Le choix de s'en tenir aux principes fait difficulté dans un certain nombre d'hypothèses tant les garanties procédurales qui accompagnent l'affirmation du principe semblent déterminantes et consubstantielles du droit lui-même. C'est ainsi que se retrouve réaffirmé la protection des victimes de harcèlement (art. 7) ou de discriminations, sans rappeler, toutefois, que, dans cette dernière hypothèse, il n'y a pas de principe général mais une liste de motifs discriminatoires ciblés par le législateur. Le texte vise également les seules victimes et oublie les dénonciateurs et les témoins, et ne reprend pas non plus la règle probatoire propre aux victimes de discriminations et de harcèlement, pourtant capitale. On touche donc ici aux limites de l'exercice, car le principe de non-discrimination ne peut être qu'effectif que s'il s'accompagne de son régime probatoire particulier, et que si les sanctions sont fortes, tant sur le plan pénal (délit) que civil (nullité).
Des oublis. Le texte, qui a consacré certains principes fondamentaux du droit du travail, ne dit rien sur le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire ne peut être engagée que pour une faute lourde, ni sur le principe selon lequel les frais engagés pour son activité professionnelle salariée sont à la charge de l'employeur.
Le texte affirme également le droit de grève, mais ne prohibe pas le lock-out, ni ne protège la liberté du travail et la liberté de ne pas faire grève contre les entraves.
Conclusion. La lecture des 61 principe fournit une bonne image des droits fondamentaux des travailleurs, et pourrait alimenter une charte sociale "à la française". Malheureusement, le choix a été fait de les placer en partie législative d'un futur Code du travail, sans véritable autorité ni véritable effectivité. Le jeu en valait-il alors la chandelle ?
(1) R. Badinter et A. Lyon-Caen, Le travail et la loi, Fayard, 2015, 77 pages.
(2) Notre étude Coup d'envoi de la réforme du Code du travail : le changement, c'est maintenant !, Lexbase Hebdo n° 633 du 19 novembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N9953BU8).
(3) Sur laquelle notre étude Le Code du travail nouveau est arrivé !, Lexbase Hebdo n° 253 du 22 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3582BAW). Lire dernièrement M. Guyomar, Y compris à droit constant, la codification revêt une dimension non seulement formelle mais aussi substantielle, JCP éd. G, 2015, p. 1271, et les réf. citées.
(4) Le nombre de neuf membres fait immanquablement penser aux neuf membres du Conseil constitutionnel. Le comité comportait, outre son président, ancien Garde des sceaux, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien avocat, également ancien Professeur de droit privé et de sciences criminelles, un autre ancien membre du Conseil, également avocat et ancien Président de la section sociale du Conseil d'Etat, Olivier Dutheillet de la Motte, deux Professeurs de droits, Antoine Lyon-Caen (à la retraire de l'Université, mais devenu avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation) et Françoise Favennec-Héry, deux présidents ou ancien présidents de la Chambre sociale de la Cour de cassation, Alain Lacabarats et Jean-Yves Frouin, deux autres conseillers d'Etat, Yves Robineau et Gaëlle Dumortier, et une ancienne conseillère référendaire à la Chambre sociale de la Cour de cassation, Laurence Pécaut-Rivolier.
(5) Ce droit est également affirmé par l'article 6.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (N° Lexbase : L6817BHX).
(6) C'est d'ailleurs sur le caractère de nouveauté de la mise en cause de ce principe que la QPC mettant en cause l'égalité dans le financement du paritarisme avait été transmise au Conseil constitutionnel : notre étude Le financement des organisations professionnelles devant le Conseil constitutionnel (à propos de Cons. const., décision n° 2015-502 QPC, du 27 novembre 2015 N° Lexbase : A9181NXC), Lexbase Hebdo n° 636 du 10 décembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N0314BWK).
(7) Pour une étude dans le cadre de la QPC, notre étude Droit du travail et QPC, Dr. soc., 2015, p. 497.
(8) Bien entendu, le principe d'égalité se retrouve très largement dans des instruments internationaux postérieurs.
(9) Cass. soc., 19 novembre 1996, n° 94-19.404 (N° Lexbase : A2126AAY) ; Bull. civ. V, n° 392.
(10) Cons. const., décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, consid. 2 (N° Lexbase : A8305ACL) : "Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d'emblée que : "Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés" ; il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle".
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451135
Réf. : Cass. soc., 26 janvier 2016, n° 14-19.002, FS-P+B (N° Lexbase : A3426N7Z)
Lecture: 1 min
N1144BWB
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 09 Février 2016
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451144
Lecture: 28 min
N1199BWC
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) de l'Institut du droit des affaires (IDA), Directeur du master professionnel Ingénierie des sociétés
Le 04 Février 2016
Le droit d'information des salariés en cas de cession de PME continue d'être réformé (2), tellement est-il mal écrit et donc sujet à controverse. On se souvient que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 juillet 2015, a déclaré la sanction de la nullité en cas de violation de ce droit inconstitutionnelle au motif qu'elle portait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre (3) et que la loi "Macron" du 6 août 2015 (loi n° 2015-990, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC, art. 204) a, pour l'essentiel, limité aux seules ventes ledit droit et non plus à toutes les cessions, remplacé par une amende civile dont le plafond est limité à 2 % du prix de vente la sanction de la nullité et a créé un nouveau cas de dispense lorsque les chefs d'entreprise auront dans les douze mois précédents informé leurs salariés sur l'avenir de leur société et son éventuelle cession. Les mesures prises par la loi "Macron" étaient toutefois conditionnées à l'adoption d'un décret. C'est ainsi qu'un décret a été publié au Journal officiel du 30 décembre 2015 (décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015). Ce décret change plusieurs points : il limite cette information au cas de la vente de l'entreprise et fixe la date de réception de l'information par le salarié à celle de la première présentation en cas d'utilisation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Plus précisément, d'abord, il tient compte du fait que la loi "Macron" a modifié la nature de la sanction, conformément à la décision du Conseil constitutionnel précitée.
Ainsi, la loi du 6 août 2015 est venue remplacer les dispositions inconstitutionnelles en complétant les articles L. 23-10-1 (N° Lexbase : L2926KWB) et L. 23-10-7 (N° Lexbase : L1997KG3) du Code de commerce par les dispositions suivantes : "lorsqu'une action en responsabilité est engagée, la juridiction saisie peut, à la demande du ministère public, prononcer une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % de la vente". Et le décret du 28 décembre 2015 de préciser que ces nouvelles dispositions sont applicables depuis le 1er janvier 2016. Cette nouvelle sanction n'est, toutefois, pas sans poser de réelles difficultés. En premier lieu, elle ne nous paraît pas fondée : en effet, elle a été prise sur la base de textes déclarés inconstitutionnels et, comme cela a été souligné, on ne peut pas remplacer des textes qui n'existent plus (4).
En second lieu, quand bien même cette nouvelle sanction serait effective, qui pourra mettre en oeuvre l'action en responsabilité et à l'encontre de qui, les textes précités obligeant non seulement le propriétaire de l'entreprise sociétaire, mais également le chef d'entreprise à agir et dans certains cas les salariés (5), voire des tiers (6) ? A l'encontre de qui pourra être prononcée l'amende civile ? Au demeurant, le dispositif d'amende est-il constitutionnel ou porte-t-il également une atteinte disproportionné au principe de la liberté d'entreprendre (7) ?
En troisième et dernier lieu, comment calculer ensuite le montant de l'amende lorsque le prix de vente est susceptible d'être ajusté ultérieurement ou se compose d'un earn-out non déterminé à la date du prononcé de la sanction ? Quel tribunal sera compétent -tribunal de commerce ou conseil de prud'hommes- pour connaître de l'action en indemnisation et de celle, subséquente, du ministère public ?
Ensuite, la loi "Macron" est venue modifier la loi "ESS" (loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire N° Lexbase : L8558I3D) pour préciser que le mécanisme d'information préalable ne s'appliquait qu'en cas de vente des parts, actions ou valeurs mobilières donnant accès au capital. Le décret du 28 décembre 2015 remplace ainsi le terme de cession par celui de vente. Par conséquent, sont exclus du domaine d'application de la loi les transmissions à titre gratuit ou à titre onéreux qui ne sont pas des ventes, telle l'attribution judiciaire ou le pacte commissoire dans le cadre de la mise en oeuvre d'un nantissement de parts sociales ou de compte d'instruments financiers, mais aussi les échanges et certainement les apports. Sont également exclues les opérations qui ne sont pas des cessions et a fortiori qui ne constituent pas des ventes, à savoir les opérations qui emportent transmission universelle de patrimoine, les dissolutions/confusions, fusions, scissions, apports partiels d'actifs soumis au régime des scissions. Le fait que les cessions aient cédé le pas aux ventes ne nous paraît en réalité que peu modifier le dispositif.
En outre, la loi "Macron" est venue préciser le délai de réalisation de la vente. L'article L. 23-10-1 du Code de commerce, applicable dans les entreprises n'ayant pas d'obligation de mettre en place un comité d'entreprise ou en cas d'absences concomitantes du comité d'entreprise et de délégués du personnel, précisait et précise toujours que les salariés sont informés de la volonté du propriétaire souhaitant vendre ses titres au plus tard deux mois avant la date de la vente, étant entendue comme la date de conclusion du contrat. Dans cette perspective, le représentant légal notifie sans délai aux salariés cette information en leur indiquant qu'ils peuvent présenter une offre. Par conséquent, la vente intervenant avant l'expiration de ce délai viole, sauf décision de chacun des salariés de ne pas présenter d'offre, les dispositions légales. Or, la notification était très délicate à réaliser dans la mesure où l'article L. 23-10-3 (N° Lexbase : L2919KWZ) indiquait seulement que l'information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers. Et toutes les modalités visées dans le décret d'application du 28 octobre 2014 (décret n° 2014-1254 N° Lexbase : L6470I4E) supposaient que le notifiant soit en mesure de prouver que la notification avait été effectivement reçue (8). La loi "Macron" a donc modifié l'article L. 23-10-1 du Code de commerce afin que le propriétaire vendeur qui n'est pas le chef d'entreprise puisse faire connaître sa volonté de vendre au chef d'entreprise par une notification, dont la forme n'est cependant pas précisée. Quoi qu'il en soit la notification n'est pas difficile à réaliser car elle n'a qu'un seul destinataire, le chef d'entreprise. Et c'est désormais à la date de cette notification que court le délai de deux mois précité. Lorsqu'en revanche le propriétaire est le chef d'entreprise, la notification de sa volonté de céder se fera directement aux salariés. C'est dans ce cas que les problèmes pourront se poser. Pour éviter les difficultés inutiles, la loi "Macron" a donc ajouté à l'article L. 23-10-3 un alinéa précisant que lorsque l'information des salariés est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date de réception de l'information est la date de la première présentation de la lettre. Et le décret du 28 décembre 2015 confirme cela en indiquant dans les articles D. 141-3 (N° Lexbase : L3490KW8) et D. 23-10-1 (N° Lexbase : L3488KW4) du Code commerce que les mots : "la date à laquelle s'opère le transfert de propriété" sont remplacés par les mots : "étant la date de conclusion du contrat". Le délai de deux mois s'apprécie donc au regard de la date de cession, entendue comme "la date de conclusion du contrat".
Enfin et surtout, ce décret du 28 décembre 2015, qui fixe l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions au 1er janvier 2016, abroge le décret du 28 octobre 2014 qui avait inséré dans le Code de commerce des dispositions réglementaires relatives à l'application de la loi "ESS". Plus précisément, le décret du 28 décembre 2015, après avoir modifié en son article 1er des dispositions de la partie réglementaire du Code de commerce issues du décret du 28 octobre 2014, dispose en son article 2 que le décret précité de 2014 est abrogé. Est-ce à dire que tous les articles figurant dans le Code de commerce issus du décret du 28 octobre 2014 sont abrogés ? La lecture du décret du 28 décembre 2015 le laisse penser puisque le décret les ayant institués est abrogé. Le droit d'information des salariés est devenu un véritable monstre juridique qu'il conviendrait de supprimer.
Par ailleurs, un autre décret (décret n° 2016-2) a été adopté en la matière, en date du 4 janvier 2016, relatif quant à lui à l'information triennale instituée par l'article 18 de la loi "ESS" du 31 juillet 2014. A cet égard, la loi "Macron" prévoit que la procédure d'information préalable de chacun des salariés n'est pas applicable "si au cours des douze mois qui précèdent la vente, celle-ci a fait l'objet d'une information" en application dudit article 18. Cette procédure d'information triennale a été modifiée et oblige la société, depuis la loi "Macron", à informer les salariés sur les "orientations générales de l'entreprise relatives à la détention de son capital, notamment sur le contexte et les conditions d'une cession de celle-ci et, le cas échéant, sur le contexte et les conditions d'un changement capitalistique substantiel". Le décret d'application 4 janvier 2016 précise le contenu de cette information dans des termes très génériques.
Ainsi, selon le décret, l'information périodique des salariés des sociétés commerciales de moins de 250 salariés sur les possibilités de reprise d'une société par les salariés comporte les éléments suivants :
- les principales étapes d'un projet de reprise d'une société, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant (1°) ;
- une liste d'organismes pouvant fournir un accompagnement, des conseils ou une formation en matière de reprise d'une société par les salariés (2°) ;
- les éléments généraux relatifs aux aspects juridiques de la reprise d'une société par les salariés, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant (3°) ;
- les éléments généraux en matière de dispositifs d'aide financière et d'accompagnement pour la reprise d'une société par les salariés (4°) ;
- une information générale sur les principaux critères de valorisation de la société, ainsi que sur la structure de son capital et son évolution prévisible (5°) ;
- le cas échéant, une information générale sur le contexte et les conditions d'une opération capitalistique concernant la société et ouverte aux salariés (6°).
Cette information qui devra être donnée dans une périodicité au moins triennale aura donc, pour conséquence, si elle est donnée par l'entreprise dans les douze mois précédant la vente et donc, on peut le supposer, au moins actualisée dans ce délai (spécialement les points 5 et 6), d'éviter au vendeur des titres de la société d'avoir à notifier son intention de vendre.
Le décret ajoute que l'information est présentée par écrit ou oralement par le représentant légal de la société, ou son délégataire, lors d'une réunion à laquelle les salariés doivent avoir été convoqués par tout moyen leur permettant d'en avoir connaissance. En outre, l'obligation d'information relative aux éléments mentionnés à l'article 1er, à l'exception de ceux mentionnés aux 5° et 6°, peut être satisfaite par l'indication de l'adresse électronique d'un ou plusieurs sites internet comportant ces informations. Par ailleurs, le seuil d'effectif salarié mentionné au premier alinéa de l'article 1er est apprécié conformément aux articles L. 1111-2 (N° Lexbase : L3822IB8) et L. 1111-3 ([N° Lexbase : L5835KTB) du Code du travail.
Enfin, le décret précise que le I de l'article 204 de la loi du 6 août 2015 entre en vigueur au lendemain de la publication du présent décret. A quelle date entre réellement en vigueur ce nouveau dispositif d'information triennale ? A lire le décret, ce serait le lendemain du jour de sa publication. Est-ce à dire qu'à compter de ce jour et dans un délai de trois ans il faut que cette obligation soit respectée ? Ce qui est sûr c'est que le dispositif, initialement créé par l'article 18 de la loi "ESS", ne pouvait pas être mis en oeuvre faute de précision, si bien que le délai de trois ans pour savoir à partir de quand l'obligation d'information triennale est nécessaire doit se décompter, nous semble-t-il, ni à partir de la loi "ESS", ni à partir de la loi "Macron", mais à compter du décret du 4 janvier 2016. De sorte que les entreprises concernées auraient jusqu'en janvier 2019 pour respecter cette obligation... Qu'elles se rassurent, aucune sanction n'est prévue, autre que le droit commun, en cas de non-respect de cette information triennale.
Trois arrêts récents, adoptés en matière de sociétés de professions libérales, méritent d'être relevés.
Le premier (9) concerne une SCP de médecins dans laquelle un expert de l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L8956I34) a été désigné. Plus précisément, dans cette affaire, un tribunal de grande instance a déclaré abusif le retrait forcé de M. X d'une SCP de médecins gynécologues-obstétriciens, décidé par ses deux associés, MM. Y et Z, a condamné ces derniers à lui payer, d'une part, la valeur réelle de ses parts sociales, d'autre part, 80 % de la rémunération due entre le jour de la notification de son retrait forcé et le jour où la cession ou le rachat de ses parts aurait dû intervenir et a, avant dire droit, sur la liquidation de ces créances, ordonné une mesure d'expertise. Après dépôt du rapport, le tribunal a fixé les sommes dues par les deux associés à M. X. Ce dernier a interjeté appel de cette décision en demandant à la cour d'appel de le renvoyer à saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de fixation de l'indemnité lui restant due. La cour d'appel ayant rejeté sa demande (10), il a formé un pourvoi. Pour rejeter sa demande tendant à être renvoyé à saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de fixation de l'indemnité lui restant due au titre de ses parts d'associé et condamner ses anciens associés à lui payer une certaine somme à ce titre, l'arrêt d'appel énonce que le jugement du 11 mai 2004 qui a ordonné une mesure d'expertise pour liquider les créances mises à la charge de MM. Y et Z est survenu sur une saisine de M. X lui-même, que la compétence de la juridiction et la procédure suivie n'ont été contestées par personne et que ce jugement mixte a jugé la procédure régulière et fixé la méthode d'évaluation en ordonnant une expertise.
Mais, dans un arrêt du 25 novembre 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation casse ce raisonnement pour violation des articles 1843-4 du Code civil et R. 4113-51 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9093GTX), au motif "qu'il résulte de ces textes qu'en cas de refus, par l'associé retrayant d'une société civile professionnelle de médecins, du prix proposé pour la cession ou le rachat de ses parts sociales, leur valeur est déterminée par un expert désigné, soit par les parties, soit, à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés et sans recours possible ; que ces dispositions particulières revêtent un caractère impératif". La cassation intervient au terme d'un moyen relevé d'office (11), après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7861I4W) (12). C'est dire l'importance de l'arrêt, frappé en outre des mentions FS-P+B+I (13), qui permet de réaffirmer le caractère impératif de l'article 1843-4 du Code civil dans le contexte particulier de l'exclusion d'un associé d'une SCP, que l'ordonnance n° 2014-863, du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : L1321I4P), ne remet pas en cause. L'arrêt rappelle surtout que l'expert doit être désigné par le président du tribunal et non par le tribunal. C'est en sens que la procédure revêt un caractère particulièrement impératif.
Dans un autre, en date du 8 décembre 2015 (14), concernant une SELARL de pharmaciens d'officine, il s'agissait de deux associés de ladite SELARL dont l'un des deux décide de cesser toute activité. Or une clause des statuts prévoyait, conformément à la loi du 31 décembre 1990 (loi n° 90-1258 N° Lexbase : L3046AIN), que les anciens professionnels pouvaient rester associés pendant dix ans mais que, si cette situation avait pour effet de réduire la part de capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure à la moitié de ce capital, ledit associé perdait, dès la survenance de cet événement, l'exercice des droits attachés aux parts qu'il détenait.
Et précisément, parce qu'il avait décidé de cesser tout activité, l'ancien professionnel avait perdu ses droits de vote, ce qu'il contestait, mais ce que la Cour de cassation valide : "qu'en statuant ainsi, alors que les statuts d'une société d'exercice libéral de pharmacien d'officine peuvent déroger aux dispositions légales non impératives et notamment prévoir que l'associé qui cesse toute activité professionnelle peut rester associé pendant dix ans en qualité d'ancien associé, mais que, si cette situation a pour effet de réduire la part de capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure à la moitié de ce capital, il perd, dès la survenance de cet événement, l'exercice des droits attachés aux parts qu'il détient et ses parts sont rachetées à la diligence de la gérance, la cour d'appel a violé les textes susvisés [article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et article 1844-10 du Code civil N° Lexbase : L2030ABS".
Cependant, il aurait été, nous semble-t-il, plus juste juridiquement, une fois la part du capital détenue par l'ancien professionnel revenue au licite, c'est-à-dire à la minorité, que ledit associé retrouve ses droits de vote. Mais la Cour de cassation a estimé que la vocation à participer au vote devait dans son entier être supprimée, compte tenu du fait que l'ancien professionnel détenait la majorité du capital, ce qui n'est pas possible dans une SEL, dans laquelle, en principe, les associés professionnels en exercice doivent être majoritaires en capital et droits de vote, étant précisé néanmoins que la loi "Macron" fait considérablement évoluer ce principe, en particulier dans les sociétés des professions du droit. Par ailleurs, l'ancien professionnel contestait également le fait que la clause le privait de sa vocation aux bénéfices. Or, sur ce point, la Cour de cassation estime qu'il résulte de la combinaison des articles 5 de la loi du 31 décembre 1990, 1844-1 (N° Lexbase : L2021ABH) et 1869 (N° Lexbase : L2066AB7) du Code civil que la perte, en application d'une clause statutaire, de l'exercice des droits attachés aux parts détenues par un associé au sein d'une SEL de pharmaciens, dès la cessation de ses fonctions professionnelles au sein de la société, n'emporte pas, jusqu'au remboursement des droits sociaux, la perte de la rétribution des apports en capital. Il conserve donc son droit aux bénéfices. La solution, relative à la vocation aux bénéfices, bien plus forte que le droit de participer au vote, est conforme à la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation en matière de droit de retrait (15) : l'associé retrayant reste associé jusqu'au complet paiement de ses parts sociales, même s'il n'exerce plus d'activité, ce qui est le cas, par définition, de celui qui cesse toute activité, comme en l'occurrence. Autrement dit, tant que les droits sociaux n'ont pas été remboursés, l'ancien professionnel conserve le droit de percevoir la rémunération liée à ses apports, c'est-à-dire essentiellement le droit au dividende. La clause des statuts prévoyant l'inverse est qualifiée de léonine, d'où le visa de l'article 1844-1 du Code civil, ainsi que de l'article 1869 du même code, lequel texte, cependant, s'il organise le droit commun du retrait des associés d'une société civile, n'a que très peu de lien avec la qualité d'associé et la perte de qualité consécutive au remboursement de droits sociaux (16).
C'est cette même vocation aux bénéfices qui est rappelée dans le troisième arrêt, en date du 9 décembre 2015 (17), concernant une SCP d'architectes dont l'un des deux associés décède. Il s'ensuit un conflit entre l'associé restant et les héritiers du défunt qui, après un arrêt de la Cour de cassation ayant estimé que ces derniers conservaient de tels bénéfices jusqu'au rachat des parts (18), obtiennent finalement gain de cause au terme d'une QPC soulevée par l'associé survivant n'aboutissant pas. Pour la Cour de cassation, la vocation aux bénéfices des héritiers d'un associé d'une SCP jusqu'à la cession ou au rachat des parts de leur auteur, ne porte pas atteinte au droit de propriété des autres associés, dès lors, que, dans une telle société, chaque associé a droit à la part de bénéfices correspondant à ses apports dans la société, indépendamment des résultats de l'activité de chacun, sauf disposition contraire des statuts, de sorte que les héritiers de l'associé décédé conservent vocation à la répartition des bénéfices correspondant aux parts sociales de leur auteur jusqu'à la cession ou au rachat de celles-ci. Malgré le manque de clarté de l'article 24 alinéa 4 de la loi du 29 novembre 1966 (loi n° 66-879 [LXB=L3146AID)]), sur lequel portait la QPC, la Cour de cassation déconnecte totalement la participation aux résultats des associés des résultats de l'activité de chacun. Cette solution peut être combattue, selon nous, en stipulant -la Cour de cassation prend soin de le réserver dans l'attendu-, dans des statuts de SCP, simplement que l'affectation des résultats aux associés est fonction des résultats de l'activité de chacun et que, concernant les éventuels héritiers des associés décédés, la valeur qui sera remboursée auxdits héritiers sera, en toute hypothèse, calculée au jour du décès de l'associé. Priver les héritiers de leur vocation aux bénéfices n'est pas possible. En revanche, la limiter, est parfaitement valable.
On mentionnera simplement pour mémoire cet arrêt rendu par la Cour de cassation, relatif aux conventions réglementées dans les SA à conseil d'administration, arrêt commenté dans ces colonnes par notre collègue, le Professeur Deen Gibirila (19). Dans cette affaire, aux multiples apports, la Cour de cassation juge, d'une part, que le point de départ de la prescription de l'action en nullité de la convention réglementée dissimulée doit s'apprécier à l'égard de la personne qui exerce l'action et est différé au jour de la révélation de la convention (20), d'autre part, qu'une convention intervenue entre une société et son dirigeant peut être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l'exclure du champ d'application des conventions réglementées par les articles L. 225-38 (N° Lexbase : L8876I37) et suivants du Code de commerce.
Dans cette affaire, une SARL a participé à la constitution d'un GIE, dont elle est restée membre jusqu'à son exclusion intervenue le 4 juillet 2008. Lors des assemblées des 8 juillet 2005, 7 juillet 2006, 22 juin 2007 et 4 juillet 2008, les membres du GIE ont décidé d'affecter le résultat positif de l'exercice à la réserve facultative prévue par les statuts et le règlement intérieur. La SARL ayant été mise en liquidation judiciaire, son liquidateur a assigné le GIE en paiement de la quote-part de cette société dans les bénéfices mis en réserve avant son exclusion. Pour accueillir cette demande, l'arrêt d'appel (21), après avoir constaté que la mise en réserve de tout ou partie du résultat du GIE était admise par les statuts et le règlement intérieur pour des raisons de bonne gestion, a retenu que les sommes figurant dans le compte de réserves sont la propriété des membres du GIE à proportion de la quote-part des résultats auxquels ils ont droit. Il a également retenu que cette quote-part, si elle ne leur a pas été versée, leur est acquise et ne peut leur être retirée sauf à profiter de manière illicite au GIE, lequel ne peut faire de bénéfices pour lui-même. Enfin, l'arrêt d'appel a ajouté qu'aucune clause des statuts ne prive le membre du GIE qui a fait l'objet d'une exclusion de son droit au paiement de sa part dans les réserves non distribuées ainsi que dans les résultats positifs de l'exercice en cours.
Mais, dans un arrêt du 19 janvier 2016, publié au Bulletin, la Cour de cassation estime, au visa de l'article L. 251-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6481AIU), que l'arrêt a violé ce texte. Et dans un attendu de principe, la Cour de cassation affirme qu'il résulte de l'article L. 251-1 du Code de commerce que si le but du groupement d'intérêt économique n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même, cette règle ne fait pas obstacle à ce que tout ou partie des résultats provenant de ses activités soit mis en réserve dans les comptes du groupement pour les besoins de la réalisation de son objet légal. A défaut de clause statutaire ou de décision d'assemblée en ce sens, le membre du groupement d'intérêt économique qui se retire de celui-ci ou en est exclu ne peut obtenir le remboursement de sa part dans les réserves régulièrement constituées.
En effet, selon l'article L. 251-1, alinéa 2, du Code de commerce, "le but du groupement est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité. Il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même". Cependant, comme la Cour de cassation l'a déjà jugé (22), et comme elle rejuge aujourd'hui dans l'arrêt annoté, cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'une partie des résultats provenant de ses activités soit mise en réserve dans les comptes du groupement pour les besoins de la réalisation de son objet légal. Même si cela n'a pas toujours été le cas, nul doute qu'aujourd'hui, en raison de l'évolution de la législation, qu'un GIE puisse réaliser des bénéfices. Simplement, il ne faut pas que ce soit là son but. Comme le dit Yves Guyon, "le bénéfice est un résultat qui n'a pas été voulu et non un objectif. L'article L. 251-1 n'interdit pas un tel résultat" (23). Dans le même sens, le professeur Didier affirme que la "rédaction nouvelle du texte, bien que cela n'apparaisse pas avec évidence, a pour objet d'affirmer la possibilité pour le groupement de faire des bénéfices, même si cette réalisation de bénéfices ne constitue pas son objet même" (24). L'arrêt commenté rappelle donc une solution acquise.
Mais la vraie question n'est pas là. Elle est surtout de savoir à qui appartiennent les bénéfices : aux associés du GIE ou au GIE lui-même ? En l'espèce, le mandataire liquidateur de la SARL pensait qu'ils appartenaient à son administré. Mais en l'occurrence, ils appartenaient au GIE. Ainsi, comme le plaidait le pourvoi victorieux, "lors que si le but du groupement d'intérêt économique n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même, cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'une partie des résultats provenant de ses activités soit mise en réserve dans les comptes du groupement pour les besoins de la réalisation de son objet légal ; qu'en conséquence le membre qui se retire ou est exclu du GIE, s'il peut demander sa part dans les résultats de l'exercice, ne peut pas, en revanche, demander le remboursement de sa part dans les réserves régulièrement constituées pour les besoins du GIE".
En l'espèce, conformément aux statuts et aux décisions unanimes d'assemblée générale de 2005, 2006, 2007 et 2008, les résultats positifs avaient été affectés par les membres du groupement à la réserve facultative "pour des raisons de bonne gestion" et n'étaient donc pas devenus la propriété des membres du GIE. Or, en jugeant néanmoins que les résultats mis en réserve étaient devenus la propriété des membres du GIE, qu'ils représentaient la créance de chaque membre sur le GIE et que chaque membre retrayant avait donc droit au remboursement de sa part dans les réserves comme dans les résultats positifs de l'exercice en cours, les juges du fond avaient violé l'article L. 251-1 du Code de commerce. D'où leur censure, pleinement justifiée selon nous. En outre et en l'espèce, tant les statuts du GIE que son règlement intérieur prévoyaient que les résultats positifs seraient la propriété des membres et répartis entre ces derniers, mais que l'assemblée générale ordinaire pourrait toutefois décider le virement de tout ou partie du bénéfice à un poste de réserves facultatives. En conséquence de quoi les résultats positifs affectés aux réserves ne devenaient pas, aux termes mêmes des statuts et du règlement intérieur, la propriété de chacun des membres, et le membre qui se retirait ou était exclu du GIE, s'il pouvait demander sa part dans les résultats de l'exercice, ne pouvait, en revanche, demander le remboursement de sa part dans les réserves du GIE régulièrement constituées. Or en jugeant néanmoins que "les résultats mis en réserve représentent la créance de chaque membre sur le GIE", et que, en soutenant que les réserves ne pouvaient être distribuées sans une décision d'assemblée générale, le GIE se mettait en contradiction avec les statuts et le règlement intérieur, et en jugeant que chaque membre retrayant avait droit au remboursement de sa part dans les réserves comme dans les résultats positifs de l'exercice en cours, la cour d'appel avait également violé la loi sur le GIE et les statuts.
Cependant, et même si le but du GIE n'est pas de faire des bénéfices, non seulement les statuts peuvent le prévoir, mais aussi et surtout ils peuvent prévoir que ces bénéfices seront la propriété des associés, ce que peut confirmer ensuite, ou au contraire décider de l'inverse, les assemblées du GIE. En l'espèce, s'ils avaient prévu la possibilité de réaliser des bénéfices, les statuts n'avaient pas prévu de les attribuer aux membres du GIE. Et les assemblées du GIE ne l'avaient pas plus souhaité. En réalité ici, les statuts et le règlement intérieur étaient assez peu prolixes. Simplement avaient-ils prévu que les réserves devaient servir à la bonne gestion du GIE. Cela suffit à empêcher les associés à bénéficier des bénéfices mis en réserve. D'autant plus qu'aucune assemblée n'a décidé d'une telle attribution ou distribution. Les membres du GIE ont toutefois droit à leur part dans les résultats de l'exercice.
On sait que les apports partiels d'actifs peuvent emporter transmission universelle du patrimoine. Encore faut-il, cependant pour ce faire qu'ils soient placés sous le régime des scissions. S'ils ne le sont pas, et le choix s'opère dans le traité d'apport, la TUP ne peut avoir lieu.
En l'espèce, la société ETE, société d'ingénieurs conseils spécialisée en tarification de l'énergie, a conclu, le 19 avril 1994 un contrat pour le contrôle et l'analyse des achats d'électricité et de divers points liés à EDF, avec la société ESG. Après l'expiration du contrat, la société ETE a, le 9 octobre 1997, adressé à la société ESG trois factures pour les années 1995 à 1997, restées impayées, et l'a assignée, le 9 juin 1998, en paiement. Le 12 juillet 2000, cette dernière a conclu avec les sociétés EDF et la Lyonnaise des eaux un protocole d'accord stipulant que la distribution de l'électricité sur le territoire des communes composant les six syndicats intercommunaux, regroupés au sein de la société ESG, serait confiée à la société EDF et que les actifs et passifs liés à cette branche d'activité lui seraient transférés. Informée le 15 janvier 2002 de la conclusion de cette convention, la société ETE a assigné le 15 janvier 2010 la société EDF pour voir juger que cette dernière s'était substituée aux droits et obligations de la société ESG dans le cadre de l'instance initiale.
La cour d'appel de Bordeaux (25) a considéré que l'action de la société ETE contre EDF était prescrite, alors, selon le moyen, que l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice s'étend aux ayants cause universels ou à titre universel des parties, de sorte qu'en décidant, néanmoins, que l'assignation délivrée par la société ETE à la société ESG le 9 juin 1998 n'avait pas produit d'effet interruptif de prescription à l'égard de la société EDF, motif pris que le protocole du 12 juillet 2000 avait eu pour seul effet de créer à la charge de la société EDF une obligation nouvelle à l'égard de la société ETE, s'ajoutant à celle de la société ESG, qui n'avait pas été déchargée et qu'ainsi la société EDF n'avait pas acquis la qualité de partie à l'instance introduite par ladite assignation, tandis que ce protocole, qui avait pour objet de transférer à la société EDF les passifs et actifs liés à l'activité de distribution d'électricité de la société ESG, avait nécessairement emporté transmission universelle à la société EDF des biens, droits, obligations et actions se rapportant à cette branche d'activité, ce dont il résultait qu'elle avait acquis de plein droit la qualité de partie à l'instance initiée par l'assignation du 9 juin 1998 et bénéficiait de l'effet interruptif de prescription attaché à celle-ci.
Mais, dans un arrêt inédit du 19 janvier 2016, la Cour de cassation rejette le pourvoi car la transmission universelle des biens, droits et obligations dépendant d'une branche d'activité transférée ne s'opère de plein droit qu'en cas d'apport partiel d'actif placé sous le régime des scissions. Or, n'étant pas allégué que les parties au protocole du 12 juillet 2000 auraient mentionné qu'elles entendaient placer l'opération sous le régime des scissions, le moyen, qui soutient que ce protocole a emporté transmission universelle à la société EDF des passifs et actifs liés à la branche d'activité de distribution d'électricité qui lui a été transférée, n'est pas fondé.
En cas de transfert d'une branche autonome d'activité il faut donc que les parties soient particulièrement vigilantes quant à l'effet de la TUP, et qu'elles pensent ainsi, par exemple, à opter pour le régime des scissions car, dans le cas contraire, la TUP ne se produira pas, ce qui pourra avoir des conséquences dommageables, notamment comme ici, lorsqu'un litige sera né à la suite d'une rupture contractuelle. Il n'est pas rare, en effet, qu'avant une opération de fusion, d'apport partiel d'actif ou de scission, un procès soit en cours, ce qui peut poser de réelles difficultés quant à la représentation des parties à l'instance (26). L'apport partiel d'actif soumis au régime des scissions emporte TUP, et par conséquent, la société bénéficiaire de l'apport acquiert, de plein droit, la qualité de parties à l'instance précédemment initiée par ou contre l'apporteur (27. Mais la TUP n'est pas inhérente à l'apport partiel d'actif (28), si bien que la qualité de partie à l'instance et la représentation en justice peuvent ne pas être assurées. C'est le mérite de cet arrêt que de le rappeler.
Soit une présidente de SAS, dont le capital est réparti entre elle, à hauteur de 4 450 actions en usufruit, et un autre associé détenant 300 actions en pleine propriété et 4 450 actions en nue-propriété. La nue-propriété de ces actions a fait l'objet d'une donation par la présidente audit associé en vertu de deux actes stipulant que : "en ce qui concerne le droit de participer aux délibérations et décisions collectives, le donateur et le donataire nomment en qualité de mandataire commun le donateur". Faisant valoir que les résolutions adoptées lors de la consultation écrite du 30 août 2012, puis lors de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2013 l'avaient été en violation de ses droits d'associé, l'autre associé a assigné la présidente ainsi que la SAS en annulation. Devant la cour d'appel, l'associé en question soutient avoir révoqué le mandat confié à la présidente. Pour dire que l'associé non-président n'est pas fondé à invoquer la révocation du mandat donné à la présidente, l'arrêt d'appel (29) relève que le principe de libre révocabilité du mandat est atténué lorsque celui-ci est d'intérêt commun et que la révocation n'est pas fondée sur une cause légitime mais sur une différence de point de vue relativement à l'intérêt social. Il ajoute que cette révocation est indirecte en ce qu'elle résulterait des actes accomplis par le mandant.
Mais, dans un arrêt du 8 décembre 2015, inédit, la Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, au visa de l'article 2004 du Code civil (N° Lexbase : L2239ABK), et au motif que la révocation du mandat peut être tacite et résulter indirectement des actes accomplis par le mandant, et que l'associé non-président soutenait avoir exercé le droit de vote attaché aux actions détenues en nue-propriété. L'intérêt de l'arrêt est de rappeler que les dirigeants sociaux, quelle que soit la forme de société concernée, non seulement sont librement révocables, mais encore que cette révocation peut intervenir tacitement. C'est la théorie du mandat (30). En droit des sociétés, selon les cas, notamment en matière de SARL et SNC, il faut une cause ou un motif légitime. Appliquée également en droit des sociétés, la question peut se poser aussi du mandat d'intérêt commun. Cependant, l'absence de cause légitime ne prive pas d'effet la révocation du mandat d'intérêt commun (31). Surtout, comme le prévoit l'article 2004 du Code civil, "le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute", ce qui signifie, par extrapolation, et comme le considère la Cour de cassation, que la révocation du mandat peut être tacite, et résulter indirectement des actes accomplis par le mandant. Toutefois, puisque l'on est en droit des sociétés, l'on préfèrera une révocation résultant expressément d'une assemblée ou d'une décision de l'associé unique, tout du moins d'un PV le constatant et l'actant.
(1) bastien.brignon@univ-amu.fr ou bastien.brignon@free.fr.
(2) B. Dondero, Droit d'information des salariés en cas de cession d'entreprise : un imbroglio juridique (de plus) en perspective..., Bull. Joly Sociétés, 2 septembre 2015 n° 9, p. 401. B. Dondero, Game of Thrones ridiculisé par la saga de la loi Hamon, Gazette du Palais, 12 mai 2015, n° 132, p. 3.
(3) Cons. const., décision n° 2015-476 QPC, du 17 juillet 2015 (N° Lexbase : A8504NMW)
(4) D. Poracchia et N. Goetz, Le droit de disposer de ses titres : remarques autour de quelques législations récentes. Une liberté à l'épreuve d'un dispositif à peine décomplexifié : l'information préalable des salariés, RTDF, 2015-4. V. égal. le blog de Bruno Dondero qui, le premier, a soulevé cette incohérence.
(5) On rappellera que les salariés sont tenus à une obligation de discrétion à l'égard des informations reçues de la société portant sur le projet de cession
(6) Cf. C. com., art. D. 23-10-3 (N° Lexbase : L5622I4Y).
(7) En ce sens v., D. Poracchia et N. Goetz, précit..
(8) D. Poracchia, P. Portier et N. Goetz, Loi ESS et l'option d'achat de l'entreprise par les salariés : de nouvelles précisions qui laissent entier le choc de complexification, Bull. Joly Sociétés, décembre 2014, page 728.
(9) Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 14-14.003, FS-P+B+I ; D. Vidal L'article 1843-4 du Code civil, enfant terrible du droit des sociétés : une réforme à parfaire ?, Lexbase Hebdo n° 450 du 14 janvier 2016 - édition affaires (N° Lexbase : N0780BWS).
(10) CA Nîmes, 16 janvier 2014, n° 12/05599 (N° Lexbase : A6493KTN).
(11) On passera sous silence le moyen relatif à la compensation sur lequel v. sous le même arrêt, note R. Mésa, D. Actualité, 4 décembre 2015.
(12) Ce texte dispose que : "le président de la formation ou le conseiller rapporteur doit aviser les parties des moyens susceptibles d'être relevés d'office et les inviter à présenter leurs observations dans le délai qu'il fixe. Il en est de même lorsqu'il envisage de rejeter un moyen par substitution d'un motif de pur droit relevé d'office à un motif erroné ou lorsqu'il est envisagé de prononcer d'office une cassation sans renvoi".
(13) D'ailleurs, le même jour, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un autre arrêt très important concernant la compétence du Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 15-10.598, F-P+B+I (N° Lexbase : A7766NXW).
(14) Cass. com., 8 décembre 2015, n° 14-19.261, F-P+B, D. Vidal, A propos de la clause statutaire de "perte automatique de l'exercice des droits attachés à la qualité d'associé" : d'un désordre à un autre désordre ?, Lexbase Hebdo n° 452 du 28 janvier 2016 - édition affaires (N° Lexbase : N1032BW7).
(15) Cass. com. 17 juin 2008, deux arrêts, n° 06-15.045, FS-P+B+R sur le premier moyen (N° Lexbase : A2140D97) et n° 07-14.965, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2228D9E), Bull. civ. IV, n° 125 et 126 ; ; Bull. Joly Sociétés, décembre 2008, p. 965, n° 206 et 207, note F.-X. Lucas ; D., 2008, p. 1818, obs. A. Lienhard ; ibid., 2009, p. 1772, chron. M. Laroche ; Rev. sociétés, 2008, p. 826, note J.-F. Barbièri ; RTDCom., 2008, p. 588, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Dr. sociétés, 2008, comm. n° 176, note R. Mortier ; JCP éd. G, 2008, II, 10169, note Ch. Lebel ; RLDA, 2008, n° 32, p. 10, note D. Gibirila ; Dr. et patr., mai 2009, 104, obs. D. Poracchia ; J.-B. Lenhof, Perte de la qualité d'associé et remboursement des droits sociaux dans les sociétés civiles, Lexbase Hebdo n° 314 du 16 juillet 2008 édition privée (N° Lexbase : N6457BGA). Concernant la troisième chambre civile, cf. Cass. civ. 3, 9 décembre 1998, n° 97-10.478, publié (N° Lexbase : A5430A4U), Bull. civ. III, n° 243 ; Bull. Joly Sociétés, avril 1999, p. 436, n° 90, note F.-X. Lucas ; D., 2000, p. 237, obs. J.-C. Hallouin ; RDI, 1999, p. 111, obs. J.-C. Groslière ; D. Affaires, 1999, p. 298, obs. M. Boizard ; Dr. sociétés, 1999, comm. n° 32, note Th. Bonneau ; JCP éd. E, 1999, 1395, note J.-P. Garçon ; JCP éd. N, 1999, 725, note D. Randoux ; Defrénois, 1999, p. 623, obs. H. Hovasse. Concernant la première chambre civile, cf. Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-13.957, F-D (N° Lexbase : A4367MWN), Rev. sociétés, 2015, p. 115, note J.-F. Barbièri, JCP éd. E, 2015, 1186, spéc. n° 5, obs. M. Buchberger ; Cass. civ. 1, 15 octobre 2014, n° 13-18.983, FS-P+B (N° Lexbase : A6441MY9), D., 2014, p. 2111, Dr. sociétés, 2015, comm. n° 46, note H. Hovasse, JCP éd. E, 2015, 1186, spéc. n° 4, obs. M. Buchberger, Rev. sociétés, 2015, p. 310, note J.F. Barbièri, D. Gibirila, La perte de titularité des parts sociales d'un notaire démissionnaire d'office, Lexbase Hebdo n° 401 du 13 novembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N4496BU3) ; Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 13-24.931 FS-P+B (N° Lexbase : A9230NGX), Bull Joly Sociétés, juin 2015, p. 292, n° 113, note J.-F. Barbièri, Dr. sociétés, 2015, comm. n° 107, note H. Hovasse, A. Albarian, P. Mouron et B. Brignon, Droit commercial, Sociétés commerciales, 2015, Un an de jurisprudence commentée, Lamy Axe droit, 2015, n° 2.
(16) J.-F. Barbièri préc., note sous Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-13.957, F-D, préc., cité in B. Brignon, Actualité de l'associé de société civile : droit de retrait et obligation aux dettes sociales, Dr. sociétés, 2015, comm. n° 12, spéc. n° 2.
(17) Cass. QPC, 9 décembre 2015, n° 15-18.771, F-P+B, D. Actualité, 7 janvier 2016, note N. Kilgus.
(18) Cass. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-18.453, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8348IQA), Dalloz Actualité, 23 juillet 2012, obs. A. Lienhard ; D., 2012, p. 2786, note B. Brignon et E. d'Esparron ; RTDCom., 2012, p. 577, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Dr. sociétés, 2012, comm. n° 180, note Hovasse ; Bull. Joly Sociétés, 2012, 800, note D. Gallois-Cochet ; RJDA, 2012, n° 982 ; Defrénois, 2012, 1074, note A. Rabreau ; Ch. Lebel, Le décès de l'associé de société civile professionnelle, Lexbase Hebdo n° 310 du 27 septembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N3673BT9).
(19) D. Gibirila, Convention réglementée entachée de fraude et dissimulée, Lexbase Hebdo n° 452 du 28 janvier 2016 - édition affaires (N° Lexbase : N1031BW4).
(20) En ce sens, Cass. com., 8 février 2011, n° 10-11.896, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9585GSS), BRDA, 4/2011, n° 1 ; RJDA, 4/2011, n° 324 ; D., 2011, jur. p. 1314, note N. Molfessis et J. Klein et p. 1321, note F. Marmoz ; J.-B. Lenhof, Point de départ de la prescription dans le cadre de conflits d'intérêts : un revirement de jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 242 du 10 mars 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N6360BRY); Rev. sociétés, 2011, p. 288, note P. Le Cannu et p. 297, note C.-N. Ohl ; JCP éd. E, 2011, n° 8, 1151, note B. Dondero ; Dr. sociétés, avril 2011, n? 70, obs. M. Roussille ; RTDCiv., 2011, p. 493, obs. P. Deumier ; D. Gibirila, L'annulation plus de trois ans après sa conclusion d'une convention réglementée sciemment dissimulée, RLDA, avril 2011, n° 3359.
(21) CA Riom, 9 avril 2014, n° 12/02965 (N° Lexbase : A7706MIA).
(22) Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-11.427, F-P+B (N° Lexbase : A5644MLM), Bull. civ. IV, n° 77 ; Dr. sociétés, 2014, n° 123, note H. Hovasse ; RLDA, septembre 2014. 10, obs. F. Marmoz ; Rev. sociétés, 2014. 574, note A.-C. Muller Cet arrêt précise également qu'il résulte de l'article L. 251-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6481AIU) que la nullité des actes ou délibérations d'un groupement d'intérêt économique ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives des textes régissant ce type de groupement, ou de l'une des causes de nullité des contrats en général. Sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas sanctionné par la nullité. Sur cet aspect V., D, 2014, Actu. 1151; Rev. sociétés, 2014. 574, note A.-C. Muller ; Bull. Joly Sociétés, 2014, 455, note F.-X. Lucas ; RJDA, 2014, n° 706 ; Ch. Lebel, Non-respect des clauses statutaires ou du règlement intérieur d'un GIE : "la nullité ne colle plus" !, Lexbase Hebdo n° 383 du 29 mai 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N2440BUW). V. déjà Cass. com. 14 juin 2005, n° 02-18.864, FS-P+B (N° Lexbase : A7453DIU), Bull. civ. IV, n° 129 ; D., 2005, AJ 1777, obs. A. Lienhard ; RTDCom., 2005, 782, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Bull. Joly Sociétés, 2005, 1412, note P. Le Cannu.
(23) Y. Guyon, Rép. Sociétés, Dalloz, v° GIE, § 19.
(24) P. Didier, Les sociétés commerciales, tome II, éditions Economica, 2011, § 1059 intitulé "But du groupement".
(25) CA Bordeaux, 8 avril 2014, n° 11/01607 (N° Lexbase : A7596MI8).
(26) V. Thomas, Sociétés et procédure civile, préf. P. Le Cannu, Lexis, 2014, n° 192 et s. ; A. Alias, La société plaidante, dir. I. Arnaud-Grossi, thèse Aix, 2015, n° 240 et s..
(27) A. Alias, préc., note de bas de page n° 614.
(28) C. com., art. L. 236-6-1 (N° Lexbase : L5717ISK) : "la société qui apporte une partie de son actif à une autre société et la société qui bénéficie de cet apport peuvent décider d'un commun accord de soumettre l'opération aux dispositions des articles L. 236-1 (N° Lexbase : L6351AI3) à L. 236-6".
(29) CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 5 juin 2014, n° 14/07378 (N° Lexbase : A1289MQS)
(30) Cass. civ. 1, 2 mai 1984, n° 83-12.056, publié (N° Lexbase : A0837AAA), Bull. civ. I, n° 143.
(31) Cass. civ. 1, 2 octobre 2001, n° 99-15.938, publié (N° Lexbase : A1523AWC), Bull. civ. I, n° 239 ; D., 2001, IR 3020 ; JCP éd. G, 2002, II, 10094, note Dagorne-Labbe ; JCP éd. E, 2002. 593, note Treppoz ; Defrénois, 2002. 321, note A. Rabreau ; Contrats conc. consom., 2002, n° 3, note L. Leveneur ; RTDCiv., 2002. 118, obs. Gautier.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:451199