La lettre juridique n°639 du 14 janvier 2016

La lettre juridique - Édition n°639

Éditorial

Lois de finances : mécanique d'un non-évènement

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 14 Janvier 2016


Je pourrais vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ; Bercy, en ce temps-là, taxait à tour de bras jusqu'au nombre de nos fenêtres ! -véridique, la valeur locative prenant en compte le nombre de fenêtres de l'immeuble ainsi localement imposé-.

Les années faisant, l'impôt devint miné : soit que les marges de manoeuvres budgétaires furent nulles ; soit que le sujet devint politiquement et constitutionnellement un parcours du combattant que nos gouvernants n'ont plus ni la patience, ni le courage de surmonter.

La récolte 2016 n'échappe pas à cette règle de "l'immobilisme" selon laquelle le salut de l'impôt passe par sa technicité et son recouvrement. La politique fiscale est gentiment priée d'aller voir ailleurs, encouragée par des clauses de rendez-vous aux calendes grecques.

A donc été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2015 -réminiscence d'une vieille habitude qui témoignait de l'âpre compromis parlementaire des lois précédentes- la loi de finances pour 2016, après validation quasi-intégrale du Conseil constitutionnel -là encore, il faut remonter à quelques années (2010 ?) pour que les Sages infligent au législateur autre chose que des remontrances pour cavaliers législatifs-. En effet, le Conseil n'a censuré que deux articles faisant l'objet d'une contestation (articles 30 et 77) -un minima en la matière !-.

L'article 30 élargissait le champ d'application de la taxe sur les transactions financières aux opérations intrajournalières. Le Conseil constitutionnel a constaté que, compte tenu de leurs règles d'entrée en vigueur, les dispositions de cet article n'auraient eu aucun impact sur le budget de l'année 2016. Il a donc censuré l'article 30 comme placé à tort dans la première partie de la loi de finances. L'article 77 était relatif au versement d'une fraction de la prime d'activité sous la forme d'une réduction dégressive de contribution sociale généralisée (amendement "Ayrault"). Son objectif était, pour augmenter le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, d'instituer une modalité particulière de décaissement de la prime d'activité et d'accroître le taux de recours à cette prime en dispensant les travailleurs qui y sont éligibles d'engager les démarches pour percevoir cette prime. Le Conseil constitutionnel a censuré cet article comme contraire au principe d'égalité au motif qu'il excluait du bénéfice de la mesure les travailleurs modestes non salariés, sans que cette différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi. Voilà donc censurée la disposition la plus "engagée", la plus "politique" de ce collectif d'hiver -pas de quoi révolutionner le landernau fiscal-.

Et, la loi de finances rectificative pour 2015 a subi le même sort (enviable ?), les Sages n'ayant censuré que l'obligation de contribution à une dotation de solidarité communautaire pour certaines communes et partageant le prélèvement du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales entre la métropole du Grand Paris et les communes membres ; ainsi que les nouvelles règles de rémunération du capital des sociétés coopératives... C'est dire les enjeux de la censure !

Chemin faisant, on se contentera donc d'une baisse de l'impôt sur le revenu -du moins pour la première tranche- ; d'une baisse du seuil de déclenchement de la TVA pour les ventes à distance ; d'une baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines -à force de lobbying- ; d'une limitation des effets de seuils dans les TPE et PME ; d'une généralisation progressive de la déclaration en ligne ; de la prolongation du crédit d'impôt pour la transition énergétique ; d'une simplification et d'un élargissement du prêt à taux zéro ; et d'une prorogation et d'une adaptation de l'éco-prêt à taux zéro.

Et la loi de finances rectificative pour 2015 n'est pas en reste (!) avec une hausse du prix du gazole et une baisse de la fiscalité sur le super sans plomb (sic) ; la mise en oeuvre d'un standard international pour les échanges automatiques d'informations fiscales -grand enjeu des dix dernières années- ; la prolongation jusqu'en 2020 des exonérations fiscales pour les entreprises créées dans les zones de revitalisation urbaines ; la création d'un comité consultatif pour le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt d'innovation, instance de conciliation en cas de désaccord pendant un contrôle fiscal ; et le report (énième) à 2017 de la prise en compte de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels -année électorale oblige ?-.

A titre d'exemple, il y a dix ans était voté le "bouclier fiscal", la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, la réforme de la taxe professionnelle, l'aménagement du régime des réductions de droits applicable aux donations, le renforcement du crédit d'impôt recherche, ou encore les mesures en faveur du capital-risque, l'aménagement du régime fiscal des plus-values réalisées par les actionnaires, l'exonération d'impôt sur le revenu en faveur des salariés expatriés... Des dispositions techniques d'ajustement et d'aménagement certes, mais des dispositions marquant un réel engagement politique et fiscal également.

Au crédit de la timidité fiscale ambiante, l'on pourrait se féliciter d'une stabilisation des régimes et de la structure d'imposition ; renforçant de ce fait la sécurité juridique tant éprouvée les années passées. Mais, "l'urgence économique et sociale" ne commande-t-elle pas d'autres ambitions ? La simplification de l'imposition française doit-elle demeurer une arlésienne ? Il est certain que la révolution que constitue le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu occupera l'administration comme les entreprises dans les mois et années à venir, mais pour quel réel bénéfice budgétaire, hormis celui d'une "année blanche" que notre déficit public peut difficilement se permettre ?

En ce temps-là, nous maugréions Bercy, groupés autour du poêle, en attendant l'hiver... fiscal.

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Audiovisuel

[Jurisprudence] Les pouvoirs du CSA à l'égard des radios privées : entre autonomie de qualification et nécessaire prise en compte des particularismes éditoriaux

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 27 novembre 2015, n° 374373, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9218NXP)

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N0781BWT

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par Lauréline Fontaine, Professeure de droit public, Université de la Sorbonne Nouvelle Paris III

Le 14 Janvier 2016

Dans un arrêt rendu le 27 novembre 2015, le Conseil d'Etat valide la restriction du périmètre de la liberté d'expression par le CSA en procédant à une interprétation neutralisante d'une obligation imposée par cette autorité mais sanctionne l'application de l'exigence de pluralisme à une radio d'"opinion", notion à laquelle il recourt pour la première fois. Les missions du CSA sont assez fréquemment discutées : on le sait, il peut, dans le cadre de son contrôle, apporter des limites à la liberté d'expression qui vont au-delà des limites prévues par la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) et diverses dispositions du Code pénal (1). Les exploitants de services radiophoniques, privés notamment, signent ainsi avec le CSA une convention déterminant leurs obligations dans le cadre de l'exploitation du service (loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, art. 28 N° Lexbase : L8240AGB). Le respect par les exploitants de ces conventions (2), conditionne en grande partie le renouvellement de leur autorisation de diffusion. La conséquence est que, pour avoir usé de sa liberté d'expression au-delà du cadre fixé par la convention, sans par ailleurs être justiciable ni civilement (la diffamation ou l'injure n'est pas constituée par exemple), ni encore moins pénalement (il n'y a pas de provocation directe à la haine raciale par exemple, ni apologie des crimes ou délits correspondant), un service radiophonique peut se voir sanctionné par une décision du CSA, puis, à la suite, perdre son autorisation de diffusion. Les dispositions des conventions élaborées par le CSA qui élargissent le cadre des limitations de la liberté d'expression sont considérées conformes au droit, et notamment à la loi du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, comme le rappelle implicitement le Conseil d'Etat dans cette décision du 27 novembre 2015.

Il existe ainsi, en matière de liberté d'expression audiovisuelle, pour employer un néologisme, une "CSAbilité" distincte de la justiciabilité ordinaire (I). Toutefois, il semble dans cette affaire, qui n'est pas la première concernant la "célèbre", mais néanmoins très parisienne, Radio Courtoisie, que le CSA ait non seulement commis une maladresse dans le choix de la motivation de sa mise en demeure à l'égard de l'exploitant, mais en plus a inscrit dans la Convention une obligation qu'il ne pouvait pas imposer à l'exploitant : celle de veiller au respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion, en particulier dans les émissions d'information politique générale. S'agissant "d'un service radiophonique qui se donne pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion", ces prescriptions, indique le Conseil d'Etat, "ne peuvent être légalement imposées". Se trouve ainsi rappelé que l'exigence de pluralisme des courants d'opinion s'impose au CSA dans l'exercice de ses missions, mais pas nécessairement aux exploitants de services audiovisuels. Sans que l'on puisse tout à fait se convaincre de ce que serait là reconnue la notion d'entreprise de tendance ou de conviction, on peut au moins dire que l'existence -ou l'absence- d'un positionnement d'opinion explicite et statutaire d'une association -dès lors qu'il est conforme à la loi- conditionne en partie l'application de l'exigence de pluralisme dans le domaine audiovisuel (II).

I - La déontologie audiovisuelle en matière de liberté d'expression : au-delà de la justiciabilité, la "CSAbilité"

Le CSA dispose d'un éventail de moyens normatifs, de la suspension d'une catégorie ou partie de programme, au retrait de l'autorisation d'exploitation du service, en passant par des sanctions pécuniaires. Ce pouvoir de sanction s'exerce après mise en demeure de l'exploitant de respecter ses obligations en vertu de la convention signée avec le CSA, qui, selon ses propres termes, a donc "valeur d'avertissement". La mise en demeure, prévue à l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 (3), n'est pas en elle-même constitutive de la procédure qui conduirait à la sanction maximale, et en est seulement un préalable. C'est sans doute la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a considéré que la mise en demeure, bien qu'elle fasse grief (4), n'avait pas le caractère d'une sanction (5). Malgré cela, et parce que la mise en demeure marque le début de la période pendant laquelle le CSA pourra prendre une sanction (pour des faits distincts cependant, c'est-à-dire en cas de "récidive"), le Conseil a pris l'initiative de graduer encore plus l'échelle de son intervention en procédant, avant de recourir à la mise en demeure, à des mises en garde et l'envoi de lettres de rappel ferme à la réglementation, ce dont par ailleurs Radio Courtoisie avait déjà fait l'objet dans le passé d'exploitation (le CSA avait envoyé des lettres et des mises en garde à cette radio à une fréquence annuelle environ, et l'avait sanctionné en novembre 2006 en lui imposant la lecture d'un communiqué au début de l'émission à l'origine de la sanction (6).

Si évidemment la liberté d'expression dans le cadre audiovisuel obéit aux règles définies par la loi du 29 juillet 1881 et à celles définies par le Code pénal, le CSA veille, selon la loi du 30 septembre 1986, à ce que les programmes de radio et de télévision ne véhiculent, d'une manière générale, aucun discours de haine : un discours ou des propos peuvent ainsi n'être pas justiciables civilement ou pénalement, mais faire l'objet d'une sanction de la part du CSA qui exerce ainsi la mission qui lui a été confiée (de la même manière d'ailleurs que son contrôle des conditions de délivrance de l'information va au-delà des possibilités de poursuites judiciaires (7)). Les termes de la loi de 1986 n'étant pas ceux de la loi de 1881, l'appréciation du CSA est autonome, sous le contrôle du juge administratif (l'article 28-1 de la loi de 1986 fait d'ailleurs une distinction entre les deux textes comme fondement du non renouvellement d'une autorisation d'exploitation par le CSA). Si, notamment, en dépit des difficultés d'appréciation qu'ils occasionnent, les termes de la loi du 1881 sur la provocation à la haine raciale sont relativement précis, le cadre fixé par le CSA l'est moins, qui à la fois autorise beaucoup d'interprétations et ne manque pas qu'on puisse s'interroger sur la portée de la liberté d'expression dès lors qu'elle a comme support des services audiovisuels. L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle indique que "le Conseil supérieur de l'audiovisuel [...] veille [...] à ce que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité". Ces spécificités dans les obligations sont inscrites dans la convention élaborée par le CSA que signe le titulaire de l'autorisation d'émettre, et qui prévoit donc que l'exploitant ne doit pas "encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". Or, l'"encouragement à des comportements discriminatoires", c'est évidemment moins fort que provocation à la haine. Dans la décision "Sud Radio" du 26 février 2014, le Conseil d'Etat a ainsi validé une mise en demeure fondée sur la convention signée avec l'exploitant qui imposait effectivement dans son article 2-4 type, de veiller "à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur [...] appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". Les propos visés par la mise en demeure avaient été tenus dans le cadre d'une émission précisément intitulée "Cardoze/Mazet, liberté de parole", qui impliquait donc presqu'en elle-même qu'elle fut pointée par le CSA ! Ca n'est pas simplement le fait d'avoir évoqué l'existence d'un lobby juif qui était mis en cause par le CSA, mais le fait que l'un des animateurs se soit réjoui d'une intervention en ce sens d'une auditrice, elle-même précédée quelques heures plus tôt d'une intervention identique. Le CSA a ainsi considéré que ces propos présentaient un caractère antisémite, ce que le Conseil d'Etat a confirmé.

S'agissant de la convention signée avec l'association émettant Radio Courtoisie, l'article 2-4 contenait exactement la même obligation consistant "à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, et s'engager à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République". C'est ainsi que le Conseil d'Etat a pu considérer comme légale la mise en demeure adressée à Radio Courtoisie de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention pour avoir diffusé les propos suivants tenus par son animateur : "le mariage homosexuel devrait susciter l'horreur tellement il est contre-nature, tellement il est scandaleux [...] le mariage homosexuel est tellement abject [...] il faudrait être inconscient pour ne pas comprendre à quel point l'Islam est dangereux et radicalement incompatible avec notre identité [...] A première vue, il n'y a aucun rapport entre le mariage des homosexuels et le déferlement des immigrés et pourtant la loi scélérate qui autorise le mariage contre la nature entre deux personnes de même sexe découle de la même source idéologique que la politique d'ouverture de la France à l'immigration, elles ont l'une comme l'autre pour but de porter atteinte aux fondements de notre identité nationale" (8).

Par ailleurs, et de la même manière, l'article 2-10 prévoit que le titulaire de l'autorisation doit mettre en oeuvre les procédures nécessaires pour assurer, y compris dans le cadre des interventions des auditeurs, la maîtrise de l'antenne. Ce concept de maîtrise de l'antenne, présent dans toutes les conventions du CSA (9), est assez important car si des propos peuvent être condamnés par le CSA qui ne le seraient pas devant un juge pénal, il faut par ailleurs distinguer entre la responsabilité de l'exploitant d'un service radiophonique ou télévisuel, et celle de toute personne qui serait amenée à s'y exprimer : des propos tenus lors d'une émission de radio ou de télévision peuvent ainsi relever du droit civil ou pénal sans que la responsabilité de l'exploitant soit engagée si, par exemple, l'un de ses agents (un animateur le plus souvent) a relevé lui-même, au moment où les propos ont été tenus, qu'ils étaient condamnables pénalement. Une affaire concernant le journaliste et polémiste Eric Zemmour illustre ces différences de mission et de responsabilité : le CSA, par une délibération du 30 mars 2010 (répondant à la demande du CRAN), a estimé en effet que, "si certains des propos étaient en contradiction avec le respect de la personne humaine et de sa dignité", "ils ont toutefois été aussitôt relevés comme tels par l'animateur de l'émission, qui a rappelé la qualification pénale de ce discours. La maîtrise de l'antenne a donc été assurée". Le 18 février 2011, la dix-septième chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris condamnait les propos du polémiste pour "provocation à la haine raciale" (10).

En revanche, dans la décision "Sud Radio" précitée, le fait que le deuxième animateur de l'émission ait exprimé aussitôt sa réprobation n'a pas suffit à ôter à l'exploitant sa responsabilité, sans doute parce que non seulement les propos en question, à caractère antisémite ont considéré le CSA et le Conseil d'Etat, avaient été eux-mêmes tenus par un animateur de la radio et pas simplement par un auditeur, mais aussi parce qu'il y avait eu, dans la même journée, deux auditeurs à tenir des propos dans le même sens. On peut donc considérer par ces deux éléments que l'exploitant n'a pas réussi à assurer une maîtrise de l'antenne. Il apparaît en effet de l'ensemble de la "jurisprudence" du CSA qu'une distinction assez nette est faite entre les propos tenus par des "invités" des services audiovisuels, à propos desquels le CSA ne peut "en aucun cas, intervenir" avant la diffusion des programmes (11), et ceux tenus par les personnes responsables de l'antenne. C'est ainsi qu'il faut faire une différence entre les propos tenus, par une même personne, en tant qu'invité, et ceux tenus sur l'antenne en tant que chroniqueur. C'est ce qui a conduit le CSA à mettre en garde une station de radio, degré supplémentaire par rapport à la mise en demeure, parce que non seulement les propos du chroniqueur étaient bien de nature à "encourager des comportements discriminatoires vis-à-vis des populations expressément désignées, et de pouvoir inciter à la haine ou à la violence à l'encontre de celles-ci", mais aussi parce que la chronique avait été communiquée préalablement par son auteur aux responsables de la station, qui auraient donc dû ne pas permettre la diffusion de ces propos, en raison de leur obligation de maîtrise de l'antenne (12). L'auteur de la chronique avait déclaré à l'antenne que "les grandes invasions d'après la chute de Rome sont désormais remplacées par les bandes de tchétchènes, de Roms, de Kosovars, de Maghrébins, d'Africains qui dévalisent, violentent ou dépouillent". La notion de maîtrise de l'antenne doit cela dit s'entendre essentiellement de la diffusion "en direct" des émissions, car les précautions de présentation ne suffisent pas à ôter aux propos leur caractère discriminatoire dès lors que le diffuseur en connaissait préalablement la teneur : le fait de qualifier une séquence que l'on s'apprête à diffuser en tant qu'émanation de la chaîne de télévision comme un "dérapage", est insuffisant pour les faire échapper à la mise en demeure du CSA (13). Dans l'arrêt commenté, le Conseil d'Etat ne s'attarde pas du tout sur cette question, en estimant que la mise en demeure de respecter l'article 2-10 était légale, sans doute parce que, si en effet ce sont des propos tenus par l'animateur de la radio qui étaient en cause, il sagissait surtout de mettre en valeur l'obligation de l'article 2-4 sur le non encouragement à des comportements discriminatoires.

Radio Courtoisie n'en n'est en effet pas, de ce point de vue, à sa première mise en demeure et c'est la deuxième fois que le Conseil d'Etat, à propos d'un contentieux opposant le CSA et l'association des auditeurs de radio solidarité qui exploite Radio Courtoisie, se détermine clairement sur la légalité des clauses figurant dans la convention. A propos de la mise en demeure du 12 juin 2012, portant sur les propos tenus par l'animateur de la radio, par lesquels il affirmait l'existence de "races inférieures" et de "races supérieures" , le Conseil d'Etat s'était prononcé sur l'article 2-4 cité plus haut de la convention et qui comprend deux parties : une partie en quelque sorte "négative" ("ne pas encourager des comportements discriminatoires"), et une partie "positive" ("promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République"), qui, strictement, pouvait en effet se voir comme imposant des obligations positives à l'émetteur. En parlant de promotion des valeurs républicaines, la clause pouvait s'analyser comme orientant la liberté d'expression et donc comme la bornant. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat avait opéré à son propos une interprétation neutralisante de ses effets limitatifs, en considérant que "les dispositions de l'article 2-4 [...] relatives à la promotion des valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République ont pour seul objet de faire obstacle à ce que le titulaire de l'autorisation d'émettre en fasse usage pour diffuser des contenus contraires aux valeurs de la République" (14).

Le CSA, lorsqu'il estime que les propos qu'il vise par ses mises en garde ou mises en demeure relèvent d'une infraction pénale, peut saisir lui-même le procureur de la République, comme il l'avait par exemple en 1997 lorsqu'un invité de Radio courtoisie avait nié la réalité des chambres à gaz pendant la seconde Guerre mondiale, propos "susceptibles de constituer l'infraction de contestation de crimes contre l'humanité, prévue et réprimée par la loi du 29 juillet 1881". En deçà, il dispose en quelque sorte de son propre pouvoir d'appréciation.

II - Les conditions d'application de l'exigence de pluralisme dans le domaine audiovisuel sont conditionnées par l'absence ou l'existence d'un positionnement d'opinion explicite et statutaire du service audiovisuel (dès lors qu'il est conforme à la loi)

Comme le rappelle le CSA sur son site internet, "l'objectif du pluralisme est de garantir que les téléspectateurs et les auditeurs, qui sont au nombre des bénéficiaires de la liberté de communication, disposent d'une information politique diversifiée qui ne les privent pas de la capacité d'exercer leur liberté d'opinion et de choix dans la mesure où ils sont aussi des électeurs". A ce titre, la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le CSA "assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale" (article 13). Il ressort assez clairement des termes de la loi que c'est bien au CSA qu'incombe l'obligation d'assurer le respect du pluralisme. Et l'article 28 alinéa 2 de la loi du 30 septembre 1986 dispose précisément que, "dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les différents services [...]". Il revient ainsi au CSA de prendre les mesures nécessaires à l'existence et au maintien de ce pluralisme. Dans ces conditions, il apparaît assez naturellement que, dans le cadre de la délivrance des autorisations d'émettre des services audiovisuels, le CSA doit faire en sorte qu'il existe à la fois une diversité et donc un pluralisme des courants d'opinion : l'auditeur et le téléspectateur doivent avoir, autant qu'il est possible, le "choix". Cela signifie que si la communication est "libre", la possibilité de recourir aux moyens audiovisuels peut être limitée dans le cadre du respect de cet objectif de valeur constitutionnelle qu'est le pluralisme (15). Le CSA estime par ailleurs qu'il doit aussi veiller à ce que, pris individuellement, chaque service de radio ou de télévision assure lui-même ce respect. En période électorale, cette exigence paraît bien découler de la loi (16). Hors période électorale, et d'une manière générale, le CSA indique qu'il "veille au respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les services de radio, en particulier dans les émissions d'information politique et générale". C'est ainsi que le CSA a inséré dans les conventions d'autorisation d'exploitation une disposition selon laquelle "le titulaire assure le pluralisme des courants de pensée et d'opinion, en particulier dans les émissions d'information politique et générale". Telle était la clause en cause dans l'arrêt ici commenté, figurant à l'article 2-3 de la convention. Pour la première fois, le Conseil d'Etat est amené à considérer que la mise en demeure qui se fondait sur cette clause ne pouvait pas être valide, car une telle obligation ne peut être légalement imposée "à l'exploitant d'un service radiophonique qui se donne pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion".

Est ainsi prise en compte, par l'effet de la décision du Conseil d'Etat, la catégorie de radio d'opinion qui, dans la nomenclature du CSA, n'existe pas. Si plusieurs critères de classification des stations de radios privées sont pris en compte, en fonction de leur caractère associatif ou commercial, de leur caractère local ou national, et de leur caractère thématique ou généraliste, celui de l'orientation idéologique, politique ou confessionnelle n'en fait pas partie. Le CSA classe ainsi les radios en cinq catégories, de A à E, la catégorie A comprenant les "services non commerciaux", c'est-à-dire toutes les radios associatives, dont Radio Courtoisie. S'y trouvent aussi toutes les radios qu'on appelle communément les "radios communautaires", mais qui n'obéissent à aucune règle spécifique si ce n'est celle des associations, celles du droit commun, et celles de la communication audiovisuelle telles que mises en oeuvre et "surveillées" par le CSA.

Il n'existe pas, en France, de législation, ni de réglementation spécifiques aux organisations dite de tendance, ni même d'ailleurs spécifiques aux organisations confessionnelles. La Cour européenne des droits de l'Homme, dans son arrêt "Siebenhaar c/Allemagne" du 3 février 2011 (17) et selon une jurisprudence constante, indique, en se référant également à une Directive européenne (Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4), que "la nature particulière des exigences professionnelles imposées à la requérante résulte du fait qu'elles ont été établies par un employeur dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions". La Directive du 27 novembre 2000 indique effectivement que "les Etats membres peuvent prévoir qu''une différence de traitement' [...] ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée". Mais c'est l'article 4 § 2 qui doit ici retenir l'attention, car il indique que l'interdiction de la discrimination posée est "sans préjudice du droit des églises et des autres organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur a religion ou les convictions [...], de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation", disposition qui clairement constitue une reconnaissance de l'existence des entreprises de tendance au sens de la Directive, c'est-à-dire d'"organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions" (lire aussi le point 24 des motifs de cette Directive).

Une telle reconnaissance n'existe pas en tant que telle en France, ce que d'ailleurs la commission a relevé dans sa communication 225 final/3 du 2 septembre 2008 adressée au Conseil, au Parlement européen, au comité économique et social européen et au comité des Régions. Cette absence n'empêche cependant pas que la question se pose régulièrement au juge français, notamment en droit du travail qui est le principal domaine concerné par la question et l'objet d'ailleurs de la Directive 2000/78/CE à propos de laquelle la Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, question encore pendante devant elle (18). On doit donc pour l'heure compter sur un ensemble disparate de dispositions juridiques et de décisions de justice permettent de dire que, quand même, l'existence d'entreprises de tendance est dans l'ensemble plutôt reconnue comme justifiant l'application particulière des règles, notamment en matière de liberté de religion et plus généralement en matière de liberté d'expression. C'est en matière d'enseignement privé sous contrat que ce type de question a souvent été posé. Le Conseil constitutionnel a ainsi validé l'idée de lien entre le périmètre de la liberté d'expression et la structure d'emploi, en validant l'idée de "caractère propre de l'établissement" : "considérant qu'ainsi l'abrogation de la disposition de la loi du 25 novembre 1977, imposant aux maîtres enseignant dans les classes sous contrat d'association l'obligation de respecter le caractère propre de l'établissement, n'a pas pour effet de soustraire les maîtres à cette obligation qui découle du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1959 ; qu'une telle obligation, si elle ne peut être interprétée comme permettant qu'il soit porté atteinte à la liberté de conscience des maîtres, qui a valeur constitutionnelle, impose à ces derniers d'observer dans leur enseignement un devoir de réserve" (19). Est célèbre aussi la jurisprudence du 19 mai 1978 de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, "Dame Roy c/Association pour l'éducation populaire Sainte-Marthe" (20), qui valide le licenciement d'une enseignante d'une école catholique qui s'était remariée après un divorce, car les convictions religieuses étaient "une partie essentielle et déterminante" du contrat de travail. L'institution concernée, attachée "au principe de l'indissolubilité du mariage, avait agi en vue de sauvegarder la bonne marche de son entreprises, en lui conservant son caractère propre et sa réputation". L'actuel article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0670H9P) indique enfin que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché", rejoignant finalement assez bien dans l'esprit les termes utilisés par la Cour européenne de droits de l'Homme qui parle de la particularité des exigences professionnelles. Il y a bien un lien à faire entre l'activité, le cadre de l'activité et l'étendue de la liberté d'expression (21).

Il est plutôt inhabituel que la question de l'entreprise de tendance, ou encore de "conviction", surgisse ailleurs que dans un conflit du travail. De surcroît, elle concerne toujours une mesure visant à empêcher l'expression d'une opinion ou d'une religion. De ce point de vue, la décision commentée est doublement originale, puisque ne concernant pas un conflit du travail et ne concernant pas non plus, dans l'une de ses parties, une mesure d'empêchement mais, au contraire, une disposition imposant une expression particulière.

Nonobstant ce contexte, le CSA incluait une clause de pluralisme dans les conventions de catégorie de type A. A première lecture, cette disposition peut ne pas choquer, au regard de l'exigence de pluralisme posée par la loi du 30 septembre 1986, mais elle limite en réalité et singulièrement la possibilité pour les exploitants de services radiophoniques et télévisuels de défendre et de promouvoir une ou des opinions en particulier et évidemment ne tient pas compte de l'orientation délibérée de certaines radios. Comme déjà indiqué, l'orientation, politique, religieuse ou philosophique n'est pas un critère de classification. Cela ne signifie pourtant pas que le CSA n'en tienne pas du tout compte dans l'exercice de sa mission. S'agissant de l'exploitation de services radiophoniques ou audiovisuels, celle-ci en effet n'a jamais été réservée à des entreprises ou des groupements n'affirmant aucun positionnement politique, idéologique ou confessionnel : il existe des radios et des télévisions à vocation confessionnelle, comme il existe ce type de services à vocation idéologique ou politique, comme Radio Courtoisie l'illustre en se revendiquant comme une radio "de toutes les droites", ou encore Radio libertaire, radio dont le credo est "sans dieu, sans maître et sans publicité, la voix de la Fédération anarchiste". Toutes ces radios émettent avec l'autorisation du CSA.

Mais, comme le rappelle le rapporteur public Nicolas Polge, dans ses conclusions, "il paraît aussi peu propice à la protection du pluralisme d'imposer à Radio Courtoisie [...] de donner une place à des idées de gauche que d'imposer à une radio confessionnelle, comme il en existe beaucoup, en particulier catholiques, d'équilibrer sa présentation du monde par les vues qui sont celles d'autres mouvement religieux". Ceux-ci peuvent donc délibérément et statutairement exclure de l'antenne l'expression d'opinions dont ils ne se revendiquent pas ou dont ils ne revendiquent pas la "défense", et exprimer leurs opinions sans qu'il soit nécessaire qu'ils aménagent un temps pour l'expression d'une opinion contraire. Tel est le cas de Radio Courtoisie. Le Conseil d'Etat décide ainsi que la mise en demeure ne pouvait pas se fonder sur la clause qui impose le respect du pluralisme des opinions alors que l'exploitant autorisé à émettre se donne précisément "pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion". Il résulte en premier lieu de la décision du Conseil d'Etat du 27 novembre 2015 que l'exigence de pluralisme dans les médias s'impose donc d'abord au CSA dans la délivrance des autorisations d'exploitation, mission à l'occasion de laquelle il doit veiller à un bon équilibre de la représentation des différents courants d'expression et d'opinion. Il résulte en second lieu de la décision du Conseil d'Etat que l'exigence de pluralisme s'impose ensuite aux exploitants, tant qu'ils ne se donnent pas vocation d'assurer l'expression d'un courant en particulier. Ces deux éléments méritent quelques développements.

Dans les faits, l'équilibre et le pluralisme de l'expression des différents courants d'opinion sont rendus possible dès lors que, à l'instar de la presse écrite, coutumière du journalisme d'opinion, il existe suffisamment de supports pour assurer le pluralisme : si le nombre de radios venait à se réduire considérablement, il paraît inévitable que la question devrait peut-être se reposer, ce qui, du même coup, pose question... Le contexte actuel d'un grand nombre de radios n'a pas été évoqué par le Conseil d'Etat dans sa décision. Le rapporteur public, en revanche, s'est bien référé au "positionnement" et à "l'audience de Radio Courtoisie", ainsi qu'"à la diversité du paysage radiophonique dans lequel elle s'insère" pour conclure qu'il n'y avait pas lieu d'imposer de lui imposer le respect du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion. Les relations difficiles ces dernières années entre le CSA et Radio Courtoisie, qui ont conduit le premier à ne pas accorder à la seconde d'autorisation d'émettre dans de nouvelles zones, peuvent interroger sur la manière dont le CSA doit alors remplir l'exigence de pluralisme. S'il refuse d'ouvrir l'antenne radiophonique à l'expression d'un courant particulier d'opinion, et que, en conséquence, toutes les opinions ne sont pas représentées, il pourrait en résulter, soit qu'il pourrait imposer aux services radiophoniques d'opinion de respecter le pluralisme, faute de pluralisme des services radiophoniques émetteurs, et ce, mécaniquement, à raison de son contrôle (et non de la réalité des candidatures), soit qu'il ne pourrait pas imposer une telle obligation, ce qui aurait pour conséquence de prolonger l'absence de pluralisme des courants d'expression à la radio. C'est bien pour l'heure une "hypothèse fiction", mais la fiction ne dure pas toujours.

Par ailleurs, puisque, dans l'application de l'exigence de pluralisme de l'expression des courants d'opinion aux services radiophoniques, il y a lieu de faire une différence entre ceux qui ont statutairement une orientation idéologique, politique, philosophique ou religieuse, et ceux qui n'ont pas déclaré une telle vocation, il est nécessaire à l'avenir, pour le CSA, de fixer explicitement et avec les précision suffisantes les critères qui appuient cette différence. En dépend l'applicabilité de la clause mise ici en cause par le Conseil d'Etat. S'agissant de Radio Courtoisie, sa page web indique d'emblée son credo, sous forme de questions : "Faut-il faire allégeance aux idées de la gauche pour pouvoir s'exprimer ?", "Vous êtes-vous déjà demandé : - où pouvaient encore s'exprimer tous les talents, toutes les droites, sans détours et sans animosité ?", credo qui ressort également du dossier de candidature auprès du CSA et des statuts de l'association. Le lien paraît évident, mais il est important de préciser qu'il ressort de l'ensemble juridique, tant français qu'européen, qu'il est nécessaire que l'orientation idéologique, politique, philosophique ou religieuse soit en lien avec l'activité de l'organisation. S'agissant des organisations religieuses, politiques ou syndicales, cela ne pose pas de difficulté, puisque c'est leur objet même. S'agissant des autres activités, cela pose plus de difficultés : les fédérations sportives, par exemple, peuvent-elles se déclarer d'une tendance en particulier, y compris laïque, pour exiger par exemple l'absence de tout signe religieux de la part de leurs pratiquants ? Comme l'a indiqué un conseiller à la Chambre sociale de la Cour de cassation, reconnaître l'entreprise de tendance "laïque", par exemple, reviendrait à permettre à toute entreprise commerciale de se dispenser de l'application de l'article L. 1121-1 du Code du travail. S'agissant d'un service radiophonique, la question pouvait se poser. C'est ici qu'il faut faire la différence entre le service qui se donne précisément pour vocation l'expression d'un courant particulier d'opinion, et celui qui, se donnant prioritairement une autre vocation, le divertissement par exemple, ou l'information même, se déclare par ailleurs avoir une certaine orientation. On peut rapprocher cette question de celle des journaux d'opinion, inscrits dans la tradition française. Si cette notion n'implique sans doute pas qu'une entreprise puisse invoquer une orientation politique pour prononcer une sanction ou un licenciement à l'encontre de l'un de ses salariés, on peut en revanche se demander quel type d'obligations le CSA pourrait imposer à une radio qui déclare une orientation tout en n'en faisant pas sa vocation. On répond à la question en la posant en ces termes, dès lors que la motivation du Conseil d'Etat dans sa décision du 27 novembre est bien que l'exigence de respect du pluralisme ne peut pas être imposée à un service radiophonique "qui se donne pour vocation de défendre un courant particulier d'opinion". S'agissant de Radio Courtoisie, le CSA a donc délivré une autorisation en toute connaissance de cause. Et si l'on veut relever la réciproque en indiquant que l'association de défense des auditeurs de radio solidarité, qui émet Radio Courtoisie, a signé la convention dans laquelle figurait l'article 2-3 en cause, il faut rappeler que cette convention n'a pas de caractère contractuel, comme l'a également rappelé le rapporteur public dans ses conclusions (22). Le CSA demeure donc responsable de "l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale" (article 13 de la loi du 30 septembre 1986).


(1) Lire nos obs., La liberté d'expression : quel droit de parler, écrire, mettre en scène ou représenter ?, Lexbase Hebdo n° 262 du 10 octobre 2012 - édition publique (N° Lexbase : N3839BTD).
(2) Qui n'ont rien de contractuel, CE, 2 décembre 2009, n° 308578 (N° Lexbase : A3310EPB), Rec. Tables, p. 934.
(3) Considéré conforme à la Constitution dans la décision n° 2013-359 QPC du 13 décembre 2013 (N° Lexbase : A2569KRL).
(4) CE, 11 décembre 1996, n° 163553 (N° Lexbase : A8308B7T), Rec. Tables, p. 1148.
(5) CE, 26 février 2014, n°s 353724, 353725 et 353726 (N° Lexbase : A4217KM7).
(6) CSA, délibération du 7 novembre 2006.
(7) Voir par exemple CSA, délibération du 6 janvier 2009 "Radio France", à propos d'une émission diffusée sur France culture "à charge".
(8) Emission "Le libre journal d'Henry de Lesquen", 27 mai 2013, Radio Courtoisie.
(9) Pour les radios de catégorie A, voir plus loin cette notion.
(10) TGI Paris, 18 février 2011, condamnant les propos du polémiste pour "provocation à la haine raciale".
(11) Réponse du CSA en assemblée plénière le 8 avril 2015 à M. Hanotin, député de la Seine-Saint-Denis.
(12) Mise en garde du CSA en assemblée plénière le 4 juin 2014.
(13) CSA, mise en demeure, Assemblée plénière, 23 mars 2010, Salut les terriens.
(14) CE, 11 juillet 2014, n° 364156 (N° Lexbase : A3131MUI).
(15) Cons. const., décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984 (N° Lexbase : A8097ACU).
(16) CSA, délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011, relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale.
(17) CEDH, 3 février 2011, Req. 18136/02 (N° Lexbase : A1685GRT).
(18) Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-19.855, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3737NGI).
(19) Cons. const., décision n° 84-185 DC du 18 janvier 1985 (N° Lexbase : A8108ACB).
(20) Ass. plén., 19 mai 1978, n° 76-41.211 (N° Lexbase : A9566AAK), Bull. Ass. Plén., 1978, n° 1.
(21) Voir aussi CE, 20 juillet 1990, n° 85429 (N° Lexbase : A5655AQI), Rec., p. 223.
(22) CE, 2 décembre 2009, n° 308578, préc..

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires ne peut être interrompue par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception

Réf. : Cass. civ. 2, 10 décembre 2015, n° 14-25.892, F-P+B+I (N° Lexbase : A9029NY3)

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris - Cabinet S.E.F.J., Chargé d'enseignement à l'Université PARIS V, Coordonnateur et responsable des commissions nationales de l'A.C.E. (Association des Avocats Conseils d'Entreprises)

Le 14 Janvier 2016

Les problèmes liés à la prescription du recouvrement des honoraires de l'avocat n'ont pas manqué de fleurir depuis la réforme du 17 juin 2008 relative à la prescription civile (loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient, le 10 décembre 2015, de rendre un nouvel arrêt en la matière reprenant un principe nettement clarifié en mars 2015, s'agissant du délai applicable au client personne physique qui a agi à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale : le délai de deux ans du droit de la consommation se substitue au délai de droit commun de 5 ans. L'arrêt commenté, au-delà de ce postulat rappelé, tranche le principe du point de départ de ce délai de prescription et de sa non interruption par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, ce dernier point n'étant pas surprenant. MM. X, Z et A ont confié à Me Y, avocat, la défense de leurs intérêts dans le cadre d'un litige les opposant à leur employeur. A la suite d'un différend sur le paiement de ses honoraires, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande de fixation de ceux-ci.

Les clients de l'avocat furent condamnés et le premier président de la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 27 août 2014, n° 13/04143 N° Lexbase : A9028MUW), saisi de l'affaire en recours contre l'ordonnance de taxation initiale, jugea recevable la demande de l'avocat, énonçant que la lettre recommandée avec accusé de réception, adressée par celui-ci à ses clients pour obtenir le paiement de ses honoraires, était interruptive de prescription.

La décision d'appel fût cassée.

La deuxième chambre civile indiqua clairement que le premier président, qui n'a pas recherché, comme il y était invité, si la demande en fixation de ses honoraires, formée par l'avocat, l'avait été dans le délai de deux années à compter de la fin de sa mission, lequel ne pouvait avoir été interrompu par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, a privé sa décision de base légale.

Si le délai de prescription issu du Code de la consommation est applicable (I), son point de départ et les causes de son interruption résultent des règles posées par le Code civil (II).

I - Le délai applicable

L'article préliminaire du Code de la consommation (N° Lexbase : L7583IZU), créé par la loi du 17 mars 2014, relative à la consommation précitée (loi n° 2014-344, art. 3), a donné pour la première fois une définition textuelle du consommateur : "Au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale".

L'article L. 137-2 du même code (N° Lexbase : L7231IA3) pose comme principe que : "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans".

Dans deux arrêts récents rendus le même jour (1), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est venue poser très clairement le principe selon lequel, lorsqu'un client, personne physique, a eu recours aux services d'un avocat à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, ou libérale, la prescription de deux ans prévue par le Code de la consommation, est applicable aux honoraires de l'avocat.

A l'origine de la première décision, un avocat avait demandé à l'un de ses clients de lui régler ses honoraires, après qu'une action fût engagée contre une banque en 2008. Le client avait refusé de payer et l'avocat avait alors saisi, en 2012, le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de ses honoraires. Une ordonnance, rendue par le premier président de la cour d'appel de Lyon, avait condamné le client à régler les honoraires demandés. Selon l'ordonnance rendue, la prescription de deux ans prévue par le Code de la consommation n'était pas applicable aux honoraires de l'avocat, "lesquels bénéficient de la prescription quinquennale". La deuxième chambre civile cassa l'ordonnance pour défaut de base légale. La cour d'appel aurait en effet du rechercher, pour juger ainsi, si le client avait eu recours aux services de l'avocat à des fins "entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale".

Dans la seconde décision, rendue sur renvoi après cassation, une personne avait confié la défense de ses intérêts à une société d'avocats, pour de nombreuses instances entre 1999 et 2008. A la suite d'un litige relatif à la fixation des honoraires, l'affaire était remontée, une nouvelle fois, devant la Cour de cassation énonçant, cette fois-ci dans un arrêt de rejet (la prescription de deux ans avait été retenue par l'ordonnance attaquée), sans la moindre ambiguïté que la demande d'un avocat en fixation de ses honoraires dirigée contre une personne physique ayant eu recours à ses services à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale est soumise à la prescription biennale de l'article L.137-2 du Code de la consommation.

Les juges du fond furent partagés quant à l'application de cette prescription spéciale à la procédure de taxation des honoraires de l'avocat (2).

L'hésitation n'est désormais plus permise tant les principes posés l'ont clairement été.

La deuxième chambre civile réaffirma le principe dans un arrêt rendu le 10 septembre 2015 (3).

Cette solution suit une jurisprudence déjà rendue dans d'autres domaines de prestations de services. La Cour de cassation a, plusieurs fois, étendu son champ d'application aux crédits immobiliers consentis à des consommateurs par des organismes financiers comme aux contrats de fourniture d'eau également passés avec des consommateurs (4).

Les dispositions de l'article L. 137-2 du Code de la consommation sont donc d'application générale dans les rapports entre un professionnel et un consommateur, tel que défini par l'article préliminaire du Code de la consommation.

II - Le court de la prescription de l'action en recouvrement des honoraires de l'avocat

L'arrêt commenté vise, au-delà de l'article L. 137-2 du Code de la consommation, les articles 2240 (N° Lexbase : L7225IAT), 2241 (N° Lexbase : L7181IA9) et 2244 ([LXB=L4838IRM ]) du Code civil, tels que réformés par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Les arrêts rendus en mars et septembre 2015, par la deuxième chambre civile (5), n'ont pas pris position sur la question du point de départ du délai de prescription.

La combinaison des articles 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) et 2225 (N° Lexbase : L7183IAB) du Code civil (6) tend à retenir comme point de départ, bien que l'article 2225 ne concerne que la prescription des actions en responsabilité engagées à l'encontre des avocats, la date à laquelle la mission de l'avocat prend fin.

C'est la solution retenue par l'arrêt du 10 décembre 2015 qui rappelle que le premier président dont l'ordonnance a été cassée devait rechercher si la demande en fixation de ses honoraires par l'avocat l'avait été dans le délai de deux années à compter de la fin de sa mission.

Il ne faudra pas amalgamer à cette solution l'assurance protection juridique car, dans cette matière, lorsque l'assureur a accepté sa garantie dans les limites des prévisions contractuelles, le point de départ de la prescription de l'action de l'assuré court du jour où il a eu connaissance des éléments lui permettant de réclamer l'indemnité promise.

Une société ne peut donc demander le paiement des frais de l'avocat missionné à son assureur protection juridique, dans le respect des barèmes de la garantie, au-delà des deux années qui courent à compter de l'émission de la facture (7).

S'agissant des causes d'interruption de la prescription, les articles 2240, 2241 et 2242 (N° Lexbase : L7180IA8) du Code civil ne prévoient nullement l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, laquelle ne peut suppléer une demande en justice, ce à la différence du droit des assurances (C. assur., art. L. 114-2 N° Lexbase : L0076AA3) ou de l'interruption de la prescription quadriennale auprès de l'autorité administrative (8), domaines pour lesquels l'écrit recommandé avec demande d'accusé de réception est interruptif.

L'avocat se doit d'être vigilant dans le recouvrement de ses honoraires : deux années passent vite. Il n'aura d'autre choix que celui d'engager au plus vite une action en justice en cas de non-paiement.


(1) Cass. civ. 2, 26 mars 2015, deux arrêts, n° 14-15.013 (N° Lexbase : A4644NEQ), et n° 14-11.599 (N° Lexbase : A4643NEP), FS-P+B+R+I.
(2) Cf. notamment : CA Nîmes, 5 février 2015, n° 14/01481 (N° Lexbase : A0619NBK) - Contra : CA Aix-en-Provence, 13 janvier 2015, n° 14/01985 (N° Lexbase : A1817M98).
(3) Cass. civ. 2, 10 septembre 2015, n° 14-24.301, F-D ([LXB=A9432NNN ]).
(4) Cass. civ. 1, 28 novembre 2012, n° 11-26.508, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6412IXR), RTDCom., 2012 ; Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-27.614, F-D (N° Lexbase : A0974MKB) ; Cass. civ. 1, 10 juillet 2014, n° 13-15.511, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3176MU8), RTDCom., 2014-675.
(5) Cf. notes en bas de page n° 1 et 3 supra.
(6) C. civ., art. 2224 : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". C. civ., art. 2225 : "L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission".
(7) Cass. civ. 2, 6 mars 2014, n° 13-11.642, F-D (N° Lexbase : A4055MGB).
(8) Cass. civ. 1, 28 mai 2008, n° 06 -21.042, FS-P+B (N° Lexbase : A7811D8S), Bull. civ., I, n° 156.

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Baux commerciaux

[Jurisprudence] Prescription de l'action en requalification d'une location-gérance en bail commercial

Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2015, n° 14-19.146, FS-P+B (N° Lexbase : A6863NYT)

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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224), Directeur du master professionnel ingénierie des sociétés

Le 14 Janvier 2016

La demande du locataire-gérant tendant à la reconnaissance du statut des baux commerciaux est soumise, d'une part, au délai de prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID), lequel délai court, d'autre part, à compter de la conclusion du contrat de location-gérance initial et non de son renouvellement. Voilà le double enseignement qu'il faut retenir d'un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 3 décembre 2015, publié au Bulletin (1).
En l'espèce, le locataire de locaux commerciaux avait donné en location-gérance un fonds de commerce de restauration, réception et salon de thé, à compter du 1er décembre 2003. Ce contrat a été renouvelé selon avenants successifs, pour une année à compter du 5 octobre 2006 puis pour dix-neuf mois à compter du 1er juin 2007. Ayant reçu dénonciation du contrat au 31 décembre 2008, le locataire-gérant a assigné le loueur du fonds pour voir requalifier le contrat de location gérance en contrat de sous-location commerciale. Débouté de sa demande au motif qu'elle serait prescrite (2), le locataire-gérant s'est pourvu en cassation.
Mais la Cour de cassation a rejeté son pourvoi au motif que sa demande était soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du Code de commerce et que le délai de prescription courait à compter de la conclusion du contrat initial et non de la date de son renouvellement (3). Si cette solution est conforme à une jurisprudence constante (I), elle n'en reste pas moins critiquable (II).

I - Une solution constante

Les situations dans lesquelles le bailleur tente de frauder les droits de ses locataires sont fréquentes. L'une des fraudes les plus classiques est de conclure un contrat de location-gérance en lieu et place d'un bail commercial voire d'un sous-bail commercial. Le but du propriétaire est clair : éviter l'application des articles L. 145-1 (N° Lexbase : L2327IBS) et suivants du Code commerce, notamment la durée minimale du contrat de neuf ans et l'obligation de renouveler, à la fin de cette durée, ledit contrat, ou de payer l'indemnité d'éviction. Le but est quelque fois un peu différent : contourner une clause d'interdiction de sous-location.

Il faut bien comprendre que, dans un cas comme dans l'autre, l'assiette de ces contrats de location n'est pas la même, pas plus que leur objet. En effet, l'objet de la location-gérance est la location d'un fonds de commerce. Celui du bail commercial est la location de l'immeuble abritant le fonds de commerce. Quant à l'assiette et aux conditions, la location-gérance doit viser à mettre à la disposition du locataire-gérant la clientèle qu'exploitait son propriétaire, et non une autre clientèle, totalement différente, car il s'agirait alors d'une sous-location (4), sous-location qui ne saurait être déduite d'une simple jouissance de locaux qui n'est que la conséquence accessoire et nécessaire d'une mise en location-gérance (5).

A - La prescription biennale

Toujours est-il que l'action en requalification d'un contrat de location-gérance en bail commercial est soumise par principe à l'article L. 145-60 du Code de commerce, fût-il précédé -ce contrat de location-gérance- d'un bail dérogatoire (6). La solution, réaffirmée (7), vaut également pour un bail professionnel (8).

Certes, dans certaines hypothèses, l'action tendant à la reconnaissance du bail commercial n'est pas soumise à la prescription biennale. C'est le cas, par exemple, de la demande de requalification lorsque le locataire se maintient dans les lieux après l'expiration du bail dérogatoire qui, elle, parce qu'elle résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L5031I3Q), n'est pas soumise à la prescription biennale (9).

Mais, comme la Cour de cassation le rappelle dans son arrêt du 3 décembre 2015, c'est bien la prescription de deux ans qui s'applique, pas seulement d'ailleurs en cas de location-gérance, pour faire requalifier en bail commercial un contrat qui n'est pas soumis au statut (10).

Reste alors à se poser l'épineuse question du point de départ de cette prescription.

B - Le point de départ de la prescription

Reprenant une solution déjà énoncée (11), la Cour de cassation estime qu'il faut se placer au jour de conclusion du contrat, et non au jour de sa prise d'effet voire de sa tacite reconduction.

La doctrine est plutôt également en ce sens (12), certains ne manquant pas, cependant, de souligner qu'un contrat renouvelé est en principe un nouveau contrat, si bien que le renouvellement devrait faire repartir le délai de prescription pour éviter que le bailleur qui fraude, une deuxième fois, ne soit désormais intouchable (13).

En l'espèce, le contrat avait également été renouvelé, non par l'effet de sa tacite reconduction, mais expressément, par avenants. La demande de requalification formée par le locataire, au motif que la société bailleresse ne possédait pas de clientèle attachée au fonds loué, est jugée irrecevable en appel, les juges retenant comme point de départ de la durée de prescription la date de signature du contrat, sans tenir compte de celles des avenants, ces actes "ne remettant pas en cause les éléments permettant dès l'origine l'éventuelle requalification". La Cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir ainsi statué. Le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, "peu important que le contrat ait été renouvelé par avenants successifs" (14).

II - Une solution critiquable

Bien que la jurisprudence et la doctrine soient plutôt dans le sens de la solution de l'arrêt, tant sur la prescription de l'article L. 145-60 du Code de commerce que sur le point de départ de cette prescription au jour de conclusion du contrat, quelques critiques peuvent être émises contre cette position, observation faite qu'elle n'est naturellement pas favorable au locataire ou au preneur et qu'elle avantage le bailleur ou le loueur.

A - Critiques avant la loi "Pinel" du 18 juin 2014

D'abord, si l'article L. 145-60 du Code de commerce fixe bien un délai uniforme de deux ans pour toutes les actions nées de l'application du statut des baux commerciaux, cet article est muet sur le point de départ de la prescription. Il ne serait donc pas saugrenu d'appliquer le régime général de la prescription prévu aux articles 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) et 2227 (N° Lexbase : L7182IAA) du Code civil, selon lesquels la prescription court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Ce à quoi le propriétaire répondra que l'action en requalification se trouvait prescrite en application de l'article L. 145-60 du Code de commerce, notamment si l'on raisonne par analogie avec des actions en nullité contre des clauses contraires au statut des baux commerciaux. Il est vrai que l'action en nullité d'une clause d'un bail sur le fondement de l'article L. 145-15 du Code de commerce est soumise à la prescription de deux ans et que le point de départ du délai de prescription de cette action court à compter de la date de signature du bail (15). De plus, les articles 2224 et 2227 du Code civil, relativement au point de départ de la prescription, ne sont pas applicables à la prescription biennale prévue à l'article L. 145-60 du Code de commerce, de sorte que le preneur n'était pas dans l'impossibilité d'agir et qu'ainsi, aucun report du point de départ de la prescription de son action n'était justifié. Pour le propriétaire par conséquent, la prescription avait commencé à courir à compter de la signature du bail : "la cour d'appel, qui a constaté que le contrat de location gérance avait été conclu le 18 juillet 2003, en a exactement déduit que l'action engagée par la société [X], les 15 et 16 décembre 2008, était prescrite, peu important que le contrat ait été renouvelé par avenants successifs".

Cela étant, un tel raisonnement n'est possible que s'il s'agit d'une action en nullité contre une clause contraire au statut, ce qui n'est pas le cas d'une demande en requalification, comme en l'occurrence.

En outre, depuis la loi "Pinel" du 18 juin 2014 (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises N° Lexbase : L4967I3D), une grande partie de la nullité a été remplacée par la sanction du réputé non-écrit, relançant ainsi le débat sur l'imprescriptibilité.

B - Critiques après la loi "Pinel" du 18 juin 2014

Depuis la loi "Pinel", les clauses qui violent les articles L. 145-15 (N° Lexbase : L5032I3R) et L. 145-16 (N° Lexbase : L5033I3S) du Code de commerce doivent être désormais réputées non-écrites.

Les actions tendant à faire réputer non-écrites de telles clauses devraient être, en principe, imprescriptibles. Toutefois, la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I) semble, au contraire, soumettre également à une prescription les actions tendant à faire réputer non-écrites de telles clauses (16).

Cependant, d'une part, l'article L. 145-60 du Code de commerce n'a pas été modifié par la loi "Pinel" : d'une portée générale, il dispose que "toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre, [les baux commerciaux], se prescrivent par deux ans". Il en résulte qu'aux termes d'une lecture littérale du texte, les actions exercées en vertu des articles L. 145-15 et L. 145-16 du Code de commerce, donc celles visant à voir réputer non écrite une clause, devraient se prescrire par deux ans (17).

D'autre part et surtout, l'action en requalification ne semble pas visée par les articles L. 145-15 et L. 145-16 du Code de commerce (18).

Quoi qu'il en soit, le fait que le propriétaire puisse ainsi, sous couvert de la prescription, frauder les droits de son locataire en n'appliquant pas le statut des baux commerciaux là où il aurait dû en principe s'appliquer, n'est pas très rassurant. Néanmoins, il existe de vraies locations-gérance qui doivent pouvoir être renouvelées, autant que de besoin, dans l'intérêt économique de tous. Faire le départ entre les vraies locations-gérances et celles qui sont frauduleuses, voilà l'enjeu auquel les juges sont confrontés et la question est loin d'être simple.


(1) Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification, Lexbase Hebdo n° 447 du 10 décembre 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N0413BW9).
(2) CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 9 mai 2012, n° 10/15773 (N° Lexbase : A9456IKG).
(3) Cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" (N° Lexbase : E8606ETW).
(4) Cass. civ. 3, 26 juin 2007, n° 04-10.295, F-D (N° Lexbase : A9364DWQ), JCP éd. E, 2007, 2190, note P.-H. Brault ; Cass. civ. 3, 30 janvier 2002, n° 00-17.342, FS-P+B (N° Lexbase : A8905AX4), RTDCom., 2002, p. 266, obs. B. Saintourens.
(5) Cass. civ. 3, 19 mars 2008, n° 07-11.805, FS-P+B (N° Lexbase : A4905D7S), Bull. civ. III, n° 54 ; D., 2008, AJ, p. 1056, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2008, p. 579, note M.-P. Dumont-Lefrand; Gaz. Pal., 2008, 2, 2531, note Ch.-E. Brault ; JCP éd. E, 2009, 1041, n° 18, obs. H. Kenfack ; Administrer, mai 2008, 47, obs. D. Lipman-W. Boccara ; RJDA, 2008, n° 614 ; Loyers et copr., 2008, n° 111, obs. P.-H. Brault ; Ann. Loyers, 2008, p. 1613, obs. A. Cerati-Gauthier.
(6) Cass. civ. 3, 29 octobre 2008, n° 07-16.185, FS-D (N° Lexbase : A0591EBI), AJDI, 2009, p.123, obs. A. Mbotaingar ; Loyers et copr., 2009, n° 94, obs. Ph.-H. Brault.
(7) Cass. civ. 3, 22 janvier 2013, n° 11-22.984, F-D (N° Lexbase : A8768I37), AJDI, 2013, p. 609, obs. R. Hallard ; Administrer, mars 2013, p. 34, obs. D. Lipman-W. Boccara ; Gaz. Pal., 2-3 août 2013, 46, obs. J.-D. Barbier.
(8) Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, n° 10-24.163, FS-P+B (N° Lexbase : A0082H3G), AJDI, 2012, p. 266, obs. J. Monéger ; ibid., 345, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; D., 2011, Actu. 2991, obs. Y. Rouquet ; ibid., 2012, 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTDCom., 2012, 297, obs. F. Kendérian ; Administrer, janvier, 2012, 59, obs. D. Lipman-W. Boccara ; J. Prigent, in Chronique d'actualité de droit des baux commerciaux (3ème comm.), Lexbase Hebdo n° 278 du 5 janvier 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N9511BS3).
(9) Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-16.806, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8014MX4), D., 2014, Actu. p. 1997, obs. Y. Rouquet, D., 2015. pan. 1615, spéc. 1624, obs. M.-P. Dumont-Lefrand, RTD com., 2014. 773, obs. F. Kendérian, Loyers et copro, 2014, comm. n° 272, obs. Ph.-H. Brault ; Rev. loyers, 2014, comm. 513, obs. J. Prigent, JCP éd. E., 2014, 1146, note Ch. Lebel ; Cass. civ. 3, 13 mai 2015, n° 13-23.321, FS-D (N° Lexbase : A8619NHP), Ann. loyers, juillet-août 2015, p. 139, obs. A. Cerati-Gauthier.
(10) Sur la question V., F. Bérenger, L'action en requalification en bail commercial, Administrer, août-septembre 2015, 15.
(11) Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-16.103, F-P+B (N° Lexbase : A5785KGD), Bull. civ. IV, n° 96 ; D., 2013, Actu. p. 1543, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2014, 32, obs. J.-P. Blatter ; RTDCom., 2013, p. 467, obs. F. Kendérian ; JCP éd. E, 2013, 1430, n° 21, obs. J. Monéger ; Loyers et copr., 2013, comm. n° 241, obs. E. Chavance ; RTDI, 3/2013, 61, obs. H. Kenfack ; J. Prigent, in Chronique d'actualité jurisprudentielle en droit des baux commerciaux (2ème comm.) Lexbase Hebdo n° 345 du 4 juillet 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N7930BTU). Contra CA, Montpellier, 26 janvier 2011, n° 10/01236 (N° Lexbase : A5647GRL), AJDI, 2011, 29.
(12) J.-P. Blatter, note sous Cass. com., 11 juin 2013, préc. ; Y. Rouquet, note sous Cass. civ. 3, 3 décembre 2015, n° 14-19.146, D. Actu., 11 décembre 2015.
(13) A. Cerati-Gauthier, note sous Cass. civ. 3, 3 décembre 2015, préc., Chron. Contrats d'affaire, Journal des sociétés, février 2016.
(14) A. Cerati-Gauthier, note sous Cass. civ. 3, 3 décembre 2015, préc..
(15) Plus nuancé v., CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 28 janvier 2015, n° 13/12547, (N° Lexbase : A4670NA9), JCP éd. E, 2015, 1142, nos obs. ; J. Prigent, in Chronique de droit des baux commerciaux (2ème commentaire), Lexbase Hebdo n° 411 du 5 février 2015 - édition affaires (N° Lexbase : N5847BU4).
(16) Ph.-H.Brault, Le statut des baux commerciaux et la clause réputée non écrite, Loyers et copr., 2014, étude 5 ; J.-D. Barbier, La sanction de l'ordre public statutaire : les clauses réputées non écrites in Dossier "Loi du 18 juin 2014", Loyers et copr. 2014, étude 8 ; Etats Généraux des Baux Commerciaux, 24 octobre 2013, LexisNexis, juin 2014, n° 53, p. 166 ; J. Monéger, Prescription biennale et clauses réputées non écrites : une fausse bonne question ?, Loyers et copr., 2014, repère 6 ; F. Planckeel, La loi Pinel et l'ordre public des baux commerciaux, AJDI 2015, p. 11 ; C. Mutelet, J. Prigent et M.-L. Rodriguez, Rev. Loyers, 2014, 949 ; B. Brignon et A.Cerati-Gauthier, La réforme du statut des baux commerciaux, Ann. Loyers, décembre 2014, p. 3025 ; B. Brignon, Du réputé non écrit et de l'application dans le temps de la loi Pinel, Cah. dr. de l'entreprise mai-juin 2015, p. 37.
(17) En ce sens V., J.-P. Dumur, Le "bêtisier" de la loi Pinel en dix stations, AJDI, 2014 p. 821.
(18) En ce sens v., A. Cerati-Gauthier, note sous Cass. civ. 3. 3 décembre 2015, préc..

newsid:450888

Collectivités territoriales

[Brèves] Faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions empêchant le bénéfice de la protection fonctionnelle due à un maire

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2015, deux arrêts mentionnés aux tables du recueil Lebon, n° 391798 (N° Lexbase : A1928N3S) et n° 391800 (N° Lexbase : A1929N3T)

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N0834BWS

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Le 15 Janvier 2016

La circonstance qu'un maire semble avoir commis une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions interdit à la commune de lui accorder la protection fonctionnelle prévue à l'article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8172AAW), indique le Conseil d'Etat dans deux arrêts rendus le 30 décembre 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2015, deux arrêts mentionnés aux tables du recueil Lebon, n° 391798 N° Lexbase : A1928N3S et n° 391800 N° Lexbase : A1929N3T). L'article L. 2123-34 dispose qu'une commune est tenue d'accorder sa protection au maire lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui ne constituent pas une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions. Trois types de faits constituent une telle faute : les faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, les faits qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques et les faits qui revêtent une particulière gravité. Dans la première affaire, relative aux faits ayant donné lieu à une condamnation pour détournement de bien publics (n° 391798), le maire était poursuivi, d'une part, pour avoir fait acquérir par la commune deux voitures de sport ayant été utilisées à des fins privées par lui et un membre de sa famille, d'autre part, pour avoir fait usage, également dans des conditions abusives, d'une carte de carburant qui lui était affectée. Le Conseil d'Etat estime que ces faits révèlent des préoccupations d'ordre privé. En ce qui concerne la deuxième affaire, relative aux faits ayant donné lieu à une condamnation pour incitation à la haine raciale (n° 391800), le maire, à l'occasion d'une réunion publique, a critiqué en termes virulents la présence d'un campement de personnes d'origine rom et déclaré, à propos des départs de feu dans leur campement : "ce qui est presque dommage, c'est qu'on ait appelé trop tôt les secours ". Le Conseil d'Etat juge que ces propos procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques. Dans les deux cas, le maire semble avoir commis une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, ce qui interdit à la commune de lui accorder sa protection.

newsid:450834

Concurrence

[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles : conformité à la Constitution du plafond de trois millions d'euros pour les sanctions pécuniaires prononcées lorsque le contrevenant n'est pas une entreprise

Réf. : Cons. const., décision n° 2015-510 QPC, du 7 janvier 2016 (N° Lexbase : A3940N3C)

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N0800BWK

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Le 15 Janvier 2016

Dans une décision du 7 janvier 2016, le Conseil constitutionnel, saisi d'une QPC (cf. Cass. QPC, 6 octobre 2015, n° 15-15.005, F-D N° Lexbase : A0534NTX), a jugé conformes à la Constitution les dispositions de la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L2049KGY) qui prévoient, en matière de pratiques anticoncurrentielles, un plafond de trois millions d'euros pour les sanctions pécuniaires prononcées par l'Autorité de la concurrence lorsque le contrevenant n'est pas une entreprise. L'association requérante faisait valoir que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi en prévoyant un maximum de la sanction pécuniaire en valeur absolue lorsque la personne qui a commis l'infraction n'est pas une entreprise, alors que ce maximum est fixé en pourcentage du chiffre d'affaires lorsque cette personne est une entreprise. Elle soutenait également que la définition insuffisante de l'entreprise au sens des dispositions contestées porte atteinte au principe de légalité des peines. Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs. Il a, d'abord, relevé qu'au stade de la détermination du montant de la sanction pécuniaire infligée et pour son individualisation, le législateur a, en se référant à la notion d'entreprise, entendu distinguer les personnes condamnées en fonction de la nature de leurs facultés contributives respectives. Il a ainsi fixé un montant maximum de la sanction pécuniaire proportionné au montant du chiffre d'affaires pour celles qui sont constituées selon l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et fixé en valeur absolue le montant de ladite sanction pour les autres contrevenants. Le Conseil constitutionnel en a déduit que la différence de traitement résultant des dispositions contestées est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit et il a écarté le grief tiré du principe d'égalité. Le Conseil constitutionnel a, ensuite, jugé qu'en différenciant, pour fixer le montant maximum de la sanction, les contrevenants qui sont constitués sous l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et les autres, le législateur s'est référé à des catégories juridiques précises permettant de déterminer la peine encourue avec une certitude suffisante. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des peines a donc été écarté.

newsid:450800

Droit social européen

[Jurisprudence] L'application du droit social communautaire aux usagers-travailleurs des ESAT

Réf. : Cass. soc., 16 décembre 205, n° 11-22.376, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3645NZZ)

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N0828BWL

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 14 Janvier 2016

A la suite d'une longue procédure judiciaire ayant fait intervenir la Cour de justice de l'Union européenne par voie de questions préjudicielles, la Chambre sociale de la Cour de cassation tranche temporairement la question de l'application aux usagers des établissements et services d'aide par le travail des règles communautaires relatives aux droits à congés payés. Par un arrêt rendu le 16 décembre 2015, elle considère que l'article 7 de la Directive 2003/88/CE (N° Lexbase : L5806DLM) et l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX) ne s'appliquent pas à l'usager en cause pour des raisons d'application des normes dans le temps (I). Comme l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 26 mars 2015, la décision de la Chambre sociale ne permet toutefois pas de fermer totalement la porte à l'application future de la Charte à ces travailleurs d'un type un peu particulier, faisant peser sur le secteur des dangers d'une grande intensité (II).
Résumé

La notion de "travailleur", au sens de l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprétée en ce sens qu'elle peut englober une personne admise dans un centre d'aide par le travail (CAT), tel que celui en cause au principal.

Les usagers d'un CAT ne peuvent se prévaloir d'un droit à congés qu'à compter de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 (N° Lexbase : L0349HK7) réformant l'article R. 243-11 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L9658HNZ). Pour une période antérieure à cette date, ils ne peuvent invoquer l'interprétation, à la lumière de la Directive 2003/88/CE, de textes de droit interne inapplicables, en l'absence de contrat de travail, aux usagers d'un CAT.

Commentaire

I - L'inapplicabilité rationae temporis des règles communautaires garantissant le droit à congés payés

L'interférence de la maladie dans les droits à congés payés. Pendant longtemps, le droit français du travail n'était pas conforme au droit de l'Union européenne et, en particulier, à la Directive 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM) s'agissant du droit à congés du salarié dont le contrat avait été suspendu en raison de son état de santé.

L'article 7 de cette Directive impose aux législations des Etats membres d'octroyer aux travailleurs un minimum de quatre semaines de congés payés annuels. Malgré cela, le salarié dont le contrat de travail était suspendu au moment où il aurait dû bénéficier du congé perdait ses droits à congés. De la même façon, les périodes de suspension n'étaient pas assimilées à du temps de temps travail effectif permettant l'acquisition de nouveaux droits à congés pour la période suivante.

Sans que la question ne soit encore totalement réglée, elle a toutefois sensiblement évolué sous l'influence de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. D'une manière quasi générale (1), le salarié a désormais droit à un report des congés payés en cas d'absence liée à l'état de santé (2). Il est aussi aujourd'hui admis (3) que les périodes de suspension pour accident de trajet (4) entrent en compte pour le calcul des droits à congés sur la période suivante, extension qui n'a pu aller jusqu'aux périodes de suspension pour maladie "ordinaire" (5).

Si ces règles bénéficient donc, à présent, aux salariés français, le droit de l'Union impose le respect de ces dispositions au profit de "tout travailleur" (6), qualification qui posait difficulté à propos des travailleurs handicapés employés dans des ESAT (Etablissement et service d'aide par le travail) (7).

Personnes handicapées accueillies par un ESAT : travailleur ou usager ? Les personnes handicapées accueillies dans un CAT ou aujourd'hui un ESAT ne sont pas considérées comme des travailleurs salariés (8). Le Code de l'action sociale et des familles qualifie le contrat qui les lie à l'établissement de "contrat de soutien et d'aide par le travail" (9). Le juge judiciaire a toujours refusé la qualification de contrat de travail (10), même s'il est vrai que l'on retrouve de nombreux points communs entre les deux types de relations (subordination, rémunération, prestation de travail) (11). En particulier, depuis un décret du 16 juin 2006 (12) codifié à l'article R. 243-11 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L9658HNZ), les personnes placées dans un ESAT bénéficient d'un droit à cinq semaines de congés payés annuelles.

La qualité de salarié ne recouvre, toutefois, pas la même réalité que celle de travailleur, au sens conféré à cette notion par le droit de l'Union. En matière de libre circulation des travailleurs, la Cour de justice considère qu'est un travailleur la personne qui "accomplit, pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération" (13). L'article 1er de la Directive 2003/88/CE renvoie, quant à lui, à l'article 3 de la Directive-cadre 89/391/CEE (14) qui dispose, de manière très large, qu'est travailleur "toute personne employée par un employeur ainsi que les stagiaires et apprentis, à l'exclusion des domestiques". Ces définitions permettaient-elles d'envisager la personne accueillie dans un ESAT comme un travailleur ?

Les questions préjudicielles posées à la CJUE. Un adulte handicapé était accueilli par un CAT dans le sud de la France. Il est placé en arrêt maladie entre octobre 2014 et juin 2015 et quitte le centre au terme de cette suspension. Il saisit le tribunal d'instance d'Avignon d'une demande en paiement d'un solde d'indemnités compensatrices de congés payés. Débouté par le premier jugement rendu en dernier ressort, l'"usager" -comme la Chambre sociale prend soin de le dénommer- se pourvoit en cassation.

Par un premier arrêt rendu le 29 mai 2013, la Chambre sociale sursoit à statuer et introduit trois questions préjudicielles devant la Cour de justice (15) : une personne admise dans un CAT peut-elle être qualifiée de "travailleur", au sens de la Directive 2003/88 ? Au sens de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? Peut-elle se prévaloir directement des droits qu'elle tient de la Charte pour obtenir des droits à congés payés si la réglementation nationale ne prévoit pas qu'elle bénéficie de tels droits et le juge national doit-il, pour garantir le plein effet de ce droit, laisser inappliquée toute disposition de droit national contraire ?

A ces questions, la Cour de justice de l'Union a apporté des réponses, par un arrêt rendu le 26 mars 2015 (16).

S'agissant de la qualité de travailleur, au sens de la Directive 2003/88 et de la Charte des droits fondamentaux, la Cour juge que doit être considérée comme "travailleur" toute personne qui "accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération", à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une personne accueillie par un CAT "peut être qualifiée de travailleur".

S'agissant de l'effet direct de l'article 31 de la Charte, la Cour ne répond pas tout à fait à la question posée, en considérant que les faits en cause, dans cette affaire, ont eu lieu avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ayant donné force obligatoire à la Charte des droits fondamentaux qui, par conséquent, ne s'y applique pas. Elle laisse donc en suspens la question de l'application directe du texte après l'entrée en vigueur du traité.

La qualification de travailleur de la personne accueillie par un CAT. Des réponses ayant été apportées par la Cour de justice, la Chambre sociale de la Cour de cassation reprend le fil de cette affaire.

Par un arrêt rendu le 16 décembre 2015, elle rappelle, d'abord, la position de la Cour de justice et la qualité de travailleur qui "peut" être octroyée à la personne accueillie par un CAT. Elle poursuit en disposant que, si la qualité de travailleur peut lui être reconnue, une personne handicapée accueillie dans ces établissements ne peut se prévaloir d'un droit à congés qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 (N° Lexbase : L0349HK7). Pour la période antérieure à cette date, l'usager ne peut invoquer l'interprétation, à la lumière de la Directive 2003/88, de dispositions du droit interne du travail inapplicables à l'usager. Suivant les réponses apportées par la Cour de justice, la Chambre sociale ne porte aucune appréciation sur l'application de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union.

Après une première lecture, il faut donc retenir que la personne placée en CAT ou, aujourd'hui, en ESAT peut être qualifiée de travailleur, au sens du droit de l'Union, ce qui ne signifie pas qu'elle reçoive nécessairement cette qualification qui dépendra des conditions de faits dans lesquelles l'activité de la personne est réalisée. L'absence de droits à congés avant le décret du 16 juin 2006 empêche la Chambre sociale de faire application de la Directive 2003/88/CE. En effet, cette application impliquerait d'interpréter les dispositions du Code du travail, seules à prévoir, à l'époque des faits, des droits à congés payés, et de parvenir à une interprétation contraire à la loi elle-même en faisant application de règles réservées aux seuls travailleurs salariés (17). Enfin, sans le dire explicitement, la Chambre sociale considère que ce droit à congés payés ne pouvait pas davantage résulter de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union dont les juges communautaires estiment qu'elle n'était pas entrée en vigueur au moment des faits.

Pour un temps, le danger que fait peser le droit de l'Union sur le fonctionnement actuel des ESAT est atténué. Mais il devrait rapidement ressurgir : quelles peuvent être les conséquences des qualifications retenues par le juge communautaire et la Chambre sociale de la Cour de cassation ?

II - L'applicabilité potentielle des droits sociaux de l'Union aux usagers des ESAT

L'application potentielle des directives réservées aux "travailleurs". Les usagers des CAT et ESAT peuvent être qualifiés de travailleurs, au sens du droit de l'Union. Il convient, avant tout, de noter que la qualification n'est pas automatique et qu'elle dépendra des activités réalisées par ces personnes qui devront "être considérées comme relevant normalement du marché de l'emploi" pour que la qualification soit retenue (18).

La terminologie de "travailleur" est, par exemple, employée par la Directive 89/391/CEE à propos de la santé et de la sécurité au travail et par la Directive 2003/88/CE à propos du temps de travail.

L'applicabilité des protections issues de la Directive 89/391/CEE est probable mais ne devrait pas poser de problèmes majeurs puisque le droit français y paraît conforme. En effet, l'article R. 344-8 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L9675HNN) dispose que les ESAT "doivent répondre aux conditions d'hygiène et de sécurité "et" sont soumis aux règles de la médecine du travail" telles que prévues par le Code du travail.

C'est donc essentiellement l'application de la Directive 2003/88 à ces travailleurs qui pourrait avoir des conséquences. L'affaire en cause n'est ainsi pas totalement terminée puisque le travailleur pourra engager une action contre l'Etat qui a tardé à mettre sa législation en conformité au droit de l'Union et à octroyer des congés payés à ces travailleurs.

Quant aux autres aspects de la Directive 2003/88, aucune disposition du Code de l'action sociale et des familles ne paraît encadrer les temps de travail et de repos de ces travailleurs, aucune disposition ne renvoie aux règles du Code du travail en la matière. En cas de non-respect, là encore fort peu probable, des durées maximales de travail et des durées minimales de repos communautaires, le législateur français serait encore susceptible d'être condamné pour manquement à la législation de l'Union.

Une autre voie pourrait être empruntée. Sans octroyer à l'usager d'un ESAT la qualité de salarié, le juge judiciaire pourrait, toutefois, interpréter les dispositions du Code de l'action sociale et des familles à la lumière de la Directive en considérant que la protection de l'hygiène et de la sécurité inclut le respect des durées maximales de travail et du durée minimales de repos. Elle pourrait alors indirectement imposer aux ESAT le respect des règles issues de la Directive 2003/88, sans leur octroyer l'application de l'intégralité du droit du travail.

Cette issue est toutefois fort improbable puisqu'elle aurait permis, selon un raisonnement identique, d'appliquer à l'usager en cause les règles du droit du travail octroyant aux travailleurs salariés des congés payés, dispositions dont on connaît le lien étroit avec la protection de la santé et de la sécurité. Cette interprétation limitée ne résoudrait toutefois pas le problème lié à l'application potentielle de la Charte des droits fondamentaux de l'Union.

L'application potentielle des dispositions des traités applicables aux travailleurs. L'article 45 du TFUE (N° Lexbase : L2693IPG) garantit la libre circulation des travailleurs et, donc, des usagers des ESAT. L'application effective de ce texte à ces personnes reste toutefois assez théorique car si la liberté de circulation doit effectivement leur être reconnue, leur situation de handicap rend hypothétique une telle mobilité.

Il en va bien autrement des dispositions de la Charte des droits fondamentaux qui constituent un ensemble de droits individuels et collectifs habituellement reconnus aux travailleurs salariés. Leur application n'a été écartée par le juge communautaire qu'en raison de la date de son entrée en vigueur. A contrario, il est envisageable que ce texte s'applique aux usagers des ESAT pour la période postérieure à l'adoption du Traité de Lisbonne.

Tout dépendra alors de l'invocabilité directe, par les citoyens, des dispositions de la Charte. On se souviendra, ainsi, que la CJUE a dénié aux travailleurs le droit de se prévaloir de la non-conformité avérée du droit français à la Charte en matière de calcul des effectifs (19). Si une même issue devait être adoptée pour les travailleurs des ESAT, l'éventuelle non-conformité du droit français à la Charte ne pourrait, à nouveau, permettre l'engagement de la responsabilité de l'Etat français.

A horizon plus lointain, on voit mal comment le législateur français ne pourrait être amené à modifier les règles applicables aux usagers des ESAT pour les mettre en conformité au droit de l'Union. Les conséquences, pour ces structures si particulières, pourraient être catastrophiques, tout aussi bien en termes de coût du travail que de charges de gestion du personnel (20).


(1) Et dans le droit fil de la jurisprudence communautaire, v. CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 (N° Lexbase : A1717AWI), pt. 43 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), pt. 29, RJS, 2004, p. 439, note J.-Ph. Lhernould ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC), JCP éd. S, 2006, nº 1308, p. 23, note G. Vachet ; CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et C-520/06 (N° Lexbase : A3596EC8), RJS, 2009, p. 263, note J.-Ph. Lhernould. En dernier lieu, v. CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 (N° Lexbase : A9722HZ4) et les obs. de Ch. Willmann, Directive 2003/88/CE : une réglementation nationale peut autoriser l'extinction du droit aux congés payés non pris pour le salarié en incapacité de travail, Lexbase Hebdo n° 465 du 8 décembre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N9160BS3).
(2) Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A8674ICA) et nos obs., Report des congés payés en cas d'absence liée à l'état de santé : jusqu'où ira l'extension ?, Lexbase Hebdo n° 476 du 8 mars 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N0627BTE).
(3) Toujours sous influence communautaire, v. CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 (N° Lexbase : A2471IB7), RDT, 2012, p. 371, obs. M. Véricel ; RTD, 2012, p. 490, obs. S. Robin-Olivier.
(4) Cass. soc., 3 juillet 2012, n° 08-44.834, FP-P+B, sur le 3ème moyen (N° Lexbase : A2923IQC) et nos obs., L'ouverture des droits à congés annuels à la suite de la suspension du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 494 du 19 juillet 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3018BTX).
(5) Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, FS-P+B (N° Lexbase : A9780I94), RDT, 2013, p. 341, note M. Véricel ; Dr. soc., 2013, p. 564, obs. S. Laulom.
(6) Directive 2003/88/CE, du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003, art. 7 (N° Lexbase : L5806DLM).
(7) Pour mémoire, les ESAT ont remplacé les anciens CAT (Centre d'Aide par le Travail) depuis la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (N° Lexbase : L5228G7R).
(8) H. Rihal, Le statut des personnes handicapées employées par les ESAT, entre travailleurs et usagers d'un établissement social, RDSS, 2014, p. 46.
(9) CASF, art. L. 243-4 (N° Lexbase : L8890G8R).
(10) Cass. soc., 18 mars 1997, n° 94-41716, publié au bulletin (N° Lexbase : A1600ACA) ; Cass. soc., 6 février 2013, n° 11-14.424, FS-D (N° Lexbase : A6254I7R).
(11) V. en ce sens L. Joly, L'emploi des personnes handicapées entre discrimination et égalité, D., 2015, p. 70.
(12) Décret n° 2006-703 du 16 juin 2006, relatif aux établissements ou services d'aide par le travail et à la prestation de compensation et modifiant le Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L0349HK7).
(13) CJCE, 3 juillet 1986, aff. C-66/85 (N° Lexbase : A8251AU7).
(14) Directive 89/391/CE du Conseil du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9).
(15) Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-22.376, FS-P+B (N° Lexbase : A9675KE3).
(16) CJUE, 26 mars 2015, aff. C-316/13 (N° Lexbase : A3528NEE) ; RDSS, 2015, p. 714, note A.-S. Hocquet et H. Rihal ; RDT, 2015, p. 369, controverse O. Poinsot et L. Joly et p. 469, obs. F. Canut.
(17) Par application de la règle selon laquelle le juge interne ne peut interpréter une disposition à la lumière d'une Directive si cela conduit à une interprétation directement contraire à la loi interne, v. Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, FS-P+B, préc..
(18) Sur cette question, v. L. Joly, RDT, 2015, préc..
(19) CJUE, 15 janvier 2014, aff. C-176/12 (N° Lexbase : A9797KZU).
(20) V. O. Poinsot et L. Joly, préc..

Décision

Cass. soc., 16 décembre 2015, n° 11-22.376, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3645NZZ).

Rejet (TI Avignon, deux jugements, 20 avril et 27 juillet 2010).

Textes cités : Directive 2003/88/CE du Parlement et du Conseil du 4 novembre 2003, art. 7 (N° Lexbase : L5806DLM) ; décret n° 2006-703 du 16 juin 2006 (N° Lexbase : L0349HK7) ; CASF, art. L. 344-2-2 (N° Lexbase : L8849G8A) et R. 243-11 (N° Lexbase : L9658HNZ).

Mots-clés : personne handicapée ; centre d'aide par le travail ; congés payés ; droit social communautaire.

Lien base : .

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique fiscalité des entreprises - Janvier 2016 (Spéciale loi de finances pour 2016 et loi de finances rectificative pour 2015)

Réf. : Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, de finances pour 2016 (N° Lexbase : L2719KWM) et loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, de finances rectificative pour 2015 (N° Lexbase : L1131KWS)

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Phnom Penh

Le 14 Janvier 2016

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit et Chargé d'enseignement à l'Université Royale de Droit et de Sciences Economiques de Phnom Penh (URDSE) et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, portant sur les principales dispositions de la loi de finances pour 2016 (loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015, de finances pour 2016 N° Lexbase : L2719KWM) et de la loi de finances, rectificative pour 2015 (loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, de finances rectificative pour 2015 N° Lexbase : L1131KWS), intéressant la vie des entreprises. Les lois déférées au Conseil constitutionnel ont fait l'objet de quelques censures (Cons. const., 29 décembre 2015, n° 2015-725 DC N° Lexbase : A1007N3P ; Cons. const., 29 décembre 2015, n° 2015-726 DC N° Lexbase : A1008N3Q) dont celle relative à la dégressivité de la contribution sociale généralisée (CSG) introduite par voie d'amendement parlementaire (1). La loi de finances pour 2016 sera la dernière loi de finances de plein exercice pour ce quinquennat avant la prochaine élection présidentielle : l'essentiel étant de séduire (tous) les électeurs, le lecteur n'y trouvera, par conséquent, aucune réforme d'ampleur. Parmi les dispositions votées par le Parlement, seront signalées celles relatives aux adaptations du régime des groupes de sociétés (I), à la fiscalité incitative (II) et à la procédure fiscale (III). I - Régimes applicables aux groupes de sociétés

Les régimes d'intégration fiscale (A) et mère-fille (B) sont modifiés afin de tenir compte du droit de l'Union européenne et de la jurisprudence constitutionnelle.

A - Intégration fiscale : conséquences de l'arrêt "Stéria" (LFR 2015, art. 40)

Le régime de l'intégration fiscale (2), dont les dispositions sont entrées en vigueur en 1988 (3), permet à "une société [de] se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe". Ce régime, qui rend la société tête de groupe seule redevable de l'impôt sur les sociétés (4), entraîne la compensation des déficits et des bénéfices des sociétés membres : la société intégrante calcule un résultat d'ensemble en opérant des retraitements afin d'assurer une neutralité fiscale. L'un de ses retraitements concerne la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges de 5 % lorsqu'une filiale verse des dividendes à un autre membre du groupe intégré. Au nom de la liberté d'établissement, la Cour de justice de l'Union européenne (5) a récemment censuré la législation fiscale française qui permettait la neutralisation de la quote-part pour frais et charges lorsque la distribution était opérée uniquement par une société résidente de sorte qu'une distribution de dividendes effectuée par une filiale résidente d'un autre Etat membre de l'UE ne pouvait pas bénéficier de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges. La modification des textes étant devenue inéluctable, le législateur aurait pu prévoir l'extension de la neutralisation de la quote-part de frais et charges à l'ensemble des distributions versées par des sociétés résidentes ou non. Ce n'est pas l'option qui a été retenue in fine : pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, la loi de finances rectificative pour 2015 prévoit la fin de la neutralisation de la quote-part de frais et charges pour toutes les distributions. De plus, la quote-part de frais et charges est désormais de 1 % au lieu de 5 % à certaines conditions dont celle d'avoir opté pour le régime de l'intégration fiscale.

B - Adaptations du régime mère-fille au droit de l'Union européenne et à la jurisprudence constitutionnelle (LFR 2015, art. 29 et 36)

Un régime fiscal commun a été introduit pour les entreprises mères et filiales qui résident dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne (6). A ce titre, les dividendes distribués n'entraînent pas l'application d'une retenue à la source, sous conditions notamment d'un taux de détention des titres de la société filiale par la société mère à hauteur d'au moins 10 % (7). Afin d'éviter certains abus, tels que les prêts hybrides (8) par exemple, la Directive 2015/121/UE du 27 janvier 2015 (9) prévoit "l'insertion d'une règle anti-abus commune minimale (10) [...] pour éviter tout usage abusif [...] et faire en sorte qu'elle soit appliquée de façon plus cohérente dans les différents Etats membres". En effet, certaines législations nationales ne comportent aucune disposition en ce sens quand d'autres Etats ont anticipé ces difficultés. Après avoir rappelé que les administrations devront procéder à une "analyse objective de l'ensemble des faits et circonstances pertinents" (ce qui devrait permettre de mettre en échec les "montages non authentiques" ne reflétant pas la réalité économique) la Directive 2015/121/UE, qui s'oppose aux avantages accordés par la Directive 2011/96/UE dans le cadre d'un régime mère-fille, vient d'être transposée en droit interne. S'agissant des dividendes versés par des sociétés résidentes d'un Etat ou territoire non coopératif (ETNC), les dispositions de l'article 145 du CGI (11) ne permettaient pas leur prise en compte pour le régime mère-fille. Le juge constitutionnel (12) ayant émis une réserve d'interprétation dès lors que le contribuable n'était pas admis à apporter la preuve que ses participations correspondaient bien à des opérations réelles n'ayant pas pour objectif de frauder l'administration fiscale, le Parlement a complété les dispositions de l'article 145 6 d) par une clause de sauvegarde qui permet à la société mère d'apporter la preuve contraire.

II - Fiscalité incitative

Les dispositions adoptées par le Parlement instaurent ou étendent les régimes relatifs à l'amortissement exceptionnel et au suramortissement (A) ainsi que les crédits d'impôts pour les entreprises évoluant dans le domaine culturel et artistique (B).

A - Amortissement exceptionnel et suramortissement (LF 2016, art. 23, 25 et 26)

  • Amortissement exceptionnel pour l'acquisition ou la création des imprimantes 3D (LFR 2015, art. 30)

Les petites et moyennes entreprises, au sens du droit de l'Union européenne (13) et quelle que soit leur activité, qui acquièrent ou créent un équipement de fabrication additive entre le 1er octobre 2015 et le 31 décembre 2017 pourront opter pour un amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois à compter de la mise en service du bien considéré soumis au plafond de minimis (14).

  • Prorogation de l'amortissement exceptionnel pour les robots industriels (LF 2016, art. 21)

La loi de finances pour 2014 (15) a introduit la possibilité pour les PME de bénéficier d'un amortissement exceptionnel pour l'acquisition ou la création de robots industriels entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015. La loi de finances pour 2016 permettra à ces PME de profiter de ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2016.

  • Suramortissement (LF 2016, art. 23, 25, 26 et 32)

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (16), permet aux entreprises, relevant de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu (17), de bénéficier d'une déduction de 40 % (18) de la valeur d'origine de certains investissements (19) acquis ou loués (hors frais financiers) et répartie de façon linéaire sur la durée d'utilisation du bien (20). Ce régime devrait permettre de soutenir la compétitivité des entreprises pour les biens éligibles acquis à compter du 15 avril 2015 et jusqu'au 14 avril 2016.

La loi de finances pour 2016 étend ce régime de suramortissement pour :
- les véhicules de plus de 3,5 tonnes qui utilisent exclusivement comme énergie le gaz naturel et le biométhane carburant acquis ou loués à compter du 1er janvier 2016, jusqu'au 31 décembre 2017 ;
- les éléments de structure, matériels et outillages utilisés à des opérations de transport par câbles et notamment au moyen de remontées mécaniques (21) acquis ou fabriqués jusqu'au 31 décembre 2016 ;
- les associés coopérateurs des coopératives d'utilisation de matériel agricole et les coopératives pour les biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d'achat par ces coopératives du 15 octobre 2015 au 14 avril 2016.

B - Crédits d'impôt pour les entreprises évoluant dans le domaine culturel et artistique

Les crédits d'impôt aménagés ou introduits par les dernières lois de finances promulguées au mois de décembre 2015 entendent favoriser le septième art ainsi que la production de spectacles vivants.

  • Crédit d'impôt cinéma (LF 2016, art. 111 et 112)

Dans le cadre d'une concurrence mondiale accrue, le crédit d'impôt cinéma est modifié (22), notamment quant à l'emploi de la langue française qui n'est plus une condition essentielle puisque le recours à une langue étrangère, justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario, ne s'oppose plus, par principe, au bénéfice du crédit d'impôt cinéma. Certains films tournés en anglais vont, par conséquent, pouvoir être réalisés en France (23). La loi de finances pour 2016 permet également d'assimiler à des oeuvres cinématographiques d'animation les oeuvres cinématographiques de fiction dans lesquelles au moins 15 % des plans font l'objet d'un traitement numérique permettant d'ajouter des personnages, des éléments de décor ou des objets participant à l'action ou de modifier le rendu de la scène ou le point de vue de la caméra.

  • Crédit d'impôt en faveur des entreprises de spectacles vivants (LF 2016, art. 113)

Sur agréments (24) du ministre chargé de la Culture, les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et exerçant l'activité d'entrepreneur de spectacles pourront se prévaloir d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical ou de variétés, qui ne pourra pas se cumuler avec le crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques (25). Imputable sur l'impôt sur les sociétés, ce crédit d'impôt pourra être restitué en cas d'excédent ou encore être mobilisé auprès d'un établissement de crédit (26).

Plusieurs conditions cumulatives devront être remplies :
- les prestations devront être réalisées par des entreprises établies en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui y effectuent les prestations liées à la réalisation d'un spectacle musical ou de variétés ;
- les coûts de création devront être majoritairement engagés sur le territoire français et porter sur des artistes ou groupes d'artistes dont aucun spectacle n'a comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes pendant les trois années précédant la demande d'agrément provisoire. Il existe toutefois une exception pour les représentations données dans le cadre de festivals ou de premières parties de spectacles.

Le crédit d'impôt, plafonné à 750 000 euros par entreprise et par exercice, est égal à 15 % (ou 30 % pour les micros, petites et moyennes entreprises) du montant total de dépenses plafonnées par spectacle à 500 000 euros et énumérées de façon exhaustive par la loi pour les spectacles éligibles. On notera que devront être retranchées de la base de calcul de ce crédit d'impôt les subventions publiques et les aides "tours supports".

III - Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, procédures fiscales intéressant les entreprises

Introduisant des dispositions concernant les entreprises internationales et tenant compte des recommandations issues du projet BEPS (A), le législateur impose également une procédure de certification ou d'attestation s'agissant des logiciels de comptabilité "permissifs" (B) et de nouvelles obligations d'information à la charge des entreprises de mise en relation par voie électronique (C), tout en allégeant le formalisme reposant sur l'administration fiscale quant à la remise de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (D).

A - Action n° 13 du projet BEPS, Reporting country-by-country (LF 2016, art. 121)

A la suite de la crise financière de 2008, l'OCDE a promu le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) visant à lutter contre l'évasion fiscale internationale sous la forme de quinze actions devant entrer en vigueur selon un calendrier préétabli (27). L'une d'elles, l'action n° 13, vise à "Développer la transparence pour les administrations fiscales et accroître la certitude et la lisibilité pour les contribuables grâce à une amélioration de la documentation des prix de transfert et à l'élaboration d'un modèle-type de communication d'information pays par pays" (28). Après avoir voté des dispositions relatives au suivi de la politique fiscale en matière de prix de transfert au sein des groupes internationaux (29), le Parlement a adopté un nouvel article 223 quinquies C (N° Lexbase : L2943KWW), entrant en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, contraignant les entreprises à effectuer une déclaration dématérialisée souscrite dans les douze mois de la clôture des comptes par certaines personnes morales françaises comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant. L'administration fiscale française pourra procéder à un échange automatique avec ses homologues étrangers sous réserve de réciprocité, ce qui permettra d'éviter le recours à la clause d'assistance administrative insérée dans les conventions fiscales bilatérales relatives à la double imposition et à l'assistance en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Les personnes morales considérées sont celles qui établissent des comptes consolidés et réalisent un chiffre d'affaires annuel hors taxes supérieur ou égal à 750 millions d'euros. Evidemment, elles doivent détenir, contrôler directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y disposer de succursales, mais elles ne doivent pas être détenues par une ou plusieurs entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère. En cas de défaut de dépôt de la déclaration susvisée, une sanction ne pouvant pas dépasser 100 000 euros est prévue.

B - Logiciels de comptabilité "permissifs" (LF 2016, art. 88)

Le recours à certains logiciels de comptabilité a permis à des entreprises de dissimuler leurs recettes. L'ampleur de ce phénomène a été révélée à la suite de l'opération "Caducée" menée dans des officines de pharmacie (30) entraînant une réponse du législateur dans le cadre de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière du 6 décembre 2013 (31). A compter du 1er janvier 2018, la loi de finances pour 2016 prévoit que les contribuables ayant recours à un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d'un système de caisse soit certifié par un organisme accrédité ou bien par une attestation individuelle de l'éditeur selon un modèle fixé par l'administration. Il s'agit en effet de s'assurer des conditions d'inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d'archivage des données afin de faciliter les opérations de contrôle de l'administration fiscale. Sans préjudice des rappels d'impôts et de l'application de sanctions spécifiques, une amende de 7 500 euros par logiciel de comptabilité ou de gestion ou système de caisse concerné est également prévue en l'absence de justification de l'attestation ou du certificat prévu par la loi. Le droit de contrôle de l'administration est également aménagé afin de lui permettre un contrôle inopiné des locaux professionnels pour vérifier la détention de cette attestation ou de ce certificat sans application des garanties propres à la vérification de comptabilité notamment. En cas de manquement, l'amende n'est pas appliquée si le contribuable apporte la preuve de l'attestation ou du certificat dans un délai de trente jours.

C - Internet : nouvelles obligations d'information à la charge des entreprises de mise en relation par voie électronique (LF 2016, art. 87)

Sur internet, l'illusion de l'anonymat étant inversement proportionnelle au civisme fiscal, les adeptes de "l'économie collaborative ou du partage" avaient visiblement "oublié" qu'internet n'était pas un no man's land fiscal. Le législateur y remet bon ordre en contraignant, à compter du 1er juillet 2016, les entreprises de plateformes en ligne, quel que soit leur lieu d'établissement, et qui mettent en rapport des personnes (résidant en France ou qui y réalisent des ventes ou des prestations de services) dans le but de vendre un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service devront fournir à leurs utilisateurs, pour chaque transaction, une information sur les obligations fiscales et sociales qui leur incomberont ainsi qu'un lien électronique vers les sites des administrations compétentes. La loi prévoit également que ces entreprises devront adresser à leurs utilisateurs, chaque année au mois de janvier, un document récapitulant le montant brut des transactions dont elles ont eu connaissance, par leur intermédiaire, au cours de l'année précédente. Le respect de ces obligations doit être certifié avant le 15 mars de chaque année par un tiers indépendant sous peine d'une amende de 10 000 euros sauf à présenter le certificat dans un délai de trente jours après la transmission du procès-verbal constatant les carences de l'entreprise.

D - Dématérialisation de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié (LF 2016, art. 86)

La remise de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié est un préalable obligatoire lors de la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité ou d'un examen fiscale de la situation personnelle d'un contribuable (ESFP). Une importante jurisprudence (32) témoigne des difficultés à trancher des situations de fait lorsque ladite Charte contient des dispositions périmées ou encore lorsque le contribuable prétend ne pas avoir reçu la Charte que l'administration fiscale joint systématiquement aux avis de vérification adressés par courrier. A compter du 1er janvier 2016, la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié sera consultable en ligne et l'administration fiscale n'aura plus à la joindre au format papier aux avis de vérification, sauf contrôle inopiné ou demande du contribuable.


(1) P. Roger, Le Conseil constitutionnel enterre la fusion impôt sur le revenu-CSG, Le Monde, 30 décembre 2015.
(2) CGI, art. 223 (N° Lexbase : L9134I8S) et s..
(3) Loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987, art. 68 A (N° Lexbase : L6432I8Q).
(4) S'il est vrai que chaque société du groupe est solidaire de l'impôt calculé au nom du groupe, elle ne l'est uniquement qu'à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus si celle-ci n'était pas membre du groupe (CGI, art. 223 A, dernier alinéa N° Lexbase : L1889KG3).
(5) CJUE, 2 septembre 2015, aff. C-386/14 (N° Lexbase : A3750NN9).
(6) Directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L7669AUL) ; Directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L5957IR3).
(7) Directive 2011/96/UE, art. 3 : "la qualité de société mère est reconnue : i) au moins à une société d'un Etat membre qui remplit les conditions énoncées à l'article 2 et qui détient, dans le capital d'une société d'un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, une participation minimale de 10 %". V. également en droit interne : CGI, art. 119 (N° Lexbase : L2105HLK). On remarquera que pour des sociétés mère et filiale françaises, le taux de détention minimale est de 5 % et non de 10 %.
(8) Dispositifs hybrides, questions de politique et de discipline fiscales, OCDE, 2012.
(9)Directive 2015/121/UE du Conseil du 27 janvier 2015, modifiant la Directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d'Etats membres différents (N° Lexbase : L6405I7D).
(10) Nous soulignons que les Etats membres peuvent donc prévoir une législation interne plus exigeante.
(11) CGI, art. 145 (N° Lexbase : L4714I7Q) "6. Le régime fiscal des sociétés mères n'est pas applicable : d) Aux produits des titres d'une société établie dans un Etat ou territoire non coopératif, au sens de l'article 238-0 A (N° Lexbase : L3333IGK)".
(12) Cons. const., 20 janvier 2015, n° 2014-437 QPC (N° Lexbase : A4823M9I).
(13) Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du Traité (N° Lexbase : L5604I3X) : "1. La catégorie des micros, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros".
(14) Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013, relatif à l'application des articles 107 et 108 TFUE aux aides de minimis (N° Lexbase : L6868IYZ) : "2. Le montant total des aides de minimis octroyées par un Etat membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux".
(15) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW).
(16) Aussi appelée loi "Macron", du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC) ; BoFip - Impôts BOI-BIC-BASE100 (N° Lexbase : X4127APK).
(17) Selon un régime réel d'imposition.
(18) Loi n° 2015-990, art. 142, préc..
(19) CGI, art. 39 decies (N° Lexbase : L1626KGC) : "1° Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation ; 2° Matériels de manutention ; 3° Installations destinées à l'épuration des eaux et à l'assainissement de l'atmosphère ; 4° Installations productrices de vapeur, de chaleur ou d'énergie à l'exception des installations utilisées dans le cadre d'une activité de production d'énergie électrique bénéficiant de l'application d'un tarif réglementé d'achat de la production ; 5° Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique".
(20) CGI, art. 39 decies.
(21) Au sens de l'article L. 342-7 du Code du tourisme (N° Lexbase : L0176HGM).
(22) CGI, art. 220 sexies (N° Lexbase : L2234KQS) et 220 F (N° Lexbase : L0108IK9).
(23) N. Madelaine, Tournages de films : Paris prêt à un gros effort de compétitivité, Les Echos, 28 septembre 2015.
(24) L'entreprise devra solliciter deux agréments : l'un à titre provisoire, et un second qu'elle devra obtenir dans les quarante-deux mois à compter de l'agrément provisoire.
(25) CGI, art. 220 octies (N° Lexbase : L4662I7S).
(26) C. mon. et fin., art. L. 313-23 (N° Lexbase : L2499IXT) à L. 313-35.
(27) P. Saint-Amans et E. Robert, Le projet BEPS et la longue marche en direction d'une fiscalité globale pour l'économie du XXIème siècle, Dr. fisc., 2015, comm. 709.
(28) BEPS : Résultats attendus en 2014
(29) LPF, art. L. 13 AA (N° Lexbase : L9780I3M) ; v. également l'article 86 de la LF 2016 qui modifie l'article 223 quinquies B du CGI (N° Lexbase : L3157KWT) relatif à l'obligation déclarative annuelle des prix de transfert.
(30) CE 9° et 10° s-s-r., 24 juin 2015, n° 367288, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0111NM3), concl. M.-A. Nicolazo de Barmon, Dr. fisc., 2015, comm. 572 ; TA Poitiers, 1ère ch., 19 novembre 2015, n° 1202983 et n° 1202984), Dr. fisc., 2015, comm. 740.
(31) V. nos obs., Chronique procédures fiscales-Décembre 2013 (spéciale loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière) : le durcissement des obligations fiscales des entreprises, Lexbase Hebdo n° 550, 5 décembre 2013 - édition fiscale (N° Lexbase : N9658BTU).
(32) CE 3° et 8° s-s-r., 20 octobre 2000, n° 204814, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9594AHS) ; CE 3° et 8° s-s-r., 4 mars 2009, n° 296956, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5744ED4) ; CE 9° et 10° s-s-r., 10 novembre 2000, n° 204805, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9063AH7).

newsid:450826

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] ISF : exonération partielle des parts ou actions détenues par un mandataire social non-rémunéré ?

Réf. : Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-23.681, FS-P+B (N° Lexbase : A3925N3R)

Lecture: 2 min

N0816BW7

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Le 21 Janvier 2016

Les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme mandataire social et malgré le fait qu'il ne perçoive pas de rémunération pour cette activité. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 janvier 2016 (Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-23.681, FS-P+B N° Lexbase : A3925N3R). En l'espèce, après sa révocation, courant 1998, de ses fonctions de président du conseil d'administration d'une société, le requérant a conservé son mandat d'administrateur de cette société jusqu'en 2007. L'administration fiscale lui a alors notifié, ainsi qu'à son épouse, une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune en raison de la sous-évaluation des actions de la société. Pour la Haute juridiction, qui a donné raison aux requérants, l'énoncé des activités de l'intéressé, comme administrateur de la société, suffit donc à établir que l'exercice de cette fonction de mandataire social constituait son activité principale malgré le fait qu'il ne justifie pas en avoir tiré des revenus. Les mandataires sociaux qui exercent leur activité principale dans la société (au sens de l'article 885 I quater du CGI N° Lexbase : L5727IXE) dont ils possèdent des titres éligibles n'ont pas à tiré de rémunération de cette activité n'étant pas de nature à les priver de ce bénéfice. Au cas présent, le requérant a démontré qu'il a préparé et participé à l'ensemble des réunions du conseil d'administration dans une période très conflictuelle, a engagé et poursuivi plusieurs actions à l'encontre des organes de direction de différentes sociétés, a demandé la production d'un certain nombre de documents auprès des organes de direction et des commissaires aux comptes, et s'est chargé de suivre l'actualité du groupe au sein des instances représentatives du personnel du groupe. La doctrine administrative lie le versement d'une rémunération à l'activité principale d'un salarié, mais n'apportait aucune précision sur cet éventuel lien quant à un mandataire social, ce que fait au cas présent la Cour de cassation .

newsid:450816

Fonction publique

[Brèves] Agent non titulaire démissionnaire à la suite de modifications substantielles de son contrat : appréciation par le juge de la requalification en licenciement de l'acceptation de la démission

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2015, n° 384308, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1906N3Y)

Lecture: 1 min

N0838BWX

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Le 16 Janvier 2016

Il appartient au juge administratif, saisi d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice qu'un agent non titulaire estime avoir subi du fait de la rupture de son contrat de travail résultant de modifications substantielles des clauses du contrat en cause, d'apprécier si la décision par laquelle l'autorité administrative a accepté la démission d'un agent non titulaire doit être regardée comme un licenciement, eu égard, notamment, à la nature et à l'ampleur des modifications apportées au contrat, au comportement de l'employeur et aux motifs pour lesquels l'agent a cessé son activité. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 30 décembre 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 30 décembre 2015, n° 384308, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1906N3Y). La cour administrative d'appel, après avoir relevé que l'arrêté du 13 octobre 2008 nommant M. X inspecteur général des services constituait une modification substantielle de son contrat de travail, a jugé que celui-ci n'était pas fondé à soutenir que sa décision du 25 février 2009 de cesser son activité devait être regardée comme un licenciement imputable à son employeur au motif qu'il devait être regardé comme ayant accepté la modification de son contrat de travail. En statuant ainsi, la cour n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits soumis à son examen .

newsid:450838

Impôts locaux

[Brèves] Redevance pour création de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche en Ile-de-France : cas d'une création nette de surfaces utiles de plancher à usage de bureau

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2015, n° 370096, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1873N3R)

Lecture: 1 min

N0820BWB

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Le 19 Janvier 2016

Il résulte des articles L. 520-1 (N° Lexbase : L0453IPH) et L. 520-9 (N° Lexbase : L0449IPC) du Code de l'urbanisme que la création de locaux à usage de bureaux à partir de surfaces précédemment affectées à un autre usage, y compris lorsque cet usage donnait lieu à exonération, entre dans l'assiette de la redevance perçue à l'occasion de la construction de locaux à usage de bureaux en Ile-de-France. Toutefois, en vertu de ces mêmes dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 9 de la loi n° 60-790 du 2 août 1960 (N° Lexbase : L0409IRL) dont est issu l'article L. 520-9 du Code de l'urbanisme, la restructuration de locaux à usage de bureaux au sein d'un même immeuble ne peut être assimilée à la construction de tels locaux que si elle conduit à en augmenter la surface utile de plancher totale. Dans ce cas, seules sont assujetties à la redevance les surfaces utiles de plancher à usage de bureau qui excèdent celles dont était pourvu l'immeuble avant sa restructuration. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 30 décembre 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 30 décembre 2015, n° 370096, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1873N3R). En l'espèce, une opération de restructuration d'un immeuble situé à Neuilly-sur-Seine a fait l'objet d'un permis de construire. Pour la Haute juridiction, les juges du fond n'avaient pas à regarder comme devant être soumises à la redevance les surfaces à usage de bureaux créées dans le cadre de cette opération, car celle-ci avait conduit à un accroissement net des surfaces utiles affectées à cet usage au sein de cet immeuble. Ainsi, la SCI requérante pourra réclamer la décharge de la somme litigieuse due au titre de la redevance pour création de bureaux en Ile-de-France .

newsid:450820

Licenciement

[Brèves] Possibilité pour l'employeur de licencier un salarié sans autorisation de l'inspecteur du travail dès lors que la période de protection légale a pris fin avant que ce dernier ne rende sa décision

Réf. : Cass. soc., 6 janvier 2016, n° 14-12.717, FS-P+B (N° Lexbase : A3922N3N)

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N0853BWI

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Le 15 Janvier 2016

Dès lors que la période de protection légale a pris fin avant que l'inspecteur du travail ne rende sa décision, l'employeur retrouve le droit de licencier le salarié sans autorisation de l'autorité administrative, qui n'est plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 janvier 2016 (Cass. soc., 6 janvier 2016, n° 14-12.717, FS-P+B N° Lexbase : A3922N3N).
En l'espèce, M. X, engagé à compter du 3 janvier 2007 en qualité de technicien méthodes par la société Y, et dont le mandat de membre élu et secrétaire du CHSCT avait expiré le 13 février 2009, a été convoqué le 1er juillet 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire. Dans le même temps, la société Y a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation du licenciement. Celui-ci a notifié une décision de refus le 10 septembre 2009. M. X a repris son travail le 14 septembre 2009, a été convoqué le même jour à un entretien préalable à son licenciement avec mise à pied conservatoire et a été licencié pour faute grave le 24 septembre suivant. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale. Par jugement du 3 février 2014, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Y.
Pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société à lui payer diverses sommes, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 11 décembre 2013, n° 11/12208 N° Lexbase : A1093KRW) retient qu'il n'est pas contesté que les faits imputés au salarié aux termes de la lettre de licenciement du 24 septembre 2009 concernent la période faisant l'objet d'une protection et que ces faits sont les mêmes que ceux pour lesquels l'inspecteur du travail a refusé le licenciement. La cour d'appel ajoute que, dans sa décision de refus d'autorisation du licenciement, l'inspecteur du travail reprend, en effet, chacun des griefs énumérés dans la lettre de licenciement pour conclure que la matérialité des faits n'est pas établie, que si à l'expiration de la période de protection, l'employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l'autorisation de l'inspecteur du travail, c'est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l'objet d'un refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et que cette condition n'étant pas respectée en l'espèce, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. A la suite de cette décision, la société Y s'est pourvue ne cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa des articles L. 2411-13 (N° Lexbase : L0158H9Q) et L. 2421-3 (N° Lexbase : L0209H9M) du Code du travail (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4048ET4).

newsid:450853

Mineurs

[Jurisprudence] Départ d'une mineure pour la Syrie : l'Etat français n'est-il vraiment pas responsable ?

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 9 décembre 2015, n° 386817 (N° Lexbase : A0445NZI)

Lecture: 13 min

N0863BWU

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP

Le 14 Janvier 2016

L'arrêt du Conseil d'Etat du 9 décembre 2015 s'inscrit dans l'actualité brûlante de l'enrôlement de nombreux jeunes dans les rangs de Daech et doit provoquer une réflexion sur la protection des mineurs contre ce fléau. Les auteurs de la requête devant le Conseil d'Etat, qui réclamaient une indemnisation de leur préjudice moral résultant du départ de leur fille en Syrie via la Turquie, à partir du territoire français, sollicitaient également l'annulation du refus implicite du ministère de l'Intérieur d'instaurer, à leur demande, un dispositif exigeant des ressortissants français mineurs d'être munis d'une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français. Le Conseil d'Etat rejette leurs deux demandes. Cette décision est logique, en ce qu'elle est fondée sur le principe de libre circulation des mineurs qui régit actuellement la matière en droit français (I), mais dont la remise en cause, par certains dispositifs ponctuels existants ou par un renversement à venir (II) doit cependant être rapidement envisagé... I - L'absence de responsabilité de l'Etat fondée sur la libre circulation des mineurs à travers les frontières

Dans la décision du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat a refusé d'engager la responsabilité de l'Etat au motif que la jeune fille qui était partie en Syrie via la Turquie était en possession d'un passeport en cours de validité et d'un billet d'avion à son nom, et ne faisait pas l'objet d'aucune interdiction judiciaire ou opposition de sortie du territoire. La Haute juridiction administrative en a déduit que les agents publics n'ont commis aucune faute dans l'exécution de leur mission de surveillance de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Cette analyse est fondée sur le droit positif qui consacre le principe de libre sortie du territoire pour les mineurs (A) dont le Conseil d'Etat juge, peut-être de manière contestable, qu'il est conforme aux exigences légales et supra-législatives (B).

A - La consécration de la libre circulation des mineurs à travers les frontières par le droit positif

Ancien dispositif. C'est la circulaire interministérielle n° INTD1237286C du 20 novembre 2012, relative aux décisions judiciaires d'interdiction de sortie du territoire et aux mesures administratives conservatoires d'opposition à la sortie du territoire des mineurs (N° Lexbase : L5305I8Y), qui a abrogé les dispositions de la circulaire du ministre de l'Intérieur du 11 mai 1990 exigeant des ressortissants français mineurs quittant seuls le territoire français avec leur carte nationale d'identité ou un passeport périmé de détenir une autorisation parentale de sortie du territoire. L'ancien dispositif prévoyait ainsi un régime d'autorisation parentale à la sortie du territoire, un mineur ne pouvant franchir une frontière sans disposer de l'accord express de ses parents ou, dans le cas d'une sortie scolaire ou parascolaire, d'une autorité publique, chef d'établissement, maire de la commune, etc. (1).

Suppression de l'autorisation parentale. Les dispositions réglementaires antérieures à 2012 avaient été complétées, en 2010, par l'instauration, par des textes légaux (loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants) et réglementaires (décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées), instaurant l'interdiction de sortie de territoire sans le consentement des deux parents du mineur et l'opposition à la sortie de territoire lesquels, constituaient des dispositifs permettant d'empêcher la sortie du territoire français de mineur sans consentement parental (cf. infra). Par une interprétation large, et sans aucun doute discutable (2), de ces nouvelles règles, le Gouvernement a considéré que le principe était désormais la libre sortie des mineurs du territoire national, sauf interdiction ou opposition à la sortie de territoire. En conséquence, la circulaire interministérielle du 20 novembre 2012, précisant les modalités de l'interdiction de sortie de territoire et de l'opposition à la sortie de territoire, en a déduit que les autorisations de sortie du territoire individuelles et collectives qui constituaient jusqu'alors le régime de droit commun n'étaient plus nécessaires. Leur suppression est devenue effective le 1er janvier 2013. Elle a permis à tous les mineurs de franchir les frontières simplement avec une carte d'identité ou passeport valide, en présumant, de manière sans doute un peu naïve que celui-ci leur avait été remis par leurs parents...

Critiques Comme l'affirme Monsieur le Député Geoffroy, auteur du rapport relatif à la proposition de loi de 2015 visant à instaurer une autorisation sortie de territoire pour les mineurs, "c'était interpréter très largement la volonté du législateur et méconnaître les objectifs qui l'avaient conduit à instituer l'interdiction judiciaire de sortie du territoire. La loi du 9 juillet 2010 s'inscrivait dans un cadre particulier : la prévention des violences qui peuvent advenir dans certaines familles. Elle n'a pas prétendu embrasser la totalité des relations parentales, ni protéger les mineurs de l'ensemble des dangers auxquels ils pourraient se trouver confrontés. [...] Le système d'autorisation de sortie du territoire remplissait correctement son office : soumettre aux parents la possibilité pour leur enfant de quitter le territoire national et, le cas échéant, le lui interdire en refusant leur signature. Cette décision était prise dans l'intérêt de l'enfant car, dans la majorité des familles, c'est heureusement à cette aune que sont pesés les choix des pères et des mères". D'ailleurs, aucun élément contenu dans les travaux préparatoires de la loi du 9 juillet 2010 n'avait évoqué l'hypothèse d'une suppression des autorisations de sortie du territoire en conséquence de la création de l'interdiction de sortie de territoire.

B - La conformité de la libre circulation des mineurs à travers les frontières aux normes législatives et supra législatives ?

Fondements de l'illégalité de la circulaire. Dans leur requête présentée au Conseil d'Etat, les parents de la jeune fille partie en Syrie, invoquaient l'illégalité de la circulaire ayant supprimé l'autorisation parentale de sortie de territoire. Ils se fondaient plus précisément sur les dispositions du Code civil relatives à l'autorité parentale ainsi que sur l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4798AQR), consacrant le droit au respect de la vie familiale ainsi que sur l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) selon lequel dans toute décision le concernant l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. Le Conseil d'Etat rejette l'ensemble de ces arguments.

Atteinte aux droits parentaux. Pour ce qui est, plus particulièrement, des dispositions relatives à l'autorité parentale, les requérants invoquaient l'article 371-1 du Code civil (N° Lexbase : L8018IWU) qui définit l'autorité parentale et précise ses finalités, ainsi que sur l'article 371-3 du même code (N° Lexbase : L2896ABU) selon lequel "l'enfant ne peut, sans permission des père et mère, quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans les cas de nécessité que détermine la loi". Le Conseil d'Etat considère, cependant, de manière quelque peu surprenante, que "ces dispositions n'imposent pas aux autorités compétentes d'instituer un dispositif général exigeant des ressortissants français mineurs d'être munis d'une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français".

Droit communautaire. De même, la juridiction administrative affirme que "si le Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (N° Lexbase : L0989HIH) recommande aux garde-frontières d'accorder une attention particulière aux mineurs et de vérifier, de manière approfondie, les documents de voyage et les autres documents présentés par les mineurs voyageant non accompagnés, ces dispositions ne sont pas méconnues par la circulaire, qui prescrit à ces autorités de vérifier, dans tous les cas, outre la validité du titre de voyage, que le mineur ne fait pas l'objet d'une interdiction judiciaire de sortie du territoire ou d'une opposition à sortie du territoire".

Critiques. On peut s'interroger sur cette analyse permissive du Conseil d'Etat qui refuse d'accorder aux parents les moyens d'assurer l'effectivité de leurs droits parentaux et particulièrement de leur droit de garde et de protection de l'enfant. La Haute juridiction administrative s'est pourtant montrée dans le passé plus protectrice des droits de parents notamment en annulant la circulaire permettant aux infirmières scolaires de délivrer à des mineurs des contraceptions d'urgence (3). Il semble en effet difficile de considérer que la sortie de territoire sans autorisation parentale est compatible avec le droit des parents de décider du lieu de vie de l'enfant consacré par l'article 371-3 du Code civil. Il est également sans doute possible de considérer, qu'au regard du contexte international actuel et des risques d'enrôlement des mineurs dans des mouvements intégristes, le laxisme du droit français est contraire au principe de supériorité de l'intérêt supérieur de l'enfant contenu dans l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Il est en outre également contraire aux textes internationaux, notamment au Protocole facultatif relatif à l'implication d'enfants dans les conflits armés, en date du 25 mai 2000, qui interdisent la participation d'un mineur aux conflits armés. En tout état de cause, il paraît contestable sur le plan de la hiérarchie des normes qu'une atteinte aux droits parentaux, contenus dans des dispositions législatives, résultent d'une circulaire, ce que le Conseil d'Etat n'avait d'ailleurs pas manqué de faire remarquer dans le cadre du contentieux relatif à la contraception.

La décision du 9 décembre 2015 conduit inéluctablement à s'interroger sur la remise en cause de la liberté des mineurs de circuler à travers les frontières.

II - La remise en cause de liberté des mineurs de sortir du territoire

La remise en cause de la liberté des mineurs de sortir du territoire français sans autorisation parentale est déjà contenue, mais de manière ponctuelle, dans le droit positif à travers l'interdiction de sortie de territoire et l'opposition à la sortie de territoire (A) mais elle doit sans aucun doute faire l'objet d'un élargissement permanent (B).

A - La remise ponctuelle de la liberté de circulation des mineurs

Depuis 2010, plusieurs dispositifs permettent d'empêcher la sortie de territoire d'un mineur tant dans le cadre de la lutte contre les déplacements illicites d'enfants que dans le cadre de la lutte contre l'enrôlement des mineurs dans des mouvements intégristes religieux.

Interdiction de sortie de territoire. L'interdiction de sortie de territoire s'inscrit dans la politique de lutte contre les enlèvements internationaux d'enfants. L'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L7178IMS) dans sa formulation issue de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (N° Lexbase : L7042IMR) (4), permet au juge aux affaires familiales "d'ordonner l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents" (sans limite de durée) et assure la publicité de cette interdiction sur un document unique et national : le fichier des personnes recherchées. Pour que chacun des parents soit tenu de demander l'accord de l'autre pour emmener l'enfant à l'étranger, l'un d'eux doit saisir le juge aux affaires familiales d'une demande à cette fin. L'interdiction de sortie de territoire doit être motivée par un risque particulier de déplacement illicite de l'enfant par l'un de ses parents, comme l'a précisé la Cour de cassation (5). Tout en contrôlant que la cour d'appel a bien caractérisé le risque susceptible de remettre en cause le maintien des liens de l'enfant avec ses deux parents, la Cour de cassation lui confère un pouvoir souverain pour apprécier la réalité de ce risque. L'interdiction de sortie de territoire peut également être prononcée par le juge des enfants dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative.

Procédure. Le décret n° 2012-1037 du 10 septembre 2012, relatif à la mise en oeuvre de l'interdiction de sortie du territoire du mineur sans l'autorisation des deux parents (N° Lexbase : L0518IUQ) (6), entré en vigueur le 1er octobre 2012, prévoit dans l'article 1180-3 du Code procédure civile (N° Lexbase : L0562IUD), la procédure consécutive au prononcé par le juge aux affaires familiales de l'interdiction de sortie de territoire du mineur sans l'autorisation de ses deux parents. Le décret précise que c'est le greffe du juge aux affaires familiales qui "en avise aussitôt le procureur de la République qui fait inscrire cette mesure au fichier des personnes recherchées". Le décret du 10 septembre 2012 organise également le recueil par un officier de police judiciaire ou sous le contrôle de celui-ci, de l'accord des deux parents lorsque le juge a exigé leur autorisation.

Opposition à la sortie de territoire. L'opposition à la sortie du territoire d'un mineur est prévue au 3° du III de l'article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, relatif au fichier des personnes recherchées (N° Lexbase : L3703IM4). La circulaire du 5 mai 2014 (INTK1400256J N° Lexbase : L5152KWQ) a ouvert aux parents la possibilité de solliciter une telle opposition à la sortie de territoire en cas de crainte d'un départ à l'étranger sous l'influence de mouvements radicaux armés. Cette mesure administrative constitue ainsi une mesure de protection de l'enfant en ce qu'elle a pour objet "d'empêcher l'enfant mineur de gagner des zones de conflits pour y prendre part lorsque les parents constatent des signes de radicalisation idéologiques pouvant le conduire à adhérer à une entreprise terroriste". La circulaire affirme ainsi que "dans le contexte actuel, où plusieurs parents ont été les témoins impuissants du départ de leur enfant mineur à l'étranger, vers des zones de conflit armé, au nom d'une radicalisation idéologique apparue soudainement, il est apparu nécessaire d'accompagner l'exercice de l'autorité parentale de façon plus efficace, en mettant en place une nouvelle procédure d'opposition à sortie du territoire". L'opposition à la sortie de territoire permet au titulaire de l'autorité parentale de faire opposition sans délai à la sortie de France de son enfant lorsqu'il craint que celui-ci n'envisage de partir à l'étranger, notamment sous l'influence de mouvements radicaux armés. Elle est clairement fondée sur l'article 371-3 du Code civil selon lequel l'enfant doit être autorisé par ses père et mère à quitter la maison familiale. Sont susceptibles de faire l'objet d'une mesure d'opposition à la sortie du territoire, les mineurs français résidant en France ou à l'étranger mais également les mineurs étrangers résidant en France.

Procédure. L'opposition à la sortie de territoire peut être prononcée à titre conservatoire à la demande d'un des titulaires de l'autorité parentale pour empêcher la sortie du territoire national d'un mineur. Les demandes d'opposition à la sortie de territoire doivent être adressées aux services préfectoraux ou, aux heures de fermeture des administrations, auprès des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. L'opposition à la sortie de territoire d'un mineur entraîne l'inscription de ce dernier sur le fichier des personnes recherchées. Cette opposition est valable pour une durée de six mois prorogeable sur demande expresse d'un titulaire de l'autorité parentale. L'opposition ne fait pas obstacle au fait que le mineur voyage s'il est accompagné par l'un des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, à moins que le juge aux affaires familiales ait soumis la sortie du territoire nationale à l'autorisation des deux parents (cf. supra).

Insuffisance du dispositif. Si le dispositif actuel de remise en cause ponctuelle de la libre circulation des mineurs au-delà des frontières constitue à n'en pas douter une protection opportune pour les mineurs, à la demande de leur parent, il suppose, de la part des parents du mineur, l'expression d'une volonté contraire à la liberté de circulation de ce dernier ce qui ne peut se concevoir en l'absence d'information préalable. Il semble donc opportun d'envisager dans un avenir proche, la remise en cause permanente du principe de libre circulation des mineurs à travers les frontières.

B - La perspective d'une remise en cause permanente de la liberté de circulation des mineurs

Opportunité d'un rétablissement de l'autorité parentale. Au regard de nombreux départs de mineurs pour le Djihad, une proposition de loi (n° 2690) (7) a été déposée pour instaurer un contrôle permanent de la sortie des mineurs du territoire national. Ce texte a été voté en première lecture à l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015. Dans son rapport au nom de la commission des lois relatifs à cette proposition, le député Guy Geoffroy affirme que "la suppression de l'autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, incidemment opérée par une circulaire du 20 novembre 2012 prise en application de la loi du 9 juillet 2010, apparaît aujourd'hui comme une erreur préjudiciable aux intérêts des familles et à la sécurité des enfants. Parce qu'elle permet à tout mineur de quitter le territoire français sans être accompagné de ses parents et sans même exiger que ces derniers en soient simplement informés, elle expose ces enfants à des risques considérables dans un contexte international par ailleurs délicat". La protection de la sécurité, de la santé et de la moralité de l'enfant qui sont les finalités principales de l'autorité parentale ainsi que le droit de garde des parents implique bien que le mineur ne puisse librement franchir des frontières internationales alors que ses parents n'en sont même pas informés. Comme le souligne le rapport de Monsieur Geoffroy, "en conséquence, il apparaît de bon sens de restaurer l'autorisation de sortie du territoire permettant d'assister les parents dans la protection de leur enfant. Ce mécanisme a existé jusqu'à récemment dans notre droit et existe encore dans la législation de divers Etats étrangers. Comment comprendre, par exemple, que la loi française proscrive -à bon escient- la présence d'un mineur de 17 ans dans un casino (16), mais que le droit considère parfaitement loisible à un enfant en âge de fréquenter une école élémentaire de se rendre à l'étranger pour peu qu'il dispose d'une carte nationale d'identité, sans même s'assurer que ses parents sont au courant de son voyage ? La France encadre drastiquement -à bon escient encore- le travail des mineurs, leur activité en tant qu'usager de la route, la nature des films qu'ils peuvent voir au cinéma, mais comment expliquer qu'elle facilite leur départ du territoire national en n'édictant aucune mesure de surveillance particulière à leur endroit ?". Dans un rapport d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes (8), Patrick Mennucci a également recommandé le rétablissement de l'autorisation de sortie du territoire dans son rapport

Modification du Code civil. La proposition de loi vise à rétablir l'autorisation parentale pour toute sortie de territoire national d'un mineur, l'autorisation de sortie du territoire signée par les parents étant la traduction directe du principe selon lequel ceux-ci sont responsables -juridiquement et moralement- de leur enfant. Il s'agirait d'insérer dans le Code civil un nouvel article 371-6 selon lequel "l'enfant ne peut quitter le territoire national sans une autorisation de sortie de territoire signée des titulaires de l'autorité parentale. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article".

Espérons que cette proposition soit définitivement votée le plus rapidement possible. Il faut toutefois rappeler que la suppression de l'exigence de l'autorisation de sortie de territoire résultant d'une circulaire, un texte réglementaire pourrait, en urgence la rétablir. Il en va sans aucun doute de la responsabilité de l'Etat...


(1) Les circulaires du ministre de l'Intérieur n° 81-46 et n° 81-252 du 9 juillet 1981 prévoyaient l'établissement par les directeurs d'école ou les chefs d'établissement de listes tenant lieu, après authentification par les préfets, d'autorisations collectives de sortie du territoire pour des mineurs qui effectuent en groupes des voyages scolaires à l'étranger. Une autorisation collective de sortie du territoire pouvait également être délivrée par le maire de la commune de l'établissement concerné ; en outre, la circulaire du ministre de l'Intérieur n° 161 du 8 avril 1960 encadrait le franchissement des frontières par les mineurs français faisant partie de colonies de vacances.
(2) Guy Geoffroy, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi n° 2960 visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire.
(3) CE, 30 juin 2000, n° 216130 (N° Lexbase : A0884B9M), D., 2000, 545, note O. Dubos et Ch. Radé.
(4) La formulation antérieure du texte prévoyait que le juge pouvait ordonner l'inscription de l'interdiction de sortie de territoire sans le consentement des deux parents sur le passeport des parents.
(5) Cass. civ. 1, 3 mars 2010, n° 08-21.059, F-D (N° Lexbase : A6495ESD), AJ fam., 2010, 326, obs. F. Mbala.
(6) Décret n° 2012-1037, 10 septembre 2012, relatif à la mise en oeuvre de l'interdiction de sortie du territoire du mineur sans l'autorisation des deux parents ; JO du 11 septembre 2012, p. 14519 ; Circulaire du 12 septembre 2012, JUSC 1230524C, AJ fam., 2012. 482 ; nos obs., L'organisation concrète de l'interdiction de sortie de territoire du mineur sans l'autorisation de ses deux parents, Lexbase Hebdo n° 499 du 27 septembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N3635BTS).
(7) Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2015.
(8) Rapport n° 2828 de M. Patrick Mennucci au nom de la commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, 2 juin 2015, p. 92.

newsid:450863

Procédure pénale

[Brèves] Modalités d'interception de communications cryptées

Réf. : Cass. crim., 16 décembre 2015, n° 15-82.642, FS-P+B (N° Lexbase : A8863NZB)

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N0812BWY

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Le 14 Janvier 2016

Les messages instantanés, échangés entre plusieurs personnes au moyen d'une liaison sécurisée par un dispositif de cryptage, constituent des correspondances par la voie des télécommunications au sens de l'article 100 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4316AZU) et sont, comme telles, susceptibles d'être appréhendées sur la décision et sous l'autorité et le contrôle d'un juge. Aussi, les dispositions de l'article 230-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8452I4S) ne sont pas applicables dès lors que, d'une part, les messages ont été transmis en clair par la société à l'origine du cryptage, et d'autre part, leur mise en forme pour les rendre lisibles en procédure ne nécessitait qu'une simple conversion, ces deux opérations étant également étrangères aux prévisions des articles 156 (N° Lexbase : L0946DYP) et suivants du même code. Tels sont les principaux enseignements d'un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 16 décembre 2015 (Cass. crim., 16 décembre 2015, n° 15-82.642, FS-P+B N° Lexbase : A8863NZB). En l'espèce, une information judiciaire a été ouverte, par le procureur de la République de Fort-de-France, le 16 novembre 2012, contre personne non dénommée des chefs d'importation et trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et contrebande. Le 8 mars 2013, le procureur de la République a requis le juge d'instruction de se dessaisir et de transmettre l'entier dossier de l'information au président du tribunal de grande instance ou au magistrat désigné par lui, au motif qu'elle avait pour objet le démantèlement d'un réseau organisé de délinquants et que la complexité des investigations, devant être mises en oeuvre justifiait la saisine de la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France. Sur accord du magistrat instructeur, le président du tribunal de grande instance de Fort-de-France a, le même jour, au visa de l'article 84, alinéas 1 et 2, du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2964IZS), dessaisi le juge d'instruction en faveur d'un autre juge d'instruction de la juridiction interrégionale spécialisée. Ce dernier a délivré, sur le fondement des articles 100 et suivants du Code de procédure pénale, des commissions rogatoires aux fins d'interception de correspondances électroniques cryptées transitant par flux internet entre des boîtiers de téléphones portables et en exécution de ces délégations, les enquêteurs ont requis la société R. aux fins de se voir remettre le contenu non crypté des échanges. M. D., mis en examen le 7 novembre 2013 des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a présenté une requête en annulation de pièces de la procédure, relatives aux interceptions des correspondances. Confirmant la décision des juges d'appel, la Cour de cassation après avoir énoncé les principes susvisés, rejette son pourvoi (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4428EUK).

newsid:450812

Rel. collectives de travail

[Brèves] Possibilité pour le syndicat de désigner aux nouvelles élections professionnelles un ancien RSS dès lors que le périmètre de désignation est différent de celui retenu lors des élections précédentes

Réf. : Cass. soc., 6 janvier 2016, n° 15-60.138, FS-P+B (N° Lexbase : A3928N3U)

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N0854BWK

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Le 16 Janvier 2016

Les dispositions du Code du travail qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale (RSS) le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat dès lors que le périmètre de ces élections est différent de celui retenu lors des élections précédentes, sur une partie duquel le représentant exerçait son mandat. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 6 janvier 2016 (Cass. soc., 6 janvier 2016, n° 15-60.138, FS-P+B N° Lexbase : A3928N3U).
En l'espèce, les sociétés Orange, Orange Réunion, Orange Caraïbes et Orange promotions forment l'UES Orange, divisée en dix-neuf établissements principaux, dont l'établissement principal DTSI, qui dispose d'un comité d'établissement, et est lui-même divisé en plusieurs établissements secondaires. Un accord sur l'architecture des instances représentatives du personnel de l'UES prévoit la possibilité, pour une organisation syndicale non représentative au sein d'un établissement distinct pour les élections au comité d'établissement, de désigner un RSS au niveau de l'établissement principal, et un RSS au niveau de chaque établissement secondaire rattaché à cet établissement principal. Le syndicat qui avait désigné le 22 novembre 2011 M. X en qualité de RSS au sein de l'établissement secondaire Unité pilotage réseaux ouest (UPRO), dépendant alors de l'établissement principal Réseau et systèmes d'information (RSI), a recueilli moins de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'établissement Direction technique et du système d'information (DTSI) qui s'est déroulé du 18 au 20 novembre 2014. Par lettre du 27 novembre 2014, le syndicat a désigné M. X RSS au sein de l'établissement secondaire UPRO dépendant de l'établissement principal DTSI. Les sociétés Orange, Orange Réunion, Orange Caraïbes et Orange promotions ont sollicité l'annulation de cette désignation.
Pour accueillir cette demande, le tribunal d'instance retient que le syndicat a désigné M. X en qualité de RSS pour l'établissement secondaire UPRO, que le périmètre de représentation du mandat de M. X est donc strictement l'établissement secondaire UPRO et non l'établissement principal, que la question est donc de savoir si le périmètre de l'établissement secondaire UPRO a été modifié entre les élections professionnelles de 2011 et celles de 2014 et qu'il ressort des pièces produites et des débats d'audience que ce périmètre n'a pas été modifié. A suite de cette décision, le syndicat s'est pourvu en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6225ISD) (en ce sens, voir Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-26.612, FS-P+B N° Lexbase : A9429KLS) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E6025EXG).

newsid:450854

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité du fabricant d'un ouvrage produit en série dont les désordres sont la conséquence d'un défaut de pose

Réf. : Cass. civ. 3, 7 janvier 2016, n° 14-17.033, FS-P+B (N° Lexbase : A3886N3C)

Lecture: 2 min

N0872BW9

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Le 16 Janvier 2016

Les panneaux isolants, indifférenciés et produits en grande quantité, qui n'ont pas été fabriqués spécifiquement pour un chantier et dont les désordres sont la conséquence d'un défaut de pose conforme à un nouvel avis technique, ne peuvent se voir appliquer le régime prévu par l'article 1792-4 du Code civil (N° Lexbase : L1924ABU) et être qualifiés d'EPERS. Telle est la substance d'un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rendu le 7 janvier 2016 (Cass. civ. 3, 7 janvier 2016, n° 14-17.033, FS-P+B N° Lexbase : A3886N3C). En l'espèce, la société M., assurée auprès de la société C., assureur dommages-ouvrages, a fait édifier, sous la maîtrise d'oeuvre de la société X, un bâtiment à usage industriel et de bureaux. Les travaux de couverture ont été confiés à la société C. et la société D. a été désignée en qualité de bureau de contrôle. La société T. a fabriqué et fourni les panneaux d'isolation de la couverture de la partie entrepôt de l'édifice. Se plaignant de divers désordres, la société M. a assigné les différents intervenants à la construction en indemnisation de ses préjudices. L'affaire a été portée devant la cour d'appel laquelle a constaté l'absence de faute du couvreur, de l'architecte et du contrôleur technique qui n'avaient pas été informés par le fabricant d'un avis technique prescrivant de nouvelles modalités de pose des panneaux. S'agissant de l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre du fabricant, la cour d'appel a déclaré que celle-ci était prescrite au motif que le délai de prescription aurait couru à compter de la livraison des matériaux qui serait intervenue plus de dix avant l'assignation (CA Douai, 1ère ch., sect. 2, 28 janvier 2014, n° 12/05641 N° Lexbase : A0655MDM). La société M. a formé un pourvoi en cassation à l'appui duquel elle soutenait que la cour d'appel avait violé l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) en retenant que le défaut de pose avéré ne pouvait être reproché au couvreur, à l'architecte et au contrôleur technique, faisant supporter ainsi au maître d'ouvrage et à son assureur le risque d'une absence de connaissance par l'entrepreneur ou l'architecte, de la technique de pose régulière du matériau applicable. Elle arguait également du fait que l'article 1792-4 du Code civil était applicable à l'ouvrage litigieux. La Cour suprême rejette toutefois tous les pourvois principal et incident. En effet, elle considère que le délai de prescription de dix ans applicable entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants était opposable à la société M. et que ce délai avait commencé à courir à compter de la livraison des matériaux à l'entrepreneur. Elle considère par ailleurs que les juges d'appel ont justifié leur décision en considérant que les panneaux ne relevaient pas des dispositions de l'article 1792-4 du Code civil (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E0527EXS).

newsid:450872

Sociétés

[Brèves] Annulation d'une convention intervenue entre une société et son dirigeant entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l'exclure du champ d'application des conventions réglementées

Réf. : Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-18.688, F-P+B (N° Lexbase : A3833N3D)

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N0801BWL

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Le 16 Janvier 2016

Une convention intervenue entre une société et son dirigeant peut être annulée si elle est entachée de fraude pour avoir été conclue dans le dessein de l'exclure du champ d'application des conventions réglementées par les articles L. 225-38 (N° Lexbase : L8876I37) et suivants du Code de commerce. Tel est l'un des apports d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 janvier 2016 (Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-18.688, F-P+B N° Lexbase : A3833N3D). En l'espèce, un avenant au contrat de travail d'un directeur de site d'une SA, stipulant qu'une indemnité lui serait allouée en cas de licenciement pour une cause autre que pour faute grave, force majeure ou faute lourde, a été conclu le 20 février 2007. Le 5 novembre 2007, le conseil d'administration a nommé cette personne aux fonctions de directeur général et, le 28 novembre 2007, l'assemblée générale l'a nommé administrateur. Par la suite, ses fonctions de directeur général ont pris fin, il a été révoqué de son mandat d'administrateur, puis a été licencié. Il a alors saisi le CPH pour voir condamner la société à lui payer l'indemnité de licenciement prévue par l'avenant, cette dernière soutenant alors que cet avenant avait été conclu en fraude des dispositions légales régissant les conventions réglementées. Saisie d'un pourvoi ayant fait droit aux demandes de la société, la Cour de cassation approuve la solution des juges du fond. Enonçant le principe précité, elle relève qu'après avoir constaté que la rédaction de l'avenant daté du 20 février 2007 était intervenue au cours des jours ayant précédé la tenue du conseil d'administration du 5 novembre 2007 et celle de l'assemblée générale du 28 novembre suivant, et que l'intéressé avait, lors de son audition dans le cadre de l'enquête diligentée pour faux et usage de faux, indiqué que, sans cet avenant lui assurant une indemnité en cas de perte de son mandat social, il n'aurait jamais accepté le mandat de directeur général de la société, l'arrêt d'appel retient que le document litigieux a été établi afin de lui permettre de faire face aux conséquences personnelles de sa nomination en qualité d'administrateur, et que ce document, en tant qu'il stipule le versement à son profit d'une indemnité en cas de licenciement, a pour cause, non le contrat de travail qui le liait à la société, mais sa nomination en qualité de directeur général de cette société. L'arrêt d'appel ajoute que le fait de le dater avant sa nomination permettait de l'exclure du champ d'application des conventions réglementées. Dès lors, cet avenant, intervenu en fraude des dispositions légales régissant les conventions réglementées, devait être annulé. En outre, l'avenant, en imposant à la société d'allouer une indemnité complémentaire de licenciement représentant l'équivalent d'une année de la rémunération de mandataire social, qui avait généré un important contentieux entre les parties, a eu des conséquences dommageables pour la société (cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E8384EQL).

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