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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 26 Novembre 2015
Entre l'omerta des apprentis de Balzac, dans La comédie humaine, et la reconnaissance d'un statut, de droits, d'avantages et d'acquis sociaux, comme l'impose la loi du 10 juillet 2014, tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires, il y avait une marge d'appréciation, que le Parlement ne souhaita pas explorer plus avant.
Engagement présidentiel n° 39, l'encadrement des stages est désormais effectif ; la loi du 10 juillet 2014 venant d'entrer en vigueur avec la publication de son dernier décret d'application.
Pour mémoire, afin d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, plusieurs mesures sont mises en place afin que les stages soient des outils de formation. Le texte vient notamment instaurer d'un plafond maximum de stagiaires en fonction des effectifs salariés adapté à la taille des entreprises -le décret du 26 octobre 2015 fixant ce plafond à 15 % des effectifs de l'entreprise, et 3 stagiaires pour une entreprise de 20 salariés-. Il met également en place un double suivi des stagiaires par les établissements d'enseignement et par un tuteur désigné à cet effet dans les entreprises et vient renforcer les moyens permettant d'identifier et de sanctionner les abus éventuels. La loi prévoit l'instauration d'autorisation d'absence et de congés et aligne le temps de présence des stagiaires sur celui des salariés. Enfin, plusieurs mesures en faveur de l'amélioration de la situation sociale des stagiaires sont également adoptées. Ainsi les stagiaires ont un droit d'accès aux restaurants d'entreprises, ils peuvent bénéficier des titres restaurants ou du remboursement des frais de transports lorsqu'ils existent pour les salariés, ils sont exonérés d'impôt sur le revenu de la gratification, et le montant de la gratification mensuelle minimale prévue pour les stages de plus de deux mois est revalorisé.
Sur le papier, rien à redire : il devenait nécessaire de mettre un coup d'arrêt aux abus constatés dans certaines structures dont le fonctionnement était basé sur l'exploitation d'un nombre de stagiaires conséquents, pour effectuer des travaux réguliers et en quasi-autonomie, à un coût défiant tout dumping asiatique -ou presque-.
Malheureusement, moins d'un mois après l'entrée en vigueur de la loi, les médias se font fort de constater les travers inhérents de la loi, adoptée sans étude d'impact préalable comme pour mieux marquer du sceau dogmatique l'adoption d'une loi qui n'a pas fini de faire grincer les dents les entrepreneurs à qui il est demandé de participer, de plus en plus, à la formation des jeunes et de leurs salariés et, bientôt, d'engager en nombre des docteurs universitaires.
Il n'y a qu'à lire le rapport d'information adjoint à la proposition de loi devant l'Assemblée nationale pour s'inquiéter des dérives législatives lorsqu'une proposition de loi, donc non élaborée par les services du Gouvernement et l'administration "mandarine" y affectée, est adoptée sans étude d'impact préalable.
Le constat de l'époque :
- 32 % des 900 000 étudiants inscrits à l'université suivent un stage ;
- 1,6 million de stages par an (contre 600 000 en 2006) ;
- 60 % des stages gratifiés pour un montant compris entre le seuil réglementaire et 600 euros ;
- 20 % des stages gratifiés pour un montant supérieur à 600 euros ;
- 20 % des stages gratifiés pour un montant inférieur au taux réglementaire (avant la loi du 22 juillet 2013).
Malgré cela, : le chômage des moins de vingt-cinq ans y a continué sa progression et s'établit à 24 % en moyenne, mais à plus de 50 % -soit plus du double- dans certains territoires ruraux, dans les zones urbaines sensibles et dans les départements d'outre-mer.
Parallèlement la Commission nationale de lutte contre le travail illégal a examiné le bilan et les perspectives du PNLTI 2013-2015. L'objectif quantitatif concernant la lutte contre les abus en matière de stage (+10 % de contrôles des services de contrôle compétents dont l'Inspection du travail) a été confirmé.
La crainte exprimée à l'époque :
- une réduction drastique du nombre de stages, alors que les stages sont aujourd'hui obligatoires dans de nombreuses formations, notamment lorsqu'elles sont professionnalisantes.
L'Enfer est pavé de bonnes intentions...
Aujourd'hui, le constat est amer. En ajoutant des contraintes aux contraintes, l'offre se raréfie et surtout les moyens de contournement de la loi se développent, rendant plus obscure encore la pratique du stage.
D'abord, révèle Le Monde daté du 12 novembre 2015, "dans certains territoires ruraux ou périurbains où les entreprises susceptibles de proposer des stages sont si rares, alors qu'ils sont nécessaires pour valider un diplôme, les directeurs d'établissement font pression pour que [les inspecteurs du travail] ferm[ent] les yeux sur le maintien de pratiques clairement hors la loi" -notamment quant au plafond de stagiaires ; quand le ministre de l'époque, François Rebsamen, s'engageait à ce que ce plafond ne concerne pas les cabinets d'avocats (communiqué du 17 septembre 2014)-.
Ensuite, le décalage entre l'offre de stages et la demande des étudiants est tel que le conventionnement est devenu un business, révèle encore le quotidien. Emergent sur le web, des officines peu scrupuleuses proposant des conventions de stage en 24 heures, à partir de 500 euros, ou liant formations en ligne et une convention de stage, pour plus de 400 euros...
Pourtant qu'elle est belle l'idée du compagnonnage. Sans faire préalablement son tour de France ou, maintenant, d'Europe, et réaliser de prime abord un chef-d'oeuvre, le fait de passer quelques mois sous l'égide d'un maître et de bâtir son temple professionnel, est loin d'être suranné : c'est même indispensable. Pour ne parler que d'une profession que l'on connaît quelque peu, les avocats, l'on sait que la suppression du stage, avant de pouvoir s'installer seul, ne fait pas l'unanimité et pourrait connaître un prochain rétablissement. Dans le même sens, le juge (cour d'appel de Versailles, le 3 novembre 2015) ne manque pas de rappeler que le contrat de collaboration est incontournable de la profession ne serait-ce que parce que ce contrat est la traduction d'un compagnonnage entre un jeune avocat et un autre expérimenté en vue de développer une clientèle propre.
"Partager le pain avec un autre", tel est en principe l'offre que sont censés proposer les entreprises ou cabinets chargés de la formation des jeunes diplômés. Il est loin le temps où Saint Louis interdisait à tout ouvrier de quitter son maître sans son accord !
Le Siècle des Lumières fut un siècle d'émancipation aussi parce que les compagnons acquirent un pouvoir considérable en organisant des grèves, contrôlant les embauches dans une ville, établissant des "interdictions de boutiques" contre les maîtres récalcitrants, mettant même l'interdit sur des villes entières, les privant de toute possibilité d'embauche et les menaçant par là même de faillite généralisée.
Reste sans doute aux guildes des stagiaires d'aujourd'hui à trouver le bon équilibre entre le respect de leurs droits fondamentaux et la préservation de leurs intérêts premiers : trouver un stage formateur et s'insérer sur le marché du travail.
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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse
Le 26 Novembre 2015
La solution de la Cour de cassation ici reproduite met en évidence l'intérêt présenté par cet arrêt et, en particulier, les circonstances dans lequel intervient le litige et qui conduisent à envisager le présent arrêt à un triple point de vue en bouleversant l'ordre habituel de la présente chronique : la prescription, le comportement de l'assuré lors du sinistre, le comportement de l'assuré lors de la souscription. Il est d'ailleurs surprenant que cet arrêt n'ait pas les honneurs d'une publication tant il apparaît pédagogique même si les solutions qu'il pose ne manqueront pas d'être discutées.
En l'espèce, une société de réassurance souscrit des garanties couvrant en particulier la responsabilité et les frais de défense pour son activité par un procédé d'assurance en ligne comportant quatre niveaux d'intervention. Ce procédé permet à un assuré de gérer un risque en le divisant en fonction de la gravité de ses conséquences, chaque assureur assumant un niveau de gravité du risque et n'ayant vocation à intervenir que si ce niveau est atteint (1). Ce qui singularise l'espèce, c'est évidemment l'existence d'une assurance en ligne mais aussi la qualité de l'assuré, assureur d'assureurs. A l'occasion d'un sinistre, l'assureur de deuxième ligne dénie sa garantie. Son contrat renvoyait, pour la délimitation des garanties et leur mise en oeuvre, au contrat souscrit en deuxième ligne en vertu de la stipulation suivante : "les garanties du présent contrat s'exercent dans les termes et conditions de la police de première ligne ou de tout renouvellement ou remplacement de celle-ci établie aux mêmes conditions et auprès des mêmes assureurs, à l'exception de la prime, des montants de garantie et de ce qui est exposé ci-après et/ou toute modification pour autant que l'assureur en ait été informé et les ait acceptées. Les garanties du présent contrat ne peuvent en aucun cas être plus larges que les garanties de la police de première ligne".
L'assureur de deuxième ligne entendait opposer à l'assuré la prescription de son droit (2). On sait que celle-ci n'est opposable à l'assuré que si le contrat en rappelle précisément, et en vertu de l'article R. 112-1 du Code des assurances, les règles (3). Deux questions se posaient : devait-on considérer que le rappel des règles dans le contrat en première ligne associé à la clause de renvoi dans le contrat litigieux était suffisant à tenir pour l'assuré informé ? La qualité de l'assuré, réassureur informé des règles de la prescription, ne permettait-elle pas de tenir pour superfétatoire le rappel des règles relatives à la prescription ? Aux deux questions, il est répondu par la négative.
Concernant la clause de renvoi, la solution n'étonne pas. Si le procédé est admis par la jurisprudence, c'est avec des conditions (4), et c'est lorsqu'il consiste à recenser, pour un même contrat, les différentes stipulations, les documents qui le constituent. Le procédé ne peut être apprécié de la même façon pour des contrats qui sont autonomes les uns par rapport aux autres, ce qui est une caractéristique de l'assurance en ligne (5). On ne peut admettre que le formalisme informatif imposé par le législateur pour certaines stipulations soit respecté par simple renvoi général au contenu d'un autre contrat. Pour les assurances en ligne, il faudra prendre la mesure de l'exigence, mais la prudence consistera à insérer directement dans les différents contrats les clauses concernées. En revanche, la formulation de la solution semble indiquer que le renvoi général peut fonctionner pour des stipulations qui ne font pas l'objet d'exigences spécifiques. En l'absence de certitude sur ce point, il semble plus prudent de rédiger, pour chaque ligne, une police complète. On notera au passage la référence à l'intégration au "champ contractuel" par le biais des mentions obligatoires dans la police d'assurance.
Dans cette discussion relative à la prescription, l'argument tiré de la qualité des parties semble plus pertinent. La particulière compétence de l'assuré, société de réassurance, pourrait en effet dispenser son cocontractant d'une information sur la prescription. Ce n'est plus la particularité du contrat qu'il faut évoquer pour justifier le refus de cette argumentation, c'est la généralité de la règle. L'article R. 112-1 ne prévoit pas d'exception au formalisme informatif qu'il impose : "ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus". On a déjà largement souligné cette force de la protection du droit des assurances qui, à l'origine, vient profiter à tous les assurés, à l'exclusion de certains risques (6). Doit-on trouver dans cet arrêt une justification des réglementations plus récentes qui viennent protéger certaines catégories d'assurés (7) ? Rien n'est moins sûr...
II - Déclaration des risques
Dans cette espèce décidément riche, l'assureur de deuxième ligne dénie sa garantie en invoquant la nullité pour fausse déclaration intentionnelle. Sur ce thème, l'arrêt commenté procède par affirmation d'une solution connue (8) qui prend un sens particulier au regard des spécificités de l'affaire. L'assureur se fondait sur la signature d'une "déclaration de garantie, pré-rédigée en anglais, aux termes de laquelle il a déclaré, en cochant la case Aucune', qu'aucun assuré n'a connaissance ou d'information sur un quelconque acte, erreur, ou omission pouvant donner lieu à une réclamation en vertu de la police ; qu'il était mentionné dans la déclaration : veuillez cocher cette case Aucune' si cette déclaration est vraie, sinon veuillez donner tous les détails'". Or il apparaît évident que l'assuré avait déjà, à ce moment, connaissance des difficultés ayant conduit au sinistre. Au fond, tout le litige tient sur l'interprétation de l'alinéa 4 de l'article L. 112-3 du Code des assurances (N° Lexbase : L9858HET). On sait que cette disposition interdit à l'assureur de se prévaloir d'une réponse imprécise si une question est exprimée en termes généraux. Or, en l'espèce, si la question est exprimée en termes généraux, la réponse est précise mais inexacte. La cour d'appel de Versailles, sensible à cette subtile différence, a prononcé la nullité du contrat (CA Versailles, 18 mars 2014, n° 12/08013 N° Lexbase : A0683MHR). Sur ce point, sa décision est cassée, la Cour de cassation semble refuser de rentrer dans cette distinction. En décider autrement, reviendrait, il faut en convenir, à demander à l'assuré de compenser les faiblesses du questionnaire. La cour d'appel le proposait notamment par l'émission de réserves. On sait que la jurisprudence est globalement opposée à cette tendance qui reviendrait à recréer une exigence de déclaration spontanée.
III - Sinistre
On se doute bien que ce qui vaut pour le rappel des règles relatives à la prescription vaut aussi pour une clause de déchéance qui doit figurer en caractères très apparents dans la police (9). Alors que l'argumentation est la même, on ne voit pas pourquoi la formulation de la solution n'est pas identique en particulier concernant l'intégration de la clause de déchéance aux stipulations contractuelles.
La jurisprudence a admis que cette sanction peut jouer quand elle est prévue dans des conditions générales auxquelles les conditions particulières renvoient (10). Pour des raisons déjà indiquées, ce qui vaut pour un contrat ne vaut pas nécessairement d'un contrat à l'autre. Les juges du fond pouvaient ainsi décider que le contrat d'assurance en deuxième ligne ne comportait pas de clause de déchéance pour déclaration tardive du sinistre.
IV - Exclusion légale des risques
Le propriétaire d'une officine de pharmacie est mis en examen du chef de différentes infractions liées à son activité professionnelle et astreint à différentes obligations, en particulier ne pas exercer son activité. Le temps qu'il trouve un remplaçant, l'officine doit fermer pendant six semaines. Le propriétaire demande l'indemnisation de la perte subie au titre de son contrat multirisques professionnel couvrant en particulier "la dépréciation de la valeur vénale de l'officine assurée au lieu d'assurance lorsque celle-ci est la conséquence d'un fait ayant causé un dommage à autrui suivi d'un scandale notoire ou pour lequel la responsabilité de l'assuré ou de ses préposés est recherchée par la voie d'une instance civile ou pénale ou même d'une information ouverte contre l'un d'eux pour erreur ou faute professionnelle dans la préparation, le conditionnement, la vente de médicaments et aussi d'un accident de laboratoire, garantis au titre du présent contrat". L'assureur dénie devoir sa garantie au motif que son assuré aurait commis une faute intentionnelle ou dolosive. Il est évident qu'une telle clause est nécessairement stipulée dans la limite de l'exclusion légale prévue par l'article L. 113-1 qui n'autorise pas, contrairement à d'autres exclusions légales (11), de stipulation contraire. Les juges de cour d'appel estiment que son argumentation est fondée (CA Paris, Pôle 2, 5ème ch., 16 septembre 2014, n° 11/19307 N° Lexbase : A5385MWD). Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation.
La solution ne surprendra pas. En effet, la Cour de cassation a eu plusieurs fois l'occasion de préciser le rapport entre faute pénale et faute intentionnelle en indiquant que la faute intentionnelle n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré condamné pénalement que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction (12). Cette solution, qui relativise la portée d'une condamnation pénale de l'assuré au regard de son droit à garantie, doit conduire les juges à la prudence lorsque l'assuré est simplement poursuivi pour des faits susceptibles d'entraîner sa condamnation pénale, comme en l'espèce. L'arrêt se présente donc comme un rappel à la rigueur dans la façon de caractériser la faute intentionnelle ou dolosive.
On peut ici comprendre la double référence faite dans l'arrêt à la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. Cependant, il ne faut certainement pas y voir la volonté d'adopter pour les deux types de fautes la même position sur le lien entretenu avec les qualifications pénales. Cela reste encore un point à préciser.
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Réf. : Cass. civ. 2, 22 octobre 2015, n° 14-24.103, F-P+B (N° Lexbase : A0173NUX)
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par Guillaume Royer, Maître de conférences à Sciences-Po Paris (Campus franco-allemand de Nancy), Avocat au barreau de Nancy
Le 26 Novembre 2015
C'est dans ce contexte que la société a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris qui, par décision du 1er mars 2013, a fixé à une certaine somme le montant total des honoraires et débours dus par la cliente. Par une ordonnance en date du 27 mai 2014, le premier président de la cour d'appel de Paris a fixé le montant des honoraires et débours dus à la somme totale de 3 400 000 euros HT, tout en constatant qu'elle avait effectué des règlements pour un total de 2 809 900 euros HT, de sorte qu'elle devrait régler, au surplus, la somme de 590 100 euros au cabinet d'avocats parisien. Il a notamment considéré qu'il convenait de prendre en compte les diligences ponctuelles effectuées par les confrères étrangers. La cliente a formé un pourvoi en cassation, pris d'un moyen unique composé de six branches. L'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris était essentiellement critiquée, sous divers angles, en ce qu'elle avait fixé le montant des honoraires du cabinet d'avocat parisien en prenant en considération les prestations effectuées par les confrères étrangers, sollicités exclusivement par le cabinet parisien. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que "les honoraires d'avocats étrangers, mandatés pour le compte de son client par un avocat français, constituent pour ce dernier des frais au sens de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, soumis à l'appréciation du juge de l'honoraire en l'absence de convention". Ainsi, la Cour de cassation considère que les honoraires de diligences, réalisées par un confrère étranger, sont susceptibles de constituer des frais engagés par le confrère français (I) soumis, en cela, au juge de l'honoraire qui pouvait les apprécier souverainement (II).
I - Intégration aux frais de l'avocat français
A défaut de convention d'honoraires, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, en sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi "Macron" (N° Lexbase : L4876KEC), prévoyait que "l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci". Or, dans l'attendu conclusif de son arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation indique, avec une véritable clarté, que "les honoraires d'avocats étrangers, mandatés pour le compte de son client par un avocat français, constituent pour ce dernier des frais au sens de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, soumis à l'appréciation du juge de l'honoraire en l'absence de convention". Ainsi, l'arrêt apporte une importante précision à la notion de "frais engagés" par l'avocat au regard de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971.
Il convient cependant de relever que la précision donnée par la Cour de cassation n'est guère surprenante. En pratique, il est extrêmement fréquent qu'un avocat appelle au concours d'un confrère dans le cadre d'un dossier. On songe évidemment au dominus litis qui sollicite un correspondant, postulant devant le tribunal de grande instance du litige. L'on songe également au confrère qui confie l'exécution de certaines diligences à un collaborateur du cabinet. A cet égard, la prise en compte des diligences d'autres avocats, au titre des "frais" de l'article 10 de la loi n° 71-1130 en date du 31 décembre 1971, a déjà été retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un passé récent. D'une part, un arrêt en date du 7 février 2013 a considéré que "les diligences accomplies par un collaborateur ou un juriste au sein d'un cabinet d'avocat constituaient des frais exposés par l'avocat dans l'exercice de son mandat de représentation et d'assistance et devaient être prises en compte dans la détermination de ses honoraires" (Cass. civ. 2, 7 février 2013, n° 11-26.718, F-P+B N° Lexbase : A6348I7A). D'autre part, et surtout, un arrêt en date du 28 juin 2007, avait déjà censuré une ordonnance rendue par le premier président de la cour d'appel de Paris, ayant fixé le montant des honoraires d'un avocat français qui avait sollicité le concours de correspondants étrangers, à défaut de convention, "sans analyser les factures d'honoraires présentées par les avocats étrangers" (Cass. civ. 2, 28 juin 2007, n° 05-19.057, F-D N° Lexbase : A9385DWI).
Toutefois, la Cour de cassation prend soin d'encadrer assez strictement l'intégration des prestations de l'avocat étranger dans la catégorie des "frais exposés" de l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971. En effet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation prend soin de préciser que les avocats étrangers doivent nécessairement être "mandatés pour le compte de son client par un avocat français" et de vérifier ensuite qu'il s'évinçait des constatations souveraines du premier président de la cour d'appel de Paris que la société "[n'a] été en relation contractuelle qu'avec la société X et Y, avocat inscrit au barreau de Paris". Ce n'est qu'à cette condition que l'honoraire de l'avocat étranger peut être intégré dans la catégorie des frais de l'article 10 de la loi en date du 31 décembre 1971. En revanche, si le confrère étranger n'avait pas été mandaté par le confrère français pour effectuer certaines diligences dans le dossier, ses honoraires n'auraient pu constituer des "frais", au sens de l'article 10 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971. Ils n'auraient pu alors être soumis au juge de l'honoraire français.
II - Soumission au juge de l'honoraire
En considérant que les honoraires de l'avocat étranger constituent des frais pour l'avocat français, la Cour de cassation les soumet au contentieux de l'honoraire prévu aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID). Restait donc ensuite au juge de l'honoraire d'évaluer les frais litigieux car, jusqu'à présent, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 prévoyait qu'en l'absence de convention ayant fixé à l'avance le montant des honoraires, et en cas de désaccord entre l'avocat et son client, il appartenait au Bâtonnier, puis en cas de recours au premier président d'arbitrer cet honoraire en se fondant "selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété de l'avocat et des diligences entreprises par celui-ci". Or, force est de constater qu'aucun critère supplémentaire n'est offert pour guider le juge de l'honoraire. Et la jurisprudence n'est pas davantage exigeante puisqu'il est acquis que le premier président de la cour d'appel fixe souverainement le montant de l'honoraire (parmi de nombreux arrêts, voir, Cass. civ. 2, 21 janvier 2010, n° 06-18.697, F-P+B N° Lexbase : A4577EQL). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation se montre d'ailleurs fort peu exigeante à cet égard. Pour approuver la décision du premier président de la cour d'appel de Paris, elle relève en l'espèce très brièvement qu'"il y avait lieu d'apprécier seulement la mission exécutée par celle-ci pour déterminer les honoraires qui lui revenaient en prenant en compte les interventions ponctuelles d'avocats étrangers auxquels elle avait recouru dont le coût devait être considéré comme des frais".
A l'avenir et avec l'entrée en vigueur de la loi "Macron", l'établissement de la convention d'honoraire entre l'avocat et son client devient obligatoire. Cette modification a pour objectif d'accroître la lisibilité et la transparence de l'honoraire de l'avocat. Désormais, l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 a été abrogé et n'a été maintenu que le premier alinéa, dont il s'évince désormais que "les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client". L'observateur attentif aura perçu que la catégorie des "frais exposés", utilement éclairé par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, a disparu de la nouvelle énumération légale et n'a donc pas survécu à la loi du 6 août 2015... Gageons que la loi "Macron" ne génère pas davantage de difficultés qu'elle ne prétend en résoudre...
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Réf. : T. confl., 16 novembre 2015, n° 4026 (N° Lexbase : A3288NX3)
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N0072BWL
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Le 26 Novembre 2015
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Réf. : Décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015, fixant la liste des secteurs mentionnés à l'article L. 441-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L3238KQY)
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N0050BWR
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Le 26 Novembre 2015
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Réf. : Cass. civ. 3, 19 novembre 2015, 2 arrêts, n° 14-17.784 (N° Lexbase : A5469NXT) et n° 13-19.999 (N° Lexbase : A5411NXP), FS-P+B
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Le 27 Novembre 2015
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Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 21 octobre 2015, n° 391375, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0766NUW)
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par Hocine Zeghbib, Maître de conférences, Université Paul Valéry - Montpellier III, codirecteur scientifique de l'Encyclopédie "Droit des étrangers"
Le 26 Novembre 2015
I - Un droit reconnu à l'ensemble des demandeurs d'asile
Le Règlement "Dublin II'' se substituant de fait à la Convention signée à Dublin le 15 juin 1990 (3), a pour objet de fixer les critères de détermination de l'Etat compétent pour traiter une demande d'asile d'un ressortissant d'un Etat tiers. Ce Règlement instaure toute une série de mécanismes destinés, notamment, à organiser l'éloignement, vers l'Etat responsable, d'un demandeur d'asile. Tant la procédure de demande d'asile que la procédure de transfert sont corrélées à l'obligation d'information du demandeur. Aussi, le Règlement "Dublin II" contient-il quelques dispositions précises relatives à telle obligation. Tout d'abord, l'article 3-4 impose une obligation générale d'information puisqu'il dispose que "le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il l'a comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets" ; ensuite, l'article 19-1 dispose que "lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge d'un demandeur, l'Etat membre dans lequel la demande d'asile a été introduite notifie au demandeur la décision de ne pas examiner la demande, ainsi que l'obligation de le transférer vers l'Etat membre responsable" ; enfin, les articles 19-2 et 20-1-e imposent la motivation aussi bien de la décision de prise que de reprise en charge ainsi que la délivrance d'une information sur les délais et modalités de transfert vers l'Etat responsable. Cette obligation est de nouveau réaffirmée et précisée par le Règlement "Dublin III" dont l'article 4 porte l'intitulé évocateur "droit à l'information". D'autre part, ce droit à l'information est également garanti et précisé par la Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (N° Lexbase : L9263IXD), dite Directive "procédures", dont l'article 12 s'intitule "garanties accordées aux demandeurs". Ces deux derniers textes ne sont pas encore entièrement traduits dans la législation nationale. Le premier l'a cependant été dans la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, relative à la réforme du droit d'asile (N° Lexbase : L9673KCA), entrée en application le 1er novembre courant et doit encore l'être dans la prochaine loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration adoptée en première lecture au Sénat le 14 octobre 2015. Le second texte nécessite quant à lui des mesures de transposition à venir. En revanche, "Dublin II" se trouve déjà traduit dans les articles L. 531-1 (N° Lexbase : L7216IQC) et L. 531-2 (N° Lexbase : L6643KDE) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont servi de base légale au règlement de nombreux contentieux venus préciser la portée du droit à l'information.
Si le principe du droit à l'information du citoyen dans ses rapports avec l'administration a été introduit par le législateur dès 1978 (4), restait à le garantir en matière d'asile puis à préciser les formes de délivrance de l'information ainsi que le moment de sa délivrance. S'agissant de la forme, l'élaboration d'un guide s'est peu à peu imposée. Quant au moment, il aura fallu attendre un avis rendu seulement en 2013 par le Conseil d'Etat pour considérer qu'"eu égard à l'objet et au contenu de ce document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sa remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile [...]" (5). La question primordiale de la langue d'information n'a pas été rapidement résolue non plus et il aura fallu attendre 2009, lorsque la pression des textes européens devenait irrésistible, pour que le ministère en charge de "l'Immigration et de l'Asile" élabore un guide du demandeur d'asile, d'abord traduit en six, puis une vingtaine de langues (6). S'agissant de sa portée, le droit d'information avait été, dans une première phase, considéré par la Haute juridiction administrative, s'agissant des procédures relevant du Règlement "Dublin II", comme une garantie essentielle du droit d'asile (7). Dans une seconde phase, se prononçant sur un recours dirigé contre la décision implicite du Premier ministre refusant d'user de son pouvoir réglementaire pour prendre les dispositions nécessaires pour assurer une transposition complète des articles 10§1 et 14§2 de la Directive du 1er décembre 2005 (8), le Conseil d'Etat étendra ce droit à l'ensemble des demandeurs d'asile (9) en l'imposant à tous les stades de la procédure englobant, par conséquent, les procédures en préfectures, OFPRA, CNDA et centres de rétention.
Le principe étant doublement acquis, il restait à en préciser le contenu et les modalités de mise en oeuvre. Le juge a ainsi été maintes fois appelé à se prononcer. Plusieurs situations ont donné lieu à l'intervention du juge comme par exemple pour déterminer les conséquences de la non-communication des informations relatives au lieu et à la date auxquels un demandeur "dubliné'' doit se présenter pour se rendre par ses moyens propres dans l'Etat membre responsable au titre du Règlement "Dublin II". Dans pareil cas, il a été jugé que ces éléments d'information constituent une garantie essentielle donnée au demandeur et que leur absence rendait la procédure de transfert illégale (10). Tout comme dans les deux arrêts précités de 2008 et 2010 consacrant judiciairement le droit d'information et en élargissant le champ d'application à tous les demandeurs d'asile, le Conseil d'Etat a jugé que l'absence d'information constituait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale du droit d'asile. Pour autant, toutes les conséquences du non-respect du droit d'information n'ont pu être envisagées que successivement et relativement tard. Trois avis rendus par le Conseil d'Etat ont ainsi tenté d'apporter des réponses sans toutefois y parvenir pleinement. Le premier avis rendu le 1er février 2013 (11) répond à la question de savoir si la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L2129KIP) relatives aux garanties accordées aux demandeurs d'asile pour l'instruction de leur demande constitue une violation des droits en cas de refus de séjour après décision négative de l'OFPRA et éventuellement après rejet du recours par la CNDA. Le Conseil est d'avis que "le défaut de remise de ce document [i.e. le guide] à ce stade est de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt et un jours à compter de la remise de l'autorisation provisoire de séjour, prévu par l'article R. 723-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L2128KIN) pour saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides [...]". Dans un second avis, rendu en mai de la même année (12), le Conseil d'Etat rappelle que "dans l'hypothèse où les services préfectoraux ont omis de remettre à l'intéressé, au stade de la demande d'admission au séjour, le document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du même code", le déclenchement du délai de vingt-et-un jours ne saurait se produire. Dans un troisième avis, rendu en décembre de la même année en section du contentieux cette fois (13), la Haute juridiction avait à se prononcer sur quatre questions dont deux sont essentielles pour notre propos et qu'il importe de reproduire in extenso pour une compréhension raisonnée du problème posé : 1°) "Eu égard au stade auquel intervient la décision sur la demande d'autorisation provisoire de séjour et à sa portée dans la procédure d'examen d'une demande d'asile par les autorités compétentes, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut-il être utilement invoqué à l'appui de la contestation du refus d'admission provisoire au séjour" ; 2°) "Dans l'affirmative, doit-on considérer que le demandeur d'asile a été privé d'une garantie entachant d'illégalité la décision de refus d'admission provisoire au séjour ou doit-il ressortir des pièces que ce vice a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision". Tenons-nous en au simple aspect du respect du droit d'information et laissons de côté l'aspect plus complexe des conséquences de la méconnaissance du droit d'information sur le refus de titre de séjour en début de procédure d'asile et sur l'obligation de quitter le territoire français consécutive au rejet de l'OFPRA. Dans sa réponse, le Conseil d'Etat rappelle en substance qu'il pèse sur le préfet une obligation de remettre au demandeur le "document d'information prévu à l'article R. 741-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile" et que cette remise "est constitutive d'une garantie" dont l'inobservation constitue une illégalité contrôlable par le juge de l'excès de pouvoir qui pourra également apprécier l'influence qu'a pu avoir le défaut d'information sur le sens de la décision contestée.
Le droit d'information, en tant que garantie attachée au droit fondamental d'asile, impose donc bien à l'autorité préfectorale une obligation de remise au demandeur d'asile d'un document d'information, traduit depuis 2009 sous forme de "guide" rédigé "dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il l'a comprend". A défaut, l'autorité préfectorale commet une irrégularité conduisant à l'annulation de sa décision. Pour autant, "l'affaire n'est pas dans le sac'' dans tous ses aspects, notamment au regard de l'information du demandeur "dubliné'' s'agissant de la prolongation du délai d'exécution de sa remise à l'Etat membre responsable. C'est cette incertitude que lève le Conseil d'Etat dans l'arrêt commenté.
II - Un droit soumis à des formalités allégées en matière de "transfert Dublin"
L'article 20 du Règlement "Dublin II", qui pose les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un Etat tiers, précise aussi les délais dans lesquels le transfert du demandeur vers cet Etat doit être effectué. Trois situations sont envisagées : un délai de six mois à compter de la date d'acceptation de la demande de reprise en charge ou de la décision sur le recours ou, s'il s'agit d'un recours suspensif, la révision ; un délai prolongé à douze mois s'il n'a pas pu être procédé au transfert du demandeur ou à l'examen de son dossier à raison de son emprisonnement ; un délai prolongé à dix-huit mois au plus si le demandeur prend la fuite. Le même article 20-1- e précise que "l'Etat membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert [...]". Jusque-là, rien qui soit particulièrement différent des développements précédents quant à l'affirmation de principe du droit d'information reconnu à tout demandeur d'asile. En revanche, sous l'angle de la procédure à suivre pour satisfaire au respect de ce droit, la question garde tout son intérêt : en cas de prolongation du délai de transfert, doit-on considérer que cela fait naître une nouvelle décision dont l'administration préfectorale doit informer le demandeur suivant les modalités de l'article 20-1-e ? C'est la question qu'était appelé à résoudre le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 21 rapporté.
Au demeurant, tout avait commencé par le placement en rétention pour cinq jours, comme l'autorise l'article L. 551-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L6644KDG), d'une ressortissante russe en vue de son transfert vers la Pologne. L'intéressée obtient d'abord gain de cause devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d'appel de Nancy (14) qui annulent la décision du préfet du Bas-Rhin. Successivement, les deux juridictions ont jugé que la prolongation du délai de transfert fait naître une nouvelle décision de remise aux autorités polonaises et que, s'agissant d'une nouvelle décision, il pesait sur le préfet une obligation de notification et que ce défaut de procédure justifie l'annulation de ladite nouvelle décision. L'affaire arrive devant le Conseil d'Etat sur pourvoi du ministre de l'Intérieur visant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy pour erreur de droit. La Haute juridiction juge que "la prolongation du délai de transfert a pour effet de maintenir en vigueur la décision de remise aux autorités de l'Etat responsable, [...] et non de faire naître une nouvelle décision de remise dont ce demandeur devrait être informé dans les formes prévues [...] pour la décision initiale".
Dans l'arrêt qu'elle rend sur cette affaire, la juridiction administrative suprême considère que lorsqu'une décision de remise a été prononcée mais qu'elle n'a pu être exécutée dans le délai normal de six mois, la décision portant prolongation de ce même délai ne s'analyse pas comme une nouvelle décision mais comme un simple complément nécessaire à l'exécution de la décision initiale. Pour cette raison, elle juge que en décidant que "la prolongation du délai faisait naître une nouvelle décision de remise [...]", la cour administrative d'appel de Nancy avait "commis une erreur de droit". En procédant de la sorte, le juge administratif se situe dans une logique de protection de l'action de l'administration appliquant, mutatis mutandis, le même raisonnement que celui qu'il avait tenu en matière de droit d'être entendu entre une décision de refus de titre de séjour et l'édiction d'une obligation à quitter le territoire jugeant que l'autorité administrative n'est pas tenue "de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour" (15). Raisonnement validé dans ce domaine par la CJUE (16) qui privilégie "l'effet utile" de la Directive "retour" de 2008 quant à l'éloignement vers un Etat tiers et juge, s'agissant de l'étranger frappé d'une obligation de quitter le territoire français consécutive au refus du titre de séjour, que "l'obligation de l'entendre spécifiquement au sujet de la décision de retour avant d'adopter ladite décision prolongerait la procédure administrative inutilement, sans accroître la protection juridique de l'intéressée". Le parallèle n'est pas dénué de sens : il s'agit d'éloigner, dans un cas, sous obligation de quitter le territoire français vers un Etat tiers et, dans l'autre, sous forme de remise à un Etat membre dans le cadre des mécanismes mis en place par le Règlement "Dublin II". Dans les deux cas, il s'agit d'éviter de démultiplier les procédures afin d'atteindre les objectifs fixés en matière de maîtrise de l'immigration irrégulière.
Quelles conclusions faut-il tirer du raisonnement suivi par le Conseil d'Etat ? Dans l'arrêt visé du 21 octobre dernier, en jugeant que la prolongation du délai de transfert sous régime "Dublin II" ne constitue pas une décision nouvelle de remise mais procède de la décision initiale, le Conseil d'Etat s'est placé dans la logique d'accompagnement de l'action de l'administration dans sa lutte contre l'immigration irrégulière. Ce qui ne manque pas de produire des conséquences directes sur le droit d'information du demandeur d'asile placé sous la procédure du Règlement "Dublin II". Le principe est qu'une décision de remise doit être notifiée à son destinataire et que, s'agissant de l'éventuelle prolongation du délai de transfert, le demandeur d'asile doit être informé dès cette notification des cas et des conditions de sa prolongation à un an ou à dix-huit mois. Par ailleurs, l'Etat vers lequel le transfert doit s'opérer doit être informé, avant l'écoulement du délai de six mois, que l'intéressé a pris la fuite (17) et que, par suite, le délai de transfert est prorogé de douze mois supplémentaires. En l'espèce, le juge a affaire au cas particulier du placement en rétention du demandeur "dubliné'' en vue de l'exécution du transfert après expiration du délai de six mois. Dans ce cas, l'autorité administrative est tenue d'informer l'intéressé qu'il fait l'objet d'une décision de prolongation, datée et motivée. Toute la question est de savoir sous quelle forme cette information doit être délivrée. Dans son arrêt du 21 octobre 2015, le Conseil d'Etat juge qu'"il appartient seulement aux autorités compétentes d'informer le demandeur, au moment de la notification de la décision de remise, des cas et conditions dans lesquels le délai de transfert peut être porté à douze ou dix-huit mois et, lorsque cette décision de remise sert de fondement, après prorogation, à une mesure de rétention, de l'existence, de la date et des motifs de la prorogation ; que ces informations peuvent, dans ce cas, figurer dans les motifs de la mesure de rétention".
Allègement donc des formalités d'information en cas de prolongation du délai de transfert et tentation encouragée par le juge de l'usage systématique par l'administration de la prolongation puisque, étant corrélée à la décision de remise, elle ne pourra pas faire l'objet d'un recours distinct au moment où elle est effectivement prononcée, alors même qu'il ne fait aucun doute qu'elle fait grief. Cette interprétation restrictive du droit d'information risque fort de rencontrer les dispositions organisant les modalités du contrôle juridictionnel prévues, en matière de recours contre les décisions de transfert, dans la loi du 29 juillet 2015 obérant, par suite, toute possibilité d'en contester la légalité devant le juge. Ce n'est pas ce que l'on fait de meilleur en matière de protection des droits et libertés fondamentaux.
(1) Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers (N° Lexbase : L9626A9E).
(2) Règlement (CE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (N° Lexbase : L3872IZG).
(3) Convention relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres des Communautés européennes (N° Lexbase : L3036KRU).
(4) Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (N° Lexbase : L6533AG3).
(5) CE, Sect., 30 décembre 2013, n° 367615, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9253KSI).
(6) Voir cette adresse.
(7) CE 2° et 7° s-s-r., 30 juillet 2008, n° 313767, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8629D9H) ; CE 4° et 5° s-s-r., 17 mars 2010, n° 332585, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8004ETM).
(8) Directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres (N° Lexbase : L9965HDG).
(9) CE 9° et 10° s-s-r., 10 décembre 2010, n° 326704, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7175GMP).
(10) CAA Nantes, 4ème ch., 2 octobre 2009, n° 08NT02355 (N° Lexbase : A5069EMP).
(11) CE 2° et 7° s-s-r., 1er février 2013, n° 363581, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6482I4T).
(12) CE 2° et 7° s-s-r., 29 mai 2013, n° 365666, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3748KEK).
(13) CE, avis, 30 décembre 2013, n° 367615, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9253KSI).
(14) CAA Nancy, 2ème ch., 31 mars 2015, n° 14NC01843 (N° Lexbase : A2984NRX).
(15) CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2015, n° 375373, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9903M9N).
(16) CJUE, 5 novembre 2014, aff. C-166/13 (N° Lexbase : A6445MZQ) ; CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-249/13 (N° Lexbase : A2151M7S).
(17) CE référé, 9 octobre 2013, n° 372627, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1119KNR) : la fuite est constituée par le refus intentionnel et systématique de se soumettre à la mesure de réadmission, par exemple dans le cas d'une personne qui ne se conforme pas au refus de séjour, ne conteste pas la demande de réadmission et dépose une demande de protection sous une fausse identité.
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Réf. : Cass. com., 20 octobre 2015, n° 14-19.598, FS-P+B (N° Lexbase : A0264NUC)
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par Frédéric Subra, Avocat associé au sein du cabinet Delsol Avocats
Le 26 Novembre 2015
On sait que les participations détenues par les contribuables dans les sociétés qu'ils dirigent peuvent, sous certaines conditions, être exonérées d'ISF en tant que biens professionnels. L'article 885 O ter du CGI (N° Lexbase : L8826HLH), qui est au coeur de l'arrêt commenté, pose toutefois un garde-fou : "seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considérée comme un bien professionnel".
S'agissant des titres de participation inscrits à l'actif du bilan de la société que le contribuable entend exonérer d'ISF, la doctrine administrative pose une présomption de biens professionnels.
Par titres de participation, il convient d'entendre les droits sociaux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une certaine influence dans la société émettrice.
La définition donne la réponse : la qualification de titres de participation induit en elle-même que de tels actifs sont à caractère professionnel.
Du reste, l'administration fiscale ne pose une réserve qu'à raison des droits présumés par le CGI constituer des titres de participation, à savoir les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange, ainsi que les titres susceptibles d'ouvrir droit au régime fiscal des sociétés mères. Dans cette hypothèse, le service conserve la possibilité de "remettre en cause cette qualification dans le cas où la société détentrice des titres n'exercerait pas, en fait, une certaine influence dans la société émettrice" (BOI-PAT-ISF-30-30-40-20, n° 60, 12 septembre 2012 N° Lexbase : X5198AL4).
Il est constant qu'au cas présent, l'administration fiscale ne critiquait pas la nature des titres de la société B inscrits à l'actif du bilan de la société A dont les titres étaient exonérés d'ISF par le couple de contribuables. L'enjeu portait sur le patrimoine immobilier détenu par des sous-filiales de la société B. Autrement dit, l'article 885 O ter du CGI conduit-il à considérer les actifs détenus par des sous-filiales de la société dont les titres sont directement détenus par le contribuable ?
Oui, soutenait le ministre ! Non répond (on ne peut plus clairement) la Cour de cassation : "l'article 885 O ter du CGI, qui limite la portée de l'exonération de taxation des biens professionnels, est d'interprétation stricte, en sorte que son champ d'application ne s'étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme société' qu'il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de biens professionnels par l'article 885 O bis du même code (N° Lexbase : L1126ITU), dans laquelle le contribuable détient des parts sociales".
Cette solution doit être saluée pour son orthodoxie juridique.
Au plan de l'herméneutique d'abord, la Cour de cassation souligne que toute exception à un principe posé par la loi (au cas présent, l'exonération d'ISF des biens professionnels) doit être interprétée strictement. L'administration fiscale, notamment dans le cadre de sa doctrine administrative, a fâcheusement tendance à l'oublier et à ajouter inconsidérément aux dispositions du CGI (1). Bienheureux les magistrats du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui la rappellent à la raison !
Au regard du droit fiscal ensuite, l'analyse de la Cour de cassation répond à la logique de l'ISF qui vise la capacité contributive du contribuable et donc la taxation des biens dont il a la disposition. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est sur ce point abondante (2). Il en résulte nécessairement que l'exonération d'une participation en tant que biens professionnels ne peut s'apprécier que par rapport aux actifs inscrits au bilan de la société directement détenue par le contribuable et il importe effectivement que ceux-là soient utiles à l'activité de celle-ci. En décider autrement reviendrait à permettre au contribuable de transférer des biens de son patrimoine personnel dans une société dont, en sa qualité de dirigeant, il a la maîtrise, et partant, à exonérer des biens non professionnels dont il conserve pourtant la disposition.
D'un point de vue strictement juridique, enfin, la Cour de cassation applique justement le principe de la personnalité morale des sociétés pour refuser une prétendue transparence des structures interposées qui permettrait d'aller rechercher les actifs sous-jacents. On sait que le CGI retient parfois une telle approche, que ce soit pour l'application des droits de mutation à titre gratuit sur les actifs immobiliers (CGI, art. 750 ter N° Lexbase : L9528IQX) ou l'application de la taxe de 3 % (CGI, art. 990 D N° Lexbase : L5483H9X). Mais en l'absence de disposition expresse en ce sens de l'article 885 O ter du CGI, le barrage de la personnalité morale s'impose et il n'y a pas place pour une quelconque autonomie du droit fiscal en la matière. La jurisprudence de la Cour de cassation est une constante sur ce point.
II - Quelle(s) riposte(s) possibles ?
La décision de la Cour de cassation rappelle à l'administration fiscale l'orthodoxie juridique et fiscale quant à l'application des dispositions de l'article 885 O ter du CGI.
Dans ces conditions, à quelles ripostes devons-nous nous attendre ?
L'administration pourrait (comme bien souvent) chercher l'appui du législateur pour introduire au sein de la de disposition incriminée ce que le juge lui a refusé. Cette solution heurterait toutefois frontalement la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7970IUQ), une réforme de l'article 885 O ter du CGI avait en effet déjà été proposée en ces termes : "les éléments du patrimoine social non nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société ne sont pas considérés comme des biens professionnels et doivent être compris, pour leur valeur au 1er janvier de l'année d'imposition, dans le patrimoine du ou des propriétaires des parts ou actions, à concurrence du pourcentage détenu dans cette société. Cette règle s'applique quel que soit le nombre de niveaux d'interposition entre la société et les biens non nécessaires à son activité".
La modification envisagée avait pour but de permettre à l'administration de taxer directement ("par transparence") la fraction du patrimoine social non nécessaire à l'activité professionnelle, alors que la rédaction actuelle n'a pour effet que de limiter la fraction exonérée des droits sociaux détenus par le contribuable au titre des biens professionnels.
Or, les sages de la rue Montpensier ont censuré cette disposition au motif que le législateur "ne pouvait asseoir l'impôt de solidarité sur la fortune sur ces éléments du patrimoine de la société à concurrence du pourcentage détenu dans cette dernière alors même qu'il n'est pas établi que ces biens sont, dans les faits, à la disposition de l'actionnaire ou de l'associé" (3).
Ce faisant, le Conseil constitutionnel montre la voie du contentieux qui pourrait être initié par les services fiscaux à l'avenir et la limite de la décision commentée ; s'il s'avérait que l'interposition de structures est empreint de fictivité et que le contribuable a, dans les faits, la disposition de biens à caractère non professionnel inscrits à l'actif du bilan de sous-filiales, l'administration serait alors bien fondée à réintégrer ces derniers au patrimoine imposable du contribuable. On retrouve là le spectre de l'abus de droit pris en ses deux branches : la fictivité juridique et la fictivité économique. On sait, en effet, que l'abus de droit vise à sanctionner la création d'une situation juridique purement artificielle, qui camoufle une situation au titre de laquelle des impositions sont légalement dues et qui continue d'exister derrière les apparences juridiquement créées. Autrement dit, il n'est pas possible de suivre les conséquences d'un montage purement artificiel, sans substance juridique ou économique.
On veillera donc à ne pas créer d'interpositions qui n'en auraient que le nom, la cascade de sociétés ayant pour seule cohérence la volonté de bénéficier de la lettre du texte de l'article 885 O ter du CGI. En fiscalité, comme dans la vie, il faut se garder des artifices !
(1) Le tout récent arrêt du Conseil d'Etat du 12 novembre 2015 qui sanctionne l'illégalité de la doctrine administrative relative à l'application des abattements sur les moins-values de valeurs mobilières en est un bel exemple (CE 3° et 8° s-s-r., 12 novembre 2015, n° 390265, mentionné au tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5889NWZ).
(2) Cons. const., 30 décembre 1981, n° 81-133 DC (N° Lexbase : A8033ACI) ; Cons. const., 29 décembre 1998, n° 98-405 DC (N° Lexbase : A8751AC4) ; Cons. const., 29 septembre 2010, n° 2010-44 QPC (N° Lexbase : A4886GA9) ; Cons. const., 28 juillet 2011, n° 2011-638 DC (N° Lexbase : A5590HWX) ; Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-661 DC (N° Lexbase : A6287IZU).
(3) Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-661 DC, cons. 96, préc..
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 18 novembre 2015, n° 372111, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5616NXB)
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Le 02 Décembre 2015
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Réf. : Cass. soc., 12 novembre 2015, n° 14-15.430, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7467NWH)
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 26 Novembre 2015
Résumé
Si l'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique. |
Commentaire
I - Le contrôle de la cause économique de la rupture amiable résultant d'un congé de mobilité
Le congé de mobilité. Créé par la loi du 30 décembre 2006 relative au développement de la participation et de l'actionnariat salarié (N° Lexbase : L9268HTG), le congé de mobilité constitue l'une des modalités d'accompagnement d'un licenciement pour motif économique. Ayant pour objet "de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail", ce congé très particulier peut être proposé au salarié d'une entreprise d'au moins mille salariés dont il est envisagé le licenciement pour motif économique (1), en lieu et place du congé de reclassement (2). Pour qu'un employeur puisse proposer au salarié un congé de mobilité, il est toutefois nécessaire qu'ait été conclu dans l'entreprise un accord de GPEC encadrant ledit congé (3).
L'article L. 2242-15, 1°, du Code du travail (N° Lexbase : L6409IZE) (4) dispose, en outre, que la négociation triennale obligatoire en matière de GPEC peut porter sur un dispositif "d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés". Il semblait donc possible qu'un accord de GPEC permette à l'employeur de proposer au salarié un congé de mobilité en dehors de tout projet de licenciement, dans le cadre de la gestion à moyen ou long terme des emplois et des compétences dans l'entreprise.
Le particularisme du congé de mobilité sans licenciement pour motif économique. Envisagé de la sorte, par l'effet d'un accord de GPEC sans projet de licenciement, le congé de mobilité demeurait, toutefois, l'un des seuls outils de GPEC permettant la rupture du contrat de travail.
Le Code du travail prévoit, certes toujours, que des départs volontaires de salariés puissent résulter d'un accord de GPEC sur le fondement de l'article L. 2242-16, 2°, du Code du travail (N° Lexbase : L0687IXQ), lequel dispose que la négociation de GPEC porte "sur la qualification des catégories d'emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques". Cependant, ce mode de rupture du contrat de travail a fortement perdu de son intérêt depuis que l'ancien article L. 2242-17 (N° Lexbase : L2397H9N), qui exonérait les indemnités de départ de charges fiscales et sociales, a été abrogé par la loi de finances pour l'année 2011 (5) alors que, dans le même temps, les contraintes imposées aux plans de départs volontaires dans le cadre d'un licenciement pour motif économique ont été sensiblement allégées (6).
La rupture du contrat de travail consécutive à un congé de mobilité. Que le congé de mobilité accompagne un licenciement pour motif économique ou qu'il soit proposé de manière "autonome", sans projet de licenciement, ses modalités ne sont décrites par le Code du travail que dans le chapitre consacré aux licenciements pour motif économique. L'article L. 1233-80 du Code du travail prévoit, en particulier, que "l'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties à l'issue du congé".
Comme cela a été justement montré (7), il s'agit là d'une des dernières hypothèses de rupture amiable du contrat de travail qui ne soit pas soumise au régime particulier de la rupture conventionnelle après les décisions affirmant l'autonomie de ce mode de rupture (8).
D'une manière générale, lorsque la rupture amiable du contrat de travail survient dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que l'employeur n'est pas dispensé de l'obligation de justifier de l'existence d'une cause économique de licenciement (9). La question ne lui avait toutefois pas encore été posée s'agissant de la rupture amiable résultant du terme d'un congé de mobilité, que cette mesure accompagne un licenciement pour motif économique ou qu'elle résulte simplement d'un accord de GPEC sans projet de licenciement.
L'affaire. Après avoir introduit une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, une salariée avait accepté une proposition de congé de mobilité dans le cadre d'un dispositif prévu par un accord de GPEC. Au terme du congé, son contrat de travail était rompu d'un commun accord. Déboutée de sa demande de résiliation judiciaire, la salariée contestait, de manière subsidiaire, l'existence d'un motif économique justifiant la rupture de son contrat de travail à l'issue du congé de mobilité et demandait que la rupture soit requalifiée en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour refouler la demande subsidiaire de la salariée, la cour d'appel de Versailles rappelait qu'un contrat de travail peut prendre fin par un licenciement, par une démission ou par accord commun des parties et que le départ volontaire d'un salarié dans le cadre d'un accord collectif constitue une résiliation amiable du contrat de travail. La faculté d'accepter un congé de mobilité avait été prévue par un accord de GPEC régulièrement conclu si bien que la rupture amiable en résultant n'était pas susceptible d'être contestée.
Par un arrêt rendu le 12 novembre 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7), L. 1233-77 (N° Lexbase : L1270H9W) et L. 1233-80 (N° Lexbase : L1276H97) du Code du travail. Un chapeau de tête détaille le raisonnement adopté par les juges du Quai de l'Horloge. La Cour constate que l'article L. 1233-77 du Code du travail, qui permet à l'employeur de proposer au salarié un congé de mobilité, est "inséré à l'intérieur d'un chapitre sur le licenciement pour motif économique dans une section intitulée Accompagnement social et territorial des procédures de licenciement'" et a pour objet "de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail". Combiné aux autres textes visés, l'article L. 1233-77 permet à la Chambre sociale de conclure que "si l'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d'en contester le motif économique".
Le congé de mobilité, mesure d'accompagnement du licenciement pour motif économique. Cette solution, très importante, comporte deux apports majeurs.
D'abord, la Chambre sociale classe sans aucune ambiguïté le congé de mobilité et la rupture du contrat de travail qui en résulte parmi les mesures d'accompagnement du licenciement pour motif économique. En creux, le congé de mobilité "autonome" proposé dans le cadre d'un plan de GPEC sans qu'aucun licenciement pour motif économique ne soit envisagé paraît désormais proscrit ou, à tout le moins, devra être justifié par l'existence d'un motif économique de licenciement.
Ensuite, dans la logique de sa jurisprudence antérieure, la Chambre sociale applique à la rupture d'un commun accord résultant d'un congé de mobilité les règles établies pour les autres résiliations amiables pour motif économique : l'accord des parties, présumé par la loi, ne prive pas le salarié du droit de contester l'existence d'un motif économique de licenciement.
II - La distinction plus nette entre outils de GPEC et mesures d'accompagnement des licenciements pour motif économique
Une interprétation textuelle convaincante. Il est particulièrement rare que la Cour de cassation détaille avec autant de précision le raisonnement ayant permis aux magistrats d'aboutir à la solution rendue.
La Chambre sociale use ici d'un argument dit a rubrica, c'est-à-dire qu'elle interprète les dispositions législatives relatives au congé de mobilité au regard de leur positionnement dans le plan du Code du travail. Les règles encadrant le congé de mobilité sont déterminées par les articles L. 1233-77 à L. 1233-83 du Code du travail, placés dans une partie du Code consacrée aux mesures d'accompagnement du licenciement pour motif économique. Si la démarche est surprenante sur la forme, elle l'est bien moins sur le fond.
Cette interprétation est, en effet, conforme à celle suggérée par le Conseil constitutionnel dans sa décision préalable à la promulgation de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (N° Lexbase : L9268HTG) ayant créé le congé de mobilité, et par laquelle il jugeait que les dispositions contrôlées "n'instituent pas une nouvelle forme de rupture du contrat de travail, mais une rupture pour motif économique qui intervient d'un commun accord" (10). Dans le même sens, une circulaire de la DGEFP du 7 mai 2007 explique que "les mobilités s'inscrivant dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle prennent la forme d'une rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique au sens du deuxième alinéa de l'[ancien] article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K)" (11). Les commentateurs de la loi de 2006 ne semblaient d'ailleurs pas envisager que le congé de mobilité puisse être employé en dehors du cadre d'un licenciement pour motif économique (12).
Il est vrai que l'article L. 1233-77 exige, parmi les conditions qui doivent être remplies pour qu'un congé de mobilité puisse être proposé, qu'un accord de GPEC ait été préalablement conclu et qu'il fixe, par application de l'article L. 1233-82 du Code du travail (N° Lexbase : L1279H9A), diverses modalités de ce congé. A aucun moment, toutefois, les dispositions relatives aux accords de GPEC ou celles relatives au congé de mobilité n'autorisent expressément la proposition d'un congé de mobilité hors du cas où l'employeur "envisage de prononcer le licenciement pour motif économique" (13).
La clarification progressive des distinctions entre GPEC et licenciement pour motif économique. Dans une approche plus globale, la solution commentée confirme une tendance à distinguer aussi clairement que possible les outils de GPEC, d'une part, et les procédures de licenciement pour motif économique, d'autre part. La GPEC semble devoir rester, dans l'esprit des magistrats de la Chambre sociale, un procédé de gestion de moyen et long terme exclusif de toute rupture du contrat de travail. Elle ne saurait être rattachée à une pratique de gestion de crise, rôle joué par les procédures de licenciements pour motif économique (14).
Le contrôle du motif économique de la rupture amiable résultant d'un congé de mobilité prévu par accord de GPEC exclut, de fait, les congés de mobilité "autonomes", et réserve ainsi cette technique aux cas où un licenciement est envisagé. Il s'agit là d'une troisième étape après la disparition des départs volontaires dans le cadre d'une GPEC (15) et le refus de conditionner la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi à l'existence ou au contenu suffisant d'un accord de GPEC antérieur (16). Le risque de brouillage des frontières, souvent discuté (17), et la crainte exprimée d'un relâchement du contrôle juridique sur les licenciements pour motif économique (18), sont donc refoulés.
Un dernier objet aurait pu soulever des difficultés. En effet, depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU), l'article L. 2242-15 du Code du travail (N° Lexbase : L6409IZE) permet d'associer à un accord de GPEC un accord de mobilité interne à l'entreprise. Le salarié qui refuse une mobilité prévue par ce type d'accord peut être licencié, comme le prévoit l'article L. 2242-23 du Code du travail (N° Lexbase : L0637IXU). Une mesure de gestion courante des mobilités internes dans l'entreprise peut donc aboutir à la rupture du contrat de travail et donner le sentiment que la frontière n'est pas encore parfaitement étanche. L'argument a rubrica n'aurait d'ailleurs pas permis le contrôle de la cause économique de ce licenciement, faute que les dispositions relatives aux accords de mobilité ne soient envisagées par le chapitre du Code relatif à l'accompagnement des licenciements pour motif économique.
Ce sentiment s'évanouit toutefois assez rapidement, puisque le législateur a expressément qualifié ce licenciement de "licenciement individuel pour motif économique". Il s'agit, certes, d'un licenciement au régime amaigri puisque les règles applicables aux licenciements collectifs sont exclues (19). Toutefois, le contrôle de la cause économique de licenciement devrait pouvoir être opéré puisque, contrairement aux nouvelles règles applicables dans le cadre d'un accord de maintien de l'emploi, le législateur ne présume pas que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse (20).
(1) C. trav., art. L. 1233-77 (N° Lexbase : L1270H9W), par renvoi au premier alinéa de l'article L. 1233-71 (N° Lexbase : L0731IXD).
(2) C. trav., art. L. 1233-81 (N° Lexbase : L1277H98).
(3) C. trav., art. L. 1233-82 (N° Lexbase : L1279H9A).
(4) Qui deviendra l'article L. 2242-13 du Code du travail (N° Lexbase : L2390H9E) par l'effet de l'article 19, IV de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi (N° Lexbase : L2618KG3).
(5) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, art. 199 V (N° Lexbase : L9901INZ).
(6) Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 09-15.187, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6142GCH) et les obs. de Ch. Willmann, Les départs volontaires ne déclenchent plus l'obligation de mise en place d'un PSE, Lexbase Hebdo n° 415 du 4 novembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N5575BQK). Sur ces questions, v. également A. Fabre, Coup de froid sur la GPEC : quand anticipation ne rime plus avec exonération !, SSL, 2011, n° 1483, p. 7.
(7) G. Couturier, Il n'est de résiliation d'un commun accord que la rupture conventionnelle, Dr. soc., 2015, p. 32.
(8) En dernier lieu, v. Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6594MYU) et nos obs., La (quasi) disparition de la rupture amiable du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 589 du 6 novembre 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N4455BUK).
(9) La convention de reclassement personnalisé ne privait pas le salarié ni de la possibilité de contester le motif économique de la rupture, ni du droit de contester l'ordre des licenciements. Cass. soc. 5 mars 2008, n° 07-41.964, FS-P+B+R (N° Lexbase : A3379D7B). Même solution pour le contrat de transition professionnelle, Cass. soc., 12 mars 2014, n° 12-22.901, FS-P+B (N° Lexbase : A9311MGX).
(10) Cons. const., décision n° 2006-545 DC, du 28 décembre 2006 (N° Lexbase : A1487DTA).
(11) Circ. DGEFP, n° 2007/15, du 7 mai 2007, relative à l'anticipation des mutations économiques et au développement de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (N° Lexbase : L8223HXT).
(12) R. Vatinet, Nouveaux cadres juridiques pour des parcours professionnels diversifiés, JCP éd. S, 2007, 1131 ; E. Durlach, Le congé de mobilité : entre enrichissement et éviction du droit du licenciement économique, RDT, 2007, p. 440.
(13) Pour reprendre les termes du premier alinéa de l'article L. 1233-71 (N° Lexbase : L0731IXD), auquel renvoie l'article L. 1233-77.
(14) T. Sachs, Variations autour de la gestion prévisionnelle des emplois, RDT, 2007, p. 513.
(15) Cf. supra.
(16) Cass. soc., 30 septembre 2009, n° 07-20.525, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5779ELM) et les obs. de G. Auzero, La régularité de la consultation du comité d'entreprise sur un projet de licenciement économique n'est pas subordonnée au respect préalable de l'employeur de ses obligations en matière de GPEC, Lexbase Hebdo n° 367 du 15 octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N0835BMU).
(17) Parmi une littérature abondante, v. P.-H. Antonmattei, GPEC et licenciement pour motif économique : le temps des confusions judiciaires, Dr. soc., 2007, p. 289 ; C. Neau-Leduc, Les sanctions de la GPEC, Dr. soc., 2007, p. 1081 ; P. Lokiec, Départs volontaires, GPEC et licenciement pour motif économique, Dr. soc., 2008, p. 1238 ; G. Bélier, Obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et licenciement pour motif économique, RDT, 2007, p. 284.
(18) H.-J. Legrand, Sur un nouvel objet juridique non identifié : la GPEC, Dr. soc., 2006, p. 330.
(19) Sur cette tendance à la mise en place de régimes de licenciements pour motif économique allégés, v. F. Géa, Le droit du licenciement économique à l'épreuve de la sécurisation de l'emploi, Dr. soc., 2013, p. 210.
(20) C. trav., art. L. 5125-2 (N° Lexbase : L2144KGI), dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC). Sur les difficultés suscitées par cette question, lire M. Gadrat, Loi "Macron" : dispositions relatives au licenciement pour motif économique et à la sécurisation de l'emploi (art. 287 et s.), Lexbase Hebdo n° 623 du 3 septembre 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N8682BU4).
Décision
Cass. soc., 12 novembre 2015, n° 14-15.430, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7467NWH). Cassation partielle (CA Versailles, 12 février 2014, n° 12/00586 N° Lexbase : A0899MEZ). Textes visés : C. trav., art. L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7), L. 1233-77 (N° Lexbase : L1270H9W) et L. 1233-80 (N° Lexbase : L1276H97). Mots-clés : GPEC ; congé de mobilité ; rupture d'un commun accord ; cause économique de licenciement. Lien base : (N° Lexbase : E9479ESU). |
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 18 novembre 2015, n° 373568, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5621NXH)
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Le 03 Décembre 2015
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Réf. : Cons. const., 20 novembre 2015, décision n° 2015-499 QPC (N° Lexbase : A3250NXN)
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Le 26 Novembre 2015
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Réf. : T. confl., 16 novembre 2015, n° 4028 (N° Lexbase : A3289NX4)
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Le 27 Novembre 2015
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Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 18 novembre 2015, n° 382376, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5628NXQ)
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Le 03 Décembre 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-498 QPC, du 20-11-2015, Société SIACI Saint-Honoré SAS et autres (N° Lexbase : A3249NXM)
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Le 26 Novembre 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-497 QPC du 20 novembre 2015 (N° Lexbase : A3248NXL)
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Le 28 Novembre 2015
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Réf. : Cass. com., 6 octobre 2015, n° 14-11.680, FS-P+B (N° Lexbase : A0545NTD)
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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université de Bordeaux, Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine - IRDAP
Le 26 Novembre 2015
Loin de ne régler que des questions de droit spécial des sociétés, l'arrêt est intéressant car, pour fonder le rejet du pourvoi, il s'appuie sur des positions de principe qui relèvent du droit commun des sociétés et soulèvent des interrogations tant au regard de leur soubassement théorique que de leur conséquences pratiques.
L'arrêt analysé permet, en effet, de confronter les règles restreignant le transfert d'actif d'une société à une autre avec le régime de la fusion-absorption (I) et de s'interroger sur la possibilité pour l'assemblée générale de modifier le contenu du projet de fusion soumis à son approbation (II).
I - Restriction au transfert d'actif d'une société et fusion-absorption
Le régime spécial des sociétés anonymes d'HLM comporte une règle restreignant les possibilités de transfert d'actifs sociaux, faisant application d'un principe rencontré pour d'autres formes de groupements (coopératives, associations, notamment). L'article L. 422-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9166IZI), dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose qu'à la dissolution d'une société d'HLM, l'assemblée appelée à statuer sur la liquidation ne peut, après paiement du passif et remboursement du capital social, attribuer la portion d'actif qui excèderait la moitié du capital social qu'à un ou plusieurs organismes d'HLM ou à l'une des fédérations d'organismes d'HLM, sous réserve d'une approbation administrative donnée dans des conditions fixées par décret. La modification apportée à ce texte par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 (N° Lexbase : L8342IZY) a consisté à étendre le périmètre des entités susceptibles de recueillir l'excédent d'actif aux sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux. Si la restriction est classique, c'est son champ d'application en considération des opérations en cause qui était en discussion.
Les auteurs du pourvoi estimaient que cette restriction légale s'appliquait à l'hypothèse d'un transfert d'actif réalisé dans le cadre d'une fusion-absorption. C'est en se fondant sur l'effet de transmission universelle de patrimoine, qui est attachée à la fusion, que la Cour de cassation justifie le rejet de la position défendue.
Même si l'on ne cherchera pas à nier la singularité du transfert universel de patrimoine, on ne peut passer sous silence que la position adoptée par la Haute juridiction peut conduire, en pratique, à un contournement de la restriction légale au transfert d'actif. Si l'on imagine une situation comptable de la société absorbée qui soit exempte de dette ou, plus probablement, dont le montant du passif est faible et qu'un actif très important sera, en réalité, recueilli par la société absorbante, le résultat sera bien sûr, financièrement, équivalent à celui qui résulterait d'un boni de liquidation transféré à la suite d'une liquidation faisant suite à une dissolution. Ce qui est prohibé dans cette hypothèse pourrait bien avoir lieu dans l'autre. En jugeant que, par principe, la restriction au transfert de l'excédent d'actif, visé par l'article L. 422-11 du Code de la construction et de l'habitation, ne peut s'appliquer à l'opération de fusion-absorption parce que, dans ce dernier cas, la transmission universelle du patrimoine fait que ce sont à la fois des dettes et des créances qui sont transférés, alors que dans le transfert du boni de liquidation, ce ne sont que des éléments d'actifs qui sont transférés, la Haute juridiction est bien sûr dans le vrai. Pour autant, on ne peut nier, qu'en pratique, les situations ne sont pas aussi tranchées et qu'en s'appuyant sur la technique de la fusion-absorption, le résultat que le texte prohibitif voudrait éviter est tout de même atteint. L'arrêt commenté pourra donc être retenu autant pour le principe, sans doute d'évidence, qu'il consacre que pour l'ouverture vers un contournement de la règle qu'il suscite.
II - Adoption par l'assemblée générale d'un projet de fusion et droit de modification
La chronologie d'une opération de fusion doit être prise en compte pour mesurer l'impact de la position de la Cour de cassation et, le cas échéant, pour justifier quelques réserves quant à son opportunité.
Il appartient au conseil d'administration (ou au directoire, ou au président, gérant..., selon la forme de société concernée) d'arrêter le projet de fusion et ce projet est signé par le représentant légal de chacune des sociétés concernées (C. com., art. R. 236-1 N° Lexbase : L2355IRN). Il s'agit donc bien, pour l'organe concerné, d'une compétence exclusive et les statuts ne pourraient pas en décider autrement. Le contenu du projet doit être établi en considération des mentions obligatoires qu'impose le Code de commerce (C. com., art. R. 236-1) et, notamment, doit indiquer l'évaluation de l'actif et du passif dont la transmission à la société absorbante est prévue et le rapport d'échange des droits sociaux, avec, le cas échéant, le montant de la soulte. Une publicité de ce projet est effectuée par dépôt au greffe du tribunal de commerce et par l'insertion d'un avis au BODACC, reprenant, pour l'essentiel, le contenu du projet. C'est à compter de la dernière en date des publicités prévues que s'ouvre un délai de trente jours au cours duquel les créanciers des sociétés concernées peuvent former opposition à l'opération envisagée (C. com., art. L. 236-14 N° Lexbase : L6364AIK). Le choix pour les créanciers de former ou non opposition s'effectue donc en contemplation des mentions contenues dans le projet de fusion. Il peut donc apparaître peu opportun que l'assemblée des actionnaires puisse procéder à une modification des éléments ayant donné lieu à publicité et sur la base desquels les créanciers peuvent estimer judicieux de former opposition. En décidant que les associés peuvent modifier le contenu du projet de fusion, la Cour de cassation vient valider, pour la première fois à notre connaissance, la présentation qui est ainsi donnée dans la littérature juridique (voir not., Mémento pratique Sociétés commerciales, éd. Francis Lefebvre, 2016, n° 83264).
A notre avis, une telle position ne nous paraît tenable que si, après la décision collective adoptant le contenu du projet de fusion après l'avoir modifié, un nouveau délai était ouvert aux créanciers pour former opposition, à la suite de la publicité dont doit faire l'objet cette décision. En l'état du droit, cette nouvelle faculté d'opposition n'est pas reconnue et c'est cet aspect qui nous paraît devoir susciter des réserves quant au soutien apporté par la Haute juridiction à une position qui néglige les droits des créanciers des sociétés concernées.
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