La lettre juridique n°617 du 18 juin 2015

La lettre juridique - Édition n°617

Éditorial

La garde à vue et l'infraction pénale au théâtre classique

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 18 Juin 2015


Inspecteur Gallien : "Dites-moi, Martinaud, franchement. Est-ce que vous savez pourquoi vous êtes là ?"

Maître Martinaud : [Il fait non de la tête]

Inspecteur Gallien : "C'est ça, oui. Eh bien vous êtes là parce que vous êtes soupçonné. Oui c'est comme ça : de témoin vous êtes devenu suspect. De fil en aiguille. Il y a eu quelque part comme un glissement, voyez-vous ? D'ailleurs je suis sûr que ça vous a pas échappé".

Maître Martinaud : "Pas vraiment. C'est la raison du glissement qui m'échappe".

Dans le film Garde à vue, écrit par Michel Audiard et sorti sur les écrans en 1981, Lino Ventura et Michel Serrault campent admirablement bien la scène, selon les canons même du théâtre classique.

Mais cette règle des trois unités, chère à Boileau ("Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli") s'applique-t-elle à l'infraction pénale elle-même ?

Le Code pénal définit chaque infraction et la sanction afférente. Cette définition permet la caractérisation de l'infraction, mais rares, voire inexistantes, sont celles dont l'un des éléments constitutifs dépend étroitement du lieu de sa commission. Tout au plus, faut-il s'extraire dudit code pour emprunter à celui de la route qui recense, lui, bien entendu, en grande majorité des "infractions localisées". L'exemple le plus courant, donnant lieu à contestation régulière d'ailleurs, est l'infraction d'excès de vitesse. En effet, le procès-verbal doit préciser le P.K (point kilométrique), le P.R (point routier), le positionnement d'un lampadaire du lieu exact de l'infraction. A défaut, le procès-verbal est nul, un doute subsistant sur la preuve de l'excès de vitesse.

Finalement, hors infraction routière, le lieu n'a d'incidence que sur l'application de la loi pénale dans l'espace. La loi française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République, qu'elles aient été consommées entièrement ou partiellement, d'ailleurs, sur le territoire national. Et, il existe là encore des exceptions, donnant compétence à la justice française même lorsque l'infraction est commise à l'étranger, selon la personnalité de l'auteur de l'infraction, de la victime, et encore des dérogations conventionnelles : l'universalité de l'infraction pénale française ne fait guère de doute, en fait ; encore fut-elle contrainte dans le temps, par la prescription, mais assez peu finalement par le lieu de sa consommation.

C'est pourquoi on ne s'étonnera guère de cette décision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendue le 27 mai 2015, aux termes de laquelle, si la personne gardée à vue est immédiatement informée, par un officier de police judiciaire, du lieu présumé de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre, l'omission de cette précision lors de la notification de la garde à vue ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée. L'affaire concernait le conducteur d'un véhicule automobile ayant refusé d'obtempérer à l'injonction de s'arrêter aux fins de contrôle, des agents des douanes, qui l'ont poursuivi pendant une quarantaine de kilomètres sans le perdre de vue et ont perçu qu'il jetait sur la chaussée deux sacs contenant la somme de 77 300 euros en petites coupures, sur lesquelles un chien spécialisé dans la détection de stupéfiants marquera l'arrêt. Interpellé, un officier de la police judiciaire lui a notifié son placement en garde à vue en ne mentionnant pas le lieu de commission du blanchiment reproché. Bien entendu, in fine le lieu de l'infraction fut déterminé, grâce au flair canin ; c'est seulement qu'au moment du placement en garde à vue, la localisation du blanchiment n'était pas possible. Mais, en l'absence d'atteinte aux intérêts du gardé à vue, par la suite, inculpé, il ne s'agit pas là d'une irrégularité entraînant la nullité de la procédure.

Peu de cas est donc fait du lieu de l'infraction : les acteurs, le temps, la caractérisation des éléments constitutifs de la drama sont, de loin, les trois unités les plus importantes de l'infraction pénale.

Souvent simple, l'infraction pénale est parfois complexe ou d'habitude, selon que la consommation suppose l'accomplissement de deux actes ou que l'exécution se déroule plusieurs fois dans le temps : c'est là encore une entorse à l'unité de temps qui permet de se rapprocher de celui de la représentation ou à l'unité d'action pour laquelle l'action principale doit être développée du début à la fin de la pièce, et les actions accessoires doivent contribuer à l'action principale et ne peuvent être supprimées sans lui faire perdre son sens. L'infraction pénale suppose des méandres labyrinthiques, parfois même un faisceau d'infractions secondaires, bref des intrigues dans l'intrigue.

La garde à vue, elle, ne dépassera pas, classiquement, les 24 heures, dans un décor unique, parfois même filmé donc théâtralisé, pour une même action dramatique, la découverte de la vérité : c'est à elle seule, désormais, que Boileau commande, à titre posthume, dans son Art Poétique, les facétieuses contraintes. Le sujet de la pièce, l'objet de la garde à vue en somme, lui, n'a point besoin d'être circonscrit : c'est là toute la liberté de l'auteur... de l'infraction.

newsid:447894

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Passerelle pour les collaborateurs d'avoués : la pratique professionnelle doit être de deux ans en exécution d'un emploi à temps complet

Réf. : Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-18.246, F-P+B (N° Lexbase : A2313NKU)

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N7863BUR

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Le 18 Juin 2015

Pour bénéficier de la dispense de formation et prétendre à l'inscription au tableau de l'Ordre, le collaborateur d'avoué doit justifier d'une pratique professionnelle d'une durée effective d'au moins deux années en exécution d'un emploi à temps complet. Tel est le rappel opéré par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 juin 2015 (Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-18.246, F-P+B N° Lexbase : A2313NKU). En l'espèce, le conseil de l'Ordre ayant rejeté la demande d'inscription au tableau de l'Ordre des avocats au barreau de Metz présentée par Mme L. sur le fondement de l'article 5 du décret n° 2011-451 du 22 avril 2011 (N° Lexbase : L0069IQM) pris pour l'application de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (N° Lexbase : L2387IP4), au motif que celle-ci ne justifiait pas d'une pratique professionnelle à temps complet pendant au moins deux années en qualité de collaboratrice d'avoué, cette dernière a formé un recours contre cette décision. La cour d'appel ayant statué sur ce recours et accueilli la demande d'inscription, l'Ordre a formé un pourvoi en cassation. Pour annuler l'arrêt des juges du fond, la Cour de cassation va, dans un premier temps, retenir qu'en statuant sur le recours sans que le Bâtonnier ait été invité à présenter ses observations, peu important que des conclusions aient été déposées au nom de l'Ordre, partie à l'instance, les juges du fond ont violé l'article 16, alinéa 4, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID). Dans un second temps la cassation s'opérera sur l'article 5 du décret n° 2011-451. En effet, pour accueillir la demande d'inscription de Mme L., après avoir constaté que celle-ci justifiait d'une expérience en qualité de collaboratrice d'avoué acquise au titre d'un emploi à temps partiel du 25 novembre 2009 au 30 juin 2010, puis à temps complet du 10 janvier 2011 au 5 juillet 2012, les juges énoncent que ce texte dérogatoire, destiné à favoriser la reconversion professionnelle des collaborateurs d'avoué, n'exige pas, à titre exceptionnel, une pratique professionnelle à temps plein et de manière continue, de sorte que Mme L. remplit la condition de durée requise. L'arrêt sera en conséquence censuré (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0313E7Q).

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Contestation de la tarification de la postulation : ni le Bâtonnier, ni le premier président ne sont compétents

Réf. : Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-20.239, F-P+B (N° Lexbase : A8881NK7)

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Le 18 Juin 2015

Si les honoraires de l'avocat sont fixés en accord avec le client, et que leur contestation relève de la compétence du Bâtonnier de l'Ordre des avocats, le recours contre la décision du Bâtonnier étant porté devant le premier président de la cour d'appel, la tarification de la postulation et des actes de procédure est régie, elle, par les dispositions du Code de procédure civile. Tel est le rappel opéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 11 juin 2015 (Cass. civ. 2, 11 juin 2015, n° 14-20.239, F-P+B N° Lexbase : A8881NK7 ; déjà en ce sens Cass. civ. 2, 28 juin 2007, n° 05-16.013, FS-P+B N° Lexbase : A9379DWB). Dans cette affaire, Me G., avocat, a été chargé par un confrère d'assurer la postulation dans l'intérêt de Mme X, dans une procédure devant un tribunal de grande instance. La cliente refusant de régler la somme qu'il réclamait, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre, qui a fixé les honoraires à une certaine somme. Confirmant la décision du Bâtonnier, le premier président a, par ordonnance du 26 novembre 2013 (CA Rennes, 26 novembre 2013, n° 12/03123 N° Lexbase : A1922KQA), énoncé que les frais et honoraires de l'avocat ne peuvent être fixés que par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par celle du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L6343AGZ) et que le Bâtonnier a pris en compte les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, les frais exposés par l'avocat, sa notoriété et ses diligences. L'ordonnance sera censurée par la Cour de cassation au visa des articles 10, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 695 (N° Lexbase : L9796IRA) à 721 du Code de procédure civile, 1er et suivants du décret n° 60-323 du 2 avril 1960 modifié (N° Lexbase : L2132G8H) : en statuant ainsi, alors que les dispositions du décret du 2 avril 1960 modifié et les règles de compétence, qui sont distinctes en matière de contestations d'honoraires d'avocat de celles applicables à la taxation des émoluments de l'avocat postulant, étant d'ordre public, le premier président a violé les textes susvisés .

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Barreau de Paris - Elections au Bâtonnat 2016 : rencontre avec Nathalie Attias et Nicolas Lerègle

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N7906BUD

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 18 Juin 2015

Les élections pour désigner le nouveau Bâtonnier du barreau de Paris se tiendront les 23 et 25 juin 2015. Initialement prévue pour la fin d'année 2014, puis pour la fin de l'année 2015, la date de ces élections a été finalement fixée au 23 et 25 juin 2015 en raison d'une modification du décret de 1991 ramenant à au moins 6 mois la durée du dauphinat (décret n° 2014-1632 du 26 décembre 2014 N° Lexbase : L1524I7L, modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID). A ce jour, les candidats à cette élection sont : Nathalie Attias et Nicolas Lerègle, Laurent Martinet et Marie-Alix Canu-Bernard, Benoît Chabert et Philip Cohen, David Gordon-Krief et Hubert de Flichy, Frédéric Sicard et Dominique Attias, Jean-Louis Bessis, Patrice Rembauville-Nicolle, Guy Fitoussi et Isabelle Dor. Lexbase Hebdo - édition professions vous propose, cette semaine, une rencontre avec le tandem Nathalie Attias et Nicolas Lerègle. Lexbase : Nathalie Attias, Nicolas Lerègle, quels sont vos parcours et comment en êtes-vous arrivés à vous présenter ensemble au Bâtonnat ?

Nathalie Attias : J'ai prêté serment en janvier 1989 et j'ai très rapidement exercé uniquement dans le droit du travail, en m'installant dès 1994.

Nicolas Lerègle : J'ai commencé comme directeur juridique, plutôt axé sur les opérations immobilières des entreprises, protection du patrimoine. Je suis devenu avocat il y a une douzaine d'années avec deux angles de pratique que sont l'immobilier et la sécurité économique. En particulier, tout ce qui concerne la protection des entreprises contre la concurrence déloyale, l'espionnage, etc..

Nathalie Attias : C'est un parcours intéressant car venant de l'entreprise, Nicolas a une approche très pragmatique des choses. Tout comme ma façon d'appréhender mon travail et les conseils que je donne aux entreprises. Il faut être pragmatique et savoir utiliser les règles.

Nicolas Lerègle : Sur le choix l'un de l'autre, d'abord nous voulions être les plus représentatifs du barreau de Paris. Nous souhaitions également en nous choisissant l'un l'autre, une unité générationnelle. Nous avons tous les deux 50 ans, ce qui correspond à peu près aujourd'hui à la dominante du barreau. Enfin, nous souhaitions que notre équipe mette en avant des pratiques différentes, des parcours différents pour pouvoir justement avoir sur la pratique de la profession, un regard plus original et concret que les candidats habituels. Enfin, nous sommes associés au sein du même cabinet. Ce n'est donc pas une entente d'opportunité. Nous nous entendons bien et savons déjà travailler ensemble.

La première grande idée que nous avons promue, notamment en réponse à la surprenante candidature du vice-Bâtonnier en exercice, consiste à inverser les rôles ordinaux au bout d'un an afin de maintenir un niveau de mobilisation optimal de l'équipe élue pendant les deux ans du Bâtonnat. Qu'il n'y ait pas un numéro 1 et un numéro 2 mais que ce soit bien un ticket égalitaire qui se présente.

Lexbase : Cette inversion des rôles en cours de mandat ne pose-t-elle pas un problème en l'état des textes actuels ?

Nicolas Lerègle : Bien sur que si. Nous aurons besoin pour cela de faire modifier le texte et de le proposer au CNB pour validation. Nous aurons un an pour cela et l'histoire récente de la suppression du Dauphinat comme la modification de la date des élections montre que c'est possible.. Notre proposition a de réels avantages comme celui de présenter de vraies équipes et d'éviter les querelles d'ego comme cela s'est vu sous le Bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl.

Nathalie Attias : Notre volonté est d'afficher la parité dans la campagne. La parité ne sert à rien si derrière il n'y a pas l'égalité. Il y a une vraie égalité entre nos deux candidatures ; c'est une équipe que nous proposons aux avocats parisiens. Après tout quel est l'intérêt d'avoir un Bâtonnier et un vice-Bâtonnier si ce n'est pas pour avoir une équipe qui est là pour servir ? Au Bâtonnier, le rôle de représenter la profession et au vice-Bâtonnier, la fonction de gérer l'Ordre et les affaires courantes de l'Ordre. Nous partons du principe que nous avons tous les deux les mêmes aptitudes.

Lexbase : Hormis cette inversion des fonctions, quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

Nathalie Attias : Le constat que nous faisons est que, systématiquement et ce depuis de nombreuses années, on ne propose aux avocats, dans le cadre des programmes des candidats au Bâtonnat, que des choses assez générales, des grands principes et toujours les mêmes : un Ordre fort et conquérant, faire des économies, réunir les avocats, etc.. Aujourd'hui les confrères ne se sentent ni représentés, ni soutenus dans le développement de leur cabinet, or c'est ce qui est la base d'un Ordre. Nous devons garantir à ces professionnels la défense de leur périmètre d'activité.

Il faut montrer aux confrères que l'Ordre connaît leur quotidien, connaît les enjeux, maîtrise les sujets. Tous les sujets et pas seulement ceux liés à la défense des libertés fondamentales.

C'est pour cela que nous proposons un programme concret. L'inversion des mandats en est un des exemples, qui ne touche pas à l'activité des confrères mais vise à leur garantir une bonne représentativité et non le couronnement d'un monarque, même éclairé.

Dans le même ordre d'idée, nous proposons que les présidents de commissions ouvertes qui font la doctrine de l'Ordre ne soient plus désignés par le Bâtonnier mais élus par les membres de la commission ouverte. Pourquoi ? Pour éviter tout favoritisme et procéder à une rupture avec le système de cooptation.

Nicolas Lerègle : L'idée est d'être très pratique. Ainsi, nous souhaitons créer l'équivalent d'une ANAAFA (Association Nationale d'Assistance Administrative et Fiscale des Avocats) qui serait dédiée aux clients des avocats et que nous leur adresserions pour la tenue de leur comptabilité. En échange de cet apport de chiffre d'affaires, cette structure s'engage à ne pas jamais faire de droit. Cette solution permet d'écarter tout risque de concurrence discrète ou cachée.

Dans le même ordre d'idée, nous proposons de labelliser les cabinets d'expertise-comptable qui s'engageront à ne pas faire de droit.

Lexbase : C'est une vision de l'interprofessionnalité en fait ?

Nicolas Lerègle : L'interprofessionnalité c'est lorsque deux personnes ont des spécialités qui leur permettent de faire ensemble et en complémentarité la même chose. Qu'un CPI (conseil en propriété intellectuelle) travaille dans un cabinet d'avocat, c'est de l'interprofessionnalité parce que le CPI en marques fait du conseil juridique, de la protection juridique des marques, de ses clients. Il ne peut pas plaider mais les avocats eux le peuvent : c'est alors une réelle interprofessionnalité. Mais lorsque un CPI brevet, qui est un scientifique technicien, travaille avec des avocats, ils sont dans deux métiers différents.

Un expert-comptable c'est la règle à calcul et l'avocat c'est le Code civil. Nous proposons donc la labellisation de cabinets d'expertise-comptable s'interdisant toutes prestations juridiques afin de sécuriser au mieux les entreprises.

Nous menons également une réflexion pour permettre aux avocats de prendre leur retraite sereinement, à l'instar des notaires -lorsqu'un notaire de 60-65 ans souhaite partir, la Chambre des notaires s'arrange pour que deux jeunes prennent sa suite-. Il y a aujourd'hui beaucoup d'avocats qui restent en activité car ils n'ont pas les moyens financiers de quitter leur cabinet ou que leur retraite est insuffisante ou qu'ils ne peuvent pas vendre leur cabinet, tout simplement parce qu'un cabinet d'avocat n'a pas de valeur.

Notre idée, inédite, est de mettre en place un système où, sur une période de un à cinq ans, aux frais de l'avocat qui s'en va, son cabinet accueillera deux jeunes. Ces jeunes pourront donc devenir collaborateurs puis développer à la fois leur clientèle, favoriser le développement de la clientèle déjà existante et bénéficier, au bout de la période définie, d'une option d'achat pour les motiver. Le seul point sur lequel nous serons vigilants sera de s'assurer que dans les deux, trois ou cinq ans, l'avocat qui devait partir parte réellement car il n'est pas question qu'il abuse de la situation si les jeunes avocats ont bien développé sa clientèle. Cela permettrait de réguler la profession et résoudrait tout un ensemble de problématiques, dont celle des collaborations et des difficultés d'installation.

Nous souhaitons également donner aux avocats honoraires un siège de statut d'observateur au conseil de l'Ordre, sans droit de vote. Et surtout si nous sommes dans une logique de tutorat, comme je viens de l'expliquer, cela peut les motiver à être honoraires tout en continuant à suivre un peu leur cabinet, à faire du coaching, à se rendre utile pour les jeunes.

Lexbase : Sur la formation des élèves avocats et sur l'accès à la profession, quelle est votre vision des choses ?

Nicolas Lerègle : La formation est nécessaire mais il ne sert à rien de former 1 500 ou 2 000 étudiants par an pour qu'au bout de trois ans on s'aperçoive qu'il y en a presque la moitié qui quittent la profession parce qu'ils n'ont pas trouvé de collaboration. C'est un gâchis à la fois humain et financier. Je ne suis pas favorable à un numerus clausus. Nous sommes une profession libérale, la liberté d'y entrer et d'en sortir doit être totale, sous réserve que les conditions d'accès sont remplies. Mais l'EFB doit se réformer, elle doit s'orienter vers une stricte application professionnelle, il faut favoriser les stages professionnels en entreprise et en cabinet d'avocats, les seuls qui permettent une réelle appréhension de notre profession, mais cela suppose que les confrères jouent vraiment le jeu en dispensant une réelle formation aux jeunes collaborateurs et en les encadrant dans une forme de tutorat. Il en va de l'intérêt de tous, confrères et collaborateurs. Ce n'est qu'à ce prix que nous éviterons le départ des jeunes désabusés par des expériences professionnelles décevantes qui ne leur ont rien appris.

Lexbase : Comment voyez-vous la gouvernance de la profession ?

Nicolas Lerègle : Au fond le problème aujourd'hui est qu'il y a une hypertrophie du barreau parisien par rapport au barreau national. Un barreau comme Paris représente 50 % des avocats français et cotise donc à hauteur de son poids au fonctionnement d'une institution qu'est le CNB, qui est supposé représenter tout le monde. En réalité, il y a trois gouvernants : le CNB, la Conférence des Bâtonniers et le barreau de Paris. Ainsi, si on explique au président du CNB qu'il est le représentant des avocats nationaux, il va se comporter comme tel ; si on dit au président de la Conférence des Bâtonniers qu'il est le représentant des Bâtonniers de France, qui sont eux mêmes des représentants de leur barreau, il va se présenter comme le chef ; et le Bâtonnier de Paris va dire que puisque c'est lui qui cotise et qui paie le plus, c'est son avis qui compte. Au final nous nous retrouvons avec une situation de gouvernance bloquée. Pour ne rien vous cacher, nous trouvions assez séduisante l'idée d'un Ordre national telle qu'elle était exprimée, avec forcément quelques améliorations, par Jean Castelain. A un moment, si un système ne fonctionne pas, soit on compte sur l'intelligence collective des trois têtes du système pour la faire évoluer, ce qui n'a pas été le cas, soit on se dit qu'il faut peut être essayer d'avoir une réflexion s'inspirant d'autres professions.

Lexbase : Quelle est votre vision de l'avocat en entreprise ou de la confidentialité ?

Nathalie Attias : Je ne vois absolument pas comment on peut sérieusement envisager qu'il puisse y avoir une confidentialité ! D'abord, les juristes d'entreprises sont, comme tous les salariés, soumis au secret des informations qu'ils sont amenés à connaître dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Cela fait partie de ce qu'on appelle l'obligation de loyauté. Le salarié est, par le contrat de travail, tenu à un devoir de confidentialité à l'égard des informations recueillies pendant l'exécution du contrat de travail mais également postérieurement à la rupture du contrat. Ensuite je ne vois pas comment c'est gérable de leur dire qu'ils sont tenus à un secret professionnel. Comment est ce qu'un salarié va être en mesure de refuser à son employeur de lui donner des informations confidentielles ? Qu'est ce qui est confidentiel ? A l'égard de qui ? Comment va-t-on garantir la confidentialité des informations qui sont échangées ?

Nicolas Lerègle : Le problème de fond est qu'il n'y a pas de secret des affaires ; si on avait instauré un secret des affaires cela aurait permis au moins de simplifier certaines choses, entre autres de savoir quels étaient les documents protégés ou non. Le Cercle Montesquieu et d'autres disent qu'il faut que les juristes d'entreprise aient un legal privilege. Mais lesquels ? Le directeur juridique ou le stagiaire d'été qui s'est mis à un poste et qui va envoyer ses mails avec écrit "direction juridique" ? Et si l'on commence à dire qu'on ne peut pas envoyer tel ou tel document qui est nécessaire pour une négociation, parce qu'il est couvert par le legal privilege, cela devient ingérable. Et surtout, la création d'un legal privilege affaiblira notre secret professionnel et créera, à côté de l'avocat, une autre profession règlementée. Ce qui n'est pas acceptable en l'état.

De même un avocat salarié en entreprise ne pourra pas exercer son métier avec l'indépendance qui caractérise une profession libérale, c'est-à-dire sans lien de dépendance, de subordination etc..

Mais il ne faut pas nier ce besoin qui peut avoir un sens. Nous proposons donc un statut qui est nécessairement hybride : l'avocat détaché. Par exemple, je décide de quitter mon cabinet, et je suis intégré comme directeur juridique dans une société mais je reste avocat et je continue à payer mes cotisations ordinales. Et j'ai un contrat à durée déterminée, avec l'entreprise cliente auprès de laquelle je suis détachée, elle me paie des honoraires en contrepartie de mes prestations et je suis soumis à ma déontologie et au secret professionnel. Cela suppose que je reste indépendant, intellectuellement et financièrement. Si je ne le suis plus, ou si je décide d'être totalement intégré dans l'entreprise, le statut d'avocat, consubstantiel à l'indépendance et au caractère libéral, ne se justifie plus.

Nathalie Attias : C'est un peu le système du management de transition. C'est-à-dire un contrat de prestation de services, parce qu'on ne peut pas dire qu'on veut être avocat et en même temps salarié. Nous sommes une profession indépendante, nous n'avons pas été conçus pour être subordonnés, nous ne sommes aux ordres de personne, pas même des magistrats. Et nous n'allons pas sacrifier cette indépendance d'esprit que l'on doit toujours conserver pour accepter un statut d'avocat salarié. Nous voulons donc travailler en entreprise dans le cadre d'un contrat de prestation de services dans lequel nous conservons notre indépendance et, si nous le souhaitons, ultérieurement, nous pourrons vraiment intégrer l'entreprise en tant que salarié.

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Bancaire

[Brèves] Publication au JOUE de la quatrième Directive "anti-blanchiment"

Réf. : Directive 2015/849 du 20 mai 2015, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (N° Lexbase : L7601I8Z)

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N7864BUS

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Le 18 Juin 2015

La quatrième Directive "anti-blanchiment" a été publiée au JOUE du 5 juin 2015 (Directive 2015/849 du 20 mai 2015, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme N° Lexbase : L7601I8Z). Le champ d'application est élargi. Ainsi, les personnes qui négocient des biens relèvent de la Directive dès lors qu'elles effectuent ou reçoivent des paiements en espèces d'un montant égal ou supérieur à 10 000 euros, les Etats membres pouvant adopter des seuils plus bas. Le recours à des produits de monnaie électronique est également soumis aux obligations découlant de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. S'agissant des entités assujetties, les agents immobiliers s'entendent désormais comme incluant les agents de location. L'identification du bénéficiaire effectif et la vérification de son identité sont étendues aux entités juridiques qui possèdent d'autres entités juridiques, et les entités assujetties doivent rechercher la ou les personnes physiques qui exercent en dernier ressort le contrôle du fait qu'elles possèdent ou contrôlent par d'autres moyens l'entité juridique qui est le client. Il est de la responsabilité de chaque société ou entité juridique d'établir une liste de ses bénéficiaires effectifs et de la tenir à disposition des autorités et des établissements assujettis, ce qui devrait faciliter la tâche de ces derniers. En outre, il est précisé que les "infractions fiscales pénales" liées aux impôts directs et indirects sont incluses dans la définition large d'"activité criminelle", conformément aux recommandations révisées du GAFI. La Directive prévoit, par ailleurs, d'obliger les prestataires de services de jeux d'argent et de hasard présentant des risques plus élevés à appliquer des mesures de vigilance à l'égard de la clientèle pour chaque transaction d'un montant égal ou supérieur à 2 000 euros. Afin d'éviter la répétition des procédures d'identification des clients, la Directive autorise, sous réserve de garanties appropriées, que les clients qui ont été identifiés ailleurs puissent être introduits auprès des entités assujetties. Lorsqu'une entité assujettie a recours à un tiers, la responsabilité finale de la procédure de vigilance à l'égard de la clientèle devrait demeurer auprès de l'entité assujettie auprès de laquelle le client a été introduit. Si le droit d'accès aux données de la personne concernée est applicable aux données à caractère personnel traitées aux fins de cette Directive, des exceptions et des restrictions à ce droit peuvent être justifiées. Sont, en outre, publiés, en annexe, un certain nombre de facteurs indicatifs de situations de risque potentiellement moins élevé et dont doivent tenir compte les établissements assujettis dans le cadre de leur évaluation du risque. Ce nouveau texte durcit aussi les sanctions administratives.

newsid:447864

Baux d'habitation

[Brèves] Loi "Alur" : publication du décret relatif aux modalités de mise en oeuvre du dispositif d'encadrement des loyers

Réf. : Décret n° 2015-650 du 10 juin 2015, relatif aux modalités de mise en Suvre du dispositif d'encadrement du niveau de certains loyers et modifiant l'annexe à l'article R. 366-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L8034I83)

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N7877BUB

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Le 18 Juin 2015

Dans les agglomérations où se manifeste un déséquilibre prononcé entre l'offre et la demande de logement, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite "Alur" (N° Lexbase : L8342IZY) a entendu encadrer le niveau de fixation du loyer entre les parties lors de la conclusion du bail initial et à l'occasion de son renouvellement. Le loyer du logement mis en location ne peut alors excéder le loyer de référence arrêté par le préfet sur la base des données produites par les observatoires locaux des loyers, majoré de 20 %. Toutefois, lorsque le logement présente certaines caractéristiques de localisation ou de confort, le bailleur a la possibilité de fixer un loyer supérieur en appliquant un complément de loyer. Le décret du 10 juin 2015 (décret n° 2015-650 du 10 juin 2015, relatif aux modalités de mise en oeuvre du dispositif d'encadrement du niveau de certains loyers N° Lexbase : L8034I83) a pour objet de définir les modalités d'application de ce dispositif d'encadrement des loyers. Il précise, à cet effet, le périmètre géographique correspondant aux zones de tension du marché locatif, les modalités de détermination des loyers de référence ainsi que les modalités d'application du complément de loyer. Il modifie, par ailleurs, certaines dispositions relatives aux associations départementales d'information sur le logement (ADIL), afin de prendre en compte les évolutions issues de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Sont ainsi modifiés, les articles R. 111-1-1 (N° Lexbase : L7878IEI) et l'annexe à l'article R. 366-5 (N° Lexbase : L8459IAK) du Code de la construction et de l'habitation. Désormais, les catégories de logement et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction des caractéristiques du logement relatives au type de location, meublée ou non meublée, au nombre de pièces principales au sens de l'article R. 111-1-1 du Code de la construction et de l'habitation et à l'époque de construction. Les secteurs géographiques délimitent des zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif. L'application d'un complément de loyer n'est justifiée que si les caractéristiques de localisation ou de confort d'un logement répondent à des conditions particulières. L'application d'un tel complément est justifié lorsque ces caractéristiques n'ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement, qu'elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, et qu'elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, de la contribution pour le partage des économies d'énergie au titre des travaux réalisés par lui.

newsid:447877

Contrat de travail

[Brèves] Contrat de travail distinct signé par chacun des employeurs successifs avec les salariés et inapplicabilité des règles relatives au transfert de plein droit : précisions relatives aux indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture de contrats de travail différents

Réf. : Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-27.144, FS-P+B (N° Lexbase : A8888NKE)

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N7934BUE

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Le 24 Juin 2015

Dès lors que l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y) n'est pas applicable, et que chacun des employeurs successifs a signé avec les salariés un contrat de travail distinct, ceux-ci peuvent prétendre à des indemnités réparant le préjudice résultant de la rupture de contrats de travail différents, peu important la reprise de l'ancienneté par le second employeur. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 juin 2015 (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-27.144, FS-P+B N° Lexbase : A8888NKE).
Dans cette affaire, M. X et vingt trois autres salariés ont été engagés par différentes sociétés aux droits desquelles vient la société Y spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de semi-conducteurs. La société Y a cédé à la société Z son activité de recherche et développement, l'acte de cession ayant été finalisé le 27 septembre 2007. Le 3 septembre 2007, ces salariés ont été engagés par la société Z, la société Y formalisant avec chacun d'eux une lettre de rupture de leur contrat de travail. Le 31 mars 2008, la société Z a licencié l'ensemble de son personnel pour motif économique en raison de la cessation de ses activités en France et de sa mise en liquidation, des transactions ayant été signées avec chacun des salariés. Estimant que la société Y avait procédé à une réduction d'effectifs d'au moins dix salariés sur une période de trente jours en dehors de tout plan de sauvegarde de l'emploi et sans respecter la procédure prévue à cet effet, M. X et vingt-trois salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en annulation des ruptures de leur contrat de travail ou à titre subsidiaire en requalification de celles-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes.
La cour d'appel ayant condamné la société Y à payer aux salariés diverses sommes au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette dernière s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette les pourvois (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8793ESH).

newsid:447934

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Récit de faits de harcèlement moral par le salarié : sa mauvaise foi ne peut résulter que de sa connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce

Réf. : Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554, FS-P+B (N° Lexbase : A8982NKU)

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N7935BUG

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Le 19 Juin 2015

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 juin 2015 (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554, FS-P+B N° Lexbase : A8982NKU).
Dans cette affaire, M. X, engagé le 17 octobre 1997 par la société Y en qualité de négociateur, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable d'agence, a été licencié pour faute grave par lettre du 22 mai 2009.
La cour d'appel (CA Amiens, 17 septembre 2013, n° 12/03508 N° Lexbase : A2713KL3) ayant considéré le licenciement nul et ayant condamnée la société en conséquence au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts, cette dernière s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0287E7R).

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Droit des biens

[Chronique] Chronique de droit des biens - Juin 2015

Lecture: 19 min

N7905BUC

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par Guillaume Beaussonie, maître de conférences en droit privé à l'Université François-Rabelais-Tours (CRDP-EA 2116 ; IEJUC-EA 1919), et de Séverin Jean, maître de conférences à l'Université Toulouse 1-Capitole (IEJUC-EA 1919)

Le 18 Juin 2015

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit des biens de Guillaume Beaussonie, Maître de conférences en droit privé à l'Université François-Rabelais-Tours (CRDP-EA 2116 ; IEJUC-EA 1919) et de Séverin Jean, Maître de conférences à l'Université Toulouse 1-Capitole (IEJUC-EA 1919). Au sommaire de cette nouvelle chronique de droit des biens, quelques difficultés propres à cette discipline : encadrer la propriété d'un bien incorporel (Cons. const., décision n° 2014-449 QPC, du 6 février 2015) ; dresser les concours du juste titre (Cass. civ. 3, 11 février 2015, n° 13-24.770, FS-P+B) ; qualifier l'action consécutive à un empiètement (Cass. civ. 3, 11 février 2015, n° 13-26.023, FS-P+B) ; appréhender le tiers de l'article 555 du Code civil (N° Lexbase : L3134ABP) (Cass. civ. 3, 13 mai 2015, n° 13-26.680, FS-P+B) ; prouver la propriété du dessous (Cass. civ. 3, 13 mai 2015, n° 13-27.342, FS-P+B) ; et comprendre le bornage (Cass. civ. 3, 19 mai 2015, n° 14-11.984, F-D ; Cass. civ. 3, 10 février 2015, n° 13-24.289, F-D). I - Encadrer la propriété d'un bien incorporel
  • Le transfert d'office du portefeuille de contrats d'assurance d'une personne titulaire d'un agrément par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution entraîne une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS) (Cons. const., décision n° 2014-449 QPC, du 6 février 2015 N° Lexbase : A9203NA4)

La présente décision est, d'abord, une confirmation -de plus- que la notion constitutionnelle de propriété s'applique autant aux biens incorporels qu'aux biens corporels. Reprenant une formule devenue classique, le Conseil constitutionnel affirme effectivement que "les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux" ; partant, "les portefeuilles de contrats ou de bulletins d'adhésion constitués par une personne dans l'exercice de l'activité d'assurance relèvent de sa protection" (cons. 6). Ces portefeuilles sont des universalités de fait, autrement dit, des ensembles de biens -eux-mêmes incorporels- dont l'unité économique justifie qu'ils puissent être perçus, ut universi, comme un seul bien. A l'instar de tout autre, leur propriétaire doit donc être préservé de toute privation de propriété, "si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité" (1).

Cette décision, ensuite, sanctionne la possibilité que les dispositions du premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7458I4Y) offrait à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution -autorité administrative indépendante qui veille à la préservation de la stabilité du système financier ainsi qu'à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle- de prononcer, "à titre de mesure de police administrative édictée à des fins conservatoires des droits des assurés et de la stabilité du marché, le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats d'assurance ou de règlements ou de bulletins d'adhésion à des contrats ou règlements des entreprises, mutuelles et unions mutualistes, institutions de prévoyance, unions et groupements paritaires de prévoyance exerçant une activité d'assurance directe", notamment "lorsque la solvabilité ou la liquidité d'une personne soumise au contrôle de l'Autorité ou lorsque les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires, sont compromis ou susceptibles de l'être" (cons. 5). Pour le Conseil constitutionnel, puisque ce transfert d'office "s'opère sans que soit laissée à la personne visée la faculté, pendant une période préalable, de procéder elle-même à la cession de tout ou partie de ce portefeuille", il s'agit d'une "privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789", or "ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition n'assurent le respect des exigences qui résultent de cet article" (cons. 7). Ces dispositions sont donc contraires à la Constitution.

Guillaume Beaussonie

II - Dresser les contours du "juste titre"

  • Un acte de partage ne peut constituer un juste titre permettant de fonder une prescription acquisitive abrégée (Cass. civ. 3, 11 février 2015, n° 13-24.770, FS-P+B N° Lexbase : A4333NB4)

S'il est acquis que le bénéfice de la prescription acquisitive abrégée est conditionné par l'existence d'un juste titre, il n'en demeure pas moins que la qualification de juste titre suscite toujours des débats comme en témoigne l'arrêt rendu par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation le 11 février 2015.

En l'espèce, les propriétaires d'un terrain assignèrent la propriétaire d'une parcelle contiguë en démolition d'une construction empiétant sur une partie de leur propriété. La cour d'appel de Saint-Denis, par un arrêt du 21 juin 2013, rejeta cette demande au motif que la propriétaire avait acquis la portion litigieuse -sur laquelle l'empiètement était caractérisé- par prescription acquisitive abrégée fondée sur un acte de partage effectué en 1992, selon un plan d'arpentage de 1990 consacrant ledit empiètement. En effet, les magistrats du fond estimèrent que l'acte de partage de 1992 constituait un juste titre permettant à la propriétaire de bénéficier de la prescription acquisitive abrégée pour la surface empiétée. Dès lors, les victimes de l'empiètement formèrent un pourvoi en cassation. Les magistrats du Quai de l'Horloge devaient donc se demander si l'acte de partage de 1992 pouvait constituer ou non un juste titre. La réponse -rendue au visa de l'ancien article 2265 du Code civil (2) et au chapeau selon lequel "il résulte de ce texte que le juste titre est celui qui, s'il était émané du véritable propriétaire, serait de nature à transférer la propriété à la partie qui invoque la prescription"- est très claire : l'acte de partage de 1992 ne constitue pas un juste titre dans la mesure où, non seulement, il émane du véritable propriétaire, mais également, parce qu'il ne transfère aucunement la propriété. A première vue, la solution est évidente. Pourtant, cette solution n'a que l'apparence de l'évidence.

L'argumentation de la cour d'appel méritait-elle d'être désapprouvée ? Assurément pour au moins deux raisons. D'abord, si les magistrats réunionnais voient dans l'acte de partage de 1992 un juste titre, c'est qu'ils considèrent que ce dernier n'émane pas du véritable propriétaire. Sans doute peut-on le comprendre puisque l'auteur de la donation-partage de 1984 n'était plus le véritable propriétaire lors de l'acte de partage de 1992, peu important qu'il soit à l'origine du partage en raison de son décès, parce qu'il avait précisément transféré la propriété par la donation-partage de 1984. Ce raisonnement semble pertinent puisque la donation-partage est une libéralité qui transfère nécessairement la propriété. Dès lors, l'auteur de la donation-partage de 1984 ne peut plus être propriétaire au moment de son décès puisqu'il a préalablement transféré la propriété. Toutefois, la situation est plus épineuse lorsqu'il s'agit de s'intéresser au bien litigieux. En effet, il n'est pas certain que la propriété transférée en 1984 soit la même que celle visée dans l'acte de partage de 1992 dans la mesure où un document d'arpentage de 1990 -à partir duquel le partage est opéré- délimite autrement la propriété, c'est-à-dire moins généreusement, puisque c'est à cette occasion qu'un empiètement est consacré. Aussi, on pourrait, à tout le moins considérer, que l'acte de partage de 1992 émane bien du véritable propriétaire, du moins pour la portion litigieuse.

Ensuite, l'arrêt de cour d'appel est tout autant contestable quand il retient le caractère translatif de l'acte de partage de 1992. En effet, ce dernier, faisant suite au décès de l'auteur de la donation de partage, ne peut être que déclaratif -au sens de l'article 883 du Code civil (N° Lexbase : L0023HPK)- et non translatif de propriété, la propriété ayant été transférée dès la donation-partage de 1984. En définitive, pour ces deux raisons, la Cour de cassation casse, à juste titre, l'arrêt d'appel. Cependant, cette analyse pourrait être plus complexe qu'il n'y paraît si nous envisageons le problème au regard de la délimitation de la propriété litigieuse.

En effet, le coeur du problème pourrait résider davantage dans la délimitation de la propriété litigieuse puisque son assiette diffère selon que l'on envisage la donation-partage de 1984 ou l'acte de partage de 1992. En 1984, l'assiette semble comprendre la portion sur laquelle l'empiètement sera consacré tandis qu'elle se restreint en 1992 et partant, révèle ledit empiètement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'auteur de l'empiètement invoque la prescription acquisitive abrégée. Dans la mesure où la Cour de cassation ne répond qu'aux moyens soulevés, il n'est guère étonnant qu'elle refuse la qualité de juste titre à l'acte de partage de 1992, celui-ci ne pouvant, en tout état de cause, être translatif de propriété. En revanche, la solution est beaucoup plus critiquable quant à la condition d'un juste titre a non domino puisque le défunt à l'origine du partage avait déjà transféré la propriété par la donation-partage de 1984. Aussi, on pourrait soutenir que l'acte de partage de 1992 est finalement a non domino sauf à considérer que la nouvelle délimitation de l'assiette de la propriété opérée par cet acte -à partir du document d'arpentage de 1990- revient à transférer une nouvelle propriété et partant, le défunt à l'origine du partage pourrait revêtir la qualité de véritable propriétaire. On sent bien la limite de ce raisonnement parce qu'il reste difficile de nier, quand bien même l'assiette n'est pas parfaitement identique, que la propriété n'a pas été transférée dès 1984. C'est donc bien le changement de l'assiette de la propriété transférée qui rend l'appréciation du juste titre plus délicate, voire plus contestable...

Séverin Jean

III - Qualifier l'action consécutive à un empiètement

  • L'action tendant à la remise en état des lieux par la suppression d'un empiètement est une action immobilière non soumise à la prescription de dix ans (Cass. civ. 3, 11 février 2015, n° 13-26.023, FS-P+B N° Lexbase : A4378NBR)

La radicalité de la sanction de l'empiètement, qui consiste en sa suppression pure et simple, appellerait peut-être un régime plus subtil que son régime actuel, qui n'implique que de réagir à son constat. Modèle pourrait alors être pris sur l'article 555 du Code civil, qui encadre la construction sur le terrain d'autrui. En attendant, puisque tel n'est pas encore le cas et ne le sera sans doute jamais, ceux qui empiètent s'obstinent à saisir la Cour de cassation pour lui proposer de leur accorder davantage de clémence. C'est toujours en pure perte, comme le démontre, parmi d'autres, cet arrêt rendu le 11 février 2015.

En l'espèce, dans le cadre de l'exploitation d'une carrière de calcaire, une société a empiété sur le sous-sol du fonds qui la jouxte. Elle est donc condamnée à remettre les lieux en état par la suppression de l'empiétement. La société tente alors de faire requalifier l'empiètement en trouble de voisinage ou, moins précisément, en action personnelle, afin de bénéficier de la prescription décennale. Sans aucune surprise, la Cour de cassation s'y oppose, constatant simplement que "le front de la carrière exploitée par la société [...] débordait sur la propriété [des voisins]". Dès lors, "la cour d'appel, qui a justement énoncé qu'une activité d'extraction industrielle au-delà de la limite séparative d'une propriété constituait un empiétement par appropriation du sous-sol, en a déduit à bon droit que l'action tendant à la remise en état des lieux par la suppression de l'empiétement était une action immobilière non soumise à la prescription de dix ans".

Guillaume Beaussonie

IV - Appréhender le tiers de l'article 555 du Code civil

  • Le droit à indemnisation du tiers évincé au sens de l'article 555 du Code civil n'est pas attaché à la propriété (Cass. civ. 3, 13 mai 2015, n° 13-26.680, FS-P+B N° Lexbase : A8651NHU)

On croyait tout savoir sur l'article 555 du Code civil qui organise les solutions applicables en matière de construction sur le terrain d'autrui. Pourtant, il faut bien constater que cette disposition appelle encore des précisions à l'image de l'arrêt commenté du 13 mai 2015 qui vient délimiter encore plus précisément la notion de "tiers".

Dans cette affaire, à la suite d'un bornage amiable entre des époux propriétaires d'une parcelle et un groupement forestier propriétaire de terrains entourant celui des époux, il fut constaté que des arbres avaient été plantés par les auteurs-vendeurs du groupement forestier sur la parcelle des époux. A l'occasion d'une action en réparation intentée par les époux, le groupement demanda reconventionnellement -sur le fondement de l'article 555 du Code civil- le paiement d'une indemnité correspondant à la valeur des plantations subsistant sur la parcelle des époux. Le tribunal de Limoges, par un jugement du 8 juillet 2013, fit droit à la demande du groupement en lui reconnaissant la qualité de tiers au sens de l'article 555 du Code civil en raison de la transmission des droits et actions attachés à la cession. Les époux formèrent alors un pourvoi en cassation poussant alors les magistrats du Quai de l'Horloge à se demander si le groupement pouvait être qualifié de tiers au sens de l'article 555 du Code civil alors même qu'il n'était pas à l'origine des plantations litigieuses. La Cour de cassation, en se fondant sur les articles 551 (N° Lexbase : L1057ABR) et 555 du Code civil, cassa le jugement sur ce point en estimant que "le droit à indemnisation du tiers évincé n'est pas attaché à la propriété du fonds mais à la personne qui a accompli l'acte de planter".

Cet arrêt mérite notre attention pour plusieurs raisons.

En premier lieu, il convient de rappeler que la situation doit être observée différemment selon que l'on envisage le propriétaire du fonds sur lequel des plantations ont été réalisées ou le tiers qui est à l'origine des plantations. Du côté du propriétaire du fonds, les articles 551 et 552 (N° Lexbase : L3131ABL) du Code civil règlent facilement la question de la propriété des plantations puisque le propriétaire du sol est réputé propriétaire desdites plantations en vertu de l'adage supercifies solo cedit. En d'autres termes, du point de vue du propriétaire du fonds, la question qui se pose est celle de la propriété. Du côté du tiers à l'origine des plantations, la question est très différente puisqu'il ne s'agit pas de savoir s'il peut conserver la propriété des plantations mais de savoir s'il peut en obtenir l'indemnisation. Cette différence de positionnement permet alors de comprendre la solution rendue par les magistrats du Quai de l'Horloge. En effet, au-delà du fait que le tiers, au sens de l'article 555 du Code civil, est finalement toute personne autre que le propriétaire du fonds sur lequel des plantations ont été effectuées, le tiers est celui qui est à l'origine des plantations et qui cherche alors, au nom de l'équité consacrée par l'article 555 du code précité, à se faire indemniser. Par conséquent, il n'est guère étonnant que la Cour de cassation énonce que le droit à indemnisation n'est pas attaché à la propriété, précisément parce qu'il n'est pas question de propriété mais d'une forme de réparation qui invite à n'envisager comme bénéficiaire de l'action que celui qui, d'une certaine manière, subit un préjudice. Pourtant, l'argument de la cour d'appel n'est pas inintéressant.

En effet, et en second lieu, les magistrats du fond, pour octroyer le droit à indemnisation à l'acquéreur, arguaient du fait qu'en raison de la vente, l'acquéreur bénéficiait des droits et actions attachés à la propriété vendue. On fait, semble-t-il, référence à l'article 1615 du Code civil (N° Lexbase : L1715AB7) puisque ce dernier dispose que "l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel". Si la jurisprudence a eu l'occasion de préciser que les accessoires juridiques -à l'image des droits réels (3)- devaient aussi être délivrés tout comme les actions en dommages et intérêts (4), encore faut-il rappeler que ces accessoires visent la chose elle-même et non celle d'un autre propriétaire, celle sur laquelle des plantations ont été réalisées. En d'autres termes, pas plus que les garanties légales attachées à la vente (5), tous les droits et actions transmis à l'acquéreur ne visent qu'à assurer la jouissance paisible de la propriété cédée. Dès lors, l'action en indemnisation de l'article 555 du Code civil a une nature personnelle, attachée à l'auteur des plantations sur le terrain d'autrui, détachée de la propriété vendue par l'auteur desdites plantations. Sans doute, la cour d'appel pensait-elle pouvoir procéder par parallélisme avec la jurisprudence selon laquelle l'action fondée sur l'article 555 du Code civil doit être dirigée contre le propriétaire et non contre le précédent propriétaire (6) ; mais ce serait oublier que l'on parle de deux choses différentes : d'un côté le droit de propriété, d'un autre le droit à indemnisation. La solution de la Cour de cassation s'entend donc parfaitement.

Reste à préciser un dernier point : les conséquences d'une telle décision. Si l'acquéreur ne bénéficie pas du droit à indemnisation fondé sur l'article 555 du Code civil, cela signifie-t-il que le vendeur en soit toujours investi alors même qu'il n'est plus propriétaire ? A fortiori, et sous réserve de prescription, il y a tout lieu de le penser dans la mesure où l'action lui est personnelle. La nature personnelle de cette action explique d'autant plus le refus de l'octroyer au nouvel acquéreur dans la mesure où s'il était en droit de l'exercer, il s'agirait, d'une certaine manière, d'une forme d'enrichissement sans cause dont l'appauvri serait le vendeur, c'est-à-dire celui qui a réalisé les plantations litigieuses.

Séverin Jean

V - Prouver la propriété du dessous

  • La présomption de propriété du dessous au profit des propriétaires du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre, quel qu'en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive (Cass. civ. 3, 13 mai 2015, n° 13-27.342, FS-P+B N° Lexbase : A8728NHQ)

En vertu de l'article 552 du Code civil, "la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous". La figure impérative de la formule, en apparence conforme à l'esprit hégémonique de la propriété, cache en réalité une règle de fond simplement supplétive que, pour cette raison, une règle de preuve complète : le propriétaire du sol ne sera que présumé propriétaire du dessus et du dessous. Autrement dit, sa propriété du dessous -c'est lui seul qui nous intéresse- n'est pas inéluctable, à condition qu'un tiers parvienne à démontrer son propre droit. C'est ce qu'exprime, assez obscurément, l'article 553 du Code civil (N° Lexbase : L3132ABM), selon lequel "toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment". Il reste à savoir comment cette démonstration du droit d'un autre que le propriétaire du sol sur le dessous doit être effectuée. C'était précisément l'objet de l'arrêt commenté.

En l'espèce, était en cause la propriété d'une cave, que se disputaient le propriétaire du sol qui la supportait et celui qui, seul, pouvait matériellement y accéder, l'entrée se trouvant sur son propre terrain. Après confrontation des divers titres produits aux débats, les juges du fond tranchaient en faveur de la porte plutôt que du plafond. Le propriétaire du sol saisissait conséquemment la Cour de cassation, d'une manière néanmoins assez confuse. Selon lui, il s'inférerait de l'article 552 du Code civil que la présomption de propriété du dessous au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive. Dès lors, qui se prétend propriétaire du dessous devrait établir non seulement que celui-ci n'appartient pas au propriétaire du dessus, mais qu'il en est lui-même propriétaire, soit pour l'avoir prescrit par lui-même ou par ses auteurs, soit pour en avoir acquis la propriété en vertu d'un titre translatif auquel il est partie ou auquel était partie l'un de ses auteurs. Or, en se fondant exclusivement sur les titres de son adversaire et de ses auteurs, auxquels n'étaient parties ni le propriétaire du sol ni ses propres auteurs, la cour d'appel aurait méconnu la règle.

La réponse de la Cour de cassation est presque aussi confuse : "la présomption de propriété du dessous au profit des propriétaires du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre, quel qu'en soit le titulaire, ou de la prescription acquisitive ; [...] la cour d'appel, qui a confronté les divers titres produits aux débats, en a souverainement déduit que les [autres] étaient propriétaires de la cave litigieuse". L'essentiel, qui apparaît mal, ne réside alors pas tant dans le choix, classique bien que contesté (7), qui est ainsi fait pour restreindre les modes de preuve aux titres et à la prescription -ce qui exclut les simples circonstances de fait-, que dans l'indifférence envers la titularité des titres produits.

Il s'agissait, bien sûr, de répondre au pourvoi, qui n'incitait finalement qu'à obliger à prendre en compte les titres émanant du propriétaire du sol et de ses auteurs -en plus des autres ou à l'exclusion des autres ?-. Rien ne l'imposait pourtant, dans le texte pertinent -l'article 553 et non, comme le soutenait le pourvoi, l'article 552-, même si l'on ne peut s'empêcher de remarquer que la solution de la Cour de cassation apparaît comme un pas franchi vers l'idée que la preuve de la propriété du dessous, comme celle de toute autre, pourrait être totalement libre. Il est vrai que, quant à elle, la rédaction de l'article 553 ne l'implique pas.

Guillaume Beaussonie

VI - Comprendre le bornage

La lecture combinée des deux arrêts retenus permet de retenir comme enseignement que seul le bornage délimite la propriété, sans pour autant l'attribuer !

Dans la première espèce du 19 mai 2915, une propriétaire assignait ses voisins en revendication d'une bande de terrain qui aurait été prélevée sur sa propriété à l'occasion de l'édification d'une clôture. Dans la seconde, en date du 10 février 2015, des propriétaires assignaient le propriétaire de la parcelle contiguë en bornage et en démolition d'un mur. Quant à l'action en revendication, la cour d'appel de Toulouse la rejeta au motif que l'édification de la clôture était le résultat concret d'un accord des deux propriétaires pour fixer les limites de leurs fonds respectifs, peu important la discordance entre la surface mesurée à l'intérieur de ces limites et la surface portée au cadastre. Les magistrats du fond concluaient alors à l'idée selon laquelle cet accord valait bornage amiable définitif. Quant à la demande de démolition, la cour d'appel, après délimitation des parcelles, fit droit à la demande en démolition dans la mesure où le mur avait été édifié au-delà de la limite de propriété. La Cour de cassation saisie, celle-ci devait se demander pour la première espèce -mai 2015- si l'accord des parties sur la délimitation des fonds valait bornage amiable définitif et si, pour la seconde espèce, l'action judiciaire en bornage permettait d'obtenir la démolition d'une construction en raison d'un empiètement. Dans ces deux espèces, les magistrats du Quai de l'Horloge statuaient au visa des articles 544 (N° Lexbase : L3118AB4) et 646 (N° Lexbase : L3247ABU) du Code civil. A la première question, la Cour de cassation répondait que l'accord des parties sur la délimitation des fonds n'implique pas à lui seul leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses. En d'autres termes, cet accord ne vaut pas bornage amiable définitif. A la seconde question, il est rappelé que l'action en bornage judiciaire a seulement pour effet de fixer les limites des fonds contigus sans pour autant attribuer la propriété de la portion de terrain sur laquelle le mur a été édifié. En définitive, le premier arrêt nous apprend que seul un "véritable bornage", qu'il soit amiable ou judiciaire, permet de délimiter la propriété tandis que le second opère une distinction entre délimitation de la propriété et détermination du droit de propriété. Quelques remarques s'imposent.

En premier lieu, le visa des deux arrêts n'est guère étonnant puisque l'article 544 du Code civil vise la propriété tandis que l'article 646 du même code renvoie à la possibilité d'obliger son voisin à borner leurs propriétés contiguës. En revanche, si l'on sait qu'il ne peut y avoir de bornage qu'amiable ou judiciaire, on pouvait se demander si l'accord concret de deux propriétaires pour fixer les limites de leurs fonds respectifs dont la construction en commun d'une clôture en était le résultat pouvait valoir bornage amiable. La réponse est claire : aucunement. La raison en est que le bornage suppose, en tout état de cause, d'une part une opération juridique consistant à déterminer la surface des terrains, leur arpentage et l'établissement d'un plan et d'autre part, une opération matérielle tendant à l'implantation de bornes stables et apparentes qui matérialisent la ligne divisoire. Par ailleurs, et c'est là sans doute le plus important, si l'accord des parties semble respecter le principe du contradictoire, il n'en demeure pas moins que la volonté des parties doit être recueillie dans un procès-verbal d'abornement dressé généralement par les géomètres-experts. Ce n'est qu'à cette condition que le procès-verbal d'abornement, qui a la valeur d'une transaction au sens de l'article 2052 du Code civil (N° Lexbase : L2297ABP), acquiert autorité de la chose jugée. Or, en l'espèce, comme le rappelle la Cour de cassation, l'accord des parties "n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses", encore faut-il que cet accord soit avalisé dans un procès-verbal d'abornement.

En second lieu, l'objet du bornage est une question récurrente et la réponse de la Cour de cassation demeure inflexible : le bornage ne fait que fixer les limites entre deux fonds, il ne détermine pas le droit de propriété. L'arrêt du 10 février 2015 en est une parfaite illustration puisque, encore une fois, les magistrats du Quai de l'Horloge refusent de donner une autre fonction au bornage. Au-delà de cet arrêt, la jurisprudence l'a récemment encore rappelé en considérant que l'accord des parties sur l'implantation des bornes ne signifie aucunement qu'il y ait accord des parties sur la propriété de la parcelle litigieuse (8). Pourtant, le signataire avoue ne pas vraiment comprendre pourquoi, à plus forte raison en matière de bornage amiable, la fixation des limites des fonds n'emporte pas détermination des droits de propriétés respectifs. Après tout, rien n'interdit à la volonté de déterminer l'assiette du droit et donc le droit ! En d'autres termes, déterminer l'objet de propriété ne revient-il pas à déterminer incidemment le droit de propriété ? Y a-t-il un droit de propriété indépendamment de son objet ? Nous ne le croyons pas ! Dès lors, rien ne s'opposerait, et certainement pas la compétence exclusive du tribunal d'instance -d'autant que ce dernier peut connaître d'une action pétitoire par le truchement d'un moyen de défense (9)-, à ce que le bornage, en déterminant l'objet de la propriété, déterminer l'assiette du droit de propriété.

Séverin Jean


(1) DDHC, art. 17 (N° Lexbase : L6813BHS).
(2) L'ancien article 2265 du Code civil (N° Lexbase : L2551AB4) disposait que "celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé ; et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort".
(3) CA Limoges, 13 juin 1990.
(4) Sous réserve toutefois d'une clause expresse : en ce sens, v. Cass. civ. 3, 4 décembre 2002, n° 01-02.383 (N° Lexbase : A1932A4C) ; Cass. civ. 3, 17 novembre 2004, n° 03-16.988 (N° Lexbase : A9375DDL).
(5) Garantie d'éviction, de délivrance conforme ou encore la garantie des vices cachés.
(6) Cass. civ. 3, 30 octobre 1968, Bull. civ. III, n° 437.
(7) V. JCl. Civil Code, Art. 551 à 553, "Propriété - Acquisition de la propriété par union ou incorporation - Propriété du dessus et du dessous du sol", par W. Dross, n° 58-59.
(8) Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-13.898, FS-P+B (N° Lexbase : A9095KD9).
(9) Cass. civ. 3, 23 février 2005, n° 03-17.899, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8709DGN).

newsid:447905

Droit des étrangers

[Brèves] Santé défaillante de l'étranger en situation irrégulière : élément de nature à faire temporairement obstacle à son expulsion

Réf. : CE référé, 11 juin 2015, n° 390704, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9048NKC)

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N7963BUH

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Le 19 Juin 2015

Le fait que l'expulsion d'un étranger en situation irrégulière puisse avoir des conséquences graves et néfastes sur son état de santé est de nature à faire temporairement obstacle à celle-ci, estime le Conseil d'Etat dans une ordonnance rendue le 11 juin 2015 (CE référé, 11 juin 2015, n° 390704, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9048NKC). Si M. X, qui souffre d'une hépatite chronique virale C, avait invoqué son état de santé tant devant l'autorité administrative que dans l'instance portée devant le tribunal administratif de Montpellier, ce n'est que postérieurement à l'arrêté préfectoral du 9 avril 2015 et du jugement du 13 avril 2015, que le médecin de l'Agence régionale de santé de Midi-Pyrénées, saisi, sur le fondement de l'article L. 511-4 10° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L7191IQE), par l'unité médicale du centre de rétention administrative où était placé l'intéressé, s'est prononcé sur son état de santé. Par un avis du 4 mai 2015, ce médecin a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il n'existait pas, dans son pays d'origine, de traitement approprié et que le traitement nécessité par son état de santé devait être poursuivi pendant une année. Cet avis du 4 mai 2015, qui a été porté à la connaissance du préfet des Pyrénées-Orientales, le 6 mai 2015, constitue, alors même qu'il ne la lie pas, un élément nouveau devant nécessairement conduire l'autorité administrative à réexaminer la situation de M. X avant de procéder effectivement à son éloignement à destination de la Géorgie. Dans ces conditions, celui-ci était recevable à saisir, le 16 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles en invoquant, au vu de cette nouvelle circonstance, l'atteinte grave et manifestement illégale que l'exécution de l'arrêté du 9 avril 2015 porterait à sa liberté personnelle dans la mesure où elle entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E4336EYA).

newsid:447963

Électoral

[Brèves] Banderole appelant au vote en faveur d'un candidat déployée en centre ville le jour du scrutin : annulation de l'élection

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 10 juin 2015, n° 383585, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9032NKQ)

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N7966BUL

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Le 20 Juin 2015

La circonstance que, le jour du second tour de scrutin, une banderole appelant à voter pour la liste conduite par une candidate a été déployée en centre ville pendant une partie de la matinée justifie l'annulation de l'élection municipale, tranche le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 10 juin 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 10 juin 2015, n° 383585, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9032NKQ). Compte tenu de l'écart d'une voix seulement entre le nombre de suffrages obtenu par le dernier candidat élu au second tour et celui qu'a obtenu la candidate, une telle méconnaissance des dispositions de l'article L. 51 du Code électoral (N° Lexbase : L7966I78) a été de nature à vicier les résultats du scrutin. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé leur élection (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E1604A8W).

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Juin 2015

Lecture: 14 min

N7885BUL

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis

Le 18 Juin 2015

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Les auteurs reviennent sur deux arrêts rendus le 19 mai 2015 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation et publiés au Bulletin : dans le premier arrêt, commenté par le Professeur Le Corre, la Haute juridiction se prononce, pour la première fois, sur la question de savoir l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement a un effet sur le contrat continué (Cass. com., 19 mai 2015, n° 14-10.366, F-P+B) ; dans le second arrêt, sur lequel Emmanuelle Le Corre-Broly nous livre ses observations, la Cour précise que le débiteur peut soulever devant la cour d'appel un motif de contestation d'une créance déclarée différent de celui présenté devant le juge-commissaire (Cass. com., 19 mai 2015, n° 14-14.395, F-P+B).

La continuation des contrats en cours est un corps de règles de première importance, destiné, dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, à assurer le maintien de l'activité, et, dans la procédure de liquidation judiciaire, de permettre, dans les meilleures conditions, les réalisations d'actifs.

Si l'on comprend bien que le sauvetage de l'entreprise suppose la continuation des contrats en cours, ces derniers constituant une véritable richesse pour l'entreprise, voire, pour certaines entreprises leur seule richesse, par exemple pour un concessionnaire ou un franchisé, on observe qu'aucune réglementation n'est posée une fois le plan de sauvegarde ou de redressement intervenu. Comment interpréter ce silence. En d'autres termes, l'adoption d'un plan de sauvegarde ou de redressement a-t-il un effet sur le contrat continué ?

Telle était la question à laquelle devait répondre, dans le présent arrêt, la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l'espèce, une société propriétaire de terres données à bail rural a délivré aux preneurs un congé, alors que plusieurs années auparavant, l'un des deux co-preneurs avait obtenu un plan de continuation. La cour d'appel (1) avait accepté de valider la délivrance de ce congé. Soutenant que le plan rend ses dispositions applicables à tous, les preneurs prétendait que l'adoption du plan était incompatible avec la possibilité pour le bailleur de délivrer congé avant la fin du plan.

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi aux motifs que, "après l'adoption d'un plan de redressement, les contrats en cours se poursuivent conformément aux règles qui leur sont applicables de sorte que le bailleur peut, au cours de l'exécution de ce plan, exercer son droit de refuser le renouvellement du bail rural consenti au repreneur ; que dès lors, c'est à bon droit que al cour d'appel a retenu que le plan de continuation homologué par jugement du 23 novembre 2006 n'interdit pas la délivrance d'un congé aux preneurs ayant atteint l'âge de la retraite pendant l'exécution de ce plan".

Commençons par une petite observation. Après arrêté d'un plan, le commissaire à l'exécution du plan n'a pas qualité pour exiger la continuation d'un contrat (2). La solution n'emporte en réalité guère de conséquence, puisque le débiteur peut continuer le contrat, qui est resté en cours pendant la période d'observation.

Si le contrat a été poursuivi pendant la période d'observation, à condition évidemment que la poursuite soit régulière, c'est-à-dire que l'option de continuation ait été formulée par la personne ayant qualité pour l'exercer, l'adoption du plan de continuation, et aujourd'hui du plan de sauvegarde ou de redressement, reste, par principe, sans effet sur ledit contrat. C'est l'enseignement principal de l'arrêt, qui n'avait jamais été formulé auparavant par la Cour de cassation, ce qui justifie sa publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. La solution est sans surprise, et c'est donc sans peine que l'on avait pu la pronostiquer (3).

Le plan de sauvegarde ou de redressement n'exerce donc aucune incidence sur la continuation des contrats en cours. Cela signifie, en conséquence, qu'un contrat résilié en période d'observation le restera. Inversement, un contrat continué en période d'observation ne sera pas résilié du seul fait de l'intervention du plan.

En réalité, le débiteur est revenu in bonis, du fait de l'adoption de son plan, et c'est pourquoi le droit commun retrouve son empire. Le contrat se poursuivra donc conformément aux règles qui lui sont applicables.

De cette solution, il est, en l'espèce, tiré la conséquence que le bailleur peut, au cours de l'exécution du plan, exercer son droit de refuser, pour le motif prévu à l'article L. 411-64 du Code rural et de la prêche maritime (N° Lexbase : L4471I4D), le renouvellement du bail rural consenti au débiteur. Ce motif est celui de l'arrivée du preneur à bail à l'âge de la retraite.

Si la solution est indiscutable sur le plan juridique, elle n'en est pas moins sévère pour le débiteur, qui se trouve, ipso facto, privé des moyens matériels d'assurer la complète exécution de son plan. Et l'on comprend alors la tentation de prétendre que le fait de rendre impossible l'exécution du plan jusqu'à son terme contrarie le jugement ayant adopté ledit plan.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), applicable aux faits de l'espèce, comme sous celui de la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le Code de commerce prévoit que le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous. Observons que le pourvoi avait, à tort, évoqué des "dispositions applicables à tous", formule utilisée depuis la loi de sauvegarde en matière d'adoption du plan de cession, non pour le plan de sauvegarde ou de redressement. L'opposabilité du plan à tous oblige les créanciers à en respecter les dispositions. A l'opposabilité du jugement à tous, correspond, sauf exception posée par la loi, une opposabilité du jugement par tous (4). Ainsi, une commune peut se prévaloir du jugement arrêtant le plan pour reprocher au chef d'entreprise une délocalisation de l'activité contraire au plan (5).

Mais, pour que le plan puisse être opposé par le débiteur à une personne, encore faut-il que cette dernière, par son action, contrarie les dispositions du plan. Ce sont en effet les dispositions du plan qui sont opposables. Dès lors que l'acte en cause accompli par un tiers ne contrarie aucune disposition du plan, il ne peut être interdit. En l'espèce, si d'évidence le fait pour le bailleur rural de délivrer le congé avec refus de renouvellement est de nature à empêcher l'exécution du plan, ce fait ne contrarie aucune disposition du plan.

Le débiteur, son conseil, ou son administrateur aurait été avisé de demander au bailleur de s'engager sur la durée du plan.

La solution est bien connue en matière de concours bancaires. L'incidence de l'engagement du banquier doit être exactement mesurée. En s'engageant sur la durée du plan, il a pris un engagement à durée déterminée, alors qu'éventuellement il était lié au débiteur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Cela a une incidence sur ses possibilités de rupture des concours. Le banquier ne peut plus utiliser l'article L. 313-12, alinéa 1er, du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2507IX7, anciennement loi du 24 janvier 1984, art. 60, al. 1er), qui prévoit la résiliation des concours à durée indéterminée après respect d'un préavis (6). Il ne pourra se dégager, en phase d'exécution du plan, que par le recours à l'alinéa 2 de l'article L. 313-12 de ce code (anciennement loi du 24 janvier 1984, art. 60, al. 2). Il devra donc prouver soit l'existence d'un comportement gravement répréhensible du débiteur, soit la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise. Il ne pourra évidemment en être ainsi au lendemain de l'arrêté du plan, la notion de situation irrémédiablement compromise s'entendant de la situation d'une entreprise vouée à la liquidation judiciaire. En revanche, en cours d'exécution du plan, si la résolution du plan est proche, il pourra soutenir qu'il y a situation irrémédiablement compromise. On sait en effet que la résolution du plan conduira au prononcé de la liquidation judiciaire. Depuis la loi de sauvegarde des entreprises, il faudra cependant que la résolution du plan s'accompagne de l'état de cessation des paiements du débiteur (C. com., art. L. 626-27, I, al. 2 N° Lexbase : L7300IZE).

De la même façon, en obtenant du bailleur rural un engagement sur la durée du plan, ce dernier n'aurait pu délivrer le congé pour le motif que le preneur aurait atteint l'âge de la retraite.

Par cet engagement sur la durée du plan, le cocontractant renonce à se prévaloir de la possibilité offerte par la convention ou par la loi de se délier du contrat avant la fin de l'exécution du plan.

Mais, précisons immédiatement, que la règle selon laquelle le contrat continué pendant le plan de sauvegarde ou de redressement se continue aux conditions légales et contractuelles intéressant ledit contrat oblige évidemment le débiteur ou son administrateur à obtenir du partenaire contractuel l'engagement sur la durée du plan. Un tribunal commettrait un excès de pouvoir à imposer le maintien de la relation contractuelle sur la durée du plan. Le bailleur, qui n'est pas partie au jugement d'adoption du plan de sauvegarde ou de redressement, aurait qualité et intérêt à formuler à l'encontre de la disposition d'un tel jugement une tierce-opposition. Cette dernière n'étant pas fermée, depuis la loi de sauvegarde, à l'encontre des jugements d'adoption de plan de sauvegarde ou de redressement, il serait question d'une tierce-opposition réformation, non d'une tierce-opposition nullité.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du master 2 Droit des difficultés d'entreprise, membre du CERDP (EA 1201)

  • Possibilité pour le débiteur de soulever devant la cour d'appel un motif de contestation différent de celui présenté devant le juge-commissaire (Cass. com., 19 mai 2015, n° 14-14.395, F-P+B N° Lexbase : A5279NID ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0614EXZ)

Dès lors que le passif du débiteur est vérifié, les déclarations de créance reçues par le mandataire judiciaire seront éventuellement contestées. Il appartient alors au juge-commissaire de statuer, par ordonnance, sur les contestations de créances. Les ordonnances statuant sur les créances déclarées seront susceptibles d'un appel de la part du débiteur -qui même dessaisi, conserve un droit propre à exercer une voie de recours sur la décision d'admission (7)-, de la part du mandataire judiciaire ou du liquidateur, ou encore de la part du créancier (8). Devant la cour d'appel, un nouveau motif de contestation de créances, non mentionné dans le courrier de contestation de créances et non invoqué devant le juge-commissaire, pourra-t-il être soulevé ? Telle est l'importante question pratique tranchée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mai 2015, appelé à la publication au Bulletin.

Dans l'espèce rapportée, un créancier avait déclaré sa créance à titre privilégié. Ce caractère privilégié avait été contesté par le débiteur via le mandataire judiciaire qui avait proposé au juge-commissaire l'admission de la créance à titre chirographaire. Le juge-commissaire avait cependant prononcé l'admission de cette créance à titre privilégié. Appel avait été formé de cette ordonnance par la société débitrice qui concluait alors, devant le juge d'appel, non plus au caractère chirographaire de la créance mais à l'annulation de la clause du contrat de prêt portant sur les intérêts. La Chambre commerciale de la cour d'appel de Metz avait alors, par arrêt du 21 janvier 2014 (9), déclaré la demande du débiteur irrecevable en retenant que cette contestation n'avait pas été soumise au juge-commissaire. Sur le pourvoi du débiteur, la Chambre commerciale a cassé l'arrêt d'appel en jugeant qu'"en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société [le débiteur], par l'intermédiaire du mandataire judiciaire, avait contesté la créance de la caisse [le créancier], de sorte que, peu important le motif de cette contestation, elle est irrecevable à invoquer devant la cour d'appel un autre motif de contestation, la cour d'appel a violé [l'article L. 624-3 du Code de commerce N° Lexbase : L3982HB4]".

La Cour de cassation, confirmant sa jurisprudence (10), juge ici très clairement que le débiteur peut invoquer devant la cour d'appel un nouveau motif de contestation (I) à condition, toutefois, d'avoir initialement contesté la créance (II).

I - Possibilité pour le débiteur d'invoquer en appel un nouveau motif de contestation de créance...

Il résulte des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0394IGP) que les parties ne peuvent soumettre de nouvelles prétentions à la cour d'appel. Cette règle s'explique essentiellement par l'existence au profit de tout plaideur du bénéfice du double degré de juridiction. Ainsi, la demande soumise à l'examen de la cour d'appel doit-elle, par principe, avoir été soumise à un premier examen. Se fondant sur cette règle, la cour d'appel de Metz avait, en l'espèce, considéré que la demande du débiteur tendant à l'annulation de la clause du contrat de prêt portant sur les intérêts était irrecevable dès lors que cette contestation n'avait pas été soumise à un premier juge, en l'occurrence le juge-commissaire. Le juge d'appel avait, par là même, considéré qu'il était en présence d'une demande nouvelle, irrecevable à ce titre en cause d'appel. Or, tel n'était pas le cas car ce nouveau motif de contestation ne constituait pas une demande nouvelle, mais seulement un moyen nouveau qui, contrairement à la demande nouvelle, est autorisé par l'article 563 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6716H7U).

Il n'a a pas lieu de jeter brutalement la pierre au juge d'appel tant est délicate la distinction entre la demande nouvelle et le moyen nouveau. Le législateur ne donne, hélas, aucune définition de la demande ou de la prétention nouvelle et il faut se tourner vers la doctrine processualiste pour lire qu'une prétention détermine le litige (11) et qu' "une prétention n'est pas nouvelle, si elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, même si son fondement juridique est différent" (12).

Ainsi, le plaideur ne peut-il pas former de prétention nouvelle, c'est-à-dire une nouvelle demande, en appel, mais peut tout à fait changer son argumentation devant la cour d'appel afin d'obtenir gain de cause.

Au cas particulier soumis à la Chambre commerciale dans l'arrêt rapporté, la prétention est constituée par la contestation de la créance qui ne doit pas être confondue avec le motif de celle-ci. Les parties ne pouvant soumettre de nouvelles prétentions à la cour d'appel, le débiteur ou le mandataire de justice ne peut pas contester une créance pour la première fois devant elle. En revanche, dès lors qu'ils ont contesté la créance et que cette contestation a été soumise à un premier juge (le juge-commissaire), il leur est loisible d'invoquer devant la cour d'appel une nouvelle argumentation tendant aux mêmes fins et ainsi développer un nouveau motif supportant la contestation.

Pour cela, encore faut-il que le nouveau motif invoqué à l'appui de la contestation de créance le soit par la partie qui est à l'origine de la contestation, c'est-à-dire l'auteur intellectuel de la contestation de créances.

II - ...à condition d'être l'auteur intellectuel de la contestation de créance

La contestation de créances peut intellectuellement émaner de différentes personnes. Elle peut émaner du débiteur (13) ou de l'administrateur judiciaire ayant mission d'administration qui fera alors part au mandataire de son souhait de contester. La contestation pourra également émaner du mandataire judiciaire (ou, le cas échéant, du liquidateur judiciaire). Quel que soit l'auteur intellectuel de la contestation, il appartiendra au mandataire ou, le cas échéant, au liquidateur, d'en aviser le créancier, en application de l'article L. 622-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L7291IZ3).

A la lecture de l'arrêt du 19 mai 2015, il apparaît que le débiteur ne sera recevable à invoquer devant la cour d'appel un autre motif de contestation que s'il avait été à l'origine de la contestation de la créance portée devant le juge-commissaire. En effet, les Hauts magistrats prennent le soin de souligner que le débiteur, par l'intermédiaire du mandataire judiciaire, avait contesté la créance de la banque, ce qui justifie que l'entreprise débitrice était recevable à invoquer devant la cour d'appel un autre motif de contestation. Cela nous conduit à souligner alors l'importance tenant au fait que le courrier de contestation de créance -qui est, rappelons-le, systématiquement adressé au créancier par le mandataire judiciaire, en application de l'article L 622-27 du Code de commerce- mentionne l'auteur intellectuel de la contestation. Il est essentiel que puisse être parfaitement établi si le mandataire judiciaire n'a été que le relais du débiteur ou s'il a, au contraire, de sa propre initiative, procédé à cette contestation. Dans le premier cas, le débiteur pourra invoquer en cause d'appel un nouveau motif de contestation de créances au soutien de la contestation qu'il avait initiée. Dans le second cas, la demande du débiteur tendant à la contestation de la créance devant la cour d'appel devra être déclarée irrecevable, car il n'aura pas contesté la créance devant le premier juge (le juge-commissaire).

Si le courrier de contestation adressé par le mandataire judiciaire ne fait pas état de l'auteur intellectuel de la contestation, celle-ci semble devoir être réputée initiée par le mandataire judiciaire lui-même, de sorte que, lui seul, pourra, devant le juge d'appel, invoquer un nouveau motif de contestation. Si dans cette hypothèse, le débiteur songe à un nouvel argument pour contester la créance, il devra nécessairement demander au mandataire judiciaire de le faire sien devant la cour d'appel.

Comme l'a relevé un auteur (14), sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005, une difficulté surgit lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance car celle-ci ne semble pas être une véritable contestation au sens de l'article L. 622-27 du Code de commerce. La contestation semble en effet être réservée aux discussions relatives au fond du droit, c'est-à-dire à l'existence, la nature ou le montant de la créance, et non pas à celles portant sur la régularité de la déclaration de la créance (15). On considère en effet, en jurisprudence, que le courrier du mandataire judiciaire qui conteste la régularité de la déclaration de la créance n'est pas une véritable contestation de créance, de sorte que, si aucune réponse n'y est apportée, cela n'a pas pour effet de priver le créancier de la possibilité d'interjeter appel de l'ordonnance du juge-commissaire. Cette position jurisprudentielle a ultérieurement été relayée par l'ordonnance du 12 mars 2014 (ordonnance n° 2014-326 [LXB= L7194IZH]) qui a modifié l'article L. 622-27 qui précise désormais que "le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire [texte d'origine], à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances [texte ajouté par l'ordonnance du 12 mars 2014]".

Force est également de constater que la discussion portant sur la régularité de la déclaration de créance constitue une fin de non-recevoir. Si elle est admise, elle a pour effet de rendre irrecevable la déclaration de créance, ce qui entraîne son inopposabilité à la procédure collective. En revanche, la véritable contestation de créance tend au rejet partiel ou total de la créance. Elle touche donc à l'existence même de la créance et si elle est admise, entraîne l'extinction de la créance. Ces deux types de prétentions sont donc bien différents puisqu'ils ne tendent pas aux mêmes fins. Il pourrait donc être soutenu que, si une discussion ne s'élève devant le juge-commissaire que sur la régularité de la déclaration de créance, il serait impossible pour le débiteur comme pour le mandataire judiciaire d'élever une véritable contestation de créance devant le juge d'appel statuant sur le recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire, dans la mesure où il s'agirait alors véritablement d'une demande nouvelle et non pas simplement d'un moyen nouveau. Mais indiquons immédiatement au lecteur que telle n'est cependant pas la position adoptée par la Chambre commerciale qui a récemment jugé que ne constitue pas une demande nouvelle le fait d'invoquer pour la première fois en cause d'appel une discussion sur la régularité de la déclaration de créance alors que, dans un premier temps, la créance avait été discutée sur le fond (en l'occurrence sur le montant du capital emprunté) (16).

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201)


(1) CA Angers, 8 octobre 2013, n° 12/02219 (N° Lexbase : A5290KMU).
(2) CA Paris, 15ème ch., sect. A, 17 novembre 1998, Act. proc. coll., 1999/3, n° 38.
(3) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 8ème éd., 2015/2016 n° 515.45.
(4) D. Vidal, Droit des procédures collectives, 2ème éd., "Manuels", Gualino, 2009, n° 424.
(5) Cass. com., 28 mars 2000, n° 98-12.074, publié (N° Lexbase : A9312AT3), Bull. civ. IV, n° 73 ; D., 2000, AJ 210, obs. A. Lienhard ; RTDCiv., 2000. 835, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTDCom., 2000, 727, obs. J.-L. Vallens ; RTDCcom., 2001, 222, obs. C. Saint-Alary-Houin.
(6) Cass. com., 14 février 1989, n° 87-14.564, inédit (N° Lexbase : A5424A4N), RTDCom., 1989, 506, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié ; RJ com., 1990, 356, note J.-M. Calendini.
(7) Cass. com., 28 juin 1994, n° 92-14.962, inédit (N° Lexbase : A6673C4W), Rev. proc. coll., 1995, 313, n° 9, obs. Dureuil ; Cass. com., 15 février 2000, n° 97-20.749, inédit (N° Lexbase : A5431A4W), Act. proc. coll., 2000/7, n° 84 ; Cass. com., 1er octobre 2002, n° 99-16.399, F-D (N° Lexbase : A9153AZZ).
(8) Etant précisé que l'appel est cependant fermé au créancier qui n'aurait pas répondu au courrier de contestation de créance dans le délai de 30 jours mentionné à l'article L. 622-27 (N° Lexbase : L7291IZ3) dès lors que la créance aurait été admise par le juge-commissaire dans les termes de la proposition du mandataire judiciaire (C. com., art. L. 622-27).
(9) CA Metz, 21 janvier 2014, n° 11/01122 (N° Lexbase : A9022KTC).
(10) Cass. com., 4 février 2003, n° 99-17.859, FS-P (N° Lexbase : A8982A4G), Act. Proc. Coll., 2003/7, n° 81
(11) V. R. Martin, Le double langage de la prétention, JCP, 1981, I, 3024 ; Le juge devant la prétention, D., 1987, chron. 35.
12) V. Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz Action, n° 541.281.
(13) V. solution implicite, Cass. com. 17 mai 2011, n° 10-17.210, F-D (N° Lexbase : A2593HST).
(14) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, préc. n° 683.14.
(15) Par exemple pour défaut de pouvoir du déclarant ou pour tardiveté de la déclaration.
(16) Cass. com., 5 mai 2015, n° 13-22.603, F-D (N° Lexbase : A7007NHY).

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Environnement

[Jurisprudence] Les droits des tiers face aux autorisations délivrées par le juge des installations classées

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 29 mai 2015, n° 381560, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7520NID)

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par Gaëlle Ezan, Avocat associé, Adamas

Le 18 Juin 2015

Par un avis du 29 mai 2015, le Conseil d'Etat dessine les contours d'une tierce-opposition ad hoc susceptible d'être formée lorsque le juge de plein contentieux des installations classées délivre, sur le fondement de l'article L. 514-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7529IRB), l'autorisation illégalement refusée par l'administration. Plusieurs associations de protection de l'environnement avaient formé une tierce-opposition à l'encontre d'un jugement ayant, après avoir annulé la décision de refus du préfet, délivré l'autorisation d'exploiter un centre de stockage de déchets non dangereux ultime ainsi qu'un centre de tri de déchets industriels. Cette tierce-opposition ayant été rejetée, les associations requérantes en ont saisi la cour administrative d'appel de Nantes qui, avant de statuer, a souhaité saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis (1).

Le Conseil d'Etat retient que les prérogatives étendues du juge de plein contentieux des installations classées (I) ne doivent pas faire échec à l'effectivité du droit au recours des tiers en matière d'environnement (II), qui s'exerce dans les mêmes conditions que celles prévues à l'égard des autorisations délivrées par l'administration (III).

I - Les vastes prérogatives du juge de plein contentieux des installations classées

1.1. En application de l'article L. 514-6 du Code de l'environnement, les décisions administratives de refus ou d'octroi des autorisations d'exploiter des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont soumises, lorsqu'elles sont contestées, à un contentieux de pleine juridiction (2).

Cette expression évoque l'ampleur des pouvoirs du juge administratif face aux actes administratifs qui lui sont soumis : s'il peut se contenter, en cas d'illégalité, d'annuler la décision comme en matière de contentieux d'excès de pouvoir, il peut également modifier cette décision ou en adopter une autre, et ainsi entièrement substituer son appréciation à celle de l'administration. L'étendue de cette faculté est exposée par le Conseil d'Etat dans son avis du 29 mai 2015 : "Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du Code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 (N° Lexbase : L2871IPZ). Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions".

1.2. Cette compétence très large a pour corollaire un strict encadrement de l'office du juge de plein contentieux, récemment rappelé en jurisprudence. Par un arrêt du 17 décembre 2014, le Conseil d'Etat a ainsi rappelé la règle d'or selon laquelle "il appartient au juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue". Il en déduit que lorsque l'autorité administrative adopte une nouvelle autorisation "définissant entièrement les conditions d'exploitation de l'installation et dépourvue de caractère provisoire, se substituant à l'autorisation initialement contestée", l'intervention de cette nouvelle autorisation "prive d'objet la contestation de la première autorisation, sur laquelle il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer" (3).

Cependant ce principe, propre aux règles de fond, ne s'étend pas aux règles de procédure : le juge de plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement doit continuer d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de sa délivrance. Selon un arrêt du Conseil d'Etat du 22 septembre 2014 (4), il en est ainsi des obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée. Fort de ses pleins pouvoirs, le juge peut cependant "prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées". Le Conseil d'Etat y apporte néanmoins une réserve : que ces irrégularités "n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population".

1.3. L'amplitude du réexamen réalisé par le juge de plein contentieux est d'importance, car comme l'indique le Conseil d'Etat dans son avis : "Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée".

L'autorité de chose jugée s'attache à ce qui a fait l'objet d'un jugement (5). Elle interdit aux parties de le remettre en cause, sinon par l'exercice des voies de recours ouvertes contre ce dernier.

En conséquence, lorsque le juge de plein contentieux délivre l'autorisation refusée par l'administration, cette autorisation ne peut être contestée qu'à l'occasion de l'exercice d'un recours juridictionnel, en appel ou en cassation, contre le jugement l'ayant octroyée. Les requérants ne peuvent utilement exciper de son illégalité à l'occasion d'un contentieux dirigé contre une mesure d'exécution prise par le préfet, telle que l'arrêté fixant les conditions d'exploitation de l'installation ainsi autorisée (6).

L'appel n'étant accessible qu'aux parties ou mis en cause devant le juridiction de la première instance, la seule voie de recours susceptible d'être ouverte aux tiers contre les décisions délivrées par le juge des installations classées est, par suite, celle de la tierce opposition.

II - La reconnaissance du droit de recours des tiers contre les autorisations délivrées par le juge des installations classées

2.1. En application de l'article R. 811-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L0564I8E), seules les parties "présente[s] dans une instance devant le tribunal administratif" ou "régulièrement appelée[s]" à celle-ci, peuvent interjeter appel à l'encontre de la décision juridictionnelle rendue dans cette instance.

Lorsque l'instance a été introduite par un exploitant contestant la décision de refus d'autorisation qui lui a été opposée par le préfet, les collectivités et les associations sur le territoire desquelles l'installation était projetée n'y sont pas présentes. Si le juge prononce l'annulation de la décision de refus et délivre l'autorisation sollicitée, elles n'ont aucune qualité pour interjeter un appel à l'encontre de ce jugement. Seule la voie de la tierce opposition pourrait leur être ouverte.

L'article R. 832-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3318ALH) exige cependant que le tiers justifie d'un droit lésé par la décision juridictionnelle à laquelle il entend s'opposer : "Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision".

En pratique, cette exigence conduit le juge à réserver cette voie de recours aux tiers qui auraient dû être appelés lors de l'instance (7).

2.2. Appliquée aux jugements par lesquels le juge des installations classées délivre l'autorisation refusée par l'administration, cette règle soulevait une difficulté.

L'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0406IPQ) consacre en effet le droit pour les "tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements" d'exercer un recours à l'encontre des autorisations relevant, précisément, du juge des installations classées (8).

L'impossibilité procédurale pour ces tiers intéressés d'agir contre les autorisations délivrées par le juge, serait venue priver d'effet utile ces dispositions.

Dans l'avis rapporté, le Conseil d'Etat surmonte cet obstacle en considérant que ces dispositions "impliquent le droit pour ceux-ci d'exercer également un recours lorsque l'autorisation, d'abord refusée par le préfet, est délivrée par le juge administratif du plein contentieux des installations classées".

Cette interprétation audacieuse le conduit à tenir en échec la rigueur de l'article R. 832-1 du Code de justice administrative, afin de garantir "le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement" : "Il résulte des dispositions de l'article R. 832-1 du Code de justice administrative que, pour former tierce opposition, une personne qui n'a été ni présente ni représentée à l'instance doit en principe justifier d'un droit lésé. Toutefois, afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du Code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, cette voie est, dans la configuration particulière où le juge administratif des installations classées, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer lui-même l'autorisation, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, dès lors qu'ils n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance".

Le Conseil d'Etat précise que cette tierce opposition peut être introduite lorsque le juge des installations classées, ayant délivré l'autorisation, a renvoyé le pétitionnaire devant l'administration pour la fixation des prescriptions applicables à l'installation. Elle peut être soutenue par tout moyen.

Faisant ainsi oeuvre constructive, le Conseil d'Etat substitue aux règles de recevabilité de la tierce opposition énoncées à l'article R. 832-1 du Code de justice administrative, celles régissant les recours dirigés contre les décisions rendues en matière d'installations classées en application de l'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement.

III - La création d'un mécanisme ad hoc de tierce-opposition régi par l'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement

Instaurant un mécanisme de tierce-opposition spécifique au contentieux des installations classées sur le fondement du droit au recours des tiers reconnu par l'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement, le Conseil d'Etat le soumet aux règles de recevabilité prévues par celui-ci.

D'une part, il précise que la tierce-opposition est ouverte "aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation", à la condition qu'ils n'aient pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance.

Cet intérêt s'apprécie ainsi au regard des "des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés L. 511-1 du Code de l'environnement" : pour "la commodité du voisinage", "la santé, la sécurité, la salubrité publiques", l'agriculture, "la protection de la nature, de l'environnement et des paysages", pour "l'utilisation rationnelle de l'énergie", ou "pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique".

D'autre part, il enferme cette tierce-opposition dans les délais prévus à l'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement.

Enrichissant encore ce dispositif ad hoc, "afin de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation", le Conseil d'Etat reconnaît au juge de plein contentieux ainsi qu'au préfet la faculté de mettre en oeuvre les mesures de publicité prévues par ces dispositions afin de faire courir les délais de recours contre l'autorisation délivrée par le juge : "En vue de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation, il est loisible au juge, lorsqu'il délivre une autorisation d'exploiter une installation classée, d'ordonner dans son jugement la mise en oeuvre des mesures de publicité prévues par le I de l'article R. 512-39 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1464ISZ). Le préfet peut également décider la mise en oeuvre de ces mesures portant sur une autorisation délivrée par le juge administratif. Lorsque la publicité prescrite par le juge ou ordonnée par le préfet a été assurée, les tiers ne sont plus recevables à former tierce opposition au jugement après écoulement des délais prévus par les dispositions de l'article R. 514-3-1 du Code de l'environnement".

Depuis l'adoption du décret n° 2010-1701 du 30 décembre 2010 (N° Lexbase : L0040IP8), ce délai est d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions, et étendu à six mois après la mise en service de l'installation si celle-ci n'est pas intervenue six mois après l'accomplissement de ces formalités.

En conclusion, le Conseil d'Etat a ici procédé à une audacieuse entreprise de construction d'un mécanisme de tierce-opposition ad hoc, justifié par la nécessité de coordonner les prérogatives reconnues, respectivement, au juge et aux tiers dans le contentieux des installations classées.

La logique de cet édifice paraît implacable et ses motifs sont louables. Ses fondements juridiques suscitent cependant l'interrogation : s'il invoque les grands principes que sont l'effectivité du droit au recours et la sécurité juridique des bénéficiaires d'autorisations, le Conseil d'Etat n'en détourne pas moins le dispositif de tierce-opposition régi par l'article R. 832-1 du Code de justice administrative. Intérêt à agir spécifique, délai d'opposition : ni l'un ni l'autre ne sont prévus par le texte, dont le Conseil d'Etat relève justement qu'"aucune dérogation" n'y est apportée par le Code de l'environnement. C'est bien cette dérogation qui fait ici défaut et qui ne pouvait, comme le Conseil d'Etat le suggère, relever que du pouvoir réglementaire.


(1) Par application de l'article L.113-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2626ALT) : "Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai".
(2) Ce régime s'étend à l'ensemble des décisions visées par l'article L. 514-6 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7529IRB), dont la liste n'est cependant pas exhaustive (CAA Paris, 1ère ch., 20 septembre 2007, n° 04PA03383 (N° Lexbase : A6802DYL). Ce régime a d'ailleurs été étendu par l'article 8 de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, relatives aux autorisations uniques en matière d'ICPE (N° Lexbase : L8116IZM).
(3) CE 1° et 6° s-s-r., 17 décembre 2014, n° 364779, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2563M8G).
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 22 septembre 2014, n° 367889, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2964MX3).
(5) C. civ., art. 1351 (N° Lexbase : L1460ABP): "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité".
(6) Voir dans l'affaire ayant conduit le Conseil d'Etat a prononcé le présent avis : CE 1° et 6° s-s-r., 18 octobre 2013, n° 366508, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1299KNG).
(7) Voir, par ex., CE 1° et 4° s-s-r., 1er février 1993, n° 93350, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8355AME), p. 23 ; CE 5° et 7° s-s-r., 12 mai 2003, n° 229448, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0364B7M), p. 964.
(8) C. env., art. R. 514-3-1 : "les décisions mentionnées au I de l'article L. 514-6 (N° Lexbase : L7529IRB) et aux articles L. 211-6 (N° Lexbase : L2793ANR), L. 214-10 (N° Lexbase : L2815ANL) et L. 216-2 (N° Lexbase : L4487HW4) peuvent être déférées à la juridiction administrative [...] par les tiers, personnes physiques ou morales, les communes intéressées ou leurs groupements, en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 (N° Lexbase : L7743IMQ) et L. 511-1 (N° Lexbase : L2871IPZ) dans un délai d'un an à compter de la publication ou de l'affichage de ces décisions. Toutefois, si la mise en service de l'installation n'est pas intervenue six mois après la publication ou l'affichage de ces décisions, le délai de recours continue à courir jusqu'à l'expiration d'une période de six mois après cette mise en service".

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] La compatibilité de l'exonération des plus-values de cession des parts détenues par les associés d'une jeune entreprise innovante avec le principe d'égalité devant l'impôt

Réf. : Cons. const., 7 mai 2015, n° 2015-466 QPC (N° Lexbase : A5872NHX)

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par Florent Roemer, Docteur en droit de l'Université Paris II Panthéon-Assas, Ancien élève de l'Ecole nationale des impôts, Doyen de la Faculté de droit, économie et administration de Metz, et Membre de l'Institut François Gény (Université de Lorraine)

Le 18 Juin 2015

En 2005, une structure correspondant aux caractéristiques de jeune entreprise innovante au sens de l'article 44 sexies-0 A du CGI (N° Lexbase : L3974I3L) a été créée par Monsieur X. Celui-ci détenait 51,14 % des parts du capital de ladite société, en 2006. Toutefois, en raison d'une augmentation progressive de capital du fait du développement de la structure, cette part ne représentait plus que 17,13 % en 2011. Monsieur X a cédé ses parts à cette date et a souhaité bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévu en faveur de certaines plus-values de cession de droits ou de titres de jeunes entreprises innovantes (1). Or, l'administration fiscale a remis en question cette exonération dans la mesure où les conditions fixées par le législateur n'étaient pas remplies et a mis à la charge de Monsieur X des impositions supplémentaires qui ont été contestées devant le tribunal administratif de Limoges, le requérant présentant une question prioritaire de constitutionnalité relative à la compatibilité des conditions fixées par l'article 150-0 A du CGI avec le principe d'égalité devant l'impôt garanti par les articles 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 13 (N° Lexbase : L1360A9A) de la DDHC. Par une ordonnance en date du 16 décembre 2014 (TA Limoges, 16 décembre 2014, n° 1401939 N° Lexbase : A6897NB3), le vice-président du tribunal administratif de Limoges a transmis ladite question au Conseil d'Etat qui, dans une décision du 16 février 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 16 février 2015, n° 386505, inédit au recueil N° Lexbase : A4793NB7), l'a considérée comme suffisamment sérieuse pour qu'elle soit portée devant le Conseil constitutionnel (Cons. const., 7 mai 2015, n° 2015-466 QPC). La présente affaire conduit donc à s'interroger sur les conséquences du statut de jeune entreprise innovante (I) et sur la compatibilité de celui-ci avec le principe d'égalité devant l'impôt (II). I - Les conséquences du statut de jeune entreprise innovante

Pour bénéficier du statut spécifique de "jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement" (2), une structure doit être considérée comme une petite ou moyenne entreprise, elle doit avoir été créée depuis moins de huit ans et doit avoir réalisé des dépenses de recherche et de développement représentant au moins 15 % des charges totales engagées. Enfin, son capital doit avoir été détenu de manière continue à 50 % notamment par des personnes physiques, des associations ou fondations reconnues d'utilité publique à caractère scientifique ou des établissements publics de recherche et d'enseignement (3). Lorsqu'à la clôture d'un exercice, les conditions requises ne sont plus remplies, l'entreprise perd définitivement le bénéfice du régime applicable aux jeunes entreprises innovantes.

Le régime fiscal des jeunes entreprises innovantes, applicable aux entreprises créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013, prévoit notamment des exonérations en matière d'impôt sur les bénéfices et d'IFA, plafonnées à 100 000 euros par période de 36 mois. Ainsi, les résultats de ces entreprises sont exonérés totalement d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés au titre des trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires, puis exonérés à hauteur de 50 % au titre des deux exercices ou périodes d'imposition bénéficiaire suivants. Toutefois, contrairement à d'autres régimes fiscaux, celui applicable aux jeunes entreprises innovantes conduit à une exonération de cinq années de résultats bénéficiaires compris dans la période au titre de laquelle l'entreprise remplit les conditions requises, même si ces années ne sont pas consécutives. Les bénéfices exonérés s'entendent des bénéfices et plus-values après déduction des déficits reportables et des amortissements réputés différés, certains produits étant toutefois exclus de l'exonération (4). De manière générale, les modalités d'application de l'exonération des jeunes entreprises innovantes sont similaires à celles applicables aux régimes d'exonération des entreprises nouvelles ou des entreprises implantées en zone franche urbaine, mais il est à noter que le régime applicable aux jeunes entreprises innovantes n'est pas cumulable notamment avec les dispositifs d'exonération ou de crédit d'impôt applicables aux entreprises nouvelles (5), aux entreprises exerçant ou créant leur activité en zones franches urbaines (6) et aux entreprises exerçant ou créant leur activité en Corse (7). Toutefois, les jeunes entreprises innovantes peuvent prétendre au bénéfice du crédit d'impôt recherche (8).

Le législateur a également eu pour objectif de faciliter l'apport de fonds propres extérieurs, favorable à la création ou au développement des jeunes entreprises innovantes. C'est pourquoi a été créée l'exonération de tout impôt, hors prélèvements sociaux, des plus-values réalisées lors de la cession de parts ou d'actions d'une jeune entreprise innovante (9). Pour bénéficier de cette exonération, trois conditions doivent être remplies. D'une part, le cédant doit avoir souscrit les parts ou actions cédées à partir du 1er janvier 2004, le dispositif ne s'appliquant pas de manière rétroactive. D'autre part, le cédant doit avoir détenu les titres cédés pendant une période minimale de trois ans durant laquelle la société aura bénéficié du statut de jeune entreprise innovante. Enfin, le cédant ne doit pas avoir, avec son conjoint et leurs ascendants ou descendants, détenu directement ou indirectement par le biais d'une société interposée plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la jeune entreprise innovante et des droits de vote depuis la souscription des titres cédés. Ce plafond de 25 % est opposable durant toute la durée de détention des titres cédés et s'il est dépassé à un moment quelconque, le contribuable perd le droit à l'exonération des plus-values de cession sur ces titres.

Le législateur a voulu privilégier les investisseurs individuels intéressés par les perspectives de rendement de cet investissement et non par l'exercice d'un pouvoir au sein de la société concernée. C'est là le coeur de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 7 mai 2015.

II - L'application du principe d'égalité

L'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) prévoit que peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité une disposition qui porterait atteinte "aux droits et libertés que la Constitution garantit", figurant dans l'ensemble du bloc de constitutionnalité (10). En matière fiscale, la DDHC est la principale source de droit et libertés invocable. Peuvent être invoqués le principe d'égalité, comme c'est le cas en l'espèce, qui est composé du principe d'égalité devant la loi (11) et du principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques (12), la garantie des droits (13), le droit à un recours juridictionnel effectif (14), les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines (15) et le droit de propriété (16). Dans la présente affaire, le contribuable dénonce la différence de traitement entre les associés d'une jeune entreprise innovante. Selon lui, le fait que les associés bénéficient de l'exonération des plus-values en fonction de leur participation serait contraire au principe d'égalité fixé par les articles 6 et 13 de la DDHC.

Le système de la QPC repose sur un double filtre : l'un du fait de la transmission par le juge a quo, l'autre du fait du renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation vers le Conseil constitutionnel. Le filtrage est effectué conformément à trois critères cumulatifs : d'une part, la disposition contestée doit être applicable au litige, d'autre part, la disposition ne doit pas avoir été déclarée conforme à la Constitution, enfin, la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux devant le juge a quo et doit être nouvelle ou sérieuse devant le Conseil constitutionnel. Concrètement, l'appréciation du caractère sérieux consiste pour les juges du fond à apprécier si les griefs invoqués à l'encontre de la disposition législative contestée sont pertinents. Il est à noter, toutefois, que ce n'est pas parce que les cours statuent dans le sens d'une non-transmission de la question pour défaut de caractère sérieux que cette décision induit la constitutionnalité de la disposition contestée. Une autre question ultérieurement présentée pourrait être transmise au Conseil constitutionnel. En l'espèce, le Conseil d'Etat, dans sa décision du 16 février 2015, a considéré la question suffisamment sérieuse : "le moyen tiré de ce que la condition posée par les dispositions du 3° de ne pas avoir détenu plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote depuis la souscription des titres porte atteinte aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la DDHC de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux".

Comme déjà rappelé, l'affirmation du principe d'égalité résulte de l'application des articles 6 et 13 de la DDHC et constitue une des principales garanties offertes par la Constitution. En matière fiscale, ce principe entre clairement en contradiction avec le fait que l'impôt est par "essence inégalitaire" (17) et qu'"il est ainsi dans la nature du texte [fiscal] de porter atteinte au principe d'égalité" (18). En outre, la constante mutation de la matière fiscale et la mise en oeuvre continuelle de nouveaux dispositifs conduit inévitablement à s'interroger sur la conformité de ceux-ci au principe d'égalité. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel fonde la plupart de ses décisions en matière fiscale sur l'article 6 et l'article 13 de la DDHC : il procède à une comparaison entre la situation des contribuables, du fait du principe d'égalité devant la loi fiscale, et apprécie la situation de chaque contribuable prise isolément, du fait du principe d'égalité devant les charges publiques.

Lorsqu'il fait application de l'article 6 de la DDHC, le Conseil constitutionnel énonce le considérant de principe suivant : "aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse" ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l 'établit. Dans ces conditions, il est possible d'instaurer des dispositifs, en matière fiscale, qui conduisent à traiter différemment des situations différentes et à traiter de manière identique des situations différentes. En revanche, il n'est pas possible d'instaurer un traitement différent à des situations identiques sauf si des raisons d'intérêt général le justifient et dans la mesure où cela reste conforme à l'objet de la loi (19). Le Conseil constitutionnel considère qu'un dispositif est conforme à la Constitution même si ledit dispositif s'applique à des situations différentes et il importe peu que les contribuables placés dans une situation différente fassent ou non l'objet d'un traitement identique (20). De manière plus rare, le Conseil constitutionnel est saisi d'affaires concernant des dispositifs fiscaux différents qui s'appliquent à des situations identiques (21).

Conformément aux dispositions de l'article 13 de la DDHC, le principe d'égalité devant les charges publiques ne peut être écarté que si la différence de traitement appliquée aux contribuables est fondée sur des critères objectifs, rationnels et conformes aux buts fixés par le législateur. C'est pourquoi, le Conseil constitutionnel est souvent obligé de se référer aux travaux parlementaires afin de déterminer l'intention du législateur (22). Ainsi, il est à noter que le Conseil constitutionnel considère que l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale peut permettre l'instauration par le législateur d'un traitement différencié qui n'est donc pas considéré comme une atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, à condition que soit intégrée une clause de sauvegarde permettant au contribuable de prouver qu'il n'a pas eu pour objectif de se soustraire à l'impôt (23). Enfin, afin de faire respecter le principe d'égalité devant les charges publiques, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur doit prendre en considération les capacités contributives du contribuable.

En l'espèce, le Conseil constitutionnel a rappelé son considérant de principe relatif à l'égalité devant la loi (cons. 3) et son considérant de principe relatif à l'égalité devant les charges publiques lorsqu'est en cause un avantage fiscal (cons. 4). Il s'est référé aux travaux parlementaires pour établir que le législateur avait eu pour objectif de faire porter l'exonération sur les apporteurs de capitaux, c'est à dire sur les personnes qui ne participent pas à la gestion de la jeune entreprise (24). Le législateur a voulu favoriser les personnes qui encouragent le développement d'une jeune entreprise innovante en lui fournissant les moyens financiers nécessaires, mais qui n'ont pas d'influence sur son activité. Le législateur "s'est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi" (cons. 5). C'est pourquoi le Conseil constitutionnel a prononcé une décision de conformité, considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun droit garanti par la Constitution.


(1) CGI, art. 150-0 A (N° Lexbase : L4977I7H).
(2) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de finances pour 2004, art. 13 (N° Lexbase : L6348DM3) ; CGI, art. 44 sexies-0 A.
(3) BOFIP-BIC-CHAMP-80-20-20-10, 29 août 2014, § 9 (N° Lexbase : X8474ALG).
(4) BOFIP-BIC-CHAMP-80-20-20-20, 29 août 2014, § 100 (N° Lexbase : X7496AL9).
(5) CGI, art. 44 sexies (N° Lexbase : L7765I84).
(6) CGI, art. 44 octies (N° Lexbase : L7764I83).
(7) CGI, art. 44 decies (N° Lexbase : L5601H9C).
(8) CGI, art. 244 quater B (N° Lexbase : L7802I8H).
(9) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de finances pour 2004, art. 13 IV.
(10) V. Restino, Les aspects procéduraux de la QPC, Dr. fisc., n° 13, 26 mars 2015, 234.
(11) DDHC, art. 6 ; Cons. const., 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC (N° Lexbase : A6283EXY) ; Cons. const., 6 juin 2014, n° 2014-400 QPC (N° Lexbase : A0200MQH) ; Cons. const., 20 juin 2014, n° 2014-404 QPC (N° Lexbase : A6294MRK).
(12) DDHC, art. 6 et art. 13 ; Cons. const., 17 septembre 2010, n° 2010-28 QPC (N° Lexbase : A4759E97) ; Cons. const., 26 novembre 2010, n° 2010-70 QPC (N° Lexbase : A3870GLW) ; Cons. const., 21 janvier 2011, n° 2010-88 QPC (N° Lexbase : A1521GQE) ; Cons. const., 20 septembre 2013, n° 2013-340 QPC (N° Lexbase : A4337KL9) ; Cons. const., 19 septembre 2014, n° 2014-413 QPC (N° Lexbase : A6204MWP) ; Cons. const., 19 septembre 2014, n° 2014-417 QPC (N° Lexbase : A6205MWQ) ; Cons. const., 14 novembre 2014, n° 2014-425 QPC (N° Lexbase : A0177M3X) ; Cons. const., 28 novembre 2014, n° 2014-431 QPC (N° Lexbase : A3791M48) ; Cons. const., 15 janvier 2015, n° 2014-436 QPC (N° Lexbase : A1942M9S) ; Cons. const., 20 janvier 2015, n° 2014-437 QPC (N° Lexbase : A4823M9I).
(13) DDHC, art. 16 (N° Lexbase : L1363A9D) ;Cons. const., 10 décembre 2010, n° 2010-78 QPC (N° Lexbase : A7113GME) ; Cons. const., 28 mars 2013, n° 2012-298 QPC (N° Lexbase : A0762KBT) ; Cons. const., 7 mars 2014, n° 2013-371 QPC (N° Lexbase : A3293MG3) ; Cons. const., 5 décembre 2014, n° 2014-435 QPC (N° Lexbase : A8231M4M).
(14) DDHC, art. 16 ; Cons. const., 23 septembre 2011, n° 2011-166 QPC (N° Lexbase : A9486HXM).
(15) DDHC, art. 8 (N° Lexbase : L1372A9P) ;Cons. const., 10 décembre 2010, n° 2010-72/75/82 QPC (N° Lexbase : A7111GMC) ; Cons. const., 30 mars 2012, n° 2012-225 QPC (N° Lexbase : A8573IGM) ; Cons. const., 8 octobre 2014, n° 2014-418 QPC (N° Lexbase : A9167MXS).
(16) DDHC, art. 2 (N° Lexbase : L1366A9H) et art. 17 (N° Lexbase : L1364A9E) ;Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC (N° Lexbase : A9571EZI).
(17) O. Fouquet, Le Conseil constitutionnel et le principe d'égalité devant l'impôt, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, octobre 2011, n° 33.
(18) Cons. const., 3 juillet 1986, n° 86-209 DC (N° Lexbase : A8136ACC).
(19) R. Torlet et M. Valeteau, La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au principe d'égalité depuis l'institution de la QPC, Dr. fisc., n° 13, 26 mars 2015, 231.
(20) Cons. const., 28 juin 2013, n° 2013-330 QPC (N° Lexbase : A7735KHX) ; Cons. const., 13 décembre 2012, n° 2012-659 DC (N° Lexbase : A8300IY3) ; Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC (N° Lexbase : A6288IZW) ; Cons. const., 14 novembre 2014, n° 2014-425 QPC ; Cons. const., 29 décembre 2013, n° 2013-685 DC (N° Lexbase : A9152KSR).
(21) Cons. const., 6 août 2014, n° 2014-698 DC (N° Lexbase : A8365MUD).
(22) Cons. const., 13 décembre 2012, n° 2012-659 DC (N° Lexbase : A8300IY3) ; Cons. const., 19 septembre 2014, n° 2014-417 QPC.
(23) Cons. const., 23 juillet 2010, n° 2010-16 QPC (N° Lexbase : A9194E4B) ; Cons. const., 20 janvier 2015, n° 2014-437 QPC (N° Lexbase : A4823M9I).
(24) Compte rendu des débats de la séance du 24 novembre 2003 : Journal officiel Débats Sénat.

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Fiscalité des particuliers

[Brèves] Réduction d'impôt pour les investissements dans les DOM : hypothèses de l'absence et de la rupture d'engagement

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 8 juin 2015, n° 376861, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9023NKE)

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N7948BUW

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Le 23 Juin 2015

La réduction d'impôt pour les contribuables investissant dans les DOM est soumise au respect de certains engagements (CGI, art. 199 undecies A N° Lexbase : L5234IZU). Par conséquent, dans le cas où le contribuable n'a pas souscrit les engagements en cause, les réductions d'impôt sur le revenu qu'il a pratiquées font l'objet d'une reprise annuelle jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant chacune de celles au titre de laquelle l'intéressé a bénéficié de cet avantage fiscal, en application de la règle de droit commun prévue à l'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L9777I3I). De plus, aux termes du 7 de l'article 199 undecies A du CGI : "En cas de non-respect des engagements [...], la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités". Ainsi, dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. Celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 8 juin 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 8 juin 2015, n° 376861, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9023NKE). En l'espèce, un contribuable a un logement sur lequel il a pratiqué, au titre des années 2003 à 2007, des réductions d'impôt pour investissement immobilier dans les DOM prévue à l'article 199 undecies A du CGI. L'administration fiscale, ayant constaté qu'il ne présentait aucun document formalisant l'engagement d'affectation à l'habitation principale requis par ce dispositif et aucun justificatif attestant qu'il avait effectivement établi dans ce logement sa résidence principale, a procédé à la reprise globale, au titre de l'année 2007, de l'ensemble des réductions dont avait bénéficié l'intéressé. Le Conseil d'Etat a alors donné raison à l'administration en indiquant, selon la solution dégagée, qu'elle était en droit, dans l'hypothèse d'une absence d'engagement, de reprendre les réductions d'impôt pratiquées postérieurement à cette année, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant chacune de celles au titre de laquelle le contribuable avait bénéficié de l'avantage fiscal .

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Hygiène et sécurité

[Jurisprudence] Obligation de sécurité de résultat et tabagisme passif

Réf. : Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324, F-D (N° Lexbase : A2337NKR)

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N7880BUE

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 18 Juin 2015

Selon des études de l'Organisation mondiale de la santé, le tabagisme passif serait responsable de 600 000 décès par an dans le monde (Tabagisme - Aide-mémoire, n° 339 [archive], juillet 2013), dont 5 000 en France. Il constitue également un facteur d'aggravation de différentes pathologies à tout âge, singulièrement cardiovasculaires, et est à l'origine de certains cancers, notamment des voies respiratoires. Le cadre réglementaire actuel, applicable dans les entreprises, résulte du décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006 (N° Lexbase : L4959HTT), pris en application de l'article L. 3511-7 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L6713HNX), qui a renforcé la lutte contre le tabagisme professionnel (circulaire du 29 novembre 2006 relative à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif N° Lexbase : L6729HTE). Dans un arrêt en date du 3 juin 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation s'inscrit dans ce courant en consacrant l'intégration des obligations pesant sur l'employeur à son obligation de sécurité de résultat (I), tout en se montrant extrêmement stricte sur les conditions de son exonération (II).
Résumé

L'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en matière d'exposition au tabagisme passif en produisant un document manuscrit réalisé par la salariée pour son entretien annuel d'évaluation, d'où il résulte que celle-ci était très satisfaite de ses conditions de travail, qu'elle dépeignait une bonne ambiance d'équipe et de bonnes relations avec l'employeur, et ne se plaignait en aucune façon de tabagisme passif ou de froid, alors qu'elle émettait des observations sur le bruit, que l'employeur précise qu'elle accompagnait ses collègues lors des pauses cigarette dans le garage, alors qu'elle n'y était nullement obligée, que sa présence dans le cabinet était extrêmement réduite, et qu'au vu du certificat médical produit, ses arrêts étaient motivés par une tendinopathie calcifiante, affection sans aucun lien avec un tabagisme passif.

Commentaire

I - L'obligation de sécurité de résultat en matière de lutte contre le tabagisme

L'interdiction de fumer dans l'entreprise. L'interdiction de fumer dans l'entreprise résulte de l'article R. 3511-1, 1° du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7948HZE), aux termes duquel "l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique [...] dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail". Des "zones fumeurs" peuvent être prévues, dans les conditions précisées par le même code, après consultation du CHSCT ou, à défaut, des délégués du personnel, ainsi que du médecin du travail (1).

Ces dispositions viennent s'ajouter et s'articuler avec celles présentes dans le Code du travail, comme le rappelle, d'ailleurs, l'article R. 3511-7 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7954HZM) : "les dispositions de la présente section s'appliquent sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'hygiène et à la sécurité, notamment celles du titre III du livre II du Code du travail".

C'est la figure de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui a permis d'intégrer les obligations pesant sur l'employeur en matière de prévention et de lutte contre le tabagisme, tant actif que passif (2). La Cour de cassation a, ainsi, pu affirmer, à partir de 2010, que le salarié exposé au tabagisme dans des conditions contraires aux dispositions réglementaires applicables pouvait en tirer argument pour prendre acte, aux torts de l'employeur, de la rupture de son contrat de travail (3).

C'est bien le non-respect des dispositions réglementaires qui expose l'employeur à voir sa responsabilité engagée, et non l'existence d'un dommage corporel lié à l'exposition au tabac (4). Si le salarié subit, par ailleurs, une affection liée à cette exposition, et que celle-ci n'est pas prise en charge au titre des maladies professionnelles, il pourra obtenir réparation auprès de son employeur (5).

Quant au fumeur indélicat, il s'expose à un licenciement pour faute grave (6).

Ce sont ces règles qui se trouvent ici confirmées.

Les faits. Une salariée avait été engagée en avril 2005 comme dessinatrice. Après avoir été placée en arrêt maladie, elle avait été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail, en mai 2011. Licenciée en juin pour impossibilité de reclassement, elle avait saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail, singulièrement d'une demande en réparation du préjudice subi pour tabagisme passif (à hauteur de 15 000 euros).

Pour débouter la salariée de cette demande, la cour d'appel avait considéré qu'il résultait du document manuscrit particulièrement détaillé et spontané, réalisé pour son entretien d'évaluation en mars 2010, que la salariée était très satisfaite de ses conditions de travail, qu'elle dépeignait une bonne ambiance d'équipe et de bonnes relations avec l'employeur, et ne se plaignait en aucune façon de tabagisme passif ou du froid, alors qu'elle émettait des observations sur le bruit, que l'employeur précise qu'elle accompagnait ses collègues lors des pauses cigarette dans le garage, alors qu'elle n'y était nullement obligée, que sa présence dans le cabinet était extrêmement réduite, se comptant en jours, à compter d'octobre 2010, et qu'au vu du certificat médical produit, ses arrêts étaient motivés par une tendinopathie calcifiante, affection sans aucun lien avec un tabagisme passif.

Cet arrêt est, sur ce point, cassé, au visa de l'article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3097INZ), la Haute juridiction considérant que la cour d'appel s'était prononcée par des motifs impropres à exonérer l'employeur de sa responsabilité en matière d'exposition de la salariée au tabagisme passif.

II - L'impossible exonération de l'employeur

Cadre juridique applicable. La figure de l'obligation de sécurité de résultat créée à la charge de l'employeur une responsabilité de plein droit qui ne peut en principe céder que devant la preuve d'un cas de force majeure (7). En pratique, la Cour de cassation n'a jamais admis pareille exonération (8) ; elle a, par exemple, écarté toute force majeure pour l'agression d'une salariée par le conjoint de son employeur (9).

Lorsqu'est en cause la rupture du contrat de travail, toutefois, la donne a changé depuis 2014, et la redéfinition des conditions de la prise d'acte, par le salarié, de la rupture de son contrat de travail (10), dans la mesure où seule les fautes empêchant la poursuite de l'exécution du contrat de travail du salarié, seront prises en compte, et non toute atteinte à l'obligation de sécurité de résultat, comme c'était le cas avant (11). C'est ainsi que, dans un arrêt en date du 23 septembre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation a refusé de considérer comme justifiée la demande de résolution judiciaire de son contrat de travail présentée par un salarié victime d'une agression sur son lieu de travail, après avoir relevé que l'employeur avait parfaitement géré la situation. Le rejet de la demande a été confirmé en appel par la Haute juridiction qui a souligné que la cour d'appel avait retenu "que l'employeur avait respecté l'ensemble de ses obligations en procédant avec diligences à la déclaration d'accident du travail dès qu'il en avait été avisé, en portant plainte dès le 17 janvier 2008, en répondant au questionnaire de la caisse qui dans le cadre de son pouvoir propre d'appréciation avait décidé d'enquêter, en soumettant la salariée à l'examen médical de reprise le 13 juin 2008 et en tenant compte des préconisations du médecin du travail sous la forme de l'aménagement de son poste de travail" (12).

Ce nouvel arrêt montre, toutefois, que cet assouplissement ne vaut qu'en matière de responsabilité professionnelle de l'employeur, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de déterminer qui est responsable de la rupture du contrat de travail, et non lorsque le salarié met en cause la responsabilité civile de l'employeur, comme c'était le cas ici.

L'affaire. La salariée avait été ici licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, ce qu'elle contestait, imputant dans un premier temps la rupture de son contrat à un harcèlement dont elle disait avoir été victime. Après avoir été déboutée en première instance, elle avait changé son fusil d'épaule et invoqué, en appel, son exposition à du tabagisme passif au sein de l'entreprise, et réclamait à son employeur 15 000 euros de dommages et intérêts. Elle prétendait, plus particulièrement, qu'elle s'était plainte à de nombreuses reprises d'être exposée au tabagisme de ses collègues, ce qui l'obligeait à aérer son bureau, en toutes saisons, et donc à travailler dans le froid, ce qui aurait été à l'origine de ses problèmes de santé, à l'origine de son inaptitude, ce que contestait bien entendu son employeur.

S'agissant du grief tiré du tabagisme passif, la cour d'appel avait écarté la demande par une argumentation très motivée. Tout d'abord, la cour avait relevé qu'existait une discussion sur la qualification de la pièce de l'entreprise où les salariés étaient autorisés à fumer, en l'espèce, le garage de l'entreprise (d'architecture) servant également de pièce de stockage. La discussion tenait au fait que quoique ventilée, cette pièce n'était pas dotée d'un système d'extraction de la fumée, comme l'exige pourtant l'article R. 3511-3 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L7950HZH). L'inspection du travail n'avait pas dressé de procès-verbal, alors qu'il s'agissait potentiellement d'une contravention de troisième classe. Quant à la consommation de tabac dans les bureaux, la salariée produisait deux témoignages en ce sens, mais l'employeur lui objectait que, lors des entretiens annuels d'évaluation, elle ne s'en était jamais plaint, et qu'elle accompagnait même parfois ses collègues lors des traditionnelles "pauses cigarette".

C'est pourtant ce qui vaut la cassation à cet arrêt.

Pour la Haute juridiction, l'exposition au tabagisme était établie dans des conditions clairement illicites puisque la pièce fumeur ne répondait pas aux exigences réglementaires. Dès lors, seule la force majeure était de nature à exonérer l'employeur de ces manquements avérés.

Un sentiment étrange. Le moins que l'on puisse dire, à la lecture de l'arrêt d'appel, et de la cassation pour manque de base légale, c'est que le tabagisme auquel la salariée avait été exposée, n'était devenu manifestement un problème... qu'une fois le contrat de travail rompu, l'intéressée trouvant ici le moyen de réclamer la coquette somme de 15 000 euros à son employeur... Sans doute, la Cour de cassation n'a-t-elle pas voulu entrer dans le détail de l'affaire, ce qui n'est bien entendu pas son rôle, et au contraire voulu couper court à toute discussion sur les conditions de l'exonération de l'employeur tirée de l'absence de protestation du salarié, au moment des faits. Si on comprend les raisons qui animent la Haute juridiction, on a tout de même le sentiment que, dans cette affaire, le tabagisme passif a bon dos et qu'il sert juste de cheval de Troie pour obtenir de l'employeur des dommages et intérêts...

La cour d'appel de renvoi devra donc condamner l'employeur à indemniser la salariée, car, sur ce point, l'atteinte à l'obligation de sécurité de résultat semble acquise, mais pourra juger souverainement que le préjudice pourra n'être indemnisé qu'à hauteur d'un euro symbolique...


(1) C. santé publ, art. R. 3511-5 (N° Lexbase : L0481IQU).
(2) L'exposition d'un détenu au tabagisme passif constitue, par ailleurs, un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4764AQI) : CEDH, 14 septembre 2010, n° 37186/03 (N° Lexbase : A2130E9R) ; Philippe Mouron, L'exposition d'un détenu au tabagisme passif : un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, RDSS, 2011, 86.
(3) Cass. soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8545DIC) ; Dr. soc., 2005, p. 971, chron. J. Savatier et lire les obs. de N. Mingant, La prise d'acte de la rupture pour non-respect par l'employeur de la législation anti-tabac, Lexbase Hebdo n° 176 du 13 juillet 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N6574AIC). Dans le même sens : CPH Paris., 6 février 2014, n° 12/01583 N° Lexbase : A8246MIA) ; CA Paris, Pôle 6, 4ème ch., 6 mars 2012, n° 10/09856 N° Lexbase : A0013IE9). Cf. l’Ouvrage "Droit du travail" (N° Lexbase : E3492ETI) et .
(4) Cass. soc., 6 octobre 2010, n° 09-65.103, FS-P+B (N° Lexbase : A3771GBB) ; Bull. civ. V, n° 215 ; D., 2010, 2439, obs. B. Ines ; ibid., 2011, 1246, obs. G. Borenfreund, E. Dockès, O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, T. Pasquier, I. Odoul Asorey et M. Sweeney ; RDT, 2011, 322, obs. M. Véricel : "en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés notamment de constatations relatives à l'insuffisance du taux de nicotine trouvé dans le sang du salarié exposé aux fumées de cigarettes, alors qu'elle avait constaté que la société ne respectait pas les dispositions du Code de la santé publique sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics concernant les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés".
(5) TA Toulouse, 17 mars 2011, n° 0604586 (N° Lexbase : A1911HMQ) ; CE, 1° et 6° s-s-r., 30 décembre 2011, n° 330959 (N° Lexbase : A8312H8D) ; Une protection accrue de la santé et de la sécurité de "l'homme au travail" dans la fonction publique, AJDA, 2011, p. 2284, note E. Marc ; AJDA, 2012, p. 891, note N. Barucheln et H. Belrhali-Bernard.
(6) Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 06-46.421, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A4244D93) et les obs. de S. Tournaux, Le tabac nuit gravement... à l'emploi du salarié !, Lexbase Hebdo n° 314 du 24 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N6732BGG) ; Cass. soc., 18 mai 2011, n° 09-42.223, F-D (N° Lexbase : A2670HSP).
(7) Notre étude, L'employeur peut-il s'exonérer de son obligation de écurité de résultat ?, Lexbase Hebdo n° 482 du 19 avril 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N1460BTA). Lire également S. Tournaux, Vers un assouplissement des conditions d'exonération de l'obligation de sécurité ?, Lexbase Hebdo n° 573 du 5 juin 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N2517BUR), note ss. Cass. soc., 21 mai 2014, n° 13-12.666, F-D (N° Lexbase : A5037MMI).
(8) Dans les contentieux du préjudice d'anxiété pour les victimes de l'amiante, la Cour de cassation prend également soin d'indiquer que l'employeur est condamné parce qu'il ne démontrait pas "l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité".
(9) Cass. soc., 4 avril 2012, n° 11-10.570, FS-P+B (N° Lexbase : A1271IIW).
(10) Le même régime prévaut, désormais, pour la résolution judiciaire du contrat de travail . Pour la résiliation judiciaire, Cass. soc., 26 mars 2014, deux arrêts, n° 12-35.040, FP-P+B (N° Lexbase : A2395MIK) et n° 12-21.372, FP-P+B (N° Lexbase : A2434MIY) et les obs. de G. Auzero, Résiliation judiciaire du contrat de travail : quel manquement reprocher à l'employeur ?, Lexbase Hebdo n° 567 du 17 avril 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N1832BUE) ; RDT, 2014, 544, obs. L. Bento de Carvalho ; JSL, 2014, n° 366, obs. J. Ph. Lhernould. Pour la prise d'acte, Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-23.634, FP-P+B (N° Lexbase : A2543MIZ) ; D., 2014, 830 ; ibid., 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc., 2014, 397, tribune J.-E. Ray ; ibid., 821, étude J. Mouly.
(11) S'agissant du harcèlement : Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-18.603, FS-P+B (N° Lexbase : A3150NDZ) et les obs. de S. Tournaux, Le nouveau régime de la prise d'acte appliqué aux harcèlements, Lexbase Hebdo n° 606 du 26 mars 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N6589BUL).
(12) Cass. soc., 23 septembre 2014, n° 13-20.128, F-D (N° Lexbase : A3393MXX).

Décision

Cass. soc., 3 juin 2015, n° 14-11.324, F-D (N° Lexbase : A2337NKR).

Cassation partielle (CA Rennes, 27 novembre 2013, n° 12/03901 N° Lexbase : A2612KQS).

Textes concernés : C. trav., art. L. 4121-1 (N° Lexbase : L3097INZ).

Mots clef : obligation de sécurité de résultat ; tabagisme passif.

Lien base : (N° Lexbase : E3492ETI).

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Procédure pénale

[Brèves] Respect du droit à un procès équitable et droit de ne pas s'incriminer

Réf. : CEDH, 16 juin 2015, Req. 41269/08 (N° Lexbase : A0128NLC)

Lecture: 2 min

N7996BUP

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Le 23 Juin 2015

Si un interrogatoire peut porter atteinte à l'équité de la procédure, dirigée ultérieurement à l'encontre d'une personne, en raison de ce que celle-ci n'a pas été informée de son droit au silence, il n'y a pas lieu de retenir la violation de la garantie du droit à un procès équitable dès lors que les juges s'étaient appuyés sur d'autres dépositions pour justifier sa condamnation. Telle est la substance d'un arrêt de la CEDH, rendu le 16 juin 2015 (CEDH, 16 juin 2015, Req. 41269/08 N° Lexbase : A0128NLC). En l'espèce, le 31 juillet 2001, M. S., compagnon de Mme S. poignarda M. O, avec lequel celle-ci était en instance de divorce. Interrogé par la police, M. S. reconnut aussitôt les faits. Le 1er août 2001, la police entendit librement Mme S., laquelle fit des déclarations détaillées. Le 23 août 2001, Mme S. fut arrêtée puis placée en détention provisoire et avoua avoir incité M. S. à commettre un meurtre à l'encontre de son époux. Ses aveux furent confirmés lors de ses auditions ultérieures par la police. Un avocat fut commis d'office le 5 septembre 2001. Lors de confrontations ultérieures devant le juge d'instruction et en présence de son conseil, la requérante revint sur ses aveux et nia intégralement son implication pour les deux tentatives de meurtre sur son époux. Par un jugement prononcé le 26 février 2004, Mme S. fut condamnée à sept ans d'emprisonnement pour tentative d'assassinat, mise en danger de la vie d'autrui et dénonciation calomnieuse. La requérante interjeta appel devant la Cour suprême du canton d'Argovie qui confirma le jugement de première instance. Saisi par Mme S., le tribunal fédéral annula l'arrêt de la Cour suprême cantonale au motif que la requérante avait formulé des aveux, alors qu'elle était en détention provisoire, sans avoir été préalablement informée de son droit de garder le silence. Le 6 juin 2007, un arrêt de la cour suprême cantonale confirma la culpabilité et la condamnation de la requérante. La juridiction estima que si les aveux formulés par celle-ci en détention provisoire sans avoir été informée de son droit de se taire ne pouvaient pas être pris en compte, les déclarations qu'elle avait faites en liberté lors de son audition du 1er août 2001, pouvaient quant à elles être exploitées. Mme S. saisit le Tribunal fédéral qui confirma la décision ainsi rendue. Elle déposa alors une requête auprès de la CEDH, invoquant l'article 6 § 1 (N° Lexbase : L7558AIR) de la Convention, et arguant que son droit à un procès équitable avait été violé car elle n'avait pas été informée par la police de son droit de garder le silence lors de son audition. Elle estimait que ces déclarations, qui avaient pu être utilisées ultérieurement, étaient susceptibles de l'incriminer et de porter atteinte aux droits de la défense. La Cour déclare irrecevables, comme étant manifestement mal fondés, les griefs de la requérante, après avoir énoncé le principe susvisé (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4310EU8).

newsid:447996

Procédures fiscales

[Brèves] La possibilité de faire appel à un avocat durant une opération de visite et de saisie ne permet pas de suspendre cette opération

Réf. : Cass. com., 9 juin 2015, n° 14-17.039, F-P+B (N° Lexbase : A8771NK3)

Lecture: 2 min

N7955BU8

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Le 19 Juin 2015

Les dispositions de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L2641IX4), qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif du déroulement de la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile qui en résulte est proportionnée au but légitime poursuivi. Ainsi, en prévoyant que la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix sans l'assortir de la suspension des opérations de visite et de saisie, elles ne contreviennent pas à celles des articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 6 § 1 (N° Lexbase : L7558AIR) de la CEDH. Tel est le principe dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 juin 2015 (Cass. com., 9 juin 2015, n° 14-17.039, F-P+B N° Lexbase : A8771NK3). En l'espèce, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF, autorisé des agents de l'administration des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux afin de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société requérante. Cette dernière, dans son pourvoi, a indiqué qu'une visite domiciliaire ne peut débuter sans que l'intéressé qui le souhaite bénéficie effectivement de l'assistance d'un avocat. Ainsi, l'interprétation selon laquelle l'article L. 16 B du LPF prévoyant que le contribuable peut faire appel à un conseil de son choix permettrait de débuter les opérations de visite et de saisie sans la présence effective de l'avocat souhaité par le contribuable est contraire au droit de l'Union. Par ailleurs, la présence de l'avocat qu'entend avoir le contribuable ne constitue aucunement une présomption de l'existence d'une volonté d'exercer des recours. En retenant, toutefois, que la faculté de faire appel à un conseil de son choix ne suspend pas le début de l'exécution de la visite et saisie et qu'un recours juridictionnel a été institué permettant de débattre contradictoirement de la régularité et du bien-fondé de la décision du juge et de la régularité du déroulement des opérations, le premier président aurait méconnu l'article L. 16 B du LPF et les articles 6 § 1 et 8 de la CEDH. Cependant, selon le principe évoqué, les juges suprêmes n'ont pas donné suite à ce pourvoi .

newsid:447955

Propriété intellectuelle

[Brèves] Taux et modalités de paiement des redevances de procédures perçues par l'INPI

Réf. : Arrêté du 10 juin 2015, portant modification de l'arrêté du 24 avril 2008, relatif aux redevances de procédures perçues par l'Institut national de la propriété industrielle (N° Lexbase : L8285I8D)

Lecture: 1 min

N7909BUH

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Le 19 Juin 2015

Un arrêté, publié au Journal officiel du 13 juin 2015 (arrêté du 10 juin 2015, portant modification de l'arrêté du 24 avril 2008, relatif aux redevances de procédures perçues par l'Institut national de la propriété industrielle N° Lexbase : L8285I8D), fixe les taux des redevances de procédures pour les indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux et pour la prorogation des dessins et modèles au-delà de la première prorogation. Il procède à une revalorisation globale de l'ensemble des taux de redevances de procédures perçues par l'INPI de 4 % en moyenne. Il fait également évoluer certaines modalités de paiement des redevances pour prendre en compte la dématérialisation des procédures. Il modifie donc l'arrêté du 24 avril 2008, relatif aux redevances de procédures perçues par l'Institut national de la propriété industrielle (N° Lexbase : L8353I8U). Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 12 juin 2015, à l'exception de la revalorisation des taux de redevances, qui entre en vigueur le 1er juillet 2015. Toutefois, les taux en vigueur antérieurement au 1er juillet 2015 demeurent applicables dans le cas où une notification ou un avertissement a été adressé avant cette date, sauf si les nouveaux taux leur sont inférieurs.

newsid:447909