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N7632BU9
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 04 Juin 2015
Les motifs de la proposition rappellent que les discriminations sont constatées principalement dans trois domaines : le logement, les services et l'emploi. Et, le rapport 2010 de la Halde révélait, notamment, que 68 % des appels reçus pour dénoncer des discriminations concernaient le domaine de l'emploi. Aussi, si l'introduction d'un "recours collectif" en matière de discrimination ne vise pas exclusivement la relation professionnelle, ce sera, à n'en pas douter, le premier terrain d'exploration d'une telle "arme judiciaire" pour faire cesser les discriminations "systémiques", au premier rang desquelles la discrimination homme-femme fait toujours figure de proue. Selon les rapporteurs de la proposition, à compétence égale, les disparités de salaires entre hommes et femmes n'ont aucune justification ; et pourtant de nombreuses enquêtes ont révélé un salaire de 25 % inférieur chez les femmes par rapport aux hommes placés dans une situation identique.
La proposition de loi n'entend pas ériger une action de groupe pour propos injurieux ou diffamatoires tenus par des personnes physiques, mais veut "responsabiliser, inciter, et si nécessaire contraindre les structures à instaurer davantage d'équité dans leur sein, en suscitant une incitation majeure en faveur de cette équité". Responsabiliser l'ensemble des entreprises, au risque de leur infliger de nouvelles contraintes organisationnelles... pour les moins vertueuses, bien entendu.
Le patronat est vent debout contre cette proposition, bien que le sujet soit consensuel, pour ne par dire "politiquement correct". On parle de "boîte de Pandore", une multiplication des contentieux mettant à mal l'organisation et, à terme, l'économie des entreprises, bien que la lutte contre les discriminations soit nécessaire au regard de l'égalité et de l'équité. L'helléniste, s'il en reste quelques uns au XXIème siècle, répondra qu'il suffira de ne pas refermer le couvercle du vase -car la fameuse boîte était un vase selon la traduction littérale du mythe- pour que l'espoir arrive à s'en échapper : l'espoir d'une plus grande égalité, d'une meilleure équité.
Une fois n'est pas coutume, on apprend que "les expériences étrangères révèlent un bilan globalement très positif des actions de groupe, y compris au sein de l'Union européenne : Autriche, Bulgarie, Danemark, Finlande, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Espagne, Suède et Royaume-Uni".
Alors peut-on raisonnablement exprimer quelque réticence ?
En écho à la loi "Hamon" qui réservait l'action de groupe en matière de consommation aux associations de défense des consommateurs, l'article 1er de la proposition réserve ce nouveau recours collectif aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par leurs statuts de lutter contre les discriminations, ainsi que toute organisation syndicale représentative. Une fois encore, l'avocat est écarté ab initio quand 60 % d'entre eux sont les meilleurs juristes en droit du travail du monde de l'entreprise, certainement plus à même de conduire la médiation prévue aux articles 7 et suivants de la proposition. On notera qu'un amendement visant à ce qu'un groupe d'individus puisse introduire collectivement leur action de groupe -donc se passant de l'entremise d'une association ad hoc ou d'un syndicat-, estimant qu'il n'y avait pas lieu à limiter l'action de groupe à des associations existant depuis cinq ans (vu qu'il n'est prévu aucune homologation des associations) ou des syndicats, et de craindre les actions fantaisistes, a été rejeté. L'action de groupe demeurerait donc une action collective... associative.
Pour les questions d'intendance (quel tribunal ? quelle procédure ?...) : l'action de groupe sera introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ! C'est sans doute réglementairement que l'on ménagera le patronat en circonscrivant l'action de groupe "en cas d'absence du processus de dialogue social" et faisant la part belle à la médiation.
L'éventuelle introduction de l'action de groupe en matière de discrimination -encore que la chose soit quasiment certaine, puisqu'elle est inscrite à l'agenda de la Justice du XXIème siècle- obligera les employeurs, en premier lieu, à repenser la relation professionnelle nouée avec le salarié. Est-il contrat plus intuitus personae que le contrat de travail ? Assurément, ce contrat, et la relation professionnelle dans son ensemble, est établi et s'exécute "en fonction de la personne" ; et au-delà même de l'identité du salarié. L'intensité de la notion est certaine puisqu'elle peut constituer l'objet, la cause ou la garantie d'un contrat. La thèse de G. Kotic démontre bien que l'intuitus personae, rare dans les contrats translatifs de propriété, est, dans ceux de mise à disposition d'un bien, dans ceux portant sur une somme d'argent et dans ceux ayant pour objet une prestation de service, généralement prédominant. Mais, il ne faut pas se méprendre : la lutte contre les discriminations au sein de l'entreprise ne sonne pas le glas de l'intuitus personae, au sens large, du contrat de travail : aucune obligation ne sera faite à l'employeur d'établir une relation de travail avec un candidat pour lequel il juge la compétence, le profil et la personnalité inadéquats. Seulement, l'intuitus personae subjectif qui s'attache à une personne précise et identifiable devrait laisser la place un intuitus personae objectif qui ne porte que sur les qualités de la personne en dehors de toute identification -c'était l'enjeu même du CV anonyme- ; charge à l'employeur de déterminer les critères de l'intuitus personae et les indices permettant de le déceler clairement et objectivement.
Entendons-nous bien, l'identification du salarié sera toujours nécessaire dans l'établissement et la poursuite de la relation de travail ; mais son identité, ce qui la constitue assurément (sexe, origine, apparence physique...), sera portée à l'index. Attention ! Subjectif ou objectif, le contrat conclu intuitu personae reste un rapport de droit entre deux personnes qui connaît les aléas propres aux rapports humains, rappelle toujours G. Kotic : et aucune action de groupe ou risque d'un recours collectif n'empêchera l'aléa dans l'exécution du contrat de travail. La fin de la "discrimination systémique" ne peut-être de la désindividualisation de la relation de travail, sur le mode du salarié interchangeable car de compétence et d'expérience égales. La frontière est ténue entre la permissivité de la discrimination et l'objectivisation absolue de la relation professionnelle, fondée, par exemple comme à Gattaca, sur l'ADN du salarié propre à objectivement effectuer telle ou telle tâche dans l'entreprise.
Enfin, si l'arsenal judiciaire ne suffit pas, on pourra toujours s'en remettre aux stimuli sonores pendant le sommeil des employeurs : des chercheurs de l'Université Northwestern, de Chicago, viennent de publier, dans la prestigieuse revue Science, une étude démontrant qu'il est possible de diminuer les stéréotypes, les préjugés sexistes et racistes implicites, par la diffusion de ces stimuli sonores, de sons associés à des contre-préjugés, pendant le sommeil dans l'oreille des participants...
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Réf. : Cass. crim., 19 mai 2015, n° 14-82.566, F-D (N° Lexbase : A5286NIM) et Cass. crim., 27 mai 2015, n° 14-81.807, F-D (N° Lexbase : A8144NIH)
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N7565BUQ
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Le 04 Juin 2015
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Réf. : CEDH, 23 avril 2015, Req. 26690/11 (N° Lexbase : A0405NHH)
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N7618BUP
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par Gaëlle Deharo, Professeur, Laureate International Universities (ESCE), Centre de recherche sur la justice et le procès, Université Paris 1
Le 04 Juin 2015
Un différend survint entre l'avocat et l'OPJ. Décidant d'intervenir en flagrant délit, ce dernier prit une décision de placement en garde à vue à l'encontre de l'avocat sur les qualifications de rébellion et outrages à agent de la force publique (3). C'est sur la régularité de cette mesure que se développe le débat porté devant les juridictions.
Les juridictions nationales rejetèrent les prétentions du requérant en s'appuyant sur la régularité objective de la garde à vue au regard des textes de droit interne (I). La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), quant à elle, procède à une analyse subjective des exigences de l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (II) : elle prend en considération les éléments de contexte de l'espèce et spécialement la qualité d'avocat à l'origine de la présence du requérant dans le commissariat (III).
I - La procédure devant les juridictions internes : la régularité objective de la garde à vue
L'avocat est un citoyen comme les autres et sa garde à vue est juridiquement possible sur le fondement des articles 62-2 (N° Lexbase : L9627IPA) et suivants du Code de procédure pénale. Si, en effet, il existe des dispositions spéciales aux avocats pour les perquisitions (4), tel n'est pas le cas de la garde à vue. Aux termes de l'article 62-2 du Code de procédure pénale, l'avocat, à l'encontre duquel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, peut donc être maintenu à la disposition des enquêteurs par une mesure de garde à vue.
Les circonstances de l'espèce étaient telles que la décision de garde à vue avait été prise par l'OPJ victime de l'infraction. Cette circonstance n'avait cependant pas été considérée, par les juges nationaux, comme de nature à retenir le caractère arbitraire de la garde à vue dès lors qu'un OPJ extérieur était intervenu et qu'un contrôle judiciaire et administratif avaient été exercés respectivement par le ministère public et le supérieur hiérarchique de l'OPJ. Tout en reconnaissant l'existence d'un conflit d'intérêts dans une telle hypothèse, les juridictions nationales consacraient la régularité de la garde à vue au regard des textes.
Cette solution laisse cependant perplexe : est-il légitime que la victime d'une infraction puisse décider de mesures attentatoires aux libertés à l'encontre de son auteur ? A titre comparatif, il faut relever que l'article 668 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5593DYS) prévoit qu'un juge peut être récusé s'il y a eu entre lui-même, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin et une des parties "une manifestation assez grave pour faire suspecter son impartialité". Or, tel était bien le cas en l'espèce, une altercation assez brutale ayant opposé les deux parties. Mais aucune voie de récusation similaire n'est prévue pour l'OPJ qui reste donc théoriquement compétent, même pour les infractions commises à son encontre.
Il faut cependant nuancer. Codifié au sein du Code de la sécurité intérieure, le Code de déontologie de la police nationale prévoit que le policier accomplit sa mission en toute impartialité (5). "Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement. Il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu'il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter " (6). C'est sur ce fondement du discernement et du choix de la réponse que la solution paraît discutable.
II - La décision de la CEDH : l'analyse subjective des exigences de l'article 5 § 1
La question posée à la Cour européenne ne portait pas sur le fond de l'affaire mais sur la régularité de la garde à vue. Il s'agissait de savoir si la mesure dont l'avocat a fait l'objet, alors qu'il assistait un mineur lui-même en garde à vue, était effectuée régulièrement et de manière non arbitraire. Or, il semble que les deux questions ne doivent pas être confondues. Si la garde à vue et les mesures de fouille et d'exploration de l'alcoolémie ont été conduites conformément aux dispositions textuelles de droit interne, cela n'exclut pas a priori le caractère arbitraire de la mesure.
La CEDH donne donc raison au requérant, estimant que le placement en garde à vue n'était ni justifié, ni proportionné et que sa privation de liberté n'était pas conforme aux exigences de l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Aux termes de cette disposition, "toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales". Au nombre des hypothèses listés par le texte, le point c) prévoit la possibilité de détenir une personne en vue de la conduire devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci.
La CEDH renvoie, dans la décision rapportée, aux dispositions de droit national et souligne l'obligation d'en respecter les conditions. Or, sur ce fondement, la garde à vue apparaît régulière et conforme aux dispositions légales. Mais la CEDH va plus loin et se réserve le pouvoir de contrôler le respect des dispositions de l'article 5 § 1 de la Convention, tant au regard de l'inobservation du droit interne que de la régularité de la détention au regard des exigences de ce texte. Elle précise, en effet que "la régularité de la détention au regard du droit interne est un élément essentiel mais non décisif. Le respect du droit national n'est pas suffisant : l'article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but consistant à protéger l'individu contre l'arbitraire. Il existe un principe fondamental selon lequel nulle détention arbitraire ne peut être compatible avec l'article 5 § 1 et la notion 'd'arbitraire' que contient l'article 5 § 1 va au-delà du défaut de conformité avec le droit national de sorte qu'une privation de liberté peut être régulière selon la législation interne tout en étant arbitraire et donc contraire à la Convention". Par cette décision, la CEDH vient guider l'appréciation du caractère arbitraire des mesures privatives de liberté. Celui-ci ne s'apprécie pas uniquement objectivement compte tenu de sa régularité formelle, mais également subjectivement compte tenu des circonstances de l'espèce au regard des exigences de l'article 5 § 1. Or, sous cet éclairage, la question présentait une originalité certaine en ce que l'infraction poursuivie s'était ourdie dans les relations entre l'avocat (dans le cadre de sa mission d'assistance au gardé à vue) et l'OPJ : la rébellion et l'outrage était nés de l'insistance de l'avocat à voir ses exigences satisfaites dans le cadre de l'exercice des droits de la défense.
III - Les conséquences de la qualité d'avocat
Si l'avocat est un citoyen comme les autres, l'assimilation ne doit pas occulter les spécificités de sa mission. Plus spécialement, le requérant soulignait que son placement en garde à vue avait été décidé alors qu'il s'efforçait de faire respecter les droits de la défense de son client. La CEDH rappelle l'importance et la protection particulière que la Convention accorde à l'avocat intervenant dans l'exercice de ses fonctions. Elle rappelle que, selon la jurisprudence constante de la Cour européenne, les avocats occupent une position centrale dans l'administration de la justice en leur qualité d'intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux. Il semble donc nécessaire de s'interroger sur l'articulation des pouvoirs de l'OPJ en matière de garde à vue et la situation particulière de l'avocat. Outre la garde à vue, deux des décisions prises par l'OPJ à l'encontre d'un avocat exerçant les droits de la défense de son client sont embarrassantes :
- d'une part, la reconduite à la porte du commissariat. Bien qu'elles soient fortement divergentes, les déclarations de l'avocat et des policiers concordent sur un point : l'avocat a été reconduit hors du commissariat. Or le fait pour des policiers de ne pas autoriser l'accès de l'avocat aux locaux où se trouve son client interroge directement l'effectivité des droits de la défense et de la défense des libertés individuelles ;
- d'autre part, la confiscation des effets professionnels. L'avocat est dépositaire du secret professionnel et ne peut se voir contraint à révéler ce qui lui a été confié. Le Code de procédure pénale dispose que l'avocat peut communiquer avec son client dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien (7). Aussi, la confiscation des effets professionnels dans le cadre de la garde à vue est de nature à priver d'efficacité le cadre confidentiel de l'entretien.
En d'autres termes, si les mesures décidées à l'encontre de l'avocat sont objectivement régulières et relèvent de la compétence de l'OPJ, elles n'en demeurent pas moins incompatibles avec les exigences de l'exercice des droits de la défense. La solution de la Cour européenne n'est donc pas surprenante et dégage une règle d'interprétation de l'article 5 § 1 imposant une appréciation subjective du caractère arbitraire de la garde à vue, compte tenu des circonstances de l'espèce.
Sans doute la solution aurait elle été différente si l'OPJ avait réagi sur le fondement déontologique.
L'avocat ne jouit d'aucun privilège et est soumis pour les actes qu'il commet au même régime que les autres citoyens. Il doit répondre devant les juridictions judiciaires des fautes professionnelles et non professionnelles qui peuvent lui être reprochées directement (8). Mais, il est réciproquement soumis à des règles déontologiques strictes qui érigent la profession en véritable ministère. Les "principes essentiels de la profession" guident ainsi le comportement de l'avocat en toutes circonstances (9) et, partant, dans ses relations avec les forces de police. Différentes obligations s'imposent à lui :
- de façon générale, il exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité dans le respect des termes de son serment (10) ;
- la formulation des textes traduit la distinction, par le législateur, d'une autre série d'obligation s'imposant à l'avocat "en outre" et comprenant les principes d'honneur, loyauté, désintéressement, confraternité, délicatesse, modération et courtoisie ;
- enfin, une troisième série d'obligations vient organiser les relations de l'avocat et de ses clients : ce sont alors des obligations de compétence, dévouement, diligence et prudence qui sont posées.
Au final, il aurait probablement été plus judicieux et plus pertinent de poursuivre le comportement de l'avocat sur un fondement déontologique : seuls les représentants du barreau sont en mesure d'apprécier l'équilibre entre le comportement dénoncé par l'OPJ et les nécessités de l'exercice des droits de la défense.
(1) C. proc. pén., art. 63-3 (N° Lexbase : L9745IPM).
(2) C. proc. pén., art. 63-4-3 (N° Lexbase : L9632IPG).
(3) Faits prévus et réprimés par les dispositions des articles 433-5 (N° Lexbase : L1857AMQ) et 433-6 (N° Lexbase : L2033AMA) du Code pénal.
(4) C. proc. pén., art. 56-1.
(5) C. secu. int., art. R. 434-11 (N° Lexbase : L9233IYM).
(6 C. secu. int., art.. R. 434-10 (N° Lexbase : L9232IYL).
(7) C. proc. pén., art. 63-4.
(8) J.-J. Taisne, M. Douchy-Oudot, Avocats, Rép. proc. civ., 2015, n° 667.
(9) Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat (N° Lexbase : L6025IGA) ; règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8).
(10) Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, art. 3, al. 1.
(11) Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, art. 3, al. 2.
(12) Décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, art. 3, al. 3.
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newsid:447618
Réf. : Cass. civ. 2, 21 mai 2015, n° 14-17.578, F-P+B (N° Lexbase : A5285NIL)
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N7557BUG
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Le 04 Juin 2015
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Réf. : Cons. const., décision n° 2015-471 QPC du 29 mai 2015 (N° Lexbase : A6685NIG)
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N7721BUI
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Le 05 Juin 2015
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Réf. : Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11.387, F-P+B (N° Lexbase : A8361NII)
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N7712BU8
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Le 05 Juin 2015
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newsid:447712
Réf. : Cass. civ. 3, 6 mai 2015, n° 13-24.947, FS-P+B+I (N° Lexbase : A5367NHA)
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N7617BUN
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par Solène Ringler, Maître de conférences à l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, (IDP EA 1384)
Le 30 Juin 2015
Dans un arrêt en date du 27 juin 2013, la cour d'appel de Montpellier (CA Montpellier, 27 juin 2013, n° 12/08539 N° Lexbase : A9881KHG) accueille l'ensemble des demandes des propriétaires. Elle estime que la clause des conditions particulières du contrat assimilant prise de possession de l'immeuble et réception de l'ouvrage, doit être réputée non-écrite. Par ailleurs, les juges du fond prononcent la nullité du contrat et par voie de conséquence, la restitution par la société de l'ensemble des sommes perçues. Le constructeur se pourvoit en cassation. Il fait valoir que l'arrêt d'appel porte atteinte à la force obligatoire des conventions. En outre, dans la mesure où les propriétaires ont obtenu satisfaction au principal, ils ne sauraient, à titre subsidiaire, obtenir l'anéantissement du contrat.
La Cour de cassation est donc saisie à double titre. Tout d'abord, elle doit statuer sur la validité de la clause assimilant prise de possession et réception de l'ouvrage. Ensuite, elle doit déterminer si le maître de l'ouvrage peut obtenir l'annulation du contrat dans son entier, alors même qu'il a obtenu satisfaction quant à ses demandes indemnitaires. Suivant la décision des juges du fond, cet arrêt est l'occasion pour la troisième chambre civile de réaffirmer sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle, la seule possession de l'immeuble ne traduit pas la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner les travaux. Elle casse, néanmoins, partiellement l'arrêt au visa de l'article 4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1113H4Y). Si la Cour de cassation ne conteste pas que les modalités de la purge du droit de rétractation n'ont pas été respectées, l'annulation du contrat ne peut être prononcée lorsqu'il s'agit d'une demande subsidiaire, alors même que les juges du fond ont donné satisfaction aux demandeurs au principal. Cet arrêt illustre la protection dont bénéficie le maître de l'ouvrage aussi bien lors de la conclusion (I) qu'à l'achèvement des travaux (II).
I - Les modalités d'exercice du droit de rétractation du maître de l'ouvrage
En l'espèce, les propriétaires du terrain souhaitent faire valoir leur faculté de rétractation par voie de conclusions en cours d'instance, afin d'obtenir l'anéantissement du contrat et, par conséquent, la restitution de l'intégralité des sommes versées au constructeur. Ils affirment à ce titre que le contrat ne leur a pas été remis dans les formes prescrites, de sorte que leur droit de rétractation n'a pas été purgé.
L'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L1988HPC) offre un droit de rétractation lors de la conclusion de tout acte ayant notamment pour objet la construction d'un immeuble à usage d'habitation. Le maître de l'ouvrage non-professionnel peut alors se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte. Le contrat ne devient alors définitif qu'à l'expiration du délai légal. Il s'agit d'un délai impératif, toute clause contraire est réputée non-écrite. Le juge judiciaire, soucieux de protéger au mieux l'acquéreur immobilier, se montre particulièrement strict quant aux conditions de notification de l'acte faisant courir le délai de rétractation (1). Le texte prévoit que la notification s'effectue par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou tout autre moyen présentant les garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception. C'est le cas, par exemple, lorsque l'acte est signifié par voie d'huissier.
Dans son régime antérieur à la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 (N° Lexbase : L2466HKK) (2), la Cour de cassation estimait que la remise en mains propres ne présentait pas les garanties nécessaires pour la détermination de la date de réception de l'acte (3). La loi du 13 juillet 2006 a inséré un nouvel alinéa à l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation aux termes duquel "lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret". Le texte s'applique également lorsque le CCMI est précédé d'un contrat préliminaire. Par conséquent, l'acte peut, sous certaines conditions, être remis en mains propres au maître de l'ouvrage.
En l'espèce, la société chargée de la construction de l'immeuble souhaite se prévaloir de ces dispositions. Elle produit, à cet effet, une attestation de remise en mains propres du contrat, signée par le maître de l'ouvrage. Or, au jour de la conclusion du contrat, les dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation permettant la remise en mains propres de l'acte n'étaient pas encore applicables. En effet, le décret précisant les modalités d'application de cet article est paru le 19 décembre 2008, soit postérieurement à la signature du CCMI. Dès lors, le délai de rétractation n'a pu être purgé dans la mesure où, lors de la conclusion du contrat, la remise en mains propres ne présentait pas les garanties équivalentes à la notification par voie de lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation, dite loi "Hamon" (4) a institué un nouveau délai de rétractation au bénéfice des consommateurs lorsque le contrat est conclu "à distance" ou "hors établissement". Désormais, ils disposent d'un délai de quatorze jours pour revenir sur leur consentement (5). Pour autant, le CCMI ne semble pas atteint par le nouveau dispositif, la loi "Hamon" n'ayant pas unifié les délais sur ce point.
Constatant, en l'espèce, que le délai de rétractation n'avait pas commencé à courir, les juges du fond ont prononcé l'anéantissement du contrat et ordonné la restitution des sommes perçues par la société de construction. Le droit de rétractation valablement exercé entraîne immédiatement le recouvrement des fonds déposés en garantie (6). La Cour de cassation vient sanctionner cette décision au visa de l'article 4 du Code de procédure civile. Elle constate, effectivement, que délai de rétractation n'a pas été purgé. Pour autant, elle indique que le maître de l'ouvrage demandait, à titre subsidiaire, l'anéantissement du contrat sur ce fondement. Or, la cour d'appel ayant déjà fait droit à ses demandes principales tendant aux paiements de sommes à titre de restitution, frais de démolition et reconstruction et pénalités de retard, elle ne pouvait, sans modifier l'objet du litige, lui donner satisfaction quant à ses demandes subsidiaires tendant à l'anéantissement du contrat.
II - Les modalités de réception de l'ouvrage
En l'espèce, le débat porte, à titre principal, sur les modalités de réception de l'ouvrage. Suivant en ce sens l'arrêt des juges du fond, la Cour de cassation réaffirme que la réception d'un immeuble ne peut se déduire de la simple prise de possession (7).
L'article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX) définit la réception comme l'acte juridique par lequel le maître de l'ouvrage accepte l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle doit revêtir un caractère contradictoire (8). Le texte n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite. Toutefois, dans cette hypothèse, les juges doivent rechercher si la prise de possession manifeste la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter l'immeuble (9). En l'espèce, les conditions particulières du contrat stipulaient que "toute prise de possession ou emménagement avant la rédaction du procès-verbal de réception signé par le maître de l'ouvrage et le maître de l'oeuvre, entraîne de fait la réception de la maison sans réserve et l'exigibilité de l'intégralité des sommes restant dues, sans contestation possible". La Cour de cassation a, déjà pu, considérer que la prise de possession valait réception tacite de l'ouvrage lorsqu'elle était concomitante au paiement intégral des travaux (10). Cela n'est pas le cas lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au paiement du solde du prix. Il manifeste alors, son refus de réceptionner l'ouvrage, d'autant plus, qu'il introduit une procédure à l'encontre du constructeur (11).
En l'espèce, la clause litigieuse assimile prise de possession et réception de l'ouvrage. Le constructeur met en avant la force obligatoire des conventions afin de faire appliquer cette disposition contractuelle. En effet, la détermination du jour de la réception est fondamentale car elle purge les vices et défauts de conformité apparents de l'immeuble. En matière de CCMI, les dispositions sont plus souples, car selon l'article L. 213-8 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7245ABX), "le maître de l'ouvrage peut, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à la réception, dénoncer les vices apparents qu'il n'avait pas signalés lors de la réception afin qu'il y soit remédié dans le cadre de l'exécution du contrat". A ce titre, le constructeur fait valoir que l'intérêt du maître de l'ouvrage a été préservé puisque les conditions particulières du contrat ne font nullement obstacle à la dénonciation les vices apparents suite à la remise des clés de l'immeuble.
Pour autant, la Cour de cassation estime que la clause litigieuse n'est pas protectrice des intérêts du maître de l'ouvrage. En effet, la règlementation relative au CCMI étant d'ordre public (12), il n'est pas possible d'y déroger par convention contraire. En l'occurrence, la clause du contrat prévoyant une assimilation entre mise en possession de l'immeuble et réception de l'ouvrage doit être déclarée non-écrite. Cette stipulation ne permet pas de démontrer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter l'immeuble en l'état. Dès lors, les propriétaires sont parfaitement fondés à solliciter l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis résultant des défauts de conformité de l'immeuble, apparents ou non.
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Réf. : Cass. soc., 27 mai 2015, n° 14-11.155, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8154NIT)
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N7746BUG
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Le 11 Juin 2015
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Réf. : CAA Marseille, 19 mai 2015, n° 13MA03942, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8121NIM)
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N7659BU9
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Le 11 Juin 2015
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Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2015, n° 14-10.868, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6663NIM)
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N7624BUW
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Le 04 Juin 2015
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N7690BUD
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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et chargé d'enseignement à l'Université Royale de Phnom Penh
Le 04 Juin 2015
Le régime de l'intégration fiscale (CGI, art. 223 N° Lexbase : L4696I73 et s.), dont les dispositions sont entrées en vigueur en 1988 (loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987, de finances pour 1988, art. 68 A N° Lexbase : L6432I8Q) permet à "une société [de] se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe". Ce régime, qui rend la société tête de groupe seule redevable de l'impôt sur les sociétés (1), entraîne la compensation des déficits et des bénéfices des sociétés membres : la société intégrante calcule un résultat d'ensemble en opérant des retraitements afin d'assurer une neutralité fiscale. L'intégration fiscale, qui n'a pas généré jusqu'à aujourd'hui un contentieux de masse dont le juge de l'impôt aurait eu à connaître, fait en revanche l'objet d'évolutions successives sous l'effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. La présente chronique permet d'évoquer la question de l'imputation des pertes transfrontalières (A) ainsi que la possibilité de se prévaloir d'un ordre d'imputation des déficits avant les amortissements de l'exercice (B).
A - Imputation des pertes transfrontalières (CE 9° et 10° s-s-r., 15 avril 2015, n° 368135, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9505NG7 ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal " N° Lexbase : E0908ATS et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X8341ALI)
Le régime de l'intégration fiscale subit depuis quelques années des évolutions législatives imposées par le droit de l'Union européenne (notamment depuis l'arrêt "Papillon" : CJCE, 27 novembre 2008, aff. C-418/07 N° Lexbase : A4435EBU ; LDFR pour 2009, art. 33) et, en dernier lieu, à la suite de plusieurs arrêts rendus par la CJUE en 2014 (CJUE, 12 juin 2014, aff. C-39/13, aff. C-40/13 et aff. C-41/13 N° Lexbase : A2810MRI) qui ont invité le législateur français à introduire la possibilité d'intégrer fiscalement des sociétés françaises soeurs d'une entité mère située dans un Etat de l'Espace économique européen (EEE), alors même qu'elle n'a pas d'établissement stable en France, ouvrant droit ainsi à l'imputation des déficits sur les résultats des entités bénéficiaires (voir les commentaires détaillés avec les schémas de constitution et de fonctionnement : P. Fumenier, Dr. fisc., 2015, comm. 20 ; CAA Versailles, 3ème ch., 2 décembre 2014, n° 12VE03684 N° Lexbase : A4386M8X) quant à l'impossibilité d'intégrer horizontalement une filiale d'une société établie dans un autre Etat membre de l'UE (v. : CJUE, 12 juin 2014, aff. C-39/13). Les faits de l'espèce concernent une entreprise française tête de groupe intégré ayant demandé l'imputation de pertes (devenues définitives) et subies au titre des exercices 2000 à 2002 pour une filiale polonaise et une sous-filiale italienne détenues à 100 %. En effet, la législation interne de ces deux Etats applicable aux faits de l'espèce ne permet pas le report en arrière des déficits et impose un délai de péremption, voire d'un plafonnement s'agissant de la Pologne, interdisant leur prise en compte au-delà d'un délai de cinq ans (concl. F. Locatelli, Dr. fisc., 2013, comm. 295). La société française a alors réclamé l'imputation des pertes des filiales étrangères sans succès, l'administration fiscale ayant, en effet, considéré que seules les pertes des filiales intégrées françaises pouvaient être utilisées. Selon la thèse de l'administration fiscale mentionnée par le rapporteur public devant la cour administrative d'appel de Versailles, la législation française n'était pas contraire au principe de la liberté d'établissement ni aux considérants de l'arrêt "Marks & Spencer" de 2005 (2) (CJCE, 13 décembre 2005, aff. C-446/03 N° Lexbase : A9386DL9) relatifs à l'imputation des pertes issues d'une filiale située dans l'Union européenne ou encore s'agissant d'une succursale (CJCE, 15 mai 2008, aff. C-414/06 N° Lexbase : A4992D8E). La demande de la société française, tant devant les premiers juges (TA Montreuil, 14 octobre 2010, n° 0809608 N° Lexbase : A2300G93) que devant la juridiction d'appel (CAA Versailles, 26 février 2013, n° 10VE04169 N° Lexbase : A1646MRE), ne portait pas sur l'élargissement du périmètre d'intégration fiscale aux filiales polonaise et italienne mais sur la prise en considération de leurs pertes devenues définitives selon les législations locales. Pour les conseillers de la cour administrative d'appel de Versailles, il n'y avait pas lieu d'imputer en France les pertes issues des filiales situées dans un autre Etat membre de l'Union européenne, cette restriction à la liberté d'établissement étant justifiée par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d'imposition entre les Etats membres sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (3) (v. en ce sens : CJUE, 25 février 2010, aff. C-337/08, § 33 N° Lexbase : A2536ESQ). Une exception cependant "lorsque l'impossibilité d'imputer les pertes ne résulte pas de l'application de la législation fiscale de l'Etat membre de résidence de la filiale et, notamment, en cas de liquidation de la filiale" (CAA Versailles, 26 février 2013, n° 10VE04169). Saisi d'un pourvoi en cassation, la décision rendue par le Conseil d'Etat était particulièrement attendue notamment parce que, devant le juge d'appel, le rapporteur public avait demandé (sans succès) la saisine pour avis de la Cour de justice de l'Union européenne, saisine finalement écartée par la Haute juridiction administrative qui rejettera également le pourvoi de la société. Pour le Conseil d'Etat, le régime de l'intégration fiscale ne concerne que les sociétés et les établissements soumis à l'IS en France, l'Etat de résidence n'ayant pas à supporter les conséquences d'une législation fiscale étrangère (L. Leclercq et P. Trédaniel, L'affaire Agapes : une décision qui nous laisse sur notre faim..., Dr. fisc., 2011, comm. 415 ; L. Leclercq et P. Trédaniel, Déduction des pertes transfrontalières et liberté d'établissement : où en est-on ?, Dr. fisc., 2013, comm. 295).
B - Imputation des déficits antérieurs d'une société avant les amortissements de l'exercice (CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 10 avril 2015, n° 369667, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5029NGD ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E0978ATE et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X5691ALD)
Une société intégrante a inclus dans le périmètre d'intégration fiscale une société qui, avant son intégration, disposait de déficits reportables d'un montant de 37 millions d'euros. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause l'ordre d'imputation des déficits antérieurs et de déduction des amortissements : en effet, la filiale intégrée a, en premier lieu, imputé sur ses propres résultats, les déficits antérieurs à son entrée dans le groupe ce qui a permis de ramener le résultat fiscal à zéro. Puis, en second lieu, la filiale intégrée a déduit les amortissements de l'exercice pour un montant de cinq millions d'euros, de sorte qu'elle a pu ainsi transmettre au groupe un déficit de l'exercice pour le même montant. Au contraire, l'administration fiscale a considéré qu'il fallait tout d'abord déduire les amortissements de l'exercice avant d'imputer les pertes des exercices antérieurs (4). La société intégrante étant seule redevable de l'IS et de ses accessoires, elle a saisi les juges du fond qui ont retenu des solutions différentes : alors que le tribunal administratif (TA Montreuil, 22 septembre 2011, n° 1008403 N° Lexbase : A2138IEW, note P. Fumenier et C. Elbaz, Dr. fisc., 2012, comm. 265) avait prononcé la décharge de l'IS, des contributions additionnelles et des pénalités au motif que le CGI n'avait prévu aucun ordre entre la déduction des charges d'amortissement et l'imputation des déficits reportables, la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 6ème ch., 4 avril 2013, n° 11VE03914 N° Lexbase : A6855MQX, note S. Rudeaux, Dr. fisc., 2013, comm. 390) rétablira l'impôt et ses accessoires dès lors que le bénéfice fiscal, au sens des article 39 (N° Lexbase : L3894IAH) et 209 (N° Lexbase : L4558I7X) du CGI, est un résultat net de charges déterminé dans les conditions de droit commun éventuellement rectifié du fait de l'application du régime de l'intégration fiscale. La question posée au Conseil d'Etat résidait dans l'existence, ou non, d'un ordre d'imputation imposé par les textes entre les amortissements de l'exercice et les déficits antérieurs. Il faut noter en effet, que s'il a existé une faculté pour les contribuables de choisir l'ordre d'imputation entre le déficit et les amortissements de l'exercice, cette option n'existe plus depuis 2004, date à laquelle le rajeunissement des amortissements réputés différés a perdu de son sens du fait du report, désormais illimité dans le temps, des pertes antérieures consacré par le législateur lors du vote de la loi de finances pour 2004 (loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, art. 89 N° Lexbase : L6348DM3). Dans l'hypothèse d'un groupe intégré, les dispositions du CGI prévoient que les déficits subis par une société avant son entrée dans le périmètre d'intégration fiscale ne soient imputables que sur ses propres résultats (CGI, art. 223 I N° Lexbase : L4691I7U), ce qui permet d'éviter l'alimentation d'un commerce de déficits au profit de groupes déjà intégrés. Ainsi que le rappelait le Rapporteur public, admettre la déduction des pertes antérieures avant les amortissements permettrait de "les transformer en déficits subis au titre de la période d'appartenance au groupe" et de les transmettre au groupe intégré (V. Daumas, conclusions publiées dans Lexbase Hebdo - édition fiscale n° 613 du 21 mai 2015 N° Lexbase : N7421BUE) (5) encourageant des optimisations que le juge de l'impôt ne souhaite pas favoriser (v. également concernant la vigilance du juge administratif - et la critique qu'elle peut susciter - à l'égard des montages contractuels visant à éviter les "frottements fiscaux" : F. Dal Vecchio, L'opposabilité des conventions de droit privé en droit fiscal, L'Harmattan, coll. : Finances publiques, 2014, § 30). Le Conseil d'Etat, qui rejettera au cas présent le pourvoi initié par la société contribuable, s'appuiera dans son raisonnement sur le fait que les déficits antérieurs ne peuvent s'imputer que sur un bénéfice net de charges comprenant par conséquent les amortissements.
II - Contestation d'une créance déclarée par l'administration fiscale à la suite d'une procédure de liquidation judiciaire : compétence du juge de l'impôt administratif (T. confl., 13 avril 2015, n° 3988 N° Lexbase : A9546NGN ; cf. l’Ouvrage "Droit fiscal " N° Lexbase : E8021EQ7 et BoFip - Impôts N° Lexbase : X4120AL8)
Le droit des procédures collectives n'a pas épuisé tous ses ressorts contentieux d'autant que l'articulation avec la législation gouvernant le recouvrement de l'impôt n'est pas d'une clarté limpide : la compétence du juge de l'impôt judiciaire et administratif est concurrente selon que les contribuables contestent la régularité en la forme de l'acte (auquel cas la compétence est attribuée au juge de l'exécution) ou l'existence de l'obligation de payer, l'exigibilité ou la quotité de l'impôt dont devra connaître le juge de l'impôt administratif ou judiciaire en fonction de la nature de l'impôt contesté (LPF, art. L. 199 N° Lexbase : L8478AEQ). La matière est riche en chausse-trapes procédurales d'autant que, pour des raisons pratiques tenant à l'unité des décisions rendues, le juge de la procédure collective peut également connaître de ces contentieux. C'est ainsi que le Tribunal des conflits avait décidé, aux termes d'une décision de 2003 (T. confl., 26 mai 2003, n° 3354 N° Lexbase : A1558DQR ; Dr. fisc., 2003, comm. 930) que le juge des procédures collectives, commercial ou civil (C. com., art. L. 621-2 N° Lexbase : L7280IZN), est seul compétent "pour connaître des contestations nées du redressement ou de la liquidation judiciaire, même si les créances dont il s'agit sont de nature fiscale et concernent un impôt dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative". Ce considérant de principe va se heurter aux difficultés d'application pratique d'autant que la jurisprudence du Tribunal des conflits va évoluer : la compétence exclusive au profit du juge des procédures collectives ne vaut que pour les procédure qui n'ont pas été clôturées ou annulées à la date de saisine du juge (6) (T. confl., 19 octobre 2009, n° 3694 N° Lexbase : A2509EMU ; T. confl., 17 décembre 2007, n° 3643 N° Lexbase : A1582D3Y ; V. Daumas, Compétence juridictionnelle en contentieux du recouvrement et procédures collectives : ménage à trois au coeur du labyrinthe, RJF, janvier 2010, p. 3). L'enjeu est particulièrement important puisque, en défense, l'administration fiscale pourra opposer l'existence d'une procédure collective en cours à la date de saisine du juge. Saisi par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 15 octobre 2014, n° 371791, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6698MYQ ; D., 26-10-1849 ; CJA, art. R. 771-2, dans sa version applicable aux faits de l'espèce N° Lexbase : L3234ALD) quant à la détermination de la compétence de la juridiction administrative ou non, la décision rendue par le Tribunal des conflits s'inscrit dans le cadre d'une mise en liquidation judiciaire, en 1994 et à titre personnel, d'un gérant d'une société sise en Guadeloupe dont on apprend (concl. du rapporteur public E. Crépey, Dr. fisc., 2014, comm. 644) que l'ordonnance du juge-commissaire statuant sur le passif a été rendue quatorze ans après le prononcé de la mise en liquidation judiciaire du gérant. Estimant que les créances déclarées par l'administration fiscale étaient prescrites (LPF, art. L. 274 N° Lexbase : L9529IYL), les ayants droit du contribuable ont formé un recours sur le fondement de l'article L. 281 du LPF (N° Lexbase : L8541AE3) contestant leur obligation de payer devant le tribunal administratif de Basse-Terre puis devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. La solution issue du Tribunal des conflits restreint le champ d'application de la jurisprudence de 2003 puisqu'elle réserve au juge de la procédure collective les "contestations relatives à la mise en oeuvre des règles propres à la procédure collective", c'est-à-dire celles dont les procédures sont en cours et non plus les contestations nées de la procédure collective : au cas particulier, la juridiction administrative, initialement saisie par les ayants droit du contribuable, est bien compétente pour trancher le litige fiscal les opposant au Trésor.
(1) S'il est vrai que chaque société du groupe est solidaire de l'impôt calculé au nom du groupe, elle ne l'est uniquement qu'à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus si celle-ci n'était pas membre du groupe (CGI, art. 223 A, dernier alinéa N° Lexbase : L4696I73).
(2) "32.-Un dégrèvement de groupe tel que celui en cause dans l'affaire au principal constitue un avantage fiscal pour les sociétés concernées. En accélérant l'apurement des pertes des sociétés déficitaires au moyen de leur imputation immédiate sur les bénéfices d'autres sociétés du groupe, il confère à celui-ci un avantage de trésorerie. 33.-L'exclusion d'un tel avantage en ce qui concerne des pertes subies par une filiale établie dans un autre Etat membre et qui ne se livre à aucune activité économique dans l'Etat membre de la société mère est de nature à entraver l'exercice par celle-ci de sa liberté d'établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d'autres Etats membres. 34.-Elle constitue ainsi une restriction à la liberté d'établissement au sens des articles 43 CE et 48 CE, en tant qu'elle opère une différence de traitement fiscal entre des pertes subies par une filiale résidente et des pertes subies par une filiale non résidente. 35.-Pareille restriction ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le Traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général. Encore faudrait-il, dans une telle hypothèse, qu'elle soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif" (voir, en ce sens : CJCE, 15 mai 1997, aff. C-250/95 N° Lexbase : A0119AWC, Rec. p. I-2471, point 26, et CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02 N° Lexbase : A5001DBT, Rec. p. I-2409, point 49).
(3) Selon la cour administrative d'appel de Versailles : "il n'incombe pas à l'Etat de résidence de la société mère d'assurer la neutralisation de la charge fiscale que la société filiale supporte ou supportera du fait de la décision de l'Etat membre où elle réside d'exercer sa compétence fiscale en limitant le droit d'imputer les pertes subies".
(4) Rappelons que depuis le vote de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-1117 du 19 novembre 2011 N° Lexbase : L1269IRG), un plafonnement existe.
(5) "Le Conseil d'Etat ouvrirait de vastes possibilités de contournement de la règle prévue par l'article 223 I s'il admettait que, pour la détermination du résultat propre de la société intégrée, celle-ci peut commencer par déduire ses déficits antérieurs avant de déduire ses amortissements de l'exercice et pourquoi pas, d'ailleurs, procéder à cette déduction des déficits reportés avant celle de toutes les charges de l'exercice, puisqu'en termes d'ordre de déduction, rien ne distingue les amortissements des autres charges déductibles ?".
(6) "Si le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître des contestations nées du redressement ou de la liquidation judiciaire, même si les créances dont il s'agit sont de nature fiscale et concernent un impôt dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative, celle-ci retrouve sa compétence lorsque la procédure collective n'est plus en cours, soit qu'elle a été annulée, soit que, à la date de la saisine du juge de l'impôt, elle a été irrévocablement clôturée".
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 27 mai 2015, n° 371675, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7510NIY)
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N7664BUE
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Le 05 Juin 2015
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N7644BUN
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par Gaël Piette, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit des sûretés" et "Droit des contrats spéciaux"
Le 04 Juin 2015
C'est à partir de 2013 que la jurisprudence va rendre une série de décisions, qui visent à préciser la nature et le régime de la technique du porte-fort d'exécution (I), mais qui suscitent néanmoins certaines interrogations (II).
I - Précisions sur le porte-fort d'exécution
Les précisions jurisprudentielles portent tant sur la nature que sur le régime du porte-fort d'exécution.
A - Précisions sur la nature du porte-fort d'exécution
Dans un arrêt du 18 juin 2013, la Chambre commerciale, en opérant un revirement de jurisprudence, va distinguer le porte-fort d'exécution du cautionnement (5). Elle considère alors que "l'engagement de porte-fort constitue un engagement de faire". Cette affirmation, aux allures de principe, et confirmée treize mois plus tard (6), suffit à distinguer très nettement le porte-fort d'exécution du cautionnement. En effet, ce dernier s'analyse en une obligation de donner, à savoir verser au créancier la somme due par le débiteur défaillant. Le cautionnement ne saurait donner naissance à une obligation de faire. La promesse de porte-fort, en engendrant une obligation de faire, se démarque donc nettement du cautionnement.
La distinction entre cautionnement et porte-fort d'exécution est accentuée par la Cour de cassation, qui a proclamé l'autonomie du second, d'abord par sa Chambre commerciale (7), puis par sa première chambre civile (8). Il s'agit là encore d'une importante différence entre les deux garanties. Son caractère accessoire est une donnée essentielle du cautionnement, tant sa formation, son exécution et son extinction sont intimement liées à l'obligation principale. Ce caractère accessoire est également un critère de qualification, puisqu'il permet de distinguer le cautionnement d'autres sûretés, en particulier de la garantie autonome. Qualifier, ainsi que le fait la jurisprudence, le porte-fort d'exécution d'engagement autonome l'éloigne un peu plus du cautionnement.
La Cour de cassation a eu l'occasion de souligner la véritable nature de cette garantie : en retenant que le porte-fort est tenu "des conséquences de l'inexécution de l'engagement promis", elle admet sa nature de garantie indemnitaire (9). Si le tiers n'exécute pas l'objet de la promesse, le porte-fort engagera sa responsabilité contractuelle envers le bénéficiaire et sera, par conséquent, tenu au paiement de dommages-intérêts. S'agissant d'une garantie indemnitaire autonome, le montant de ces dommages-intérêts, qui doit couvrir le préjudice subi par le créancier, peut être inférieur, égal ou supérieur au montant de la créance garantie.
Ainsi, le porte-fort d'exécution se distingue doublement du cautionnement par son caractère autonome et parce qu'il donne naissance à une obligation de faire. Il se différencie également de la garantie autonome, laquelle engendre une obligation de donner, et non de faire. En revanche, le porte-fort d'exécution est désormais très proche de la lettre d'intention, elle-même autonome, constitutive d'une obligation de faire et de nature indemnitaire. La différence entre le porte-fort d'exécution et la lettre d'intention nous semble devoir être recherchée dans l'objet de l'obligation du promettant. Alors que le confortant s'engage de manière précise à faire ou ne pas faire quelque chose ayant une influence sur le débiteur et sur ses capacités de remboursement (par exemple maintenir sa participation dans son capital, ou surveiller sa trésorerie, ou ne pas céder ses parts, etc.), le porte-fort s'engage simplement à ce que le débiteur exécute ses obligations. Certes, un tel engagement peut supposer des interventions du promettant envers le débiteur. Mais ces actes sont moins formalisés que dans une lettre d'intention.
B - Précisions sur le régime du porte-fort d'exécution
La Cour de cassation, en précisant la nature du porte-fort d'exécution, a tiré quelques conséquences sur le régime de cette garantie.
La qualification d'engagement donnant naissance à une obligation de faire l'a logiquement amenée à exclure l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT). Ce texte, qui exige à des fins probatoires la mention de la somme ou de la quantité due, écrite par celui qui s'engage, se cantonne en effet aux obligations de verser une somme d'argent ou de livrer un bien fongible.
La qualification d'engagement autonome l'a tout aussi logiquement conduite à considérer que le tiers, dont l'engagement est garanti, peut être un incapable (11). Cette solution est parfaitement fondée. Il est possible, alors même qu'il s'agit d'un engagement accessoire, de garantir par un cautionnement la dette d'un incapable (C. civ., art. 2289, al. 2 N° Lexbase : L1118HIA). Il aurait été incongru de refuser cela dans le cadre d'un engagement autonome !
Plus étrange, mais juridiquement fondé, l'autonomie du porte-fort d'exécution permet de garantir des engagements qui ne pèsent pas sur les tiers. Si l'hypothèse peut sembler marginale, elle existe pourtant. Il en est ainsi, par exemple, d'une société qui cède sa clientèle, en se portant fort que chacun de ses associés s'abstiendra de toute intervention, directe ou indirecte, auprès de cette clientèle, alors que les associés en question ne se sont pas engagés à une telle abstention (12). Dans ce cas, le porte-fort s'engage à garantir un comportement (une abstention en l'espèce), que les tiers sont en droit de ne pas adopter.
La Cour de cassation a aussi précisé que le porte-fort assume une obligation de résultat (13). La solution est cohérente, puisque dans le porte-fort d'exécution (comme d'ailleurs dans le porte-fort de ratification), le promettant s'engage à un résultat : que les obligations souscrites par le tiers soient exécutées (ou que la convention soit ratifiée). Ainsi, si le résultat promis n'est pas obtenu, c'est-à-dire que le débiteur n'a pas exécuté ses obligations, le créancier aura droit à indemnisation, sans devoir établir l'existence d'une faute commise par le porte-fort.
La distinction nettement opérée, désormais, entre le porte-fort d'exécution et le cautionnement doit par ailleurs inciter à conclure en faveur de l'exclusion du régime du second, en particulier des dispositions protectrices de la caution. Ainsi, le promettant marié ne doit pas pouvoir invoquer l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU) pour limiter les droits du créancier à ses biens propres et revenus. Il ne doit pas davantage pouvoir obtenir limitation de son engagement par le jeu de l'exigence de proportionnalité (C. conso., art. L. 341-4 N° Lexbase : L8753A7C). Il ne doit pas avoir droit à une information annuelle telle que celle imposée au créancier par l'article L. 341-6 du même code (N° Lexbase : L5673DLP) ou par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2501IXW). Enfin, la promesse de porte-fort ne doit pas avoir à respecter les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7) du Code de la consommation.
Le porte-fort d'exécution étant assurément une garantie, il doit en revanche respecter les règles applicables à ce type d'engagement. C'est ainsi, notamment, que le dirigeant d'une société anonyme qui souhaite faire souscrire un porte-fort d'exécution à sa société devra recueillir au préalable l'autorisation du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, par application des articles L. 225-35, alinéa 4 (N° Lexbase : L5906AIL), et L. 225-68, alinéa 2 (N° Lexbase : L3636IPD), du Code de commerce.
II - Interrogations sur le porte-fort d'exécution
De ces solutions découlent plusieurs hésitations, principalement sur la nature du porte-fort d'exécution, mais aussi sur les perspectives de celui-ci.
A - Interrogations sur la nature du porte-fort d'exécution
Les deux caractéristiques fondamentales du porte-fort d'exécution telles qu'elles ressortent de la jurisprudence, à savoir engagement autonome et obligation de faire, nous paraissent mériter discussion.
En ce qui concerne le caractère autonome du porte-fort d'exécution, la question n'a, en réalité, pas véritablement lieu de se poser, s'agissant d'une garantie indemnitaire. Il a été montré avec beaucoup de pertinence que les garanties indemnitaires ne sont ni autonomes, ni accessoires (14). Le porte-fort s'engage à une obligation de faire, et non de payer la dette du débiteur. Son engagement n'est donc pas accessoire. Mais il n'est pas davantage autonome, car il n'est pas détaché de l'obligation garantie : en effet, le porte-fort sera sanctionné si cette dernière n'est pas exécutée.
En ce qui concerne la qualification d'obligation de faire, des hésitations doivent être soulignées. En effet, le porte-fort ne s'engage pas à faire quelque chose en particulier. Il a été remarqué précédemment que le confortant s'engage à faire ou ne pas faire quelque chose ayant une influence sur l'exécution de ses obligations par le débiteur. A l'inverse, le promettant ne promet pas une action spécifique : il s'engage simplement à indemniser le créancier en cas d'inexécution de la part du débiteur. Or, cet "engagement à indemniser" ne peut pas être qualifié d'obligation de faire, car l'obligation d'indemniser qui pèse sur le promettant en cas de défaillance du débiteur découle de sa responsabilité contractuelle : le promettant s'engage à ce que le débiteur s'exécute. Celui-ci est défaillant. La responsabilité contractuelle du promettant est engagée. L'indemnisation par le promettant n'est donc que la conséquence de l'inexécution, et non une obligation de faire.
Ainsi, le promettant ne s'engage pas à faire quelque chose de particulier, ni à donner. Il ne fait que promettre que le débiteur paiera (15). Cette forme de "responsabilité contractuelle du fait d'autrui" apparaît difficile à classer dans les catégories classiques (donner, faire, ne pas faire) du droit des obligations.
B - Interrogations sur les perspectives du porte-fort d'exécution
Le Code civil, depuis la réforme des sûretés réalisée par l'ordonnance du 23 mars 2006 (ordonnance n° 2006-346, relative aux sûretés N° Lexbase : L8127HHH), connaît trois sûretés personnelles. L'article 2287-1 (N° Lexbase : L1116HI8) énumère, en effet, le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d'intention.
Dans cette architecture, où se place le porte-fort d'exécution ? Longtemps requalifié en cautionnement (cf. supra), puis assimilé à celui-ci (cf. supra), il est désormais bien distingué de la sûreté personnelle historique. Mais cette distinction s'est faite au prix d'un rapprochement avec les lettres d'intention. Nul n'ignore que ces mêmes lettres d'intention connaissent certaines difficultés depuis que l'article 2287-1 du Code civil les qualifie de sûretés (16).
La question qui se pose est alors celle des perspectives d'avenir du porte-fort d'exécution. Y a-t-il de la place en droit français pour une quatrième forme de sûreté personnelle, très proche de la lettre d'intention? Le législateur français devrait-il insérer un nouveau texte, par exemple un article 2322-1, dans le livre IV du Code civil?
C'est à la pratique qu'il appartiendra de s'emparer du porte-fort d'exécution tel que défini et délimité par la jurisprudence récente et par celle à venir. L'avenir de cette garantie sera celui que les praticiens choisiront de lui reconnaître.
Mais il faudra néanmoins que la jurisprudence lève certaines zones d'ombre, notamment celle laissée par l'arrêt du 16 avril 2015. En effet, dans les faits ayant donné lieu à cette décision, il s'agissait incontestablement d'un porte-fort d'exécution, le porte-fort ayant stipulé qu'il se portait "en tout état de cause fort de l'exécution des engagements souscrits au titre du présent contrat". Or, la première chambre retient que "la promesse de porte-fort est un engagement personnel autonome d'une personne qui promet à son cocontractant d'obtenir l'engagement d'un tiers à son égard", ce qui fait plutôt référence au porte-fort de ratification. Il y a ici une affirmation qui pourrait entraîner certaines difficultés. Faut-il y voir l'idée que le porte-fort d'exécution se double implicitement d'un porte-fort de ratification, en partant du postulat que si le porte-fort promet l'exécution d'un contrat, cela suppose que le contrat soit conclu (17) ? Une telle thèse est séduisante, mais se heurte aux hypothèses telles que celle qu'a eu à juger la Chambre commerciale le 1er avril 2014, dans laquelle le porte-fort s'engageait à garantir un comportement, que les tiers étaient en droit de ne pas adopter (cf. supra). Ne pourrait-on pas plutôt y voir une volonté de la Cour de cassation de réunifier les deux mécanismes, en considérant que porte-fort de ratification et porte-fort d'exécution sont une même technique, donnant naissance à une obligation autonome de faire, seul l'objet de la promesse différant ?
(1) Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.694, F-P+B (N° Lexbase : A9461NGI), JCP éd. E, 2015, 1237, obs. N. Dissaux.
(2) P. Ancel, Les sûretés personnelles non accessoires en droit français et en droit comparé, thèse Dijon, 1981, n° 52 et s. ; Ph. Simler, Les solutions de substitution au cautionnement, JCP éd. E, 1990, II, 15659 ; Ph. Simler, De la promesse de porte-fort comme technique de substitution à certaines lettres d'intention, comme technique de garantie, JCP Actes prat., octobre 1997, p. 3 ; M. Storck, Contrats et obligations, Promesse de porte-fort, J.-Cl. Civil, art. 1120, 2003, Fasc. 7-2, n° 1, 7 et s. et n° 36 et s. Une doctrine classique minoritaire avait déjà envisagé cette fonction, notamment J. Boulanger, La promesse de porte-fort et les contrats pour autrui, thèse Caen, Dalloz, 1933, n° 3 et 4 ; Ch. Demolombe, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, t. I, Paris, Durant & Pedone, 1877, n° 222. Pour plus de détails, v. C. Aubert de Vincelles, Rép. civ., V° Porte-fort ; I. Riassetto, Lamy Droit des sûretés, Etude 150.
(3) V. par exemple, Cass. civ. 1, 27 févier 1990, n° 88-16.726, inédit (N° Lexbase : A9452C3H).
(4) Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-19.217, F-P+B+R (N° Lexbase : A9826DLI) ; D., 2006, p. 298, obs. X. Delpech ; RTDCiv., 2006, p. 305, obs. J. Mestre et B. Fages.
(5) Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-18.890, , FS-P+B (N° Lexbase : A1901KHU), nos obs. De la nature juridique du porte-fort d'exécution, Lexbase Hebdo n° 347 du 18 juillet 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N8054BTH) ; D. 2013, p. 2561, note X. Delpech ; RTDCiv., 2013, p. 653, obs. P. Crocq.
(6) Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-14.777, F-D (N° Lexbase : A4051MUL).
(7) Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-10.629, F-P+B (N° Lexbase : A6286MIN), RDC, 2014, n° 4, p. 625, note J. Klein : D. Bakkouche, in Chronique de droit des obligations - Mai 2014 (2nd comm.), Lexbase Hebdo n° 569 du 8 mai 2014 - édition privée (N° Lexbase : N2037BUY).
(8) Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.694, préc..
(9) Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-10.629, préc..
(10) Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-18.890, préc. ; Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-14.777, préc..
(11) Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.694, préc. : il s'agissait en l'occurrence d'un contrat conclu entre une personne âgée et une maison de retraite.
(12) Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-10.629, préc..
(13) Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-10.629, préc..
(14) C. Aubert de Vincelles, préc., n° 13 ; Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 6ème éd., 2012, n° 336.
(15) V. également J. François, Les sûretés personnelles, Economica 2004, n° 486 : "celui qui se porte fort de l'exécution d'une obligation pécuniaire n'est pas dans la situation d'un confortant, car il n'est pas tenu d'une obligation de faire, fut-elle de résultat" et M. Mignot, Droit des sûretés, Montchrestien, 2ème éd., 2010, n° 719 : "le porte-fort promet un fait, le paiement du débiteur, non un acte, l'influence sur lui".
(16) A. Cerles et M. Sejean, les lettres d'intention dans le Livre IV et hors le Livre IV du Code civil, Mélanges AEDBF VI, 2013, p. 167.
(17) N. Dissaux, JCP éd. E 2015, 1237, note sous Cass. civ. 1, 16 avril 2015, n° 14-13.694, préc..
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Réf. : CE, 4° et 5° s-s-r., deux arrêts, 22 mai 2015, n° 371061, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5573NIA) et n° 375897, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5581NIK)
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par Magali Gadrat, docteur en droit, enseignante à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 04 Juin 2015
Résumé
L'inspecteur du travail ne peut fonder sa décision d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé sur la seule base du jugement prononçant la liquidation judiciaire de l'entreprise avec cessation immédiate d'activité. Il lui appartient de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait à l'obligation de reclassement, et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il lui incombe, de surcroît, de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0840H9Y). Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. |
Commentaire
I - L'insuffisance du prononcé de la liquidation judiciaire de l'entreprise pour justifier à lui seul une autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé
L'affaire (CE, 4° et 5° s-s-r., 22 mai 2015, n° 375897) : dans cette affaire le licenciement pour motif économique d'une salariée protégée avait été autorisé par l'autorité administrative qui avait estimé que dans la mesure où le jugement du tribunal de commerce avait prononcé la liquidation judiciaire de la société employeur en fixant la date de cessation d'activité à la date du jugement, le motif économique de la rupture était, de fait, établi. Après avoir été déboutée en première instance de sa demande tendant à l'annulation de cette autorisation, la salariée a finalement obtenu gain de cause devant la cour administrative d'appel qui a annulé le jugement de première instance et la décision d'autorisation du licenciement au motif que l'inspecteur du travail ne pouvait se borner à constater l'existence du jugement prononçant la liquidation judiciaire avec cessation immédiate d'activité pour autoriser le licenciement, sans procéder à l'ensemble des vérifications qu'implique sa mission de contrôle. Le ministre du Travail s'est pourvu en cassation. En vain, le Conseil d'Etat estime que l'inspecteur du travail n'a pas accompli l'ensemble des vérifications nécessaires à l'autorisation du licenciement de la salariée en se bornant à constater l'existence du jugement prononçant la liquidation de la société employeur.
La cessation d'activité cause autonome de licenciement. Dans l'arrêt "Morvant", précité, la Cour de cassation a énoncé "qu'ayant exactement rappelé que l'énumération des motifs économiques de licenciement par l'article [L. 1233-3 N° Lexbase : L8772IA7] du Code du travail n'est pas limitative, la cour d'appel a retenu à bon droit que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement au sens du texte précité".
Seule une cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise est à même de justifier le prononcé de licenciements pour motif économique (2). En revanche, une cessation partielle des activités d'une entreprise (3), une fermeture temporaire (4) ou celle d'un seul établissement (5) ne constituent pas une cause autonome de licenciement et doivent donc reposer sur un autre motif économique légitime (6). Le Conseil d'Etat a repris cette position puisqu'il rappelle, dans ces arrêts du 22 mai 2015, que, "lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, [...],que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive" (7). Cette position jurisprudentielle est une réminiscence de la théorie de l'employeur seul juge, énoncée dans l'arrêt "Brinon" (8). L'interdiction faite aux juges du fond (9) et à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé de contrôler la cause de la cessation d'activité, est fondée sur le désir des Hautes juridictions de préserver la liberté d'entreprendre des employeurs impliquant, également, celle de décider de ne plus entreprendre et de cesser leur activité.
Maintien du statut protecteur en cas de liquidation judiciaire. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat confirme, implicitement, la position de la Cour de cassation selon laquelle le statut protecteur doit être respecté, y compris en cas de liquidation judiciaire impliquant une cessation totale d'activité (10). Si le maintien du statut protecteur en cas de liquidation emportant cessation totale d'activité a pu être critiqué (11), il est faux de prétendre que cette protection est totalement dépourvue d'utilité dans une telle hypothèse, comme le démontre l'arrêt du 22 mai 2015. Certes, si le contrôle par l'inspecteur du travail de l'absence de discrimination peut apparaître superfétatoire, s'agissant d'un licenciement intervenant dans le cadre d'une cessation totale d'activité impliquant le licenciement de l'ensemble du personnel, la vérification de l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié peut, pour sa part, s'avérer utile, vérification qui s'impose à l'autorité administrative, comme le rappelle, en l'espèce, le Conseil d'Etat. En effet, le prononcé de la liquidation judiciaire ne dispense pas le liquidateur de procéder à des recherches effectives de reclassement (12). Il est tout à fait envisageable qu'existent, dans d'autres entreprises du groupe, des postes disponibles correspondant aux compétences et qualification du salarié protégé dont le liquidateur envisage le licenciement. Dans une telle hypothèse, le reclassement de l'intéressé étant envisageable, l'inspecteur du travail n'autorisera pas le licenciement et imposera au liquidateur d'exécuter loyalement cette obligation.
Nécessité de s'assurer de l'absence de transfert total ou partiel d'activité dans le cadre de la liquidation. Par ailleurs, et il s'agit là, à notre connaissance, d'une précision inédite, le Conseil d'Etat affirme qu'il incombe à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par l'intervention d'un jugement de liquidation judiciaire, de vérifier si la cession des droits et biens de l'entreprise s'est accompagnée d'une reprise, même partielle, de l'activité, dans des conditions impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur, en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, une telle circonstance faisant alors obstacle au licenciement demandé.
Cette précision ne peut qu'être approuvée. En effet, lorsqu'est prononcée la liquidation judiciaire d'une société sans maintien d'activité, les licenciements prononcés sur le fondement de ce jugement doivent l'être dans un délai de quinze ou vingt-et-un jours suivant ledit jugement, afin de garantir la couverture des créances résultant des ruptures par l'AGS (13). Or, entre le moment où le liquidateur sollicite l'autorisation administrative de licencier un salarié protégé sur le fondement du jugement prononçant la liquidation, et le jour où l'autorité administrative statue sur cette demande, il est possible qu'un cessionnaire se soit présenté et ait élaboré un plan de cession totale ou partielle visant à poursuivre tout ou partie de l'activité de la société liquidée. Dans cette hypothèse, et dans la mesure où l'article L. 1224-1 du Code du travail imposant le maintien des contrats de travail avec le cessionnaire peut recevoir application, il est on ne peut plus logique qu'une telle circonstance fasse obstacle au licenciement du salarié protégé dont le contrat sera automatiquement transféré au nouvel employeur en cas de transfert total de l'activité de la société cédée ou sera transféré, sous réserve d'une autorisation administrative en ce sens, en cas de cession partielle (14).
En l'espèce, l'inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement de la salariée protégée sur la seule base du jugement prononçant la liquidation judiciaire avec cessation immédiate de l'activité, il a méconnu l'étendue de sa mission justifiant par la même l'annulation de l'autorisation de licenciement par la cour d'appel et le rejet du pourvoi du ministre du Travail. Il aurait dû, en effet, vérifier, d'une part, le respect, par le liquidateur, des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, de l'obligation de reclassement et le fait que la demande ne présentait pas de caractère discriminatoire, et, d'autre part, qu'aucune cession totale ou partielle de l'activité ne remettait pas en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité.
II - L'étendue du contrôle administratif d'une autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité d'une société appartenant à un groupe
L'affaire (CE, 4° et 5° s-s-r., 22 mai 2015, n° 375897). Dans cette affaire, un salarié délégué syndical a été licencié sur le fondement d'une autorisation délivrée par le ministre du Travail après qu'il a procédé aux "vérifications d'usage" et constaté la cessation totale et définitive de l'activité de la société employeur. Contestant cette décision, le salarié a saisi les juridictions administratives pour que soit annulée cette décision. Il fut débouté en première instance et en appel, et décida donc de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat, afin qu'il annule l'autorisation de licenciement délivrée par le ministre du Travail, le salarié arguant du fait que la cessation d'activité ne pouvait être considérée comme totale et définitive, dans la mesure où d'autres sociétés du groupe auquel appartenait son employeur poursuivaient l'exploitation d'activités de même nature et que la société employeur était placée sous la domination économique d'une autre société du groupe. Le Conseil d'Etat rejette son pourvoi après avoir rappelé que la réalité du la cessation d'activité s'apprécie au niveau de l'entreprise et que l'existence d'une situation de domination économique est insuffisante à remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité de la société employeur, laissant ainsi une porte ouverte à la reconnaissance d'une éventuelle situation de coemploi, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'une des sociétés coemployeur suffise à justifier, à elle seule, une autorisation de licenciement.
Le rappel de l'étendue du contrôle opéré par l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise. A l'instar de l'arrêt précédemment exposé, le Conseil d'Etat rappelle que lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive, sans vérifier si elle est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il réaffirme, de surcroît, qu'il incombe, ainsi, à l'autorité administrative, de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité, ce qui serait le cas si une cession totale ou partielle de l'activité était envisagée, impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur, en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail.
Cette dernière précision, inédite, est intéressante puisque, même si, à l'époque des faits, les dispositions imposant aux chefs de certaines entreprises de rechercher un repreneur avant de fermer un établissement impliquant un grand licenciement collectif (15), n'avaient pas vocation à s'appliquer, il n'en reste pas moins qu'entre le moment où un employeur décide de fermer son entreprise et celui où l'autorité administrative statue sur la demande d'autorisation de licenciement du salarié protégé, il est possible qu'un repreneur se soit présenté pour racheter tout ou partie de l'entreprise afin d'en poursuivre l'activité, entraînant l'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail et faisant ainsi obstacle à l'autorisation de licenciement du salarié protégé, dont le contrat sera transféré.
L'indifférence de la poursuite d'activités similaires par d'autres filiales du groupe. A la différence des autres motifs économiques de licenciement (difficultés économiques, mutations technologiques, nécessité de sauvegarder la compétitivité) dont la réalité et le sérieux doivent être caractérisés au niveau du groupe ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise (16), la cessation d'activité est la seule cause économique appréciée uniquement au niveau de l'entreprise, peu important qu'elle appartienne ou non à un groupe. Cette position de la Cour de cassation est ici consacrée par le Conseil d'Etat lorsqu'il affirme que, "lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive".
Si l'interdiction faite au juge et à l'autorité administrative de contrôler la cause de la cessation d'activité et de juger de l'opportunité des choix de gestion de l'employeur en limitant l'appréciation de l'existence de la cessation d'activité au seul niveau de l'entreprise apparaît pleinement justifié lorsque le chef d'une entreprise décide de fermer cette dernière, cette solution est, en revanche, nettement plus contestable, lorsque l'entreprise est intégrée dans un groupe. En effet, dans une telle hypothèse, il est envisageable que ce soit la direction du groupe qui décide de fermer une filiale ; dans ce cas, ce n'est donc pas la liberté d'entreprendre du chef d'entreprise induisant celle de cesser d'entreprendre qui fonde la fermeture de l'entreprise. Un risque de contournement des principes fondamentaux du droit du licenciement pour motif économique ne peut donc être totalement écarté lorsque l'entreprise appartient à un groupe qui pourrait décider de fermer l'entreprise dans le seul souci de réaliser des économies, d'augmenter sa rentabilité, de prononcer des "licenciements boursiers", etc..
Il existe, toutefois, des moyens de "contrer" cette éventuelle instrumentalisation de la cessation d'activité par les groupes, qu'il s'agisse de caractériser l'existence d'une situation de coemploi, ce qu'a tenté, maladroitement, le salarié en l'espèce, ou de démontrer l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable à l'origine de la cessation d'activité.
Le possible recours au coemploi, non caractérisé en l'espèce. Si le réel et le sérieux de la cessation d'activité s'apprécie au seul niveau de l'entreprise, y compris lorsque celle-ci est membre d'un groupe, il en va différemment lorsqu'est caractérisée une situation de coemploi, ce qu'a tenté de faire le salarié en l'espèce, en vain. Dans un arrêt "Jungheinrich" du 18 janvier 2011, la Cour de cassation a, en effet, affirmé que, "lorsque le salarié a pour coemployeurs des entités faisant partie d'un même groupe, la cessation d'activité de l'une d'elles ne peut constituer une cause économique de licenciement qu'à la condition d'être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont elles relèvent" (17). Elle approuve, ainsi, la cour d'appel qui, après avoir caractérisé "une confusion d'intérêts, d'activités et de direction" entre la société mère et la filiale et déduit la qualité de coemployeur de la société mère à l'égard du personnel de la filiale, a déclaré sans cause réelle et sérieuse les licenciements des salariés de la filiale.
La Cour de cassation souligne, de surcroît, qu'en l'espèce "la cessation d'activité de la [filiale] ne résultait que de choix stratégiques décidés au niveau du groupe, sans que des difficultés économiques les justifient, au niveau du secteur d'activité du groupe". Cette solution ne peut qu'être approuvée. Dès lors que le salarié a "deux employeurs", la cessation totale et définitive de l'activité de l'un d'entre eux ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, dans la mesure où l'activité de l'autre employeur se poursuit. En effet, si on raisonne par analogie avec la solution adoptée par la Cour de cassation en présence d'une entreprise composée de plusieurs établissements, dans la mesure où deux sociétés sont employeurs des salariés, la fermeture de l'une d'elles s'apparente, en quelque sorte, à la cessation d'activité d'un seul établissement de l'entreprise qui ne peut constituer une cause de licenciement qu'à la condition d'être justifiée par des difficultés économiques, des mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise (18).
Le Conseil d'Etat souscrit, implicitement, à la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt "Jungheinrich", lorsqu'il énonce que, " si la cour n'a pas répondu au moyen tiré par M. X de l'absence d'autonomie de la société Y, il ressort des écritures d'appel de l'intéressé que celui-ci ne soutenait pas que les prérogatives de l'employeur auraient dû être regardées comme étant, en réalité, également exercées par une autre société, mais qu'il se bornait à soutenir que l'appartenance de la société Y au groupe Z la plaçait dans un état de domination économique qui était la seule cause de la cessation d'activité ; que cette seule circonstance étant, à la supposer vérifiée, sans incidence sur le caractère total et définitif de la cessation d'activité, l'absence de réponse de la cour à ce moyen inopérant n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité". Analysé a contrario, cela signifie que si le salarié avait démontré l'existence d'une situation de coemploi, l'inspecteur du travail aurait dû s'assurer de l'existence d'une cause légitime fondant la cessation d'activité d'un seul des deux employeurs. La notion de coemployeur est donc à même de permettre de rétablir la "réalité juridique" de l'organisation du groupe dont la structuration économique et financière ne correspond pas toujours, loin s'en faut, à l'organisation du pouvoir (19). C'est, d'ailleurs, l'une des finalités de la théorie du coemploi : éviter que les groupes n'instrumentalisent l'absence de personnalité morale du groupe et l'autonomie des personnes morales qui le composent pour contourner le droit du travail.
Toutefois, en se bornant à invoquer la domination économique sous laquelle était placée la société employeur et son absence d'autonomie, le salarié n'a pas caractérisé l'existence d'une situation de coemploi à l'égard de laquelle la jurisprudence est particulièrement stricte, singulièrement lorsqu'une telle situation est invoquée au sein d'un groupe (20).
En se bornant à invoquer l'absence d'autonomie de la filiale employeur et la domination économique sous laquelle elle était placée, le salarié n'a pas caractérisé l'existence de la "triple confusion" d'activités, d'intérêts et de direction, ni mis en exergue l'immixtion d'une autre société dans la gestion de celle qui l'employait, ce qui aurait permis la caractérisation d'un coemploi impliquant le contrôle, par l'autorité administrative, de l'existence d'une cause réelle et sérieuse fondant le licenciement du salarié protégé, au regard de la situation économique des coemployeurs...
Toutefois, le salarié protégé pourrait saisir le juge judiciaire pour que soit reconnue l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable à l'origine de la cessation d'activité de nature à lui permettre d'obtenir des dommages et intérêts pour réparer l'irrégularité de son licenciement.
L'éventuel recours au juge judiciaire pour démontrer l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable à l'origine de la cessation d'activité. Pour mémoire, la cessation totale et définitive d'activité d'une entreprise ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement qu'à la stricte condition de ne pas résulter de la faute ou de la légèreté blâmable de l'employeur (21). Ainsi, si la cause de la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise est, par principe, indifférente, il en va différemment lorsqu'elle résulte d'une faute de gestion imputable à l'employeur (22).
A ce titre, lorsqu'en 2013 il a, pour la première fois, consacré la cessation d'activité comme cause autonome de licenciement pour motif économique, le Conseil d'Etat a précisé la mission de l'inspecteur du travail dans une telle hypothèse, en affirmant que, "lorsque la demande [d'autorisation de licenciement] est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, [...]il ne lui appartient pas, [...] de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur" (23).
L'exclusion du contrôle, par l'inspecteur du travail, de l'existence d'une faute ou de la légèreté blâmable de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité de l'entreprise, se comprend, dans la mesure où, en cas de refus par l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement, salarié et employeur se trouveraient dans une impasse. Comme le souligne Gaëlle Dumortier, "contrairement au juge judiciaire, qui est saisi par les salariés ordinaires' alors qu'ils sont déjà licenciés, l'administration est saisie préalablement au licenciement des salariés protégés, dont le licenciement serait nul si l'employeur y procédait avant d'en avoir obtenu l'autorisation. Si l'administration devait refuser le licenciement d'un salarié protégé dont l'entreprise a cessé son activité au motif que cette cessation d'activité est due à la faute de l'employeur, elle mettrait le salarié et l'employeur dans une situation sans issue [...]. L'employeur, ne pouvant régulariser un motif dépourvu de bien-fondé, n'aurait aucun moyen de faire une nouvelle demande régulière. Le salarié, ne pouvant être licencié, serait contraint de rester dans une entreprise qui a cessé toute activité" (24).
Dans la mesure où l'inspecteur du travail n'a pas à contrôler l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité de l'entreprise, rien ne s'oppose, juridiquement, et notamment pas le principe de séparation des pouvoirs, à ce que le salarié protégé saisisse le conseil de prud'hommes pour faire constater l'existence d'une faute ou de la légèreté blâmable de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, pour obtenir la réparation du préjudice consistant en la perte de son emploi (25).
Or, la Cour de cassation a rendu, le 1er février 2011, un arrêt "Goodyear" dans lequel elle affirme que, "si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur" (26).
Elle poursuit en approuvant la cour d'appel qui a déclaré les ruptures sans cause réelle et sérieuse après avoir déduit la légèreté blâmable de l'employeur du fait que "la décision de fermeture [avait] été prise par le groupe, non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais afin de réaliser des économies et d'améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l'emploi dans l'entreprise concernée", alors même que la société employeur ne connaissait pas de difficulté et que la baisse de son activité ne résultait que d'une décision du groupe. La Cour de cassation commence donc, dans cet arrêt, par réaffirmer avec force, que la cessation d'activité est une cause autonome de licenciement, pour finalement, dans une certaine mesure, mieux remettre en cause cette autonomie dans les entreprises membres d'un groupe de sociétés (27).
A défaut de caractériser une situation de coemploi, le salarié pourrait, ainsi, obtenir des dommages et intérêts devant le juge judiciaire en démontrant que "la décision de fermeture de la filiale qui l'employait avait été prise par le groupe, non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais afin de réaliser des économies et d'améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l'emploi dans l'entreprise concernée", alors même que la filiale était en parfaite santé (28).
Possible recours à la responsabilité civile délictuelle. De même, il semble envisageable que le salarié protégé licencié pour motif économique à la suite de la décision d'une des sociétés du groupe de fermer la filiale qui l'employait, puisse engager la responsabilité de ladite société à la condition, cela va de soi, de démontrer l'existence d'une faute de sa part, d'un dommage et d'un lien de causalité les unissant. A ce titre, la Cour de cassation a d'ailleurs affirmé, au visa des articles 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), L. 1233-3 du Code du travail et 92, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1339H4D), que les salariés d'une société liquidée "étaient en droit d'agir contre [une autre société du groupe] sur le terrain délictuel, même si elle n'était pas leur employeur" et qu'une telle action relevait de la compétence du conseil de prud'hommes (29). Il est à ce titre envisageable que soit reconnue la responsabilité d'une des sociétés du groupe et particulièrement de la société mère, si celle-ci a commis une faute dans la gestion de la filiale en tant que dirigeant de fait.
(1) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, FS-P+B (N° Lexbase : A2160AIT) ; Bull. civ. V, n° 10 ; D., 2001, IR 523 ; Dr. soc., 2001, p. 416 ; J. Savatier, La cessation d'activité de l'entreprise motif économique de licenciement, Dr. soc., 2001, p. 413 ; RJS, 2001, n° 294.
(2) Cass. soc., 29 avril 2009, n° 07-44.306, F-D (N° Lexbase : A6460EGD) ; Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-43.453, FS-P+B (N° Lexbase : A7699DRL) ; Bull. civ. V, n° 296 ; RJS, 12/06, n° 1250.
(3) Cass. soc., 5 avril 2005, n° 02-45.784, F-D (N° Lexbase : A7515DHS) ; RJS, 10/05, n° 964.
(4) Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 00-44.622, inédit (N° Lexbase : A2546A3P) ; D., 2002, IR 2914 ; Dr. soc., 2002, p 1156, obs. F. Duquesne.
(5) Cass. soc., 14 décembre 2005, n° 04-40.396, F-D (N° Lexbase : A0099DMM) ; RJS, 2/06, n° 181 ; Cass. soc., 16 mars 2004, n° 01-44.477, inédit (N° Lexbase : A5953DB4) ; RJS, 2004, n° 667, 1ère esp..
(6) Cass. soc., 10 octobre 2006, no 04-43.453, FS-P+B, préc..
(7) Affirmation déjà présente dans l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 avril 2013 (CE, 4° et 5° s-s-r., 8 avril 2013, n° 348559, publié aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7203KBE) ; RDT, 2013, p. 400 ; V. concl. G. Dumortier, rapporteur public sur cette affaire, RDT, 2013, p. 394 ; RJS, 7/13, n° 551 ; SSL, 2013, n° 1582, obs. F. Champeaux ; RDT, 2013, obs. T. Sachs. Sur cet arrêt, v. également, F. Géa, "La cause fautive" de licenciement (au miroir des jurisprudences judiciaire et administrative), RJS, 2013, p. 427.
(8) "L'employeur qui porte la responsabilité de l'entreprise est seul juge des circonstances qui le déterminent à cesser son exploitation et aucune disposition légale ne lui fait l'obligation de maintenir son activité à seule fin d'assurer à son personnel la stabilité de son emploi, pourvu qu'il observe, à l'égard de ceux qu'il emploie, les règles édictées par le Code du travail" ; Cass. soc., 31 mai 1956, n° 56-04.323, publié (N° Lexbase : A6403CKD), Bull. civ. IV, n° 499 ; JCP, 1956, II, 9397, note P. Esmein ; D., 1958, jurisp. p. 21, note G. Levasseur.
(9) La Cour de cassation l'affirme sans ambages, "il appartient au juge prud'homal saisi d'un différend né à l'occasion d'un licenciement de se prononcer sur le caractère réel et sérieux des motifs de la rupture du contrat de travail et non sur la cause de la cessation de l'activité de l'employeur" ; Cass. soc., 1er mars 2000, n° 98-40.340 (N° Lexbase : A8179AGZ) ; Bull. civ. V, n° 81.
(10) Cass. soc., 9 octobre 1991, n° 89-44.106, publié (N° Lexbase : A1717AAT) ; JCP éd. G, 1992, II, 21819, note F. Taquet ; Cass. crim., 15 octobre 1991, n° 89-83.551, publié (N° Lexbase : A3694AA3) ; Bull. Crim., n° 349.
(11) En ce sens, P. Morvan, Restructurations en droit social, 3ème éd., LexisNexis, 2013, p. 709.
(12) Cass. soc., 10 mai 1999, n° 97-40.060 (N° Lexbase : A6336AGR) ; Bull. civ. V, n° 203.
(13) C. trav., art. L. 3253-8 (N° Lexbase : L0711IXM).
(14) C. trav., art. L. 2414-1 (N° Lexbase : L4090IXR).
(15) C. trav., art. L. 1233-90-1 (N° Lexbase : L0622IXC) sous l'empire de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU), JO du 16 juin 2013, p. 9958. Article abrogé et remplacé par les articles L. 1233-57-9 (N° Lexbase : L9583IZX) et s. par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014, visant à reconquérir l'économie réelle (N° Lexbase : L9440IZN), JO du 1er avril 2014, p. 6227.
(16) Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690 (N° Lexbase : A4018AA3) ; Bull. civ. V, n° 123 ; GADT, 4ème éd., n° 114 ; Dr. soc., 1995, p. 482, note P. Waquet ; G. Lyon-Caen, Sur le transfert des emplois dans les groupes multinationaux, Dr. soc., 1995, p. 489 ; Cass. soc., 14 décembre 2011, n° 10-11.042, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4851H88) ; Bull. civ. V, n° 295.
(17) Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-70.662, FS-D (N° Lexbase : A2872GQG) ; P. Bailly, Les limites de la cessation d'activité, comme cause de licenciement pour motif économique, Rev. Juridique de l'éco. pub. 2011, comm. 25 ; P. Morvan, La mort du motif économique de licenciement tiré de la cessation d'activité d'une filiale dans un groupe, Bull. Joly soc., 2011, n° 3, p. 215 ; G. Auzero, Coemployeurs : qualification et effets sur la validité des licenciements économiques, Lexbase Hebdo, n° 426 du 3 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N3365BR3) ; G. Couturier, La fermeture d'une filiale : les recours des salariés licenciés, Dr. soc., 2011, p. 372.
(18) G. Auzero, Les effets avérés et à venir du coemploi, JCP éd. S, 2013, 1440.
(19) En ce sens également, B. Gauriau, Le co-employeur, Dr. soc., 2012, p. 995.
(20) Ainsi, la Cour de cassation a affirmé dans l'arrêt "Molex" qu' "hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière" ; Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.208, FS-P+B (N° Lexbase : A2662MTR) ; JCP éd. S, 2014, 1311, note G. Loiseau.
(21) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, préc..
(22) Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647, préc.. Sont, à ce titre, dépourvues de cause réelle et sérieuse les ruptures consécutives à une cessation d'activité due aux manquements de l'employeur ayant entraîné la résiliation du bail commercial et la fermeture de l'unique établissement ; Cass. soc., 2 juin 2009, n° 08-41.747, F-D (N° Lexbase : A6426EHH). Se rend également coupable de légèreté blâmable, l'employeur cessionnaire d'une activité exercée dans des locaux nécessitant une mise aux normes qui avait engagé des salariés après avoir accepté de "faire son affaire de l'agrément de la commission de sécurité compétente sans avoir, sur ce point, la moindre garantie, puis avait fait preuve de carence à l'égard du propriétaire s'agissant des travaux nécessaires", privant ainsi les licenciements de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 10 mai 2005, n° 03-40.620, F-D N° Lexbase : A2442DIB ; RJS, 2005, n° 720).
(23) CE, 4° et 5° s-s-r., 8 avril 2013, n° 348559, publié aux tables du recueil Lebon, préc..
(24) G. Dumortier, concl. préc.. ; argument qui n'est en rien décisif selon Frédéric Géa, art. préc..
(25) CE, 4° et 5° s-s-r., 8 avril 2013, n° 348559, publié aux tables du recueil Lebon, préc..
(26) Cass. soc., 1er février 2011, n° 10-30.045, F-P+B (N° Lexbase : A3710GRT) ; Bull. civ. V, n° 42 ; P. Bailly, Les limites de la cessation d'activité, comme cause de licenciement pour motif économique, Rev. Juridique de l'éco. pub., 2011, comm. 25 ; G. Auzero, Fermeture définitive et totale de l'entreprise et légèreté blâmable de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 428 du 17 février 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4840BRP) ; G. Couturier, art. préc..
(27) De même, si l'arrêt du "Jungheinrich" est fondé sur la reconnaissance d'une situation de coemploi, la Cour de cassation y souligne que la cessation d'activité de l'entreprise "résultait que de choix stratégiques décidés au niveau du groupe", Cass. soc., 18 janvier 2011, n° 09-70.662, FS-D, préc..
(28) Cass. soc., 1er février 2011, n° 10-30.045, F-P+B, préc..
(29) Cass. soc., 28 septembre 2010, n° 09-41.243, F-D (N° Lexbase : A7618GAE) ; JCP éd. S, 2010, 1516, obs. S. Brissy.
Décisions
CE, 4° et 5° s-s-r., deux arrêts, 22 mai 2015, n° 371061, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5573NIA) et n° 375897, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5581NIK) Textes visés : C. trav., art. L. 1224-1 (N° Lexbase : L0840H9Y). Mots-clés : licenciement pour motif économique ; cause de licenciement ; cessation d'activité ; autorisation administrative de licenciement ; étendue du contrôle. Lien base : (N° Lexbase : E9572ESC). |
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Réf. : Cass. soc., 27 mai 2015, n° 14-11.155, FS-P+B+R (N° Lexbase : A8154NIT)
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Le 11 Juin 2015
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Réf. : Cass. soc., 27 mai 2015, n° 14-11.688, FS-P+B (N° Lexbase : A8284NIN)
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Le 06 Juin 2015
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 27 mai 2015, n° 385235, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7530NIQ)
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N7736BU3
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Le 06 Juin 2015
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Réf. : CEDH, 26 mai 2015, Req. 34238/09 (N° Lexbase : A5610NIM)
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N7654BUZ
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Le 04 Juin 2015
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N7642BUL
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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique
Le 05 Juin 2015
Dans son arrêt n° 3993 du 13 avril 2015, le Tribunal des conflits apporte d'intéressantes précisions sur la question de la détermination du juge compétent dans l'hypothèse où l'échec d'une action domaniale est suivi par une action en responsabilité devant le juge judiciaire. Dans la présente affaire, le président de l'administration des îles Loyauté -qui exerce en Nouvelle-Calédonie les compétences reconnues au préfet par l'article L. 774-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8695IRH)- avait saisi le tribunal administratif de Nouméa de poursuites contre une compagnie maritime, après que l'un de ses navires avait heurté et dégradé un appontement dépendant du domaine public maritime de la province. Il demandait la condamnation de la compagnie au paiement d'une contravention de grande voirie mais, également, à la prise en charge par celle-ci des frais de remise en l'état de l'ouvrage.
Il faut relever que ce ne sont pas les règles du Code général de la propriété des personnes publiques qui sont ici applicables. En effet, la Nouvelle-Calédonie est une collectivité territoriale sui generis (1), régie par le principe de spécialité législative et réglementaire, ce qui implique la possibilité, pour cette collectivité, d'adopter ses propres règles notamment par l'édiction de lois du pays (2). Or, justement, c'est la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 qui définit les règles applicables au domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et de ses provinces qui est ici applicable.
Par un jugement du 4 décembre 2008, le tribunal administratif de Nouméa avait condamné la société à verser à la province une indemnité en réparation des dommages subis. Mais par un arrêt du 17 juin 2010, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a ensuite annulé le premier jugement en raison de l'irrégularité de la procédure de contravention de grande voirie.
L'échec de l'action domaniale a alors conduit la province à saisir le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de rechercher la responsabilité de la compagnie sur le fondement des articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) du Code civil. Dans un arrêt du 13 novembre 2014 (3), la Cour de cassation a rappelé que, "s'il est de la compétence des tribunaux administratifs de statuer sur les contraventions de grande voirie, lorsque celles-ci, constatées par les agents qualifiés, leur ont été déférées dans les formées fixées par la loi, il appartient aux juridictions de l'ordre judiciaire, en l'absence de toute poursuite administrative, de connaître, conformément au droit commun des articles 1382 et suivants du Code civil, d'une demande formée par une personne publique tendant à la réparation des dommages causés par une personne privée à une dépendance de son domaine public". Cette solution n'est pas inédite puisqu'elle reproduit presque à l'identique l'attendu de principe d'un arrêt rendu le 9 janvier 1949 (4). Une solution identique avait également été adoptée par le Conseil d'Etat dans deux arrêts de Section rendus le 18 janvier 1963, "Syndicat de desséchement de la vallée d'Airon" (5) et "Sucrerie coopérative d'Attin" (6).
Ce n'est toutefois pas exactement un cas de figure identique qui se présente dans la présente espèce puisque, comme on l'a vu, la compagnie maritime a d'abord fait l'objet de poursuites devant le juge administratif avant que la juridiction judiciaire n'ait été saisie. C'est en raison de cet aspect particulier de la procédure que la Cour de cassation a considéré qu'elle était en présence d'une question soulevant une difficulté sérieuse de nature à justifier la saisine du Tribunal des conflits sur le fondement de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 (7).
Le Tribunal des conflits admet d'abord la possibilité d'intenter une action en réparation devant le juge judiciaire après l'échec d'une action domaniale devant le juge administratif, sous réserve d'absence d'autorité de la chose jugée y faisant obstacle. Cette solution confirme implicitement la nature différente de l'action domaniale et de l'action en responsabilité quasi délictuelle tendant à la réparation des dommages résultant des faits constitutifs de la contravention de grande voirie. En effet, si l'action quasi délictuelle a pour seul objet la réparation du dommage, l'action domaniale présente un caractère répressif marqué puisqu'elle vise également à rechercher la condamnation du contrevenant à une amende.
Le Tribunal des conflits va ensuite considérer que le juge judiciaire est bien compétent pour connaître de l'action en responsabilité consécutive à l'échec de l'action domaniale. Il écarte ainsi la solution qui aurait conduit à créer un bloc de compétence au profit du juge administratif. Cette solution est conforme à une jurisprudence constante dont il résulte qu'en l'absence de dispositions législatives spéciales, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut encourir à l'égard d'une collectivité publique. D'une portée générale, ce principe avait été retenu par le Conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt de Section du 30 octobre 1964, "Commune d'Ussel" (8), et il avait été réitéré à de nombreuses reprises, notamment en matière de responsabilité quasi délictuelle (9). Le même principe est également retenu par la Cour de cassation (10). L'arrêt rapporté, qui confirme une jurisprudence également constante du Tribunal des conflits (11), ne fait donc que réitérer des principes déjà acquis dans une hypothèse qui était, en revanche, inédite.
Si elle porte sur des faits survenus il y plus de soixante-dix ans, la question de la responsabilité de la France pour les faits liés à la persécution des personnes de confession juive est relativement récente, comme l'illustre l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 mars 2015. En effet, jusqu'au discours du Président de la République Jacques Chirac du 16 juillet 1995 commémorant la rafle du Vel'd'hiv, il était communément admis que les persécutions antisémites sous le régime du Vichy ne pouvaient engager la France, puisqu'elles auraient été commises exclusivement sous les ordres de l'occupant allemand. La reconnaissance à cette occasion de la responsabilité de l'Etat français a ensuite permis d'envisager la responsabilité pour faute de service de l'Etat du fait des agissements de ses agents (12), mais elle a également ouvert la voie à une meilleure réparation des préjudices subis consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites.
Certes, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans son avis d'Assemblée du 16 février 2009, "Hoffmann-Glemane" (13), un certain nombre de dispositifs avaient été mise en place à partir de la libération. L'article 3 de l'ordonnance du 9 août 1944, relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental (14), avait d'abord constaté la nullité de tous les actes "qui établissent ou appliquent une discrimination quelconque fondée sur la qualité de juif". Le Conseil d'Etat a considéré que ces dispositions "ont nécessairement admis que les agissements d'une exceptionnelle gravité auxquels ces actes ont donné lieu avaient le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat". De fait, entre 1945 et 2000, toute une série de dispositifs 42 dispositions législatives et réglementaires distinctes et 28 modifications, selon les conclusions du rapporteur public Frédéric Lecina- ont été mis en oeuvre en faveur des victimes de la Shoah. En particulier, la loi n° 46-1117 du 20 mai 1946 (15) a mis en place un régime de pension pour les déportés et les autres victimes civiles françaises, qui a ensuite été étendu aux étrangers et à leurs ayants droits naturalisés (16), puis aux victimes étrangères (17). C'est le constat de l'existence de cet ensemble de textes qui avait conduit le Conseil d'Etat, dans son avis "Hoffmann-Glemane", à considérer que l'indemnisation des victimes avait déjà été réalisée par les mesures prises en leur faveur.
L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 27 mars 2015 concerne l'un de ces dispositifs, et plus précisément le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 (N° Lexbase : L8102ITA) (18), qui institue une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation. Selon l'article 1er du décret, au terme d'une procédure de conciliation, la commission peut recommander au Premier ministre de prendre une mesure de réparation, de restitution ou d'indemnisation. Les décisions du Premier ministre peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris. Comme l'a précisé le Conseil d'Etat, ces décisions font l'objet d'un contrôle restreint, ce qui implique un contrôle de la qualification juridique des faits limité à la recherche d'une erreur manifeste d'appréciation (19).
Dans la présente affaire, les ascendants des requérants avaient assuré la direction d'une entreprise de récupération de métaux à Paris qui avait été placée sous administration provisoire à compter de mai 1941 puis liquidée en 1942. Sur recommandations de la commission, le Premier ministre leur a accordé des indemnités d'un montant total de 74 000 euros par des décisions du 27 février 2004, puis des indemnités complémentaires d'un montant total de 30 000 euros par des décisions du 31 mai 2006.
C'est le montant de ces indemnités qui est contesté dans la présente affaire, et plus précisément la question de l'indemnisation du manque à gagner résultant de la spoliation. En effet, dans un arrêt du 17 février 2014 (20), la cour administrative d'appel de Paris avait annulé les décisions du Premier ministre en tant qu'elles n'indemnisaient pas le manque à gagner du requérant. La cour avait ensuite évalué ce chef de préjudice à la somme de 30 000 euros et enjoint au Premier ministre de verser cette somme aux requérants.
Prônant une interprétation stricte des textes, le Conseil d'Etat considère que si, "l'indemnisation doit permettre de réparer (la perte définitive du bien), en prenant en compte l'ensemble des éléments corporels et incorporels, le manque à gagner lié à l'impossibilité de l'exploiter ne saurait être assimilé à une spoliation de biens indemnisable". En d'autres termes, le Conseil d'Etat considère que les bénéfices qu'aurait pu dégager l'entreprise si elle avait continué de fonctionner ne sont pas assimilables à la spoliation elle-même. On peut noter qu'il s'agit là d'une règle dérogatoire au droit commun de la responsabilité administrative, qui admet la possibilité de la réparation du manque à gagner à la suite d'une faute commise par l'administration (21).
L'appréciation du caractère direct du lien de causalité entre la faute et le préjudice pose un certain nombre de difficultés, comme l'illustre dans le domaine du contentieux de l'urbanisme l'arrêt n° 367167 du 8 avril 2015. Cet arrêt, empreint de réalisme, marque une rupture avec la jurisprudence antérieure en privilégiant une approche souple du caractère direct du lien de causalité.
En l'espèce, une commune avait classé des terrains en zone constructible par une délibération de son conseil municipal du 6 mai 1998, approuvant la modification du plan d'occupation des sols, suite à un accord donné par le préfet à l'extension de l'urbanisation dans le secteur. Le 18 août de la même année, la société X avait acquis deux terrains, désormais constructibles, situés sur le territoire de la commune.
La délibération du 6 mai 1998 avait toutefois fait l'objet d'un recours et elle avait finalement été annulée par la cour administrative d'appel de Nantes, à l'occasion d'un arrêt rendu le 25 mars 2003 (22). Selon la cour, en effet, l'accord du préfet avait été donné en méconnaissance de l'article L. 146-4 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L8907IMT), issu de la loi "littoral" du 3 janvier 1986 (loi n° 86-2, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9), selon lequel "l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement".
Ces dispositions ont pour vocation de regrouper l'urbanisation, dans le souci de préserver le littoral. Concrètement, comme l'expose la circulaire du 14 mars 2006, relative à son application, "la loi 'littoral' a entendu interdire à la fois les constructions isolées en rase campagne et la création en site vierge d'agglomérations nouvelles importantes, ou la greffe sur un petit groupe de maisons de telles agglomérations" (23). Pour la cour administrative d'appel de Nantes, les terrains concernés, qui sont proches d'un lotissement d'une vingtaine de maisons, lequel ne se trouve pas lui-même en continuité d'un bourg voisin, ne pouvaient être considérés comme un "hameau nouveau" au sens de ces dispositions. Cette solution est conforme à la jurisprudence récente qui définit cette notion de "hameau nouveau" comme "une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres, et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales" (24).
A la suite de l'annulation définitive de la délibération du 6 mai 1998, la société X a saisi les juridictions administratives d'une demande de réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de décisions d'urbanisme illégales. Plus précisément, ce préjudice allégué résultait de la différence entre le prix d'acquisition des terrains et leur valeur réelle.
Par un arrêt du 18 janvier 2013 (25), la cour a reconnu la responsabilité de la commune et confirmé sa condamnation au versement d'une somme de 55 780,13 euros à titre de dommages et intérêts. Elle a également confirmé la décision des premiers juges condamnant l'Etat, à la demande de la commune, de la garantir pour moitié des sommes mises à sa charge.
C'est ce second point qui fait tout l'intérêt de l'arrêt rendu en cassation pour le Conseil d'Etat. Sachant que toute illégalité est en principe fautive (26), c'est bien une question de causalité qui se posait : devait-on considérer que la faute commise par le préfet qui a rendu un avis illégal, suivi par une délibération illégale du conseil municipal, était reliée au préjudice subi par la société par un lien de causalité suffisamment direct ? C'est une réponse positive à cette question qui est retenue par le Conseil d'Etat qui considère, comme les juges d'appel, que l'Etat doit prendre à sa charge la moitié du montant des dommages intérêts.
Au regard de la jurisprudence antérieure du Conseil d'Etat, et plus précisément d'un arrêt "Ministre des transports" du 29 octobre 2009 (27), cette solution n'allait pourtant pas de soi. Dans cette affaire, qui concernait également l'application de la loi "littoral", le Conseil d'Etat avait considéré qu'une commune, en classant des terrains en zone constructible puis en créant une zone d'aménagement concerté et en approuvant le plan d'aménagement de cette zone, ainsi que l'Etat, qui avait donné son accord à la création de la zone, avaient commis des fautes de nature à engager leur responsabilité. Comme dans l'arrêt rapporté, le préjudice subi résultait de la différence entre le prix d'acquisition des terrains et leur valeur réelle. Mais dans l'affaire jugée en 2009, le Conseil d'Etat avait considéré que ce préjudice ne trouvait pas son origine directe dans les actes ayant permis l'aménagement de la zone puis ultérieurement la vente des terrains. Selon les juges, en effet, le préjudice avait pour origine directe les contrats de vente passés entre les acquéreurs et l'aménageur de la zone. Le lien de causalité entre le préjudice subi et la faute commise par la commune n'était pas donc pas suffisamment direct pour permettre l'engagement de sa responsabilité. Les juges avaient également relevé que les acquéreurs auraient pu conclure la vente sous réserve de l'obtention des permis de construire. En d'autres termes, ils pouvaient poursuivre seulement l'aménageur devant les juridictions judiciaires. Cette solution était très contestable. Si elle était fondée sur l'absence de droit à construire, et indirectement sur le principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme, elle apparaissait peu réaliste. Il est évident, en effet, que les parcelles litigieuses n'avaient été acquises, au prix fixé par le contrat, que parce qu'elles ont été expressément reconnues constructibles par les autorités administratives compétentes. C'est cette réalité qui est prise en compte dans l'arrêt rapporté, et qui conduit la juridiction administrative suprême à confirmer la condamnation de la commune et de l'Etat.
(1) V. Ch. Cointat et B. Frimat, Nouvelle-Calédonie - Le pari du destin commun, Rapport d'information n° 593, Sénat 2011.
(2) Sur les lois du pays, v. Y. Brard, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française. Les "lois du pays" : de la spécificité législative au partage du pouvoir législatif, LPA, 6 juin 2001, n° 112.
(3) Cass. civ. 1, 13 novembre 2014, n° 13-17.820, FS-D (N° Lexbase : A2937M38).
(4) CE, 26 juillet 1982, n° 32990 (N° Lexbase : A8031AKN).
(5) CE, 18 janvier 1963, n° 43845, Rec. Tables, p. 1017.
(6) CE, 18 janvier 1963, n° 52799, Rec. Tables, p. 1017.
(7) Relevons que les dispositions de cet article ont été récemment abrogées par le décret n° 2015-233 du 27 février 2015, relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles (N° Lexbase : L0472I8Y). Les dispositions concernant le renvoi préjudiciel des difficultés sérieuses de compétence -qui n'est plus réservé aux juridictions suprêmes des deux ordres- figurent désormais à l'article 35 du décret de 2015.
(8) CE, 30 octobre 1964, Rec. p. 501, AJDA, 1964, p. 689, chron. M. Puybasset et J.-P. Puissochet et p. 706, concl. J. Fournier.
(9) CE, Sect., 13 octobre 1978, n° 03335 (N° Lexbase : A9622B7I), Rec. p. 368, AJDA, 1979, p. 22, chron. O. Dutheillet de Lamothe et Robineau, D.,1978, inf. rap. p. 481, obs. P. Delvolvé, D., 1979, jurispr. p. 249, note P. Amselek et J. Waline, RDP, 1979, p. 899, concl. J.-M. Galabert et note J. Robert.
(10) Cass. civ. 1, 10 janvier 1990, n° 87-10.359 (N° Lexbase : A9776AAC), D., 1990, inf. rap. p. 28, RDP, 1991, p. 1149 ; CA Rouen, 9 décembre 2009, n° 08/05678.
(11) T. confl., 12 avril 1976, n° 02014 (N° Lexbase : A8229BD7), Rec. p. 698 ; T. confl., 2 mars 1987, n° 02458 (N° Lexbase : A8045BDC), Rec. p. 645 ; T. confl., 14 mai 1990, n° 02615 (N° Lexbase : A8273BDR), Rec. p. 634, Dr. adm., 1990, 393 ; T. confl., 6 juin 2011, n° 3799 (N° Lexbase : A6512HTD).
(12) CE, Ass., 5 avril 2002, n° 238689 (N° Lexbase : A5763AY4), Rec., p. 139, concl. S. Boissard, AJDA, 2002, p. 423, chron. M. Guyomar et P. Colin, JCP éd. G, 2002, 10161, note C. Moniolle, RDP, 2002, p. 1513, note M. Degoffe et 2003, p. 470, note Ch. Guettier.
(13) CE, Sect., 16 février 2009, n° 315499, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2498EDU), Dr. adm., 2009, 60, note F. Melleray, JCP éd. A, 2009, 1074, note J.-P. Markus.
(14) JO, 10 août 1944.
(15) JO, 21 mai 1946.
(16) Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 (N° Lexbase : L6930HU9), JO, 31 décembre 1997.
(17) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 (N° Lexbase : L1726IRD), JO, 31 décembre 1999.
(18) JO, 11 septembre 1999.
(19) Arrêt rapporté.
(20) CAA Paris, 8ème ch., 17 février 2014, n° 12PA03276 (N° Lexbase : A1098MPD).
(21) V. par ex. dans la jurisprudence récente, CE 2° et 7° s-s-r., 11 juin 2014, n° 368314, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6719MQW) ; CE 4° et 5° s-s-r., 24 janvier 2014, n° 351274, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0076MD8) ; CE, référé, 29 mars 2013, n° 366878, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6583KBG).
(22) CAA Nantes, 25 mars 2003, n° 01588 .
(23) Circulaire UHC/DU1 n°2006-31 du 14 mars 2006, relative à l'application de la loi littoral (N° Lexbase : L7059I8X).
(24) CE 1° et 6° s-s-r., 3 avril 2014, n° 360902, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6410MIA).
(25) CAA Nantes, 5ème ch., 18 janvier 2013, n° 11NT02173 (N° Lexbase : A8615MQ7).
(26) CE Sect., 26 janvier 1973, n° 84768 (N° Lexbase : A7586B8H), Rec. p. 77, AJDA, 1973, p. 245, chron. P. Cabanes et D. Léger, Gaz. Pal., 1073, II, p. 859, note J.-P. Rougeaux, Rev. Adm., 1974, p. 29, note F. Moderne.
(27) CE 2° et 7° s-s-r., 28 octobre 2009, n° 299753 (N° Lexbase : A6006EME), Rec., Tables, p. 987, AJDA, 2010. 168, note J.-P. Gilli, ibid. 2009. 2032, RDI, 2009. 668, obs. P. Soler-Couteaux
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Réf. : Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6622NI4)
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Le 06 Juin 2015
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