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N6496BU7
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 19 Mars 2015
Les juges parisiens soulignaient, d'abord, qu'il s'agissait de la saisine de juridictions pour lesquelles le ministère d'avocat n'était pas obligatoire ; ensuite, que, selon l'article 411 du Code de procédure civile, le mandat de représentation consiste à pouvoir accomplir au nom du mandant les actes de la procédure ; enfin, que selon l'article 412 du Code de procédure civile la mission d'assistance permet de conseiller une partie et de présenter sa défense. Le TGI a donc vérifié, in concreto, par l'analyse des sites en cause ("demanderjustice.com" et "saisirlesprud'hommes.com") et, à travers l'enquête diligentée par le ministère public, si ces sites accomplissaient au nom de la partie des actes de procédure ou si des conseils lui étaient donnés ou si le site préparait la défense de cette même partie. De cette étude, il ressortait que ces sites offraient une prestation de services consistant à agréger des renseignements tirés de différents autres sites (parfois du site du ministère de la Justice), qu'ils proposaient une mise en forme informatique du remplissage par le plaignant du dossier (comme le proposent de nombreux sites administratifs sur des imprimés Cerfa), ainsi qu'une prestation de services consistant à apposer une signature électronique sur la saisine du tribunal et un envoi postal. Ainsi, pour les juges parisiens, ces sites remplissent la tâche qu'ils se fixent en page de garde du site à savoir de permettre à une personne de saisir une juridiction où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire sans se déplacer et sans assistance. En conséquence, le gérant mis en cause n'avait pas, selon le TGI assisté ou représenté des parties devant les juridictions ou organismes juridictionnels en mettant en place des sites litigieux, destiné moyennant rémunération à réaliser les formalités de saisine de ces juridictions, sans être régulièrement inscrit au barreau.
On sait qu'il s'agit là d'un simple épisode de la bataille judiciaire ainsi engagée au nom de la lutte légitime de la profession d'avocat contre les "braconniers du droit". Leur crainte de voir se dévoyer les exceptions à leur monopole d'auxiliaire de justice, monopole instauré au nom de la sécurité juridique des justiciables, dans le cadre du développement de services en ligne, à travers lesquels la frontière entre conseil et simple documentation est si ténue qu'elle est facilement transgressable voire transgressée, était bel et bien fondée. Et il s'agira alors de convaincre les magistrats du bien-fondé de leur craintes et des attaques au monopole judiciaire comme les avocats les ont convaincu progressivement d'une atteinte, à titre principal, de certains organismes OPQCM, au monopole en matière de conseil et de rédaction d'acte.
Parallèlement, on se souvient que la loi "Hamon" a introduit une action de groupe à la française qui, exception hexagonale oblige, exclut quasiment les avocats de la conduite de telles actions. Ce sont bel et bien les associations de consommateurs agréées qui sont à l'initiative de telles actions et elles peuvent au même titre que les justiciables lambdas se passer de la représentation d'un avocat devant certaines juridictions et sous les mêmes conditions. Les avocats ont exprimé d'abord leur désapprobation lors du vote de la loi puis leur crainte d'une captation des actions de groupe par 8 associations de consommateurs, quand il s'agissait, officiellement, d'éviter la captation de ces mêmes actions par... 58 000 avocats ! Et, les choses pourraient même empirer au regard des récents amendements déposés lors de l'examen du projet de loi "santé", visant à introduire, dans ce domaine également, le principe de l'action de groupe.
D'abord, Scylla qui incarne la mort certaine, ensuite Charybde qui symbolise le "tout ou rien", la mort pour tous ou la vie pour tous. Et voici que les avocats tombent de Charybde en Scylla, avec l'alliance d'une association de consommateurs avec un site en ligne de résolution des litiges. Pour les consommateurs qui ont un petit (jusqu'à 4 000 euros tout de même) litige avec un professionnel, l'association se propose de les renvoyer vers un site en ligne amiable ou accompagnant le justiciable auprès des tribunaux compétents. Les associations de consommateurs avaient donc déjà la main-mise sur l'action de groupe qui peut ne concerner, au demeurant, qu'un seul consommateur (sic) ; voici qu'elles font la promotion de services concurrentiels aux avocats en précisant toute de même que "Quand le litige présente une complexité juridique importante, il peut être cependant préférable d'avoir recours à un avocat" : on notera la formule putative, ne conditionnant pas nécessairement les services d'un avocat à la complexité de l'affaire ; où est la sécurité juridique des justiciables ? S'il est tout à fait possible de saisir le juge soi même, l'association souligne, encore, que le service en ligne ainsi promu est "utile" si le consommateur "n'a pas ou peu de connaissance juridique", "dispose de peu de temps à consacrer à cette démarche" ou "souhaite un minimum de réassurance', ici apportée par la présence d'une association de consommateurs agréée". Méfie-toi de tes ennemis, mais méfie-toi encore plus de tes amis ! L'association avoue tout de go au sujet de son nouveau partenaire que le service convient justement à un justiciable qui "n'a pas ou peu de connaissance juridique"... Ce faisant comment peut-il effectuer les démarches nécessaires sans qu'à un moment donné on ne lui explique, on ne lui conseille pas telle ou telle voie ?
Le Règlement européen du 21 mai 2013 prévoit certes la mise en place d'une plateforme européenne de règlement en ligne des litiges des consommateurs, à compter de 2016 ; un service permettant un règlement, par voie extrajudiciaire, des litiges en ligne entre consommateurs et professionnels, pour que les consommateurs de l'Union européenne puissent bénéficier de moyens de recours plus rapides, moins onéreux et plus accessibles qu'une procédure judiciaire pour régler en ligne leur litige lié à un achat sur internet. Mais il s'agit d'une démarche purement extrajudiciaire et étatique. Rien à voir avec ce nouveau partenariat ainsi constitué.
Point besoin pour les avocats de traverser le détroit de Messine... Ils peuvent bien se garder à droite et se garder à gauche, même quand la crainte veille, il arrive ce qui était à craindre, contrairement à ce qu'enseigne Lao-Tseu. Charybde associée à Scylla, que restera-t-il du monopole judiciaire des avocats ? Le combat est homérique, mais Ulysse finira par dépasser les eaux troubles : est-ce là l'Odyssée des avocats ?
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Réf. : Décret n° 2015-271 du 11 mars 2015, relatif à la rétribution des interventions des avocats au titre de l'aide juridique (N° Lexbase : L1248I8Q)
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N6422BUE
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Le 19 Mars 2015
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Réf. : Décision du Comité européen des droits sociaux du 4 mars 2014, Réclamation n° 92/2013 (disponible sur le site du Conseil de l'Europe)
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N6456BUN
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 19 Mars 2015
Article 17 de la Charte sociale européenne. C'est l'article 17 de la Charte sociale européenne qui constitue le fondement textuel principal de la décision du Comité européen des droits sociaux. Ce texte affirme de manière générale que "les enfants et les adolescents ont droit à une protection sociale, juridique et économique appropriée" puis que "en vue d'assurer aux enfants et aux adolescents l'exercice effectif du droit de grandir dans un milieu favorable à l'épanouissement de leur personnalité et au développement de leurs aptitudes physiques et mentales, les parties s'engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, toutes les mesures nécessaires et appropriées tendant à assurer aux enfants et aux adolescents, compte tenu des droits et des devoirs des parents, les soins, l'assistance, l'éducation et la formation dont ils ont besoin, notamment en prévoyant la création ou le maintien d'institutions ou de services adéquats et suffisants à cette fin à protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l'exploitation". Le Comité européen des droits sociaux fait état dans la décision de septembre 2014 de l'interprétation de l'article 17 de la Charte concernant les châtiments corporels quels qu'ils soient infligés aux enfants qu'elle a déjà énoncée dans une décision précédente, "Organisation mondiale contre la torture (OMCT) c/ Portugal" du 5 décembre 2006 : "pour se conformer à l'article 17, le droit interne des Etats doit contenir des dispositions qui permettent d'interdire et de sanctionner toute forme de violence à l'encontre des enfants, c'est-à-dire de tout acte ou comportement susceptible de porter atteinte à l'intégrité physique, à la dignité, au développement ou à l'épanouissement psychique de l'enfant. Ces dispositions doivent être suffisamment claires, contraignantes et précises pour ne pas laisser au juge la possibilité de refuser d'en faire application aux violences contre les enfants. Par ailleurs, l'Etat doit agir avec diligence pour éliminer concrètement les violences proscrites". Dans le même sens, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a formulé le 4 juin 2004 une recommandation intitulée "interdire le châtiment corporel des enfants en Europe" (1).
Convention internationale des droits de l'enfant. Le Comité relève qu'il existe aujourd'hui un large consensus au sein des organes internationaux de protection des droits de l'Homme, au niveau européen et international, pour considérer que les châtiments corporels infligés aux enfants doivent être expressément et entièrement interdits en droit. Il se réfère expressément à la Convention internationale des droits de l'enfant et particulièrement à l'article 19 selon lequel "les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié". Le Comité se réfère également aux observations générales n° 8 et n° 13 du Comité des droits de l'enfant dans lesquels le Comité international des droits de l'enfant affirme "qu'éliminer les châtiments violents et humiliants à l'égard des enfants par la voie d'une réforme législative et d'autres mesures nécessaires constitue une obligation immédiate et inconditionnelle des Etats parties". Le Comité international considère que l'expression "toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales" de l'article 19 de la CIDE "ne laisse aucune place à un quelconque degré de violence à caractère légal contre les enfants".
Portée de la prohibition de tous les châtiments corporels. On peut ainsi considérer que l'interdiction des châtiments corporels même légers dont les conséquences négatives ont été scientifiquement démontrées (2), est un principe désormais consacré par des sources supranationales. Les textes européens et internationaux, tels qu'expliqués par les organes spécialement instaurés pour procéder à leur interprétation, semblent en effet prohiber tout châtiment corporel sur les enfants, alors même que leur formulation est plus générale. Il faut cependant rappeler que ces comités ne constituent pas des juridictions et que leur interprétation n'est pas revêtue de la force obligatoire.
Cour européenne des droits de l'Homme. Une condamnation de la Cour européenne des droits de l'Homme aurait sans aucun doute une portée plus grande. Encore faudrait-il que les juges de Strasbourg, saisis par un enfant ayant subi des châtiments corporels qui n'atteindrait pas un certain seuil de gravité, considère que le défaut de répression de ceux-ci constitue une violation d'une disposition de la convention. Il est certain que la Cour européenne ne condamnera pas les châtiments corporels sans gravité sur le fondement de l'article 3. Certes, la Cour n'hésite pas à qualifier les châtiments corporels dans le cadre familial de traitements inhumains et dégradants lorsqu'ils atteignent un certain seuil de gravité comme dans l'arrêt "A c/ Royaume-Uni" du 23 septembre 1998 (3), dans lequel elle a condamné la législation britannique qui avait permis à un beau-père d'être relaxé après avoir infligé des corrections physiques particulièrement sévères à son beau-fils. Toutefois, elle a, à l'inverse, considéré dans l'arrêt "Costello-Roberts c/ Royaume Uni" du 26 mars 1993 que la sanction disciplinaire prononcée contre Jeremy Costello-Roberts pour une série d'infractions mineures au règlement de l'école ne présentait pas, une gravité suffisante pour tomber sous le coup de l'article 3. En l'espèce, il s'agit de coup de chaussures à semelle de caoutchouc, sur le postérieur non dénudé d'un enfant dans le cadre scolaire. Dans le même arrêt, la Cour sollicitée pour prononcer une condamnation sur le fondement de l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) admet que cette disposition puisse être applicable aux châtiments corporels mais "estime néanmoins, eu égard au but et à l'objet de la Convention prise dans son ensemble et à la circonstance que la fréquentation d'une école par un enfant implique inévitablement une certaine ingérence dans la vie privée de celui-ci, que le traitement incriminé n'a pas nui à l'intégrité physique ou morale du requérant au point de relever de l'interdiction de l'article 8. Tout en ne voulant pas donner l'impression d'approuver de quelque manière le maintien du châtiment corporel dans le système disciplinaire d'une école, elle conclut donc qu'en l'occurrence il n'y a pas eu non plus violation de ce texte". La Cour européenne n'a encore jamais été sollicitée sur la question de savoir si l'absence de législation prohibitive de tous les châtiments corporels, y compris ceux ne dépassant pas un certain seuil de gravité, constituerait une violation d'une obligation positive pour les Etats. Il n'est pas certain que la Cour européenne réponde de manière affirmative à cette question surtout si les châtiments corporels graves sont effectivement réprimés.
Le Gouvernement français a tenté devant le Comité européen des droits sociaux de contester l'interprétation selon laquelle l'article 17 de la Charte pose une interdiction générale des châtiments corporels. Il constate, en outre, que l'interdiction générale de toute forme de châtiment corporel ne fait pas consensus au sein des pays membres du Conseil de l'Europe. La France n'est en effet pas le seul pays à admettre les châtiments corporels non excessifs. D'ailleurs la réclamation de l'APPROACH concerne également la Belgique, Chypre, l'Irlande, l'Italie, la Slovénie et la République Tchèque.
II - Le constat des lacunes du droit français
Droit positif. Au premier abord, il semble que le droit pénal français contient les outils nécessaires pour réprimer les châtiments corporels sur les enfants. En effet, l'article 222-13 du Code pénal (N° Lexbase : L8820ITT) punit les violences commises contre un mineur de quinze ans qui n'ont entraîné aucune incapacité de travail, étant précisé que cette infraction est aggravée lorsque l'auteur des faits est un ascendant de la victime ou une personne ayant autorité sur elle. En outre, les violences habituelles commises sur mineur font l'objet d'une répression spécifique à l'article 222-14 du Code pénal (N° Lexbase : L7205IMS). Toutefois, la mise en oeuvre de ces dispositions pénales fait l'objet d'une certaine tolérance, la traditionnelle fessée et autres châtiments corporels légers ne font que très rarement l'objet de poursuites pénales et encore moins de condamnations (4). Saisies d'hypothèses de châtiments corporels sans gravité, les juridictions pénales écartent le plus souvent l'application de l'article 222-13 du Code pénal au nom d'un "droit de correction" coutumier (5). Ont été ainsi admis le fait pour un instituteur d'empoigner un élève par son sweat-shirt et de le tirer sans ménagement jusqu'à son bureau deux étages plus haut (6) ou la claque sur la couche infligée par une nourrice à un enfant de vingt-trois mois (7). La cour d'appel de Douai dans une décision du 29 octobre 2008 a pour relaxer un prévenu de l'infraction de violences, affirmé que "les violences reconnues par le prévenu et reprochées à ce dernier sont légères, rares et n'ont pas dépassé l'exercice du simple droit de correction" (8). Les violences doivent toutefois pour être excusées par le droit de correction, être légère et avoir un but pédagogique (9). Plusieurs décisions ont condamné des faits qui constituaient des atteintes graves à l'intégrité physique de l'enfant même en l'absence d'ITT (10). La Cour de cassation considère que le caractère dégradant du traitement exclut son caractère éducatif et par là même sa justification par le recours à la notion de droit de correction (11). Quoique nuancée, la jurisprudence française sur les châtiments corporels semble clairement faire état d'une tolérance à l'égard des châtiments corporels sans gravité au nom d'un droit de correction parental qui constituerait une sorte de fait justificatif excluant la condamnation des parents qui les pratiquent.
Défense du Gouvernement français. Devant le Comité européen des droits sociaux, le Gouvernement soutient qu'en l'état, la législation française interdit la violence à l'égard des enfants. Il réfère non seulement aux dispositions du Code pénal réprimant les violences mais également à l'article 16-1 du Code civil (N° Lexbase : L1688AB7), qui consacre l'inviolabilité du corps humain. Par ailleurs, il précise à propos des châtiments en milieu scolaire que le Code de l'éducation impose aux écoles primaires d'établir leur règlement intérieur sur la base, entre autres, d'une circulaire nationale du 6 juin 1991 (12), qui interdit tout châtiment corporel à l'école élémentaire et de la circulaire n° 2011-111 du 1er août 2011, qui réglemente les sanctions dans l'enseignement secondaire. Il cite en outre plusieurs décisions judiciaires qui sanctionnent les violences faites aux enfants perpétrées tant dans le cercle familial que dans le milieu scolaire affirmant que, si certaines décisions des juges du fond ont pu mentionner un "droit de correction" des parents ou des enseignants, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne semble plus désormais s'y référer. Selon l'Etat français, les juridictions françaises condamnent les châtiments corporels à la condition qu'ils atteignent un certain seuil de gravité, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (13).
Appréciation du Comité européen des droits sociaux. Le Comité européen des droits sociaux s'était déjà prononcé sur le régime français des châtiments corporels dans ses conclusions relatives à la France de 2005 (14). Il avait alors considéré les dispositions réprimant les violences dans le Code pénal ne couvrent pas nécessairement toutes les formes de châtiments corporels, situation qu'il a jugée non conforme à la Charte révisée. Il relevait, en outre, que plusieurs décisions de justice ont admis un droit de correction pour les enseignants comme pour les parents. Il n'est donc pas surprenant que le Comité européen des droits sociaux considère à nouveau en 2014 que le droit positif français en matière de châtiments corporels n'est pas conforme aux exigences de la Charte sociale européenne. Il note, certes, que les dispositions du Code pénal mentionnées dans le contexte de la présente réclamation interdisent les violences graves à l'encontre des enfants, et que les juridictions nationales condamnent les châtiments corporels à condition qu'ils atteignent un certain seuil de gravité. Cependant, le Comité constate qu'"aucun des textes juridiques mentionnés par le Gouvernement n'énonce l'interdiction expresse et complète de toutes les formes de châtiments corporels infligés aux enfants susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique, à leur dignité, à leur développement ou à leur épanouissement psychique. En outre, une incertitude subsiste quant à l'existence d'un droit de correction' reconnu par la justice, et aucune jurisprudence claire et précise n'interdit de façon complète la pratique des châtiments corporels".
III - Les perspectives d'évolution du droit français
Après cette condamnation de la France par le Comité européen des droits sociaux, il convient de se demander quelles perspectives d'évolution du droit français peuvent être envisagées, même si la force obligatoire de la décision reste relative. Plusieurs voies peuvent être explorées, en distinguant les mesures répressives et les mesures plus pédagogiques.
Répression spécifique. La première solution consisterait en une interdiction de tout châtiment corporel qui serait sanctionnée par une condamnation pénale proportionnée à l'importance de l'atteinte. Une telle solution suscite sans aucun doute des interrogations. On peut notamment s'interroger sur la mise en oeuvre d'une telle disposition et sur la difficulté de constater et de réprimer réellement tous les châtiments corporels. "Le risque serait alors, faute de moyens concrets pour mettre en oeuvre l'interdiction totale, de faire basculer le droit de la famille dans une sorte de contrôle social de la relation parents enfants qui ne pourrait être assuré par les magistrats" (15). Outre un défaut d'effectivité, un tel texte risque de fournir de nouvelles armes aux parents en conflits après une séparation houleuse. Par ailleurs, on peut se demander dans quelle mesure le champ d'application d'une telle disposition ne devrait pas être étendue à toute atteinte à l'intégrité physique de l'enfant, dès lors qu'elle n'est pas justifiée par une nécessité thérapeutique. Dans une telle hypothèse, il faudrait interdire les tatouages ou piercing divers et surtout la circoncision....On voit alors combien une telle interdiction pourrait susciter des débats compliqués !
Evolution jurisprudentielle. Il serait sans doute préférable que l'évolution vienne de la jurisprudence et se fonde sur les textes existants. La condamnation du Comité européen des droits sociaux porte en effet également sur l'absence de jurisprudence claire condamnant tout châtiment corporel. La mise en oeuvre opérée par les juges français des dispositions du Code pénal réprimant les violences lorsqu'il s'agit de châtiment corporel pourrait en effet être légitimement remis en cause, suivant ainsi les propos d'un auteur selon lequel "le juriste peut s'étonner qu'une juridiction écrive que le geste d'un parent constitue une violence légère, ce qui entraîne automatiquement une qualification pénale, puis le relaxe ensuite ce qui signifie qu'elle considère qu'aucune infraction n'a été commise. On aurait mieux compris une peine modérée ou, au mieux, une dispense de peine. D'autant plus que le juriste cherche en vain dans le Code pénal une allusion, même lointaine, à un droit de correction' justifiant des violences sur des enfants. Les juges ont voulu, tout en constatant des violences mêmes légères, faire obstacle à la condamnation de leur auteur en créant une nouvelle sorte d'excuse légale" (16). Il semblerait cependant que la notion de droit de correction est moins, voire plus, utilisée par les tribunaux depuis plusieurs années. Mais la Cour de cassation pourrait opportunément affirmer que toute violence à l'égard d'un enfant, quel que soit son auteur et quelle que soit sa gravité constitue une violence prohibée par le Code pénal, interprété à la lumière de la Convention internationale des droits de l'enfant et spécifiquement son article 19 et ainsi exclure tout possibilité que le droit de correction coutumier puisse constituer un fait justificatif des violences même légères sur mineur. Encore faut-il que la Cour de cassation soit saisie de la question. Il pourrait être opportun dans cette perspective qu'une juridiction du fond saisisse la Haute juridiction dans le cadre de la procédure d'avis. Résoudre la question par une évolution de la jurisprudence aurait le mérite d'éviter un débat sans doute difficile devant le Parlement et qui risque d'aboutir, comme souvent ces dernières années, à un texte minimaliste voire insipide.
Incitation légale. Le rapport du groupe de travail "de nouveaux droits pour les enfants" présidé par Jean-Pierre Rosenczveig, et instauré par Dominique Bertinotti, ancien ministre délégué à la famille, préconise la voie de l'incitation légale pour lutter contre les châtiments corporels. Il se fonde notamment sur l'opinion de Marcel Rufo qui estime qu'il n'est pas nécessaire de légiférer, mais pour des arguments stratégiques qu'il faut privilégier la pédagogie. "Le Groupe de travail partage ce souci de pédagogie [...] en veillant à ce que la loi pose l'interdit. On ne sanctionnera pas les parents qui dépasseront l'ordre de la loi tout en restant dans la limite de la fessée et de la gifle, mais on les interpellera sur leur comportement". La proposition consiste à ajouter dans l'article 371 du Code civil (N° Lexbase : L2893ABR) l'affirmation selon laquelle "les parents veillent dans leur mission éducative à des démarches de dialogue et de conviction fondées sur le respect de la personne et de son intégrité physique". Il n'est pas certain qu'une telle solution satisfasse les exigences du Comité européen des droits sociaux. Toutefois, elle pourrait inciter à la Chambre criminelle de la Cour de cassation de mettre clairement fin à la tolérance traditionnelle des juridictions à l'égard des châtiments corporels sans gravité.
Prohibition civile. L'interdiction des châtiments corporels dans le Code civil est une solution que le Comité international des droits de l'enfant avait suggéré à l'Allemagne dans son rapport de 1995 (17). Le même Comité a également affirmé dans son rapport relatif au Danemark de la même année (18) que la prohibition des châtiments corporels dans le droit civil était plus opportune que dans le droit pénal qui serait trop sévère. Toutefois, comme le fait remarquer Martine Herzog-Evans (19), "une loi, de nature civile devrait être tout à fait claire quant à son contenu prohibitif, faute de quoi elle n'aurait par elle-même aucune portée". Il faudrait donc sans doute que la formule que le rapport "Rosenczveig" propose d'intégrer dans l'article 371-1 soit modifiée pour contenir expressément l'interdiction faite aux parents d'infliger tout châtiment corporel à leur enfant. Une telle prohibition civile pourrait alors fonder des demandes de dommages et intérêts et surtout être utilisée dans le cadre de l'organisation judiciaire des relations parents-enfants. Le message pourrait ensuite être relayé par des campagnes d'information et d'éducation pour faire évoluer les pratiques et les croyances...
(1) Recommandation n° 1666 (2004), Doc. n° 10199, 4 juin 2004.
(2) J. Cornet, La nocivité des punitions corporelles : point de vue des scientifiques, AJ Famille, 2005, p. 226.
(3) JCP éd. G, 1999, I., p. 105, obs. F. Sudre.
(4) M. Herzog-Evans, Châtiments corporels : vers la fin d'une exception culturelle ?, AJ Famille, 2005, p. 212.
(5) Cass. crim., 17 décembre 1817, S., 1819-1821, Chron., p. 152.
(6) CA Caen, 4 mai 1998, n° 97/0667 (N° Lexbase : A6879ND7).
(7) Cass. crim., 17 juin 2003, n° 02-84.986 (N° Lexbase : A7982NDY).
(8) CA Douai, 29 octobre 2008, n° 08/02725 (N° Lexbase : A6878ND4).
(9) Tribunal de Police de Bordeaux, 18 mars 1981, D., 1982, note D. Mayer ; RSC, 1982, p. 374, obs. G. Levasseur.
(10) Cass. crim., 21 février 1990, n° 89-86.688, RSC, 1990, p. 785, obs. G. Levasseur (N° Lexbase : A9690CX8) ; Cass. crim., 3 mai 1984, n° 84-90.397, Bull. crim., p. 154 (N° Lexbase : A8244AAL).
(11) Cass. crim., 2 décembre 1998, n° 97-84. 937 (N° Lexbase : A8025CEX), Bull. crim., n° 327 ; D., 2000, Somm. 32, obs. Mayaud ; Dr. Pénal, 1999, n° 83, obs. Véron, pour des éducateurs qui avaient privé des enfants autistes de repas, les avaient enfermés dans des placards, leur avaient administré des douches froides et les avaient contraint à ramasser leurs excréments.
(12) Circulaire nationale du 6 juin 1991, n° 91-124.
(13) Cf. supra.
(14) Comité européen des droits sociaux, Conclusions France, 2005, p. 17.
(15) M. Lamarche, L'éducation des enfants avec ou sans fessée ?, Dr. Fam., 2015, Focus, à paraître.
(16) M. Huyette, A propos de la fessée, des châtiments corporels, ou plus exactement des violences sur les enfants, cf. Le site Parole de juge.
(17) Rapport du Comité des droits de l'enfant du 27 novembre 1995.
(18) Rapport du Comité des droits de l'enfant du 27 janvier 1995.
(19) Art. préc..
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Réf. : Cass. civ. 1, 18 février 2015, n° 14-10.460, F-P+B (N° Lexbase : A0151NCL)
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N6423BUG
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par Yves Avril, Docteur en droit, Avocat honoraire, Ancien Bâtonnier
Le 19 Mars 2015
Si les règlements intérieurs comportent des exigences, l'harmonisation était nécessaire au point d'envisager le concept de cabinet virtuel ou de domicile électronique (2). Depuis une décision normative du Conseil national des barreaux des 23 et 24 septembre 2011 (3), un article 15 du RIN traite tant du cabinet principal que du bureau secondaire.
I - Les pouvoirs habituels du conseil de l'Ordre
Un point ne sera pas discutable, la compétence territoriale du conseil de l'Ordre. Si le bureau secondaire est situé en dehors du barreau où il est inscrit "l'avocat doit [...] demander l'autorisation du conseil de l'Ordre du barreau dans le ressort duquel il envisage d'établir un bureau secondaire" (4).
Les pouvoirs du conseil de l'Ordre sont fournis de façon lapidaire par la loi : "l'autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire".
L'installation d'un bureau secondaire peut en effet se heurter à des attitudes malthusiennes du barreau d'accueil. Ce n'est pas faire ici un procès d'intention, car la jurisprudence en porte la marque évidente. Ainsi, l'on verra un barreau augmenter en une année de 366 % la cotisation des avocats inscrits pour un bureau secondaire, tandis que la cotisation des avocats inscrits a augmenté de 175 %. Le conseil de l'Ordre se trouvant incapable de justifier une telle disparité, la Cour de cassation ne peut que sanctionner de telles pratiques (5).
Dans ce contexte, le contentieux se traduit généralement par une décision de refus là où est demandée l'autorisation de créer un bureau secondaire, portée ensuite devant la cour d'appel et souvent devant la Cour de cassation. Des décisions traduisent un ensemble cohérent qui mérite d'être souligné.
Le conseil de l'Ordre peut se pencher sur les conditions matérielles de l'organisation et de la tenue du bureau secondaire projeté. Ainsi, l'autorisation dans des locaux partagés avec une société d'expertise comptable est donnée lorsqu'est relevée la mise à disposition d'un bureau de 22 m² pour l'avocat et d'un petit bureau individuel pour la secrétaire. La stabilité de l'occupation est garantie par la stipulation d'un préavis de trois mois en cas de résiliation (6).
Par "conditions d'exercice", l'on ne se bornera pas aux conditions matérielles. Les conditions purement juridiques peuvent aussi être retenues. Ainsi la cour d'appel, puis la Cour de cassation ont eu à juger que la seule présence d'un avocat collaborateur suffit à autoriser l'installation (7).
Dans l'ordre juridique l'on ne saurait davantage admettre un détournement de procédure pour autoriser une installation. L'exemple en est fourni par une avocate du barreau de Marseille. Apprenant qu'une procédure disciplinaire allait être ouverte, cette personne sollicite la création d'un bureau secondaire à Bastia, ce qui évitait au conseil de l'Ordre de se montrer trop curieux et aurait permis d'échapper au contrôle général d'une inscription. Or, un avis de recherche d'appartement montrait la volonté de s'installer à demeure en Corse (8).
A mi-chemin entre les considérations matérielles et les considérations juridiques figure l'examen du caractère effectif de l'installation. Un exemple récent montre le libéralisme de la Cour de cassation. On a considéré que le caractère effectif se vérifiait quand une juriste salariée diplômée assurait quotidiennement l'accueil de la clientèle, la gestion administrative, la préparation des dossiers et la mise en relation des clients avec le responsable du bureau secondaire demeurant dans une autre ville (9).
On trouve autant de décisions qui rappellent que les pouvoirs du conseil de l'Ordre sont strictement encadrés. Ils sont limités à l'appréciation "des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire". Comme le soulignent des auteurs de référence (10) "les conseils de l'Ordre ont tendance, quand ils sont saisis d'une demande d'autorisation d'un avocat hors de leur ressort, à aller au-delà des vérifications qui leur sont permises par la loi, d'où un contentieux relativement fourni".
Ainsi, un avocat peut avoir une activité critiquable, relevant de la discipline, dans le barreau où il est inscrit. Il relèvera toujours de la discipline de ce barreau.
Une décision peut être citée, pour montrer qu'aujourd'hui l'on devrait statuer à l'inverse. L'appréciation s'est faite avant la mise en oeuvre de la loi du 19 décembre 1989 qui exprime le droit applicable actuellement. En substance, pour refuser la création d'un bureau secondaire, le conseil de l'Ordre avait estimé qu'il fallait préalablement que l'avocat fasse cesser les irrégularités de comptabilité relevées au cabinet principal. Il était jugé que : "la bonne gestion du cabinet principal est effectivement la condition nécessaire à l'ouverture d'un cabinet secondaire" (11).
Désormais d'éventuels manquements ne pourront être opposés pour justifier un refus d'ouverture. Cette situation s'est rencontrée pour le demandeur qui a diffusé des tracts constituant une offre de services et un démarchage prohibé en vue de se constituer une clientèle dans le futur bureau secondaire. Ce manquement n'entre pas dans les critères légaux et ne peut justifier un refus d'autorisation (12).
Le conseil de l'Ordre n'a pas davantage à refuser l'ouverture quand il lui apparaît que le bureau n'aura pas une rentabilité économique suffisante (13). La Cour de cassation approuve la cour d'appel qui réforme la décision du conseil de l'Ordre : "en portant une appréciation sur la rentabilité du bureau par référence à son implantation géographique, sans formuler contre monsieur X [...] un quelconque reproche mettant en cause sa capacité à gérer un bureau secondaire, d'y accueillir une clientèle en lui offrant des services qu'elle est en droit d'attendre en fonction des usages de la profession et d'y exercer son activité dans de bonnes conditions, le conseil de l'Ordre avait excédé les pouvoirs qu'il tenait de l'article 8-1 de la loi n° 71 -1130 du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ)".
L'autorisation "ne peut être retirée que pour les mêmes motifs" écrit aussi la loi du 31 décembre 1971. Par parallélisme, l'on trouve donc une jurisprudence similaire, formant avec la première un corpus cohérent et constant. A titre d'exemple, l'on peut citer une décision relative au non-paiement de cotisations dans le barreau d'accueil. Ce motif échappe aux critères légaux et ne peut justifier le retrait de la décision d'ouverture (14).
II - L'application des principes
La concision du pourvoi méritait que l'on examinât l'arrêt d'appel pour bien apprécier les faits, que la Cour de cassation, juge du droit, n'abordait que de façon succincte. Bien que rendu en audience non publique, il a été possible d'en examiner le contenu.
Celui-ci permet de formuler des observations sur la procédure. En premier lieu, devant la cour d'appel, la SELARL d'avocats soulevait la nullité de la décision du conseil de l'Ordre pour vice de procédure. L'appelante visait l'article 103 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID), selon lequel "aucun refus d'inscription ou de réinscription ne peut être prononcé par le conseil de l'Ordre sans que l'intéressé ait été entendu ou appelé dans un délai d'au moins huit jours par lettre recommandée avec demande d'avis de réception". L'objection vient immédiatement à l'esprit : il ne s'agit pas d'inscription au barreau, mais d'autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire. Toutefois, la réponse est claire : l'article 166 du décret du 27 novembre 1991 renvoie à l'article 103 du même décret : la convocation de l'intéressé, pour reprendre les termes des textes, s'impose avec un préavis de huit jours.
La société d'avocats soulevait expressément ce moyen, repris dans l'exposé des faits et de la procédure. La solution ne pouvait faire de doute. La cour d'appel a annulé la décision du conseil de l'Ordre. Lorsqu'elle a évoqué le litige au fond a-t-elle utilisé son droit discrétionnaire d'évocation ? Au vrai, elle n'a fait que statuer suivant le principe de l'effet dévolutif. La cour était obligée de statuer sur le fond, car le litige avait déjà été soumis à la juridiction de première instance (15).
Sur le fond la cour d'appel a procédé à l'examen classique des conditions matérielles d'occupation. Elle se réfère au bail montrant que la société d'avocats sous-loue la moitié d'un local comprenant cinq pièces et un bloc sanitaire. La surface étant sensiblement de 70 m², on peut en conclure qu'elle disposait de 35 m². Dans son appréciation des faits la cour examine la disposition des lieux et le bail. On peut penser qu'un plan lui a été présenté. Les juges estiment que le fonctionnement normal du bureau ne posera pas de difficulté. Répondant à une critique du conseil de l'Ordre, les juges estiment aussi que rien n'entravera pour la collaboratrice la possibilité d'exercer son activité libérale et de pouvoir ainsi développer sa clientèle personnelle.
En définitive, restait à analyser le seul moyen du pourvoi. Devant la Cour de cassation le barreau de Papeete avait renoncé à évoquer les aspects matériels ou juridiques de l'occupation des locaux. Ce moyen est à rapprocher d'une seconde instance où il figurait aussi comme moyen unique. On trouvera donc à la même date un arrêt statuant sur l'inscription de la collaboratrice au barreau de Papeete (16) dans des termes rigoureusement identiques.
Au vrai, cette seule contestation ne permettait pas à la cour d'appel ou à la Cour de cassation d'échapper, pour une simple question de compétence limitée, à l'examen au fond des motifs du conseil de l'Ordre.
Il faut admettre que le contrat de collaboration contenait une clause inhabituelle. La rémunération prévoyait une partie fixe et une partie variable. Celle-ci est habituellement calculée sur le chiffre d'affaires que l'activité personnelle du collaborateur a permis de réaliser. Ici, figure une clause singulière : la collaboratrice doit recevoir une rémunération de 20 % des honoraires encaissés sur la clientèle qu'elle apporterait. On peut comprendre l'intérêt de cette clause : la collaboratrice est née à Papeete et y a passé sa licence en droit. On peut penser que son implantation locale est un élément intéressant lorsque que l'on met en perspective la situation du cabinet principal à Paris, c'est-à-dire à plus de 15 000 kms de distance. En revanche, cette clause pourrait entrainer des difficultés car le propre du collaborateur libéral est d'avoir sa clientèle personnelle et l'espoir raisonnable de la développer. Si des affaires lui viennent, on peut penser qu'il aura à coeur de les traiter lui-même et non de les "apporter". Il n'est pas le lieu ici d'anticiper davantage sur l'exécution du contrat.
Le pourvoi se fondait exclusivement sur la prohibition du pacte de quota litis figurant à l'article 11-3 du RIN et à l'interdiction d'accepter une rémunération pour apport d'affaires énoncée à l'article 12. L'arrêt de la Cour de cassation vise aussi l'article 11 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, sur la déontologie de l'avocat (N° Lexbase : L6025IGA) comme appuyant le pourvoi, mais il faut rectifier cette erreur de plume des hauts magistrats. Le texte applicable est l'article 10 stipulant in fine que "la rémunération d'apports d'affaires est interdite". Cette erreur sera au reste sans conséquence, la Cour de cassation ne se fondant que sur les dispositions du RIN pour écarter le pourvoi.
Le pacte de quota litis fait toujours partie des prohibitions déontologiques de principe. On fait remonter cette interdiction aux lois romaines (17) et la doctrine soulignait il n'y a pas si longtemps la sévérité des conseils de l'Ordre et des tribunaux, enclins à prononcer les peines disciplinaires les plus graves (18). Aujourd'hui, la prohibition reste de principe, quoique l'honoraire de résultat ait été admis (19). Toutefois, il ne faut pas voir de pacte de quota litis dans les rapports de l'avocat qui se fait rémunérer par son client. La Cour de cassation ne l'envisage pas, le pourvoi étant plus limité.
En revanche, la Haute juridiction se penche sur la rémunération d'apports d'affaires. Il est difficile de définir l'apport d'affaires. La doctrine est presque muette sur le sujet et les banques de données ne renseignent que les deux arrêts du 18 février 2005 évoqués ici. La seule approche envisageant la question est celle d'Ader et Damien (20). Il est naturel, exposent-ils, que l'avocat fasse profiter ses clients de relations extra-professionnelles dont il pourrait disposer. Toutefois, s'il adresse un client à un tiers "ses relations professionnelles, même parfaitement licites, ne sauraient justifier une rémunération en dehors du service rendu qui consiste à préparer juridiquement et techniquement un dossier". Pour la cour d'appel de Papeete, l'apport d'affaires existe dans la rémunération par un cabinet d'avocats d'un de ses clients pour lui avoir apporté d'autres clients. A notre sens, une troisième catégorie concernerait l'avocat qui se ferait rétribuer par un tiers, par exemple un notaire, un expert-comptable, un huissier de justice, un commissaire-priseur, auquel il apporterait des clients. Quoiqu'il en soit la rémunération véritable d'un avocat collaborateur entre dans les prévisions d'un contrat de mieux en mieux réglementé par des dispositions d'ordre public. Il est du reste à noter que le contrôle devait se faire ici à Papeete, dans la mesure où il se fait auprès du barreau auprès duquel le collaborateur est inscrit (21).
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Réf. : Cass. civ. 3, 11 mars 2015, n° 14-15.198, FS-P+B (N° Lexbase : A3293NDC)
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N6511BUP
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Le 21 Mars 2015
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Réf. : Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.616, F-P+B (N° Lexbase : A3247NDM)
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Le 20 Mars 2015
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Réf. : Cass. soc., 11 mars 2015, n° 12-27.855, FS-P+B (N° Lexbase : A3186NDD)
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Le 21 Mars 2015
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Réf. : Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-22.257, FS-P+B (N° Lexbase : A3163NDI)
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Le 24 Mars 2015
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par Christian Lopez, Maître de conférences HDR à l'Université de Cergy-Pontoise
Le 19 Mars 2015
La jurisprudence s'agissant des articles 1649 A (N° Lexbase : L1746HMM) et 1649 quater A (N° Lexbase : L4680ICC) du CGI, relative aux sommes transférées vers ou en provenance de l'étranger, est de plus en plus fréquente, le Conseil d'Etat ayant à trancher les questions concernant la qualification du revenu imposable et à la preuve éventuelle que ces sommes ont déjà fait l'objet d'une imposition ou sont exonérées.
En l'espèce, au cours de l'année 1999, un contribuable avait déposé les 9 septembre et 11 octobre 1999 deux chèques d'un montant de 30 500 euros chacun, sur un compte bancaire ouvert à son nom en Suisse. Ultérieurement, ce contribuable a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Au cours de ce contrôle, il a expliqué à l'administration fiscale que le versement du 11 octobre 1999 d'un montant de 200 000 francs provenait d'un compte courant d'associé qu'il détenait. Cette somme correspondant à un remboursement d'une créance ne revêtait donc pas un caractère imposable. L'administration a alors constaté que les sommes transférées vers la Suisse avaient été déposées sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré, en contravention de l'article 1649 A du CGI dans sa rédaction applicable à l'année 1999 : "Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. [...] Les somme, titre ou valeurs à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables".
De plus, aucune déclaration relative aux fonds transférés n'avait été produite, en contravention cette fois-ci de l'article 1649 quater A du CGI selon lequel " Les personnes physiques qui transfèrent à l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit (N° Lexbase : L7223AGM), ou d'un organisme cité à l'article 8 modifié de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixée par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7 620 euros. Les sommes, titres, ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéas".
En conséquence, les services fiscaux ont notifié un rehaussement de bases d'imposition de 60 700 euros dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le requérant a contesté les suppléments d'impôts et les pénalités sans succès devant l'administration fiscale, puis le tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, 1er mars 2005, n° 0301630) qui a rejeté sa demande. Il s'est alors tourné vers la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 13 novembre 2012, n° 12LY00909 N° Lexbase : A6619IYS) qui a annulé le jugement et prononcé la décharge des impôts et pénalités en raison de la qualification du revenu imposé. Le Conseil d'Etat a ensuite annulé cet arrêt tendant à la décharge des impositions, en renvoyant devant la cour administrative d'appel qui, après avoir procédé à une substitution de base légale pour retenir la qualification de revenus d'origine indéterminée à la place de bénéfices non commerciaux, a annulé le jugement de la cour administrative d'appel de Lyon qui avait rejeté la demande du contribuable. Le ministre de l'Economie demandant l'annulation de ce dernier arrêt, le Conseil d'Etat avait donc obligation de régler au fond le litige en raison du second recours en cassation exercé dans la même affaire (1).
Le problème posé dans cette affaire relève à la fois de la détermination du revenu imposable en cas de transfert de fonds vers un compte ouvert à l'étranger en infraction des articles 1649 A et 1649 quater A du CGI, et de la possibilité pour le contribuable de prouver que les fonds transférés ont déjà fait l'objet d'une imposition ou ne sont pas imposables. Plus précisément, le remboursement au bénéficiaire d'une somme inscrite au crédit du compte courant d'associé est elle, en soi, suffisante pour apporter la preuve que les sommes transférées sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré ont déjà fait l'objet d'une imposition ?
Les paragraphes 2, 4 et 6 de l'article 98 de la loi 89-935 du 29 décembre 1989, de finances pour 1990 (N° Lexbase : L1102I8C), codifiés aux deuxième et troisième alinéas de l'article 1649 A du CGI, prévoient l'obligation déclarative des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger par les personnes physiques et certaines personnes morales, domiciliées ou établies en France ainsi que les sanctions applicables en cas de défaut de déclaration (2). L'obligation déclarative concerne tous les comptes ouverts, clôturés ou mouvementés depuis cette date. Le texte prévoit que les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.
Ces revenus sont donc soumis, selon le cas, à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au nom de la personne physique, de l'association ou de la société à forme non commerciale n'ayant pas effectué la déclaration à laquelle elle était tenue en qualité de titulaire de compte ou de bénéficiaire de la procuration.
Le second alinéa de l'article 1649 quater A du CGI relatif à la déclaration des transferts de fonds institue également une présomption de revenus en cas de défaut de déclaration. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables, lorsque le contribuable n'a pas rempli ses obligations déclaratives. Dans ce cas, les sommes, titres ou valeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu, au nom de la personne physique qui n'a pas effectué la déclaration à laquelle elle était tenue en tant que bénéficiaire des transferts ou mandataire pour le compte d'autrui.
Concernant tout d'abord la qualification juridique des revenus en cause, les articles 1649 A et 1649 quater A du CGI, qui instituent une présomption de revenus, ne prévoient pas dans quelle catégorie ces derniers doivent être imposés.
Dans un avis n° 358557 du 6 février 1996, le Conseil d'Etat a précisé que l'article 1649 A du CGI doit être interprété comme instituant une présomption légale spécifique d'existence de revenus d'origine indéterminée. Mais il s'agit toutefois d'une présomption réfragable. Il en résulte que, lorsque l'origine des revenus est connue, ceux-ci doivent être imposés dans la catégorie leur correspondant. En l'espèce, aucune origine n'était avancée par le contribuable. Cette solution est dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de taxation d'office selon laquelle les revenus sont taxés comme revenus d'origine indéterminée seulement lorsqu'aucun élément ne permet de les rattacher à une catégorie précise de revenus (3).
Par ailleurs, le contribuable peut éviter la taxation en apportant la preuve que les transferts ne constituent pas des revenus imposables. En effet, la présomption édictée par le troisième alinéa de l'article 1649 A du CGI n'est pas irréfragable.
Le contribuable peut apporter la preuve que les transferts effectués, par l'intermédiaire d'un compte non déclaré, en provenance de l'étranger ou vers l'étranger, ne constituent pas des revenus imposables lorsque les sommes constituent des revenus qui ont déjà été soumis à l'impôt, ou bien qu'elles correspondent à des sommes exonérées ou n'entrant pas dans le champ d'application de l'impôt (4).
Il appartenait donc au requérant, qui n'avait pas révélé à l'administration fiscale l'existence d'un compte ouvert à son nom dans un établissement bancaire à l'étranger, pour faire échec à la présomption de revenus prévue par l'article 1649 A du CGI, d'apporter la preuve que les sommes transférées sur ce compte n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt.
Sur ce problème de preuve, il a déjà été jugé lors d'un premier versement correspondant à l'encaissement d'un chèque sur un compte non déclaré en Suisse, que le contribuable apporte la preuve, par les mentions portées par son auteur sur ce chèque et par les sommes versées par lui-même en retour à l'auteur du chèque, que la somme en litige correspondait à un prêt qu'il avait commencé à rembourser avant le début du contrôle. Par contre, concernant comme en l'espèce un versement sur un compte d'un organisme financier suisse résultant d'un transfert effectué depuis un compte bancaire ouvert en France par le contribuable, le fait que l'intéressé ait fourni des justifications sur l'origine des sommes portées sur son compte en France et provenant du remboursement d'un compte courant ouvert à son nom dans les écritures d'une société, ne suffit pas à établir le caractère non imposable des sommes en cause (5). En effet, dans l'affaire qui nous occupe, le Conseil d'Etat précise qu'il ne suffit pas de démontrer que cette somme revêtait la nature d'un remboursement de créance par l'utilisation du compte courant d'associé, mais il convient également de rechercher si "les ressources ayant contribué à constituer ce compte courant créditeur avaient elles mêmes déjà été imposées, ou ne devaient ou ne pouvaient pas l'être". Le contribuable invoquait que la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé qu'il a employé pour transférer des fonds à l'étranger, résultait de ressources imposables ou non, trouvait son origine en période prescrite. Pour le Conseil d'Etat, cet argument est sans incidence sur l'obligation qui lui incombe de justifier que cette somme a déjà été imposée ou ne devait pas l'être. La Haute juridiction précise que le contribuable "n'apporte aucune précision, ni aucun commencement de justification sur la nature des ressources ayant servi à constituer cette somme, ni sur la circonstance que ces ressources auraient déjà été imposées ou n'auraient pas été imposables, il ne fait pas échec à la présomption qui résulte des articles 1649 A et 1649 quater A du CGI". C'est donc "à bon droit que l'administration fiscale a regardé les sommes litigieuses, qui ne pouvaient d'ailleurs, par nature, qu'être qualifiées de revenus d'origine indéterminée, dès lors que le fait générateur de l'imposition est constitué par la constatation du transfert et non par la perception ou par l'origine de ces sommes, comme revenus imposables".
Ainsi, il est précisé que le fait générateur de l'impôt sur le revenu dû au titre des sommes transférées vers l'étranger ou en provenance de l'étranger sans déclaration, est constitué par le transfert des fonds et non par la perception initiale du revenu. La cour administrative d'appel de Bordeaux avait eu l'occasion de préciser la date du fait générateur (6). Dans cette affaire, les contribuables soutenaient que les fonds importés en 1993 provenaient d'un compte en Suisse alimenté en 1990 et que le revenu correspondant à ces apports en banque était donc prescrit lors de la notification de redressement adressée en 1995. Toutefois, le transfert ayant été constaté en 1993, les droits n'étaient donc pas prescrits lors de la notification de redressement envoyée en 1995 (7). Le fait générateur de l'impôt dû, en vertu de l'article 1649 quater A du CGI, au titre des sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger sans déclaration, est constitué par la constatation du transfert et non par la perception de ces sommes, titres ou valeurs. Le moyen soulevé devant la cour par le contribuable, tiré de ce qu'il avait transféré sur un compte suisse les sommes provenant d'un compte courant d'associé dont le crédit provenait d'une période dont le délai de reprise prévu par l'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L9777I3I) était nécessairement expiré, est par conséquent inopérant (8).
Dans sa décision du 4 février 2015, le Conseil d'Etat aborde deux points essentiels des opérations de contrôle fiscal : l'exercice du droit de communication dans le cadre d'une vérification de comptabilité et la non-déductibilité de sommes versées dans un but de corruption. Selon la Haute juridiction, l'administration avait pu, postérieurement à la procédure de redressement, obtenir, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires, non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, elle n'a pas procédé à une substitution de motifs. Par ailleurs, concernant les sommes versées à des agents publics dans le but de les corrompre, celles-ci ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. La circonstance que ces sommes versées pour le compte de la société auraient été détournées de leur objet à son insu et que celle-ci ne pourrait, ainsi, pas être regardée comme ayant eu, par elle-même, une intention de corruption, est sans incidence sur l'application de la règle de non-déductibilité.
L'arrêt commenté rappelle dans un premier temps clairement le cadre procédural des opérations de vérification de comptabilité, en précisant que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. La proposition de rectification fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification (9). Il est rappelé que la proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations. Après avoir écarté l'argumentation de la société requérante, qui invoquait l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification basée sur des coupures de presses, en considérant que la régularité de la proposition de rectification ne dépendait pas du bien-fondé de ses motifs, la Haute juridiction devait se demander si les dispositions de l'article L. 57 du LPF imposant à l'administration fiscale de faire connaître au contribuable les éléments de fait et de droit motivant la proposition de rectification, s'opposaient à l'obtention de renseignements complémentaires postérieurement à l'achèvement de la procédure de rectification afin de corroborer ceux déjà portés à la connaissance du contribuable ?
Selon le Conseil d'Etat, l'administration peut "postérieurement à la procédure de redressement, obtenir, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, procédé à une substitution de motifs".
Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut, sous réserve de certaines exceptions, procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. L'administration fiscale considère qu'une vérification de comptabilité est achevée à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur (10). Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser qu'une vérification de comptabilité est achevée à la date à laquelle le vérificateur a notifié une proposition de rectification (11). Ainsi, l'administration ne peut en principe procéder à une nouvelle vérification sur les mêmes années et les mêmes impôts après achèvement des opérations de contrôle. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs précisé que l'administration pouvait procéder à un examen complémentaire des documents comptables pour vérifier les éléments fournis par le contribuable en réponse à la proposition de rectification (12). Ainsi, toute opération de recherche d'informations postérieurement à l'achèvement des opérations de vérification de comptabilité tend à la constatation de l'irrégularité de la procédure. En revanche, lorsque les redressements procèdent de l'exploitation par l'administration de renseignements qui lui ont été communiqués à la suite d'investigations chez des tiers, le contribuable ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 51 du LPF (N° Lexbase : L9778I3K) prohibant les doubles vérifications de comptabilité (13).
De même, il a été jugé que ne constituait pas une nouvelle vérification, l'intervention sur place du vérificateur précédée d'un avis de passage et comportant la demande de communication des pièces justificatives d'un emploi des fonds de la société, alors même que ces pièces ont le caractère de documents comptables, dès lors que cette intervention se rattachait aux investigations menées dans les comptes bancaires de l'associé gérant pour les besoins de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (14).
On peut partager ces positions lorsqu'il s'agit de vérifier des éléments avancés par le contribuable dans le cadre de ces observations suite à une proposition de rectification ou encore dans le cadre de l'exploitation d'informations obtenues de tiers. Mais en donnant la possibilité au service vérificateur d'intervenir postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle, même sans procéder à une substitution des motifs de la proposition de rectification, le Conseil d'Etat ne procède-t-il pas à une autorisation contra legem de continuité des opérations de vérification de comptabilité, malgré la constatation de l'achèvement des opérations de contrôle ? Quoi qu'il en soit, en jugeant que l'administration avait pu obtenir postérieurement à la procédure de redressement, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, procédé à une substitution de motifs, on peut en conclure que l'exercice du droit de communication postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle entraînant une substitution de motifs ou des rehaussements nouveaux entrainera une irrégularité de la procédure de contrôle.
En dernier lieu, les services fiscaux ont remis en cause des commissions versées à un agent public étranger. En effet, aux termes de l'article 39, 2 bis du CGI (N° Lexbase : L3894IAH), en principe, dans le respect des conditions générales énoncées par ce même article 39, les entreprises françaises exportatrices peuvent déduire de leurs résultats imposables les commissions et autres frais commerciaux. Toutefois, sous l'influence des textes internationaux en vue de lutter contre la corruption, le législateur français a instauré à l'article 39 un 2 bis, concernant une interdiction pour les entreprises de déduire de leurs résultats imposables les sommes versées ou les avantages octroyés directement ou indirectement à un agent public en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le cadre de transactions commerciales internationales. Cette interdiction s'inscrit conformément aux prescriptions relevant de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée le 17 décembre 1997. Avec cette décision, le Conseil d'Etat se livre à une lecture stricte de l'instruction administrative du 7 novembre 2000 (15). L'administration a remis en cause la déduction des commissions versées par une société imposable en France à des sociétés étrangères au motif que les sommes versées à ces sociétés ont été transférées à des agents publics d'une entreprise publique en charge de l'attribution de marchés publics et que ces versements étaient en rapport direct avec les marchés obtenus par la société imposable en France en se prévalant non seulement d'une déclaration faite sous serment par un agent spécial du Federal Bureau of Investigation (FBI) dans le cadre d'une procédure judiciaire ouverte aux Etats-Unis à l'encontre d'un ancien dirigeant de la société imposable en France, mais également d'un accord du "plaider coupable" de ce même dirigeant, qui indique que l'intéressé a effectué ou fait effectuer des paiements illicites à un agent public étranger et a autorisé des virements internationaux pour verser les dessous-de-table, afin d'obtenir des contrats. En outre, une enquête interne diligentée par la société imposable en France à l'encontre de certains de ses responsables en poste dans l'Etat concerné ainsi que par l'engagement d'une procédure pénale à l'encontre de cette même société par les autorités de cet Etat avait permis de corroborer les faits.
La circonstance que les sommes versées auraient été détournées de leur objet à l'insu de la société imposable en France et qu'ainsi, celle-ci n'aurait eu aucune intention de corruption, demeure sans incidence sur l'application des dispositions du 2 bis de l'article 39 du CGI, qui ont pour objet de faire obstacle à la déduction de sommes versées pour corrompre des agents publics, indépendamment de l'identité de la personne physique ou morale responsable de la corruption.
Enfin, le Conseil d'Etat confirme la position de la cour d'appel administrative de Versailles (CAA Versailles, 3ème ch., 16 octobre 2012, n° 10VE01908 N° Lexbase : A1341IWL) précisant que l'instruction administrative référencée 4 C-4-00, publiée le 7 novembre 2000 qui énonce que "la Convention OCDE vise le fait intentionnel pour toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu, pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public, à son profit ou au profit d'un tiers, pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le cadre de transactions commerciales internationales" ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont le contribuable pourrait se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L4634ICM).
(1) CJA, art. L. 821-2 (N° Lexbase : L3298ALQ) : lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire.
(2) Les modalités d'application de cette disposition ont été fixées par le décret n° 91-150 du 7 février 1991 (N° Lexbase : L1101I8B), codifié aux articles 344 A (N° Lexbase : L3569HM7) et 344 B (N° Lexbase : L3570HM8) de l'annexe III au CGI. Les dispositions de l'article 1649 A du CGI s'appliquent depuis le 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi 89-935 du 29 décembre 1989, de finances pour 1990.
(3) CE 9° et 10° s-s-r., 13 mars 2006, n° 249895, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5907DN4), RJF, 06/06, n° 656, concl. C. Verot, BCDF, 6/06, n° 69.
(4) BOI-CF-CPF-30-20, n° 240 (N° Lexbase : X5113ALX).
(5) Voir également CE 9° et 10° s-s-r., 20 février 2012, n° 325217, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3373IDB).
(6) CAA Bordeaux, 8 décembre 2005, n° 02BX00360 (N° Lexbase : A5108DM7).
(7) En ce sens, CAA Marseille, 15 décembre 2010, n° 08MA00981 (N° Lexbase : A7918GS3).
(8) Voir également, CE 3° et 8° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 327033, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8317HWX), RJF, 11/11, n° 1121.
(9) LPF, art. L.57 (N° Lexbase : L0638IH4) et R. 57-1 (N° Lexbase : L2033IBW).
(10) BOI-CF-PGR-20-40, n° 10 (N° Lexbase : X5865ALS).
(11) Voir notamment CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2011, n° 330851, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0265HWQ), RJF,11/11, n° 1175.
(12) CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2011, n° 330851, mentionné aux tables du recueil Lebon, RJF, 10/92, n° 1344.
(13) CE Ass. plén., 9 avril 1986, n° 22691, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3776AMS), RJF, 6/86, concl. O. Fouquet.
(14) CE 7° et 9° s-s-r., 12 juin 1992, n° 89590, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6882ARC), RJF, 8-9/92, n° 1200.
(15) Instruction du 7 novembre 2000, BOI 4 C-4-00 (N° Lexbase : X0353AAC).
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 25 février 2015, n° 385686, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2368NCP)
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par Thibaut Adeline-Delvolvé, avocat au barreau de Versailles, associé du cabinet Adminis Avocats, chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Le 19 Mars 2015
Les 23 et 30 mars 2014, ont eu lieu dans une commune des Yvelines les premier et second tour des élections municipales. A l'issue du second tour de scrutin, la liste conduite par Mme E. a obtenu le plus grand nombre de voix, soit 2 355, contre 2 340 pour la liste conduite par M. D., maire sortant, et 902 pour la liste conduite par M. A.
Une protestation électorale avait été élevée devant le juge de l'élection. Par un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 14 octobre 2014, cette protestation avait été rejetée. Mais, sur l'appel interjeté devant le Conseil d'Etat à l'encontre de ce jugement, le jugement a été annulé et les élections de mars l'ont aussi été, par voie de conséquence.
Le Conseil d'Etat a d'abord trouvé matière, dans les faits de l'espèce, à une réformation des résultats du scrutin. En l'espèce, dans un bureau de vote, un électeur avait apposé une croix au lieu de sa signature, sans que, en application de l'article L. 64 du Code électoral (N° Lexbase : L2791AAM), un autre électeur mentionne l'impossibilité de signer du premier. Par ailleurs, dans un autre bureau de vote, la signature d'un autre électeur présentait une différence manifeste entre les deux tours de scrutin alors qu'aucune explication, ni aucune attestation n'a été fournie sur cette différence. Le Conseil d'Etat a donc fait usage de son pouvoir habituel de réformation des résultats du scrutin et a retrancher les deux suffrages irréguliers du total des voix obtenues par chacune des listes en présence. Une fois cette opération effectuée, l'écart de voix entre les deux listes a été ramené de 15 à 13 voix.
Le Conseil d'Etat a eu ensuite une nouvelle occasion de faire application du principe désormais fixé à l'article L. 48-2 du Code électoral (N° Lexbase : L9882IPP). Cet article dispose qu'"il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale".
Il faut rappeler que si cet article a été introduit assez récemment dans le Code électoral par la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011, portant simplification de dispositions du Cde électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L9798IPL), les règles qu'il prévoit ne sont guère nouvelles puisqu'elles avaient été dégagées, auparavant, par la jurisprudence électorale à la fois du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel. C'est ainsi, par exemple, qu'avait déjà été annulée une élection en raison de la diffusion d'un tract, comportant des éléments erronés sur le soutien d'un parti politique à un candidat, à un moment tel que les candidats n'avaient pas été en mesure de répondre. Une telle manoeuvre avait été de nature à créer une confusion dans l'esprit d'une partie des électeurs et à vicier ainsi le résultat du scrutin (3). Il avait encore été jugé que la distribution, la veille du second tour, d'un tract prêtant au parti politique auquel appartenait un candidat une position qu'il n'avait pas adoptée sur un texte de loi, avait constitué une manoeuvre de nature à créer une confusion dans l'esprit des électeurs (4). Avait ce même effet un tract, d'origine inconnue, attribuant de façon mensongère à une personnalité politique locale un appel à l'abstention ainsi que des propos injurieux à l'égard de certains candidats (5). Plus généralement, le juge de l'élection sanctionne les manoeuvres destinées à semer le trouble dans l'esprit des électeurs. Il a, par exemple, été jugé que la diffusion de tracts pouvant être interprétés comme émanant du parti de l'un des adversaires d'un candidat pouvait créer une confusion dans l'esprit des électeurs (6).
De cette jurisprudence, résultent deux conditions cumulatives qui, si elles sont remplies, conduisent à l'annulation du scrutin : une condition de date et une condition de contenu. La date de la diffusion du tract doit être si proche du scrutin qu'elle empêche toute réponse utile des autres candidats et le contenu du message doit être erroné car, s'il est exact, il n'a pas pour effet d'induire les électeurs en erreur. A travers cette seconde condition, le Conseil d'Etat est donc invité à apprécier la véracité des allégations mises en cause, à partir des éléments que les parties versent aux débats. On relève toutefois une exception à cette dualité de conditions. Lorsque le contenu des allégations d'un document excède de loin ce qui peut être normalement admis dans le cadre de la polémique électorale, le juge de l'élection n'exige plus la condition tenant à la date de diffusion car il estime que, eu égard aux propos tenus, toute réponse est de toute façon impossible. C'est, par exemple, le cas de tracts contenant des imputations injurieuses et diffamatoires mettant en cause l'honnêteté et la vie privée d'un candidat (7). Mais la condition, préalable à toute autre, tenant au faible écart de voix est maintenue y compris dans ce cas de figure. C'est ainsi qu'à la même époque, d'autres candidats eux aussi gravement diffamés -ils avaient été accusés de viol- n'avaient pas rencontré le même succès dans leur demande d'annulation en raison d'un trop grand écart de voix (8).
Depuis la codification de cette règle à l'article L. 48-2 du Code électoral, le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de juger qu'un tract prêtant à un candidat de fausses consignes de vote avait été de nature à tromper les électeurs (9), comme un tract prétendant faussement l'échec commercial d'une opération d'urbanisme et une perte financière pour la commune (10), ou encore prêtant à un candidat la volonté d'ouvrir un camping (11). En revanche, un tract se bornant à reprendre des éléments de débat plus anciens (12), ou répondant à des attaques personnelles (13) n'avait pas un tel effet.
C'est dans ce contexte qu'a été rendu l'arrêt du Conseil d'Etat, statuant sur les élections municipales de la commune en cause. Au cas d'espèce, un tract avait été diffusé massivement le vendredi précédant le second tour, de 17 h à 23 h, par lequel la candidate élue s'est engagée à faire rouvrir un magasin "Leader Price" qui avait fermé quelques mois auparavant. Et le Conseil d'Etat, après avoir examiné les débats de la campagne électorale, a relevé qu'il n'avait pas été question de ce magasin, mais seulement du dynamisme commercial de la commune. Il souligne aussi, pour apprécier l'effet de ce tract, que la liste de cette candidate avait précisément enregistré dans ce bureau de vote sa plus forte progression entre les deux tours, déduction faite du report des voix d'une autre liste. Par ailleurs, il relève qu'un appel à voter pour ce même candidat avait été diffusé le samedi 29 mars 2014 sur la page Facebook d'un groupe dénommé "Tu sais que tu viens de [...] quand ...", au-delà de la clôture de la campagne électorale (C. élec., art. L. 49 N° Lexbase : L9940IPT), publié auprès d'un groupe alors constitué de 753 membres et sur une page qui était ouverte à la consultation publique. C'est de ces deux éléments que résulte, pour le Conseil d'Etat, l'altération des résultats du scrutin.
Cet arrêt est une illustration de deux phénomènes. D'abord, un fort degré d'appréciation par le Conseil d'Etat des faits de l'espèce, conduisant à leur qualification et à la mesure de leurs effets sur le résultat du scrutin. Ensuite, une volonté du Conseil d'Etat de ne pas inscrire son contrôle dans un canevas prédéterminé, qui nuirait à sa liberté de mouvement. C'est ainsi qu'il ne suggère aucun calcul arithmétique, aucun pourcentage, aucun seuil numérique en nombre de voix, par rapport auquel il conviendrait de considérer qu'il y aurait une altération des résultats du scrutin ou non. La part de subjectivité qui est ainsi sauvegardée dans l'office du juge de l'élection lui permet, certes, d'adopter la position qu'il croit juste vis-à-vis de telles circonstances de fait. Mais elle éloigne, moins heureusement, l'occasion pour les plaideurs de lui présenter des griefs ou des moyens de défense plus en phase avec l'exercice de son office. C'est finalement l'assurance que le contentieux de l'élection, comme l'élection elle-même, continuera à offrir des surprises.
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis
Le 19 Mars 2015
L'article L. 622-24, alinéa 1er (N° Lexbase : L7290IZZ), depuis la loi du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT), oblige le mandataire judiciaire à avertir les titulaires de sûretés publiées ou de contrats publiés. A défaut d'avertissement, le délai ne court pas puisque l'article L 622-24, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que le délai de déclaration de créance commence à courir à compter de la notification de l'avertissement.
L'avertissement de ces créanciers protégés est réglementé en la forme et en son contenu.
L'avertissement doit être effectué en la forme recommandée et la Cour de cassation a pu juger que si cette forme n'était pas respectée, l'avertissement était tenu pour inexistant (1), alors même que le créancier ne contestait pas avoir reçu l'avertissement (2) ou ne niait pas avoir eu connaissance du jugement d'ouverture (3).
En outre, l'avertissement est strictement réglementé en son contenu. Il est indiqué par l'article R. 622-21, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6118I3Y) que "l'avertissement du mandataire judiciaire reproduit les dispositions légales et réglementaires relatives aux délais et formalités à observer pour la déclaration des créances, pour la demande en relevé de forclusion et pour les actions en revendication et en restitution. Cet avertissement reproduit également les dispositions des articles L. 621-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L7283IZR), R. 621-19 (N° Lexbase : L0865HZ3) et R 621-24 (N° Lexbase : L6110I3P)". Il s'agit là des règles relatives à la nomination des contrôleurs.
En l'espèce, le mandataire judiciaire avait bien informé par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le créancier concerné. Dans l'avertissement figurait bien les dispositions à reproduire. Mais alors que la procédure collective avait été ouverte après le 15 février 2009, date à partir de laquelle il fallait appliquer l'ordonnance du 18 décembre 2008 (N° Lexbase : L2777ICT) et le décret du 12 février 2009 (N° Lexbase : L9187ICA), le mandataire judiciaire avait reproduit les dispositions des articles à reproduire dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 et du décret du 28 novembre 2005 (N° Lexbase : L3297HET), non dans celle du 18 décembre 2008 et du 12 février 2009. Il en résultait de légères différences. Le créancier qui n'avait pas été réactif voulait profiter de cette erreur du mandataire judiciaire pour prétendre que l'avertissement était irrégulier et que, par voie de conséquence, le délai de déclaration de créance n'avait pas couru contre lui. Pour cela, il fallait considérer que les erreurs de quelque nature qu'elles soient affectant l'avertissement étaient de nature à l'invalider.
Il était bien certain que le créancier n'avait pas de grief à invoquer relativement à cet avertissement irrégulier. Dès lors, faute de grief, la sanction de l'avertissement irrégulier pouvait-elle prospérer ? La Cour de cassation considère qu'il y a là un faux problème. En effet, pour elle, l'avertissement n'est pas un acte de procédure au sens de l'article 114 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1395H4G). Dès lors, la question du grief est hors sujet. L'existence ou non du grief n'est pas un élément de la réponse à apporter à la question de savoir si l'avertissement irrégulier en la forme devait être tenu pour nul et par voie de conséquence non susceptible de faire courir le délai de déclaration de créance.
La vraie question, le vrai sujet pour la Cour de cassation, est de savoir si l'irrégularité affectant l'avertissement est de nature à empêcher le créancier de remplir les obligations qui sont les siennes, à savoir déclarer sa créance dans les deux mois de la réception de l'avertissement.
La jurisprudence a été évolutive sur la question. Il a pu être estimé par la cour d'appel de Paris que l'irrégularité restait sans sanction si elle ne causait aucun grief au créancier qui connaissait la procédure collective ouverte contre le débiteur (4). On l'a vu, cette solution est aujourd'hui condamnée par la Cour de cassation, dès lors qu'elle considère que l'avertissement n'est pas, au sens de l'article 114 du Code de procédure civile, un acte de procédure.
Dans une première phase, la Cour de cassation a jugé que, l'avertissement incomplet devait être tenu pour inexistant et était impuissant à faire courir le délai de déclaration de créance (5).
Avec l'arrêt ici commenté, la Cour de cassation entend enfermer la sanction dans des limites raisonnables. Toute irrégularité affectant le contenu de l'avertissement ne doit pas conduire à le tenir pour inexistant. Il n'en sera ainsi, et le délai de déclaration de créance ne courra pas, que si l'avertissement en cause est insuffisant à informer le créancier de ses droits et obligations (6). Ainsi, faudra-t-il à chaque fois, en présence d'une irrégularité affectant l'avertissement, se demander si le créancier a bien compris l'obligation qui est la sienne de déclarer sa créance dans le délai de deux mois. Dans ces conditions, le fait de rappeler que le créancier peut demander à être désigné contrôleur, ou encore que le contenu des textes régissant la désignation des contrôleurs n'est d'aucune utilité pour permettre au créancier de comprendre qu'il lui faut déclarer sa créance. Il en est de même du rappel des textes sur les revendications. En revanche, le fait de ne pas rappeler les formalités et délais à observer pour déclarer la créance devra être sanctionné par une équivalence entre l'avertissement irrégulier et l'absence d'avertissement. Par voie de conséquence, le délai de déclaration de créance ne courra pas.
Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, membre du CERDP (EA 1201)
Les règles entourant la continuation des contrats en cours s'avèrent relativement complexes. Cette complexité est accentuée par une absence de symétrie parfaite entre les règles gouvernant la continuation des contrats en cours en procédure de sauvegarde ou de redressement, d'une part, et, d'autre part, de liquidation judiciaire. C'est dans cette seconde hypothèse que la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre, le 17 février 2015, un très intéressant arrêt apportant de très utiles précisions en matière de continuation des contrats en cours.
En l'espèce, une société s'était engagée à devenir cessionnaire d'un contrat de crédit-bail si le crédit-preneur venait à manquer à son obligation de paiement de l'un des loyers sans satisfaire à un commandement de payer dans un délai de 30 jours. Après le placement en liquidation judiciaire du crédit-preneur, le crédit-bailleur avait adressé au liquidateur judiciaire un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d'ouverture, éligibles à ce titre au traitement préférentiel de l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L8595IZD). Parallèlement, ce commandement avait été dénoncé à la société qui s'était engagée à devenir cessionnaire du contrat. Ce commandement étant resté infructueux, le crédit-bailleur avait alors fait constater, par acte notarié, le caractère parfait de la cession du contrat. Le "cessionnaire malgré lui" ne l'entendait cependant pas ainsi et considérait que le contrat s'était trouvé résilié de plein droit un mois après la délivrance du commandement de payer, de sorte que le contrat, parce qu'il était résilié, ne pouvait plus lui être cédé. Dans un premier temps, le cessionnaire avait obtenu gain de cause devant le juge-commissaire. Sur le recours formé par le crédit-bailleur, l'ordonnance constatant la résiliation de plein droit du contrat avait été annulée en appel (CA Rouen, 14 mars 2013, n° 12/02136 N° Lexbase : A9954I9K). Statuant sur le pourvoi formé par le cessionnaire du contrat, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte d'intéressantes précisions tant sur la forme de la mise en demeure d'avoir à opter sur la poursuite des contrats en cours adressée à l'organe compétent (I), que sur les conditions du jeu de la résiliation de plein droit prévu à l'article L. 641-11-1, III, du Code de commerce (N° Lexbase : L3298IC7).
I - Précisions relatives à la forme de la mise en demeure
Lorsqu'aucun administrateur judiciaire n'a été désigné et que la procédure collective est une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le Code de commerce prévoit expressément la forme de la mise en demeure d'avoir à opter adressée au débiteur, ainsi que, en copie, au mandataire (forme recommandée avec demande d'avis de réception, cf. C. com., art. R. 627-1 N° Lexbase : L9345IC4). En dehors de cette hypothèse, la forme de la mise en demeure adressée à l'administrateur -si la procédure est une procédure de sauvegarde ou de redressement- ou au liquidateur sur la continuation des contrats en cours n'a pas été précisée par le législateur. Pourtant, la question de savoir si l'administrateur ou le liquidateur a effectivement été mis en demeure d'avoir à opter sur la poursuite du contrat en cours est particulièrement importante. En effet, l'absence de réponse plus d'un mois après cette mise en demeure entraîne la résiliation de plein droit du contrat (cf. en sauvegarde et en redressement par renvoi de texte, C. com. art. L. 622-13, III, 1° N° Lexbase : L7287IZW et, en liquidation judiciaire, C. com. art. L. 641-11-1, III, 1°).
L'importance de la question apparaissait avec évidence dans l'espèce rapportée, où il convenait de déterminer si la délivrance d'un commandement de payer les loyers d'un contrat de crédit-bail postérieurs au jugement d'ouverture, adressé au liquidateur judiciaire valait mise en demeure d'avoir à opter sur le sort du contrat. Tel était ce que soutenait le cessionnaire du contrat, pour une raison très aisément perceptible : puisqu'un contrat résilié ne peut être cédé, le demandeur au pourvoi, qui ne souhaitait nullement devenir cessionnaire du contrat, soutenait que le commandement de payer adressé au liquidateur équivalait à une mise en demeure d'avoir à opter, et que, puisque ce commandement était resté plus d'un mois sans réponse, le contrat s'était trouvé résilié de plein droit, empêchant ainsi la cession du contrat.
Cette position, adoptée dans un premier temps par le juge-commissaire, n'est suivie ni par la cour d'appel, ni par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui relève que "c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que, par ce commandement [fait au liquidateur de payer des loyers arriérés], le crédit bailleur n'avait pas mis le liquidateur en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat".
Un principe est ainsi clairement posé : la mise en demeure d'avoir à opter sur le sort de contrat doit être totalement dépourvue d'équivoque et elle doit donc expressément contenir une demande, de la part du cocontractant, adressée à l'organe compétent, d'avoir à se prononcer sur la poursuite du contrat en cours. Un commandement ou une mise en demeure de payer visant des créances postérieures au jugement d'ouverture n'équivaut donc pas à une mise en demeure d'avoir à opter. Ce principe est lourd de conséquence : dans ces hypothèses, le silence gardé par l'administrateur ou le liquidateur ne pourra entraîner la résiliation de plein droit du contrat sur le fondement des articles L 622-13, III, 1° ou L. 641-11-1, III, 1°.
L'intérêt de l'arrêt est également d'apporter certaines précisions relatives au jeu de la résiliation de plein droit des contrats.
II - Précisions relatives aux cas de résiliation de plein droit des contrats
Le demandeur au pourvoi soutenait que le contrat ne pouvait lui être cédé au motif qu'il se serait trouvé résilié au regard de deux dispositions du Code de commerce, d'une part, l'article L. 641-11-1, III, 2° et, d'autre part, L 641-11-1, III, 3°.
Aux termes du premier de ces textes, lorsque la prestation porte sur une somme d'argent, le contrat en cours se trouve résilié de plein droit à défaut de paiement au comptant et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles.
Le demandeur au pourvoi ne pouvait cependant pas se prévaloir de cette disposition. En effet, celle-ci a vocation à jouer uniquement lorsque l'organe compétent a préalablement exigé l'exécution du contrat en cours, c'est-à-dire opté, spontanément ou à la suite d'une mise en demeure adressée par le cocontractant, en faveur de sa poursuite. Il en résulte que le non-paiement des créances postérieures ne peut entraîner la résiliation du contrat avant que l'option ne soit exercée (7). Or, en l'espèce, aucune option pour la poursuite du contrat n'avait été formée par le liquidateur judiciaire, de sorte que l'absence de paiement au comptant ne pouvait entraîner la résiliation de plein droit du contrat.
Le demandeur au pourvoi soutenait, en outre, que, en application de l'article L. 641-11-1, III, 3°, le contrat s'était trouvé résilié de plein droit. Aux termes de cette disposition, la résiliation de plein droit du contrat intervient, "lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat".
Cependant, cette information doit être expresse, ce que souligne la Chambre commerciale en jugeant "que la résiliation de plein droit du contrat en cours prévue par l'article L. 641-11-1, III, 3° du Code de commerce, qui intervient au jour ou le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat, suppose une manifestation expresse de volonté de sa part". Puisqu'en l'espèce, une telle volonté expresse n'était pas établie, le contrat ne s'était pas trouvé résilié.
Remarquons ici, une différence importante existant à ce sujet selon que la procédure est ou non liquidative. En effet, en matière de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, en l'absence de mise en demeure d'avoir à opter sur la poursuite du contrat, la décision spontanée de l'administrateur judiciaire de renoncer à la continuation du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de celui-ci. Elle permet simplement à l'administrateur de solliciter le prononcé, par le juge-commissaire, de la résiliation du contrat si toutefois elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant (cf. C. com., art. L. 622-13, IV).
En revanche, lorsque la procédure est une liquidation judiciaire, dès lors que la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, le contrat est résilié de plein droit au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat (cf. C. com., art. L. 641-11-1, III, 3°).
En conclusion, la mise en demeure d'avoir à opter sur la poursuite du contrat et la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat ont en commun un trait de caractère : elles doivent toutes deux être dépourvues d'équivoque et supposent ainsi une manifestation expresse de volonté.
Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise de la Faculté de droit de Nice, Membre du CERDP (EA 1201)
(1) Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-14.912, publié (N° Lexbase : A8160AGC), Bull. civ. IV, n° 57, D., 2000, AJ 169, obs. A. Lienhard, Act. proc. coll., 2000/8, n° 88, JCP éd. E, 2000, chron. 1563, n° 3-b-6, obs. Ph. Pétel, RTDCom., 2000, 716, obs. A. Martin-Serf ; RD banc. fin., 2000, n° 69, note F.-X. Lucas ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-13.131 (N° Lexbase : A3406ATC), Act. proc. coll., 2001/11, n° 136 ; Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-18.310 (N° Lexbase : A2122AU7), Act. proc. coll., 2001/18, n° 234, Rev. proc. coll., 2002, p. 97, n° 13, obs. M.-N. Legrand ; Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-20.551, F-D (N° Lexbase : A4781AWY), Rev. proc. coll., 2002, p. 97, n° 13, obs. M.-N. Legrand ; Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-16.658, F-D (N° Lexbase : A9649C8U).
(2) Cass. com., 14 mars 2000, n° 97-14.912, préc. ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-13.131, préc. ; Cass. com., 17 juillet 2001, n° 98-18.310, préc.; Cass. com., 24 juin 2003, n° 00-16.658, préc.. Adde, CA Paris, 3ème ch., sect. A, 14 septembre 2004, n° 2004/1177 (N° Lexbase : A7888DEU).
(3) Cass. com., 16 octobre 2001, n° 98-20.551, préc. et les obs. préc..
(4) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 6 février 1998, Gaz. Pal., 3-4 avril 1998, p. 15.
(5) Cass. com. 15 mai 2001, n° 98-16.306, publié (N° Lexbase : A4420ATU), Bull. civ. IV, n° 88 ; Act. proc. coll., 2001/11, n° 137, note J. Vallansan ; D., 2001, AJ 1872, obs. A. Lienhard ; JCP éd. E, 2001, chron. 1470, n° 9, obs. M. Cabrillac.
(6) Cass. com., 17 février 2015, n° 13-24.403, FS-P+B.
(7) Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-17.112, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A2129DSN) Bull. civ. IV, n° 217 ; D., 2006, AJ 2846, obs. A. Lienhard ; D., 2007, Pan. 48, obs. P.-M. Le Corre ; Gaz. proc. coll., 2007/1, p. 45, note F. Pérochon ; JCP éd. E, 2007, 1003, p. 15, no sobs. ; JCP éd. E, chron. 1004, p. 25, n° 14, obs. M. Cabrillac ; Act. proc. coll., 2006/19, n° 236, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007/11, 38605, p. 87, n° 2, note D. Gibirila ; RTDCom., 2007. 239, n° 9, obs. J.-L. Vallens ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 225, n° 2, obs. M.-H. Monsèrié-Bon. Rappr. : Cass. com. 16 mars 2010, n° 09-12.572, F-D (N° Lexbase : A8213ETD), Rev. proc. coll., 2010/4, comm. 159, note Ph. Roussel Galle.
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 11 mars 2015, n° 371978, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6902NDY)
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Le 24 Mars 2015
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Réf. : Cass. civ. 3, 11 mars 2015, n° 13-24.133, FS-P+B (N° Lexbase : A3188NDG)
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Le 21 Mars 2015
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Réf. : Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends (N° Lexbase : L1333I8U)
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Le 19 Mars 2015
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Réf. : Cass. civ. 3, 11 mars 2015, n° 13-24.133, FS-P+B (N° Lexbase : A3188NDG)
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N6435BUU
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Le 21 Mars 2015
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Réf. : Proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie
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Le 19 Mars 2015
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Réf. : Cass. soc., 3 mars 2015, trois arrêts, n° 13-20.549, FP-P+B (N° Lexbase : A8994NC4) ; n° 13-23.348, FP-P+B (N° Lexbase : A9004NCH) ; n° 13-15.551, FP-P+B (N° Lexbase : A9097NCW)
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N6464BUX
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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux
Le 19 Mars 2015
Résumé
1. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-20.549, FP-P+B : lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice, par l'une ou l'autre des parties, de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue. Lorsque le contrat de travail prévoit que l'employeur pourra libérer le salarié de l'interdiction de concurrence, soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement ou le jour même de la réception de la démission, c'est, en cas de rupture conventionnelle, la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l'employeur du délai contractuel. 2. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-23.348, FP-P+B : la signature par les parties d'une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l'article L. 1332-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1867H9Z). 3. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-15.551, FP-P+B : la signature par les parties au contrat de travail d'une rupture conventionnelle, après l'engagement d'une procédure disciplinaire de licenciement, n'emporte pas renonciation par l'employeur à l'exercice de son pouvoir disciplinaire. Si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle, l'employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable dans le respect des dispositions de l'article L. 1332-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1867H9Z) et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave. |
Commentaire
I - Rupture conventionnelle et licenciement : quelle articulation ?
Première affaire. Dans une première affaire, un salarié avait été engagé par contrat de travail assorti d'une clause de non-concurrence. Selon les termes de la stipulation, l'obligation de non-concurrence devait prendre effet "le jour de la cessation effective du contrat". L'employeur s'était réservé la faculté de renoncer à la clause "soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat, soit à l'occasion de sa cessation, au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement ou le jour même de la réception de la démission".
Le salarié fut licencié par lettre notifiée le 9 janvier 2009, mais, le lendemain, les parties conclurent un accord de rupture conventionnelle du contrat de travail fixant la fin des relations contractuelles au 10 avril suivant, convention homologuée par l'administration du travail, le 19 mars 2009. L'employeur notifia au salarié sa renonciation à la clause de non-concurrence le 8 avril 2009.
Le salarié saisit le juge prud'homal pour obtenir le paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence. Il estimait, en effet, que la rupture du contrat de travail ayant pris effet au moment du licenciement et non de la rupture conventionnelle du contrat de travail, la renonciation de l'employeur était tardive. Débouté en appel, le salarié forma pourvoi en cassation.
Par décision du 3 mars 2015, la Chambre sociale rejette le pourvoi et s'appuie sur une argumentation en deux temps.
Elle juge, d'abord, que "lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue" (1). La rupture du contrat de travail était donc intervenue par l'effet de la rupture conventionnelle et non du licenciement initial.
La Chambre sociale poursuit, en décidant que "lorsque le contrat de travail prévoit que l'employeur pourra libérer le salarié de l'interdiction de concurrence soit à tout moment au cours de l'exécution du contrat soit à l'occasion de sa cessation au plus tard dans la lettre notifiant le licenciement ou le jour même de la réception de la démission, c'est, en cas de rupture conventionnelle, la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l'employeur du délai contractuel". L'ultime moment auquel l'employeur peut renoncer à la clause de non-concurrence, en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail, est donc fixé au jour de la rupture prévu par le contrat de travail.
Conditions de renonciation au licenciement. Depuis un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 11 mai 2005 (2), il est régulièrement jugé que "la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin" (3). L'acte juridique unilatéral de licenciement prend effet et le contrat de travail est rompu.
Malgré les effets destructeurs de la résiliation unilatérale sur le lien contractuel, il est parfois permis à l'auteur de l'acte de renoncer à sa décision, à condition, toutefois, que certaines exigences soient respectées (4). Si cette renonciation peut être unilatérale lorsque le salarié a démissionné, et que sa volonté n'est pas claire et équivoque, que la décision a, par exemple, été prise sous le coup de la colère ou de l'émoi (5), la renonciation à la rupture nécessite, le plus souvent, l'accord des deux parties.
Cela est le cas pour la renonciation tardive à une démission valablement donnée, qui ne pourra intervenir qu'avec l'accord des deux parties (6). La règle s'applique également à propos des ruptures à l'initiative de l'employeur, s'agissant de la mise à la retraite (7) et, bien sûr, du licenciement (8).
Nature de l'acte de renonciation. L'accord des parties devrait donc avoir pour objet de renoncer à l'acte unilatéral de rupture et pour effet de le faire disparaître rétroactivement. En outre, comme pour toute renonciation à un droit déjà né, l'accord devrait résulter de volontés claires et sans équivoque (9). Dans le cas d'un licenciement par exemple, chacune des deux parties renonce à des droits, l'employeur au droit de rompre le contrat de travail dont il disposait, et dont il avait d'ailleurs fait usage, le salarié au droit à indemnisation né du licenciement.
La renonciation à un droit est un acte dangereux, lourd de conséquences, ce qui explique que cette renonciation soit généralement entourée de conditions de forme et de fond relativement contraignantes. La théorie classique nous enseigne, ainsi, que la renonciation ne doit pas, en principe, être présumée, qu'elle ne peut être tacite (10).
La Chambre sociale de la Cour de cassation n'est pourtant pas très exigeante s'agissant du constat de l'accord des parties à la renonciation au licenciement, et abandonne, d'ailleurs, son contrôle, en la matière, à l'appréciation souveraine des juges du fond (11). L'affaire présentée confirme ce sentiment.
La rupture conventionnelle, acte abdicatif ? En jugeant que la "rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue", la Chambre sociale fait produire à cet accord des effets qu'il semblait pourtant difficile de lui reconnaître.
L'objet de l'accord de rupture conventionnelle est, comme son nom l'indique, de rompre le contrat de travail. S'il s'agit bien d'un acte extinctif, d'une convention de résiliation, il ne semble pas s'agir d'un acte abdicatif par lequel les parties manifesteraient leur intention de renoncer à certains de leurs droits. L'interprétation de la volonté des parties est donc, pour le moins, audacieuse.
Il est vrai, toutefois, que la rupture conventionnelle, conclue en l'espèce, n'avait finalement aucun objet. Le contrat ayant été rompu par l'effet du licenciement initial, l'accord de rupture avait vocation à rompre un contrat qui n'existait plus. Faute d'objet, c'est presque la nullité de l'accord de rupture qui aurait dû être encourue.
Un argument permet, peut-être, de sauver le raisonnement de la Chambre sociale, quoiqu'aucun indice ne permette d'affirmer qu'il gouverne la solution rendue. Parmi les principes d'interprétation des conventions, figure celui de l'effet utile : l'article 1157 du Code civil (N° Lexbase : L1259ABA) prescrit, en effet, d'interpréter les clauses contractuelles dans un sens dans lequel elles puissent avoir "quelque effet" plutôt que n'en "produire aucun". En considérant que l'accord de rupture vaut renonciation commune au licenciement antérieur, la Chambre sociale lui permet de produire des effets, alors que dans le cas contraire, l'accord en aurait été totalement dépourvu.
Conséquences : validité de la renonciation à la clause de non-concurrence. L'enjeu de la reconnaissance d'une renonciation bilatérale au licenciement consistait dans la détermination de la date de la rupture du contrat de travail. Faute de renonciation, la rupture serait intervenue au jour de l'envoi de la lettre de licenciement, si bien que la renonciation à la clause de non-concurrence, notifiée trois mois plus tard, aurait été tardive et inefficace.
Au contraire, en acceptant que la rupture conventionnelle constitue une renonciation au licenciement, la date de la rupture du contrat de travail était retardée au jour fixé par l'accord, soit au 10 avril, deux jours après la renonciation à la clause de non-concurrence. À cet égard, la solution de la Chambre sociale est appropriée et cohérente avec sa jurisprudence habituelle.
On se souviendra, en effet, que la Chambre sociale juge, depuis quelques années, que la renonciation à la clause de non-concurrence doit intervenir, au plus tard, avant l'écoulement d'un délai prévu par le contrat de travail, et qui commence à courir à partir de la rupture du contrat (12). Appliquant cette règle à une rupture conventionnelle, dans une hypothèse dans laquelle le contrat de travail autorisait la renonciation dès "la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail", la Chambre sociale jugeait que le point de départ du délai contractuel était fixé à "la date de la rupture fixée par la convention de rupture" (13).
Faute qu'en l'espèce, un délai contractuel ait été stipulé, la date ultime de renonciation devait être fixée au jour de la rupture du contrat de travail (14). Or, la date de la rupture du contrat doit être la même selon qu'une clause contractuelle établit, ou non, un délai de renonciation. Elle est, dans les deux cas, aisément identifiable, puisque la détermination de la date de la rupture est l'une des conditions de forme de la rupture conventionnelle du contrat de travail (15).
II - Rupture conventionnelle et procédure disciplinaire
Deuxième et troisième affaires. Dans deux autres affaires, jugées elles aussi le 3 mars 2015, la Chambre sociale ne s'intéresse plus à l'articulation entre le licenciement et la rupture conventionnelle postérieure, mais aux effets de la rupture conventionnelle sur une procédure disciplinaire engagée par l'employeur contre le salarié.
Les faits des deux espèces sont relativement proches.
Dans la première, un employeur avait reproché au salarié plusieurs absences injustifiées par deux courriers des 4 et 16 septembre 2010. Au cours d'un entretien intervenu un mois plus tard, les parties concluaient un accord de rupture conventionnelle. Après quelques jours, le salarié usait, cependant, du droit de rétractation offert par l'article L. 1237-13 du Code du travail (N° Lexbase : L8385IAS). Le 16 novembre 2010, l'employeur convoquait le salarié à un entretien préalable de licenciement, licenciement finalement prononcé le 6 décembre suivant. Condamné en appel pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits fautifs, l'employeur formait pourvoi en cassation.
Dans la seconde affaire, un salarié était convoqué à un entretien préalable de licenciement en raison d'injures grossières et réitérées à l'encontre d'un fournisseur de l'entreprise. Au cours de l'entretien, les parties concluent un accord de rupture conventionnelle mais, là encore, le salarié exerce son droit de rétractation. L'employeur convoque alors le salarié à un nouvel entretien préalable qui aboutit, cette fois, au licenciement du salarié pour faute grave. Les juges d'appel refusant de considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié forme pourvoi en cassation en estimant notamment que la rupture conventionnelle avait manifesté la volonté de l'employeur de renoncer à l'engagement de poursuites disciplinaires.
Les deux pourvois sont rejetés. Dans la première espèce, la Chambre sociale juge "que la signature par les parties d'une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l'article L. 1332-4 du Code du travail". Le délai n'ayant pas été interrompu, les faits fautifs étaient bien prescrits. Dans la seconde affaire, la Chambre sociale considère que "la signature par les parties au contrat de travail d'une rupture conventionnelle, après l'engagement d'une procédure disciplinaire de licenciement, n'emporte pas renonciation par l'employeur à l'exercice de son pouvoir disciplinaire". L'employeur pouvait donc convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable et "prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave".
Le constat de la neutralité de la rupture conventionnelle sur le plan disciplinaire. Ces deux décisions, étudiées en parallèle, apportent quelques enseignements quant à l'objet de la rupture conventionnelle.
D'abord, la Chambre sociale considère que la conclusion d'une rupture conventionnelle du contrat de travail n'interrompt pas le délai de prescription des faits fautifs, fixé à deux mois par l'article L. 1332-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1867H9Z). On considère, traditionnellement, tout du moins en droit des obligations, que l'interruption de la prescription peut résulter de deux types d'événements. Soit la prescription est interrompue parce que le créancier de l'obligation, par ses actes, affirme l'existence de sa créance. Soit la prescription est interrompue parce que le débiteur de l'obligation, par ses actes, reconnaît l'existence de la dette (16).
La transposition de ce raisonnement au pouvoir disciplinaire de l'employeur pourrait être traduite de la manière suivante : la prescription de deux mois est interrompue si le salarié admet son comportement fautif (reconnaissance de la dette) ou si l'employeur agit en vue de sanctionner le comportement fautif (convocation à un entretien disciplinaire, mise à pied conservatoire, etc.).
La Chambre sociale de la Cour de cassation juge donc que, ni la convocation à un entretien de préparation d'une rupture conventionnelle, ni la conclusion d'une rupture conventionnelle ne caractérisent une action de l'employeur en vue de sanctionner le comportement fautif.
Ensuite, la Chambre sociale juge que la conclusion d'une rupture conventionnelle du contrat de travail n'emporte pas renonciation de l'employeur à l'exercice de son pouvoir disciplinaire. Si le salarié use du droit de rétractation, l'employeur peut engager une procédure disciplinaire, à condition de respecter les conditions posées par l'article L. 1332-4 du Code du travail, et donc, en particulier, que les faits ne soient pas prescrits.
On peut remarquer ici que l'effet abdicatif de la rupture conventionnelle du contrat de travail connaît une géométrie variable. Apte à caractériser une renonciation au licenciement, la rupture conventionnelle n'est pas une renonciation à l'engagement de poursuites disciplinaires.
Quoiqu'il en soit, la Chambre sociale semble estimer, sans le dire de cette manière, que l'employeur n'épuise pas son pouvoir disciplinaire lorsqu'il conclue une rupture conventionnelle, comme il le ferait en prononçant une sanction pour certains faits, tout en ne sanctionnant pas d'autres comportements fautifs (17).
La logique de la neutralité de la rupture conventionnelle sur le plan disciplinaire. Mises en perspectives, ces deux décisions traduisent, en définitive, la neutralité de la rupture conventionnelle du contrat de travail sur la procédure disciplinaire. La rupture conventionnelle rétractée ne produit aucun effet sur cette procédure.
Cette position s'accorde relativement bien avec l'idée selon laquelle le motif de la rupture, la cause pour laquelle chacune des parties a souhaité la rupture du contrat de travail, est parfaitement indifférente en matière de rupture conventionnelle. C'est déjà, d'une certaine manière, cette idée de neutralité qui avait justifié que la rupture conventionnelle puisse être conclue entre des parties opposées par un différend ou un conflit, à la condition que le consentement de chacune d'elle ne soit pas altéré (18).
Logique et cohérente sur ce plan, les deux décisions peinent toutefois à masquer la réalité de l'usage de la rupture conventionnelle et du droit de rétractation dans ces deux affaires. Même si la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut pas revêtir la qualification de sanction disciplinaire puisque sa cause ne peut pas être recherchée, les deux employeurs avaient bien entendu rompre le contrat de travail en raison des fautes reprochées au salarié.
L'avertissement, sans frais pour le second employeur, est donc très clair : la rupture conventionnelle peut être utilisée par l'employeur comme un simulacre de sanction. Elle lui permettra d'éviter le respect de la procédure disciplinaire, d'être confronté au risque d'appréciation de la proportionnalité de la sanction, d'être soumis aux affres de l'appréciation de la faute ou de la cause réelle et sérieuse de licenciement. Mais ce choix, outre qu'il exige l'accord du salarié, fait courir un double risque à l'entreprise, celui de voir le délai de rétractation être employé -et de voir l'arroseur être arrosé- et celui de voir le temps s'écouler et la prescription être acquise.
(1) Une solution similaire a déjà parfois été adoptée par des juridictions du fond, v. par ex. CA Colmar, 7 mai 2013, n° 12/00123 (N° Lexbase : A1142KDN).
(2) Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2303DI7) et les obs. de G. Auzero, Revirement quant à la date de la rupture du contrat de travail en période d'essai, Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N4538AIW).
(3) Prononcée en 2005 à propos de la rupture de la période d'essai à l'initiative de l'employeur, la règle a été expressément étendue au licenciement qui prend effet au jour de l'envoi de la lettre de notification, et non au jour de sa réception par le salarié, v. Cass. soc., 26 septembre 2006, n° 05-44.670, F-P (N° Lexbase : A3623DRM) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Vers une généralisation de la modification de la date de rupture du contrat de travail ?, Lexbase Hebdo n° 232 du 19 octobre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N4068ALA) ; Cass. soc., 7 novembre 2006, n° 05-42.323, FS-P+B (N° Lexbase : A3135DSW).
(4) Une exception majeure demeure à propos de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour laquelle la Chambre sociale juge, de manière catégorique, qu'elle ne peut être rétractée, v. Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 08-42.878, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0951EM8) et les obs. de Ch. Radé, Reclassement du salarié inapte : la charge du respect de l'obligation de sécurité de résultat pèse sur les épaules de l'employeur, Lexbase Hebdo n° 369 du 29 octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1741BMG). Il ne serait toutefois pas inadmissible que la Chambre sociale accepte qu'un accord des parties emporte renonciation à la prise d'acte.
(5) Et à condition que la renonciation intervienne dans un bref délai, v. par ex. Cass. soc., 25 mars 2009, n° 07-44.925, F-D (N° Lexbase : A2020EEK) ; Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-20.797, F-D (N° Lexbase : A4204I89).
(6) Cass. soc., 6 mars 2002, n° 99-44.698, publié (N° Lexbase : A1980AYY).
(7) Cass. soc., 28 février 2006, n° 04-40.303, FS-P+B (N° Lexbase : A4252DNS) et les obs. de G. Auzero, La mise à la retraite ne peut être rétractée qu'avec l'accord du salarié, Lexbase Hebdo n° 206 du 16 mars 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N5536AKA).
(8) Cass. soc., 7 juillet 1999, n° 97-43.403, inédit (N° Lexbase : A3110AGB) ; Cass. soc., 19 juin 2002, n° 00-43.658, F-D (N° Lexbase : A9636AYK) ; Cass. soc., 9 janvier 2008, n° 06-45.976, F-D (N° Lexbase : A2739D3T).
(9) La formule, parfois employée par la Chambre sociale de la Cour de cassation (par ex. Cass. soc., 27 novembre 2007, n° 06-44.084, F-D N° Lexbase : A9506DZ4 ; Cass. soc., 13 octobre 2011, n° 09-66.991, F-D N° Lexbase : A7739HYB ; Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-23.444, F-D N° Lexbase : A0983IZG), reflète en réalité l'application d'un principe plus vaste selon lequel seule une volonté clairement affirmée peut permettre la renonciation à un droit.
(10) J. Carbonnier, Rapport général in Les renonciations au bénéfice de la loi en droit privé, Travaux de l'Association H. Capitant, t. XIII, 1963, p. 283.
(11) Cass. soc., 9 janvier 2008, n° 06-45.976, F-D, préc.
(12) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y) et les obs. de Ch. Radé, Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0341BQP).
(13) Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-22.116, FS-P+B (N° Lexbase : A4441MDT) et nos obs., Rupture conventionnelle : précisions procédurales et intégrité du consentement, Lexbase Hebdo n° 558 du 13 février 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N0766BUW).
(14) Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 08-44.052, FP-P+B (N° Lexbase : A0956EMD) et nos obs., Modification prétorienne de la date de la rupture du contrat de travail : les effets s'étendent, Lexbase Hebdo n° 369 du 29 octobre 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N1760BM7) ; Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y).
(15) C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS).
(16) Sur cette question, v. J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, Les obligations. 3. Le rapport d'obligation, Sirey, 8ème éd., 2013, p. 460.
(17) Cass. soc., 16 mars 2010, n° 08-43.057, FS-P+B (N° Lexbase : A8091ETT) et nos obs., Quand l'employeur "épuise son pouvoir disciplinaire", Lexbase Hebdo n° 389 du 31 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7184BNE).
(18) Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9246KDS) et nos obs., La rupture conventionnelle conclue avec l'avocat collaborateur salarié, Lexbase Hebdo n° 130 du 30 mai 2013 - édition professions (N° Lexbase : N7295BTD) ; RDT, 2013, p . 480, note G. Auzero ; LPA du 5 septembre 2013, p. 10, note R. Dalmasso ; Cass. soc., 3 juillet 2013, n° 12-19.268, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5419KIK) et nos obs., Absence de délai entre entretien et signature de la rupture conventionnelle : que reste-t-il du droit des parties à se faire assister ?, Lexbase Hebdo n° 536 du 18 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8072BT7) ; CA Poitiers, 10 juillet 2013, n° 11/05381 (N° Lexbase : A6087KIB).
Décision
1. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-20.549, FP-P+B (N° Lexbase : A8994NC4). Rejet (CA Colmar, 7 mai 2013, n° 12/00123 N° Lexbase : A1142KDN). Textes cités : C. trav., art. L. 1237-13 (N° Lexbase : L8385IAS). Mots-clés : rupture conventionnelle ; renonciation au licenciement. Liens base : (N° Lexbase : E0210E7W). 2. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-23.348, FP-P+B (N° Lexbase : A9004NCH). Rejet (CA Bastia, 19 juin 2013, n° 12/00233 N° Lexbase : A9336KHA). Textes cités : C. trav., art. L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z). Mots-clés : rupture conventionnelle ; rétractation ; procédure disciplinaire ; prescription. Liens base : (N° Lexbase : E0210E7W). 3. Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-15.551, FP-P+B (N° Lexbase : A9097NCW). Rejet (CA Dijon, 7 février 2013). Textes cités : C. trav., art. L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z). Mots-clés : rupture conventionnelle ; rétractation ; procédure disciplinaire. Liens base : (N° Lexbase : E0210E7W). |
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Réf. : CJUE, 12 mars 2015, aff. C-594/13 (N° Lexbase : A6885NDD)
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N6445BUA
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Le 20 Mars 2015
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Réf. : CE, 13 mars 2015, n° 358677, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6895NDQ)
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N6529BUD
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Le 20 Mars 2015
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