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N5001BUR
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 20 Décembre 2014
Toujours est-il que les temps ont changé, l'essor de la liberté d'expression aussi, l'armée et le statut militaire plus que d'autres. Et, la "normalisation" de l'armée française s'accélère encore ces dernière semaines, avec, coup sur coup, d'abord, la condamnation de la France par la CEDH pour l'interdiction absolue des syndicats dans l'armée ; ensuite, avec l'annulation d'une sanction disciplinaire de "blâme du ministre" prononcée en raison du refus de se soumettre au calendrier vaccinal des armées ; enfin avec la sanction prononcée par le Conseil constitutionnel des dispositions relatives à l'incompatibilité des fonctions de militaire en activité avec celles de conseiller municipal.
Soyons justes : l'expression la "Grande Muette" est depuis fort longtemps impropre, pour ne pas dire obsolète. De Gaulle accorda aux militaires le sésame du droit de vote pour célébrer leur entrée dans la société civile en 1945 et, depuis lors, le champ des libertés s'est accru, avec la reconnaissance d'un statut réglementé en 1972, hautement réformé en 2005 pour tenir compte des "principes nécessaires à notre temps" -autant dire pour inscrire l'armée dans le rang de la modernité sociale-.
Pour autant, "l'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité", tient toujours à préciser l'article L. 4111-1 du Code de la défense. C'est cette disposition qui, finalement, sert d'assise à toute relativisation des droits et libertés octroyés par le pouvoir républicain à l'armée française. "Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l'exercice de certains d'entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées" par le Code de la défense, dispose l'article L. 4121-1. Et c'est comme cela pour l'exercice de toutes les libertés fondamentales : "les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu'en dehors du service et avec la réserve exigée par l'état militaire. Cette règle s'applique à tous les moyens d'expression" (C. déf., art. L. 4122-1) ! C'est le fameux devoir de réserve des militaires français. Comme si la moindre parcelle de liberté accordée à l'armée suscitait le doute quant à l'emploi et aux risques afférents par ceux en charge de la protéger.
Le risque, aujourd'hui, n'est assurément ni la sédition, ni le renversement de régime démocratique. Mais, la contrariété des opinions, des chefs d'état-major, comme ce fut le cas encore en mai 2014 à l'occasion des discussions sur la loi de programmation militaire, met nécessairement à mal l'autorité du Chef de l'Etat, chef des armées, et contrevient à la "tyrannie de la communication" politique qui ne supporte pas la contradiction de l'Etat en son sein. Il faut dire que la menace de démission en bloc des trois chefs d'état-major au regard des prévisions de restriction du budget militaire, pris comme variable d'ajustement du budget de la Nation, fit l'effet d'une bombe, malgré, de-ci de-là, des voies discordantes, singulières et régulières déjà relayées, depuis un certain temps, dans les médias (association de défense des droits des militaires ; forums "Gendarmes Et Citoyens" ou "militaires et citoyens", etc.).
Si la parole s'est libérée en quelques années, d'abord, le devoir de réserve -qui n'est plus dénommé ainsi depuis 2005, mais dont l'idée générale irrigue l'instauration des libertés civiles, civiques et politiques des militaires- est encore fort prégnant au sein de l'armée. En 2008, une enquête avait été lancée pour identifier les officiers anonymes ayant publié sous le pseudonyme "Surcouf" une tribune contre le Livre Blanc de la Défense nationale. En 2009, le commandant de gendarmerie Jean-Hugues Matelly avait été radié des cadres pour une tribune sur Rue89 critiquant le rapprochement avec la police -radiation annulée par le Conseil d'Etat-... Ensuite, l'article L. 4123-1 du Code de la défense interdit toujours aux militaires en activité de service d'adhérer à des groupements ou associations à caractère politique. Et, sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, les militaires peuvent être candidats à toute fonction publique élective. Mais, les militaires qui sont élus et qui acceptent leur mandat sont placés dans la position de détachement -ils ne sont donc pas rémunérés !-. Pire, le premier alinéa de l'article L. 46 et le dernier alinéa de l'article L. 237 du Code électoral prévoient que les fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale, sont incompatibles avec l'exercice des mandats de conseillers généraux, de conseillers municipaux et de conseillers communautaires.
C'est pourquoi les dispositions législatives organisant l'incompatibilité des fonctions de militaire en activité avec celles de conseiller municipal ne sont pas conformes à la Constitution, décide le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 28 novembre 2014. Les Sages ont estimé qu'en rendant incompatibles les fonctions de militaire de carrière ou assimilé avec le mandat de conseiller municipal, le législateur a institué une incompatibilité qui n'est limitée ni en fonction du grade de la personne élue, ni en fonction des responsabilités exercées, ni en fonction du lieu d'exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes. Ainsi, eu égard au nombre de mandats municipaux avec lesquels l'ensemble des fonctions de militaire de carrière ou assimilé sont ainsi rendues incompatibles, cette interdiction, par sa portée, excède manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l'électeur ou l'indépendance de l'élu contre les risques de confusion ou de conflits d'intérêts. Dès lors, le premier alinéa de l'article L. 46 du Code électoral doit être déclaré contraire à la Constitution. Et ceci pour la dernière salve en date...
Le "devoir de réserve" des militaires français avait déjà subi un premier tir d'artillerie européenne le 2 octobre 2014. Pour la CEDH, l'interdiction pure et simple de constituer un syndicat dans l'armée ou d'y adhérer est contraire à la CESDH. Dans une première affaire, un gendarme avait créé en 2008 une association ayant pour objectif de faciliter la communication et l'échange entre gendarmes et citoyens. Informée de cette initiative, sa hiérarchie lui ordonna, ainsi qu'aux autres gendarmes en activité membres de l'association, d'en démissionner sans délai. Cette autorité estima que cette association présentait les caractéristiques d'un groupement professionnel à caractère syndical dont l'existence était prohibée par l'article L. 4121-4 du Code de la défense, compte tenu de la mention faite dans la définition de son objet de "la défense de la situation matérielle et morale des gendarmes". Les juges strasbourgeois indiquaient que les dispositions de l'article précité interdisaient purement et simplement l'adhésion des militaires à tout groupement de nature syndicale. Et, si, en vertu de l'article 11 de la Convention (liberté de réunion et d'association), des restrictions, mêmes significatives, peuvent être apportées aux modes d'action et d'expression d'une association professionnelle et des militaires qui y adhèrent, l'ordre de démissionner de l'association donné à l'intéressé a été pris sur la seule base des statuts de l'association et de la possible existence, dans la définition relativement large de son objet, d'une dimension syndicale. L'interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer porte à l'essence même de la liberté d'association, une atteinte qui ne saurait passer pour proportionnée et n'était donc pas "nécessaire dans une société démocratique". Dès lors, il y a eu violation de l'article 11. Dans la seconde affaire, la CEDH adoptait une position similaire concernant une personne ayant fondé une association ayant pour objet statutaire "l'étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels, des militaires" et qui avait vu ses recours pour excès de pouvoir à l'encontre d'actes administratifs affectant la situation matérielle et morale des militaires rejetés, au motif que l'association requérante contrevenait aux prescriptions de l'article L. 4121-4 précité.
Et, entre-temps, le tribunal administratif de Poitiers ne put s'empêcher, le 15 octobre 2014, d'annuler le blâme infligé à une femme gendarme qui refusait de se faire vacciner. Si le tribunal admet que les dispositions du Code de la santé publique relatives aux obligations vaccinales donnent à l'autorité administrative la possibilité d'instaurer de telles obligations par voie réglementaire, il écarte la sanction disciplinaire de "blâme du ministre" en raison de son caractère disproportionné. En effet, le personnel de gendarmerie ne relevant pas du personnel militaire astreint au calendrier vaccinal des armées, la pratique des vaccinations dans les armées ne leur est pas applicable. En imposant à la gendarme une obligation de vaccination, l'autorité militaire lui a donc donné un ordre illégal. Le cas ne relève pas à proprement parler de la liberté d'expression ou d'opinion, mais marque une certaine rébellion encore inenvisageable il y a peu au sein des rangs militaires -encore que la gendarmerie soit désormais rattachée au ministère de l'Intérieur par mesure d'efficacité logistique-.
"On résiste à l'invasion des armées, on ne résiste pas à l'invasion des idées" écrivait Victor Hugo. Jadis, ce sont les armées françaises qui véhiculaient les idées libérales et les droits de l'Homme à travers l'Europe, puis le monde. L'exportation du modèle civil français se fit par l'entremise des baïonnettes bien plus que des pamphlets littéraires. Désormais, ce sont les idées libérales mondialisées -la plupart des autres pays européens, de tradition militaire moins ancrée il est vrai, accorde ces libertés à leurs militaires bien plus facilement qu'en France- qui pénètrent le corps militaire et envahissent le statut des forces armées.
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 22 octobre 2014, n° 361464, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0627MZA)
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N4976BUT
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par Pierre Bourdon, Maître de conférences, Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le 20 Décembre 2014
Le litige qui a conduit à la décision rendue par le Conseil d'Etat le 22 octobre 2014 concernait, lui aussi, l'évolution des techniques de diffusion des services de télévision.
L'article 6 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (N° Lexbase : L6047HUI), a prévu de mettre fin avant le 30 novembre 2011 à la diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique (2). La télédiffusion s'effectue désormais, non plus en mode analogique, mais en mode numérique. La nouvelle norme technique a, d'ores et déjà, permis d'obtenir une meilleure qualité d'image. A plus long terme, elle doit permettre de réduire les coûts d'exploitation de la diffusion des services de télévision.
Avant le vote de la loi du 5 mars 2007, il était envisagé que l'autorisation de diffusion en mode analogique prenne fin avant 2012. La loi a donc accéléré le passage de l'analogique au numérique. En contrepartie, le législateur avait prévu une compensation au profit des diffuseurs nationaux concernés. La loi du 5 mars 2007 leur permettait d'obtenir auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) une autorisation de diffuser "un autre service de télévision à vocation nationale" à compter du 30 novembre 2011. Les diffuseurs nationaux des six premières chaînes allaient pouvoir émettre des services, non plus sur un seul et unique canal, mais sur deux canaux distincts : leur "canal historique" et le nouveau "canal compensatoire" (également appelé "canal bonus").
L'obtention de l'autorisation de diffusion sur le canal compensatoire était soumise à certaines conditions, parmi lesquelles figuraient "des obligations renforcées de soutien à la création en matière de diffusion et de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française fixées par décret en Conseil d'Etat". Toutefois, le Gouvernement n'a jamais pris le décret.
Pourtant, dans sa décision du 27 février 2007, le Conseil constitutionnel a jugé le dispositif du canal compensatoire conforme à la Constitution. Il a relevé qu'en abrogeant avant leur terme les autorisations de diffusion en mode analogique, la loi portait atteinte à des situations légalement acquises. Le Conseil a estimé que l'attribution d'une chaîne bonus aux diffuseurs nationaux concernés n'était pas une compensation manifestement disproportionnée (3).
Néanmoins, le 10 avril 2008, le dispositif du canal compensatoire a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission européenne. Certains diffuseurs de services de télévision, non concernés par le dispositif, ont estimé que le législateur les avait lésés en prévoyant d'accorder un privilège à leurs concurrents.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est volontairement abstenu de prendre le décret d'application de la loi du 5 mars 2007. Les dispositions législatives sur le canal compensatoire ne sont donc jamais entrées en vigueur. Suivant une proposition du Président du CSA, qui était alors Michel Boyon, le Gouvernement a même lancé au Parlement une procédure d'abrogation des dispositions de la loi contraires au droit de l'Union européenne.
Cependant, les trois opérateurs privés nationaux, TF1, Canal+ et M6, qui exploitent chacun une des six premières chaînes de la télévision, ont réfléchi à des projets en vue de diffuser leurs services sur un canal compensatoire.
Le 23 avril 2012, la société Métropole Télévision (M6) a demandé au CSA l'attribution d'une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire. Le CSA n'ayant pas répondu à cette demande, une décision implicite de rejet est née.
Par une requête du 30 juillet 2012, la société M6 a demandé au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort (4), l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du CSA concernant sa demande d'autorisation.
Par une seconde requête en date du 19 février 2013, M6 a également demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 98,77 millions d'euros en réparation des préjudices résultant de la décision implicite de rejet du CSA. L'un des six fondements de la demande indemnitaire présentée par la société requérante reposait sur la responsabilité de l'Etat au titre de la faute commise par le Gouvernement qui n'avait pas pris le décret d'application de la loi du 5 mars 2007 et, ce faisant, avait empêché le CSA de lui octroyer une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire.
Dans la présente affaire, une importante question de droit devait donc être résolue par le juge administratif : l'abstention de prendre un décret d'application d'une loi engage-t-elle la responsabilité de l'Etat, alors que ladite loi est contraire au droit de l'Union européenne ? Les cinquième et quatrième sous-sections réunies du Conseil d'Etat ont répondu négativement à cette question.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a estimé que le Gouvernement n'avait commis aucune faute en ne prenant pas le décret d'application de la loi du 5 mars 2007, puisque ladite loi était suspectée d'être contraire au droit de l'Union européenne par la Commission européenne.
En amont de sa décision, le juge administratif a rejeté la demande d'annulation de la décision de rejet du CSA en estimant qu'en l'absence de décret permettant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 5 mars 2007, le CSA était tenu de rejeter la demande. Cette décision de rejet étant parfaitement légale, le juge en a déduit qu'aucune faute n'avait été commise par le CSA.
Le juge a également rejeté les autres motifs de la demande indemnitaire présentée par la société M6.
En premier lieu, le Conseil d'Etat a estimé que la méconnaissance du droit de l'Union européenne par la loi du 5 mars 2007 n'avait pas porté préjudice à la société M6 qui ne pouvait ignorer cette méconnaissance au moment où elle a présenté sa demande de canal compensatoire.
En deuxième lieu, le Conseil d'Etat a considéré que l'extinction anticipée de la diffusion analogique prévue par la loi de 2007 n'avait pas non plus porté préjudice à la société M6 puisque, non seulement l'anticipation n'a été que de trois mois en ce qui la concerne, mais qu'en plus, l'autorisation d'émettre en mode analogique a été aussitôt remplacée par une autorisation d'émettre en mode numérique.
Enfin, le Conseil d'Etat a écarté la demande indemnitaire fondée sur les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, dont on sait qu'ils peuvent être invoqués pour apprécier la légalité de certains actes administratifs (5), mais que leur méconnaissance ne saurait, par elle-même, entraîner la responsabilité de l'Etat.
L'intérêt essentiel de la décision rapportée concerne le régime de la responsabilité de l'Etat en cas de méconnaissance par le Gouvernement de son obligation de prendre un décret d'application d'une loi. La décision du 22 octobre 2014, qui sera publiée et fichée sur ce point au recueil Lebon, rappelle le principe de la responsabilité de l'Etat en cas de méconnaissance de l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi (I), mais tempère cette responsabilité au cas où la loi concernée est contraire au droit de l'Union européenne (II).
I - La responsabilité de l'Etat du fait de l'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a rappelé que l'Etat est responsable en cas d'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi (A). Les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat du fait de cette abstention ont également été précisées (B).
A - Le principe du droit à réparation en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi
Depuis l'ordonnance du 20 février 2004, l'article 1er du Code civil (N° Lexbase : L3088DYZ) dispose que "l'entrée en vigueur [des dispositions d'une loi] dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures" (6). Ainsi, lorsque des dispositions législatives effectuent un renvoi à un décret, ces dispositions n'entrent en vigueur qu'à la date d'entrée en vigueur du décret.
La jurisprudence n'a pas attendu l'ordonnance de 2004 pour considérer que des dispositions législatives ne peuvent pas recevoir application lorsqu'un décret d'application est nécessaire (7). Et le juge n'a pas modifié sa jurisprudence à la suite de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2004 (8). Toutefois, la jurisprudence ne manque pas de souplesse. Les mesures d'application peuvent ne pas résulter d'un seul et unique décret, mais être prescrites par plusieurs textes successifs (9). La jurisprudence admet aussi que des précisions figurant dans la loi (voire, on peut le penser, dans tout autre texte législatif) peuvent pallier l'absence de décret d'application (10).
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a fait application de cette jurisprudence. D'une part, il a estimé que l'article 6 de la loi du 5 mars 2007 n'était pas entré en vigueur en tant qu'il prévoit le droit au canal compensatoire, faute pour le Gouvernement d'avoir pris le décret d'application prévu par les dispositions législatives. D'autre part, le Conseil a jugé que la loi ne contenait aucune "précision" de nature à permettre d'appliquer le mécanisme du canal compensatoire. En conséquence, le CSA a pu, sans commettre aucune faute, rejeter la demande de la société M6 tendant à obtenir un canal compensatoire.
Cependant, la jurisprudence administrative va plus loin que la lettre de l'article 1er du Code civil. Le Conseil d'Etat considère "que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi" (11). L'obligation est fondée sur l'article 21 de la Constitution (N° Lexbase : L0847AHT), d'après lequel le Premier ministre "assure l'exécution des lois" (12). Cette jurisprudence, qui vaut également pour les ordonnances (13), est absolument constante (14). Quoique, depuis 2005, l'intervention du décret d'application en cours d'instance prive d'objet la requête présentée au juge administratif (15). Il faut signaler, par ailleurs, que l'administration est tenue par une obligation similaire en ce qui concerne l'édiction des mesures qu'implique nécessairement l'application d'un décret (16).
La méconnaissance de l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi peut avoir des conséquences sous l'angle de la légalité et sous celui de la responsabilité (17).
Du point de vue de la légalité, une décision de refus de prendre un décret d'application d'une loi est illégale. Le juge administratif peut enjoindre au Gouvernement de prendre un tel décret (18). L'injonction n'est pas rare. En témoigne la récente décision par laquelle le Conseil d'Etat a enjoint au Gouvernement de prendre un décret d'application de la loi du 31 mars 2006 à propos du "CV anonyme" (19).
Du point de vue de la responsabilité, l'Etat est responsable des dommages imputables à la faute commise par le Gouvernement en omettant de prendre un décret d'application d'une loi (20).
Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat a rappelé "que les préjudices qui résultent du retard mis à prendre, au-delà d'un délai raisonnable, un décret nécessaire à l'application d'une loi sont, en principe, de nature à ouvrir droit à réparation".
Le Conseil a également précisé les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi.
B - Les modalités d'appréciation du droit à réparation en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat a précisé les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi.
Ces précisions sur les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat sont les bienvenues. Toutefois, ces modalités n'ont pas été énoncées sous la forme d'un considérant de principe. En conséquence, elles ne semblent pas applicables de façon générale, mais seulement à l'espèce qui a donné lieu à la décision commentée. On peut néanmoins tenter de les systématiser. Pour cela, il faut tenir compte d'une autre décision rendue par le Conseil d'Etat à ce sujet.
Dans une décision "Association Bretagne Ateliers" rendue en 2005, le Conseil d'Etat, par la voix de ses première et sixième sous-sections réunies, a estimé que le point de départ de la responsabilité est la date à laquelle a été dépassé le délai raisonnable laissé au Gouvernement pour prendre le décret d'application d'une loi. En l'espèce, le délai était d'environ une année suivant la date de publication de la loi (21).
Dans la décision commentée rendue par les cinquième et quatrième sous-sections réunies, le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte du critère du dépassement du délai raisonnable. Un autre critère a été mis en oeuvre pour apprécier la responsabilité. Le Conseil a retenu comme "date du fait générateur du dommage" (cf. point n° 10 de la décision), c'est-à-dire "celle de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le CSA sur sa demande présentée le 23 avril 2012 en vue d'obtenir le bénéfice [de la loi]" (cf. point n° 7).
La jurisprudence ne semble donc pas, a priori, cohérente en ce qui concerne les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi.
Toutefois, il faut remarquer que les circonstances de l'affaire de 2005 et celle de l'affaire commentée n'étaient pas du tout les mêmes. En 2005, le litige indemnitaire portait directement et exclusivement sur le refus de prendre un décret d'application d'une loi. En 2014, le litige indemnitaire ne portait pas directement et exclusivement sur le refus de prendre un décret d'application d'une loi.
En effet, dans l'affaire commentée, le CSA avait refusé à la société M6 une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire. Au contentieux, M6 a critiqué l'absence de décret d'application de façon indirecte : la décision de refus d'autorisation du CSA était critiquée à titre principal. Et le motif de ce refus n'était pas exclusivement l'absence de décret d'application de la loi du 5 mars 2007 : la méconnaissance du droit de l'Union européenne par la loi était également en jeu. La société requérante l'a également invoqué pour fonder sa demande indemnitaire.
En outre, comme l'indique la décision rapportée, il a été tenu compte de la circonstance que les dispositions de la loi "avaient vocation à s'appliquer effectivement" à compter d'une date précisée par la loi elle-même. L'autorisation de diffusion sur un canal compensatoire prévu par la loi du 5 mars 2007 devait être octroyée pour une mise en service à compter du 30 novembre 2011 (cf. point n° 7 de la décision). Retenir un délai d'environ un an à compter de la publication de la loi, comme dans la décision "Association Bretagne Ateliers" précitée, aurait été très strict puisque la loi avait vocation à ne s'appliquer effectivement qu'environ quatre ans et demi à compter de sa publication.
En même temps qu'il a rappelé le principe et les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat du fait de l'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi, le Conseil d'Etat lui a donné un tempérament au cas où la loi concernée méconnaît le droit de l'Union européenne.
II - L'exception au principe de responsabilité de l'Etat en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat paraît avoir posé une exception au principe de la responsabilité de l'Etat au cas où le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi. Lorsque la loi est contraire au droit de l'Union européenne, l'abstention du Gouvernement n'est pas fautive (A). Toutefois, la décision ne permet pas de dire nettement si cette exception est un principe ou si elle dépend des circonstances propres à chaque affaire (B).
A - L'absence de droit à réparation en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dès une décision "Association France nature environnement" rendue en 2000, le Conseil d'Etat a estimé que l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi s'impose "hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle" (22). Cette jurisprudence est bien établie (23). Ainsi, sur le terrain de la légalité, le juge administratif considère qu'un décret d'application d'une loi est légal quand bien même il ne prévoit aucune mesure d'exécution pour les dispositions de cette loi contraire aux engagements internationaux de la France, qu'il s'agisse du droit de l'Union européenne (24), voire du droit de la Convention européenne des droits de l'Homme (25).
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a estimé que l'Etat n'est pas responsable des dommages imputables à la faute commise par le Gouvernement en omettant de prendre un décret d'application d'une loi, lorsque cette loi est considérée comme contraire aux engagements internationaux de la France. En l'occurrence, le Conseil a constaté que le droit au canal compensatoire prévu par les dispositions de la loi du 5 mars 2007 était considéré comme contraire au droit de l'Union européenne par la Commission européenne.
Le Conseil a rappelé la procédure mise en oeuvre par la Commission et qui avait conduit cette dernière à considérer le droit au canal compensatoire comme contraire au droit de l'Union européenne. On peut rappeler ici cette procédure. Dès le 10 avril 2008, le dispositif du canal compensatoire a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission. Le 20 février 2009, la Commission a adressé au Gouvernement une demande de communication d'informations. A la suite de la communication d'informations du Gouvernement, la Commission a "formellement contesté" la compatibilité du mécanisme du canal compensatoire avec le droit de l'Union européenne, notamment du point de vue de la concurrence sur le marché des services de télévision. Le 24 novembre 2010, la Commission a adressé au Gouvernement une mise en demeure de corriger la législation. Le 24 février 2011, le Gouvernement a transmis des éléments nouveaux pour justifier le dispositif du canal compensatoire. Le 29 septembre 2011, la Commission a adressé un avis motivé au Gouvernement. Ce dernier disposait d'un délai de deux mois pour corriger la législation. A l'issue de ce délai, la Commission envisageait de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour faire constater la méconnaissance du droit de l'Union. Le 30 novembre 2011, le Gouvernement a déposé un projet de loi portant abrogation des canaux compensatoires. L'abrogation est finalement intervenue par le biais de l'article 30 de la loi du 15 novembre 2013, relative à l'indépendance de l'audiovisuel public (26) (cf. points n°s 8 à 10 de la décision).
En raison de la méconnaissance du droit de l'Union européenne suspectée par la Commission européenne, le juge administratif a estimé qu'en n'ayant pas pris un décret d'application de la loi du 5 mars 2007, le Gouvernement n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
S'il ne fait aucun doute que l'Etat n'est pas responsable en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne, il n'est pas évident que cette irresponsabilité de l'Etat ait une portée absolue.
B - La portée de l'absence de droit à réparation en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat n'a pas exclu, par principe, la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Autrement dit, le juge administratif a écarté l'existence d'une faute du Gouvernement en l'espèce, mais ne l'a pas exclu par principe (27).
Pourtant, l'édiction d'un décret contraire aux engagements européens est illégale. Cette jurisprudence, ancienne (28), est, elle aussi, bien établie (29). A l'inverse, l'on sait que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'est pas une illégalité (30). En appliquant la jurisprudence issue de la décision "Les fils de Henri Ramel" rendue par le Conseil d'Etat en 1979 (31), le Conseil aurait pu estimer que l'absence de décret d'application n'étant pas illégale, elle n'est pas fautive par principe.
En outre, la méconnaissance du droit de l'Union européenne par une loi est de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat. Ce principe est issu de la décision "Gardedieu" rendue par le Conseil d'Etat en 2007 (32). Il en va de même, à plus forte raison, du décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Dans la présente affaire, le Conseil d'Etat aurait pu effectuer une application a contrario de la jurisprudence "Gardedieu". Ce faisant, il aurait estimé que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'entraîne jamais la responsabilité de l'Etat. Le juge administratif n'est pas allé jusque-là. Il a rappelé le considérant de principe issu de la jurisprudence "Gardedieu" (cf. point n° 11 de la décision), sans toutefois l'appliquer au profit de la société M6, car cette dernière n'a subi aucun dommage réellement imputable à la loi du 5 mars 2007 (cf. point n° 12).
Finalement, est-ce à dire que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'est pas une illégalité, mais qu'elle peut, dans certaines hypothèses, constituer une faute et entraîner la responsabilité de l'Etat ? La réponse paraît négative. La décision du 22 octobre 2014, même si elle n'est pas explicite sur ce point, a au moins le mérite d'aller dans ce sens.
D'ailleurs, la loi du 5 mars 2007 n'a jamais été déclarée contraire au droit de l'Union européenne par un juge, qu'il s'agisse du Conseil d'Etat ou de la Cour de justice de l'Union européenne. Il ressort de la décision que seule la Commission européenne a "formellement contesté" le mécanisme du canal compensatoire au regard du droit de l'Union (cf. point 8 de la décision). Le Conseil d'Etat a peut-être souhaité ne pas remettre en cause la position du Gouvernement. On sait que ce dernier avait défendu la conformité du mécanisme du canal compensatoire. Au surplus, le Conseil constitutionnel avait considéré que le mécanisme était conforme à la Constitution (33). C'est peut-être la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'est pas allé jusqu'à admettre le principe suivant lequel l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'entraîne jamais la responsabilité de l'Etat. Car, en appliquant ce principe à l'espèce, il aurait dû lui-même constater que la loi du 5 mars 2007 était contraire au droit de l'Union européenne du point de vue du dispositif du canal compensatoire.
Il n'en demeure pas moins que, dans sa décision, le Conseil d'Etat n'est pas allé jusqu'à affirmer la portée absolue de l'absence de responsabilité de l'Etat en cas d'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Il faudra donc attendre une prochaine décision du Conseil d'Etat pour que celui-ci affirme que les préjudices qui résultent de l'abstention à prendre un décret nécessaire à l'application d'une loi contraire aux engagements internationaux, et notamment européens, de la France ne sont jamais de nature à ouvrir droit à réparation.
(1) CE, Sect., 27 janvier 1961, n° 38661, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5804MDC), p. 60.
(2) Loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (N° Lexbase : L6047HUI), JORF, n° 56, 7 mars 2007, p. 4347.
(3) Cons. const., décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007 (N° Lexbase : A3317DUE), Rec. CC, p. 81.
(4) Cf. CJA, art. R. 311-1, 4° (N° Lexbase : L8980IXU).
(5) Cf. CE, Ass., 24 mars 2006, n° 288460, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7837DNL), p. 154.
(6) Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004, relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, art. 1er (N° Lexbase : L7988DN8), JORF, n° 44, 21 février 2004, p. 3514.
(7) Cass. soc., 22 mars 1989, n° 85-13.496 (N° Lexbase : A1135AHI), Bull. civ. V, n° 242.
(8) Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 02-50.049, FS-P+B (N° Lexbase : A5716DD3), Bull. civ. II, n° 442.
(9) CE, 18 janvier 1957, n° 10076, 14005, Rec., p. 39.
(10) CE, Sect., 13 juillet 1951, n° 95629, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3065AKQ), p. 403 ; Cass. civ. 3, 2 décembre 1981, n° 80-14.325 (N° Lexbase : A7988CEL), Bull. civ. III, n° 199 ; Cass. crim., 1er mars 1990, n° 89-81.244 (N° Lexbase : A6449CEL), Bull. crim., n° 102.
(11) A plus forte raison, un ministre ne peut pas décider d'ajourner de plusieurs mois les mesures d'application d'une loi (CE, Sect., 6 juillet 1934, n° 32266 à 32268, Rec., p. 786).
(12) CE 4° et 6° s-s-r., 28 juillet 2000, n° 204024, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7152AHD), p. 323.
(13) CE, 13 juillet 1962, n° 45891, 45892, Sieur Kevers-Pascalis, Rec., p. 475.
(14) Cf. not., CE, Ass., 26 février 1954, n° 95551, Rec., p. 129 ; CE 7° et 10° s-s-r., 30 juillet 1997, n° 177264, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1026AEQ), p. 1009 ; CE 4° et 6° s-s-r., 27 juillet 2001, n° 208167, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4998AUN), p. 419.
(15) CE 1° et 6° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 261694, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1329DKG), Rec., p. 350.
(16) CE, Sect., 13 juillet 1951, n° 95629, publié au recueil Lebon, préc..
(17) Il en va de même, par ailleurs, en cas de méconnaissance par l'administration de son obligation de prendre dans un délai raisonnable un décret d'application d'un autre décret (CE, Ass., 27 novembre 1964, n° 59068, Rec., pp. 590-600, concl. Yves Galmot).
(18) CE, Ass., 7 juillet 2004, n° 250688, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1157M7Y), p. 309.
(19) CE 9° et 10° s-s-r., 9 juillet 2014, n° 345253, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0574MUS).
(20) CE 1° et 6° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 261694, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1329DKG), Rec., p. 350.
(21) Ibid.
(22) Cf. supra note 12.
(23) CE, Ass., 7 juillet 2004, n° 250688, publié au recueil Lebon, préc..
(24) CE 1° et 4° s-s-r., 24 février 1999, n° 195354, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3956AXS), p. 29.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2008, n° 300458, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7334D9I), p. 286.
(26) Loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, relative à l'indépendance de l'audiovisuel public (N° Lexbase : L5399IYM), JORF, n° 266, 16 novembre 2013, p. 18622.
(27) "Eu égard à l'ensemble de ces circonstances", dit le point n° 10 de la décision rapportée.
(28) Cf. CE 2° et 6° s-s-r., 28 septembre 1984, n° 28467, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6632AL9), p. 512.
(29) Cf. CE, Ass., 30 octobre 2009, n° 298348, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6040EMN), p. 407.
(30) Cf. supra, notes n°s 22 à 25.
(31) CE, Sect., 7 décembre 1979, n° 13001, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0128AKX), p. 457.
(32) CE, Ass., 8 février 2007, n° 279522, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2006DUT), Rec., pp. 78-91, concl. L. Derepas.
(33) Cf. supra, note 3.
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Réf. : Cass. crim., 2 décembre 2014, n° 14-80.933, FS-P+B (N° Lexbase : A0516M7A)
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N5053BUP
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 28 novembre 2014, n° 363146, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5448M4K)
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N4980BUY
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Le 20 Décembre 2014
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N4906BUA
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
Le 20 Décembre 2014
Les questions posées étaient assez générales : une consultation en matière de droit des étrangers (arrêt n° 14/04618) ; une consultation en matière d'exécution défectueuse d'un contrat de prestation de service conclu avec un chauffagiste (arrêt n° 14/06556) ; une consultation en matière de droit des assurances (arrêt n° 14/06561) ; et une consultation en matière de divorce (arrêt n° 14/06567)
Les rapports se sont noués à distance par le truchement du site internet de cet avocat. Sur ce site, dans les conditions générales de vente, rédigées de manière claire, sans équivoque, et dans un langage simple afin que les profanes soient clairement avisés, figurent expressément et clairement les montants des honoraires pratiqués par l'avocat. Le particulier coche donc une case acceptant les conditions générales de vente ; il expose brièvement son problème et un rendez-vous téléphonique est fixé. Les coordonnées bancaires des particuliers ont été recueillies par le secrétariat de l'avocat en amont de cette consultation et un certain montant estimmédiatement débité correspondant aux frais d'ouverture de dossiers et de première consultation.
Or, les clientes n'ont pas souhaité poursuivre plus en amont les rapports : la première n'ayant pas répondu au rendez-vous téléphonique s'est vue recréditer la somme liée à la consultation ; la deuxième n'a rien obtenu du tout et a, parallèlement, déposé plainte au pénal ; la troisième n'a eu qu'un remboursement partiel ; et enfin la quatrième a fait procéder à l'annulation des prélèvements en se prévalant d'une utilisation frauduleuse de ses moyens de paiement.
Mais en définitive jamais la totalité des frais débités n'aura été restituée.
Le Bâtonnier a été saisi et a prononcé la restitution de toutes les sommes indûment prélevées.
L'avocat a formé appel et il invoque que le fait que les particuliers aient accepté les conditions générales de vente, accepté la consultation qui a suivi l'envoi d'un devis et fourni leurs coordonnées bancaires, marquait bien leur acceptation aux conventions d'honoraires en cause.
Le formalisme de la convention d'honoraires. En matière de convention d'honoraires, les parties sont libres de matérialiser leur accord selon la forme la plus appropriée. Ainsi, la convention d'honoraires n'est soumise à aucune forme particulière (Cass. civ. 1, 19 mai 1999, n° 97-13.984 N° Lexbase : A1410CI3 ; Cass. civ. 2, 19 février 2004, n° 02-13.004 N° Lexbase : A3213DBM). Partant elle est soumise aux règles du Code civil sur les conventions et notamment celles de l'article 1108 (N° Lexbase : L1014AB8) qui impose la réunion de quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention : le consentement de la partie qui s'oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; et une cause licite dans l'obligation.
Et la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déjà eu l'occasion de juger que, si l'écrit n'est pas une exigence formelle pour la validité d'une convention d'honoraires, encore faut-il que la preuve de la rencontre du consentement de l'avocat et de son client sur les modalités de fixation des honoraires soit rapportée (CA Aix-en-Provence, 9 mai 2012, n° 10/04061 N° Lexbase : A8579IKX). Dès lors sera annulée la convention d'honoraires pour laquelle la signature de la cliente lui avait été extorquée la veille de l'audience, alors qu'elle était en pleine dépression (Cass. civ. 1, 29 juin 1999, n° 96-20647, publié N° Lexbase : A4725CK9) ; et il en va ainsi lorsque le client se trouvait dans un état de moindre résistance en raison du besoin qu'il avait de percevoir rapidement les dommages-intérêts qui lui étaient dus compte tenu de son état de surendettement et qu'il se trouvait dans un état de faiblesse psychologique attesté par les pièces médicales produites (Cass. civ. 2, 5 octobre 2006, n° 04-11.179, F-D N° Lexbase : A4938DRC).
Dans le même sens, la prudence est de mise lorsque le client signataire est placé sous tutelle, la convention faisant l'objet le plus souvent d'une annulation (Cass. civ. 1, 27 mai 2003, n° 00-18.136, F-P N° Lexbase : A6708CKN ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2005, n° 03-19.188, F-D N° Lexbase : A9131DLR).
Le formalisme particulier du contrat électronique. Le contrat électronique étant un contrat entre absent, se pose la question de savoir à quel moment il est considéré comme reçu, et surtout comme accepté. Selon l'article 1369-9 du Code civil (N° Lexbase : L6360G9G) un écrit électronique est considéré comme reçu lorsque le destinataire a eu la possibilité d'en prendre connaissance et qu'il en a accusé réception. L'article 1369-5 du Code civil soumet le contrat conclu par voie électronique aux formalités suivantes : pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation ; l'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée. Ainsi, la personne qui s'oblige doit manifester en réalité deux fois sa volonté de conclure le contrat : c'est ce que l'on appelle le double clic.
La solution de la cour d'appel. Dans les quatre arrêts rendu les 4 et 25 novembre 2014, les juges aixois prononcent la nullité des conventions d'honoraires.
A cet égard, ils rappellent dans un premier temps l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 aux termes duquel les honoraires sont fixés en accord avec le client ; puis dans un second temps, les règles sus-énoncées de l'article 1369-5 du Code civil.
Or, dans les faits des espèces, en aucun cas les particuliers, destinataires de l'offre de service, n'ont eu la possibilité de vérifier le détail de leur commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celles-ci pour exprimer leur acceptation. En effet, dans chaque affaire, les juges relèvent que c'est par téléphone que le montant de l'honoraire a été indiqué au client.
Et le fait que chacun d'entre eux ait communiqué les références de sa carte bancaire au secrétariat de l'avocat n'implique pas qu'il ait parfaitement compris la portée de son engagement et ne saurait en tous cas remplacer la garantie du "double clic".
Dès lors, l'engagement n'était pas parfait faute d'acceptation éclairée des clients manifestée conformément à l'exigence légale du "double clic".
Ainsi, la conclusion d'une convention d'honoraires sur internet est possible si les garanties du client sont respectées, si son consentement est clairement exprimé et qu'il sait surtout à quoi il s'engage. Et le seul fait d'avoir coché la case acceptant les conditions générales de vente n'est pas suffisant pour assurer l'effectivité du consentement.
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Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.034, FS-P+B+R (N° Lexbase : A0655M7E)
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : Directive 2014/104 du 26 novembre 2014,relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des Etats membres et de l'Union européenne (N° Lexbase : L9861I4Y)
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N5009BU3
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-17.438, F-P+B ([LXB=A220M3U])
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N5042BUB
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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225), UFR SJEPG (Université de Franche-Comté)
Le 20 Décembre 2014
I - Date de la prise d'effet de la décision d'inconstitutionnalité d'une saisine d'office du tribunal de la procédure
Les premières questions prioritaires de constitutionnalité posées en droit des entreprises en difficultés ont porté sur la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective.
Cette règle est ancienne et démontre l'efficacité recherchée depuis toujours par le législateur dans ce domaine du droit de l'entreprise. Au nom de l'intérêt général, il a mis en oeuvre un dispositif juridique autorisant le tribunal à agir seul, afin de traiter la défaillance financière d'un débiteur, pour ne pas qu'elle se propage par un "effet de domino" ou par "contagion" à l'ensemble de son environnement économique (3). En effet, la saisine d'office permet d'éviter de retarder l'ouverture d'une procédure collective et l'aggravation des difficultés de l'entreprise, lorsque le débiteur ne déclare pas sa cessation des paiements dans les délais légaux, hier quinze jours (4), aujourd'hui quarante-cinq jours (5).
Toutefois, les auteurs classiques considéraient que la saisine d'office, appelée à l'époque "déclaration de la faillite d'office" (6) régies par les articles 437 et 440 du Code de commerce de 1807, justifiée à l'époque par la volonté de permettre à la justice "d'atteindre le failli" afin de veiller aux intérêts des créanciers absents et de permettre à la justice pénale de statuer en cas de banqueroute, présentaient des dangers. Thaller y était déjà défavorable (7) craignant que les juges ne fassent de ce pouvoir un usage intempestif et dangereux. Elle était, en outre, d'usage relativement fréquent (8). Pour cette raison, ce mode de saisine du tribunal devait être utilisé avec "beaucoup de prudence" car il pourrait méconnaître l'esprit ou le but de la loi lorsque le débiteur est en pourparlers avec ses créanciers pour obtenir un arrangement amiable.
La première décision rendue par le Conseil constitutionnel en la matière visait l'article L. 631-5 du Code de commerce. Elle a été rendue le 7 décembre 2012 (9) et publiée au Journal officiel le 8 décembre suivant. En l'espèce, la société débitrice invoquait donc le bénéfice de cette décision dans son argumentation dans le cadre de la procédure d'appel. Or, cette disposition légale jugée comme étant non conforme à la Constitution, car susceptible de constituer une atteinte aux principes d'impartialité et d'indépendance en raison de l'absence de mécanisme permettant d'assurer la pleine effectivité des droits du débiteur (10) concerne l'ouverture d'un redressement judiciaire, et non d'une liquidation judiciaire d'office. Elle ne pouvait s'appliquer aux circonstances de cette affaire. Par conséquent, la société débitrice ne pouvait valablement fonder sa prétention sur la non-conformité à la Constitution de cette disposition légale qui lui était inapplicable.
Par une deuxième décision du 7 mars 2014 (11), le Conseil constitutionnel a jugé que la disposition légale applicable à l'ouverture sur saine d'office d'une liquidation judiciaire immédiate était également non conforme à la Constitution, et ce, pour les mêmes motifs. Ainsi, l'article L. 640-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L7323IZA), applicable en métropole ne pouvait plus servir de fondement à l'ouverture d'office d'une liquidation judiciaire immédiate à compter de sa publication au Journal officiel, le 9 mars 2014. Dans son pourvoi, la société débitrice prétendait alors que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 640-5 précité justifiait la censure de la décision de la cour d'appel. Or, la Cour de cassation rejette, une fois encore, cette argumentation.
En effet, dans sa décision du 7 mars 2014, le Conseil constitutionnel a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité n'est applicable qu'aux jugements d'ouverture d'une liquidation judiciaire rendus postérieurement à la date de publication de cette décision au Journal officiel. Par conséquent, la liquidation judiciaire ayant été ouverte par un jugement du 4 juillet 2012, cette déclaration est sans effet sur cette procédure, car la cour d'appel, saisie d'un recours, ne l'a pas annulée.
Il convient alors de distinguer deux situations en pratique :
- soit la cour d'appel confirme le jugement d'ouverture entrepris et, dans ce cas, l'ouverture de la procédure est déterminée par la première décision de justice, c'est-à-dire le jugement du tribunal rendu sur saisine d'office. Ayant été rendu avant l'entrée en application de la déclaration d'inconstitutionnalité, il n'est pas remis en cause, la procédure ayant été valablement ouverte, même si elle l'a été sur saisine d'office du tribunal ;
- soit la cour d'appel annule le jugement critiqué et, dans ce cas, elle ne peut prononcer une ouverture de procédure selon ce mode de saisine dont la non-conformité à la Constitution produit pleinement ses effets.
L'arrêt du 18 novembre 2014 apporte ainsi une pierre utile dans l'édification du régime juridique de la déclaration d'inconstitutionnalité de la saisine d'office du tribunal aux fins d'ouverture d'une procédure collective. Ce domaine a été précisé par de nouvelles décisions du Conseil constitutionnel (12) au cours de l'année 2014, par l'ordonnance du 12 mars 2014 (ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives N° Lexbase : L7194IZH (13)) et celle du 26 septembre 2014 (ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014, complétant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives N° Lexbase : L2958I4C (14)).
Ainsi, le principe de l'ouverture de la liquidation judiciaire sur saisine d'office n'a pas été remis en cause. Il restait alors à vérifier que les conditions légales justifiant cette ouverture soient remplies.
II - La caractérisation de la cessation des paiements du débiteur
En l'espèce, la société prétendait que la liquidation judiciaire avait été prononcée sur la base d'un passif qui ne correspondrait pas à la réalité de sa situation financière et comptable. En effet, un différent avec le bailleur serait la cause de ses difficultés, et tout spécialement le coût de l'entretien de la chaudière de l'hôtel qu'elle exploitait. Ce conflit a pris une tournure pénale. Ainsi, elle conteste le montant du passif avancé par le liquidateur et prétend ne pas être en cessation des paiements. Or, la cour d'appel se fonde sur l'existence d'un passif déclaré pour un montant de 210 327, 34 euros. Elle relève l'existence d'inscriptions prises par des établissements financiers pour plus de 21 400 euros au titre d'un prêt consenti le 17 février 2010 et une inscription de privilège par l'Urssaf pour un peu plus de 15 500 euros au 9 mars 2011. En outre, la cour d'appel ne relève pas l'existence d'actif disponible ; pour cette raison, elle considère que cette absence ne permet pas d'apurer le passif exigible, ce qui caractérise la cessation des paiements du débiteur. Cette décision est censurée par la Cour de cassation pour défaut de base légale, la cour d'appel s'étant fondée sur des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements de la société débitrice.
Le second moyen du pourvoi est une question également classique en droit des entreprises en difficulté. La Cour de cassation a censuré la cour d'appel sur le visa des articles L. 631-1 (N° Lexbase : L3381IC9) et L. 640-1 (N° Lexbase : L4038HB8) du Code de commerce. Conformément à une jurisprudence constante (15), les juges du fond doivent caractériser l'existence de la cessation des paiements du débiteur au jour où ils statuent.
Dans un premier temps, tout passif déclaré n'est pas nécessairement un passif exigible. Il faut encore que les dettes soient échues, soit parce qu'elles ne sont pas affectées par un terme, soit parce que le terme est échu. Sont alors des dettes exigibles toutes les dettes dont le créancier peut en demander immédiatement le paiement, notamment en raison de l'absence de moratoire, depuis la modification de la formulation de l'article L. 631-1 du Code de commerce par la réforme de 2005 (16). Ainsi, le prêt bancaire dont la déchéance du terme n'est pas prononcée, ne constitue pas du passif exigible, et ce même si une inscription a été prise au titre du privilège de prêteur de deniers. Une telle analyse n'a pas été réalisée en l'espèce par les juges du fond.
Ensuite, les données relatives à l'actif sont insuffisantes. La cour d'appel procède par affirmation en indiquant que le bilan de la société débitrice ne fait état d'aucun actif disponible. Or, la cour d'appel se fonde sur un bilan pour l'année 2010 alors qu'elle statue en mars 2013... soit plus de deux ans après l'établissement de ce bilan. En outre, le bilan n'est pas nécessairement le seul document permettant d'attester de l'existence d'actif disponible, qui est un actif de nature financière (17).
Par conséquent, les juges du fond ont procédé à une analyse patrimoniale de la situation de la débitrice ne permettant pas de caractériser la cessation des paiements du débiteur. En outre, ils ne se sont pas placés au jour où ils ont statué pour apprécier la situation du débiteur. Pour ces deux motifs, la solution rendue est critiquable et la censure de la Cour de cassation totalement prévisible et justifiée.
(1) Caractérisation de l'état de cessation des paiements et date d'application de la déclaration d'inconstitutionnalité de la saisine d'office aux fins d'ouverture d'une liquidation judiciaire, Lexbase Hebdo n° 403 du 27 novembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N4804BUH) ; D., 2014, p. 2405, obs. X. Delpech.
(2) CA Paris, Pôle 5, 8ème ch, 19 mars 2013, n° 12/14861 (N° Lexbase : A4441KAQ).
(3) P.-M. Le Corre, Questions prioritaires de constitutionnalité et droit des entreprises en difficulté, Lexbase Hebdo n° 392 du 4 septembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N3467BUX)
(4) Délai pour procéder à la déclaration de cessation des paiements avant la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT).
(5) C. com., art. L. 631-4 (N° Lexbase : L7314IZW).
(6) J. Percerou et M. Dessertaux, Des faillites & banqueroutes et des liquidations judiciaires, 2ème éd., Paris 1935, éd. Rousseau et Cie, tome I, n° 283, p. 389.
(7) Thaller, Faillites en droit comparé, cité par J. Percerou et M. Dessertaux, préc., p. 390, note 1.
(8) Concernant entre 5 % et 10 % des ouvertures au début du XXème siècle, J. Percerou et M. Dessertaux, préc. n° 318.
(9) Cons. const., décision n° 2012-286 QPC, 7 décembre 2012, (N° Lexbase : A4918IYS), D., 2012, Actu. 2886, obs. A. Lienhard ; D., 2013, 338, note J.-L. Vallens ; Gaz. Pal., 18 janvier 2013, n° 18, p. 25, note N. Fricéro ; RTDCiv., 2013, 889, note Ph. Théry ; Act. proc. coll., 2013/1, comm. 1, note N. Fricéro ; JCP éd. E, 2013, 1048, note N. Fricéro ; BJE, janvier 2013, comm. 5, note Th. Favario ; Gaz. Pal., 23 décembre 2012, p. 14, note Robert ; Rev. sociétés, 2013, 177, note L.-C Henry ; Dr. sociétés, 2013, comm. 35, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., janvier 2013, Etudes 2, note B. Saintourens ; Gaz. Pal., 8 mars 2013, n° 67, p. 29, note J. Théron ; LPA, 15 avril 2013, n° 75, p. 5, note Ph. Roussel Galle ; LPA, 7 mai 2013, n° 91, p. 11, note C. Tabourot-Hyest ; JCP éd. E 2013, chron. 1216, n° 1, obs. Ph. Pétel ; Dr. et patr., septembre 2013, p. 50, note M.-H. Monsèrié-Bon ; P.-M. Le Corre La non-constitutionnalité de la saisine d'office, Lexbase Hebdo n° 321 du 20 décembre 2012 - édition affaires (N° Lexbase : N5001BTE).V. également : F.-X. Lucas, Retour sur la navrante condamnation de la saisine d'office, BJE, 2013, éditorial 17 ; nos obs., 3 questions ouverture d'un redressement judiciaire : saisine d'office contraire à la Constitution, JCP éd. E, 2013, Echos de la pratique 48 ; B. Rolland, L'inconstitutionnalité de la saisine d'office, Procédures, 2013, Etude 3.
(10) Cass. QPC, 16 octobre 2012, n° 12-40.061, FS-D (N° Lexbase : A7201IUA), D., 2012, Actu. 2446, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2012, comm. 266, note N. Fricéro
(11) Cons. const., décision n° 2013-368 QPC, 7 mars 2014 (N° Lexbase : A3292MGZ), P.-M. Le Corre in Chronique de droit des entreprises en difficulté Lexbase Hebdo n° 566 du 10 avril 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N1709BUT) ; D., 2014, Actu. 604, obs. A. Lienhard ; Gaz. Pal., 11 avril 2014, n° 101, p. 11, note B. Fallon.
(12) Cons. const., décision n° 2014-399 QPC, du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0199MQG), Jour. sociétés novembre 2014, p. 50, obs. A Cerati-Gauthier, Rev. sociétés, 2014, p. 527, note L.-C. Henry ; D., 2014, p. 1271, obs. A. Lienhard.
(13) Nos obs., Amélioration de l'impartialité des tribunaux et de l'indépendance des mandataires de justice et le renforcement de la sécurité juridique par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, Lexbase Hebdo n° 393 du 11 septembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N3591BUK).
(14) P.-M. Le Corre, Les retouches de la réforme du droit des entreprises en difficulté, in Chronique de droit des entreprises en difficulté - octobre 2014, Lexbase Hebdo n° 398 du 16 octobre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N4180BUD).
(15) Cass. com., 10 mai 2005, n° 00-21.543, F-D (N° Lexbase : A2200DIC), Gaz. pal. 4 novembre 2005, p. 11, nos obs. ; Cass. com., 11 décembre 2007, n° 06-16.611, F-D (N° Lexbase : A0744D3X), Gaz. pal., 27 avril 2008, p. 16, nos obs ; Cass. com., 18 décembre 2007, n° 06-16.350, FS-P+B (N° Lexbase : A1191D3I), Rev. proc. coll., 2008, obs. B. Saintourens ; Cass. com., 28 avril 2009, n° 08-13.210, F-D (N° Lexbase : A6512EGB), Gaz. pal 26 juillet 2009, p. 16, nos obs. ; Cass. com., 7 février 2012, n° 11-11.347, JCP éd. E, 2012, 1414, nos obs., D. Gibirila, Détermination de l'actif disponible et caractérisation de la cessation des paiements lors de la fixation de sa date, Lexbase Hebdo n° 290 du 29 mars 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N0992BTW)
(16) Nos obs., Etre ou ne pas être en cessation des paiements, Gaz. pal. numéro spéc. proc. coll., 7 et 8 septembre 2005, p. 14.
(17) S. Zinty, Notion d'actif disponible, Rev. proc. coll., 2012, Etude 27.
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Réf. : CA Rennes, 6ème ch., sect. A, 25 novembre 2014, n° 14/04384 (N° Lexbase : A1469M48)
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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux
Le 20 Décembre 2014
Le problème réside dans le fait que, pendant le temps écoulé depuis la naissance, la procédure administrative relative à l'adoption de l'enfant a été mise en oeuvre par le conseil général qui ignorait que l'enfant avait été reconnu par son père ; cette ignorance officielle n'était toutefois pas totale puisqu'il avait été en réalité destinataire, le 12 juillet, d'une lettre du père indiquant le lieu et la date de naissance de l'enfant dans le cadre d'un accouchement secret et qu'il est peu probable que plusieurs enfants correspondent à cette situation. Dès sa naissance, l'enfant a été admis en qualité de pupille de l'Etat à titre provisoire, cette admission devenant définitive le 30 juin. Le 12 juillet, alors même que le délai de recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat n'était pas expiré, l'enfant a fait l'objet d'un placement en vue de son adoption conformément à une décision du Conseil de famille des pupilles de l'Etat du 3 juillet. Le 13 janvier 2014, le tuteur, après accord du Conseil de famille des pupilles de l'Etat du même jour, a consenti à l'adoption plénière de l'enfant. Une requête en adoption plénière a été déposée devant le tribunal de grande instance de Nantes qui est, à ce jour, en suspens en attendant la décision relative au recours du père. Il faut préciser qu'en matière d'adoption, le pourvoi en cassation est suspensif selon l'article 1178-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1866H4U).
Le père de l'enfant demandait à la cour d'appel de confirmer la décision de première instance qui annulait l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat et de lui restituer celui-ci. C'est donc logiquement sur le recours contre l'arrêté d'admission que le juge d'appel a concentré son raisonnement (I) sans s'interroger sur l'effet de la reconnaissance sur le processus d'adoption qui pourrait être, en vertu de la jurisprudence antérieure, le point sur lequel statuera la Cour de cassation (II).
I - Le rejet du recours contre l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat
Recevabilité du recours. Dans le cadre de l'action du père en contestation de l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat, la première question qui se posait était celle de la recevabilité du recours compte tenu de l'application à l'espèce du droit antérieur à la loi n° 2013-673 du 26 juillet 2013 (N° Lexbase : L9337IX4) réformant celui-ci (2). Selon le texte applicable aux faits, le délai de recours était de trente jours à compter de la date de l'arrêté. La cour d'appel précise, à juste titre, qu'il s'agit de la date à laquelle l'arrêté est devenu définitif, le 30 juin 2013, soit deux mois après la naissance de l'enfant dans le cadre d'un accouchement secret et son admission en qualité de pupille de l'Etat à titre provisoire. En principe, donc, le recours devait être engagé avant le 30 juillet, alors qu'il ne l'a été que le 13 janvier 2014. Toutefois, cette procédure avait essuyé les critiques du Conseil constitutionnel (3) et de la Cour de cassation (4), saisis par des grands-parents biologiques dont la fille avait accouché sous X et qui souhaitaient prendre en charge l'enfant de celle-ci. Le Conseil constitutionnel, comme la Cour de cassation, ont considéré que le délai du recours contre l'admission en qualité de pupille de l'Etat ne pouvait être opposé à une personne, liée à l'enfant, à qui l'arrêté n'aurait pas été notifié. Or, si la décision du Conseil constitutionnel ne s'appliquait, selon ses propres termes, qu'aux arrêtés rendus après le 1er janvier 2014, il n'en allait pas de même de la jurisprudence de la Cour de cassation, fondée sur l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR), qui s'appliquait à toutes les personnes placées dans les conditions qu'elle dénonçait. Or, c'était précisément le cas du père de l'enfant qui ne s'était évidemment pas vu notifier l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat. Même si la reconnaissance paternelle n'était pas inscrite sur l'acte de naissance de l'enfant, le conseil général pouvait se douter depuis le 12 juillet, que l'enfant avait été reconnu par son père ; il aurait été plus prudent de sa part de lui notifier l'arrêté. En l'absence de notification, la cour d'appel conclut logiquement que le délai de 30 jours pour intenter un recours contre l'arrêté n'était pas opposable au père et que son action en contestation de celui-ci était recevable.
Bien-fondé du recours. Dans le cadre du recours en annulation de l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat, le tribunal de grande instance doit apprécier souverainement l'intérêt de l'enfant d'être admis ou non en qualité de pupille de l'Etat en vertu de l'article L. 224-8 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L2375IYM). Le fait de placer le débat sur le terrain de la validité de l'arrêté d'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat permet au juge de mener un raisonnement fondé sur l'appréciation de l'intérêt concret de l'enfant, ce qu'un raisonnement sur l'influence de la reconnaissance sur la validité du processus d'adoption (cf. supra) n'aurait pas permis.
Finalement le juge répond à la question de savoir si l'intérêt de l'enfant est de rester dans la famille auprès de laquelle il vit depuis qu'il a deux mois et demie -la cour statue alors que l'enfant, qui vit toujours dans ce contexte, est âgé de 19 mois...- ou d'aller vivre avec son père qui sort de prison et "ne justifie d'aucun projet particulier décrivant l'accueil qui lui serait réservé"... La cour d'appel a beau jeu de mentionner le fait que le petit C. commence à nommer les candidats à l'adoption "papa et maman" et de citer plusieurs éminents spécialistes qui considèrent qu'une nouvelle séparation (après celle d'avec sa mère de naissance et d'avec sa famille d'accueil à quelques mois) n'est pas opportune ! La conclusion selon laquelle "il n'est pas dans l'intérêt de C. d'être confié à la garde de son père" suit logiquement une démonstration qui ne peut être que faussée par les circonstances ; comment le père qui arrive très tardivement dans la vie de l'enfant peut-il lutter contre un couple choisi avec soin parmi les candidats agréés pour l'adoption et qui a pris en charge l'enfant depuis plus d'un an. L'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat n'est donc pas annulé, et la décision de la cour d'appel pourrait permettre la poursuite du processus de l'adoption si elle n'avait pas été frappée d'un pourvoi en cassation.
Droit de visite du père. Conformément à ce que prévoit l'article L. 224-8 du CASF, la cour d'appel statue sur le droit de visite du père, lequel doit être évidemment fixé en fonction de l'intérêt de l'enfant. Or, alors que les experts pédopsychiatres insistent tous sur la nécessité de maintenir le lien de l'enfant avec sa famille d'origine, et plus précisément prônent pour certains l'instauration de relations personnelles entre l'enfant et son père biologique, la cour d'appel refuse d'accorder le moindre droit de visite au père au motif que celui-ci serait prématuré, alors que l'enfant est seulement âgé de 19 mois. Certes le Professeur Golse, cité par l'arrêt, avait précisé qu'il fallait entourer le droit de visite de précautions et réfléchir soigneusement à la question de l'âge auquel ce droit de visite pourra être exercé, mais le rejet total du juge breton paraît très excessif et semble répondre à une volonté d'écarter littéralement le père de la vie de son enfant. Cette volonté semble en réalité présente dès les premiers actes accomplis dans cette affaire, ce qui n'est pas sans susciter un certain malaise, d'autant qu'une analyse de l'effet de la reconnaissance sur l'ensemble du processus d'adoption conduit à douter du bien-fondé de la négation des droits du père.
II - Les conséquences de la reconnaissance paternelle sur le processus d'adoption
Similitudes avec l'affaire "Benjamin". Cett affaire n'est évidemment pas sans rappeler l'affaire "Benjamin" qui a donné lieu à un arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2006 (5). Les faits des deux affaires sont les mêmes, notamment dans leur chronologie ; dans les deux cas, le père demandait que l'enfant lui soit restitué, tandis que le couple à qui l'enfant avait été confié en vue de son adoption sollicitait le prononcé de l'adoption plénière de l'enfant. Alors que la cour d'appel de Rennes, en 2014, s'est focalisée sur la question de la validité de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat, la Cour de cassation dans l'arrêt de 2006 s'est centrée sur l'impact de la reconnaissance sur le processus d'adoption. Il paraît difficile, compte tenu de la similitude des espèces, de ne pas s'interroger sur l'application à l'affaire commentée du raisonnement tenu par la Cour de cassation dans l'affaire "Benjamin".
Absence d'effet de la reconnaissance. On trouve d'ailleurs dans l'arrêt de la cour d'appel de Rennes des éléments susceptibles de participer à un raisonnement relatif aux effets de la reconnaissance sur le processus de l'adoption mais ils sont, malheureusement, cantonnés au stade de l'allusion. Il est ainsi fait mention du fait que "le Procureur général soutient que le 30 juin 2013, la filiation de l'enfant avait été établie antérieurement par le père le 2 mai 2013, date de la reconnaissance et que le 12 juillet 2013, date de son placement pour l'adoption, l'adoption ne pouvait être considérée comme valablement et définitivement consentie". A cet argument, la cour d'appel se contente de répondre que, si les effets de la reconnaissance de l'enfant remontent au jour de sa naissance, et que le consentement à l'adoption est donné par le parent à l'égard duquel la filiation est établie, en l'espèce l'identification de l'enfant est intervenue le 12 juillet 2013, soit postérieurement "à la date à laquelle le Conseil de famille des pupilles de l'Etat, qui n'était pas informé de la reconnaissance, a donné son consentement à l'adoption". Or cette affirmation est fausse car, à la date du 3 juillet, le Conseil de famille, comme la cour d'appel le relève elle-même plus haut, donne son consentement au placement de l'enfant en vue de son adoption et non pas à l'adoption elle-même, ce qui est tout à fait différent, surtout si on précise que ledit placement a eu lieu avant l'expiration du délai de recours contre l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat. Après avoir ainsi refusé de faire produire effet à la reconnaissance, la cour d'appel centre son raisonnement sur la validité de l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat (cf. supra).
Jurisprudence "Benjamin". Il semble pourtant qu'est applicable à l'espèce, l'affirmation de la Cour de cassation dans l'affaire "Benjamin" selon laquelle, lorsque l'enfant est identifié à une date antérieure au consentement à l'adoption, le Conseil de famille, informé de cette reconnaissance, ne peut plus consentir valablement à l'adoption de l'enfant, ce qui relève du seul pouvoir du père. Cette affirmation fondée sur le droit de l'enfant de connaître son père déclaré, consacré par l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL), "semble placer le point de bascule dans le consentement à l'adoption" (6). Cette solution consiste à combiner, autant que faire se peut, l'effet rétroactif de la filiation avec le maintien du statut de pupille de l'Etat qui ne saurait disparaître du fait de la reconnaissance et de l'identification de l'enfant. Dans l'affaire "Benjamin" comme dans l'affaire sous examen les enfants relevaient bien au départ de la catégorie des pupilles de l'Etat dont la filiation n'est pas établie ou inconnue (CASF, art. L. 224-4, 1° N° Lexbase : L5359DKP), toutefois, leur filiation a été établie et révélée après leur admission en cette qualité et leur placement en vue de l'adoption, mais avant le consentement à l'adoption proprement dit. Certes le placement fait, selon l'article 352 du Code civil (N° Lexbase : L2868ABT), obstacle à toute reconnaissance postérieure, mais dans les deux hypothèses, la reconnaissance était antérieure au placement en vue de l'adoption. On peut considérer avec Pierre Murat (7), que la solution posée par la Cour de cassation en 2006 signifie que le processus d'adoption est remis en cause si deux conditions cumulatives sont réunies : d'une part l'existence d'une reconnaissance valable antérieure au placement, et, d'autre part, l'identification de l'enfant antérieure au consentement à l'adoption.
Application à l'espèce. La réunion de ces deux conditions dans l'affaire "Benjamin" a entraîné la remise en cause de la procédure d'adoption et il semble bien que la même solution doit être appliquée dans l'affaire sous examen. En effet, d'une part, la reconnaissance est intervenue le 2 mai 2013 alors que le placement en vue de l'adoption a eu lieu le 12 juillet 2013 ; d'autre part, l'identification de l'enfant a eu lieu en octobre 2013 alors que le Conseil de famille des pupilles de l'Etat et le tuteur ont donné leur consentement à l'adoption le 13 janvier 2014. La reconnaissance paternelle rend donc impossible l'adoption de l'enfant sans le consentement de son père.
Conclusion. Le cas échéant, on ne pourra, évidemment, que regretter les conséquences pour l'enfant de cette remise en cause du processus d'adoption plus d'un an -voire deux ou trois si on attend la décision de la cour d'appel de renvoi- après son placement chez les candidats à l'adoption. Mais c'est bien le Conseil général qui est à l'origine de cette situation, en ayant organisé ce placement alors même qu'il savait que planait un doute sur l'absence de filiation de l'enfant. C'est encore le Conseil général qui a ensuite initié la poursuite du processus alors que l'enfant avait été identifié. Sans doute faut-il s'interroger sur ces pratiques des services sociaux, présentes dans plusieurs affaires de ce type, consistant à forcer le processus de l'adoption alors même que les circonstances auraient exigé de le ralentir, voire de le stopper.
Dans l'hypothèse où la Cour de cassation accueillerait le pourvoi du père contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, il faut peut-être espérer qu'une solution similaire à celle qui a été trouvée dans l'affaire "Benjamin" pourra être mise en oeuvre. Benjamin a en effet fait l'objet d'une adoption simple par les personnes à qui il avait été confié, avec le consentement de son père, qui s'est vu reconnaître un droit de visite (8).
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 26 septembre 2014, n° 365573, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2956MXR)
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par Guillaume Massé, Avocat à la Cour, Marvell
Le 20 Décembre 2014
Les faits de la cause étaient les suivants.
Dans le cadre de l'acquisition d'un groupe spécialisé dans la distribution de produits frais et surgelés pour les professionnels de la boulangerie, un contribuable (demandeur en l'espèce) s'était associé, en 1999, pour constituer une holding de reprise qui avait pour but d'acheter les deux sociétés cibles de l'opération.
Dans le pacte d'actionnaires, les parties l'ont désigné comme président du conseil d'administration de la holding de reprise.
Parallèlement, le requérant s'est vu accorder deux promesses de vente d'actions par les actionnaires principaux de cette holding.
Juridiquement, lui était donc octroyées des options d'achat d'actions, pour une valeur unitaire de 7 622 euros (en dehors du cadre légal des stock-options régi par les articles L. 225-177 N° Lexbase : L2678HW4 et suivants du Code de commerce), dans la logique de l'opération de LBO, et conditionnées par le paiement préalable d'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 13 613 euros.
La levée des options d'achat d'actions et la cession des actions ainsi acquises ont été réalisées de manière quasi concomitantes, puisqu'ayant levé l'option le 9 décembre 2004, le requérant a cédé l'intégralité des options reçues pour un prix unitaire de 65 778 euros le 10 décembre 2004, en réalisant ainsi un gain d'environ trois millions d'euros.
Ce gain a ensuite été déclaré comme une plus-value imposée au taux fixe de 16 %.
L'administration fiscale a rejeté cette qualification et a considéré qu'un tel gain devait être (re)qualifié comme du salaire, et donc imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Cette requalification devait entrainer le paiement des prélèvements sociaux, des charges sociales, et la soumission aux taxes sur les salaires.
En première instance, en 2011, le tribunal administratif de Paris (2) a donné gain de cause au contribuable au motif qu'il avait pris "un risque réel" compte tenu, d'une part, du fait que l'octroi des options était subordonné à une indemnité d'immobilisation et, d'autre part, du fait que le droit de lever l'option était subordonnée à la réalisation d'un TRI (taux de rentabilité interne) minimum de 25 %. Ces deux conditions, c'est-à-dire des évènements futurs mais incertains, respectant, selon le juge, un prix de marché.
Ce jugement a été infirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris de novembre 2012 (3), qui a considéré :
- que la promesse n'avait été accordée au contribuable "qu'en raison de sa prise de fonction de président de la société holding et de directeur salarié d'une filiale du groupe" ;
- que la levée de l'option était subordonnée à l'exercice des fonctions de directeur au sein du groupe pendant 5 ans ;
- qu'il n'y a avait pas de prise de risque du contribuable au motif que l'indemnité versée était "modique".
Par suite, la cour a requalifié cette plus-value en salaire.
L'arrêt du Conseil d'Etat du 26 septembre 2014 confirme la décision de la cour administrative d'appel aux visas des articles 79 (N° Lexbase : L1669IPI) et 82 (N° Lexbase : L1172ITL) du CGI, au vu des circonstances suivantes :
- l'option d'achat des actions sous forme de BSA avait été consentie au bénéficiaire en sa qualité de dirigeant du groupe objet de l'opération de LBO ;
- la levée de l'option par le bénéficiaire était subordonnée à l'exercice de fonctions de direction au sein du groupe pendant au moins 5 ans ;
- la quasi concomitance entre la levée de l'option et la vente des titres ;
- le nombre d'actions pouvant être achetées par le bénéficiaire était directement corrélé au TRI de l'investissement réalisé par le fonds d'investissement (actionnaire majoritaire) ;
- le caractère "modique" du prix du BSA payé qui était inférieur à 1 % du gain retiré par le bénéficiaire.
Le Conseil d'Etat en déduit que la source du gain réalisé se trouvait nécessairement dans les conditions dans lesquelles les options avaient été octroyées, c'est-à-dire à raison de l'exercice des fonctions de dirigeant.
En conséquence, il décide que le gain n'a pas la nature d'un gain en capital, mais d'un avantage en argent, qui devait donc être imposé dans la catégorie des traitements et salaires.
II - Analyse critique de l'arrêt
Cette décision est critiquable en ce qu'elle ignore le risque financier pris par les managers, pour ne retenir que le ratio existant entre l'investissement initial et le gain réalisé lors de la cession des titres. En raisonnant de la sorte, le Conseil d'Etat, tout comme l'avait fait la cour administrative d'appel, ne prend pas en compte le risque réel d'actionnaire lié à l'incertitude de l'atteinte du TRI, matérialisée par l'engagement de l'actionnaire avec l'indemnité versée initialement.
Comparativement à un arrêt rendu le 7 novembre 2008 (4), la présente décision pourrait être considérée comme un revirement de jurisprudence dès lors que, dans l'arrêt de 2008 (où le conditionnement de la plus-value était similaire au cas d'espèce), la qualification de plus-value avait été accordée pour un complément de prix.
Le grief relatif au fait que l'option ait été consentie à un bénéficiaire en sa qualité de dirigeant revient finalement à empêcher l'actionnaire financier (typiquement un fond d'investissement majoritaire) de rétrocéder une partie de la plus-value aux actionnaires opérationnels que sont les dirigeants et/ou les managers (préalablement souvent déjà associés), au motif qu'ils sont, par ailleurs, membres du personnel de la société.
Or, ceux-ci apparaissent pourtant comme les plus légitimes à bénéficier de la "rétrocession" par l'actionnaire majoritaire d'une quote-part de plus-value car c'est bien leur industrie qui, notamment, contribue au succès de la société. Refuser de reconnaître une qualification de plus-value à ce qui est, "techniquement", un gain d'actionnaire aboutit finalement à dénier à des dirigeants et/ou managers une différenciation entre leur qualité d'employé et leur qualité d'actionnaire.
Sauf à appliquer la théorie de la simulation dans le cadre du pouvoir donné au juge de restituer à des sommes leur véritable qualification fiscale, cela revient finalement à appliquer le régime des salaires à des revenus qui sont objectivement des plus-values, et ce, alors même que l'on remplit toutes les conditions du régime des plus-values.
A tout le moins, ce type de requalification doit, pour des raisons de sécurité juridique, rester exceptionnel comme l'avait d'ailleurs rappelé un arrêt rendu le 18 janvier 2006 (5). Cet arrêt indiquait que la seule constatation par le juge des démarches et diligences, réalisées par le directeur général salarié, et ayant entraîné le développement de l'activité de la société, est insuffisante pour requalifier sa plus-value en BNC. Le Commissaire du Gouvernement indiquait déjà, sous cet arrêt, que l'élément clef pour distinguer entre plus-value imposable au taux fixe et revenu imposable au barème, était la prise de risque financier.
Cette exigence de sécurité juridique, pour les investisseurs au capital d'une société, est d'autant plus cruciale que la référence au caractère "modique" des sommes investies au départ, proposé comme critère de requalification par le présent arrêt, est éminemment subjectif. Ce concept mou de "modicité" est un facteur d'incertitude fiscale, et risque de conduire les services vérificateurs à s'immiscer dans la gestion des contribuables.
Un second grief est celui du lien de dépendance ou de subordination qui est (parfois) exigé entre le bénéficiaire de l'incentive et l'entité qui la verse. Ainsi, le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt de 1997 (6), et récemment dans un arrêt de 2013 (7), que la rémunération versée respectivement à un médecin, ou à un avocat, ne pouvait pas être requalifiée en salaire compte tenu de l'autonomie dont disposaient ces contribuables pour exercer leur activité professionnelle.
Toutefois, à l'inverse, dans un arrêt du 23 juillet 2010 (8) le fait qu'il y ait eu substitution entre l'employeur et le nouvel actionnaire, n'avait pas fait obstacle à une requalification en salaires. On notera, toutefois, qu'il s'agissait, en l'espèce, d'une indemnité versée à un bénéficiaire de stock-options privé compensant leur non exercice. Or, on sait que ce type d'indemnité est régulièrement requalifié en salaire, la loi ayant prévu que les plus-values d'acquisition de stock-options sont imposées dans la catégorie des salaires. Au cas présent, il s'agissait d'options requalifiées en salaires, au seul motif qu'elles ont été attribuées dans des conditions ne respectant pas le régime légal. Pourtant, il y a eu prise de risque financier, et en théorie au moins le porteur d'option doit financer le coût de levée des options, le cas échéant en payant immédiatement l'impôt sur la plus-value d'acquisition, alors qu'il n'a pas encore encaissé le prix de vente en cas de conservation des actions ainsi acquises. Cette requalification systématique en salaire est, pour ces raisons, critiquable.
En conclusion, au vu de la présente décision, et nonobstant ces critiques, il faudra veiller, lors de la mise en place d'un management package, à une réelle prise de risque, inhérente à la qualité d'actionnaire, impliquant que le montant de l'investissement ne puisse pas être qualifié de "modique". Une indemnité comprise entre 10 % et 20 % de la valeur du titre au moment de l'octroi semble être la pratique.
(1) CE 3° et 8° s-s-r., 26 septembre 2014, n° 365573, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2956MXR).
(2) TA Paris, 25 mai 2011, n° 0911260.
(3) CAA Paris, 28 novembre 2012, n° 11PA04246, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0982I8U).
(4) CE 3° et 8° s-s-r., 7 novembre 2008, n° 301642, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1739EBZ).
(5) CE 9° et 10° s-s-r., 18 janvier 2006, n° 265790, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4191DM8).
(6) CE 8° et 9° s-s-r., 5 mars 1997, n° 129343, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8757ADP).
(7) CE 9° et 10° s-s-r., 16 octobre 2013, n° 339822, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1088KNM).
(8) CE 9° et 10° s-s-r., 23 juillet 2010, n° 313445, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9878E4M).
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Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2014, n° 13-28.505, FS-P+B (N° Lexbase : A0689M7N)
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N5014BUA
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 3 décembre 2014, n° 363846, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9046M4S)
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N5040BU9
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : Ass. Plén., 5 décembre 2014, deux arrêts, n° 13-27.501 (N° Lexbase : A8235M4R) et n° 13-19.674, P+B+R+I (N° Lexbase : A8234M4Q)
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N4972BUP
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : Cass. crim., 3 décembre 2014, n° 13-87.224, FS-P+B (N° Lexbase : A0572M7C)
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N5020BUH
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Réf. : CE 10° s-s., 5 décembre 2014, n° 340943, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9030M49)
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N4989BUC
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 3 décembre 2014, n° 363628, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9044M4Q)
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N4994BUI
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Le 20 Décembre 2014
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Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 22 octobre 2014, n° 361464, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0627MZA)
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N4976BUT
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par Pierre Bourdon, Maître de conférences, Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le 20 Décembre 2014
Le litige qui a conduit à la décision rendue par le Conseil d'Etat le 22 octobre 2014 concernait, lui aussi, l'évolution des techniques de diffusion des services de télévision.
L'article 6 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (N° Lexbase : L6047HUI), a prévu de mettre fin avant le 30 novembre 2011 à la diffusion des services nationaux de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique (2). La télédiffusion s'effectue désormais, non plus en mode analogique, mais en mode numérique. La nouvelle norme technique a, d'ores et déjà, permis d'obtenir une meilleure qualité d'image. A plus long terme, elle doit permettre de réduire les coûts d'exploitation de la diffusion des services de télévision.
Avant le vote de la loi du 5 mars 2007, il était envisagé que l'autorisation de diffusion en mode analogique prenne fin avant 2012. La loi a donc accéléré le passage de l'analogique au numérique. En contrepartie, le législateur avait prévu une compensation au profit des diffuseurs nationaux concernés. La loi du 5 mars 2007 leur permettait d'obtenir auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) une autorisation de diffuser "un autre service de télévision à vocation nationale" à compter du 30 novembre 2011. Les diffuseurs nationaux des six premières chaînes allaient pouvoir émettre des services, non plus sur un seul et unique canal, mais sur deux canaux distincts : leur "canal historique" et le nouveau "canal compensatoire" (également appelé "canal bonus").
L'obtention de l'autorisation de diffusion sur le canal compensatoire était soumise à certaines conditions, parmi lesquelles figuraient "des obligations renforcées de soutien à la création en matière de diffusion et de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française fixées par décret en Conseil d'Etat". Toutefois, le Gouvernement n'a jamais pris le décret.
Pourtant, dans sa décision du 27 février 2007, le Conseil constitutionnel a jugé le dispositif du canal compensatoire conforme à la Constitution. Il a relevé qu'en abrogeant avant leur terme les autorisations de diffusion en mode analogique, la loi portait atteinte à des situations légalement acquises. Le Conseil a estimé que l'attribution d'une chaîne bonus aux diffuseurs nationaux concernés n'était pas une compensation manifestement disproportionnée (3).
Néanmoins, le 10 avril 2008, le dispositif du canal compensatoire a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission européenne. Certains diffuseurs de services de télévision, non concernés par le dispositif, ont estimé que le législateur les avait lésés en prévoyant d'accorder un privilège à leurs concurrents.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est volontairement abstenu de prendre le décret d'application de la loi du 5 mars 2007. Les dispositions législatives sur le canal compensatoire ne sont donc jamais entrées en vigueur. Suivant une proposition du Président du CSA, qui était alors Michel Boyon, le Gouvernement a même lancé au Parlement une procédure d'abrogation des dispositions de la loi contraires au droit de l'Union européenne.
Cependant, les trois opérateurs privés nationaux, TF1, Canal+ et M6, qui exploitent chacun une des six premières chaînes de la télévision, ont réfléchi à des projets en vue de diffuser leurs services sur un canal compensatoire.
Le 23 avril 2012, la société Métropole Télévision (M6) a demandé au CSA l'attribution d'une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire. Le CSA n'ayant pas répondu à cette demande, une décision implicite de rejet est née.
Par une requête du 30 juillet 2012, la société M6 a demandé au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort (4), l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du CSA concernant sa demande d'autorisation.
Par une seconde requête en date du 19 février 2013, M6 a également demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 98,77 millions d'euros en réparation des préjudices résultant de la décision implicite de rejet du CSA. L'un des six fondements de la demande indemnitaire présentée par la société requérante reposait sur la responsabilité de l'Etat au titre de la faute commise par le Gouvernement qui n'avait pas pris le décret d'application de la loi du 5 mars 2007 et, ce faisant, avait empêché le CSA de lui octroyer une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire.
Dans la présente affaire, une importante question de droit devait donc être résolue par le juge administratif : l'abstention de prendre un décret d'application d'une loi engage-t-elle la responsabilité de l'Etat, alors que ladite loi est contraire au droit de l'Union européenne ? Les cinquième et quatrième sous-sections réunies du Conseil d'Etat ont répondu négativement à cette question.
En l'espèce, le Conseil d'Etat a estimé que le Gouvernement n'avait commis aucune faute en ne prenant pas le décret d'application de la loi du 5 mars 2007, puisque ladite loi était suspectée d'être contraire au droit de l'Union européenne par la Commission européenne.
En amont de sa décision, le juge administratif a rejeté la demande d'annulation de la décision de rejet du CSA en estimant qu'en l'absence de décret permettant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 5 mars 2007, le CSA était tenu de rejeter la demande. Cette décision de rejet étant parfaitement légale, le juge en a déduit qu'aucune faute n'avait été commise par le CSA.
Le juge a également rejeté les autres motifs de la demande indemnitaire présentée par la société M6.
En premier lieu, le Conseil d'Etat a estimé que la méconnaissance du droit de l'Union européenne par la loi du 5 mars 2007 n'avait pas porté préjudice à la société M6 qui ne pouvait ignorer cette méconnaissance au moment où elle a présenté sa demande de canal compensatoire.
En deuxième lieu, le Conseil d'Etat a considéré que l'extinction anticipée de la diffusion analogique prévue par la loi de 2007 n'avait pas non plus porté préjudice à la société M6 puisque, non seulement l'anticipation n'a été que de trois mois en ce qui la concerne, mais qu'en plus, l'autorisation d'émettre en mode analogique a été aussitôt remplacée par une autorisation d'émettre en mode numérique.
Enfin, le Conseil d'Etat a écarté la demande indemnitaire fondée sur les principes de confiance légitime et de sécurité juridique, dont on sait qu'ils peuvent être invoqués pour apprécier la légalité de certains actes administratifs (5), mais que leur méconnaissance ne saurait, par elle-même, entraîner la responsabilité de l'Etat.
L'intérêt essentiel de la décision rapportée concerne le régime de la responsabilité de l'Etat en cas de méconnaissance par le Gouvernement de son obligation de prendre un décret d'application d'une loi. La décision du 22 octobre 2014, qui sera publiée et fichée sur ce point au recueil Lebon, rappelle le principe de la responsabilité de l'Etat en cas de méconnaissance de l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi (I), mais tempère cette responsabilité au cas où la loi concernée est contraire au droit de l'Union européenne (II).
I - La responsabilité de l'Etat du fait de l'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a rappelé que l'Etat est responsable en cas d'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi (A). Les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat du fait de cette abstention ont également été précisées (B).
A - Le principe du droit à réparation en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi
Depuis l'ordonnance du 20 février 2004, l'article 1er du Code civil (N° Lexbase : L3088DYZ) dispose que "l'entrée en vigueur [des dispositions d'une loi] dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures" (6). Ainsi, lorsque des dispositions législatives effectuent un renvoi à un décret, ces dispositions n'entrent en vigueur qu'à la date d'entrée en vigueur du décret.
La jurisprudence n'a pas attendu l'ordonnance de 2004 pour considérer que des dispositions législatives ne peuvent pas recevoir application lorsqu'un décret d'application est nécessaire (7). Et le juge n'a pas modifié sa jurisprudence à la suite de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2004 (8). Toutefois, la jurisprudence ne manque pas de souplesse. Les mesures d'application peuvent ne pas résulter d'un seul et unique décret, mais être prescrites par plusieurs textes successifs (9). La jurisprudence admet aussi que des précisions figurant dans la loi (voire, on peut le penser, dans tout autre texte législatif) peuvent pallier l'absence de décret d'application (10).
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a fait application de cette jurisprudence. D'une part, il a estimé que l'article 6 de la loi du 5 mars 2007 n'était pas entré en vigueur en tant qu'il prévoit le droit au canal compensatoire, faute pour le Gouvernement d'avoir pris le décret d'application prévu par les dispositions législatives. D'autre part, le Conseil a jugé que la loi ne contenait aucune "précision" de nature à permettre d'appliquer le mécanisme du canal compensatoire. En conséquence, le CSA a pu, sans commettre aucune faute, rejeter la demande de la société M6 tendant à obtenir un canal compensatoire.
Cependant, la jurisprudence administrative va plus loin que la lettre de l'article 1er du Code civil. Le Conseil d'Etat considère "que l'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi" (11). L'obligation est fondée sur l'article 21 de la Constitution (N° Lexbase : L0847AHT), d'après lequel le Premier ministre "assure l'exécution des lois" (12). Cette jurisprudence, qui vaut également pour les ordonnances (13), est absolument constante (14). Quoique, depuis 2005, l'intervention du décret d'application en cours d'instance prive d'objet la requête présentée au juge administratif (15). Il faut signaler, par ailleurs, que l'administration est tenue par une obligation similaire en ce qui concerne l'édiction des mesures qu'implique nécessairement l'application d'un décret (16).
La méconnaissance de l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi peut avoir des conséquences sous l'angle de la légalité et sous celui de la responsabilité (17).
Du point de vue de la légalité, une décision de refus de prendre un décret d'application d'une loi est illégale. Le juge administratif peut enjoindre au Gouvernement de prendre un tel décret (18). L'injonction n'est pas rare. En témoigne la récente décision par laquelle le Conseil d'Etat a enjoint au Gouvernement de prendre un décret d'application de la loi du 31 mars 2006 à propos du "CV anonyme" (19).
Du point de vue de la responsabilité, l'Etat est responsable des dommages imputables à la faute commise par le Gouvernement en omettant de prendre un décret d'application d'une loi (20).
Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat a rappelé "que les préjudices qui résultent du retard mis à prendre, au-delà d'un délai raisonnable, un décret nécessaire à l'application d'une loi sont, en principe, de nature à ouvrir droit à réparation".
Le Conseil a également précisé les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi.
B - Les modalités d'appréciation du droit à réparation en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat a précisé les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi.
Ces précisions sur les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat sont les bienvenues. Toutefois, ces modalités n'ont pas été énoncées sous la forme d'un considérant de principe. En conséquence, elles ne semblent pas applicables de façon générale, mais seulement à l'espèce qui a donné lieu à la décision commentée. On peut néanmoins tenter de les systématiser. Pour cela, il faut tenir compte d'une autre décision rendue par le Conseil d'Etat à ce sujet.
Dans une décision "Association Bretagne Ateliers" rendue en 2005, le Conseil d'Etat, par la voix de ses première et sixième sous-sections réunies, a estimé que le point de départ de la responsabilité est la date à laquelle a été dépassé le délai raisonnable laissé au Gouvernement pour prendre le décret d'application d'une loi. En l'espèce, le délai était d'environ une année suivant la date de publication de la loi (21).
Dans la décision commentée rendue par les cinquième et quatrième sous-sections réunies, le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte du critère du dépassement du délai raisonnable. Un autre critère a été mis en oeuvre pour apprécier la responsabilité. Le Conseil a retenu comme "date du fait générateur du dommage" (cf. point n° 10 de la décision), c'est-à-dire "celle de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le CSA sur sa demande présentée le 23 avril 2012 en vue d'obtenir le bénéfice [de la loi]" (cf. point n° 7).
La jurisprudence ne semble donc pas, a priori, cohérente en ce qui concerne les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi.
Toutefois, il faut remarquer que les circonstances de l'affaire de 2005 et celle de l'affaire commentée n'étaient pas du tout les mêmes. En 2005, le litige indemnitaire portait directement et exclusivement sur le refus de prendre un décret d'application d'une loi. En 2014, le litige indemnitaire ne portait pas directement et exclusivement sur le refus de prendre un décret d'application d'une loi.
En effet, dans l'affaire commentée, le CSA avait refusé à la société M6 une autorisation de diffusion sur un canal compensatoire. Au contentieux, M6 a critiqué l'absence de décret d'application de façon indirecte : la décision de refus d'autorisation du CSA était critiquée à titre principal. Et le motif de ce refus n'était pas exclusivement l'absence de décret d'application de la loi du 5 mars 2007 : la méconnaissance du droit de l'Union européenne par la loi était également en jeu. La société requérante l'a également invoqué pour fonder sa demande indemnitaire.
En outre, comme l'indique la décision rapportée, il a été tenu compte de la circonstance que les dispositions de la loi "avaient vocation à s'appliquer effectivement" à compter d'une date précisée par la loi elle-même. L'autorisation de diffusion sur un canal compensatoire prévu par la loi du 5 mars 2007 devait être octroyée pour une mise en service à compter du 30 novembre 2011 (cf. point n° 7 de la décision). Retenir un délai d'environ un an à compter de la publication de la loi, comme dans la décision "Association Bretagne Ateliers" précitée, aurait été très strict puisque la loi avait vocation à ne s'appliquer effectivement qu'environ quatre ans et demi à compter de sa publication.
En même temps qu'il a rappelé le principe et les modalités d'appréciation de la responsabilité de l'Etat du fait de l'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi, le Conseil d'Etat lui a donné un tempérament au cas où la loi concernée méconnaît le droit de l'Union européenne.
II - L'exception au principe de responsabilité de l'Etat en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat paraît avoir posé une exception au principe de la responsabilité de l'Etat au cas où le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi. Lorsque la loi est contraire au droit de l'Union européenne, l'abstention du Gouvernement n'est pas fautive (A). Toutefois, la décision ne permet pas de dire nettement si cette exception est un principe ou si elle dépend des circonstances propres à chaque affaire (B).
A - L'absence de droit à réparation en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dès une décision "Association France nature environnement" rendue en 2000, le Conseil d'Etat a estimé que l'obligation de prendre un décret d'application d'une loi s'impose "hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle" (22). Cette jurisprudence est bien établie (23). Ainsi, sur le terrain de la légalité, le juge administratif considère qu'un décret d'application d'une loi est légal quand bien même il ne prévoit aucune mesure d'exécution pour les dispositions de cette loi contraire aux engagements internationaux de la France, qu'il s'agisse du droit de l'Union européenne (24), voire du droit de la Convention européenne des droits de l'Homme (25).
Dans sa décision du 22 octobre 2014, le Conseil d'Etat a estimé que l'Etat n'est pas responsable des dommages imputables à la faute commise par le Gouvernement en omettant de prendre un décret d'application d'une loi, lorsque cette loi est considérée comme contraire aux engagements internationaux de la France. En l'occurrence, le Conseil a constaté que le droit au canal compensatoire prévu par les dispositions de la loi du 5 mars 2007 était considéré comme contraire au droit de l'Union européenne par la Commission européenne.
Le Conseil a rappelé la procédure mise en oeuvre par la Commission et qui avait conduit cette dernière à considérer le droit au canal compensatoire comme contraire au droit de l'Union européenne. On peut rappeler ici cette procédure. Dès le 10 avril 2008, le dispositif du canal compensatoire a fait l'objet d'une plainte auprès de la Commission. Le 20 février 2009, la Commission a adressé au Gouvernement une demande de communication d'informations. A la suite de la communication d'informations du Gouvernement, la Commission a "formellement contesté" la compatibilité du mécanisme du canal compensatoire avec le droit de l'Union européenne, notamment du point de vue de la concurrence sur le marché des services de télévision. Le 24 novembre 2010, la Commission a adressé au Gouvernement une mise en demeure de corriger la législation. Le 24 février 2011, le Gouvernement a transmis des éléments nouveaux pour justifier le dispositif du canal compensatoire. Le 29 septembre 2011, la Commission a adressé un avis motivé au Gouvernement. Ce dernier disposait d'un délai de deux mois pour corriger la législation. A l'issue de ce délai, la Commission envisageait de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour faire constater la méconnaissance du droit de l'Union. Le 30 novembre 2011, le Gouvernement a déposé un projet de loi portant abrogation des canaux compensatoires. L'abrogation est finalement intervenue par le biais de l'article 30 de la loi du 15 novembre 2013, relative à l'indépendance de l'audiovisuel public (26) (cf. points n°s 8 à 10 de la décision).
En raison de la méconnaissance du droit de l'Union européenne suspectée par la Commission européenne, le juge administratif a estimé qu'en n'ayant pas pris un décret d'application de la loi du 5 mars 2007, le Gouvernement n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
S'il ne fait aucun doute que l'Etat n'est pas responsable en cas d'abstention de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne, il n'est pas évident que cette irresponsabilité de l'Etat ait une portée absolue.
B - La portée de l'absence de droit à réparation en cas de loi contraire au droit de l'Union européenne
Dans la décision rapportée, le Conseil d'Etat n'a pas exclu, par principe, la responsabilité de l'Etat lorsque le Gouvernement s'abstient de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Autrement dit, le juge administratif a écarté l'existence d'une faute du Gouvernement en l'espèce, mais ne l'a pas exclu par principe (27).
Pourtant, l'édiction d'un décret contraire aux engagements européens est illégale. Cette jurisprudence, ancienne (28), est, elle aussi, bien établie (29). A l'inverse, l'on sait que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'est pas une illégalité (30). En appliquant la jurisprudence issue de la décision "Les fils de Henri Ramel" rendue par le Conseil d'Etat en 1979 (31), le Conseil aurait pu estimer que l'absence de décret d'application n'étant pas illégale, elle n'est pas fautive par principe.
En outre, la méconnaissance du droit de l'Union européenne par une loi est de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat. Ce principe est issu de la décision "Gardedieu" rendue par le Conseil d'Etat en 2007 (32). Il en va de même, à plus forte raison, du décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Dans la présente affaire, le Conseil d'Etat aurait pu effectuer une application a contrario de la jurisprudence "Gardedieu". Ce faisant, il aurait estimé que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'entraîne jamais la responsabilité de l'Etat. Le juge administratif n'est pas allé jusque-là. Il a rappelé le considérant de principe issu de la jurisprudence "Gardedieu" (cf. point n° 11 de la décision), sans toutefois l'appliquer au profit de la société M6, car cette dernière n'a subi aucun dommage réellement imputable à la loi du 5 mars 2007 (cf. point n° 12).
Finalement, est-ce à dire que l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'est pas une illégalité, mais qu'elle peut, dans certaines hypothèses, constituer une faute et entraîner la responsabilité de l'Etat ? La réponse paraît négative. La décision du 22 octobre 2014, même si elle n'est pas explicite sur ce point, a au moins le mérite d'aller dans ce sens.
D'ailleurs, la loi du 5 mars 2007 n'a jamais été déclarée contraire au droit de l'Union européenne par un juge, qu'il s'agisse du Conseil d'Etat ou de la Cour de justice de l'Union européenne. Il ressort de la décision que seule la Commission européenne a "formellement contesté" le mécanisme du canal compensatoire au regard du droit de l'Union (cf. point 8 de la décision). Le Conseil d'Etat a peut-être souhaité ne pas remettre en cause la position du Gouvernement. On sait que ce dernier avait défendu la conformité du mécanisme du canal compensatoire. Au surplus, le Conseil constitutionnel avait considéré que le mécanisme était conforme à la Constitution (33). C'est peut-être la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'est pas allé jusqu'à admettre le principe suivant lequel l'absence de décret d'application d'une loi contraire aux engagements internationaux n'entraîne jamais la responsabilité de l'Etat. Car, en appliquant ce principe à l'espèce, il aurait dû lui-même constater que la loi du 5 mars 2007 était contraire au droit de l'Union européenne du point de vue du dispositif du canal compensatoire.
Il n'en demeure pas moins que, dans sa décision, le Conseil d'Etat n'est pas allé jusqu'à affirmer la portée absolue de l'absence de responsabilité de l'Etat en cas d'abstention du Gouvernement de prendre un décret d'application d'une loi contraire au droit de l'Union européenne. Il faudra donc attendre une prochaine décision du Conseil d'Etat pour que celui-ci affirme que les préjudices qui résultent de l'abstention à prendre un décret nécessaire à l'application d'une loi contraire aux engagements internationaux, et notamment européens, de la France ne sont jamais de nature à ouvrir droit à réparation.
(1) CE, Sect., 27 janvier 1961, n° 38661, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5804MDC), p. 60.
(2) Loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (N° Lexbase : L6047HUI), JORF, n° 56, 7 mars 2007, p. 4347.
(3) Cons. const., décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007 (N° Lexbase : A3317DUE), Rec. CC, p. 81.
(4) Cf. CJA, art. R. 311-1, 4° (N° Lexbase : L8980IXU).
(5) Cf. CE, Ass., 24 mars 2006, n° 288460, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7837DNL), p. 154.
(6) Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004, relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, art. 1er (N° Lexbase : L7988DN8), JORF, n° 44, 21 février 2004, p. 3514.
(7) Cass. soc., 22 mars 1989, n° 85-13.496 (N° Lexbase : A1135AHI), Bull. civ. V, n° 242.
(8) Cass. civ. 2, 7 octobre 2004, n° 02-50.049, FS-P+B (N° Lexbase : A5716DD3), Bull. civ. II, n° 442.
(9) CE, 18 janvier 1957, n° 10076, 14005, Rec., p. 39.
(10) CE, Sect., 13 juillet 1951, n° 95629, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3065AKQ), p. 403 ; Cass. civ. 3, 2 décembre 1981, n° 80-14.325 (N° Lexbase : A7988CEL), Bull. civ. III, n° 199 ; Cass. crim., 1er mars 1990, n° 89-81.244 (N° Lexbase : A6449CEL), Bull. crim., n° 102.
(11) A plus forte raison, un ministre ne peut pas décider d'ajourner de plusieurs mois les mesures d'application d'une loi (CE, Sect., 6 juillet 1934, n° 32266 à 32268, Rec., p. 786).
(12) CE 4° et 6° s-s-r., 28 juillet 2000, n° 204024, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7152AHD), p. 323.
(13) CE, 13 juillet 1962, n° 45891, 45892, Sieur Kevers-Pascalis, Rec., p. 475.
(14) Cf. not., CE, Ass., 26 février 1954, n° 95551, Rec., p. 129 ; CE 7° et 10° s-s-r., 30 juillet 1997, n° 177264, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1026AEQ), p. 1009 ; CE 4° et 6° s-s-r., 27 juillet 2001, n° 208167, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4998AUN), p. 419.
(15) CE 1° et 6° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 261694, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1329DKG), Rec., p. 350.
(16) CE, Sect., 13 juillet 1951, n° 95629, publié au recueil Lebon, préc..
(17) Il en va de même, par ailleurs, en cas de méconnaissance par l'administration de son obligation de prendre dans un délai raisonnable un décret d'application d'un autre décret (CE, Ass., 27 novembre 1964, n° 59068, Rec., pp. 590-600, concl. Yves Galmot).
(18) CE, Ass., 7 juillet 2004, n° 250688, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1157M7Y), p. 309.
(19) CE 9° et 10° s-s-r., 9 juillet 2014, n° 345253, inédit aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0574MUS).
(20) CE 1° et 6° s-s-r., 27 juillet 2005, n° 261694, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1329DKG), Rec., p. 350.
(21) Ibid.
(22) Cf. supra note 12.
(23) CE, Ass., 7 juillet 2004, n° 250688, publié au recueil Lebon, préc..
(24) CE 1° et 4° s-s-r., 24 février 1999, n° 195354, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3956AXS), p. 29.
(25) CE 9° et 10° s-s-r., 16 juillet 2008, n° 300458, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7334D9I), p. 286.
(26) Loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, relative à l'indépendance de l'audiovisuel public (N° Lexbase : L5399IYM), JORF, n° 266, 16 novembre 2013, p. 18622.
(27) "Eu égard à l'ensemble de ces circonstances", dit le point n° 10 de la décision rapportée.
(28) Cf. CE 2° et 6° s-s-r., 28 septembre 1984, n° 28467, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6632AL9), p. 512.
(29) Cf. CE, Ass., 30 octobre 2009, n° 298348, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6040EMN), p. 407.
(30) Cf. supra, notes n°s 22 à 25.
(31) CE, Sect., 7 décembre 1979, n° 13001, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0128AKX), p. 457.
(32) CE, Ass., 8 février 2007, n° 279522, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2006DUT), Rec., pp. 78-91, concl. L. Derepas.
(33) Cf. supra, note 3.
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Réf. : Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.984, FS-P+B (N° Lexbase : A9316MZ3)
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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 20 Décembre 2014
Résumé
Un salarié ne peut pas prétendre au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et d'une indemnité compensatrice de préavis dès lors qu'il a conclu une transaction aux termes de laquelle il a déclaré n'avoir plus rien à réclamer à l'employeur à "quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l'exécution que de la rupture du contrat de travail". |
Commentaire
I - Une transaction comportant une clause excluant de manière générale toute action du salarié
Contexte. La transaction se définit comme "le contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître". Si la transaction a autorité de la chose jugée entre les parties, celle-ci se limite à l'objet même de l'accord (1), et tout ce qui n'a pas été prévu peut être discuté devant le juge. Pour aider le juge à déterminer la portée effective de la transaction, le Code civil donne deux indications, l'une qui consiste à interpréter l'intention des parties qui s'est traduite dans l'accord par des "expressions spéciales", l'autre qui conduit à tirer des termes mêmes de l'accord les "suites" nécessaires à celui-ci (2).
Si la transaction constitue un instrument de règlement des litiges très efficace, et particulièrement prisé des employeurs qui souhaitent "sécuriser" le règlement des différends qui peuvent les opposer à leurs salariés au moment de la rupture du contrat de travail, il apparaît qu'au-delà des solutions adoptées pour toutes les transactions par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, qui a consacré, en 1997, une très large portée aux transactions rédigées en des termes généraux excluant toute contestation future, pour quelque cause que ce soit (3), la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu tendance, depuis cette date, à restreindre la portée de la transaction en interprétant de manière restrictive la notion de "suite nécessaire de ce qui est exprimé" dans l'acte (4).
Cette tendance à restreindre la portée de la transaction concerne surtout les créances qui naissent postérieurement à la conclusion de l'accord ; pour les créances antérieures ou directement liées à la rupture du contrat, qui naissent par hypothèse avant la conclusion de l'accord transactionnel puisque celui-ci ne peut intervenir avant la notification du licenciement, le juge demeure strict et fait produire effet à l'acte, sans état d'âme, comme le montre cette affaire.
Les faits. Un salarié, licencié pour faute grave, avait conclu avec son employeur la transaction suivante :
"Monsieur X a été engagé le 2 novembre 1995, en qualité d'analyste programmateur.
L'intéressé a fait l'objet d'absences qui sont restées injustifiées malgré la demande de justificatif de la Direction en date du 3 septembre 2007, la non-réponse de l'intéressé a contraint la Direction à notifier à Monsieur X le 17 septembre 2007, sa décision de mettre un terme à sa collaboration à effet le même jour.
Au cours des entretiens qui ont suivi, Monsieur X a fait valoir d'une part que le motif indiqué ne justifiait pas son licenciement, dans la mesure où sa compétence d'analyste programmateur n'avait jamais fait l'objet de reproches et d'autre part, que cette mesure lui causait un préjudice psychologique et moral certain compte tenu de sa situation personnelle et du manque de crédibilité qui pourrait être porté sur son professionnalisme par de futurs employeurs.
Il estimait subir un préjudice dont il appréciait la valeur à 18 mois de rémunération.
Pour sa part, la Direction de l'établissement estimait d'une part que la mesure de licenciement résultait de l'attitude de l'intéressé face à son absence restée sans justificatif malgré la demande qui lui avait été faite. De ce fait, il lui appartenait en sa qualité d'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du service.
En cet état, désireuses de concilier leurs points de vue, les parties se sont rapprochées et au terme de concessions réciproques, agissant en pleine connaissance après un délai de réflexion qu'elles estiment suffisant, elles se sont mises d'accord pour mettre un terme au différend qui les oppose de la façon suivante.
La société accepte de verser à Monsieur X à titre d'indemnité transactionnelle, forfaitaire et définitive la somme nette de 35000 euros constitutive de dommages intérêts en réparation du préjudice autre que la perte de salaire que l'intéressé prétend subir du fait de la rupture de son contrat de travail.
Monsieur X accepte cette somme dans les mêmes conditions moyennant le versement de cette somme effectué au jour de la signature de ce présent protocole et le versement des salaires et indemnités de congés payés intervenue avec le règlement de solde de tout compte à la rupture de son contrat de travail le 17 septembre 2007, Monsieur X déclare n'avoir plus rien à réclamer à la société ainsi qu'au groupe à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail, de même qu'en ce qui concerne la qualification que le juge de l'impôt pourrait donner à ces avantages.
Monsieur X se désiste de toute instance et de toute action".
Le salarié avait ultérieurement saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes de dommages et intérêts pour perte de salaires, du préavis et de droits à la retraite. Il avait obtenu gain de cause en première instance devant le conseil de prud'hommes qui avait considéré que le licenciement reposait en réalité sur un motif économique, mais avait été débouté en appel (5).
Il n'aura pas plus de chances devant la Chambre sociale de la Cour de cassation qui rejette son pourvoi, après avoir relevé "qu'aux termes de la transaction le salarié a déclaré n'avoir plus rien à réclamer à l'employeur à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit', tant en raison de l'exécution que de la rupture du contrat de travail", le salarié ne pouvant donc plus prétendre au paiement de sommes à titre de dommages et intérêts pour perte de salaires et d'une indemnité compensatrice de préavis.
II - Une transaction écartant justement toute contestation ultérieurement du salarié
Une solution justifiée. La solution nous semble totalement justifiée, tant au regard de l'action en paiement des salaires, qu'au regard du régime de la transaction.
La solution s'impose au regard des termes mêmes de la transaction. Celle-ci comportait, il est vrai, une formule assez sibylline selon laquelle la somme allouée de 35 000 euros correspondait à des "dommages intérêts en réparation du préjudice autre que la perte de salaire que l'intéressé prétend subir du fait de la rupture de son contrat de travail". Pour le salarié, cette formule excluait du champ de la transaction ce chef de préjudice, dont il pouvait donc réclamer réparation devant le juge.
Mais cette interprétation de la transaction était inexacte au regard du principe de l'interprétation globale qui doit prévaloir pour les actes juridiques, et qui résulte de l'article 1161 du Code civil (N° Lexbase : L1263ABE). Cette transaction, comme toutes les transactions d'ailleurs, contenait en effet une formule d'exclusion générale de toute autre réclamation qui démontrait que l'acte n'entendait pas réparer ce prétendu chef de préjudice, auquel le salarié renonçait donc puisque, par ailleurs, il s'engageait à ne plus rien réclamer. La formule ne signifiait donc pas que l'acte réservait l'action du salarié, mais au contraire qu'il y renonçait, ce qui était important pour apprécier les concessions réciproques des parties et le point d'équilibre entre le montant des sommes allouées et les prétentions de départ des parties (6). La cour d'appel avait donc bien analysé l'intention des parties telle qu'elle résultait de la rédaction de l'accord transactionnel dans son ensemble (7). En outre, le salarié ne prétendait pas que cette question n'avait pas été abordée par les parties, ou qu'elle devrait être exclue de son champ en raison des conditions de naissance de la créance concernée, postérieure à la rupture (8), mais bien au contraire qu'elle en avait été expressément exclue (9).
Une demande ciblée. Par ailleurs, et cela avait été relevé par la cour d'appel, le salarié n'avait pas remis en cause la validité de la transaction, mais discutait uniquement sa portée. C'est d'ailleurs sur ce point que s'opposent la transaction et le reçu pour solde de tout compte, qui présente également un effet libératoire pour l'employeur, mais doublement atténué : non seulement cet effet est subordonné à la réalisation d'une condition suspensive négative (que le salarié n'ait pas dénoncé le reçu dans un délai de six mois), mais de surcroit, il ne joue que pour les sommes versées qui y sont mentionnées, ce qui exclut toute possibilité d'exclusion générale (10).
(1) C. civ., art. 2049 (N° Lexbase : L2294ABL).
(2) C. civ., art. 2249 (N° Lexbase : L7173IAW).
(3) Ass. plén., 4 juillet 1997, n° 93-43375 (N° Lexbase : A0745CAT) : Bull. civ. n° 10 ; BICC du 1er novembre 1997, concl. Monnet.
(4) Notre étude Les effets de la transaction, dans La transaction dans toutes ses dimensions, D., coll. Thèmes et commentaires, 2006, p. 87 s.
(5) En appel : CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 24 mars 2012, n° S 10/06899 (N° Lexbase : A0046IMN).
(6) Sur cette vérification par le juge, voir Cass. soc., 19 février 2014, n° 12-28.543, F-D (N° Lexbase : A7639MEN) : l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte. Si le juge, pour déterminer si ces concessions sont réelles peut restituer aux faits, tels qu'ils ont été énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement, leur véritable qualification, il ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9934ESQ).
(7) Egalement, Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-23.117, F-D (N° Lexbase : A0404KQZ) : la Cour de cassation a rejeté les demandes formulées par un salarié, soumis à un contrat de travail de droit ivoirien, tendant en la condamnation de son employeur au paiement notamment d'une somme à titre de restitution de cotisations sur retraite, alors qu'il avait conclu une transaction avec son employeur lors de la rupture de son contrat de travail. En effet, il s'évinçait de la procédure ivoirienne que l'ensemble du litige, après jonction, avait été inclus dans les prévisions des parties lors de la transaction et notamment les prétentions du salarié portant sur la restitution de retenues de cotisations, de sorte que la cour d'appel, qui avait procédé à la recherche prétendument omise, avait estimé que la transaction portait également sur ces retenues (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9955ESI).
(8) Cass. soc., 8 décembre 2009, n° 08-41.554, FP-P+B (N° Lexbase : A4524EPA) : la transaction comportait une clause d'exclusion générale comparable, et pourtant la Cour de cassation affirme que "sauf stipulation expresse contraire, les droits éventuels que le salarié peut tenir du bénéfice des options sur titre ne sont pas affectés par la transaction destinée à régler les conséquences du licenciement".
(9) Pour une discussion sur le périmètre voulu de la transaction, voir Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-22.856, F-D (N° Lexbase : A8786I8W) : la transaction, qui est revêtue de l'autorité de chose jugée en ce qu'elle évalue le préjudice consécutif au licenciement, ne permet plus au salarié d'invoquer un préjudice fondé sur la clause du plan de souscription d'actions dont il avait nécessairement connaissance lors de la conclusion de la transaction .
(10) Dernièrement Cass. soc., 18 décembre 2013, n° 12-24.985, FS-P+B (N° Lexbase : A7339KSM) ; voir les obs. de S. Tournaux, Solde de tout compte : caractère obligatoire et libératoire, Lexbase Hebdo n° 554 du 16 janvier 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N0213BUG) : l'employeur a l'obligation de faire l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu'il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.
Décision
Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.984, FS-P+B (N° Lexbase : A9316MZ3). Rejet (CA Paris, Pôle 6, 7ème ch., 24 mai 2012, n° S 10/06899 N° Lexbase : A0046IMN). Textes concernés : C. civ., art.1134 (N° Lexbase : L1234ABC), 2048 (N° Lexbase : L2293ABK) et 2049 (N° Lexbase : L2294ABL). Mots clef : transaction ; portée. Lien base : (N° Lexbase : E9955ESI). |
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