Lexbase Droit privé - Archive n°573 du 5 juin 2014

Lexbase Droit privé - Archive - Édition n°573

Autorité parentale

[Jurisprudence] La prescription de Prozac à une adolescente doit être autorisée par ses deux parents

Réf. : CE 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076 (N° Lexbase : A9373MKD)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 19 Juin 2014

L'arrêt rendu le 7 mai 2014 par le Conseil d'Etat attire l'attention sur la question, souvent soulevée par les médecins, de la possibilité d'accomplir un acte médical relatif à un mineur sans le consentement de l'un de ses parents. En l'espèce, il s'agissait de la prescription de Prozac à une mineure de seize ans, laquelle avait été reçue une première fois par le médecin psychiatre en présence de son père puis une seconde fois par le même médecin avec sa mère. C'est lors de cette seconde consultation que fut prescrit le médicament, pour soigner une dépression dite modérée à sévère sans l'accord du père qui n'en fut pas informé. Les parents de la jeune fille étaient divorcés et exerçaient en commun l'autorité parentale. Saisi par le père d'une plainte contre le médecin psychiatre, la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France a refusé de condamner le médecin. La décision de la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins qui approuve ce refus est annulée par le Conseil d'Etat.

L'exigence ou non du double consentement parental pour un acte médical accompli sur un mineur est une question complexe qui, en réalité, relève de plusieurs règles comme l'illustre l'arrêt commenté. En effet, outre le fait de savoir si l'acte relevait de la catégorie de ceux qui exigent le consentement des deux parents, il faut se demander si l'on se trouve dans une hypothèse où le médecin peut se passer de ce consentement en raison des circonstances particulières. Enfin, lorsque le mineur concerné est un adolescent, on peut s'interroger sur la possibilité de mettre en oeuvre les règles lui accordant exceptionnellement une certaine autonomie (1), ce que le Conseil d'Etat n'a pas fait dans cette affaire. Dans l'arrêt du 7 mai 2014, le Conseil d'Etat fonde, en effet, son analyse sur le caractère non urgent de la décision (II), après avoir affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un acte usuel (I).

I - La qualification l'acte non usuel

Nécessité de la qualification. En réalité la qualification d'acte non usuel n'était pas discutée dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt commenté. Il semble que la chambre disciplinaire ne se soit pas placée sur ce terrain, le Conseil d'Etat affirmant que "pour juger que le psychiatre n'avait commis aucun manquement à la déontologie en s'abstenant de prévenir le père du mineur, la chambre disciplinaire nationale ne s'est pas fondée sur le caractère usuel de l'acte litigieux". Ce silence peut sans doute s'interpréter comme une qualification implicite de l'acte en acte non usuel. Il paraît toutefois préférable de s'interroger au préalable sur cette qualification ; s'il s'agit, en effet, d'un acte usuel la question du double consentement est réglée sans difficulté. En effet, à ce type d'acte, s'applique, comme le rappelle le Conseil d'Etat, l'article 372-2 du Code civil (N° Lexbase : L2902AB4) selon lequel, "à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant" ; il précise, en outre, qu'aux termes de l'article 373-2 du même code (N° Lexbase : L2905AB9) "la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale". En conséquence, le consentement d'un seul parent aurait été suffisant si l'acte avait été rangé dans la catégorie des actes usuels.

Actes usuels et soins médicaux. Dans l'arrêt du 7 mars 2014, le Conseil d'Etat précise formellement que l'acte en cause, à savoir la délivrance d'un antidépresseur constitue un acte non usuel, ce qui constitue un premier apport non négligeable de l'arrêt. La qualification d'acte usuel est, en effet, parfois difficile en raison du défaut de précision légale et de la rareté de la jurisprudence. En matière médicale, il semble que les soins obligatoires comme certaines vaccinations, les soins courants (blessures légères, soins dentaires, traitement des maladies infantiles courantes) ou les soins habituels pour tel ou tel enfant, entrent dans la catégorie des actes usuels. Ne peut, en revanche, recevoir cette qualification la décision de soumettre l'enfant à un traitement "lourd" ou à une hospitalisation prolongée. En ce sens, une opération chirurgicale telle qu'une opération de l'appendicite, semble nécessiter le consentement des deux parents. L'enfant ne peut être suivi par un médecin que la mère a pris seule l'initiative de consulter alors que cette décision destinée à protéger la santé de l'enfant appartient aux deux parents titulaires de l'autorité parentale (2). Il semble, également, que la mise en place d'un traitement d'orthodontie, nonobstant son caractère courant voire quasi-systématique, nécessite le consentement des deux parents, son suivi relevant ensuite de la catégorie des actes usuels. Certains actes peuvent alternativement appartenir à l'une ou l'autre catégorie selon le contexte dans lequel ils s'inscrivent. La Cour de cassation a ainsi admis qu'une circoncision pouvait être un acte usuel si elle relève de la nécessité médicale mais il n'en va pas de même s'il s'agit d'une circoncision rituelle (3). La cour d'appel de Lyon, dans une décision du 25 juillet 2007, a ainsi affirmé qu'un tel acte supposait le consentement des parents et celui de l'enfant qui était en l'espèce âgé de onze ans (4). La vaccination peut également relever de l'une ou l'autre des catégories selon qu'elle est ou non obligatoire. Ainsi la vaccination contre la grippe A/H1N1 exige sans aucun doute le consentement des deux parents, comme celui contre l'hépatite B ou encore celui destiné à prévenir le cancer du col de l'utérus (5). En matière psychiatrique, une cour d'appel a pu juger qu'était engagée la responsabilité du médecin psychiatre qui avait délivré des soins auxquels le père s'était opposé (6).

Qualification de l'acte en cause. Si l'on reprend la définition donnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans le contexte de l'assistance éducative, dans un arrêt en date du 28 octobre 2011, selon laquelle les actes usuels seraient "des actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n'engagent pas l'avenir de l'enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l'enfant, ou encore, même s'ils revêtent un caractère important, des actes s'inscrivant dans une pratique antérieure non contestée" (7), il semble bien que la prescription d'antidépresseur ne réponde pas à cette définition. Il s'agit, en effet, d'un acte d'une certaine gravité, qui comporte des risques pour l'enfant et qui implique de la part des parents une appréciation, notamment quant au choix thérapeutique. La même réponse pourrait être faite si l'on utilisait la définition de l'acte important contenue par la proposition de loi relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant, présentée à l'Assemblée nationale notamment par Marie-Anne Chapdelaine en avril 2014, et selon laquelle "constitue un acte important l'acte qui rompt avec le passé et engage l'avenir de l'enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux". La prise d'antidépresseur par une adolescente rompt sans nul doute avec le passé si c'est la première fois qu'elle reçoit ce type de traitement, et engage incontestablement l'avenir médical et psychologique de la jeune fille. Toutefois, la qualification d'acte non usuel n'empêchait pas forcément qu'il soit effectué avec le consentement d'un seul parent, compte tenu des pouvoirs accordés par la loi au médecin dans certaines circonstances.

II - Le pouvoir du médecin d'agir sans consentement parental

Autorisation légale. Selon l'article L. 1111-4, alinéa 6, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9876G8B), "dans le cas où un refus de traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur, le médecin délivre les soins indispensables". Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu considérer, dans une décision du 4 mars 2003 (8), que les médecins qui avaient pratiqué une transfusion sanguine sur un mineur malgré le refus des parents ne commettaient pas de faute ; il était, en effet, établi que l'enfant présentait des signes cliniques de péril vital imminent. En outre, l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8324GTH), cité par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 7 mai 2014, dispose que, "sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires". Ces deux textes se complètent tout en visant des hypothèses différentes. Le premier concerne plutôt le refus de consentement alors que le second vise l'hypothèse dans laquelle les parents ou l'un d'entre eux n'est pas présent lors de la décision médicale.

Urgence. C'est ce dernier texte que le Conseil d'Etat met en oeuvre en l'espèce, considérant ainsi, à juste titre, qu'il était applicable, comme l'article L. 1111-4, alinéa 6, du même code (N° Lexbase : L9876G8B), aux hypothèses dans lesquelles un seul parent avait donné son consentement alors que l'acte impliquait que les deux titulaires de l'autorité parentale autorisent l'acte. En l'espèce, en effet, le médecin qui a reçu la jeune fille après une aggravation de son état, hors de la présence de son père, n'a pas recherché à recueillir le consentement de ce dernier avant de faire cette prescription. Le Conseil d'Etat déduit de ce texte "qu'un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l'égard d'un mineur qu'après que le médecin s'est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'urgence, lorsque l'état de santé du patient exige l'administration de soins immédiats".

Appréciation en l'espèce. La chambre disciplinaire nationale, pour juger que le psychiatre n'avait commis aucun manquement à la déontologie en s'abstenant de prévenir le père du mineur, a estimé que la jeune fille se trouvait dans une situation d'urgence justifiant la prescription d'un antidépresseur en application des dispositions précitées. C'est justement cette analyse que critique le Conseil d'Etat en constatant que "pour statuer ainsi, la chambre disciplinaire nationale s'est bornée à relever que l'état de la patiente s'était aggravé entre le 10 et le 12 novembre 2008 sans relever les éléments précis qui justifiaient en quoi cette aggravation était de nature à caractériser, à elle seule, une situation d'urgence au sens de l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique, autorisant l'absence d'information du père de la jeune fille mineure". La Haute juridiction administrative en déduit que la décision de la chambre disciplinaire est entachée d'erreur de droit. Cette critique permet certes de considérer que la seule aggravation de la santé du mineur ne suffit pas à définir l'urgence mais ne permet pas de définir quels éléments auraient permis de la caractériser, ce que l'on peut regretter. Sans doute pourrait-on exiger que le médecin caractérise la nécessité de prodiguer des soins sans attendre pour éviter des conséquences d'une certaine gravité pour la santé de l'enfant et l'impossibilité de joindre le parent dans un délai suffisant. Il paraîtrait conforme aux exigences légales relatives à l'autorité parentale que le médecin, ou le parent présent, tente au moins de contacter le parent absent pour obtenir son consentement.


(1) P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 2014, 2ème éd. n° 1244.
(2) CA Toulouse, 7 novembre 2000, n° 99/05839.
(3) Cass. civ. 1, 26 janvier 1994, n° 92-10.838 (N° Lexbase : A6067AH8), D., 1995, 226, note Choain ; TGI Paris, 6 novembre 1973, Gaz. Pal., 1974. 1. 299, note Barbier ; CA Paris, 29 septembre 2000, n° 99/08304 (N° Lexbase : A2758ATC), D., 2001, 1585, note Duvert (qui admet la responsabilité du médecin ayant pratiqué une circoncision rituelle sans le consentement d'un des deux parents).
(4) CA Lyon, 25 juillet 2007, n° 07/00186, RTDCiv., 2008, 99, obs. Hauser.
(5) Nos obs., Les décisions des parents séparés relatives à l'enfant, AJ fam., 2010, 12.
(6) CA Nîmes, 15 septembre 2009, n° 07/04215 (N° Lexbase : A9462IQI).
(7) CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2011, n° 11/00127 (N° Lexbase : A9428IQA).
(8) CAA Bordeaux, 4 mars 2003, n° 99BX02360 (N° Lexbase : A5779C9W), JCP éd. A, 2003, n° 51, p. 15.
Décision

CE 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076 (N° Lexbase : A9373MKD).

Lien base : (N° Lexbase : E5812EYW).

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Construction

[Evénement] Décennale et performance énergétique - Compte-rendu de la réunion du 3 avril 2014 de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition privée

Le 05 Juin 2014

La sous-commission "Marchés de travaux" de la commission de droit immobilier tenait, le 3 avril 2014, sous la responsabilité de Juliette Mel, une réunion sur le thème "décennale et performance énergétique", animée par Pascal Dessuet, Chargé d'enseignement à l'Université de Paris Est Créteil (UPEC), Président de la Commission construction de l'AMRAE. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. Comme l'écrivait le Professeur Périnet-Marquet, en juin 2012, "la performance énergétique attend son régime de responsabilité" (1). La performance énergétique a, en effet, fait l'objet d'une réglementation d'une rare complexité, dénoncée à plusieurs reprises, car très technique (cf. lois n° 2010-788 du 12 juillet 2010 N° Lexbase : L7066IMN et n° 2009-967 du 3 août 2009 N° Lexbase : L6063IEB, dites lois "Grenelle" suivies de décrets et arrêtés, notamment le décret n° 2010-1269 du 26 octobre 2010, relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions N° Lexbase : L2109ING et l'arrêté du 26 octobre 2010, relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments N° Lexbase : L2697IN9). Se pose alors la question de savoir comment cette réglementation peut s'articuler avec les régimes de responsabilité existant. Si l'ensemble des acteurs s'accorde à penser qu'il est nécessaire de modifier le régime de responsabilité, rien ne semble acquis.

I - L'état des lieux du droit positif en matière de performance énergétique

A - Les principes structurant de la réglementation thermique et des normes applicables sous forme de label

Lorsque l'on évoque la performance, il faut distinguer deux notions qui s'opposent : la performance énergétique calculée, et la performance énergétique mesurée. La première désigne la performance entendue comme la qualité " intrinsèque " d'un bâtiment. Il s'agit d'une performance résultant de la prise en compte d'un certain nombre de caractéristiques constatées dans le bâtiment qui, par le biais d'un calcul, permettent de définir la "performance théorique", autrement dit "calculée". Cette notion s'oppose à la performance constatée, mesurée directement sur place.

La réglementation actuelle est fondée sur la notion de performance calculée. Elle repose donc sur un système qui donne l'illusion du réel, mais sans y prétendre vraiment.

En effet, tout d'abord, le choix des mots est de nature à induire en erreur, sachant que le système utilise la notion de "performance conventionnelle", laquelle ne correspond absolument pas au sens qu'un juriste pourrait lui donner, qui serait le fruit d'une convention, d'un contrat. En effet, au sens de la réglementation thermique, la performance "conventionnelle" ne correspond pas au fruit d'un accord de volonté, mais à la performance qui s'impose par l'application de textes d'ordre public ; autrement dit, la performance "conventionnelle" est celle qui résulte d'un référentiel théorique.

Ce choix étant donc malheureux, les professionnels ont estimé utile d'apporter une définition. C'est ainsi qu'un arrêté du 11 octobre 2011 est venue définir la performance conventionnelle : "la consommation conventionnelle d'un bâtiment, au sens de la réglementation thermique, est un indicateur exprimé en kilowattheure d'énergie primaire par mètre carré et par an [kWhep/(m2.an)].

Elle prend en compte uniquement les consommations de chauffage, de refroidissement, de production d'eau chaude sanitaire, d'éclairage, des auxiliaires de chauffage, de refroidissement, d'eau chaude sanitaire et de ventilation, déduction faite de la production d'électricité à demeure.

Elle est calculée selon les modalités définies par la méthode de calcul Th-BCE 2012, en utilisant des données climatiques conventionnelles pour chaque zone climatique, et pour des conditions d'utilisation du bâtiment fixées, représentant des comportements moyens et s'appuyant sur des études statistiques. Les valeurs réelles de ces paramètres étant inconnues au moment de la réalisation du calcul réglementaire, il peut apparaître des écarts entre les consommations réelles qui seront observées pendant l'utilisation du bâtiment et la consommation conventionnelle calculée" (nous soulignons).

S'agissant, ensuite, du contenu même de ces textes normatifs, que l'on analyse les dispositions sur le fond (qui concernent le bâtiment dans son ensemble et non les appartements ou les bureaux en tant que tels ; qui ne prennent pas en compte tous les postes de consommation d'énergie ; qui retiennent comme référence une énergie primaire et non finale, etc.), ou les procédures mises en place pour attester du respect de ces normes (cf. CCH, art. L. 111-9-1 N° Lexbase : L9518IMH, dont il en ressort que les architectes et les maîtres d'oeuvre du chantier peuvent attester eux-mêmes du respect des qualités intrinsèques du bâtiment), tout conduit à considérer que l'on ne se situe jamais dans la mesure concrète et effective.

Il faut savoir également qu'un décret du 18 mai 2011 réglemente la mission de ces attestants (décret n° 2011-544 N° Lexbase : L3015IQQ) ; force est de constater qu'ils ne doivent procéder à aucun sondage destructif, ou réaliser aucun test in situ destiné à vérifier le fonctionnement des installations ; de même, un arrêté du 11 octobre 2011 (N° Lexbase : L6374ISU), sur le formalisme de l'attestation, se limite à des rubriques concernant des contrôles visuels.

Tous ces éléments amènent à considérer que la performance doit être entendue comme théorique, et non mesurée sur le terrain.

L'ambiguïté du système est accentuée par la pratique des acteurs qui ont tendance à entendre cette réglementation comme faisant état d'une performance mesurée et vérifiée sur le terrain.

Si les consommateurs eux-mêmes, dans leur expression collective (2), sont bien conscients de cette ambiguïté et ont édité une brochure sur les bâtiments basse consommation (BBC), dans laquelle il est mentionné que "les résultats affichés, calculés selon la réglementation, sont généralement différents de ceux mesurés par les compteurs", les débiteurs de l'obligation de construire, et les pouvoirs publics auteurs de ces textes, semblent afficher une réelle détermination à dépasser la norme pour aboutir à la signature de véritables "contrats de performance énergétique". C'est ainsi qu'un rapport, déposé en mars 2012, évoque les engagements contractuels pouvant aller au-delà de ce que prévoit la loi, sous la forme de garantie de performance énergétique intrinsèque (GPEI), et même de garantie de résultat énergétique (GRE) fondée sur l'usage (http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/rapport_GPE.pdf).

B - La traduction au plan de la responsabilité de la réglementation thermique telle que décrite

La question se pose de savoir comment cette réglementation s'articule avec les régimes de responsabilité.

1. La responsabilité de droit commun

S'agissant de la responsabilité de droit commun, l'engagement de la responsabilité peut être obtenu à deux titres, à savoir, en premier lieu, au titre de la non-conformité pure par rapport à la norme légale : il s'agit alors de l'absence de conformité aux qualités intrinsèques de l'immeuble. En second lieu, la responsabilité de droit commun peut être engagée au titre des dommages intermédiaires ; elle repose alors sur la preuve d'une faute. Il faut alors pouvoir prouver le non-respect d'une performance théorique, donc de la réglementation. Mais il ne semble pas possible de retenir la responsabilité au titre des dommages intermédiaires à propos d'un seul problème de dépassement de surconsommation réelle, mesurée sur le terrain.

2. La responsabilité décennale

S'agissant de la responsabilité décennale, on peut se demander si le non-respect de cette réglementation pourrait déboucher sur l'engagement des garanties obligatoires en matière d'assurance.

La responsabilité décennale est souvent envisagée dans une hypothèse de surconsommation ; mais il ne faut pas oublier les effets collatéraux qui peuvent résulter de cette réglementation. Par exemple, l'un des effets de la réglementation thermique consiste à rendre les immeubles parfaitement étanches, ce qui peut entraîner le risque d'une mauvaise qualité de l'air dans les logements (condensation, moisissure), et donc un risque d'insalubrité, constitutif d'une atteinte à la destination susceptible d'engager la responsabilité décennale. De même, un certain nombre de dispositifs d'installations utilisées pour permettre de respecter ces normes en matière de performance, telles que les installations d'électricité photovoltaïque, génèrent des risques d'incendie et donc de sécurité, là encore constitutifs d'une atteinte à la destination susceptible d'engager la responsabilité décennale.

Mais plus délicate est donc la question de savoir si la responsabilité décennale peut être engagée au titre d'un problème de défaut de performance énergétique. S'agissant de la performance "conventionnelle", autrement dit découlant de la réglementation, l'on pourrait considérer que le non-respect de la réglementation, laquelle est d'ordre public et sanctionnée pénalement, serait susceptible d'entraîner la responsabilité décennale ; mais cette question divise la doctrine, sachant qu'il n'existe pas de lien direct et systématique entre le non-respect d'une disposition d'ordre public et l'atteinte à la destination ou à la solidité. L'on peut toutefois citer un arrêt du 8 juin 1977 (Cass. civ. 3, 8 juin 1977, n° 75-13.014 N° Lexbase : A6118CGP), se référant au risque de "perte juridique de l'ouvrage", constitutif d'une atteinte à la destination (le défaut en cause étant susceptible d'entraîner une atteinte à la destination) ; l'on pourrait alors considérer que le non-respect des dispositions d'ordre public concernant la réglementation thermique entraîne des problèmes de droit à exploiter ou à louer le bien, et donc d'atteinte à la destination.

L'on pourrait encore considérer que le non-respect de la réglementation thermique entraîne une atteinte à la destination à raison des valeurs écologiques protégées par cette réglementation. Autrement dit, la réglementation ferait naître un principe écologique qui s'impose à l'acte de construire, et dont le non-respect entraînerait l'engagement de la responsabilité décennale.

S'agissant du non-respect de la convention des parties, on peut de même imaginer que le non-respect de la performance énergétique définie contractuellement entre les parties pourrait permettre d'engager la responsabilité décennale, la jurisprudence admettant le principe d'une définition contractuelle de la destination (cf. Cass. civ. 3, 27 septembre 2000, n° 98-11.986 N° Lexbase : A9562KIY). Un arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble se prononce en ce sens (CA Grenoble, 25 mars 2008, n° 05/01449 N° Lexbase : A6758MPY).

Sur le simple terrain de la performance "conventionnelle", calculée, théorique, on voit que la jurisprudence, par différentes voies, pourrait être amenée à estimer que le non-respect de la performance théorique engagerait la responsabilité décennale. Mais au-delà, peut-on considérer qu'une atteinte à la destination intègrerait une non-atteinte de la performance réelle, autrement dit une surconsommation mesurée. Il semble qu'une telle évolution soit probable, notamment au regard de la jurisprudence rendue en matière d'isolation phonique (Ass. plén., 27 octobre 2006, n° 05-19.408, P+B+R+I N° Lexbase : A0473DSC considérant que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale alors même que les exigences légales minimales légales ou réglementaires auraient été respectées). La performance énergétique pourrait ainsi tout à fait être considérée comme une valeur sociétale, au même titre que la sécurité. Quelques arrêts commencent à se prononcer sur la question. Ainsi, dans un arrêt du 8 octobre 2013 (Cass. civ. 3, 8 octobre 2013, n° 12-25.370, F-D N° Lexbase : A6843KME), la Cour de cassation a censuré un arrêt qui avait retenu un peu trop radicalement que les problèmes de surconsommation d'énergie n'étaient pas de nature à engendrer une responsabilité décennale, reprochant aux juges d'appel de ne pas avoir recherché si les désordres engendrés par les défauts d'isolation thermique ne rendaient pas la maison impropre à sa destination.

II - Cet état des lieux permet-il de justifier une réforme et quelle réforme ?

A - Une réforme qui affecte les régimes de responsabilité et par ricochet celui de l'assurance construction

S'il était admis par la jurisprudence que la performance énergétique, en tant que telle, abstraite de toute norme, était une valeur intégrant la destination, il suffirait de démontrer une surconsommation pour pouvoir mettre en oeuvre le régime de la responsabilité décennale, laquelle est une responsabilité présumée dont on ne peut s'exonérer que par la preuve positive d'une cause étrangère ; or, en l'occurrence, la cause étrangère évidemment invocable serait le fait de la victime, le comportement des utilisateurs. L'on voit alors immédiatement toute la difficulté de la preuve, qui peut difficilement être rapportée sans porter atteinte à la vie privée, dans la mesure où c'est leur mode de vie, au quotidien qui serait en cause. Par conséquent, faute de pouvoir rapporter la preuve d'une cause étrangère liée au comportement de l'utilisateur, le système aboutirait à une condamnation quasiment systématique des constructeurs et de leurs assureurs, sans possibilité d'exonération, ce qui constitue la problématique du sujet.

C'est ainsi que, dans un premier temps, les assureurs ont affiché une position très stricte en refusant d'assurer au titre de la responsabilité décennale tout défaut de performance, qu'elle soit "conventionnelle" (théorique) ou réelle. Dans un second temps, ils ont fini par admettre une position de compromis, en admettant que le non-respect de la réglementation (entraînant un défaut de performance "conventionnelle", mais en aucun cas réelle) pouvait être considéré comme constituant une atteinte à la destination entrant dans le régime de responsabilité décennale.

C'est dans ce contexte qu'a été présenté, en juin 2013, un projet de réforme constituant un compromis entre tous les acteurs à l'acte de construire et les assureurs. Les propositions qui en découlent (création d'un nouvel article L. 110-5-1 dans le CCH) reposent sur deux grandes idées :

- ouvrir dans la clarté l'application du régime de la responsabilité civile décennale et de l'assurance obligatoire à la réparation des sinistres liés à la performance énergétique des bâtiments ;

- encadrer cette ouverture avec précision pour éviter de fragiliser la pérennité du système.

S'agissant de l'ouverture du régime de la responsabilité décennale à la réparation des dommages liés à la performance énergétique, il a été proposé de définir expressément ce qui n'entre pas dans la destination (CCH, nouv. art. L. 110-5-1, alinéa 1) :

"Nonobstant toute stipulation contractuelle contraire, la destination mentionnée à l'article 1792 du Code civil, reproduit à l'article L. 111-13 du présent code, est définie, en matière de performance énergétique, au regard de la seule consommation "conventionnelle" maximale de l'ouvrage, telle que celle-ci résulte des textes d'application des articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent code. La production énergétique à usage externe est prise en compte, uniquement si elle entre dans son calcul" (nous soulignons).

La contrepartie de cette ouverture consiste en un encadrement très strict de l'office du juge et de son pouvoir d'appréciation quant à l'impropriété à la destination ainsi définie (CCH, nouv. art. L. 110-5-1, alinéas 2, 3 et 4), tout en prévoyant un seuil de tolérance, et en la limitant aux seuls dommages affectant matériellement l'ouvrage :

"l'impropriété à la destination ne peut être retenue que dans le cas d'une différence de consommation conventionnelle supérieure à un seuil, en présence de dommages affectant matériellement l'ouvrage ou ses éléments d'équipement.
Elle est appréciée globalement pour l'ensemble de l'ouvrage construit ou modifié, y compris ses éléments d'équipement, en tenant compte des conditions de son entretien après la réception, et sur la base des éléments techniques, du référentiel et du mode calcul réglementaire ayant permis la délivrance de l'attestation de la prise en compte de la réglementation thermique.
Un décret en Conseil d'état détermine le seuil mentionné à l'alinéa précédent ainsi que les modalités d'appréciation de la consommation conventionnelle dans le cadre des expertises
".

La présentation de ce texte dans les ministères depuis juillet 2013 a toutefois suscité de nombreuses critiques et il n'est pas certain que cette réforme aboutisse, ce qui serait fort regrettable pour tout le système, qui se retrouverait alors fragilisé.

B - Une réforme qui affecte le marché de l'assurance : le marché doit-il proposer de nouveaux produits ?

Un état des lieux de l'offre actuelle met en évidence l'existence de deux types de couverture : en premier lieu, la couverture du risque constitué par le fait de ne pas obtenir l'attestation de conformité à la réglementation BBC et/ou le label BBC ; en second lieu la couverture des dommages de nature décennale liés au fait que la performance énergétique "conventionnelle" ne se maintient pas durant les dix années suivant la réception ou que la sobriété énergétique soit considérée comme faisant partie de la destination d'un ouvrage.

Une évolution de l'offre pourrait se traduire par la proposition de nouveau produits tels que :

- la couverture de la non-atteinte de la performance énergétique réelle, résultant cette fois d'un engagement contractuel (totalement utopique...) ;
- l'adaptation des produits actuels couvrant la responsabilité civile de droit commun ("RC travaux" et "RC promoteur" ;
- la création d'un produit spécifique pour prendre en charge les frais d'expertise liés à des réclamations sur la performance réelle, une garantie dite "de recherche des causes".

newsid:442460

Copropriété

[Manifestations à venir] La copropriété à la croisée de l'entre-soi et de l'individualisme - Recherches sur l'intuitus personae et la privatisation des pratiques au sein de la copropriété des immeubles bâtis

Lecture: 2 min

N2562BUG

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Le 05 Juin 2014



Le vendredi 20 juin 2014, se tiendra à la Faculté de droit de l'Université François-Rabelais de Tours, un colloque sur le thème "la copropriété à la croisée de l'entre-soi et de l'individualisme - Recherches sur l'intuitus personae et la privatisation des pratiques au sein de la copropriété des immeubles bâtis".
  • Programme

Matin - Présidence G. Chantepie - L'intuitus personae dans la copropriété : tentation illicite ou orientation légitime

8h45 Accueil des participants

9h15 Propos introductifs
Y. Trémorin, Professeur à l'Université de Tours

9h30 Rapports de l'individuel et du collectif dans la copropriété du Code civil
M. Boudot, Maître de conférences à l'Université de Poitiers

1. Techniques de "l'entre-soi" au sein du règlement de copropriété des immeubles bâtis

10h00 La police des activités et des comportements
F. Chenot, Magistrat, VP Tours

10h30 Les restrictions au droit de disposer et le contrôle des accédants
Ph. Simler, Professeur à l'Université de Strasbourg

11h00 Pause

2. Techniques de "l'entre-soi" par éviction partielle ou totale de la copropriété des immeubles bâtis

11h30 La division en volumes au service de l'intuitus personae
N. Le Rudulier, Maître de conférences à l'Université d'Angers

12h00 Les copropriétés gérées par des syndicats de forme coopérative
S. Laporte-Leconte, Docteur en droit, directrice de l'ICH Ouest

12h30 Pause déjeuner

Après-midi - Présidence Ph. Simler - La privatisation des biens et des services au sein de l'immeuble en copropriété : formes et portée du renouvellement des rapports entre l'individuel et le collectif ?

14h00 La privatisation des parties communes et des droits accessoires aux parties communes : la question du droit de construire au sein de la copropriété
G. Beaussonie, Maître de conférences à l'Université de Tours

14h30 Antennes-relais, panneaux photovoltaïques, publicités lumineuses : quelle place pour une propriété en marge de la copropriété ?
A. Vignon-Barrault, Maître de conférences à l'Université de Tours

15h00 Les travaux sur les lots privatifs : quelle liberté ? quelles sanctions ?
E. Botrel, Maître de conférences à l'ESGT

15h30 Pause

16h00 Le développement des services "à la carte" au sein de l'immeuble en copropriété
C. Dreveau, Maître de conférences à l'Université de Tours

16h30 Groupements restreints et collaborations renforcées
G. Chantepie, Professeur à l'Université de Lille

  • Informations pratiques

Colloque validé pour la formation continue des avocats et des notaires

Organisation : Y. Trémorin, G. Beaussonie, A. Vignon-Barrault, et C. Dreveau

Contact et inscription :
Mme Picard Véronique
Responsable administrative du LERAP
Tél.: 02 47 36 11 70
Mail : veronique.picard@univ-tours.fr
Frais d'inscription : 30 euros pour les professionnels

Lieu :
Faculté de Droit, Economie et des Sciences Sociales
Amphithéâtre E
50, avenue Jean-Portalis
Quartiers des 2 Lions
BP 0607
37206 Tours Cedex 3

newsid:442562

Couple - Mariage

[Brèves] Incompétence du JAF pour se prononcer sur une demande d'indemnisation pour rupture abusive du PACS

Réf. : CA Bordeaux, 14 mai 2014, n° 13/04479 (N° Lexbase : A0572MLR)

Lecture: 1 min

N2557BUA

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Le 19 Juin 2014

Seul le juge du contrat est compétent pour statuer sur les conséquences de la rupture du PACS, ainsi que le rappelle la cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 14 mai 2014 (CA Bordeaux, 14 mai 2014, n° 13/04479 N° Lexbase : A0572MLR). En l'espèce, dans le cadre d'une procédure initiée devant le JAF visant à statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, l'épouse soutenait que la rupture brutale du PACS lui avait occasionné des souffrances morales pour lesquelles elle réclamait des dommages et intérêts. La cour d'appel estime que c'est à bon droit que le premier juge s'était reconnu incompétent pour statuer sur la demande de l'épouse, le juge du contrat étant en effet seul compétent pour statuer sur les conséquences de la rupture du Pacs (cf. l’Ouvrage "Mariage - Couple - PACS" N° Lexbase : E5277EXQ).

newsid:442557

Divorce

[Chronique] Chronique de droit du divorce - Juin 2014 - Fixation de la prestation compensatoire : date d'appréciation et éléments pris en compte

Lecture: 10 min

N2458BUL

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par Marjorie Brusorio-Aillaud, Maître de conférences à l'Université de Toulon

Le 05 Juin 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit du divorce, réalisée par Marjorie Brusorio-Aillaud, Maître de conférences à l'Université de Toulon. Quatre arrêts, rendus en avril et mai 2014, ont encore rappelé aux juges du fond comment appliquer strictement les articles 270 et 271 du Code civil. D'abord, selon le 1er alinéa de ce dernier texte, la prestation compensatoire est fixée en tenant compte de la situation des époux "au moment du divorce". Or, en cas d'appel relatif à la prestation compensatoire, ce moment correspond au jour où l'intimé a acquiescé le jugement (Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-16.247, F-D) ou au jour où, en l'absence d'appel incident, il a déposé ses conclusions (Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-16.140, F-D). Ensuite, le second alinéa de cet article énonce ce que les juges du fond doivent notamment prendre en considération pour fixer la prestation compensatoire. La jurisprudence précise, régulièrement, quels éléments peuvent être inclus ou doivent être exclus de cette liste. Or, dans deux arrêts en date du 14 mai 2014, la Cour de cassation a encore dû rappeler, d'une part, que les juges du fond ne peuvent pas se fonder sur le fait que les revenus salariaux des deux parties sont à présent équivalents alors que l'époux avait, dans les années passées, bien mieux gagné sa vie (Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-12.602, F-D) et, d'autre part, que ni la pension alimentaire accordée à l'épouse au titre du devoir de secours pendant la durée de l'instance, ni la pension alimentaire versée par l'époux pour l'entretien et l'éducation de l'enfant ne doivent être prises en considération pour la fixation de la prestation compensatoire (Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-16.506, F-D). I - Fixation de la prestation compensatoire : date d'appréciation (Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-16.247, F-D N° Lexbase : A5699MLN ; Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n° 13-16.140, F-D N° Lexbase : A6952MKP ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7553ETW)

Aux termes de l'article 271 du Code civil (N° Lexbase : L3212INB), "la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible". Dans deux affaires, jugées il y a quelques semaines, la Cour de cassation a précisé que le moment où le divorce prend force de chose jugée est, en cas d'appel limité à la prestation compensatoire, le jour où l'intimé a acquiescé le jugement (pourvoi n° 13-16.247) ou au jour où, en l'absence d'appel incident, il a déposé ses conclusions (pourvoi n° 13-16.140).

Première affaire. Un jugement de novembre 2011 a prononcé un divorce aux torts exclusifs du mari et a débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire. L'époux a acquiescé au jugement le 9 décembre 2011 et l'épouse a interjeté appel le 27 décembre 2011.

Pour condamner l'époux à payer une prestation compensatoire à l'épouse, l'arrêt d'appel a retenu que si celui-là avait acquiescé au divorce le 9 décembre 2011, l'appel formé par celle-ci n'était pas limité, de sorte que la cour d'appel était saisie de l'entier litige, par l'effet dévolutif de l'appel, et qu'il devait être tenu compte de la situation actuelle des époux, pour apprécier la disparité dans leurs conditions de vie pouvant résulter de la rupture du mariage (CA Aix-en-Provence, 24 janvier 2013, n° 11/22047 N° Lexbase : A7650I3Q).

A l'appui de son pourvoi, le mari faisait valoir, entre autres arguments, que la décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée et que la prestation compensatoire est fixée, selon les besoin et les ressources des époux, en tenant compte de la situation au moment du divorce. Si, en cas d'appel général d'un jugement de divorce fondé sur l'article 242 du Code civil (N° Lexbase : L2795DZK), la décision quant au divorce ne peut passer en force de chose jugée avant le prononcé de l'arrêt, il en va autrement en cas d'acquiescement ou de désistement. En ayant tenu compte de la situation des époux à la date de sa décision, en janvier 2013, alors que, dans ses conclusions du 2 avril 2012, l'épouse avait limité son appel à la prestation compensatoire et à des mesures accessoires, à l'exclusion du divorce, la cour d'appel a violé les articles 260 (N° Lexbase : L2639ABD) et 271 du Code civil.

La Haute juridiction a approuvé ce raisonnement. Pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée. En l'espèce, le prononcé du divorce avait acquis force de chose jugée le jour où l'époux y avait acquiescé. L'épouse qui, sur ce point, avait obtenu gain de cause, n'était plus recevable à le contester. La Cour de cassation a cassé l'arrêt, en ce qu'il avait condamné l'époux à payer une prestation compensatoire de 35 000 euros, et a renvoyé les parties devant une autre cour d'appel.

D'un point de vue juridique, la solution est parfaitement logique. La prestation compensatoire doit compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux (C. civ., art. 270). Un an après un jugement prononçant un divorce, la disparité dans les conditions de vie des époux peut résulter de cette séparation, certes, mais aussi des choix et événements effectués et survenus pendant ce temps.

D'un point de vue pratique, cela signifie en l'espèce que :

- d'une part, les époux s'étant mariés le 8 septembre 1990 et l'ordonnance de non-conciliation ayant été rendue le 1er avril 2008, la cour d'appel ne devait pas considérer que le mariage avait duré 22 ans dont 18 ans de vie commune mais 21 ans dont 18 ans de vie commune ;

- d'autre part, et cela est plus significatif, pour apprécier la disparité dans les conditions de vie respective des époux, les magistrats devaient prendre en considération les ressources des époux en 2011 et non en 2012, soit un salaire de 1 621 euros et non de 1 901,97 euros pour l'épouse.

Plus le temps passe, plus l'écart risque d'être important. L'époux condamné au versement de la prestation peut avoir intérêt à acquiescer au jugement prononçant son divorce, plus ou moins rapidement. La cour d'appel de renvoi, qui statuera probablement en 2015, devra être vigilante. Notons que l'épouse, qui a été condamnée aux dépens, n'est pas assurée que les prochains magistrats, souverains dans leur décision, lui accordent une prestation compensatoire, même s'ils "se placent au bon moment"...

Seconde affaire. Dans la seconde affaire retenue, relative à la date à laquelle le divorce prend force de chose jugée, un homme avait demandé un divorce pour altération définitive du lien conjugal et son épouse avait sollicité une prestation compensatoire.

Pour condamner l'époux au paiement d'une prestation d'un montant de 85 000 euros, la cour d'appel avait retenu que l'appel, formé le 26 juillet 2011 par l'époux à l'encontre du jugement en date du 29 juin 2011, étant expressément limité à la prestation compensatoire, le divorce était devenu définitif le 29 août 2011, de sorte qu'il convenait d'analyser les revenus et les charges des parties à ce moment-là.

A l'appui de son pourvoi, l'époux faisait valoir, qu'en l'absence d'appel incident, le prononcé du divorce n'était passé en force de chose jugée qu'à la date du dépôt des conclusions de l'intimée.

Dans un arrêt rendu le 30 avril 2014, la Cour de cassation a rappelé que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée. Or, en cas d'appel, le divorce n'acquiert pas force de chose jugée au moment du jugement mais à la date du dépôt des conclusions de l'intimé, lorsqu'il est certain que celui-ci ne remet pas en cause le divorce lui-même. La Haute juridiction a donc cassé et annulé l'arrêt d'appel de février 2013, en ce qu'il avait condamné l'époux à payer une prestation compensatoire à l'épouse en se plaçant au 29 août 2011.

Comme pour la première affaire, cette solution n'est pas nouvelle (cf. Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, n° 09-15.235, F-P+B+I N° Lexbase : A2426GN8 : "viole les articles 260 et 270, la cour d'appel qui énonce, l'appel étant limité à la prestation compensatoire, qu'elle évalue la situation des parties au jour du jugement, alors que le prononcé du divorce n'est passé en force de chose jugée qu'à la date du dépôt des conclusions de l'intimé") et est parfaitement logique, d'un point de vue juridique. Selon l'article 909 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0163IPQ), "l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 (N° Lexbase : L0162IPP) pour conclure et former, le cas échéant, appel incident". Il fallait donc attendre que l'épouse, intimée, dépose ses conclusions pour être sûr qu'elle ne formait pas un appel incident et que le divorce n'était pas remis en cause et prenait force de chose jugée.

D'un point de vue pratique, la solution peut donner un sentiment de "perte de temps", comme souvent lorsque la cassation porte sur un point de procédure, pourtant fondamentale. Le divorce prononcé par le jugement du 29 juin 2011 n'est pas devenu définitif le 29 août 2011 mais, étant donné l'appel de l'époux limité à la prestation compensatoire le 26 juillet 2011, avec des conclusions le 10 octobre 2011, à la date du dépôt des dernières conclusions par l'épouse, soit le 16 février 2012... selon l'arrêt d'appel (CA Metz, 19 février 2013, n° 11/02473 N° Lexbase : A8562I8M).

Il ressort des moyens annexes que ce couple est séparé de corps depuis 2003 et que la demande en divorce a été introduite en 2007. L'épouse, qui a été condamnée aux dépens par la Cour de cassation, comme dans la première affaire, attend désormais un nouvel arrêt de la cour d'appel de renvoi. Même si ce n'est pas certain, puisque cela relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, il est probable que la cour d'appel de renvoi conclut que le divorce a créé une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, en février 2012, comme la première cour d'appel l'avait estimé en se plaçant en juin 2011. Nous serons alors probablement en 2015 !

II - Fixation de la prestation compensatoire : éléments pris en considération (Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-12.602, F-D N° Lexbase : A5456MLN ; Cass. civ. 1, 14 mai 2014, n° 13-16.506, F-D N° Lexbase : A5605ML8 ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7554ETX et N° Lexbase : E7558ET4)

Selon l'alinéa 2 de l'article 271 du Code civil, le juge prend notamment en considération, pour la fixation de la prestation compensatoire : la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible... La jurisprudence précise régulièrement quels éléments peuvent ou ne peuvent pas être ajoutés à cette liste. Pourtant, dans deux arrêts rendus le 14 mai 2014, la Cour de cassation a encore dû rappeler ces précisions.

Première affaire. Dans la première affaire (pourvoi n° 13-12.602), un couple marié sous le régime de la séparation de bien divorçait. La cour d'appel avait condamné l'époux au paiement d'une prestation compensatoire après avoir constaté que les revenus salariaux des deux parties étaient à présent équivalents (entre 2 000 et 2 500 euros par mois, en moyenne) et relevé que l'époux avait, dans les années passées, mieux gagné sa vie, bien que ses profits fussent aléatoires (CA Poitiers, 28 novembre 2012, n° 12/00980 N° Lexbase : A8523IXX).

Visant les articles 270 et 271 du Code civil, la Cour de cassation a jugé qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, fondé sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce, la cour d'appel avait violé les textes susvisés. Elle a cassé et annulé l'arrêt en ce que, infirmant le jugement entrepris, il avait condamné l'époux à payer à l'épouse la somme de 35 000 euros à titre de prestation compensatoire.

La solution est parfaitement logique. Le fait que les époux aient des revenus équivalents après le divorce, alors qu'ils avaient des revenus différents lors du mariage, ne signifie pas obligatoirement que la séparation a créé une disparité dans les conditions de vie des époux. Le train de vie de l'épouse, créancière de la prestation, peut ne pas avoir changé. S'il y a une disparité dans les conditions de vie des ex-époux, celle-ci a pu exister antérieurement à l'union et être maintenue lors de celle-ci, notamment du fait de l'adoption du régime de séparation de biens.

Seconde affaire. Dans la seconde affaire jugée par la Cour de cassation le 14 mai 2014, relative aux éléments pris en considération pour la fixation de la prestation compensatoire (pourvoi n° 13-16.506), une cour d'appel avait retenu, pour condamner l'époux à payer une prestation compensatoire d'un montant de 38 400 euros, parmi les ressources perçues par l'épouse, la pension versée au titre du devoir de secours et la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. La Cour de cassation a cassé cet arrêt, estimant que la cour d'appel avait violé les articles 270 et 271 du Code civil.

La solution est connue. Il a déjà été jugé que, dans l'appréciation d'une éventuelle disparité dans les conditions de vie respectives des époux, les sommes versées au titre de la contribution d'un époux à l'entretien et à l'éducation des enfants du couple constituent des charges venant en déduction des ressources de l'époux débiteur (Cass. civ. 2, 10 mai 2001, n° 99-17.255 N° Lexbase : A4303ATK, Bull. civ. II, n° 93) et que, pour apprécier les ressources du conjoint ayant la garde des enfants, le juge ne peut prendre en considération les sommes versées par l'autre conjoint au titre de la contribution à l'entretien des enfants (Cass. civ. 1, 25 mai 2004, n° 02-12.922, FS-P+B N° Lexbase : A2708DCB, Bull. civ. I, n° 148).

Et cela est parfaitement logique. Ni la pension alimentaire accordée à l'épouse au titre du devoir de secours pendant la durée de l'instance, ni la pension alimentaire versée par l'époux pour l'entretien et l'éducation de l'enfant du couple ne doivent être prise en considération pour la fixation de la prestation compensatoire. La première est temporaire et résulte de la séparation tandis que la seconde, certes parfois plus pérenne, ne bénéficie pas à l'époux créancier.

Dans ces deux affaires aussi, les épouses (et les époux) attendent, après plusieurs années de procédure, de savoir si elles vont pouvoir obtenir (et s'ils vont devoir verser) une prestation compensatoire. Les solutions étant connues et logiques, on peut se demander si les avocats et magistrats connaissaient la jurisprudence ou s'ils espéraient un revirement !

newsid:442458

Divorce

[Brèves] L'attribution d'un bien à titre de prestation compensatoire : une modalité subsidiaire d'exécution

Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-15.760, F-P+B+I (N° Lexbase : A8067MN4)

Lecture: 1 min

N2446BU7

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Le 06 Juin 2014

L'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire, sur le fondement de l'article 274, 2°, du Code civil (N° Lexbase : L2840DZ9) ne peut être ordonnée par le juge qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire qu'après avoir constaté que les autres modalités d'exécution n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation. Telle est la solution qui se dégage de l'arrêt rendu le 28 mai 2014 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-15.760, F-P+B+I N° Lexbase : A8067MN4). En l'espèce, pour imposer à M. X le règlement de la prestation compensatoire par l'abandon de la part dont il était titulaire dans l'appartement commun, la cour d'appel avait énoncé que la disparité constatée dans les conditions de vie des époux au détriment de l'épouse serait compensée par l'octroi d'une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 euros sous la forme de l'attribution en pleine propriété de l'immeuble commun. La décision est censurée par la Cour suprême qui se réfère à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 juillet 2011 (Cons. const., décision n° 2011-151 QPC, du 13 juillet 2011 N° Lexbase : A9939HUN), aux termes de laquelle l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du Code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu'elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation. Aussi, selon la Cour de cassation, en statuant comme elle l'avait fait, sans constater que les modalités prévues au 1° de l'article 274 du Code civil n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale (cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7565ETD).

newsid:442446

Divorce

[Brèves] QPC : inconstitutionnalité des dispositions excluant la prise en compte pour le calcul de la prestation compensatoire des indemnités de réparation et de compensation d'un handicap

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 (N° Lexbase : A6403MPT)

Lecture: 1 min

N2466BUU

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Le 05 Juin 2014

Par décision rendue le 2 juin 2014, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution le second alinéa de l'article 272 du Code civil (N° Lexbase : L8783G8S), relatif à la fixation de la prestation compensatoire, prévoyant que, "dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap" (Cons. const., décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 N° Lexbase : A6403MPT ; cf. l’Ouvrage "Droit du divorce" N° Lexbase : E7562ETA). En effet, d'une part, selon les Sages, en excluant des éléments retenus pour la calcul de la prestation compensatoire les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail, le second alinéa de l'article 272 du Code civil empêche de prendre en compte des ressources destinées à compenser, au moins en partie, une perte de revenu alors que, par ailleurs, toutes les autres prestations sont prises en considération dès lors qu'elles assurent un revenu de substitution. D'autre part, en application de l'article 271 du Code civil (N° Lexbase : L3212INB), il incombe au juge, pour fixer la prestation compensatoire selon les besoins et ressources des époux, de tenir compte notamment de leur état de santé. En excluant la prise en considération des sommes versées à titre de compensation du handicap dans la détermination des besoins et ressources, les dispositions contestées ont pour effet d'empêcher le juge d'apprécier l'ensemble des besoins des époux, et notamment des charges liées à leur état de santé. Il en résulte que ces dispositions méconnaissent l'égalité devant la loi. Il est précisé que l'abrogation du second alinéa de l'article 272 du Code civil prend effet à compter de la publication de sa décision ; elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Les prestations compensatoires fixées par des décisions définitives en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

newsid:442466

Droit de la famille

[Communiqué] Rapport de la Commission européenne du 15 avril 2014 sur l'application du Règlement "Bruxelles II bis" : les prémices d'un futur Règlement "Bruxelles II ter" ?

Réf. : Rapport de la Commission européenne sur l'application du Règlement "Bruxelles II bis", communiqué du 15 avril 2014, COM (2014) 225 final

Lecture: 13 min

N2580BU4

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par Guillaume Payan, Maître de conférences à l'Université de Toulon, Membre du CDPC-JCE (UMR CNRS 7318)

Le 10 Juin 2014

Le 15 avril 2014, la Commission européenne a diffusé un rapport sur l'application du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (N° Lexbase : L0159DYK), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 (N° Lexbase : L6913AUL) (1). Elle entend, en cela, se conformer aux dispositions de l'article 65 du Règlement "Bruxelles II bis" (2), aux termes duquel : "au plus tard le 1er janvier 2012, et ensuite tous les cinq ans, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen, sur la base des informations fournies par les Etats membres, un rapport relatif à l'application du présent règlement, accompagné le cas échéant de propositions visant à l'adapter". Si elle y présente le Règlement "Bruxelles II bis" comme "un instrument efficace [ayant] apporté de nombreux bienfaits aux citoyens", la Commission considère néanmoins que les règles actuellement en vigueur pourraient être améliorées (3). En conséquence, comme c'est généralement le cas dans ce type de document, son rapport contient des suggestions qui sont autant de pistes de réformes envisageables (II). Avant de présenter brièvement le contenu de ce rapport, sa publication donne l'occasion de s'interroger sur la pertinence de la démarche adoptée, par la Commission européenne, lors du réexamen des Règlements européens élaborés dans le domaine de la coopération judiciaire civile (I). I - Le contexte du rapport : le(s) processus de réexamen adopté(s) par la Commission européenne

Tous les principaux Règlements en vigueur dans le domaine de la coopération judiciaire civile (4) prévoient leur réexamen. La prévision de ce réexamen, qui peut conduire à l'abrogation de l'instrument législatif examiné et à son remplacement par un nouvel instrument (5), témoigne de la volonté du législateur de l'Union européenne (6) d'apporter une réponse adaptée, adaptable et non figée à la problématique de la construction d'un véritable Espace judiciaire européen.

Concrètement, chaque Règlement européen contient un article dans lequel il est demandé à la Commission européenne de rédiger, à plus ou moins brève échéance, un rapport sur l'application qui en a été fait dans les différents Etats membres de l'Union européenne. Le rapport du 15 avril 2014 donne une nouvelle illustration de l'interprétation faite, par la Commission européenne, de ce type de dispositions. A la vérité, ce rapport confirme et étaye les deux principaux enseignements que l'on peut tirer de l'analyse des rapports publiés à ce jour dans le domaine considéré : d'une part, le non-respect de la date butoir imposée par le législateur de l'Union européenne (A) et, d'autre part, le manque de lisibilité du processus suivi par la Commission européenne (B).

A - Le non-respect de la date butoir fixée par le législateur de l'Union européenne

Le rapport sur l'application du Règlement "Bruxelles II bis" aurait dû être rédigé "au plus tard le 1er janvier 2012" (7). Un retard de plus de deux ans est donc à déplorer. Il ne s'agit pas là d'une exception. On constate que la Commission européenne ne respecte généralement pas les délais imposés par le législateur de l'Union européenne pour élaborer ces rapports. Ces retards oscillent entre 6 mois (8) (ce qui est peu) et deux ans et demi (9) (ce qui est plus contestable).

Dans le même ordre d'idées, on constate que la Commission européenne ne suit pas la chronologie de l'adoption des Règlements. C'est ainsi que le rapport d'application du Règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 sur le règlement des petits litiges (N° Lexbase : L1110HYR) a été communiqué en novembre 2013 (10), alors que celui sur l'application du Règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006, instituant une procédure d'injonction de payer européenne (N° Lexbase : L1426IRA), se fait attendre.

Ces retards sont problématiques. Outre les interrogations qu'ils suscitent quant aux relations entre le législateur de l'Union européenne et la Commission européenne, l'accumulation de ces retards nuit à la qualité de l'action de l'Union européenne tendant à l'élaboration d'un véritable Espace judiciaire européen. En effet, parvenir à la création d'un tel espace ne suppose pas forcément de multiplier les Règlements européens. Il faut, en revanche, veiller à l'efficacité et à la bonne application, dans les Etats membres, des procédures instituées par ces Règlements. D'où l'importance d'être rigoureux dans l'élaboration de ces rapports d'étapes qui permettent de diagnostiquer les difficultés et besoins révélés par la pratique.

B - Le manque de lisibilité du processus suivi par la Commission européenne

Aux côtés des retards systématiques, l'analyse de l'action de la Commission européenne révèle que le processus de réexamen utilisé varie grandement en fonction du Règlement concerné, sans que de telles différences ne soient expliquées et, a fortiori, justifiées. Ces différences concernent aussi bien les travaux préalables, que les conséquences immédiates de la rédaction de ces rapports. A titre d'exemple, le même jour, ont été diffusés le rapport sur l'application du Règlement (CE) n° 44/2001 dit "Bruxelles I" (11) et un livre vert (12) concernant la révision de ce Règlement. En revanche, s'agissant du Règlement (CE) n° 861/2007 dit "Règlement petits litiges", à la même date, ont été adoptés un rapport sur son application (13), une analyse d'impact (14) et une proposition de Règlement modificatrice (15). Il en va encore différemment pour le Règlement (CE) n° 2201/2003 dit "Bruxelles II bis". La rédaction du rapport sur l'application de ce dernier Règlement est seulement conçue comme la première (16) étape d'un processus conduisant à une éventuelle (17) réforme (souhaitée par la Commission européenne). En effet, à la suite de l'adoption de ce rapport, la Commission européenne a lancé une consultation publique (18) devant se dérouler du 15 avril 2014 au 18 juillet de cette même année. A cette fin, un questionnaire, accessible -seulement en anglais- sur le site internet de la Commission européenne, a été mis à la disposition de toutes personnes intéressées (19). Sur la base des réponses fournies dans le cadre de cette consultation, la Commission rédigera un nouveau rapport accompagné, le cas échéant, d'une proposition de Règlement portant modification du Règlement "Bruxelles II bis".

On peut, là encore, regretter l'attitude de la Commission européenne. Le processus de réexamen des différents Règlements européens adoptés dans le domaine de la coopération judiciaire civile devrait être standardisé. Du moins, le respect d'une démarche plus cohérente apparaît-il grandement souhaitable. Il convient, à ce sujet, de distinguer la démarche employée pour réexaminer les Règlements européens et les suites à donner à ce réexamen. Ces dernières doivent, par définition, être propres à chaque Règlement européen et dépendre des résultats des études menées. Il apparaît que la rédaction d'un rapport sur l'application d'un Règlement ne devrait pas avoir seulement pour objet de lancer -ou d'orienter ?- le débat subséquent. La tenue d'une consultation publique devrait, au contraire, précéder la rédaction du rapport afin d'en enrichir le contenu et d'étayer les suggestions de réforme avancées par la Commission européenne. Il est vrai que, dans le rapport du 15 avril 2014 (20), la Commission indique avoir tenu compte "des courriers, des plaintes et des pétitions transmis par les citoyens européens" et s'être basée sur les informations recueillies auprès des membres du Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale. Cependant, elle n'apporte aucune précision supplémentaire sur ce point (21). De même, la Commission européenne affirme prendre appui sur "les études disponibles" (22). Toutefois, sans aucunement mettre en doute la grande qualité de ces études, on peut remarquer qu'elles sont déjà "anciennes". Sept études sur les huit citées datent d'au moins quatre ans ; la huitième est plus récente (2012) mais ne concerne pas spécifiquement l'application du Règlement (CE) n° 2201/2003.

II - Le contenu du rapport : les pistes de réformes avancées par la Commission européenne

Si le processus de réexamen suivi par la Commission européenne prête le flanc à la critique, l'analyse du contenu du rapport du 15 avril 2014 n'en est pas moins intéressante. La Commission européenne y avance certaines pistes de réformes qui pourraient être intégrées dans une prochaine proposition législative portant modification du Règlement (CE) n° 2201/2003. Suivant la structure dudit Règlement, le rapport contient des suggestions concernant la compétence internationale des juridictions (A), la reconnaissance et l'exécution des décisions prononcées (B) ainsi que la coopération transfrontière des autorités centrales mises en place pour le bon fonctionnement du Règlement (C).

A - La compétence internationale des juridictions

En ce qui concerne les règles relatives à la compétence juridictionnelle, les suggestions de la Commission européenne s'articulent principalement autour de deux axes : l'intégration de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et un certain alignement sur des solutions retenues dans des Règlements européens plus récents.

L'intégration de la jurisprudence de la CJUE. Le Règlement "Bruxelles II bis" est applicable, depuis le 1er mars 2005, dans un domaine où le contentieux est abondant (23). Il a donné lieu à de très nombreuses décisions tant des juridictions internes, que de la CJUE. Saisie essentiellement de demandes de décisions préjudicielles formées par les juridictions des Etats membres de l'Union européenne, la CJUE a dû préciser le sens qu'il convenait de donner aux notions utilisées et interpréter plusieurs dispositions du Règlement, dont celles ayant trait à la compétence internationale des juridictions (24). Cette jurisprudence favorise l'application uniforme du Règlement dans les Etats membres et pourrait opportunément être "codifiée", c'est-à-dire intégrée dans une nouvelle version du Règlement. C'est du moins l'une des suggestions émises par la Commission européenne.

En matière matrimoniale (25), la Commission européenne mentionne notamment l'arrêt "Hadadi" du 16 juillet 2009 (26) dans lequel la CJUE précise le sens à donner à la règle de compétence "fondée sur la nationalité des deux époux" (Règl., art. 3, § 1, point b)) dans le cas où chacun des époux possède la nationalité des deux mêmes Etats membres. On pourrait ainsi imaginer que le futur règlement européen "Bruxelles II ter" contienne une disposition supplémentaire régissant cette situation sur la base de la jurisprudence de la CJUE et retenant le principe suivant lequel les époux peuvent saisir, selon leur choix, la juridiction de l'Etat membre devant laquelle le litige sera porté.

En matière de responsabilité parentale, la Commission européenne rappelle notamment les précisions apportées dans la jurisprudence de la CJUE (27) sur la notion centrale de "résidence habituelle", autour de laquelle gravitent les dispositions du Règlement intéressant la compétence juridictionnelle. On pourrait tout à fait concevoir que la définition jurisprudentielle de cette notion soit incluse dans la liste figurant actuellement dans l'article 2 du Règlement. Par hypothèse, cette liste serait enrichie de la définition suivante : aux fins du présent Règlement, on entend par "résidence habituelle d'un enfant", "l'endroit où est situé le centre des intérêts de l'enfant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de fait pertinentes, notamment de la durée et de la régularité du séjour, ainsi que de son intégration familiale et sociale". Il ne s'agit là que d'un exemple. La Commission européenne met aussi l'accent sur les arrêts de la CJUE interprétant l'article 19 (jurisprudence sur l'application de la règle de litispendance (28)) ou l'article 20 (jurisprudence relative aux mesures conservatoires pouvant être prises par une juridiction en cas d'enlèvement d'enfant (29)) du Règlement.

L'alignement sur les Règlements européens plus récents. L'intensification de la coopération judiciaire dans les matières du droit de la famille lato sensu fait l'objet d'une attention croissante de la part du législateur de l'Union européenne. Il y a encore cinq ans, le Règlement "Bruxelles II bis" était le seul instrument en vigueur dans ce domaine. Depuis, on le sait, ont été adoptés le Règlement (CE) n° 4/2009 du 18 décembre 2008, relatif aux obligations alimentaires (30) et le Règlement (UE) n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 concernant la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (dit "Rome III") (31). Outre le Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, qui concerne les successions transfrontières (32), on compte également deux propositions de Règlement, datant du 16 mars 2011 et s'inscrivant en droit de la famille : la proposition de Règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière d'effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (33) et la proposition de Règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (34). L'ensemble de ces textes forme le contexte dans lequel s'inscrit désormais le Règlement "Bruxelles II bis". Avec raison, la Commission européenne souhaite que le réexamen de ce dernier se fasse à la lumière des solutions qui sont retenues dans cet environnement législatif (35). Cela doit être approuvé. Le réexamen d'un Règlement européen doit être l'occasion d'adopter les solutions pertinentes privilégiées dans d'autres Règlements plus récents et de favoriser ainsi la cohérence et la lisibilité de l'action de l'Union européenne. Il est à souligner que la Commission européenne entend également s'inspirer des solutions, relatives à la compétence juridictionnelle, contenues dans une première proposition législative visant à modifier le règlement "Bruxelles II bis", qui avait été adoptée en 2006 (36) et "retirée" en 2013 (37).

A titre d'exemple, concernant la matière matrimoniale, la Commission européenne rappelle que le Règlement (CE) n° 2201/2003 n'"offre pas aux époux la possibilité de désigner le tribunal compétent d'un commun accord", alors que les instruments plus récents (dont le Règlement (CE) n°4/2009 et le Règlement (UE) n° 650/2012) "accordent généralement une certaine autonomie aux parties" (38). Elle se déclare ainsi favorable à introduire, dans le Règlement "Bruxelles II bis" modifié, "une autonomie limitée des parties permettant aux époux de convenir du tribunal compétent, [ce qui] pourrait être particulièrement utile dans les divorces par consentement mutuel, d'autant plus que les époux ont la possibilité, en vertu du Règlement "Rome III", de convenir de la loi applicable à leur litige matrimonial".

Dans le même sens, la Commission (39) déplore que, contrairement à des Règlements européens plus récents, le Règlement "Bruxelles II bis" ne prévoit pas de forum necessitatis (ou compétence de "nécessité" qui permet, exceptionnellement de faire connaître à une juridiction d'un Etat membre un litige qui présente un lien avec un Etat tiers, dans le but de remédier notamment à des situations de déni de justice) ou, inversement, des dispositions apportant de plus amples précisions sur les cas où les juridictions des Etats membres ont la possibilité de décliner leur compétence en faveur d'une juridiction d'un Etat tiers.

B - La reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires

On le sait, l'objectif de la Commission européenne est de parvenir à la suppression généralisée de l'exequatur dans le domaine de la coopération judiciaire civile et, par voie de conséquence, dans l'ensemble des matières couvertes par le Règlement "Bruxelles II bis" (40). Néanmoins, la réalisation de cet objectif suppose de prévoir des garanties de nature à accroître le niveau de confiance mutuelle entre les Etats membres. A ce titre, de façon assez classique, la Commission suggère notamment (41) la création prochaine de "normes de procédure minimales communes".

La poursuite de la suppression de l'exequatur. Le Règlement "Bruxelles II bis" offre la première illustration de la suppression de la procédure d'exequatur en matière civile. Cette suppression concerne certaines décisions, à savoir les décisions certifiées relatives au droit de visite et au retour de l'enfant en cas d'enlèvement. Cela est d'autant plus remarquable que, dans le domaine du "droit de la famille", les instruments législatifs européens -Directives et Règlements- sont adoptés suivant une procédure législative spéciale qui se caractérise principalement par un vote à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne (42).

Pour la Commission européenne (43), le fait que la suppression de l'exequatur soit actuellement limitée à certains types de décisions constitue une source de complication, par exemple, dans des affaires où il est non seulement question de la reconnaissance transfrontière d'un droit de visite, mais également d'un droit de garde (ces deux questions étant soumises à des régimes juridiques différents). La Commission justifie également l'extension de la suppression de l'exequatur à d'autres catégories de décisions judiciaires en soulignant les interprétations juridictionnelles divergentes dont font l'objet les motifs de refus de reconnaissance transfrontalière et, singulièrement, le motif de l'"ordre public".

Ayant sans doute retenu les enseignements du processus de révision du Règlement (CE) n° 44/2001 dit "Bruxelles I", la Commission européenne reconnaît toutefois que la suppression généralisée de l'exequatur ne peut se concevoir sans "garanties". A ce titre, elle évoque l'introduction de "normes de procédure minimales communes".

La perspective de "normes de procédure minimales communes". La solution d'élaborer des "normes de procédure minimales communes" n'est pas nouvelle. Loin s'en faut. Elle a été concrétisée -de façon plus ou moins heureuse- dans les Règlements (CE) n° 805/2004 "Titre exécutoire européen", (CE) n° 1896/2006 "Injonction de payer européenne" et (CE) n° 861/2007 "Règlement petits litiges". C'est également cette solution qui a récemment été suggérée, par la Commission européenne, dans le domaine de la notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires (44).

La question se pose alors de savoir quel sera l'objet de ces normes minimales. Un début de réponse est avancé dans le rapport du 15 avril 2014. Il apparaît que ces normes devraient notamment concerner l'audition de l'enfant dans les procédures visées par le Règlement "Bruxelles II bis" (45). De même, des normes minimales communes pourraient porter sur les procédures d'exécution des décisions de justice -particulièrement, les décisions de retour en cas d'enlèvements d'enfants- dans les Etats membres (46). Par hypothèse, ces normes auraient pour objet de garantir une exécution effective et rapide des décisions prononcées dans les domaines couverts par le règlement. Cette dernière piste de réflexion confirme la volonté de la Commission d'étendre l'emprise de l'Union européenne dans le domaine de l'exécution forcée (ou exécution proprement dite) des titres exécutoires (47).

C - La coopération entre les autorités centrales

Tout comme cela est le cas pour les règles de compétences juridictionnelles et celles relatives à la reconnaissance et à l'exécution des titres, le Règlement "Bruxelles II bis" consacre un chapitre à la "coopération entre les autorités centrales en matière de responsabilité parentale" (48). Nul n'est besoin d'insister sur la grande importance de ce type de coopération pour une application optimale des Règlements européens, en général, et du Règlement "Bruxelles II bis", en particulier. Outre leurs fonctions générales (telles que l'échange d'informations sur les législations et procédures nationales (49)), le Règlement "Bruxelles II bis" confie à ces autorités d'importantes fonctions dans des affaires en cours (ex. échanger des informations sur la situation de l'enfant ; fournir une assistance aux titulaires de l'autorité parentale ; faciliter la conclusion d'accords entre les titulaires de l'autorité parentale (50)).

La Commission européenne, qui souligne le précieux apport du Réseau judiciaire européen pour faciliter le dialogue entre les autorités centrales, souhaite optimiser leur coopération.

Le précieux apport du Réseau judiciaire européen. Le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale (51) constitue une structure de dialogue et d'échanges entre les principaux acteurs de l'Espace judiciaire européen. Ces échanges portent principalement sur des questions générales tenant à l'application des Directives et Règlements européens. Toutefois, ils peuvent également concerner des affaires en cours. Cela est particulièrement vrai en matière de responsabilité parentale ou dans les cas d'enlèvements transfrontières d'enfants. A ce sujet, la Commission européenne constate que, depuis 2010, 155 affaires ont été discutées dans le cadre de réunions bilatérales (52).

Optimisation de la coopération entre les autorités centrales. Pour améliorer la coopération entre les autorités centrales, la Commission européenne suggère d'apporter différentes précisions concernant l'exercice concret des missions qui leurs sont conférées. A titre d'exemples, des éclaircissements seraient bienvenus en ce qui concerne l'étendue de leur obligation de recueillir et d'échanger des informations sur la situation de l'enfant, la célérité dans le traitement des demandes ou encore la traduction des informations transmises. La rédaction de guides pratiques est également évoquée (53).


(1) COM (2014) 225 final. Ci-après "le rapport du 15 avril 2014".
(2) JOUE n° L 338, 23 décembre 2003, p. 1.
(3) Rapport du 15 avril 2014, conclusion, spéc. p. 18.
(4) A l'exception notable, toutefois, du Règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (N° Lexbase : L1994DYI) (JOUE n° L 143, 30 avril 2004, p. 15).
(5) Cela a par exemple été le cas dans le domaine de la notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Le Règlement (CE) n° 1348/2000 du 29 mai 2000 (N° Lexbase : L6912AUK) a été abrogé et remplacé par le Règlement (CE) n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 (N° Lexbase : L4841H3P) (JOUE n° L 324, 10 décembre 2007, p. 79).
(6) C'est-à-dire, sauf exception, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne.
(7) Règlement (CE) n° 2201/2003, art. 65.
(8) Par exemple, dans le domaine des entreprises en difficultés : Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, COM(2012) 743 final, 12 décembre 2012.
(9) Par exemple, dans le domaine de la notification transfrontière des actes : Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ("signification ou notification des actes"), COM(2013) 858 final, 4 décembre 2013.
(10) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, COM(2013)795 final, 19 novembre 2013.
(11) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, COM(2009) 174 final, 21 avril 2009.
(12) COM (2009) 175 final, 21 avril 2009.
(13) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, précité.
(14) Document de travail des services de la Commission, Résumé de l'analyse d'impact accompagnant la Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges et le Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer (COM(2013) 794 final, SWD(2013) 460 final, 19 novembre 2013).
(15) Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de Règlement des petits litiges et le Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer, COM(2013) 794 final, 19 novembre 2013.
(16) En ce sens, la Commission européenne concède que ce "rapport constitue une première évaluation de l'application du Règlement à ce jour et ne prétend pas être exhaustif" (Rapport du 15 avril 2014, introduction, p. 4 ; Adde, conclusion, p. 18).
(17) Il est à souligner que les rapports sur l'application des Règlements européens ne s'accompagnent pas tous d'une proposition de réforme. En ce sens, voir par exemple le Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, COM(2007) 769 final, 5 décembre 2007.
(18) Consultation publique sur le fonctionnement du Règlement n° 2201/2003 dit "Bruxelles II bis".
(19) Questionnaire relatif à la consultation publique sur le fonctionnement du Règlement n° 2201/2003 dit "Bruxelles II bis", qui peut être directement complété en ligne.
(20) Rapport du 15 avril 2014, introduction, spéc. p. 4.
(21) Sauf à évoquer des réponses du Réseau judiciaire européen à un questionnaire de la Commission de 2013.
(22) Ces études sont énumérées en annexe du rapport. Parmi celles consacrées spécifiquement aux questions traitées dans le Règlement (CE) n° 2201/2003, voir notamment Parlement européen, Exercice transfrontière du droit de visite, 2010, étude n° PE432.735, 18 p. (par G. Thoma-Twaroch), ainsi que Parlement européen, La responsabilité parentale, la garde des enfants et le droit de visite en cas de séparation transfrontalière, étude n° PE 425.615, 311 p. (par l'Institut suisse de droit comparé - ISDC), disponible à l'adresse suivante.
(23) La Commission européenne met en exergue le nombre "croissant de couples internationaux", directement concernés par l'application de ce Règlement, ainsi que le "taux élevé de divorce dans l'Union" (Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 1.1.) et ses conséquences en matière de droit de garde et de droit de visite (Ibid., point 1.2.).
(24) Les règles de compétence sont insérées dans le chapitre II du Règlement, aux articles 3 à 20.
(25) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 1.1.
(26) CJCE, 16 juillet 2009, aff. C-168/08 (N° Lexbase : A9691EIR) ; Rec., p. I-6871 ; Europe, octobre 2009, comm. 389, note L. Idot ; Procédures, novembre 2009, comm. 361, note C. Nourissat ; Procédures, juin 2008, comm. 172, note C. Nourissat ; D. 2009, p. 2106, obs. V. Egéa ; RTD eur. avr.-juin 2010, p. 430, obs. M. Douchy-Oudot ; RJPF, novembre 2009, p. 16, note M.-C. Meyzeaud-Garaud ; RLDC, novembre 2009, p. 44, note E. Pouliquen.
(27) Par ex. CJCE, 3ème ch., 2 avril 2009, aff. C-523/07 (N° Lexbase : A3008EE7), Europe, juin 2009, comm. 265, note L. Idot ; Procédures, août 2009, comm. 277, note C. Nourissat. Voir égal. CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-497/10 PPU (N° Lexbase : A7112GNQ), Europe, mars 2011, comm. 117, note L. Idot ; Procédures, février 2011, comm. 60, note C. Nourissat ; RTD eur., avril-juin 2011, p. 481, obs. M. Douchy-Oudot.
(28) CJUE, 1ère ch., 22 décembre 2010, aff. C-497/10 PPU, précité.
(29) CJUE, 3ème ch., 23 décembre 2009, aff. C-403/09 PPU (N° Lexbase : A9030EP7) ; Europe, janvier 2010, comm. 57, note L. Idot ; Procédures, mars 2010, comm. 73, note C. Nourissat ; Droit de la famille, février 2010, alerte 7, note M. Bruggeman ; RTD eur. avr.-juin 2010, p. 430, obs. M. Douchy-Oudot ; D., 2010, p. 1055, note C. Brière ; RLDC, février 2010, p. 42, note E. Pouliquen.
(30) JOUE n° L 7, 10 janvier 2009, p. 1.
(31) JOUE n° L 343, 29 décembre 2010, p. 10.
(32) JOUE n° L 201, 27 juillet 2012, p. 107.
(33) COM(2011) 127 final, 16 mars 2011.
(34) COM(2011) 126 final, 16 mars 2011.
(35) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 1.1.
(36) Proposition de Règlement du Conseil modifiant le Règlement (CE) n° 2201/2003 en ce qui concerne la compétence et instituant des règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale, COM(2006) 399 final, 17 juillet 2006.
(37) JOUE n° C 109, 16 avril 2013, p. 7. C'est sur la base des dispositions relatives à la loi applicable en matière matrimoniale, contenues dans cette proposition de Règlement, qu'a été rédigé le Règlement (UE) n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 concernant la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (dit "Rome III" N° Lexbase : L0201IP7).
(38) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 1.1.
(39) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 1.3.
(40) Dans ce règlement, les règles relatives à la reconnaissance et à l'exécution sont regroupées dans le chapitre III (art. 21 à 52).
(41) A noter que la Commission européenne recommande également de réformer les dispositions de l'article 56 du Règlement "Bruxelles II bis" (article relatif au placement de l'enfant dans un établissement ou une famille d'accueil dans un autre Etat membre). Plus précisément, il s'agirait de remplacer le renvoi fait actuellement à la législation de l'Etat membre d'accueil, par une procédure européenne uniformisée (Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 6).
(42) TFUE, article 81, § 3 (N° Lexbase : L2733IPW). Cette procédure déroge en cela à la "procédure législative ordinaire" (décrite à l'article 294 TFUE N° Lexbase : L2611IPE), applicable en principe en matière civile et commerciale, qui prévoit un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil. L'autre grande différence réside dans le rôle accordé au Parlement européen. Dans la procédure législative ordinaire, il joue un rôle de "co-législateur", alors que dans la procédure spéciale il est simplement consulté.
(43) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 2.
(44) Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l'application du Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale ("signification ou notification des actes"), précité.
(45) Rapport du 15 avril 2014, spéc. points 2 et 4.
(46) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 5.
(47) Adde, le Règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant création d'une procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale (non encore publié au JOUE).
(48) Il s'agit du chapitre IV du Règlement, correspondant aux articles 53 à 58.
(49) Règlement (CE) n° 2201/2003, art. 54.
(50) Règlement (CE) n° 2201/2003, art. 55.
(51) Décision n° 2001/470/CE du 28 mai 2001 du Conseil relative à la création d'un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la décision n° 568/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 (JOCE n° L 174, 27 juin 2001, p. 25 et JOUE n° L 168, 30 juin 2009, p. 35).
(52) Rapport du 15 avril 2014, spéc. point 3.
(53) A remarquer qu'il en existe déjà, tel que le Guide pratique pour l'application du nouveau Règlement Bruxelles II, 2005, 64 p..

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Droit rural

[Jurisprudence] Clause de reprise sexennale du bailleur en cas de bail verbal

Réf. : Cass. civ. 3, 7 mai 2014, n° 13-14.152, FS-P+B (N° Lexbase : A5521ML3)

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N2545BUS

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Nancy (Université de Lorraine, Institut François Gény, EA 7301, Nancy), Président de l'AFDR Section Lorraine

Le 29 Juillet 2017

La clause de reprise sexennale d'un bail rural renouvelé est rarement évoquée devant la Cour de cassation. Elle est au coeur de la procédure judiciaire à l'origine de l'arrêt rendu le 7 mai 2014 par la troisième chambre civile de la Haute juridiction. Un couple de propriétaires a donné à bail verbal des parcelles à un preneur. A la suite d'un premier différend, en application d'un jugement de conciliation totale du 25 mars 2001 rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux, le bail est devenu écrit, aux clauses et conditions des baux ordinaires résultant du statut du fermage. Pour autant, la cour d'appel (1) considère que le bail ne s'est pas transformé en bail écrit du seul fait de la conciliation intervenue en 2001, celle-ci ayant eu pour effet de reconnaître l'existence d'un bail sans pour autant constituer un support écrit du bail rural. Ce bail a été renouvelé le 1er octobre 2009. En octobre 2001, les bailleurs ont saisi le tribunal pour demander l'insertion d'une clause de reprise sexennale. Pour s'y opposer le preneur indique qu'une telle demande ne peut être faite qu'au moment du renouvellement du bail, et non deux ans après. A l'opposé, les bailleurs affirment que l'article L. 411-6 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0847HP3) n'impose aucun délai pour la demande d'insertion d'une telle clause dans le bail renouvelé. Dans ce contexte, la cour d'appel, par un arrêt du 13 décembre 2012, a considéré qu'en application de l'article L. 411-4 du code précité (N° Lexbase : L3136AEU), le bail verbal est censé fait aux conditions fixées par le contrat-type départemental. Pour autant, il n'est pas possible d'en déduire que la clause sexennale est automatiquement incluse dans le bail rural, lorsque le contrat-type départemental se borne à renvoyer en termes généraux aux dispositions du statut ou à prévoir une faculté laissée au choix des parties. Pour la cour d'appel, le bailleur ne peut se voir reconnaître le bénéfice de la clause de reprise. Il aurait fallu que le contrat-type lui en ait réservé la possibilité sans ambiguïté. Ainsi, la cour d'appel confirme le jugement entrepris et déboute les bailleurs de leur demande. Dans leur pourvoi, ces derniers invoquent la violation des articles L. 411-4 et L. 411-6 du Code rural et de la pêche maritime. Ils soutiennent que la demande d'insertion d'une clause sexennale dans le bail renouvelé n'est enfermée dans aucun délai. En outre, ils prétendent que le contrat-type départemental prévoit l'insertion de cette clause dans les baux verbaux. Par un arrêt du 7 mai 2014, la Cour de cassation rappelle que le bailleur est toujours en droit, quelle que soit la forme du bail, de demander l'insertion dans le bail renouvelé d'une clause de reprise sexennale. Ainsi, cette décision permet de rappeler les conditions d'insertion de cette clause dans le bail rural (I) et ce, y compris dans un bail verbal (II).

I - L'insertion d'une clause de reprise sexennale

En principe, la reprise des terres louées pour les exploiter en faire-valoir direct par le propriétaire s'exerce principalement en fin de bail (2). Elle provoque un contentieux relativement important, notamment à propos du congé délivré en fin de bail, destiné à avertir le preneur que le bailleur souhaite reprendre les terres pour les exploiter directement, ou par l'intermédiaire d'un membre de sa famille. Toutefois, l'exploitation en faire-valoir direct étant l'un des principaux objectifs du statut du fermage, le législateur a permis au bailleur la possibilité de reprendre les biens loués, au cours du bail renouvelé, au moyen d'une clause de reprise, trois ans avant l'échéance du bail renouvelé, autrement dit six ans après le renouvellement du bail, d'où son nom de clause de reprise sexennale. Initialement (3), ce dispositif devait permettre aux descendants du bailleur, mineurs lors de la conclusion du bail initial, de pouvoir reprendre les parcelles pour les exploiter personnellement, après avoir atteint l'âge de la majorité, fixée avant 1974, à 21 ans. La loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 (N° Lexbase : L9121AGW) a étendu le bénéfice de ce dispositif au conjoint, puis plus récemment au partenaire d'un pacte civil de solidarité (4).

Contrairement au droit de reprise en fin de bail, les conditions de mise en oeuvre de la clause sexennale sont beaucoup plus souples. Ainsi, l'article L. 411-6 du Code rural et de la pêche maritime dispose que le preneur ne peut s'opposer à l'insertion de cette clause lors du renouvellement du bail. Par conséquent, il n'est pas obligatoire que la clause figure, dès l'origine, dans la convention régissant la relation entre les parties. Ainsi, le bailleur dispose, en quelque sorte, du "droit de modifier la règle du jeu" sans que le preneur ne puisse s'y opposer d'une quelconque façon. En effet, la jurisprudence considère que la clause de reprise sexennale peut figurer soit dans le bail initial, soit dans le bail renouvelé (5). En outre, le bénéfice d'un plan de continuation ne permet pas de s'opposer à l'insertion d'une telle clause (6). Sur ce point, le caractère d'ordre public du statut du fermage prime le droit des entreprises en difficulté.

Par ailleurs, le législateur n'impose aucune condition de délai pour insérer la clause de reprise sexennale. En effet, l'article L. 411-6 précité dispose que le preneur ne peut s'opposer à l'insertion de cette clause au moment du renouvellement du bail. Par conséquent, il suffit que le bail soit renouvelé pour que le bailleur puisse imposer l'insertion de cette clause dans le bail, alors que dans le bail initial, cette clause doit être acceptée par les deux parties au contrat.

Depuis plusieurs décennies, la Cour de cassation a jugé que l'insertion n'était pas limitée à la seule époque du renouvellement du bail, mais pouvait intervenir à tout moment (7). Pour cette raison, le preneur à bail ne pouvait s'opposer à l'insertion d'une telle clause deux ans après le renouvellement du bail (8). Il ne pouvait pas invoquer le fait qu'en application d'une telle clause au cours du bail renouvelé, les prévisions de son activité économique se trouvaient sensiblement modifiées, dès lors qu'il devait restituer les parcelles louées dans un délai de quatre ans, et non à l'issue d'une période de sept ans. Toutefois, ces solutions ont été rendues à propos de contrats de bail écrits, pour lesquels la notion de clause ne soulève pas de difficultés particulières. Peuvent-elles être transposées au bail verbal, c'est-à-dire à un contrat dont l'essentiel, au moins, n'est pas formalisé dans un document écrit comportant des clauses ?

II - Bail verbal et clause de reprise sexennale

En l'espèce, les parties ont des opinions discordantes sur ce point de droit. Ainsi, et logiquement, les bailleurs prétendent qu'au motif que la loi ne distinguant pas entre bail écrit et bail verbal, l'article L. 411-6 du Code rural et de la pêche maritime trouverait "naturellement" à s'appliquer à ce dernier. Afin de renforcer leur argumentation, ils invoquent le bail-type départemental qui régit le contrat verbal et, en l'occurrence, qui renvoie expressément à la clause de reprise sexennale. Enfin, le statut des baux ruraux étant d'ordre public, le preneur ne pouvait pas s'opposer à l'insertion de cette clause dans le bail verbal. De l'autre côté, le preneur prétend qu'une clause ne peut être insérée dans un contrat verbal. Tout simplement, il est difficile de matérialiser une clause dans une relation contractuelle immatérielle !

La cour d'appel a été sensible à l'argumentation du locataire, en considérant que le bail verbal, censé fait aux conditions fixées par le contrat-type départemental, ne permet pas d'en déduire qu'une clause sexennale est automatiquement incluse dans le bail. En effet, le contrat-type se borne à renvoyer en des termes généraux aux dispositions du statut et précise seulement que la faculté est laissée aux parties de reconnaître au bailleur la faculté de reprise prévue par l'article L. 411-6 du Code rural et de la pêche maritime. En raison de l'absence de possibilité accordée sans ambigüité d'inclure la clause litigieuse, la cour d'appel considère que l'insertion d'une telle clause n'est pas possible dans un bail verbal. En outre, le jugement de conciliation rendu en 2001 ne pouvait avoir pour effet de transformer le bail verbal en bail écrit.

La Cour de cassation censure cette analyse sur le visa de l'article L. 411-6 précité, pour violation de la loi. En effet, en dépit de la lettre de l'article L. 411-4 du même code qui dispose que les contrats de baux doivent être écrits, la validité du bail verbal est reconnue en jurisprudence (9) et par la doctrine (10). En outre, dans chaque département, la commission consultative des baux ruraux rédige un contrat-type de bail soumis au statut du fermage qui est destiné à régir la relation contractuelle en l'absence de stipulations explicités du bail, ainsi que pour palier la carence d'écrit du bail verbal (11). Jusqu'à présent, la jurisprudence n'avait donné que peu de solution sur l'application de la clause sexennale au bail verbal. Une cour d'appel avait considéré que sa mise en oeuvre était possible dès lors que le contrat-type y faisait référence (12). En l'espèce, le contrat-type n'y faisait pas directement référence, mais très indirectement pas le biais d'une mention dans une annexe. Au final, la Cour de cassation devait trancher entre la possibilité d'insérer la clause et la faculté de le faire. Elle décide en faveur de la première solution au motif que le contrat-type renvoie au statut du fermage, qui est d'ordre public. Par conséquent, la faculté de reprise sexennale est objectivement conférée au propriétaire en cas de bail verbal. Par l'arrêt du 7 mai 2014, la Cour de cassation précise le régime de la clause sexennale et clarifie cette question.


(1) CA Douai, 13 décembre 2012, n° 12/03472 (N° Lexbase : A0739IZE).
(2) C. rur., art. L. 411-58 (N° Lexbase : L0865HPQ).
(3) Ordonnance n° 45-2380 du 17 octobre 1945, relative au statut juridique du fermage.
(4) H. Bosse-Platière, Le droit rural et le pacte civil de solidarité, Dr. fam., 2006, comm. 86.
(5) CA Riom, 29 avril 2010, n° 08/00046 (N° Lexbase : A4120GAT).
(6) CA Montpellier 7 octobre 2002, n° 99/03926 (N° Lexbase : A6795MPD).
(7) Cass. civ. 3, 13 octobre 1982, B. c/ consorts M. (N° Lexbase : A2491C8R), JCP éd. N, 1983, p. 229, obs. J.-P. Moreau ; Cass. civ. 3, 13 mars 1985, n° 84-10.260 (N° Lexbase : A2918AAC), Bull. civ. III, n° 54.
(8) Cass. civ. 3, 10 mai 1983, n° 81-13.995 (N° Lexbase : A9128CG8), Bull. civ. III n° 114.
(9) Cass. civ. 3, 30 novembre 1994, n° 92-18.934 (N° Lexbase : A6522C7P).
(10) D. Krajeski, Droit rural, coll. Defrénois, 2008, Lextenso n° 169 ; H. Bosse-Platière, F. Collard, B. Grimonprez, Th. Tauran et B. Travely, Droit rural, coll. Droit & professionnels, Lexisnexis 213, spé. n° 234 ; M.-O. Gain, Le droit rural, l'exploitant agricole et les terres, Litec professionnels, 3ème éd., 2011, n° 5.
(11) C. rur., art. L. 411-4, al. 2, précité.
(12) CA Dijon, 14 novembre 2002, n° 01/00771 (N° Lexbase : A6794MPC), Rev. dr. rur., 2002, p. 333, reprenant ainsi une solution plus ancienne : Cass. civ. 3, 20 novembre 1970, n° 68-11.590 (N° Lexbase : A3235CIN), Bull. civ. III, n° 626.

newsid:442545

Mineurs

[Brèves] Audition de l'enfant : absence de discernement d'un enfant de 11 ans et demi, objet du conflit opposant ses parents

Réf. : CA Bordeaux, 15 mai 2014, n° 13/04787 (N° Lexbase : A1673MLK)

Lecture: 1 min

N2559BUC

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Le 05 Juin 2014

Aux termes de l'article 388-1 du Code civil (N° Lexbase : L8350HW8), "dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande". Dans un arrêt rendu le 15 mai 2014, la cour d'appel de Bordeaux a décidé de ne pas donner suite à la demande à être entendu, présentée par un enfant par l'intermédiaire de son avocat, estimant que l'enfant, âgé de seulement 11 ans et demi et objet du conflit opposant ses parents, ne disposait pas du discernement et de la maturité nécessaires pour être entendu dans le cadre de la présente procédure (CA Bordeaux, 15 mai 2014, n° 13/04787 N° Lexbase : A1673MLK).

newsid:442559

Pénal

[Brèves] Association de malfaiteurs et trafic de stupéfiants : les précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. crim., 28 mai 2014, n° 13-83.197, F-P+B+I (N° Lexbase : A6311MPG)

Lecture: 1 min

N2470BUZ

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Le 05 Juin 2014

Un recueil de renseignements, destinés à guider d'éventuelles investigations, n'est pas une audition de témoin, au sens de l'article 706-58 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4518AZD). Aussi, dès lors que la grande complexité de la procédure, concernant certaines des infractions limitativement énumérées par la loi, est laissée à l'appréciation de l'autorité judiciaire, la cour d'appel, qui confirme la décision de dessaisissement d'un parquet, a justifié sa décision. Enfin, en vertu de l'article 450-5 du Code pénal (N° Lexbase : L6414ISD), la cour d'appel qui prononce une peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine du prévenu n'a fait qu'user de la faculté qu'elle tient de l'article précité. Tels sont les enseignements de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 28 mai 2014 (Cass. crim., 28 mai 2014, n° 13-83.197, F-P+B+I N° Lexbase : A6311MPG ; cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E0024EX8 et l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4423EUD). En l'espèce, un fonctionnaire de police a dressé un procès-verbal des déclarations d'une personne souhaitant garder l'anonymat, faisant état d'un possible trafic de produits stupéfiants. Une enquête préliminaire a été diligentée, à l'issue de laquelle le procureur de la République de Pontoise s'est dessaisi au profit du procureur de la République de Paris, siège de la juridiction inter-régionale spécialisée. Ce dernier a ouvert une information des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs et trafic de stupéfiants. M. A., mis en examen des chefs précités, a sollicité l'annulation de plusieurs actes de la procédure. La Cour de cassation, confirmant l'arrêt de la cour d'appel, rejette toutes ses demandes en rappelant les règles susénoncées.

newsid:442470

Permis de conduire

[Brèves] Permis de conduire : l'absence d'information est sans influence sur le retrait de points

Réf. : CE 5° s-s-r, 28 mai 2014, n° 361396, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6348MPS)

Lecture: 2 min

N2472BU4

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Le 12 Juin 2014

Lorsque la réalité de l'infraction a été établie par une condamnation devenue définitive prononcée par le juge pénal qui a statué sur tous les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance et que l'auteur de l'infraction a ainsi pu la contester, la circonstance que le contrevenant n'ait pas bénéficié, lors de la constatation de l'infraction, des informations prévues aux articles L. 223-3 (N° Lexbase : L2660DKQ) et R. 223-3 (N° Lexbase : L0509IRB) du Code de la route est sans influence sur la régularité du retrait de points. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 28 mai 2014 (CE 5° s-s-r, 28 mai 2014, n° 361396, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6348MPS ; cf. en ce sens : CE 5° s-s-r , 13 juin 2008, n° 309543 N° Lexbase : A0488D9X et Cass. crim., 30 octobre 2012, n° 12-81.580, FS-P+B N° Lexbase : A5151IX3). En l'espèce, par lettre du 14 octobre 2009, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a informé M. A. du retrait de trois points de son permis de conduire en raison d'une infraction commise le 6 juillet 2009, lui a rappelé les retraits de points résultant d'infractions commises les 1er novembre 2006 et 29 janvier 2009 et a constaté la perte de validité du permis pour solde de points nul. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation des trois retraits de points et de la décision constatant la perte de validité du permis. La cour administrative d'appel de Nantes, faisant partiellement droit à l'appel de M. A., a annulé la décision portant retrait de trois points au titre de l'infraction commise le 6 juillet 2009 et la décision constatant la perte de validité du permis, enjoint au ministre de l'intérieur de le restituer à son titulaire, affecté d'un crédit de trois points, et réformé, en conséquence, le jugement du tribunal administratif. Le ministre de l'intérieur s'est alors pourvu en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d'Etat infirme la décision des juges d'appel car, relève-t-il, M. A. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 23 août 2011, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des retraits de points opérés sur son permis de conduire et de la décision constatant la perte de validité de ce permis. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) qu'il a présentées devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat doivent être rejetées.

newsid:442472

Procédure civile

[Brèves] Respect du délai en matière de déféré contre les ordonnances du conseiller de la mise en état

Réf. : CA Poitiers, 30 mai 2014, n° 13/04346 (N° Lexbase : A5961MPH)

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N2475BU9

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Le 22 Juin 2016

En vertu de l'article 916 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0170IPY), les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées à la cour par simple requête dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance notamment lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci. Telle est la solution retenue par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 30 mai 2014 (CA Poitiers, 30 mai 2014, n° 13/04346 N° Lexbase : A5961MPH ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5676EYU). En l'espèce, le tribunal de grande instance de Poitiers a infirmé l'ordonnance du juge commissaire et cédé à M. Z le bail rural consenti par M. X à M. Y par acte sous seing privé, ayant pour objet des terres agricoles, et déclaré M. X irrecevable en sa demande indemnitaire. M. X a régulièrement interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des parties. L'ordonnance du conseiller de la mise en état, prononçant la caducité de la déclaration d'appel, est datée du 30 septembre 2013. M. X a déposé ses conclusions de déféré par RPVA le 27 décembre 2013. Le déféré a été déclaré irrecevable par la cour d'appel, conformément à l'article 916 précité. Les juges d'appel relèvent que le délai de 15 jours court à compter de la date de l'ordonnance, soit en l'espèce jusqu'au 15 octobre 2013 et par conséquent les conclusions déposées le 27 décembre sont tardives.

newsid:442475

Procédure civile

[Brèves] Appel contre un jugement d'orientation : l'absence de requête entraîne l'irrecevabilité de l'appel

Réf. : CA Versailles, 28 mai 2014, n° 13/07354 (N° Lexbase : A9155MNE)

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N2476BUA

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Le 05 Juin 2014

Aux termes de l'article R. 322-19 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2438ITH), l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril. L'absence de requête entraîne l'irrecevabilité de l'appel. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 28 mai 2014 (CA Versailles, 28 mai 2014, n° 13/07354 N° Lexbase : A9155MNE ; voir, sur l'exigence d'une procédure à jour fixe : CA Douai, 22 mai 2014, n° 13/05687 N° Lexbase : A4746MMQ). En l'espèce, une société a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de M. F. sur le fondement d'un acte notarié, contenant un prêt hypothécaire, et par acte d'huissier, elle a fait délivrer un commandement afin de saisie immobilière portant sur une somme d'argent. La société a ensuite fait assigner M. F. à comparaître à l'audience d'orientation. M. F. a formé un incident de saisie, afin de voir déclarer irrecevable la demande de la société. Cette dernière a, par ses dernières écritures, argué de ce que M. F. n'a pas présenté de requête afin d'assigner à jour fixe, dans le délai de huit jours suivant sa déclaration d'appel du 24 avril, et n'a pas conclu au soutien de son appel. La cour d'appel donne raison à la société et déclare l'appel, ainsi effectué, irrecevable (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5590EUL).

newsid:442476

Procédure pénale

[Textes] Commentaire de la loi du 27 mai 2014 transposant la Directive européenne relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales : quand les droits de la défense pénètrent tous les stades de la procédure pénale

Réf. : Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N)

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N2590BUH

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par Romain Ollard, Professeur à l'Université de La Réunion

Le 11 Juin 2014

La genèse de la réforme. La Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY), dont la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N) (1) assure la transposition, marque indéniablement la volonté de l'Union européenne d'exercer son emprise sur les procédures pénales nationales, se posant ainsi comme un concurrent direct de la Cour européenne des droits de l'Homme. La Directive s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une feuille de route adoptée par le Conseil le 30 novembre 2009, intégrée au programme de Stockholm (2), visant à instaurer des normes minimales concernant les garanties procédurales des suspects, des personnes poursuivies et des victimes. Ces principes généraux furent déclinés dans plusieurs Directives (3) relatives aux droits à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (dite Directive A) (4), au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (dite Directive B) (5) et au droit d'accès à un avocat ou de communiquer avec un tiers en cas d'arrestation (dite Directive C) (6). Le législateur français ayant d'ores et déjà transposé la Directive A par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 (N° Lexbase : L6201IXX), il poursuit aujourd'hui son oeuvre dans le cadre de la présente loi qui vise essentiellement à transposer la Directive B mais aussi certaines exigences posées par la Directive C. Le contenu de la réforme. Si la loi de transposition peut apparaître sur certains points en retrait par rapport à la Directive, la chancellerie ayant d'ailleurs à cet égard pu indiquer que cette loi ne constituait qu'une "première étape dans le renforcement des droits de la défense au cours de la procédure pénale, qui devront encore être améliorés, notamment pour introduire du contradictoire dans les enquêtes de flagrance ou préliminaires" (7), son apport n'en est pas moins considérable en ce que le droit à l'information -essentiellement du suspect- est étendu à tous les stades de la procédure pénale. Déclinant le principe général (8), énoncé à l'article 3 de la Directive, suivant lequel toute personne soupçonnée ou poursuivie dans le cadre d'une procédure pénale a le droit "d'être informé[e] de ses droits" et d'avoir "accès aux pièces du dossier", la loi nouvelle consacre ainsi une pénétration plus complète des droits de la défense au sein de la procédure pénale, spécialement au stade de l'enquête, en consacrant pour la première fois le statut du "suspect libre", entendu sans contrainte. Le renforcement du droit à l'information s'opère ainsi non seulement au bénéfice de la personne poursuivie, lorsque le procès pénal est déclenché (II), mais encore au bénéficie du suspect, au stade de l'enquête pénale (I).

I - Le droit à l'information des personnes suspectes au cours de l'enquête

Si, dans la réforme, certains droits doivent faire l'objet d'une information systématique dès lors qu'une personne est suspectée -droit à un avocat, droit d'être informé de l'accusation, droit à un interprète, droit de garder le silence-, le contenu du droit à l'information varie toutefois selon le statut du suspect, suivant qu'il est libre (A) ou privé de liberté (B).

A - Le droit à l'information du "suspect libre"

Droit à l'information du "suspect libre". La loi du 27 mai 2014 consacre pour la première fois le statut du "suspect libre" au profit des personnes suspectées lors de l'enquête (9), en encadrant les modalités selon lesquelles elles pourront être entendues librement sans être placées en garde à vue. A cette fin, la loi insère dans le Code de procédure pénale un nouvel article 61-1 (N° Lexbase : L2752I3C) qui prévoit que "la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée" de l'accusation dont elle fait l'objet, de son droit de quitter les locaux d'enquête, de son droit à un interprète, de son droit au silence ainsi que de son droit à des conseils juridiques. Sur ces points, la loi nouvelle ne fait pas vraiment oeuvre créatrice dans la mesure où ces différents chefs d'information étaient déjà dus même si, il est vrai, le droit au silence et le droit à un interprète n'avaient pas jusqu'alors à être notifiés au suspect entendu librement (10). La réforme se veut, en revanche, plus novatrice lorsqu'elle décide que, s'il est entendu pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, le suspect libre devra se faire notifier son droit d'être assisté par un avocat au cours de son audition, la chancellerie anticipant sur ce point les exigences posées par la Directive C du 22 octobre 2013, relative au droit d'accès à un avocat.

Droit à l'assistance d'un avocat du "suspect libre". Cette disposition, qui n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2015, rompt avec les solutions qui prévalaient jusqu'alors en matière d'audition libre qui permettaient d'interroger un suspect en dehors du régime de garde à vue, pour une durée maximale de 4 heures, sans la présence d'un avocat (11). Dans deux décisions QPC du 18 novembre 2011 et du 18 juin 2012 (12), le Conseil constitutionnel avait validé un tel système en décidant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la personne auditionnée bénéficie de l'assistance effective d'un avocat dès lors qu'elle consent librement à être entendue. Le Conseil avait toutefois émis une double réserve d'interprétation -expressément consacrée par la présente loi- en estimant que, lorsque des soupçons pèsent sur la personne auditionnée, celle-ci doit être informée non seulement de la nature de l'infraction reprochée, mais encore de la possibilité de quitter les locaux de police à tout moment. La solution était contestable dans la mesure où l'assistance de l'avocat était alors liée, non à l'existence de soupçons pesant sur la personne auditionnée, mais à l'existence d'une mesure de contrainte. Or, dès l'instant que la personne auditionnée est suspectée, elle doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat car la nécessité de se défendre devient impérieuse. Désormais, dès lors qu'elles sont suspectées, toutes les personnes auditionnées, qu'elles soient entendues librement ou placées en garde à vue, seront soumises à un traitement identique.

Réserves tenant aux dispositions techniques du régime. Si la réforme comporte ainsi de notables avancées, elle pourrait cependant apparaître insuffisante. D'abord, il est regrettable que la loi restreigne le droit à l'assistance d'un avocat aux seules auditions de personnes suspectées d'avoir commis un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement (13), comme si la nécessité de se défendre n'apparaissait que pour les infractions les plus graves. Ensuite, la loi nouvelle ne limite la durée de l'audition que dans le cas où la personne est auditionnée sous contrainte (14). A l'inverse, aucune durée maximale n'est prévue pour l'audition libre, que la personne auditionnée soit suspectée (15) ou non (16), ce qui peut faire craindre certaines dérives, les enquêteurs pouvant interroger une personne suspecte sans aucune limite de temps dès lors qu'elle y consent.

Réserve tenant au critère du soupçon. Enfin et peut-être surtout, le nouveau régime mis en place pourrait constituer le terreau de détournements de procédure, consistant pour les policiers à entendre librement en tant que simple témoin un individu qui est en réalité soupçonné sans qu'il bénéficie en conséquence des garanties afférentes à la qualité de suspect, notamment du droit à l'assistance d'un avocat. Techniquement en effet, le pivot de l'application du régime nouveau repose tout entier sur l'existence de soupçons à l'encontre de la personne auditionnée. Or, un tel critère paraît pour le moins incertain, notamment lorsque les soupçons résultent, non d'éléments objectifs, comme en cas de dénonciation ou d'indices matériels, mais d'éléments subjectifs, lorsque les soupçons des enquêteurs sont plus diffus, résultant d'impressions vagues et indéterminées. Outre qu'un tel critère pourrait se révéler être un nid à contentieux, comme peut l'être le critère de l'indice apparent en matière d'enquête de flagrance (17), les OPJ n'auront-ils pas beau jeu, dans ces conditions, de prétendre que les personnes auditionnées n'étaient pas soupçonnées afin de contourner le droit à l'assistance d'un avocat ? Dès lors, le seul moyen de parer à ce risque ne serait-il pas d'admettre le droit à un avocat pour toute personne auditionnée, même non (officiellement) soupçonnée, dès l'instant qu'elle en fait la demande ?

B - Le droit à l'information du suspect soumis à une mesure privative de liberté

Principe général du droit à l'information en cas de mesure privative de liberté. La loi nouvelle consacre un droit général à l'information au bénéfice de toute personne suspectée, soumise à une mesure privative de liberté en application du Code de procédure pénale. Par delà la diversité des mesures privatives de liberté, toute personne retenue recevra en effet une déclaration écrite énonçant "les droits dont elle bénéficie au cours de la procédure" (18) et qu'elle sera "autorisée à conserver [...] pendant toute la durée de sa privation de liberté" (19), qu'il s'agisse de la garde à vue, d'une mesure de détention provisoire ou d'un mandat d'arrêt, national ou européen. Toutefois, ce principe de transmission d'une déclaration écrite des droits n'est peut-être pas si général qu'il pourrait y paraître puisque le nouvel article 803-6 restreint son champ d'application aux seules mesures privatives de liberté prononcées "en application du Code de procédure pénale". Si la loi nouvelle prévoit d'étendre la mesure aux retenues douanières (20) et à la garde à vue des mineurs (21), toutes les autres mesures privatives de liberté hors code -comme la retenue des étrangers- sont donc exclues du dispositif, mesures pour lesquelles la déclaration des droits aurait pourtant pu se révéler particulièrement utile.

Règles spécifiques à la garde à vue : accès restreint au dossier. S'agissant plus spécifiquement de la garde à vue, la loi améliore sensiblement les droits des personnes gardées à vue dès lors, notamment, qu'elles seront plus précisément informées de l'infraction dont elles sont soupçonnées et des motifs de leur garde à vue (22 ). Toutefois, ces avancées ne sauraient masquer l'essentiel, à savoir que, comme hier, elles n'auront qu'un accès restreint au dossier pénal. Certes, les personnes placées en garde à vue bénéficieront désormais d'un droit de consultation direct aux mêmes pièces du dossier que l'avocat, sans avoir nécessairement besoin de son intermédiaire (23). Mais, dès lors que l'article 63-4-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3162I3I) demeure inchangé, la personne gardée à vue et son avocat pourront consulter, non point l'ensemble du dossier comme le proposait un amendement écologiste finalement rejeté, mais seulement un dossier restreint au procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits, au certificat médical et aux procès verbaux d'audition de la personne placée en garde à vue (24), à l'exclusion donc de toutes autres pièces qui pourraient pourtant constituer des éléments à charge (audition des témoins, preuves matérielles, etc.). Cet accès restreint au dossier, on le sait, a été validé au plan interne tant par le Conseil constitutionnel (25) que par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ayant décidé que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'est pas de nature à priver la personne d'un droit à un procès équitable dès lors que l'accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement. L'accès restreint au dossier à ce stade de la procédure serait conforme à l'article 6 de la CESDH dès lors qu'un plein accès est possible à un stade ultérieur, aux termes donc d'une appréciation in globo du droit à un procès équitable (27). Il apparaît ainsi que, dans l'esprit des juges internes, le rôle de l'avocat au cours de la garde à vue est moins celui d'un défenseur que celui d'un observateur de la légalité et du bon déroulement de la mesure, comme si la nécessité de se défendre n'apparaissait qu'à un stade ultérieur de la procédure. Il n'est pas certain que cette lecture du rôle de l'avocat au cours de la garde à vue soit conforme à celle prônée par la Cour européenne qui exige que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de "l'assistance effective d'un avocat" pendant toute la durée de la mesure, l'intéressé devant pouvoir bénéficier de toute la gamme d'intervention du conseil, qu'il s'agisse du "contrôle des conditions de détention" ou de "l'organisation de la défense" (28). Or, comment l'avocat pourrait-il organiser correctement la défense de son client sans avoir accès aux différents éléments de preuve collectés à son encontre ? Peut-être la transposition de la Directive C relative au droit d'accès à un avocat en cas d'arrestation sera-t-elle l'occasion de corriger cette divergence de vue.

II - Le droit à l'information des personnes poursuivies au cours du procès pénal

Non limité au seul bénéfice du suspect, au stade de l'enquête, le renforcement des droits procéduraux s'opère également au bénéfice de la personne poursuivie, lorsque le procès pénal est déclenché, non seulement au cours de l'instruction préparatoire (A) mais encore au cours ou en vue du jugement (B), au sein duquel le renforcement du droit à l'information se double d'un renforcement du principe du contradictoire.

A - Le renforcement des droits procéduraux au cours de l'instruction préparatoire

Renforcement de l'information des personnes poursuivies. Renforçant les droits des personnes poursuivies au cours de l'instruction, la loi nouvelle prévoit que les personnes mises en examen (29) et celles bénéficiant du statut de témoin assisté (30) devront désormais être informées de leur droit à un interprète et à la traduction des pièces essentielles du dossier, de leur droit au silence ainsi que des autres droits dont ils bénéficiaient déjà, à savoir le droit à l'assistance d'un avocat et le droit d'accès au dossier.

Accès direct des parties au dossier d'instruction. Si, contrairement au suspect au stade de l'enquête, les parties privées -personne mise en examen et partie civile- avaient accès au dossier d'instruction complet, cet accès se faisait indirectement, par l'intermédiaire de leur avocat. La jurisprudence décidait, en effet, que les articles 114 (N° Lexbase : L3172I3U) et 197 (N° Lexbase : L1754IPN) du Code de procédure pénale n'autorisent la communication du dossier qu'aux avocats des parties (31), cette règle n'apparaissant pas contraire à l'article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui n'impose pas la remise du dossier de procédure à la personne poursuivie avant la saisine de la juridiction de jugement (32). Bien plus, si l'avocat, autorisé à se faire délivrer des copies du dossier d'instruction, pouvait les consulter avec son client pour les besoins de la défense, il lui était en revanche interdit de remettre à son client ces copies, couvertes par le secret de l'instruction (33). La loi nouvelle rompt avec ces solutions en insérant un quatrième alinéa à l'article 114 du Code de procédure pénale qui dispose que, "après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties ou, si elles n'ont pas d'avocat, les parties peuvent se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier [...] dans le mois qui suit la demande" (34). Toutefois, afin de garantir de secret de l'instruction, il est prévu que les parties ayant obtenu une copie du dossier doivent attester par écrit avoir pris connaissance de l'article 114-1 qui punit d'une d'amende contraventionnelle (35), le fait pour une partie de diffuser des pièces ou des éléments de l'instruction dont elle a reçu copie.

B - Le renforcement des droits procéduraux au cours ou en vue du jugement

Renforcement du droit à l'information. Comme au cours de l'instruction, les personnes prévenues devant le tribunal correctionnel (36) ou accusées devant la cour d'assises (37) se verront désormais expressément informées (38) non seulement de leur droit d'être assisté par un interprète mais encore de leur droit, "au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire". Par ailleurs, un nouvel article 388-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2767I3U) prévoit que, en cas de poursuite par citation directe ou convocation par officier de police judiciaire (COPJ) (39), les avocats des parties pourront "consulter le dossier de la procédure au greffe du tribunal de grande instance dès la délivrance de la citation ou au plus tard deux mois après la notification de la convocation", les parties ou leurs avocats pouvant obtenir gratuitement la copie du dossier dans un délai d'un mois à compter de la demande. Afin de renforcer ces dispositions, un nouvel article 390-2 du Code de procédure pénale ([LXB=L2769I3X ]) énonce que, si le prévenu ou son avocat n'ont pas pu obtenir la copie du dossier avant l'audience, "le tribunal est tenu d'ordonner, si le prévenu en fait la demande, le renvoi de l'affaire à une date fixée à au moins deux mois à compter de la délivrance de la citation ou de la notification de la convocation". Ces dispositions, dépassant le seul droit à l'information des personnes poursuivies, sont également tournées vers les droits de la défense des personnes poursuivies puisque, en prévoyant ainsi un délai minimal d'"audiencement" devant le tribunal correctionnel, la loi nouvelle favorise un accès "en temps utile" au dossier de la procédure, ce qui facilitera d'autant la préparation de la défense du prévenu et permettra donc de garantir un exercice effectif des droits de la défense.

Renforcement du contradictoire à l'issue de la garde à vue. Dans ce prolongement, la loi nouvelle prévoit en premier lieu que, à l'issue de la garde à vue, les personnes déférées devant le procureur de la République en vue d'une comparution immédiate ou d'une convocation par procès-verbal pourront être, lors de leur présentation devant ce magistrat, assistées par un avocat, lequel pourra formuler des observations portant notamment sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l'enquête et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes. Au vu de ces observations, le procureur de la République pourra éventuellement donner une nouvelle orientation à la procédure, par exemple en requérant l'ouverture d'une information ou en ordonnant la poursuite de l'enquête. L'effectivité de cette disposition nouvelle, qui contribue assurément à rétablir l'équilibre entre le procureur de la République et la personne mise en cause par l'introduction d'un débat contradictoire, est toutefois dépendante non seulement d'un accès effectif au dossier mais encore d'un laps de temps suffisant laissé à l'avocat pour préparer la défense de son client. Or, à défaut d'un accès au complet dossier pendant la durée de la garde à vue, cette disposition risque fort de rester largement théorique (40).

Renforcement du contradictoire avant jugement correctionnel. En second lieu, la loi nouvelle énonce que les personnes poursuivies par citation directe ou par COPJ peuvent, "avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, qu'il soit procédé à tout acte" supplémentaire qu'elles estimeraient nécessaire à la manifestation de la vérité (41). Le juge saisi de la requête devra alors motiver spécialement sa décision en cas de refus, et pourra, dans le cas contraire, soit confier le supplément d'information à un juge d'instruction, si les actes demandés n'ont pas été ordonnés avant l'audience, soit ordonner l'exécution des actes demandés selon les règles de l'enquête préliminaire lorsqu'il est possible de les exécuter avant l'audience. Si, d'une manière générale, l'on peut se réjouir d'une telle introduction du principe du contradictoire, qui faisait jusqu'alors défaut puisque, à défaut d'instruction, aucune demande d'actes ne pouvait être formulée, il ne s'agit là, au fond, que de palliatifs au défaut de caractère juridictionnel et contradictoire de l'enquête policière. Dès lors, la vraie question n'est-elle pas celle, en définitive, de l'introduction du contradictoire dès le stade de l'enquête (42) ? A cet égard, on suivra avec attention les propositions, attendues dans le courant du mois de juin, de la mission, confiée à des personnalités du monde judiciaire, sur la procédure d'enquête pénale ayant précisément pour objectif de réfléchir à l'introduction du contradictoire dans les enquêtes de flagrance ou préliminaires (43).


(1) JORF n° 123, 28 mai 2014.
(2) Conseil de l'Union européenne du 2 décembre 2009, Programme de Stockholm, Journal officiel de l'Union européenne C 115 du 4 mai 2010.
(3) Voir également, la Directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012, non encore transposée, relative à la protection des victimes (N° Lexbase : L5485IUP). V. également propositions de Directives du 27 novembre 2013, concernant les droits procéduraux des personnes vulnérables, l'aide juridictionnelle provisoire et le renforcement de la présomption d'innocence pour les personnes suspectées ou poursuivies.
(4) Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 (N° Lexbase : L2124INY).
(5) Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012.
(6) Directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 (N° Lexbase : L5328IYY).
(7) A cette fin, la Garde des Sceaux a pu confier une mission à des personnalités du monde judiciaire sur la procédure d'enquête pénale dont les propositions sont attendues dans le courant du mois de juin prochain (mission présidée par M. Jacques Beaume, Procureur général près la cour d'appel de Lyon).
(8) Pour les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, v. art. 13 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE).
(9) Il est à noter que ce régime est également applicable dans le cadre de l'instruction lorsque l'enquête est diligentée sur commission rogatoire (C. pr. pén., art. 154 N° Lexbase : L9762IPA, modifié par l'article 4 II).
(10) Cass. crim., 27 avril 2013, D., 2013, Actu,1005, à propos de la notification du droit au silence.
(11) C. pr. pén., art 62 (N° Lexbase : L3155I3A) (enquête de flagrance) et 78 (N° Lexbase : L9758IP4) (enquête préliminaire) a contrario.
(12) Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : A9214HZB) ; Cons. const., décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012 (N° Lexbase : A8706INR), D.P., 2012, Etude 4, J. Leroy.
(13) C. pr. pén., art. 61-1, 5° (N° Lexbase : L2752I3C).
(14) L'audition ne peut alors durer que le temps nécessaire à l'audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures (C. pr. pén., art. 62, al. 2 N° Lexbase : L3155I3A).
(15) C. pr. pén., art. 61-1.
(16) C. pr. pén., art. 62, al. 1er.
(17) C. pr. pén., art. 53, al. 1er (N° Lexbase : L5572DYZ).
(18) C. pr. pén., art. 803-6 (N° Lexbase : L2753I3D) (accusation portée contre elle, droit de se taire, du droit à l'assistance d'un avocat, droit d'accès aux pièces du dossier, droit de connaître les modalités de contestation de la légalité de l'arrestation, d'obtenir un réexamen de sa privation de liberté ou de demander sa mise en liberté).
(19) C. pr. pén., art. 803-6, al. 2.
(20) Article 12 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), modifiant l'article 323-6 du Code des douanes (N° Lexbase : L3190I3K) et créant un article 67 F (N° Lexbase : L3127I39).
(21) Article 4, VI, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante (N° Lexbase : L4662AGR).
(22) Article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3163I3K), tel que modifié par l'article 4 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014. Ce régime est également applicable dans le cadre de l'instruction lorsque la garde à vue est ouverte sur commission rogatoire (C. pr. pén., art.154 N° Lexbase : L9762IPA).
(23) C. pr. pén., art. 63-1, al. 6.
(24) C. pr. pén., art. 63-4-1.
(25) Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011, D. 2011, 3034, note H. Matsopoulou.
(26) Cass. crim.,19 septembre 2012, n° 12-83.997, FS-P+B (N° Lexbase : A7536ISW).
(27) V. également, dans le même sens, CE 1° et 6° s-s-r., 11 juillet 2012, n° 349752 (N° Lexbase : A8418IQT).
(28) CEDH, 13 octobre 2009, n° 7377/03, Dayanan c/ Turquie (N° Lexbase : A3221EPY), précité.
(29) Article 6, I, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 113-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3174I3X).
(30) Article 6, IV, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 116 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3171I3T).
(31) Cass. crim., 22 janvier 2002, n° 00-82.215 (N° Lexbase : A4542CYU).
(32) Cass. crim., 16 décembre 2009, n° 09-86.298, F-D (N° Lexbase : A4849EQN).
(33) Ass. plén., 30 juin 1995, n° 94-16.982 (N° Lexbase : A8581ABG) (1er arrêt), D., 1995, 97, note J. Pradel.
(34) L'alinéa 5 vient d'ailleurs ajouter que "lorsque la copie a été demandée par les avocats, ceux-ci peuvent en transmettre une reproduction à leur client".
(35) Dont le montant a d'ailleurs été augmenté, de 3 750 à 10 000 euros (article 7 modifiant l'article 114-1 du Code de procédure pénale).
(36) Article 8, I, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 406 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3177I33).
(37) Article 8, X, de loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 273 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3184I3C).
(38) Ces mêmes informations sont encore dues, en matière correctionnelle, par le procureur de la République à la personne que celui-ci envisage de poursuivre en application des articles 394 (N° Lexbase : L3178I34) et 395 (N° Lexbase : L3802AZT) (convocation par procès-verbal et comparution immédiate) : article 8, VII, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 393 du Code de procédure pénale.
(39) C. pr. pén., art. 390 (N° Lexbase : L3182I3A) et 390-1 (N° Lexbase : L3181I39).
(40) En ce sens, Rapport Assemblée nationale n° 1895, n° 24.
(41) C. pr. pén., art. 388-5 (N° Lexbase : L2768I3W).
(42) Sur la question, v. J. Alix, D., 2011, 1699.
(43) Mission présidée par M. Jacques Beaume, Procureur général près la cour d'appel de Lyon.

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Procédure pénale

[Brèves] Publication de la loi portant transposition de la Directive relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales

Réf. : Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), portant transposition de la Directive relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY)

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N2436BUR

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Le 05 Juin 2014

A été publiée, au Journal officiel du 28 mai 2014, la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY). La loi crée un statut des personnes suspectées lors de l'enquête, qui, dans certains cas, peuvent être entendues librement sans être placées en garde à vue. Les personnes placées en garde à vue voient également leur condition améliorée. Ainsi, elles seront plus précisément informées de l'infraction reprochée ainsi que des motifs de la garde à vue, de leur droit à quitter les locaux d'enquête, de leur droit à l'interprète. Si le crime ou délit est puni d'une peine d'emprisonnement, elles seront également informées de leur droit d'accès à un avocat. Elles recevront un document écrit énonçant leurs droits et auront accès aux mêmes pièces du dossier que l'avocat. Les personnes poursuivies, si elles sont citées directement ou convoquées par un officier de police judiciaire, pourront obtenir la copie de leur dossier en un ou deux mois et demander des actes supplémentaires au tribunal. Le délai avant la date d'audience est porté de dix jours à trois mois. Les dispositions de cette loi entreront en vigueur le 1er juin 2014, à l'exception de celles instituant le droit à l'assistance d'un avocat pour les suspects entendus librement, qui s'appliqueront le 1er janvier 2015. Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement avait été adopté en commission afin de permettre à la personne gardée à vue et à son avocat un accès au dossier. Cet amendement n'a finalement pas été voté et l'accès au dossier ne demeure possible qu'après la mise en examen (pour une présentation du projet de loi, lire N° Lexbase : N0429BUG et l'interview de Maître David Père N° Lexbase : N2244BUN).

newsid:442436

Procédure pénale

[Brèves] Publication d'un décret portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire

Réf. : Décret n° 2014-558 du 30 mai 2014, portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire (N° Lexbase : L3582I33)

Lecture: 1 min

N2449BUA

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Le 10 Juin 2014

A été publié au Journal officiel du 31 mai 2014, le décret n° 2014-558 du 30 mai 2014, portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion nationale des personnes détenues en établissement pénitentiaire dénommé GENESIS (N° Lexbase : L3582I33). Pris en application de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire (N° Lexbase : L9344IES, sur la loi, lire N° Lexbase : N4756BM4), ce décret met en place un traitement ayant pour finalité la mise à exécution des décisions prises par les autorités judiciaires, la gestion de la vie en détention et la réinsertion de ces personnes. Il fixe la liste des données dont l'enregistrement est autorisé. Il établit également la liste des personnes pouvant y accéder. Aucune interconnexion n'est prévue avec d'autres traitements de données à caractère personnel.

newsid:442449

Procédure pénale

[Brèves] Délai pour statuer sur une demande de mise en liberté

Réf. : Cass. crim., 9 avril 2014, n° 14-80.833, F-P+B (N° Lexbase : A6160MPT)

Lecture: 1 min

N2467BUW

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Le 05 Juin 2014

En matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction qui se prononce dans les délais de 20 jours sur la demande de libération conditionnelle a respecté les exigences des articles 194 (N° Lexbase : L3906IR4) et 199 (N° Lexbase : L3905IR3) du Code de procédure pénale. Aussi, en renvoyant l'affaire, afin de procéder à des vérifications, les juges n'ont fait qu'user, à la demande de la personne mise en examen, de la faculté qui leur est reconnue par le dernier alinéa de l'article 194 précité. Tels sont les enseignements de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 14 avril 2014 (Cass. crim., 9 avril 2014, n° 14-80.833, F-P+B N° Lexbase : A6160MPT ; cf. en ce sens : Cass. crim., 15 janvier 2013, n° 12-87.079, F-P+B N° Lexbase : A6386I7N). Dans cette affaire, poursuivie des chefs de violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner et violences habituelles sur mineur de quinze ans suivies de mort, Mme X a été mise en détention provisoire et sa demande de libération conditionnelle a été rejetée. La chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en relevant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 194 et du dernier alinéa de l'article 199 du Code de procédure pénale, en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer, dans les dix jours de l'appel, lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention, et dans les quinze jours pour les autres cas. Aussi, en cas de comparution personnelle de la personne concernée, le délai maximum prévu au dernier alinéa de l'article 194 du code précité est prolongé de cinq jours. Or, en l'espèce, la mise en examen ayant relevé appel d'une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté et ayant demandé à comparaître devant la chambre de l'instruction, le délai imparti à celle-ci pour statuer est donc de vingt jours. La Haute cour va dans le même sens et retient la même solution, sous le visa des textes précités (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4528EUA).

newsid:442467

Procédure pénale

[Brèves] Etendue de la nullité en cas d'irrégularité procédurale dans le cadre d'une garde à vue

Réf. : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-87.095, F-P+B (N° Lexbase : A6151MPI)

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N2471BU3

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Le 05 Juin 2014

Il résulte de la combinaison des articles 385 (N° Lexbase : L3791AZG), 803-2 (N° Lexbase : L5728DYS) et 803-3 (N° Lexbase : L9756IPZ), ainsi que des articles 174 (N° Lexbase : L8646HW7) et 802 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4265AZY) que, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire. Ainsi, la régularité du procès-verbal récapitulatif du déroulement de la garde à vue, permettant de vérifier l'heure de la levée de cette mesure, n'est pas affectée par l'absence de notification des droits aux personnes gardées à vue. Telle est la solution retenue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mai 2014 (Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-87.095, F-P+B N° Lexbase : A6151MPI ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4378EUP). Selon les faits de l'espèce, pour annuler le procès-verbal de comparution de MM. C. et D. devant le procureur de la République, valant saisine du tribunal, et ordonner le retour du dossier au ministère public, la cour d'appel a énoncé que l'annulation des procès-verbaux de garde à vue s'étend nécessairement aux procès-verbaux notifiant la fin de cette mesure, de sorte qu'il n'est plus possible de vérifier si les intéressés ont comparu le jour-même devant le magistrat du parquet qui a ordonné leur défèrement. A tort, selon les juges suprêmes qui censurent la décision ainsi rendue, sous le visa des textes susmentionnés.

newsid:442471

Procédure pénale

[Brèves] Compétence juridictionnelle en cas de relaxe pour une infraction non intentionnelle

Réf. : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-83.262, F-P+B+I N° Lexbase : A6105MPS)

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N2523BUY

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Le 05 Juin 2014

Lorsque la juridiction correctionnelle prononce une relaxe pour une infraction non intentionnelle et qu'il apparaît que, pour statuer sur la demande de réparation de la partie civile, des tiers responsables doivent être mis en cause, elle renvoie l'affaire devant la juridiction civile compétente. Il incombe alors à celle-ci de se prononcer sur les responsabilités civiles des prévenus ou des personnes civilement responsables et des tiers responsables mentionnés dans la décision de renvoi. Tels sont les enseignements de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 27 mai 2014 (Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-83.262, F-P+B+I N° Lexbase : A6105MPS ; déjà en ce sens : Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-16.391, F-P+B N° Lexbase : A7438MHX). En l'espèce, après avoir constaté que le délit de destruction par incendie reproché aux mineurs X, Y et Z était caractérisé, l'arrêt infirmatif de la cour d'appel a relevé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la responsabilité civile de leurs parents et que ces derniers devaient être mis hors de cause. Il a ensuite déclaré recevable l'action civile de la société S. sur le fondement de l'article 470-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9931IQU) et ordonné le renvoi de l'affaire devant la juridiction civile afin de mettre en cause deux tiers responsables. La Haute cour censure la décision ainsi rendue car, souligne-t-elle, en statuant sur la responsabilité civile des parents des mineurs préalablement au renvoi de l'affaire devant la juridiction civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de la règle susvisée (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E2307EUY).

newsid:442523

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Une étude d'administrateur judiciaire représente-t-elle une valeur patrimoniale devant figurer à l'actif de communauté ?

Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-14.884, F-P+B (N° Lexbase : A6208MPM)

Lecture: 1 min

N2551BUZ

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Le 07 Juin 2014

Une étude d'administrateur judiciaire représente-t-elle une valeur patrimoniale devant figurer à l'actif de communauté ? La réponse est négative, ainsi qu'il ressort d'un arrêt rendu le 28 mai 2014 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-14.884, F-P+B N° Lexbase : A6208MPM ; cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E8921ETL). En l'espèce, M. N. et Mme S. s'étaient mariés le 7 février 1975 sous le régime légal et avaient divorcé le 10 avril 2007. Mme S. faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon, statuant sur les difficultés nées de la liquidation du régime matrimonial, de confirmer le jugement en ce qu'il avait dit que l'étude d'administrateur judiciaire de M. N. était dépourvue de caractère patrimonial et par conséquent ne devait pas figurer à la masse active de la communauté et en ce qu'il l'avait déboutée de sa demande afférente aux produits de l'étude (CA Lyon, 5 février 2013, n° 11/08436 N° Lexbase : A1100I7U). Elle n'obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui approuve les juges d'appel ayant retenu à bon droit que les tâches à accomplir par un administrateur judiciaire ne constituent que l'exécution de mandats de justice, conformément à l'article L. 811-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3428ICX), et qu'il n'existe pas de droit de présentation et de clientèle attachés à la fonction, peu important son exercice à titre individuel ou sous forme de société, quelle qu'en soit la forme, et peu important l'accomplissement par l'administrateur de missions limitativement énumérées et qualifiées d'accessoires par l'article L. 811-10, alinéa 3, du même code (N° Lexbase : L3173IMH). Ainsi, selon la Cour de cassation, la cour d'appel en avait exactement déduit que l'étude de M. N. ne représentait pas une valeur patrimoniale devant être inscrite à l'actif de la communauté et, partant, ayant généré des fruits et revenus pour l'indivision post-communautaire.

newsid:442551

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Indivision post-communautaire : l'occupation gratuite de l'appartement commun par un époux et les enfants peut être constitutive d'une modalité d'exécution de l'obligation, pour l'autre époux, de contribution à l'entretien des enfants

Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-14.884, F-P+B (N° Lexbase : A6208MPM)

Lecture: 2 min

N2552BU3

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Le 05 Juin 2014

L'occupation du logement familial par un époux ne donne pas lieu au versement d'une indemnité d'occupation lorsqu'elle n'apparaît que comme une modalité d'exécution, par son conjoint, de son obligation de contribuer à l'entretien des enfants communs dont cet époux assume la charge seul ; dans le silence de l'ordonnance de non-conciliation, le juge est tenu d'interpréter les termes de l'ordonnance pour déterminer si l'attribution de la jouissance du logement familial à l'époux assumant seul la charge des enfants communs est gratuite ou onéreuse. Telle est la solution qui se dégage de l'arrêt rendu le 28 mai 2014 par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-14.884, F-P+B N° Lexbase : A6208MPM ; cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux" N° Lexbase : E8764ETR). En l'espèce, M. N. et Mme S. s'étaient mariés le 7 février 1975 sous le régime légal et avaient divorcé le 10 avril 2007. Pour déclarer M. N. redevable envers l'indivision d'une indemnité pour l'occupation d'un appartement commun devenu indivis, la cour d'appel avait retenu que, si l'ordonnance de non-conciliation, intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, ne comportait aucune disposition sur la nature de la jouissance du domicile conjugal par M. N., il ne pouvait s'en déduire que celui-ci pourrait être dispensé du versement d'une indemnité d'occupation, alors qu'il n'était pas contesté qu'il avait occupé privativement le bien, et qu'en application des dispositions de l'article 815-9 du Code civil (N° Lexbase : L9938HNE), c'est à bon droit que les premiers juges avaient considéré que Mme S. était fondée à réclamer, à compter du 1er octobre 2004, soit à compter de la date des effets du divorce, une indemnité d'occupation, celle-ci étant due du seul fait qu elle avait elle-même été privée du libre usage du bien et aucun élément ne permettant de retenir que le fait que M. N. ait assumé seul la charge des enfants, point non discuté par Mme S., pourrait le soustraire à cette obligation (CA Lyon, 5 février 2013, n° 11/08436 N° Lexbase : A1100I7U). Le raisonnement est censuré par la Cour suprême, sur le fondement de l'article 815-9 du Code civil. Selon la Cour suprême, en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'occupation de l'appartement commun par M. N. avec les enfants issus de l'union ne constituait pas une modalité d'exécution, par Mme Sage, de son devoir de contribuer à l'entretien des enfants, de nature à exclure toute indemnité d'occupation ou à en réduire le montant, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé.

newsid:442552

Responsabilité

[Brèves] Responsabilité du commettant dont le préposé s'empare du véhicule d'un tiers impliqué dans un accident de la circulation

Réf. : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-80.849, F-P+B+I (N° Lexbase : A6227MPC)

Lecture: 2 min

N2554BU7

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Le 05 Juin 2014

Lorsque le prévenu préposé s'empare du véhicule d'un tiers impliqué dans un accident de la circulation et que l'assureur du véhicule a d'ores et déjà indemnisé la victime sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, le commettant, devenu gardien de ce véhicule lui conférant la qualité d'assuré, ne peut être condamné à indemniser la victime et l'assureur est irrecevable à formuler une demande à l'encontre du commettant. Telle est la solution qui se dégage de l'arrêt rendu le 27 mai 2014 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-80.849, F-P+B+I N° Lexbase : A6227MPC). En l'espèce, M. L., marin pêcheur, chargé par son employeur, M. G., de placer le produit de la pêche dans la glacière de la criée du port, en avait été empêché par une fourgonnette arrêtée devant le bâtiment ; il avait pénétré dans le véhicule et l'avait déplacé, blessant grièvement, dans la manoeuvre, son propriétaire, M. F., qui chargeait des marchandises par la portière latérale gauche. Devant la cour d'appel, M. L. avait été déclaré coupable du délit de blessures involontaires, et mis hors de cause sur les intérêts civils ; l'employeur et l'assureur du véhicule avaient été déclarés tenus de réparer le préjudice de la victime. Par ailleurs, l'employeur avait été condamné, en sa qualité de commettant du conducteur, à payer à l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident, la moitié de la somme qu'elle avait versée à la victime à titre de provision. L'arrêt est censuré sur ce dernier point par la Cour suprême qui rappelle qu'il résulte de l'article 388-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2837IPR), dont les dispositions sont d'ordre public, que seuls les assureurs appelés à garantir le dommage sont admis à intervenir ou peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive saisie de poursuites pour homicides ou blessures involontaires et que selon l'article L. 211-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L4187H9X), l'assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur couvre la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée du véhicule, l'assureur étant subrogé dans les droits du créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Aussi, selon la Haute juridiction, en statuant comme elle l'avait fait, alors que l'assureur du véhicule exerçait contre le commettant du prévenu, conducteur non autorisé du véhicule impliqué dans l'accident, l'action subrogatoire prévue à l'article L. 211-1 précité, et que l'assureur du prévenu est sans qualité pour exercer, devant la juridiction pénale, une action récursoire contre la personne responsable de l'accident qui a obtenu la garde ou la conduite du véhicule contre le gré du propriétaire, l'arrêt avait méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E0454EX4 et N° Lexbase : E5897ETL).

newsid:442554

Responsabilité

[Brèves] Réparation du préjudice résultant de la perte de chance de la victime par ricochet de bénéficier d'une assistance viagère de la victime directe

Réf. : Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-82.116, F-P+B+I (N° Lexbase : A6295MPT)

Lecture: 1 min

N2556BU9

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Le 05 Juin 2014

Appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, la cour d'appel a valablement retenu qu'il y avait lieu à réparation du préjudice résultant de la perte de chance de la victime par ricochet de bénéficier d'une assistance viagère de la victime directe (Cass. crim., 27 mai 2014, n° 13-82.116, F-P+B+I N° Lexbase : A6295MPT). En l'espèce, appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation dont Mme X, assurée à la société M., reconnue coupable d'homicide involontaire, avait été déclarée responsable, la cour d'appel avait été saisie par Mme Y, épouse survivante de la victime, lourdement handicapée, d'une demande de réparation de son préjudice résultant de la perte de l'assistance que lui apportait son époux. Pour allouer à Mme Y une certaine somme, la cour d'appel avait retenu que l'indemnisation de son préjudice devait être liquidée sur la base de la perte de chance de bénéficier, sa vie durant, de l'assistance quotidienne de son époux, ce qui ne pouvait constituer qu'une espérance d'être aidée et aucunement une certitude de pouvoir l'être, la limitation à 50 % de cette indemnisation, compte tenu de l'âge de M. Y au jour de son décès accidentel, étant pleinement justifiée. L'assureur contestait l'indemnisation, faisant notamment valoir que l'accident à la suite duquel l'époux était décédé n'était pas la cause du besoin de son conjoint, qui présentait le handicap auparavant, de se faire assister par une tierce personne dans certains actes de la vie courante. L'argument est rejeté par la Cour suprême qui relève qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résultait que n'avait pas été réparé le poste de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne de la victime directe de l'accident, mais la perte de chance de la victime par ricochet de bénéficier d'une assistance viagère de la victime directe, l'arrêt n'encourait pas la critique énoncée au moyen (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E7750EQ4).

newsid:442556

Santé

[Brèves] Publication d'un décret relatif aux procédures de contrôle de l'insuffisance professionnelle et aux règles de suspension temporaire des professions médicales et paramédicales

Réf. : Décret n° 2014-545 du 26 mai 2014 (N° Lexbase : L2689I3Y)

Lecture: 1 min

N2441BUX

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Le 31 Mai 2014

A été publié au Journal officiel du 28 mai 2014, le décret n° 2014-545, du 26 mai 2014, relatif aux procédures de contrôle de l'insuffisance professionnelle et aux règles de suspension temporaire des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues (N° Lexbase : L2689I3Y). Ce décret crée une procédure de contrôle de l'insuffisance professionnelle des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues par leurs ordres professionnels. A cet égard, pour les médecins, le nouvel article R. 4124-3 du Code de la santé publique énonce que, dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d'exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s'il y a lieu, être renouvelée. Le conseil est saisi à cet effet soit par le directeur général de l'ARS soit par une délibération du conseil départemental ou du conseil national. Ces saisines ne sont pas susceptibles de recours. La suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du conseil régional ou interrégional par trois médecins désignés comme experts, le premier par l'intéressé, le deuxième par le conseil régional ou interrégional et le troisième par les deux premiers experts. Si le conseil régional ou interrégional n'a pas statué dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant le Conseil national de l'ordre. Enfin, La notification de la décision de suspension mentionne que la reprise de l'exercice professionnel par le praticien ne pourra avoir lieu sans qu'au préalable ait été diligentée une nouvelle expertise médicale, dont il lui incombe de demander l'organisation au conseil régional ou interrégional au plus tard deux mois avant l'expiration de la période de suspension. Les dispositions de ce texte entrent en vigueur le 29 mai 2014, exceptées celles concernant les infirmiers différées au 1er janvier 2015.

newsid:442441

Successions - Libéralités

[Brèves] Application rétroactive de l'abrogation, par la loi du 4 mars 2002, de la présomption irréfragable d'interposition de personne en cas de donation faite par un époux à un enfant du premier lit de son conjoint

Réf. : Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-16.340, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8068MN7)

Lecture: 2 min

N2553BU4

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Le 11 Juin 2014

Il ressort d'un arrêt rendu le 28 mai 2014 par la première chambre civile de la Cour de cassation que l'abrogation, par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 (N° Lexbase : L4320A4R), de la présomption irréfragable d'interposition de personne en cas de donation faite par un époux à un enfant du premier lit de son conjoint, est immédiatement applicable aux instances en cours (Cass. civ. 1, 28 mai 2014, n° 13-16.340, FS-P+B+I N° Lexbase : A8068MN7). En l'espèce, M. P. était décédé le 14 août 2000 en laissant à sa succession sa seconde épouse, Mme M., et un fils, né de son premier mariage. Ce dernier poursuivait, sur le fondement de l'article 1099, alinéa 2, du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (N° Lexbase : L1187ABL), l'annulation de donations consenties par son père aux enfants d'un premier mariage de Mme M., les consorts J.. Il faisait grief à l'arrêt de le débouter de cette demande, faisant valoir qu'antérieurement à son abrogation par la loi du 4 mars 2002, l'article 1100 du Code civil (N° Lexbase : L1189ABN) prévoyait une présomption irréfragable d'interposition de personne en cas de donation faite par un époux à un enfant du premier lit de son conjoint, aboutissant à la nullité d'une telle donation réputée faite entre époux en application de l'article 1099, alinéa 2, du même code, antérieurement à son abrogation par l'article 23 de la loi du 26 mai 2004, et soutenant que les lois nouvelles n'ont pas d'effet rétroactif sauf à ce que le législateur ait expressément décidé le contraire. L'argument est écarté par la Cour suprême. On rappellera que s'il a été jugé que, à défaut de mention expresse de rétroactivité, les dispositions de la loi du 26 mai 2004, abrogeant l'article 1099, alinéa 2 du Code civil ne sont pas applicables aux donations visées par ce texte et conclues avant le 1er janvier 2005 (cf. Cass. civ. 1, 9 décembre 2009, n° 08-20.570, FS-P+B N° Lexbase : A4472EPC), il en va différemment des dispositions de la loi du 4 mars 2002. La Cour suprême relève, en effet, que le I de l'article 11 de cette loi prévoit que les dispositions des articles 1 à 10 sont applicables aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée ; aussi, la Haute juridiction approuve la cour d'appel ayant exactement retenu que l'abrogation de cette présomption irréfragable, s'appliquait en la cause. Il appartenait ainsi à l'intéressé de démontrer l'interposition de personnes. Ce dernier soutenait alors encore qu'il appartenait aux juges du fond de rechercher si cette application rétroactive pouvait se justifier par l'existence d'un impérieux motif d'intérêt général et si elle ménageait un juste équilibre avec le droit au respect de ses biens en sa qualité d'héritier. La réponse est positive, selon la Cour suprême, dès lors qu'à supposer qu'elles excèdent la quotité disponible, les donations litigieuses seront en toute hypothèse réductibles à la mesure de son droit à la réserve, seul légalement garanti.

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