Le Quotidien du 9 avril 2025

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[Veille] Famille Patrimoine Personnes – Actualité mensuelle (mars 2025)

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par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef

Le 08 Avril 2025

La revue Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection de l’actualité jurisprudentielle et normative, en droit des personnes et de la famille, classée par matières sous plusieurs thèmes/mots-clés.


 

Sommaire

I. Autorité parentale
II. Divorce
III. Droit international privé
IV. Filiation
V. Indivision/Partage
VI. Mineur
VII. Régimes matrimoniaux
VIII. Soins psychiatriques sans consentement
IX. Successions-Libéralités


I. Autorité parentale

Exercice conjoint de l’autorité parentale – Décisions relatives à la santé de l'enfant qui relèvent de la nécessité médicale ou de l'urgence – Méconnaissance par le juge de l’étendue de ses pouvoirs

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-20.631, F-D N° Lexbase : A853863M : Il résulte des  articles 373-2 N° Lexbase : L8774MLK, 373-2-8 N° Lexbase : L6975A44 du Code civil que les juges, lorsqu'ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale d'un parent à l'égard de son enfant, ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère ; selon l’article 373-2-6 N° Lexbase : L6254ML9 du code civil, ils règlent les questions qui leur sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs. Doit dès lors être censuré l'arrêt qui autorise la mère à prendre seule les décisions relatives à la santé de l'enfant qui relèvent de la nécessité médicale ou de l'urgence uniquement lorsqu'elle aura sollicité au préalable l'avis du père et que celui-ci, soit se sera abstenu de répondre, soit s'y sera opposé sans raison légitime et sans faire de contre-propositions efficientes, alors que la cour avait constaté que les parents exerçaient en commun l'autorité parentale, et qu’elle a dès lors délégué à la mère son pouvoir de trancher les éventuels conflits d'autorité parentale relativement à certaines décisions concernant la santé de l'enfant, en méconnaissance de l'étendue de ses pouvoirs.

Pour aller plus loin : A. Gouttenoire, La condamnation d’une atteinte à la coparentalité en matière médicale, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2038B3U.

Fixation des modalités de l’exercice de l’autorité parentale – Principe du contradictoire

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 23-10.329, F-D N° Lexbase : A850263B : viole l’article 16 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1133H4Q, la cour d’appel qui, pour se prononcer sur la modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale, se fonde sur un jugement du juge des enfants du 4 février 2022, soit après l'ordonnance de clôture du 4 janvier 2022 et l'audience de plaidoiries en chambre du conseil du 27 janvier 2022, sans qu'il ne ressorte d'aucune de ses mentions que cette pièce ait fait l'objet d'un débat contradictoire.

Pour aller plus loin : M. Musson, La fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale par le juge ne peut être fondée sur un jugement non-soumis au contradictoire, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2044B34..

Fixation du droit de visite dans un espace de rencontre – Office du juge – Obligation de fixer la durée de la mesure

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 23-14.551, F-D N° Lexbase : A851763T : Il résulte de l'article 1180-5 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5322IUN que, lorsque le juge décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres. Doit dès lors être censuré l’arrêt ayant décidé que le père pourrait rencontrer l'enfant au sein d'un espace de rencontre qu'il désigne, une fois tous les quinze jours, jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé, sans préciser dès lors la durée de la mesure prononcée (cf. Cass. civ. 1, 28 janvier 2015, n° 13-27.983, F-P+B N° Lexbase : A7167NAP).

DVH exercé en espace de rencontre – Articulation des compétences entre le JAF et le juge des enfants

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 23-14.660, F-D N° Lexbase : A34450DX : selon l’article 1180-5 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5322IUN, lorsque le juge aux affaires familiales décide que le droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre en application de l’article 373-2-9 du Code civil N° Lexbase : L0239K7Y, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres, sans pouvoir s'en remettre sur ce point à la décision du juge des enfants prise sur le fondement des articles 375-3 N° Lexbase : L2299MBR et 375-7 N° Lexbase : L2302MBU du même code, qui est provisoire.

Pour aller plus loin : v. déjà en ce sens : Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.024, F-P N° Lexbase : A79844PE ; v. ETUDE : L'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés, in L’autorité parentale (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E052603U.

♦ Délaissement parental – Obligation du juge de déléguer l'autorité parentale à l’établissement ayant recueilli l’enfant par la même décision

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 23-10.795, F-D N° Lexbase : A34920DP : en application de l'article 381-2, alinéa 5, du Code civil N° Lexbase : L5371LT4, il appartenait au juge ayant prononcé le délaissement parental de déléguer l'autorité parentale à la personne, à l'établissement ou au service départemental de l'aide sociale à l'enfance ayant recueilli les enfants ou auxquels ils avaient été confiés, par la même décision, sans pouvoir renvoyer à une autre décision statuant en matière de délégation de l'exercice de l'autorité parentale en application de l'article 377 du Code civil N° Lexbase : L8782MLT.

II. Divorce

Prestation compensatoire – Droits prévisibles à la retraite – Prise en compte dès le stade de l’appréciation du droit à prestation et pas seulement au stade de la fixation de son montant

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-24.122, F-D N° Lexbase : A861763K : pour apprécier la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties, il devait être tenu compte des droits prévisibles à la retraite des époux. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui, pour rejeter la demande de l’épouse en paiement d'une prestation compensatoire, retient qu'il n'existe pas de disparité dans la situation des époux créée par la rupture du mariage, leurs revenus et charges étant quasi équivalents, et ajoute que les éléments relatifs aux sacrifices qu'aurait consentis l'épouse au cours de la vie maritale et qui auraient une incidence sur le montant de sa pension de retraite future ne sont à prendre en compte, au regard de l'article 271 du Code civil N° Lexbase : L3212INB, qu'au stade de la fixation du montant de la prestation compensatoire, ce qui suppose la démonstration préalable d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage, dont la preuve n'est en l'espèce pas rapportée.

Pour aller plus loin : J. Casey, Prestation compensatoire : la retraite est un élément d’appréciation de la disparité, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2041B3Y.

III. Droit international privé

Exception d'incompétence internationale – Obligation pour le juge de se prononcer sur sa compétence – Majeurs protégés

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-19.896, F-D N° Lexbase : A856263I : Il résulte des article 73 N° Lexbase : L1290H4K et 74 N° Lexbase : L1293H4N du Code de procédure civile qu'excède ses pouvoirs le juge qui, sans répondre à l'exception d'incompétence internationale dont il est saisi, statue au fond. Viole dès lors ces dispositions, une cour d’appel qui, pour dire n'y avoir lieu à prononcer une mesure de protection à l'égard d’une personne, après avoir annulé le jugement, retient que s'il existe un débat sur la résidence habituelle de l’intéressé au moment de la saisine du juge des tutelles, il ressort des débats à l'audience que celui-ci n'est plus revenu en France depuis un an et que cet éloignement hors du territoire français empêche tout suivi d'une éventuelle mesure de protection judiciaire, sans se prononcer préalablement sur sa compétence.

Pour aller plus loin : J. Sagot-Duvauroux, Obligation pour le juge d’établir sa compétence internationale avant de statuer sur le fond en matière de protection des majeurs, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2032B3N.

IV. Filiation

Adoption plénière de l'enfant du conjoint – Opposition du conjoint après expiration du délai de rétractation de son consentement

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 22-22.507, F-B N° Lexbase : A16130CQ : il résulte de l'article 345-1, 1°, devenu 370-1-3, 1° N° Lexbase : L5349MET, du Code civil et des articles 348-1 N° Lexbase : L5145MEB et 348-3 N° Lexbase : L5152MEK du même code, dans leur version alors applicable, que l'adoption plénière de l'enfant du conjoint, permise lorsque l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, requiert le consentement de celui-ci, lequel peut être rétracté pendant deux mois. L'alinéa 3 de l'article 348-3, selon lequel « Si à l'expiration du délai de deux mois, le consentement n'a pas été rétracté, les parents peuvent encore demander la restitution de l'enfant à condition que celui-ci n'ait pas été placé en vue de l'adoption. Si la personne qui l'a recueilli refuse de le rendre, les parents peuvent saisir le tribunal qui apprécie, compte tenu de l'intérêt de l'enfant, s'il y a lieu d'en ordonner la restitution. La restitution rend caduc le consentement à l'adoption », présuppose que l'enfant a été remis à un tiers. Il n'est pas applicable à l'adoption de l'enfant du conjoint. Il s'en déduit qu'à défaut de rétractation de son consentement à l'adoption de son enfant dans le délai légal, l'opposition du conjoint ne lie pas le juge, qui doit seulement vérifier que les conditions légales de l'adoption de l'enfant sont remplies et si celle-ci est conforme à son intérêt.

Action en constatation de la possession d'état – Point de départ du délai de prescription

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 22-23.644, F-B N° Lexbase : A16120CP : le point de départ du délai de prescription de l'action en constatation de la possession d'état est la cessation de la possession d'état si elle intervient du vivant du parent prétendu ou, dans le cas contraire, le décès de ce dernier.

Enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui – Exequatur de la décision étrangère établissant le lien de filiation

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 24-50.006, F-D N° Lexbase : A854063P : l'ordonnance rendue le 15 août 2018 par la cour supérieure de l'État du Vermont établissant le lien de filiation entre les enfants nés d'une gestation pour autrui le 10 août 2018 dans l'État du Vermont, et les parents d’intention, qui n'est pas un jugement d'adoption, a été revêtu de l'exequatur par une disposition du jugement de première instance non frappée d'appel. Cette filiation est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets. Il y a donc lieu, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, confirmant le jugement de ce chef, de rejeter la demande des parents tendant à voir juger que l'ordonnance du 15 août 2018 produira en France les effets d'une adoption plénière.

Pour aller plus loin : v. J. Sagot-Duvauroux, Un jugement étranger rendu à la suite d’une GPA doit être reconnu en tant que tel et ne peut être transformé en adoption plénière, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2031B3M.

Perte de la nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère – Rétablissement par le Conseil constitutionnel de l'égalité entre les sexes – Descendants des femmes concernées

Cass. civ. 1, 12 mars 2025, n° 23-18.905, F-D N° Lexbase : A067167Y : par décision rendue le 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant Code de la nationalité française, réservant aux Français du sexe masculin, quelle que soit leur situation au regard des obligations militaires, le droit de choisir de conserver la nationalité française lors de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère (Cons. const., décision n° 2013-360 QPC, du 9 janvier 2014 N° Lexbase : A0728KT7) ; il a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité pouvait être invoquée « par les seules femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité, entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973 ; que les descendants de ces femmes peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant, compte tenu de cette inconstitutionnalité, que ces femmes ont conservé la nationalité française ». Ayant relevé que la mère de la demanderesse, décédée le 23 novembre 2016, n'avait pas fait judiciairement établir qu'elle avait conservé la nationalité française en vertu de la décision du Conseil constitutionnel, la cour d'appel en a exactement déduit que, ne pouvant se prévaloir de cette décision, elle n'établissait pas qu'elle était française par filiation maternelle, de sorte qu'il ne pouvait être fait droit à sa demande de substitution sur son acte de naissance d'une mention marginale de nationalité par filiation à la mention d'acquisition de nationalité par déclaration.

V. Indivision/Partage

Indemnité d’occupation pour occupation privative – Occupation non exclusive

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 23-19.685, F-D N° Lexbase : A34710DW : l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose ; doit dès lors être censuré l’arrêt qui condamne un indivisaire au paiement d'une indemnité pour l'occupation privative et exclusive de l'immeuble indivis, sans rechercher si cette occupation du bien indivis excluait un usage concurrent de l’autre indivisaire.

Attribution préférentielle – Bénéficiaires de l’attribution

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-22.143, F-D N° Lexbase : A862363R : il résulte des articles 831 N° Lexbase : L9963HNC, 1476 N° Lexbase : L1613ABD, 1542 N° Lexbase : L1653ABT et 515-6 N° Lexbase : L8523HWL du Code civil que, si l'attribution préférentielle peut être demandée, sous les conditions prévues par la loi, dans le partage des indivisions de nature familiale, même d'origine conventionnelle, elle ne peut l'être que par le conjoint, par le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou par tout héritier. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui attribue de manière préférentielle la parcelle indivise aux indivisaires qui n'étaient unis à leurs coïndivisaires ni par un héritage commun dès lors qu'ils n'avaient pas hérité de la parcelle litigieuse, ni par le mariage, ni par un pacte civil de solidarité,

VI. Mineur

Juge des enfants – Assistance éducative – Placement en urgence

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 22-22.929, F-B N° Lexbase : A4014633 : Selon l'article 1184, alinéa 3, du Code de procédure civile N° Lexbase : L8890IW8, lorsque le juge des enfants est saisi par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, il convoque les parties et statue dans un délai qui ne peut excéder quinze jours à compter de sa saisine, faute de quoi le mineur est remis, sur leur demande, à ses parents ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié.

Pour aller plus loin : v. M. Musson, Placement en urgence d’un enfant par le Procureur : calcul du délai dans lequel le juge doit statuer, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2045B37.

VII. Régimes matrimoniaux

Acquêts de communauté – Actions d’une société anonyme (SA)

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 23-14.322, F-B N° Lexbase : A16050CG : les actions d'une société anonyme constituent, en principe, des titres négociables qui, acquis à titre onéreux pendant le mariage, même par un seul des époux, tombent en communauté ; la cession d'actions communes postérieurement à la dissolution de la communauté requiert, en principe, l'accord des deux époux.

VIII. Soins psychiatriques sans consentement

Transfert en Unité pour Malades Difficiles (UMD) – Irrégularité du placement sans incidence sur la régularité de la procédure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète

Cass. civ. 1, 19 mars 2025, n° 24-10.643, F-B N° Lexbase : A502868Q : Il résulte des articles L. 3211-3 N° Lexbase : L2993IYI, L. 3216-1 N° Lexbase : L3499MKS et R. 3222-2 N° Lexbase : L4244KYT du Code de la santé publique que l'irrégularité affectant un placement en UMD ne peut donner lieu qu'à la mainlevée de ce placement, s'il en est résulté une atteinte aux droits du patient, et n'a pas d'incidence sur la régularité de la procédure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'après avoir constaté que l'arrêté préfectoral du 8 septembre 2023 portant transfert en UMD n'avait pas été notifié à l’intéressé, le premier président a retenu que ce transfert n'avait pas entraîné de changement de cadre et de régime juridique, s'agissant de la poursuite d'une hospitalisation complète et qu'il était commandé par la nécessité d'adapter les soins et de favoriser une meilleure prise en charge de l’intéressé dans une unité adaptée à son état, compte tenu de son comportement hétéro-agressif réitéré à l'endroit des soignants et caractérisant un risque pour la sûreté des personnes et estimé, en conséquence, qu'une atteinte concrète à ses droits découlant de cette irrégularité n'était pas caractérisée.

Mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète – Avis d’un second psychiatre – Fugue du patient

Cass. civ. 1, 19 mars 2025, n° 23-23.255, F-B N° Lexbase : A503068S : il résulte des articles L. 3213-9-1 N° Lexbase : L3591MK9 et R. 3213-3 N° Lexbase : L7786IQG du Code de la santé publique que le représentant de l'État n'est tenu de lever une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète que si un second psychiatre confirme qu'une telle hospitalisation ne s'impose plus au regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la personne et des incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes et que tel n'est pas le cas d'un avis motivé par le seul constat de la fugue du patient.

IX. Successions-Libéralités

Droit de retour légal des père et mère donateurs – Transmission aux héritiers

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 22-23.145, FS-B N° Lexbase : A16150CS : il résulte des articles 724 N° Lexbase : L3332ABZ et 775, alinéa 2 N° Lexbase : L9848HN3, du Code civil que les héritiers de celui qui est appelé à une succession sans avoir pris parti disposent séparément, chacun pour leur part, de tous les droits de leur auteur. Le droit de retour institué au profit des père et mère sur les biens par eux donnés à l'enfant prédécédé sans postérité, prévu à l'article 738-2 du Code civil N° Lexbase : L9834HNK, est de nature successorale. En conséquence, lorsque l'ascendant donateur décède, sans avoir pris parti sur ce droit, celui-ci est transmis à ses héritiers.

Rapport des libéralités - Élément matériel d'une libéralité rapportable résultant de la minoration du prix de vente

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 22-23.937, FS-B N° Lexbase : A16160CT : l'existence de l'élément matériel d'une libéralité rapportable pouvant résulter de la minoration du prix de vente de terres agricoles à un héritier présomptif doit s'apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, considération prise de l'existence d'un bail, peu important que celui-ci ait été consenti à cet héritier.

♦ Conditions de forme d’un testament – Vérification d’écriture – Apposition de la signature à la suite du contenu

Cass. civ. 1, 26 mars 2025, n° 23-14.430, F-D N° Lexbase : A33950D4 : i) la vérification d'écriture doit être effectuée au vu de l'original de l'écrit contesté. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui, pour rejeter la demande de nullité du testament, relève qu'en présence de la dénégation de l'écriture et de la signature du testament attribué à M. X, il convenait, en application des articles 287 N° Lexbase : L4770LAW et 288 N° Lexbase : L1895H4X du Code de procédure civile, de procéder à une vérification d'écriture, que les divers documents écrits et signés par le défunt, produits par chacune des parties, constituent autant d'éléments de comparaison avec le testament et qu'il n'est pas indispensable de posséder l'original de ce dernier, dès lors que la copie produite est parfaitement lisible et exploitable. ii) Pour être la marque de l'approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte, la signature doit nécessairement être apposée à sa suite. Doit dès lors être censuré l’arrêt qui, pour déclarer valable dans son intégralité le testament en cause, retient que celui-ci a été écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et que, n'étant assujetti à aucune autre forme, il importe peu que la mention d'un legs figure en-dessous de la signature et de la date.

♦ Manifestation du successible dans le délai trentenaire – Obstacle à l’appropriation publique

Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-17.940, FS-B N° Lexbase : A42300CN : doit être regardé comme s'étant présenté à la succession, au sens de l'article L. 1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L1219MLQ, le successible qui se manifeste dans le délai de trente ans suivant le décès du propriétaire d'un immeuble pour en réclamer la transmission successorale, et, ainsi, faire obstacle à son appropriation publique.

Recel successoral – Prescription quinquennale

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 23-10.360, FS-B N° Lexbase : A4015634 : à défaut de texte spécial, l'action en sanction du recel successoral prévue à l'article 778 du Code civil N° Lexbase : L1803IEI, qui présente le caractère d'une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du même code N° Lexbase : L7184IAC.

Pour aller plus loin : v. A. Mars, Prescription quinquennale de droit commun de l’action en recel successoral : le recel décorrélé de l’option, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 N° Lexbase : N2039B3W.

♦ Droits du conjoint survivant – Absence de choix en présence d'un enfant non commun

Cass. civ. 1, 5 mars 2025, n° 23-11.430, F-D N° Lexbase : A8608639 : Selon l'article 757 du Code civil N° Lexbase : L3361AB4, si l'époux prédécédé laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens existants. Viole dès lors ces dispositions l’arrêt qui retient que faute d'avoir pris parti dans des formes opposables, l’épouse survivante était réputée avoir opté pour l'usufruit, alors qu'en présence d'un enfant non commun, les droits légaux du conjoint survivant ne pouvaient être que de la propriété du quart des biens existants, sans faculté d'option pour l'usufruit de la totalité de ces biens.

Pour aller plus loin :

  •  v. l’infographie INFO336, Les droits du conjoint survivant, Droit de la famille N° Lexbase : X4651CHQ ;
  • v. J. Casey, Les droits légaux & du conjoint survivant : gare aux erreurs !, Lexbase Famille Patrimoine Personnes (FPP), avril 2025 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 117962877, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Observations] Les droits l\u00e9gaux & conventionnels du conjoint survivant : gare aux erreurs !", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N2040B3X"}}.

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Construction

[Dépêches] La limitation de vue est-elle un trouble anormal de voisinage ?

Réf. : Cass. civ. 3, 27 mars 2025, n° 23-21.076, F-D N° Lexbase : A59090D9

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N2055B3I

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 08 Avril 2025

Le non-respect des dispositions du permis de construire n’entraîne pas automatiquement la caractérisation d’un trouble anormal du voisinage.
La limitation d’une vue peut-être constitutive d’un trouble anormal du voisinage.

Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 du Code civil, la formule selon laquelle « Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin, qu’il soit propriétaire ou non.

La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434 N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159 N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la réglementation applicable. Or, la qualification de ce qui est normal, ou non, est, à se risquer au jeu de mots, troublante en droit.

La présente espèce est l’occasion d’y revenir. Un particulier se voit accorder un permis de construire pour l’extension de sa villa. Soutenant que cette construction ne respectait pas le permis de construire et qu’elle subissait divers troubles de voisinage tenant notamment à une perte d’ensoleillement et une perte de vue, la propriétaire d’un appartement situé dans un immeuble voisin assigne le maître d’ouvrage pour obtenir, ni plus ni moins, la démolition de certaines constructions.

La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt rendu le 27 juillet 2023 (CA Montpellier, 27 juillet 2023, n° 19/02522 N° Lexbase : A07121GH), a retenu l’existence de ce trouble. Les conseillers ont, dans leur pouvoir souverain d’appréciation de cette question de fait, relevé que la distance entre les deux bâtiments, à l’origine de 7,58 mètres, avait été réduite à 4 mètres par la construction du mur pignon de l’immeuble et que cette construction limite de manière significative la vue dont elle disposait, ce qui affecte les conditions de jouissance et la valeur immobilière du bien.

La Haute juridiction censure. Les juges du fond auraient dû rechercher si l’urbanisation de la zone où se trouvaient les immeubles n’était pas de nature à écarter l’existence d’un trouble anormal du voisinage.

L’environnement urbain doit être pris en compte. Ce n’est pas la première fois que les juges le rappellent. Une perte de vue d’ensoleillement ne caractérise pas automatiquement un trouble (Cass. civ. 3, 27 février 2020, n° 18-22.558 N° Lexbase : A78163GL).

La solution n’aurait toutefois peut-être pas été la même s’il avait pu être fait application du nouvel article 1253 du Code civil N° Lexbase : L1475MML qui dispose que :

« Le propriétaire, le locataire, l'occupant sans titre, le bénéficiaire d'un titre ayant pour objet principal de l'autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.

Sous réserve de l'article L. 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d'acte, à la date d'entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal ».

newsid:492055

Procédure pénale

[Dépêches] Inapplicabilité des dispositions relatives à la détention provisoire en matière d’écrou extraditionnel et droits de la défense

Réf. : Cass. crim., 19 mars 2025, n° 25-80.129, F-B N° Lexbase : A57190A3

Lecture: 4 min

N2060B3P

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par Helena Viana, Avocate au barreau de Paris

Le 09 Avril 2025

Dans un arrêt du 19 mars 2025, la Cour de cassation précise les garanties procédurales applicables aux personnes placées sous écrou extraditionnel formulant une demande de mise en liberté : l’article 696-19 du Code de procédure pénale est applicable et permet d’assortir la mise en liberté d’une mesure de contrôle judiciaire. Elle confirme également que l’article 197 du même code s’applique en matière d’extradition, tout retard dans la transmission des réquisitions portant nécessairement atteinte aux droits de la défense. 

Faits. Un ressortissant turc a été condamné à huit ans et neuf mois d’emprisonnement par la justice turque. Le Gouvernement de la République de Turquie a alors formulé une demande d’extradition aux fins d’exécution de la peine. Interpellé en France quelques mois après cette demande, le condamné a été placé sous écrou extraditionnel le lendemain. S’opposant à sa remise, il a formé une demande de mise en liberté sur le fondement de l’article 696-19 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9789IPA qui permet à la personne placée sous écrou extraditionnel de saisir la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté.

Procédure. La chambre de l’instruction, saisie de la demande de mise en liberté, a constaté l’irrégularité de la procédure en raison de la transmission tardive des réquisitions du Procureur général, celles-ci ayant été déposées le jour de l’audience.

Constatant qu’elle ne pouvait renvoyer l’affaire en raison des délais de convocation, elle a ordonné la mise en liberté de l’intéressé, en l’assortissant d’une mesure de contrôle judiciaire, faisant application de l’article 803-7 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3147MKR.

Moyens du pourvoi. Le Procureur général a formé un pourvoi en soutenant que la chambre de l’instruction avait méconnu les dispositions de l’article 696-13 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0813DYR en assimilant la procédure extraditionnelle à celle de la détention provisoire alors même qu’il n’intervient pas en qualité de partie à la procédure, mais en tant qu’autorité d’exécution. Selon ce même moyen, il arguait l’inapplicabilité de l’article 803-7 du Code de procédure pénale à la procédure extraditionnelle.

Il soutenait également que, d’une part, la chambre de l’instruction a manqué de base légale en ne recherchant pas l’existence de garanties suffisantes justifiant la mise en liberté de l’intéressé et, d’autre part, il contestait l’absence de recherche d’un grief lié au défaut de dépôt des réquisitions écrites du ministère public avant l’audience.

Conclusion. Si la Chambre criminelle rejette le pourvoi, la portée de l’arrêt demeure significative, en ce qu’elle procède à une substitution de motifs en censurant ceux adoptés par la chambre de l’instruction.

Les Hauts magistrats énoncent en premier lieu que l’article 803-7 du Code de procédure pénale n’est pas applicable à une personne placée sous écrou extraditionnel, seul l’article 696-19 du même code étant applicable. C’est de surcroît sur le fondement de l’alinéa 3 de cet article que les juges du fond pouvaient ordonner un contrôle judiciaire.

Elle insiste par ailleurs sur la fonction du contrôle judiciaire, pour écarter l’obligation de motivation spéciale quant aux garanties de représentation.

En effet, l’article 137 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9393IEM rappelle qu’en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, une personne présumée innocente demeurant libre peut être assujettie aux obligations du contrôle judiciaire, lequel remplit ainsi la fonction de garantie de représentation.

Cette décision s’inscrit dans la lignée d’un arrêt de 2021, où la chambre criminelle avait déjà affirmé que l’article 696-19 du Code de procédure pénale, applicable en la matière, ne renvoyait pas aux articles 137-3 N° Lexbase : L1328MAG et 144 de ce code N° Lexbase : L9485IEZ. Elle énonçait que ces articles étaient relatifs à la détention provisoire, les juges devant uniquement apprécier les garanties présentées par l’intéressé pour répondre à la demande de mise en liberté [1].

En revanche, dans l’arrêt du 19 mars 2025, elle confirme l’applicabilité de l’article 197 du Code de procédure pénale à la demande de mise en liberté formulée par une personne placée sous écrou et rappelle que l’absence de dépôt de réquisitions dans les délais prescrits par l’article porte nécessairement atteinte aux droits de la défense, le Procureur général étant donc une partie à la procédure.

Là encore, la solution n’est pas surprenante, la méconnaissance des formalités de l’article 197 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3248MKI ayant déjà été considérée par les hauts magistrats comme faisant nécessairement grief. Cette solution, bien que classique, marque une extension de l’application de l’article 197 au contentieux de l’extradition, alors qu’il avait principalement été invoqué en matière de mandat d’arrêt européen [2].

On peut néanmoins supposer qu’une issue différente aurait pu être envisagée si les délais de convocation avaient permis un renvoi de l’affaire, permettant ainsi la régularisation des réquisitions et l’examen au fond de la demande de mise en liberté.

 

[1] Cass. crim., 30 mars 2021, n° 21-80.339 N° Lexbase : A93724M3.

[2] Cass. crim. 20 mai 2015, n° 15-82.469 N° Lexbase : A5472NII.

newsid:492060

Sécurité sociale

[Questions à...] Comment évaluer les avantages en nature « véhicule » ? Questions à Guillemette Watine, avocate en droit de la Sécurité sociale

Lecture: 13 min

N2052B3E

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Le 08 Avril 2025

Mots clés : avantages en nature • flotte d'entreprise • véhicules thermiques • véhicules électriques • URSSAF 

Les nouvelles dispositions applicables aux véhicules de fonction depuis début février 2025 sont moins avantageuses pour les entreprises disposant d’une importante flotte de véhicules, notamment thermiques. En effet, la base de calcul de ces avantages en nature passe de 30 à 50 % du coût global annuel du véhicule pour les locations (entretien et assurance compris) et de 9 à 15% pour les véhicules achetés. Toutefois, un abattement accru est prévu pour les véhicules électriques, particulièrement s’ils sont produits en Europe. Pour faire le point sur ces nouveautés, Lexbase a interrogé Guillemette Watine, avocate en droit de la Sécurité sociale*.


 

Lexbase : Quelles sont les caractéristiques et la finalité de l’avantage en nature « véhicule » ?

Guillemette Watine : Tout travail mérite salaire… même quand il ne prend pas la forme d’argent. C’est de ce constat que naît la notion d’avantage en nature.

Le point de départ est donc simple : le salarié qui accomplit une prestation pour le compte de son employeur doit être rémunéré en contrepartie du travail effectivement fourni.

Ce paiement intervient à des échéances régulières, sous la forme d’une somme d’argent versée par virement, chèque ou espèces, sauf disposition particulière imposant un autre mode de règlement [1].

Mais la rémunération peut également comprendre, en tout ou partie, des avantages en nature :

Il s’agit de biens ou de services mis à la disposition du salarié par l’employeur, lui permettant d’économiser des dépenses qu’il aurait normalement dû supporter lui-même (par exemple : logement, repas, véhicule, matériel informatique, etc.).

Ces avantages, assimilés à un complément de salaire, doivent être intégrés à l’assiette des cotisations et contributions sociales pour leur valeur brute et apparaître sur le bulletin de paie [2].

Parmi les différentes formes d’avantages en nature pouvant être consenties par l’employeur, la mise à disposition d’un véhicule figure parmi les plus fréquents et les plus contrôlés par l’URSSAF.

Il est caractérisé lorsque l’employeur met à disposition de façon permanente un véhicule dont il est propriétaire ou locataire, et que le salarié est autorisé à l’utiliser à des fins personnelles [3].

La notion de permanence est ici essentielle.

L’objectif de l’évaluation de l’avantage en nature « véhicule » - comme pour tout avantage en nature - est de garantir l’intégration de toutes les formes de rémunération dans l’assiette des cotisations sociales.

Cette réintégration est indispensable, puisque les cotisations sociales financent l’ensemble du système de protection sociale en France : assurance maladie, maternité, invalidité, retraite, allocations familiales, assurance chômage, accidents du travail… Intégrer les avantages en nature à l’assiette des cotisations permet donc d’assurer une équité de traitement entre les salariés quelle que soit la forme de leur rémunération.

Lexbase : Dans quels cas l’avantage en nature « véhicule » doit-il être mis en place ?

Guillemette Watine : Chaque fois qu’un véhicule est mis à disposition d’un salarié par l’employeur, il est nécessaire de s’interroger sur l’usage qui en est fait :

Le véhicule est-il utilisé exclusivement dans le cadre de l’activité professionnelle du salarié ?

Si la réponse est oui, l’employeur devra être en mesure de le justifier de manière probante [4].  

Si la réponse est non, c’est-à-dire si le salarié est autorisé à utiliser le véhicule à des fins personnelles, alors un avantage en nature est constitué. Celui-ci devra être évalué et intégré à l’assiette des cotisations sociales.

En effet, lorsque l’utilisation du véhicule est strictement limitée à un usage professionnel, et que l’employeur peut le démontrer de manière précise — notamment via un journal de bord recensant les rendez-vous, les trajets et les kilomètres parcourus à titre professionnel —, il ne s’agit pas d’un avantage en nature : les frais liés à cet usage sont alors considérés comme des frais professionnels, exonérés de cotisations sociales.

En revanche, dès que le salarié est autorisé à utiliser le véhicule en dehors de ses horaires de travail, le week-end ou durant ses congés, même de manière ponctuelle, l’usage personnel du véhicule constitue un avantage en nature. 

Au-delà du respect des règles, c’est donc une véritable culture de la justification que les entreprises doivent développer en anticipant et en structurant chaque avantage ou frais professionnels afin qu’ils soient documentés et défendus avec cohérence.

Lexbase : Justement, comment éviter un risque de redressement URSSAF lié à l’avantage en nature « véhicule » ? Doit-il être intégré dans le contrat de travail ?

Guillemette Watine : Il faut savoir que les règles relatives à l’évaluation d’un avantage en nature « véhicule » sont toutes énumérées sur le site du Bulletin officiel de la Sécurité sociale [5].

Les informations qui y sont publiées, sont mises à jour en fonction des évolutions législatives et réglementaires et sont opposables à l’URSSAF.

Depuis le 1er janvier 2025, le BOSS intègre désormais les rescrits dits « de portée générale » notamment au sein de la rubrique « Avantage en nature ».

Il est donc important de s’y référer.

Dans beaucoup de situations, les entreprises mettent à disposition un véhicule pour des raisons professionnelles sans toutefois en justifier sa réelle utilisation.

Le premier risque URSSAF se situe ici.

Le principe veut que l’avantage en nature « véhicule » n’est pas constitué lorsque l’usage personnel du véhicule est exclu de manière effective et encadrée par l’employeur.

Ainsi, aucune évaluation n’est requise lorsque le salarié est tenu de restituer le véhicule à l’employeur pendant ses périodes de repos hebdomadaire et de congés payés. De même, si le salarié conserve le véhicule en permanence mais qu’il lui est formellement interdit de l’utiliser à des fins personnelles pendant ces périodes, aucun avantage en nature ne doit être comptabilisé.

Cette interdiction doit toutefois être précisée par écrit.

L’utilisation strictement professionnelle d’un véhicule peut effectivement être formalisée dans le contrat de travail, mais pas uniquement : règlement intérieur, note de service, courrier ou mail émanant de l’employeur.

En outre, il peut être utile de mettre en place des dispositifs de traçabilité rigoureux et plusieurs outils peuvent être mobilisés : la rédaction systématique de notes de frais détaillées par le salarié, mentionnant notamment la date, l’objet du déplacement, l’itinéraire suivi, les adresses de départ et d’arrivée, ainsi que le kilométrage parcouru. La tenue d’un agenda professionnel permet également de refléter l’activité réelle du salarié.

À ce sujet, la jurisprudence rappelle que la preuve « peut être apportée par tout moyen » en application de l'article 1358 du Code civil N° Lexbase : L1008KZD [6].

L’URSSAF admet certaines tolérances, en particulier lorsque le salarié est tenu de restituer le véhicule pendant ses jours de repos ou ses congés, mais qu’un véhicule de l’entreprise lui est néanmoins mis à disposition pour ses trajets domicile-travail. Dans ce cas, il n’est pas considéré qu’il s’agit d’un avantage en nature si l’octroi du véhicule est justifié par les besoins de son activité professionnelle, et que l’employeur est en mesure de démontrer que l’utilisation des transports en commun est impossible ou inadaptée, en raison notamment de la distance, des horaires ou de conditions de travail spécifiques.

La jurisprudence vient régulièrement compléter l’interprétation des règles applicables. Et en matière d’avantage en nature « véhicule », la Cour de cassation a opéré une évolution notable :

Dans les affaires en cause, l’URSSAF avait redressé une société sur plusieurs fondements, notamment au titre des avantages en nature « véhicule ». Le redressement reposait sur l’absence de preuve du caractère exclusivement professionnel des déplacements et des dépenses engagées. La cour d’appel avait validé cette position, estimant que les attestations des salariés ne permettaient pas, de manière précise et individuelle, de justifier la nature professionnelle des trajets concernés.

Jusqu’alors, la jurisprudence considérait que les seules déclarations des salariés ne suffisaient pas à démontrer que les montants versés par l’employeur correspondaient exclusivement à des trajets professionnels.

La Cour de cassation a toutefois censuré ce raisonnement, considérant que les motifs retenus étaient « insuffisants à caractériser dans son principe et dans son montant » l’avantage en nature reproché [7].

Cette décision marque un assouplissement significatif en faveur des entreprises, en reconnaissant la valeur probante des déclarations des salariés lorsqu’aucun élément contraire ne vient les infirmer.

Il convient toutefois de rester attentif à l’application de cette nouvelle position par les juridictions du fond dans les contentieux à venir.

Le second risque URSSAF se trouvera dans une mauvaise évaluation de l’avantage en nature :

De manière générale, la valeur des avantages en nature à réintégrer dans l’assiette des cotisations peut être déterminée selon deux modalités : soit sur la base de leur valeur réelle, soit, lorsque cela est expressément prévu, par application de forfaits.

Quelle que soit la méthode retenue, la traçabilité des avantages accordés restera essentielle.

Lexbase : Quelles sont les modalités d’évaluation de l’avantage en nature « véhicule » en 2025 ?

Guillemette Watine : L’arrêté du 25 février 2025, relatif à l'évaluation des avantages en nature pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale des salariés affiliés au régime général et des salariés affiliés au régime agricole N° Lexbase : L7248M8X, fixe désormais les règles applicables à l’évaluation des avantages en nature accordés par l’employeur. Il remplace et abroge à cette occasion les arrêtés antérieurs du 10 décembre 2002 et du 17 juin 2003, qui encadraient jusqu’alors ces modalités pour chacun des régimes.

En ce qui concerne l’avantage en nature « véhicule », ces nouvelles modalités s’appliquent à tous les véhicules attribués à compter du 1er février 2025, quelle que soit leur date d’acquisition.

Le choix de l’évaluation est toujours laissé à l’employeur : soit elle est évaluée forfaitairement, soit elle est calculée sur la base des dépenses réellement engagées.

Si certains principes communs s’appliquent, les modalités vont toutefois varier selon que le véhicule est acheté ou loué, de même s’il a plus ou moins de 5 ans.

Lorsque l’employeur ne peut apporter la preuve des dépenses réellement engagées, les redressements opérés lors d’un contrôle URSSAF seront effectués sur la base du forfait.

Dépenses réelles

(évaluation annuelle)

Véhicule de moins de 5 ans

Véhicule de plus de 5 ans

 

Véhicule acheté

20% du coût d’achat TTC + Frais accessoires (assurance, entretien etc.) x part d’usage privé (= km perso/ km total)

10% du coût d’achat TTC + Frais accessoires (assurance, entretien etc.) x part d’usage privé (=km perso/ km total)

Véhicule acheté avec prise en charge du carburant par l’employeur

Ajouter les frais réels de carburant au calcul précédent

Véhicule loué

Coût annuel de la location TTC + entretien + assurance x part d’usage privé (= km perso/ km total)

Véhicule loué avec prise en charge du carburant par l’employeur

Ajouter les frais réels de carburant au calcul précédent

FORFAIT ANNUEL

Pour les véhicules mis à la disposition du salarié à compter du 1er février 2025

Véhicule de moins de 5 ans

Véhicule de plus de 5 ans

Véhicule acheté

15 % du coût d’achat

10 % du coût d’achat

Véhicule acheté et prise en charge par l’employeur des frais de carburant

15 % du coût d'achat + frais réels (sur factures) de carburant utilisé à des fins personnelles OU 20 % du coût d’achat

10 % du coût d'achat + frais réels (sur factures) de carburant utilisé à des fins personnelles OU 15 % du coût d’achat

 

Véhicule loué ou en location avec option d’achat

50 % du coût global*

Véhicule loué ou en location avec option d’achat et prise en charge par l’employeur des frais de carburant

 

67% du coût global*

 

 

* L'évaluation obtenue sera plafonnée au montant de l'avantage en nature qui aurait été évalué si l'employeur avait acheté le véhicule, le prix de référence du véhicule étant le prix d'achat TTC du véhicule par le loueur, rabais compris, dans la limite de 30 % du prix conseillé par le constructeur pour la vente de véhicule au jour du début du contrat.

Lexbase : Existe-t-il des règles spécifiques pour les véhicules électriques ?

Guillemette Watine : Il existe en effet une tolérance applicable aux véhicules fonctionnant exclusivement à l’électricité et mis à la disposition des salariés.

Le régime transitoire qui était alors en vigueur a été prolongé et prévoit notamment un traitement social avantageux de l’avantage en nature lié à l’usage du véhicule.

Ainsi, qu’il soit évalué selon la valeur réelle ou selon une valeur forfaitaire, l’avantage ne tient pas compte des frais d’électricité supportés par l’employeur pour la recharge du véhicule.

Jusqu’au 31 janvier 2025, un abattement de 50 % s’appliquait sur la valeur de l’avantage en nature, dans la limite de 2 000,30 euros par an.

À compter du 1er février 2025, de nouvelles règles s’appliquent avec des modalités différenciées selon le mode d’évaluation retenu et sous réserve du respect d’un éco-score minimal [8].

Ainsi, lorsque l’avantage en nature est calculé sur la base de la valeur réelle, un abattement de 50 % reste applicable, dans la limite annuelle de 2 000,30 euros. En revanche, si l’évaluation est réalisée selon une méthode forfaitaire, l’abattement est plus généreux : 70 %, avec un plafond porté à 4 582 euros par an [9].

Par ailleurs, d’autres avantages sont prolongés jusqu’au 31 décembre 2027 :

  • lorsqu’un employeur met à disposition une borne de recharge pour véhicules électriques sur le lieu de travail, l’utilisation de cette borne par un salarié à des fins personnelles ne constitue pas un avantage en nature ;
  • et dans une logique de transition énergétique, le régime social applicable à l’installation et d’achat de bornes de recharge au domicile du salarié par l’employeur fait également l’objet d’aménagements spécifiques.

Ces tolérances illustrent la volonté des pouvoirs publics d’encourager la mobilité électrique, tout en encadrant strictement les conditions d’exonération pour éviter tout détournement à des fins personnelles.

* Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.

[1] C. trav., art. L. 3242-1 N° Lexbase : L0880H9H.

[2] CSS, art.  L.242-1 N° Lexbase : L6153M8E.

[3] Circulaire DSS/SDFSS/5B du 7 janvier 2003. 

[4] Cass. civ. 2, 19 septembre 2013, n° 12-21.803, F-D N° Lexbase : A4884KLH ; Cass, civ. 2, 9 janvier 2025, n° 21-25.916, FS-B N° Lexbase : A67986PH.

[5] Site boss.gouv.fr

[6] Cass. civ. 2, 20 mars 2025, n° 22-19.731, F-D N° Lexbase : A69190BU.

[7] Cass. civ. 2, 22 sept. 2022, n°s 21-10.760 N° Lexbase : A87388KT, 21-10.761 N° Lexbase : A86468KG, 21-10.762 N° Lexbase : A86938K8.

[8] C. énergie, art. D. 251-1 N° Lexbase : L6876MR4. Le respect de l’éco-score est apprécié à la date de mise à disposition du véhicule. Pour être éligible, le véhicule doit figurer sur la liste officielle des modèles ayant atteint le score environnemental minimal, établie par l’arrêté du 14 décembre 2023 N° Lexbase : L0063M8T.

[9] Si le véhicule ne satisfait pas à cette exigence d’éco-score, l’avantage en nature est évalué selon les barèmes classiques (réels ou forfaitaires), sans application d’abattement.

newsid:492052

Urbanisme

[Jurisprudence] « SCOT toujours »… Du nécessaire degré de précision des SCOT littoraux

Réf. : CAA Nantes, 5ème ch., 18 mars 2025, n° 22NT04125, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A475368K

Lecture: 9 min

N2034B3Q

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par Raphaël Romi, Professeur émérite, avocat counsel, DS Avocats

Le 11 Avril 2025

Mots clés : continuité d’urbanisation • communes littorales • SCOT • loi « ELAN » • loi « littoral »

Dans un arrêt rendu le 18 mars 2025, la cour administrative d’appel de Nantes reprend et corrige la décision du tribunal administratif de Rennes qui n’avait annulé que partiellement le schéma de cohérence territoriale (SCOT) du Golfe du Morbihan en ne sanctionnant que l’ouverture à l’urbanisation d’espaces non urbanisés, alors que le SCOT était irrecevable en tant qu’il ne prévoyait pas la capacité d’accueil des communes littorales et ne  raisonnait qu’à l’échelle globale du territoire couvert par le SCOT. Elle ajoute à l’application stricte de la loi « littoral »  une exigence de respect par les élus de la version corrigée de la loi « littoral »  par la loi « ELAN » : celle-ci leur restitue en quelque sorte l’initiative en matière d’aménagement, dans le respect des dispositions sacralisées de protection. 


 

La cour administrative d'appel de Nantes a pris le parti, le 18 mars 2025, de faire une application radicale des dispositions organisant la gestion des espaces littoraux par les SCOT.

Le tribunal administratif de Rennes avait focalisé son attention sur un classement contestable de rares constructions situées proches du rivage en espaces urbanisés [1].  L’annulation du SCOT, partielle, ne tenait compte que de cela.  

Cette polarisation est compréhensible, puisque la qualification des espaces urbanisés est essentielle, depuis la modification par la loi « ELAN » (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8) de la loi « littoral » (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9) initiale,  pour déterminer la liberté d’urbaniser dans des zones primitivement interdites de construction.

Ce texte a été très critiqué parce qu’il ouvrait la possibilité de procéder au comblement des « dents creuses » dans des « secteurs déjà urbanisés » [2], ce qui de facto a semblé permettre à des élus désireux de construire dans des coupures d’urbanisation précédemment mieux protégées. 

Dès la première décision du Conseil d’État portant interprétation des dispositions nouvelles [3],  c’est sur cette seule question que l’attention des juges puis des commentateurs a porté [4].

C’est d’ailleurs encore le cas plus récemment [5].

Il est tout à fait logique que le juge accorde une grande importance à cet aspect de la gestion du littoral : il s’est forgé une culture de la protection bien assise sur des raisonnements logiques.

Il a toujours procédé cas par cas, et la cour administrative d’appel de Nantes, notamment, a souvent considéré avec quelque hostilité les extensions d’urbanisation en milieu littoral… sa décision du  28 juin 2002 [6] avait marqué : elle avait décidé en effet qu’un projet d’urbanisation se situant à 800 mètres du rivage de la mer doit être considéré comme touchant des espaces proches du rivage, même si la zone était séparée du rivage par un secteur urbanisé, et énoncé fortement que l’exigence du caractère limité de l’urbanisation doit se mesurer en fonction des circonstances de l’espèce [7].

La doctrine a été imprégnée de cette méfiance et a elle aussi – à commencer par l’auteur de ces lignes [8] - fait porter la critique sur les possibilités d’extension d’urbanisation…

Mais il convient de comprendre que  la loi initiale a été modifiée par la loi « ELAN » bien au-delà de cette ouverture.

La contrepartie en a été que les SCOT devaient concevoir une véritable politique d’aménagement des capacités d’accueil de ces communes littorales au foncier très convoité…

À cet égard, l’article L. 121-3 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L9981LMM est clair :  le SCOT doit préciser « en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, les modalités d’application des dispositions » de la loi « littoral ». Certes, il doit  définir « les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés (…) et en définit la localisation », mais ce ne peut être qu’en inscrivant cette identification dans le cadrage global auquel doivent procéder les auteurs du document.

Mais s’il doit être global, le cadrage doit être précis.

Ne pas distinguer, au-delà du territoire pris dans sa totalité, les espaces menacés, c’est-à-dire les communes littorales stricto sensu, aboutit à permettre, consciemment ou pas,  que les PLU ou les PLUI insuffisamment orientés favorisent l’urbanisation excessive des communes littorales… 

La cour administrative d'appel de Nantes annule en totalité le SCOT de la communauté d’agglomération « Golfe du Morbihan - Vannes Agglomération », en considérant qu’il ne respectait pas les articles L. 121-3 et L. 121-21 N° Lexbase : L6775L73 du Code de l'urbanisme en négligeant de déterminer suffisamment précisément cette « capacité d’accueil».  Il sanctionne ainsi ce « flou », en redonnant aux dispositions, prises dans leur ensemble, un sens conforme à l’intention du législateur qui entendait mettre en place un équilibre entre la protection et la décentralisation.

Cette décision confirme un tournant dans la compréhension de la gestion du littoral par les juges [9]. Au-delà de sa parfaite rédaction (9 pages de raisonnement, 11 pages au total, pour un examen minutieux de l’espèce) [10], elle tient compte du virage amorcé par la loi « ELAN », en en faisant respecter l’esprit.

Il convient de se référer par exemple à la réponse à la question parlementaire n° 32780 [11] du 6 mars 2022 :

« La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) prévoit de manière pérenne dans les communes littorales, en dehors des espaces proches du rivage, l'identification de secteurs déjà urbanisés (SDU) qui sont des formes urbaines intermédiaires entre le village et l'urbanisation diffuse. Si la loi énumère les critères de leur identification, elle ne définit pas ces secteurs afin de permettre une appréciation locale tenant compte des particularités du territoire. En effet, il appartient au schéma de cohérence territoriale (SCoT) de décliner la loi 'littoral' en identifiant les SDU, puis au plan local d'urbanisme (PLU) de les délimiter ». 

Les SCOT sont désormais les pièces maîtresses de la gestion du littoral.

La responsabilité des élus est donc, clairement, de prendre en main directement le maintien d’un équilibre entre besoins de construction et protection du patrimoine littoral.

L’appréhension de la capacité d’accueil, si elle peut être globale à l’échelle de tout le territoire, doit en conséquence être aussi menée spécifiquement à l’échelle des seules communes littorales. Elle doit être motivée, afin qu’il ne soit pas permis d’utiliser le moindre flou qui permettrait que les seules communes littorales usent des capacités d’accueil  de tout le territoire au détriment de la protection du littoral :

« Si une telle analyse globale n’est pas interdite par les dispositions précitées, elle ne doit toutefois pas aboutir à une absence d’analyse spécifique aux communes littorales. S’agissant de la prise en compte de la préservation des espaces et milieux mentionnés à l’article L. 121-23 du code de l'urbanisme, de l'existence de risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, de la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes, des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés, il ressort des pièces du dossier que le livret 2 du rapport de présentation relatif à l’état initial de l’environnement présente de nombreuses données mais à caractère général, en se bornant à faire référence aux directives et règlements communautaires ainsi qu’aux lois et règlements applicables ».

Il faut faire gré à la cour administrative d’appel de Nantes de se situer dans une logique bien ancrée et qui assure une sécurité juridique certaine : la compatibilité des SCOT avec la loi « littoral » doit selon une jurisprudence constante et abondante s'apprécier en tenant compte de l'ensemble de ses orientations et prescriptions et pas  orientation par orientation [12].

La voie lui avait été ouverte par les conclusions remarquables d’Olivier Fuchs sous la décision du Conseil d‘Etat n° 445118 du 9 juillet 2021 [13] :

« …. Il ressort des travaux parlementaires, et en particulier du rapport de la rapporteure du projet de loi au Sénat – les dispositions relatives à la loi 'littoral' ayant été introduite par amendements en première lecture au Sénat, que le législateur a voulu remplir le vide laissé par feux les DTA afin de répondre notamment à la critique tenant à l’imprécision des règles matérielles propres au littorale et, en particulier, celle relative à l’urbanisation en continuité. ….Le SCoT n’est donc pas un écran faisant disparaître la loi, il est un filtre, au sens photographique du terme, qui est appliqué sur la loi et qui la colore. Il constitue la clé d’interprétation de cette loi. Les précisions apportées par le SCoT à la loi littoral sont bien entendu importantes en tant qu’elles se répercuteront, par le truchement du rapport de compatibilité entre documents d’urbanisme, au PLU et, par suite, aux autorisations d’urbanisme. Mais nous croyons que les précisions apportées par le SCoT doivent aussi être prises en compte lors de la confrontation directe entre la loi littoral, telle que colorée par le SCoT, et l’autorisation d’urbanisme, pour éclairer les notions indécises, qui sont en fait autant de standards juridiques, de la loi ».

Les auteurs d’un SCOT, en général et plus encore quand la majorité des communes, comme en l’espèce, est littorale,  doivent en conséquence développer une stratégie globale et fine tout à la fois, et le faire en expliquant aussi quelle méthode ils ont appliquée. La cour administrative d’appel énonce  très justement que l’obligation doit être déclinée dès l’enquête publique puis dans le rapport de présentation du SCOT.

Le manquement était ici assez grossier, l’analyse de la capacité d’accueil était faite en deux pages et le dossier soumis à enquête publique était donc insuffisant, outre le fait que l’analyse spécifique aux communes littorales était absente du dossier….

La méthodologie retenue est également vertement critiquée, en tant que le rapport repose sur des données trop générales. Pourtant, le ministère de l'Environnement a publié un guide très clair sur ce sujet [14]. Il précise notamment que :

« Les critères tenant à la densité, à la continuité, à la structuration par les voies et les réseaux et à la présence d’équipements publics prévus par l’alinéa 2 de l’article L. 121-8 constituent une liste de critères non limitative que les porteurs de SCOT doivent décliner voire compléter, afin de tenir compte des particularités du territoire couvert ».

La cour administrative d’appel relève logiquement que cette légèreté a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. Elle rendait aussi la totalité du SCOT inapte à remplir sa fonction de « coloration ».

L’affaire était entendue : c’est l’annulation totale qui était juridiquement adaptée à la gravité des manquements, et pas une annulation partielle portant sur l’insuffisance la plus marquée parmi toutes celles relevées, qui ne devait et ne pouvait pas masquer les autres.

En d’autres termes, il appartient aux élus de reprendre en main les compétences qui leur ont été d’une certaine manière restituées, mais à la condition expresse que ce ne soit pas au détriment de la valeur environnementale du paysage ni de la participation du public.

On ne tue pas la poule aux œufs d’or… là s’arrête la liberté recouvrée des auteurs de SCOT sur le littoral... Les auteurs des SCOT « littoraux » doivent plus que tous faire preuve d’une exigence renforcée de rigueur et de pédagogie.

 

[1] Voir par exemple  pour une décision de principe récente, CE, 1°-4° ch. réunies, 12 juin 2023, n° 459918, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A64519ZX.

[2] C. urb., art. L. 121-8 N° Lexbase : L9980LML, al. 2.

[3] CE 9°-10° ch. réunies, 22 avril 2022, n° 450229, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A45637UK.

[4] Voir par exemple P. et M. Cornille, Réforme de la loi « littoral » par la loi « Elan », Revue Construction-Urbanisme n°1, janvier 2019 ; P. Baffert, La loi « Elan » officialise le phénomène du mitage sur le littoral, Éditions Législatives, 17 décembre 2018 ; L. Prieur, R. Leost, Le SCOT, la loi littoral et la loi ELAN, JCP éd. A, 10 mai 2020. Et plus récemment C. Guiheneuf, Le Schéma de Cohérence Territoriale et la loi Littoral : l’expérience du SCoT du pays de Brest, Revue juridique de l'Environnement, 2012, H-S pp. 83-92.

[5] CE, 5°-6° ch. réunies, 20 mars 2025, n° 487711, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A10270BN.

[6] CAA Nantes, 2e ch., 28 juin 2002, n° 99NT02909 N° Lexbase : A6150BMQ

[7] Le  projet se situait dans un secteur dépourvu d’urbanisation et surtout se situe à l’entrée de fameux marais salants de Guérande. La pression qu’eût pu faire peser sur ces marais, en permanence menacés et fragilisés par la marée noire de l’Erika, n’avait bien entendu pas été indifférente à l’appréciation du juge

[8] Voir R. Romi, G. Audrain-Demey, B. Lormeteau, M. Baudel, Droit de l’environnement et du développement durable, Domat, Lextenso, 12 ème édition, 2024, pages 384-386.

[9] Dans le même esprit, TA Nantes, 10 janvier 2025, n° 2210380 N° Lexbase : A54560G8.

[10] Voir J.-M. Pastor, Élaboration illégale d'un schéma de cohérence territoriale – Cour administrative d'appel de Nantes 18 mars 2025, AJDA, 2025. 528.

[11] QE n° 32786 de M. Xavier Batut, JOANQ, 6 octobre 2020, réponse publ. 19 avril 2022 p. 2512, 15ème législature N° Lexbase : L2131MEN.

[12] CAA Bordeaux, 1re ch., 1er décembre 2016, n° 14BX03282 N° Lexbase : A9942SNK ; CAA Bordeaux, 1re ch., 28 décembre 2017, n° 15BX02851 N° Lexbase : A8033W9E ; CAA Marseille, 9e ch., 23 juillet 2014, n° 12MA00268 N° Lexbase : A54570G9.

[13] ArianeWeb.

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