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N1900B3R
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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef
Le 04 Avril 2025
La revue Lexbase Affaires vous propose de retrouver dans un plan thématique, une sélection de l’actualité jurisprudentielle et normative en droit des affaires du mois écoulé (du 18 février au 18 mars 2025), classée par matières sous plusieurs thèmes/mots-clés.
SOMMAIRE
VIII. Entreprises en difficulté
IX. Financier/Marchés financiers
X. Propriété intellectuelle/IT
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Arcom - Attribution des fréquences de la TNT - Contrôle de légalité
CE, contentieux, 19 février 2025, n° 499823, 500009 N° Lexbase : A69236WC : le Conseil d’État a jugé le 19 février que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans son analyse qui l’a amenée à écarter C8 et NRJ12, aussi bien dans l’appréciation qu’elle a portée sur chacun des dossiers que dans la comparaison de leurs mérites. Toutefois, compte tenu du fait que le groupe Canal+ a retiré sa candidature pour quatre chaînes payantes six jours avant la décision de l’Arcom, le régulateur doit, sans délai, lancer une nouvelle procédure d’étude d’impact et de consultation publique pour évaluer si un nouvel appel à candidatures doit être lancé pour attribuer ces quatre fréquences vacantes.
Pour aller plus loin : v. V Téchené, Arrêt de C8 et NRJ12 : le Conseil d’État valide la décision de l’Arcom, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1730B3H. |
♦ Conseil de gestion de patrimoine (CGP) - 0bligation d’information - Prescription de l’action en responsabilité
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-21.910, F-D N° Lexbase : A862263Q : le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en indemnisation d'un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l'investissement a été perdu.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Chèque - Devoir de vigilance - Anomalies apparentes
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-16.944, FS-B N° Lexbase : A4016637 : la banque n’est tenue de détecter les anomalies apparentes d’un chèque que lorsque celui-ci lui est remis à l'encaissement.
Pour aller plus loin : v. J. Lasserre Capdeville, Chèque de banque : précisions sur le devoir de vigilance du banquier présentateur, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1819B3R. |
♦ Prestataire de services de paiement - Fraude - Négligence grave - Preuve
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-22.687, F-D N° Lexbase : A858663E : il résulte des articles L. 133-16 N° Lexbase : L5114LGI, L. 133-19, IV N° Lexbase : L5118LGN, et L. 133-23 N° Lexbase : L5125LGW du Code monétaire et financier qu'il incombe au prestataire de services de paiement de rapporter la preuve que l'utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des données de sécurité personnalisées, que cette preuve de la négligence grave ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés. La négligence grave ne peut résulter de la seule utilisation, par le client, de ses données de sécurité personnalisées.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Droit d’option - Refus de renouvellement - Indemnité d’occupation
Cass. civ. 3, 27 février 2025, n° 23-18.219, FS-B N° Lexbase : A44416ZI : il résulte des articles L. 145-28, alinéa 1er N° Lexbase : L0346LTY et L. 145-57, alinéa 2 N° Lexbase : L5785AI4, du Code de commerce que lorsque le bailleur exerce son droit d'option, le locataire devient redevable d'une indemnité d'occupation, égale à la valeur locative, qui se substitue rétroactivement au loyer dû, et ce à compter de la date d'expiration du bail dont le bailleur avait d'abord accepté le principe du renouvellement.
Pour aller plus loin : v. A. Antoniutti, Droit d’option, pas de plafond !, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1855B34 |
♦ Renouvellement du bail - Droit d’option du locataire
Cass. civ. 3, 27 février 2025, n° 23-21.257, F-D N° Lexbase : A72596ZU : le seul fait d'accepter le principe du renouvellement sans en accepter les conditions financières proposées par la bailleresse ne fait pas obstacle à l'exercice du droit d'option que la locataire peut mettre en œuvre à tout moment et au plus tard dans le mois suivant la décision judiciaire fixant le montant du bail renouvelé.
♦ Cession du fonds de commerce - Clause du bail commercial - Inopposabilité de la cession au bailleur
Cass. civ. 3, 13 mars 2025, n° 23-23.372, F-D N° Lexbase : A293567T : est valable la clause qui impose au locataire d'établir tout acte de cession, en ce incluant la cession du fonds de commerce, par acte authentique, le bailleur dûment appelé. Ainsi, ces stipulations n'ayant pas été respectées, la cession du fonds de commerce comportant cession du droit au bail était inopposable au bailleur.
A. Actualité normative
♦ Tribunaux des activités économiques - Contribution pour la justice économique - Circulaire
Circ. SG/DACS, NOR JUST2503734C, du 6 février 2025 N° Lexbase : L4261MSM : une circulaire du ministère de la Justice détaille les procédures soumises à la contribution pour la justice économique et présente les modalités d’acquittement de celle-ci.
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ VTC - Accord collectif - Avis réservé - Étude d’impact
Aut. conc., avis n° 25-A-03, 21 janvier 2025 N° Lexbase : X7971CRN : consultée pour la première fois à la demande de l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, l’Autorité de la concurrence rend un avis réservé sur un accord collectif signé dans le secteur des VTC et recommande de réaliser une étude d’impact avant d’homologuer cet accord. L’Autorité de la concurrence considère que si l’accord ne porte pas en lui-même atteinte à la libre concurrence, de nombreuses interrogations restent sans réponse. En l’état actuel, il est impossible d’affirmer que l’acquisition d’un tel dispositif pourrait constituer un facteur d’éviction ni qu’il améliorerait effectivement les conditions de travail des chauffeurs de VTC indépendants.
♦ Rupture d’une relation commerciale établie - Notion de dépendance économique
Cass. com., 26 février 2025, n° 23-50.012, FS-B N° Lexbase : A39576ZL : l'état de dépendance résulte de l'impossibilité pour la partie qui subit la rupture de la relation commerciale établie de disposer, au moment de cette rupture, auprès d'une ou plusieurs entreprises, d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec l'entreprise qui a pris l'initiative de la rupture. Il appartient à celui qui invoque les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 N° Lexbase : L7455MSW, d'établir l'état de dépendance dans lequel il se trouvait vis-à-vis de son cocontractant au moment de la rupture. Cet état de dépendance ne peut se déduire exclusivement de l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisée avec l'entreprise auteur de la rupture.
♦ Pratiques anticoncurrentielles - Protection du libre jeu de la concurrence - Preuve
Cass. com., 26 février 2025, n° 23-18.599, FS-B N° Lexbase : A39616ZQ : le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet la protection du libre jeu de la concurrence sur le marché et, dès lors, la caractérisation d'une telle pratique n'induit pas nécessairement, qu'un préjudice ait été causé aux opérateurs actifs directement ou indirectement sur ce marché. Il s'en déduit que, sans préjudice de la présomption réfragable, prévue à l'article L. 481-7 du Code de commerce N° Lexbase : L2254LDT, entré en vigueur le 11 mars 2017, la partie qui soutient qu'une pratique anticoncurrentielle lui a causé un préjudice, doit en rapporter la preuve.
♦ Déséquilibre significatif - Analyse de l'économie générale du contrat
Cass. com., 26 février 2025, n° 23-20.225, F-B N° Lexbase : A39586ZM : l'appréciation du déséquilibre significatif passe par une analyse concrète de l'économie générale du contrat. Un tel déséquilibre ne peut se déduire du seul fait que la clause litigieuse place la partie qui invoque à son profit l'article L. 442-1, I, 2°, du Code de commerce N° Lexbase : L3427MHE dans une situation moins favorable que celle résultant de l'application de dispositions législatives ou réglementaires supplétives de la volonté des cocontractants.
♦ Concurrence déloyale - Faute - Parasitisme - Caractérisation
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-21.157, FS-B N° Lexbase : A402063B : Ayant constaté que, sans reprendre l'ensemble des caractéristiques du produit notoire prétendument parasité, le concurrent commercialisait un produit dont la forme, similaire à celle de ce produit, était la déclinaison, dans une nouvelle gamme, de son propre motif lui-même notoire, tandis que c'était pour s'inscrire dans les tendances du moment que les mêmes matériaux étaient utilisés, la cour d'appel a pu en déduire que ce concurrent n'avait pas eu la volonté de se placer dans le sillage d'autrui.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ RGPD - Intelligence artificielle (IA) - Contrôle de l’âge en ligne
CNIL, communiqué du 20 février 2025 : la CNIL rappelle qu’au cours de la séance plénière du 12 février, le CEPD a décidé d'inclure dans le champ de sa task force dédiée à ChatGPT les investigations concernant DeepSeek, et de manière générale toutes les actions opérationnelles menées au titre du RGPD concernant des systèmes d’IA. En outre, les membres du CEPD ont souligné la nécessité de coordonner les actions des autorités concernant les questions sensibles urgentes. À cette fin, une équipe de réponse rapide sera mise en place au niveau du CEPD. Le CEPD a également adopté une déclaration sur le contrôle de l'âge en ligne.
♦ RGPD - Intelligence artificielle (IA) - Algorithme - transparence - Protection du consommateur
CJUE, 27 février 2025, aff. C-203/22 N° Lexbase : A44686ZI : en cas de prise de décision automatisée, y compris un profilage, la personne concernée peut exiger du responsable du traitement, au titre des « informations utiles concernant la logique sous-jacente », que celui-ci lui explique, au moyen d’informations pertinentes et d’une façon concise, transparente, compréhensible et aisément accessible, la procédure et les principes concrètement appliqués pour exploiter, par la voie automatisée, les données à caractère personnel relatives à cette personne aux fins d’en obtenir un résultat déterminé, tel un profil de solvabilité. Dans l’hypothèse où le responsable du traitement considère que les informations à fournir à la personne concernée comportent des données de tiers protégées par le RGPD (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) ou des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites, ce responsable est tenu de communiquer ces informations prétendument protégées à l’autorité de contrôle ou à la juridiction compétentes, auxquelles il incombe de pondérer les droits et les intérêts en cause aux fins de déterminer l’étendue du droit d’accès de la personne concernée.
Pour aller plus loin : v. G. Fricker, CJUE, transparence algorithmique, protection des consommateurs et équilibre des intérêts économiques : un mélange détonnant, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1892B3H. |
♦ RGPD - Transidentité - Rectification de données
CJUE, 13 mars 2025, aff. C-247/23 N° Lexbase : A5708648 : l’article 16 du RGPD impose à une autorité nationale chargée de la tenue d’un registre public de rectifier les données à caractère personnel relatives à l’identité de genre d’une personne physique lorsque ces données ne sont pas exactes. Aux fins de l’exercice du droit de rectification des données à caractère personnel relatives à l’identité de genre d’une personne physique, contenues dans un registre public, cette personne peut être tenue de fournir les éléments de preuve pertinents et suffisants qui peuvent raisonnablement être exigés de ladite personne pour établir l’inexactitude de ces données. Cependant, un État membre ne peut en aucun cas subordonner, par une pratique administrative, l’exercice de ce droit à la production de preuves d’un traitement chirurgical de réassignation sexuelle.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, RGPD et transidentité : la rectification de données ne peut être subordonnée à la preuve d’un traitement chirurgical, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1894B3K. |
VIII. Entreprises en difficulté
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Compensation légale - Prescription
Cass. com. 26 février 2025, n° 23-11.440, F-D N° Lexbase : A70816ZB : antérieurement à la réforme de 2016, la compensation légale s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs. Les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à due concurrence de leurs quotités respectives. Ainsi, le bénéfice de la compensation légale peut être invoqué à tout moment.
Pour aller plus loin : v. Ch. Lebel, Compensation légale : une automaticité limitée au droit antérieur à la réforme des obligations, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1888B3C. |
♦ Classes de parties - Règle de la priorité absolue
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-22.267, FS-B N° Lexbase : A401963A : l'article L. 626-32, II, du Code de commerce N° Lexbase : L9151L73, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-19, I, alinéa 5 N° Lexbase : L9176L7Y, permet au tribunal de déroger à la règle dite « de la priorité absolue » énoncée à l'article L. 626-32, I, 3° N° Lexbase : L9151L73 sur demande du débiteur ou de l'administrateur avec l'accord du débiteur, laquelle demande peut résulter de la présentation qui lui est faite, par ces derniers, du plan comportant une telle dérogation.
Les dispositions combinées des articles L. 626-31, 4° N° Lexbase : L9149L7Y, et L. 626-32, I, 2° b) du Code de commerce n'imposent à la juridiction chargée d'arrêter le plan qui n'a pas été approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2 du même code N° Lexbase : L9148L7X, de comparer le traitement que celui-ci réserve à une partie affectée qui a voté contre ce plan à celui qui serait le sien en cas de cession totale de l'entreprise que si une offre de reprise a été faite ou que si un projet de cession lui a été soumis.
Aucune cession de l'entreprise en activité ne pouvant être envisagée faute de réponse sérieuse à l'annonce judiciaire en faisant l'offre, la cour d'appel en a exactement déduit que la situation des parties affectées ayant voté contre le plan n'avait pas à être appréciée au regard d'une éventuelle cession de l'entreprise.
♦ Caution personne physique - Débiteur principal - Mesures conservatoires - Exigibilité de la créance
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-20.357, F-D N° Lexbase : A8632634 : Il résulte de la combinaison des articles L. 622-28, alinéa 2 et 3 N° Lexbase : L1072KZQ, L. 622-29 N° Lexbase : L3749HBH, rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 N° Lexbase : L9175L7X, L. 631-20 N° Lexbase : L9179L74 du Code de commerce et R. 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution N° Lexbase : L4396MA3 que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit introduire, dans le mois de leur exécution, une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, à peine de caducité de ces mesures. En conséquence, l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution.
♦ Admission d’une créance - Convocation du débiteur
Cass. com., 5 mars 2025, n° 23-20.992, F-D N° Lexbase : A855563A : le débiteur doit être convoqué devant le juge-commissaire appelé à statuer sur la contestation de créance, de sorte qu’est irrégulière la décision du juge-commissaire admettant une créance, alors que la convocation n'avait pas été adressée à l’EARL débitrice mais à son associé à titre personnel.
♦ Liquidation judiciaire - Dessaisissement du débiteur - Action en responsabilité contre l’avocat - Délai de prescription
Cass. com., 5 mars 2025, n° 24-10.839, F-D N° Lexbase : A850363C : il résulte de l'article L. 641-9 du Code de commerce N° Lexbase : L3693MBE que le liquidateur qui, exerçant les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine à la suite de son dessaisissement, agit en responsabilité contre l'avocat ayant assisté le débiteur, n'exerce pas une action autonome, distincte de celle appartenant à ce dernier. Il s'en déduit que le délai de cinq ans, prévu à l'article 2225 du Code civil N° Lexbase : L7183IAB, a commencé à courir à compter de la date de fin de mission de l'avocat et non à compter de la désignation du liquidateur.
IX. Financier/Marchés financiers
A. Actualité normative
♦ Marchés de crypto-actifs - Prestataires de services sur actifs numériques
Décret n° 2025-169, du 21 février 2025, relatif aux marchés de crypto-actifs N° Lexbase : L6780M8M : le décret modifie la partie règlementaire du code monétaire et financier pour assurer sa cohérence et sa conformité avec le Règlement (UE) n° 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant les règlements (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 1095/2010 et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/1937 N° Lexbase : L8697MHL. Il adapte transitoirement jusqu'au 30 juin 2026 la procédure d'enregistrement et d'agrément des prestataires de services sur actifs numériques et fixe le montant de la contribution des prestataires de services sur crypto-actifs versée à l'Autorité des marchés financiers ainsi que celle prévue en cas de notification d'un livre blanc sur des crypto-actifs autres que des jetons se référant à un ou des actifs ou des jetons de monnaie électronique.
♦ Organismes de placement collectif (OPC) - Réforme - Sociétés d'investissements
Ordonnance n° 2025-230, du 12 mars 2025, relative aux organismes de placement collectif N° Lexbase : L8969M8P : prise en application de l'article 22 de la loi « Attractivité » (loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 N° Lexbase : L6590MSU), cette ordonnance vient réformer le droit applicable aux organismes de placement collectif (OPC) afin d'harmoniser, moderniser, simplifier le droit applicable aux sociétés d'investissements et à réformer leur fin de vie.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Réforme du droit applicable aux organismes de placement collectif (OPC), Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1882B34. |
B. Actualité jurisprudentielle et décisionnelle
♦ Abus de marché - Manipulations de cours - AMF- Notification des griefs - Lieu de réalisation des opérations - Nature des instruments financiers - Règle applicable
Cass. com., 12 mars 2025, n° 23-20.432, FS-B N° Lexbase : A525164A : premièrement, la notification de griefs, en tant qu'acte de poursuite émanant de l'autorité chargée de les exercer, ne constitue ni une déclaration de culpabilité ni un pré-jugement de l'affaire et ne saurait, en elle-même, porter atteinte à la présomption d'innocence, peu important qu'elle soit rédigée en des termes pouvant, par l'usage du présent de l'indicatif, tenir pour établis les faits dont elle fait état.
Deuxièmement, l'article 631-1 du Règlement général de l'AMF définissant et prohibant les manipulations de cours, alors applicable, s'applique aux opérations réalisées sur le territoire français ou à l'étranger et portant, soit directement, soit indirectement, par des interventions sur des instruments financiers qui leur sont liés, sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé français ou sur un système multilatéral de négociation français.
Troisièmement, la commission des sanctions de l'AMF peut prononcer une sanction à l'encontre de toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée à une manipulation de cours dès lors que les actes de manipulation concernent un instrument financier lié à un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé français ou sur un système multilatéral de négociation français, que cet instrument financier lié soit, ou non, admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation étrangers.
Enfin, les poursuites étant fondées en l’espèce sur les dispositions de l'article 631-1 du Règlement général de l'AMF, alors applicable, les dispositions du Règlement « MAR » (Règlement (UE) n° 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché N° Lexbase : L4814I3P) relatives aux abus de marché ne pouvaient faire l'objet d'une application rétroactive, de sorte que la référence aux termes de l'article 22 de ce Règlement, en ce qu'il donne compétence à l'autorité nationale désignée par chaque État membre pour veiller à l'application des dispositions substantielles que ce Règlement édicte, n'était pas pertinente pour contester la compétence de l'AMF.
♦ Manquements d’initiés - Détention d’une information privilégiée - Justification des opérations litigieuses
AMF CS, décision SAN-2025-03, 14 mars 2025 : la Commission des sanctions de l'AMF met hors de cause trois personnes physiques et une personne morale auxquelles il était reproché des manquements d’initiés. Pour chacun des mis en cause, elle a examiné l’ensemble des indices tenant à l’existence de circuits plausibles de transmission de l’information privilégiée, au caractère atypique des ordres litigieux et de leurs modalités de passage, à leur moment opportun, ainsi qu’aux explications apportées par les mis en cause pour justifier les opérations reprochées. Elle a estimé que seuls certains indices étaient vérifiés et qu’ils n’étaient pas suffisants pour démontrer que seule la détention de l’information privilégiée en cause permettait d’expliquer leurs opérations.
X. Propriété intellectuelle/IT
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ LCEN - Notion d’auteur ou d’éditeur
Cass. civ. 1, 26 février 2025, n° 23-15.966, F-D N° Lexbase : A72756ZH : les notions d'« auteur » ou d' « éditeur » des informations ou activités litigieuses mentionnées à l'article 6-I.5, de la LCEN (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique N° Lexbase : L2600DZC), dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 N° Lexbase : L6143MSC, doivent être comprises comme désignant les personnes qui ont procédé au stockage des données illicites et, partant, comme des destinataires des services de communication au public en ligne ou de stockage.
Si, selon l'article 6-I.7 de la LCEN dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016, les personnes morales, qui assurent le stockage en ligne de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, elles peuvent se voir imposer une activité de surveillance ciblée et temporaire par l'autorité judiciaire.
♦ LCEN - Liberté d’expression - Diffamation - Services de communication au public - Suppression des contenus
Cass. civ. 1, 26 février 2025, n° 23-16.762, FS-B+R N° Lexbase : A39596ZN : Pour faire usage, en l'absence de débat contradictoire avec les auteurs des propos litigieux, du pouvoir qui lui est conféré de retrait de contenu ou de blocages de sites, portant atteinte à la liberté d'expression, le juge doit constater le caractère manifestement illicite des propos critiqués constitutifs d'un abus de celle-ci. Ce caractère manifestement illicite n'est pas établi par la seule communication de propos portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, la diffamation alléguée pouvant être écartée si la preuve de la vérité est rapportée ou si l'excuse de bonne foi est admise.
La liberté d'expression, garantie par l’article 10 de la CESDH N° Lexbase : L4743AQQ, peut faire l'objet de restrictions à condition qu'elles soient prévues par la loi et qu'elles s'avèrent nécessaires à la défense d'un intérêt légitime tel que la protection de la réputation ou des droits d'autrui et la diffamation n'est pas constituée si la preuve de la vérité du fait diffamatoire est rapportée ou si le propos diffamatoire a été publié de bonne foi. Selon l'article 6-II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 N° Lexbase : L2600DZC, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 N° Lexbase : L6596MS4, les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public doivent détenir et conserver les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires pour les besoins des procédures pénales. Il s'en déduit que dans le cas d'une impossibilité d'identifier la ou les personnes ayant contribué à leur création, en dépit des obligations prévues par ce texte, faisant obstacle à tout débat contradictoire, il incombe au juge d'apprécier si la suppression des contenus est proportionnée à l'atteinte subie par les personnes visées.
A. Actualité normative
♦ Proposition de Directive Omnibus - Simplification des exigences de durabilité pour les entreprises
Commission européenne, communiqué de presse du 26 février 2025 : le 26 février 2025, la Commission a adopté un ensemble de propositions (le paquet « Omnibus ») visant à simplifier les règles de l’UE et à stimuler la compétitivité. Entre autres, le paquet législatif propose d’appliquer la « CSRD » (Directive (UE) n° 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 N° Lexbase : L1830MGU) uniquement aux plus grandes entreprises, en concentrant les obligations d’information en matière de durabilité sur les entreprises qui sont les plus susceptibles d’avoir les incidences les plus importantes sur les personnes et l’environnement. En outre, il vise à garantir que les obligations de déclaration imposées aux grandes entreprises ne pèsent pas sur les petites entreprises dans leurs chaînes de valeur.
♦ Sociétés (règles générales) - Nullités - Réforme
Ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés N° Lexbase : L8970M8Q : prise en application de l'article 26 de la loi « Attractivité » (loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 N° Lexbase : L6590MSU), cette ordonnance réforme le régime juridique des nullités en droit des sociétés. Le texte poursuit deux objectifs majeurs : d’une part, la sécurisation des décisions sociales et le cantonnement des nullités susceptibles de les affecter et, d’autre part, la simplification et la clarification des nullités en droit des sociétés.
Pour aller plus loin : v. B. Dondero, Premières observations sur l’ordonnance réformant les nullités en droit des sociétés, Lexbase Quotidien, 14 mars 2025 N° Lexbase : N1865B3H. |
B. Actualité jurisprudentielle
♦ SARL - Responsabilité du gérant - Faute séparable des fonctions
Cass. com., 26 février 2025, n° 23-23.094, F-D N° Lexbase : A70176ZW : le gérant d’une SARL ayant, d’une part, fait acquérir par cette dernière une branche d'activité qu'il savait ne pouvoir être exploitée compte tenu de son état de santé dégradé, ce qui a entraîné une importante réduction de la trésorerie de cette société sans réelle contrepartie et, d'autre part, en organisant la cession finale à une SAS, dont il était associé minoritaire, du reste du fonds de commerce, que la SARL exploitait jusque-là en location-gérance, privé celle-ci de toute source de bénéfices, l'exposant ainsi sciemment au risque de ne pouvoir régler son créancier, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'une faute de gestion séparable de ses fonctions propre à engager sa responsabilité à l'égard des tiers.
♦ SAS - Représentation - Mandat apparent
Cass. com., 26 février 2025, n° 23-21.539, F-D N° Lexbase : A70956ZS : le fait qu'une société par actions simplifiée ne soit, sauf délégation de pouvoir, représentée à l'égard des tiers que par son président n'est pas de nature à priver le tiers de la possibilité d'invoquer l'existence d'un mandat apparent.
♦ Associés - Époux commun en biens - Conjoint de l'associé - Renonciation à revendiquer la qualité d'associé
Cass. com., 12 mars 2025, n° 23-22.372, F-B N° Lexbase : A524364X : il résulte de la combinaison de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L0857KZR, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et de l'article 1832-2 du même code N° Lexbase : L2003ABS, que, si le conjoint de l'époux commun en biens qui a employé des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociables non négociables, dispose du droit de se voir reconnaître la qualité d'associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises, il peut renoncer à ce droit. Cette renonciation peut être tacite et résulter d'un comportement qui est, sans équivoque, incompatible avec le maintien du droit du conjoint de se voir reconnaître la qualité d'associé.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Possibilité pour le conjoint commun en biens de renoncer tacitement à revendiquer la qualité d’associé, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1896B3M. |
♦ Groupe de sociétés - Convention de trésorerie - Transmission d’une obligation de paiement (non)
Cass. com., 12 mars 2025, deux arrêts, n° 23-23.961, F-B N° Lexbase : A5247644 et n° 23-23.962, F-D N° Lexbase : A0704679 : selon l'article L. 511-7 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1453MMR, une entreprise peut procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres. La convention de trésorerie stipulant que les parties restent indépendantes et continueront d'assumer de façon autonome la direction et la gestion de leurs responsabilités et de leurs obligations, l'existence d'une telle convention de trésorerie ne peut constituer le fondement juridique de la transmission d'une obligation de paiement entre les sociétés.
♦ GAEC - Décès d’un associé - Agrément des ayants cause - Parts en copropriété - Désignation d’un mandataire
Cass. com., 12 mars 2025, n° 23-19.483, F-D N° Lexbase : A061667X : les statuts d’un GAEC stipulant que les ayants cause d’un associé décédé qui désirent faire partie du groupement doivent être agréés par le ou les associés survivants, l’héritière de parts en copropriété qui n’a pas été agréée n’a pas la qualité d'associée du GAEC et ne peut donc pas demander la désignation d'un mandataire commun chargé de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote.
C. Avis et autres actualités
♦ Commissaire aux avantages particuliers - Émission de deux catégories d’actions de préférence (ADP)
ANSA, Comité Juridique, 5 février 2025, avis n° 25-004 : pour le Comité juridique de l’ANSA, en cas de décision ou d’autorisation d’émission de deux catégories d’actions de préférence comportant des droits particuliers différents et destinées à des bénéficiaires distincts, un seul commissaire aux avantages particuliers peut être désigné en application de l’article L. 228-15 du Code de commerce N° Lexbase : L8929M89. Ce texte exige en effet que ce commissaire ne réalise pas une autre mission au sein de la société, or en l’occurrence, il s’agit d’une unique opération d’émission.
♦ Retrait obligatoire - Période de conservation des attributions gratuites d’actions
ANSA, Comité Juridique, 5 février 2025, avis n° 25-005 : le Comité juridique de l’ANSA constate que les autorités boursières considèrent que l’obligation juridique spécifique de conservation des actions gratuites s’impose à tous, ce qui place ces titres dans une situation extérieure au champ du retrait obligatoire en raison de leur indisponibilité. Il s’agit en effet d’une catégorie particulière d’actionnaires soumis à une réglementation d’exception. Il n’est donc pas interdit à l’initiateur de prévoir de manière contractuelle que l’obligation de transfert prévue à l’article L. 433-4 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5941LQ4 ne leur est pas applicable et qu’il peut s’engager à racheter les titres à l’issue de la période conservation (moyennant un mécanisme d’ajustement du prix). En raison de cet engagement de rachat, les titres peuvent être assimilés aux actions détenues par l’initiateur en application de l’article L. 233-9, 4° du Code de commerce N° Lexbase : L5819KTP.
♦ Actions nominatives admises chez Euroclear - Registres des titres nominatifs - Délai de conservation
ANSA, Comité Juridique, 5 février 2025, avis n° 25-006 : pour le Comité juridique de l’ANSA, la solution relative à la durée de conservation du registre nominatif des actions non admises chez un dépositaire central vaut également pour les registres de celles qui y sont admises. Euroclear France ne tenant pas de registre nominatif d’actionnaires, au sens des dispositions du Code de commerce, il ne saurait être soumis aux obligations s’appliquant aux émetteurs et n’a pas compétence pour fixer des règles relatives à la conservation des dits registres.
♦ Commissaire aux comptes - Défaut de nomination ou nomination irrégulière sanction de nullité - Commissaire à la « durabilité »
ANSA, Comité Juridique, 5 février 2025, avis n° 25-007 : pour le Comité juridique de l’ANSA, il faut s’en tenir au principe selon lequel il ne peut pas exister de nullité par assimilation : la cause de cette sanction doit être précisément décrite par le Code de commerce (« pas de nullité sans texte »). Or, la nullité de l’article L. 821-5 du Code de commerce N° Lexbase : L5414MKQ vise uniquement le défaut de nomination d’un commissaire aux comptes chargé de la certification des comptes. Il n’est pas fait mention de la mission en matière de vérification des informations de durabilité. La différence de rédaction par rapport à l’article L. 821-6 N° Lexbase : L5420MKX relatif à la sanction pénale a nécessairement une signification : le risque de nullité de l’AG est uniquement associé avec l’absence de certification régulière des comptes.
♦ Augmentation de capital - Suppression du DPS - Fixation du prix d’émission
ANSA, Comité Juridique, 5 février 2025, avis n° 25-008 : le Comité juridique de l’ANSA considère que s’agissant des émissions avec suppression du DPS et offre au public, par les sociétés dont les « titres sont cotés », l’article L. 22-10-52 du Code de commerce N° Lexbase : L6144MMI, dans sa nouvelle rédaction, peut s’appliquer directement et le conseil d’administration a toute liberté pour fixer le prix d’émission, conformément au texte même de cet article. Le seul renvoi au décret concerne en effet le contenu du rapport d’information, qui fait déjà l’objet des dispositions réglementaires en vigueur. La situation est très différente concernant les émissions réservées de l’article L. 22-10-52-1 N° Lexbase : L6145MMK dont l’application est suspendue jusqu’à la publication d’un décret : « Le prix d'émission des actions est fixé par le conseil d'administration ou le directoire, selon des modalités prévues par décret en Conseil d'État. ».
♦ Exemption de publication des comptes - Notion de grand groupe
CNCC, EJ 2024-30, 28 février 2025 : les nouvelles dispositions de l’article L. 233-17 du Code de commerce N° Lexbase : L5376MKC, qui sont entrées en vigueur à compter du 1er janvier 2025, renvoient pour l’appréciation de l’exemption d’établissement et de publication des comptes consolidés à la notion de « grand groupe » au sens de l’article L. 230-2 N° Lexbase : L5353MKH et aux seuils fixés à l’article D. 230-2 du Code de commerce N° Lexbase : L7036ML8 (30/60/250). Jusqu’au 31 décembre 2024, il convient de continuer de se référer aux seuils d’exemption édictés à l’article R. 233-16 du Code de commerce N° Lexbase : L1782LWW (24/48/250). En effet, cet article n’a pas fait l’objet de modifications par le décret n° 2024-152 du 28 février 2024 relatif au relèvement des seuils N° Lexbase : L5125MWQ et il est abrogé seulement à compter du 1er janvier 2025. Enfin, compte tenu de la nouvelle rédaction de l’article L. 233-17, entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2025, un groupe est considéré comme étant un « grand groupe » au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2025, si deux des trois seuils (30/60/250) ont été dépassés à la clôture des deux exercices de référence 31 décembre 2023 et 31 décembre 2024.
♦ CSRD - Certification des informations de durabilité
H2A, FAQ mars 2025, Mission de certification des informations en matière de durabilité : dès 2025, les entreprises concernées par la Directive « CSRD » Directive (UE) n° 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 N° Lexbase : L1830MGU) publieront, pour la première fois, les informations en matière de durabilité. Les premiers travaux de certification de ces informations ont déjà débuté. Afin d’accompagner les professionnels concernés et de les guider dans la mise en œuvre de la mission de certification des rapports de durabilité des entreprises, la Haute autorité de l’audit a publié, le 6 mars, une mise à jour de la FAQ sur la mission de certification des informations en matière de durabilité.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
(Néant)
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Cautionnement - Mention manuscrite - Étendue de l’engagement - Commune intention des parties
Cass. com., 12 mars 2025, n° 23-22.947, F-D N° Lexbase : A072267U : en présence d'un acte de cautionnement comportant une mention manuscrite conforme à la mention légale, mais faisant apparaître une différence, quant à l'étendue de l'engagement, avec d'autres mentions figurant dans l'acte, le juge doit rechercher la commune intention des parties sans pouvoir annuler, au motif de l'irrégularité prétendue de la mention manuscrite, le cautionnement litigieux.
♦ Cautionnement - Perte du recours après paiement - Devoir de mise en garde de la banque
Cass. civ. 1, 12 mars 2025, n° 23-19.708, F-D N° Lexbase : A0700673 : la perte du recours de la caution suppose que la caution ait payé sans être poursuivie et que ce n'est que dans le cas où le débiteur principal avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte que la caution, qui a payé sans avoir averti le débiteur principal, n'a pas de recours contre celui-ci. Tel n’est le cas du débiteur qui peut invoque le manquement allégué au devoir de mise en garde de la banque, celui-ci ne tendant pas en effet à l'extinction de la dette au jour du paiement par la caution mais à l'allocation de dommages et intérêts appréciés en fonction de la perte de chance de ne pas contracter.
A. Actualité normative
(Néant)
B. Actualité jurisprudentielle
♦ Droits des passagers aériens - Preuve de la réservation
CJUE, 6 mars 2025, aff. C-20/24 N° Lexbase : A4449638 : une carte d’embarquement peut constituer une autre preuve indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages pour le vol concerné. Un passager n’est pas réputé voyager gratuitement ou à tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public lorsque, d’une part, l’organisateur de voyages verse le prix du vol au transporteur aérien effectif conformément aux conditions du marché et, d’autre part, le prix du voyage à forfait est versé à cet organisateur non pas par ce passager, mais par un tiers. Il incombe à ce transporteur aérien de démontrer, selon les modalités prévues par le droit national, que ledit passager a voyagé gratuitement ou à un tel tarif réduit.
Pour aller plus loin : v. V. Téchené, Une carte d’embarquement peut suffire à prouver une réservation confirmée sur un vol, Lexbase Affaires, mars 2025 N° Lexbase : N1897B3N. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 mars 2025, n° 22-19.083, F-B N° Lexbase : A4420634
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N1907B3Z
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par Yann Le Foll
Le 20 Mars 2025
En cas de changement d’avocat en cours de procédure, la cour d'appel demeure saisie des conclusions régulièrement déposées.
Un salarié a, dans un litige l'opposant à son employeur, interjeté appel d'un jugement rendu par un conseil de prud'hommes. En cours de procédure, le salarié, qui était représenté par un défenseur syndical, a constitué, en lieu et place de ce dernier, un avocat qui n'a pas déposé de conclusions. Il fait grief à l'arrêt de constater que son appel n'était pas soutenu
La Cour suprême énonce qu’il résulte des articles 411 N° Lexbase : L6512H7C et 961 N° Lexbase : L2440MLX du Code de procédure civile qu'en cas de changement, en cours de procédure, du représentant ad litem d'une partie, la cour d'appel demeure saisie des conclusions régulièrement déposées par le précédent représentant, peu important que le nouveau représentant constitué n'ait pas conclu.
L’arrêt attaqué, selon lequel en l'absence de conclusions déposées par l'avocat constitué en lieu et place du défenseur syndical, la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande, ni d'aucun moyen, est donc cassé et annulé.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La responsabilité civile professionnelle de l'avocat, Le mandat ad agendum et le mandat ad litem, in La Profession d’avocat N° Lexbase : E40193RB. |
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N1902B3T
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par Robert Rézenthel, docteur en droit
Le 24 Mars 2025
Mots clés : ports maritimes • pouvoirs de police • convention de terminal portuaire • domaine public • mise en concurrence
Les ports en France sont des entités soumises au droit public, qu'il s'agisse des grands ports maritimes, du grand port fluvio-maritime de l'axe Seine, ou des ports relevant des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
Parfois, certains ports français sont qualifiés abusivement de ports privés, en réalité il n'en est rien. Le Conseil d'État a jugé que même lorsqu'il est établi sous le régime d'une autorisation d'occupation temporaire [1], un port relève nécessairement d'une personne de droit public.
Pour le Professeur Philippe Jestaz, « Les contours du droit fluctuent dans le temps et dans l'espace, se chevauchent ou se dissocient sans que jamais cette dissociation soit complète » [2]. Nous le verrons, cette analyse se vérifie dans la gestion portuaire, mais citons auparavant le rappel historique formulé par S. Gilbert, selon lequel : « l'étude des rapports entre les lois administratives et le droit civil, à la fin du XVIIIème siècle révèle que les usages initiaux de l'expression « droit civil » désignent de manière alternative des règles de droit public et de droit privé, en héritage du concept romain de droit civil » [3].
L'intérêt général constitue l'objectif fondamental de toute personne de droit public, le Conseil d'État y a réalisé une étude très complète [4] sur ce thème, et le principe a été consacré par le Code des relations entre le public et l'administration, dont l'article L. 100-2 N° Lexbase : L1765KNP dispose que « L'administration agit dans l'intérêt général ».
Si l'exploitation des ports maritimes présente un intérêt majeur pour l'économie nationale et régionale, l'intérêt général qu'elle représente ne saurait contrarier inutilement les intérêts particuliers des opérateurs. La concurrence entre les grands ports des États membres de l'Union européenne ne saurait être compromise discrétionnairement par une multitude de procédures adoptées au nom de l'intérêt général.
I. Les prescriptions impératives
Le cadre légal et réglementaire s'impose de manière nuancée, tantôt par des prescriptions impératives, parfois par des mesures optionnelles comme par exemple le choix laissé aux grands ports maritimes de conclure, soit une concession, soit une convention de terminal portuaire.
Le caractère d'ordre public peut être précisé dans le texte, ou constaté par le juge [5]. L'article 1162 du Code civil N° Lexbase : L0884KZR dispose que « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public, ni par ses stipulations, ni par son but... ».
Il résulte de l'article L. 1224-1 du Code du travail N° Lexbase : L0840H9Y que le changement d'employeur résultant du transfert d'une activité à une entité économique autonome a un caractère d'ordre public [6]. Toutefois, à propos du transfert d'une concession de port de plaisance, une distinction est faite par la jurisprudence. En effet, si la Cour de cassation a jugé que « si les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail (aujourd'hui L. 1224-1), interprétées à la lumière de la Directive n° 98/50/CE, imposent le maintien des contrats de travail en cours y compris dans le cas où l'entité économique transférée constitue un service public administratif dont la gestion, jusqu'ici assurée par une personne privée, est reprise par une personne morale de droit public normalement liée à son personnel par des rapports de droit public, elles n'ont pas pour effet de transformer la nature juridique des contrats de travail en cause, qui demeurent des contrats de droit privé tant que le nouvel employeur public n'a pas placé les salariés dans un régime de droit public » [7] ; en revanche, le Conseil d'État a jugé que les fonctions de directeur d'un port de plaisance, salarié d'une chambre de commerce et d'industrie concessionnaire, ne pouvaient pas donner lieu à un transfert de contrat de travail, en raison de la qualité d'agent public de l'intéressé [8].
Parfois, certains usagers des ports tentent d'imposer une compensation de créances à l'autorité gestionnaire du port. Cette démarche n'est pas envisageable en raison du principe selon lequel la non compensation des créances publiques présente un caractère d'ordre public [9], et ce, même lorsque la personne publique gère un service public à caractère industriel et commercial comme un port de plaisance [10]. Alors que la compensation peut être imposée dans le cadre de rapport de droit privé, ainsi que le prévoient les articles 1347 N° Lexbase : L1002KZ7 et suivants du Code civil [11].
L'exercice des pouvoirs de police constitue une activité qui ne peut être négociée. D'ailleurs, le concessionnaire ne peut disposer d'un tel pouvoir en application du cahier des charges de la concession [12]. À propos de la police portuaire, il a été jugé que : « s'il appartient aux collectivités et personnes morales publiques, auxquelles sont affectées ou concédées les installations des ports maritimes, de permettre l'accès aussi large que possible des armements à ces installations, elles n'en sont pas moins corollairement en charge de fixer, par une réglementation adaptée à la configuration des ports concernés, des conditions d'utilisation de ces installations propres à assurer la sécurité des usagers et la protection des biens du domaine public maritime ; qu'en outre, si ces mêmes collectivités et personnes morales publiques ne sont autorisées par aucune disposition législative à consentir aux entreprises chargées d'un service public de transport maritime le monopole de l'utilisation des ouvrages portuaires et, dès lors, en l'absence de circonstances exceptionnelles à réserver à ces entreprises l'exclusivité de l'accès aux installations portuaires, il leur appartient, dans des limites compatibles avec le respect des règles de concurrence et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'apporter aux armements chargés d'un tel service public l'appui nécessaire à l'exploitation du service et, le cas échéant, de leur accorder des facilités particulières pour l'utilisation du domaine public » [13].
La Cour de justice de l'Union européenne a jugé, quant à elle, que des modifications des propositions d'horaires des armateurs d'accès dans un port pouvaient être imposées par l'autorité portuaire pour des raisons impérieuses d'intérêt général, dont la sécurité dans les eaux portuaires [14], et ce, sous réserve de répondre aux conditions de proportionnalité et de non-discrimination. Un éventuel retard d'accès des navires dans un port pour un tel motif ne saurait engager la responsabilité de l'autorité portuaire, malgré l'existence de préjudices occasionnés dans les rapports des armateurs et des chargeurs avec leurs clients.
Les contrevenants à la police de la grande voirie peuvent échapper aux poursuites devant les juridictions administratives, par exemple s'ils s'engagent à prendre en charge l'intégralité des dommages occasionnés au domaine public. Ce fut le cas à la suite de la pollution occasionnée par le naufrage du navire pétrolier l' « Érika » au large des côtes bretonnes, le « chargeur » avait pris l'engagement de traiter les déchets polluants résultant de ce sinistre [15]. Il a été admis par ailleurs que le gestionnaire du domaine public avait la possibilité de mettre en cause la responsabilité civile de l' auteur des dommages devant les juridictions judiciaires [16].
Bien que la procédure ne soit pas spécifique à la gestion des ports, celle-ci doit respecter l'ordre public financier qui donne lieu à l'application d'un régime spécial [17] de responsabilité personnelle et pécuniaire des ordonnateurs et des comptables publics devant les juridictions financières. Ainsi, les montages juridiques ayant une finalité frauduleuse ou des opérations illégales occasionnant un préjudice financier à une collectivité publique peuvent conduire à la condamnation de leurs auteurs tant dans le cadre de ce régime spécial, qu'au titre du droit pénal. C'est le cas par exemple lorsque l'on procure, en connaissance de cause, un avantage injustifié pécuniaire ou en nature à autrui ou à soi-même [18]. Il a été jugé qu'il est interdit de céder à des fins d'intérêt privé des biens des personnes publiques à des prix inférieurs à leur valeur [19] ; de même, les établissements publics (grands ports maritimes) ne peuvent disposer de leur patrimoine à titre gratuit [20].
Parfois, l'autorité portuaire dispose d'un choix entre plusieurs régimes, mais celui qu'elle a retenu doit être appliqué selon les prescriptions légales ou réglementaires en vigueur.
II. La faculté de choix laissée à l'autorité portuaire
Le Code des transports évoque de manière discrète certains régimes domaniaux susceptibles de s'appliquer dans les ports. C'est le cas de la concession d'outillage public et de la convention de terminal portuaire.
À l'origine, la convention d'exploitation de terminal avait été instituée afin de proposer aux opérateurs un régime juridique plus souple [21] que celui de la concession d'outillage public. À la suite d'une mise en concurrence pour l'attribution d'une convention de terminal, un candidat évincé a contesté le choix de l'opérateur retenu. À l'occasion de ce contentieux, le Conseil d'État a requalifié [22] en concession le contrat conclu pour l'exploitation du terminal. Souhaitant maintenir le régime de la convention de terminal portuaire le Gouvernement a introduit à cet effet diverses dispositions dans le projet de loi d'orientation des mobilités, dont le texte a été amendé au regard de l'avis [23] du Conseil d'État sur le projet.
Désormais, la convention de terminal doit s'analyser en autorisation d'occupation du domaine public dès lors qu'elle ne contient pas de stipulations répondant aux besoins de l'autorité portuaire ; dans le cas contraire, il s'agit d'une concession. Il résulte de l'article L. 5312-14-1 du Code des transports N° Lexbase : L5614L4P que : « I - … Sans préjudice de l'avant-dernier alinéa de l'article L 2122-6 du même code, les conventions peuvent également prévoir qu'à leur échéance et dans des conditions qu'elles définissent, le grand port maritime indemnise les cocontractants pour les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier réalisés pour l'exercice de l'activité autorisée par les conventions et acquiert certains biens meubles corporels et incorporels liés à cette activité, afin de pouvoir les mettre à disposition ou les céder à d'autres cocontractants ou, le cas échéant, les utiliser dans les conditions prévues à l'article L. 5312-4 du présent code, qui n'est pas applicable au secteur fluvial d'un grand port fluvio-maritime.
« II.-Toutefois, lorsque le contrat a pour objet de répondre aux besoins spécifiques exprimés par le grand port maritime, celui-ci conclut des contrats de concession auxquels est applicable la troisième partie du code de la commande publique... ».
Le régime de la concession présente moins de garanties pour le concessionnaire que la convention de terminal pour l'opérateur. Certes, des droits réels [24] peuvent être accordés au titulaire de l'un ou l'autre des contrats, mais pour la concession, il résulte de la jurisprudence que « lorsque des ouvrages nécessaires au fonctionnement du service public, et ainsi constitutifs d'aménagements indispensables à l'exécution des missions de ce service, sont établis sur la propriété d'une personne publique, ils relèvent de ce fait du régime de la domanialité publique ; que la faculté offerte aux parties au contrat d'en disposer autrement ne peut s'exercer, en ce qui concerne les droits réels dont peut bénéficier le cocontractant sur le domaine public, que selon les modalités et dans les limites définies aux articles L. 2122-6 à L. 2122-14 du Code général de la propriété des personnes publiques ou aux articles L. 1311-2 à L. 1311-8 du Code général des collectivités territoriales et à condition que la nature et l'usage des droits consentis ne soient pas susceptibles d'affecter la continuité du service public » et que « le contrat peut attribuer au délégataire ou au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée » [25].
En d'autres termes, l'opérateur titulaire d'une convention de terminal portuaire ne subit pas le régime des biens de retour [26] pour les biens meubles qui participent au fonctionnement du service public portuaire global [27], compte tenu de la faculté d'indemnisation [28] de l'exploitant à l'échéance de sa convention.
Le droit public emprunte certains concepts au droit privé, c'est le cas du bail emphytéotique administratif, ou des droits réels sur le domaine public. À propos de ces derniers, ils sont moins facilement négociables que ceux reconnus par le droit privé. Toutefois, l'article 132 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, d'orientation des mobilités N° Lexbase : L6050MSU (article L. 5311-3 du Code des transports N° Lexbase : L3628LUW) étend la possibilité d'utiliser ces droits sur l'ensemble du domaine public portuaire [29], par dérogation à l'article L. 2122-8 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L4522IQK. Il convient de rappeler que l'octroi de droits réels sur le domaine public n'a pas un caractère automatique, l'autorité portuaire a la faculté d'en refuser le bénéfice aux occupants dudit domaine.
Parmi les particularités portant sur des situations donnant lieu à une combinaison du droit public avec le droit privé, il y a les contrats et le droit des sociétés.
III. Les contrats et le droit des sociétés
L'autonomie de la volonté dans les rapports contractuels trouve sa limite dans l'existence d'un texte [30] législatif ou réglementaire. Bien que la liberté contractuelle constitue un droit fondamental pour chacun [31], elle n'est pas absolue [32]. C'est ainsi que les cahiers de charges des concessions de ports de plaisance ou d'outillages publics peuvent comporter des clauses réglementaires concernant l'organisation du service public et modifiables unilatéralement par la personne publique. Elles sont détachables du contrat [33], et peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir [34]. Par dérogation au principe de l'effet relatif des contrats, la clause réglementaire est susceptible de produire des effets à l'égard des tiers [35].
Si la jurisprudence judiciaire admet l'interdépendance des contrats [36], ce régime ne semble pas s'appliquer. Ainsi, la résiliation d'une convention de terminal portuaire ne saurait justifier automatiquement celles des contrats de manutention conclus par l'opérateur, le caractère précaire et révocable d'une telle autorisation d'occupation du domaine public étant prévisible, la force majeure ne saurait être retenue [37].
Parfois l'octroi d'une concession est conditionné par la cession gratuite par le concessionnaire d'une bande de terrain bord à quai, en contrepartie du droit de mettre un bassin en communication directe avec la mer. Cette prescription résulte de l'article 22 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral N° Lexbase : L7941AG9 (aujourd'hui article L. 341-7 du Code du tourisme N° Lexbase : L0144HGG), elle avait pour objectif de lutter contre la construction de marinas intérieures et par voie de conséquence de ports de plaisance privés. Le Conseil d'État a jugé pour sa part que « la signature d'un acte authentique n'étant pas une condition de la validité de la cession gratuite de terrains, cette dernière peut résulter de l'accord de volonté des parties » [38]. Il considère [39] toutefois que le projet doit être suffisamment précis pour justifier cette cession.
La même remarque pourrait être faite pour la contribution financière demandée aux plaisanciers pour leur accorder une garantie d'usage d'un poste d'amarrage dans un port de plaisance. Selon l'article R. 5314-34 du Code des transports N° Lexbase : L8285MK3 dispose que : « Il peut être accordé des garanties d'usage de postes d'amarrage ou de mouillage pour une durée maximale de trente-cinq ans, en contrepartie d'une participation au financement d'ouvrages, de bâtiments ou équipements ayant un rapport avec l'exploitation du port ou de nature à contribuer au développement de celui-ci et constituant une dépendance du domaine public de l'État ou des collectivités territoriales et de leurs groupements ». Il ne s'agit pas d'un contrat aléatoire [40], car lors de sa signature le plaisancier doit connaître précisément le projet auquel il va participer financièrement et dans quelle proportion.
Il est parfois prévu dans les statuts d'une société concessionnaire d'un port de plaisance que la détention d'actions de celle-ci confère un droit d'amarrage à l'actionnaire. Il s'agit d'une confusion entre le droit des concessions et le droit des sociétés. Le Conseil d'État statuant en matière fiscale a admis que la cession d'actions de la société concessionnaire pouvait conférer à leur détenteurs un droit de jouissance sur des fractions d'immeubles, en l'espèce des postes d'amarrage, et que cette cession était passible de la taxe sur la valeur ajoutée [41]. Pour sa part, la Cour de cassation a justement considéré que l'actionnaire de la société concessionnaire titulaire d'une autorisation d'occupation d'un poste d'amarrage était tenu de payer la redevance d'occupation du domaine public [42]. Selon le Conseil d'État, la simple cession de leurs titres par des actionnaires n'équivaut pas à une cession de concession [43], laquelle n'est réalisée que lorsque le contrat est transféré par le concessionnaire lui-même. Cette faculté est devenue caduque en raison de l'évolution du droit de la domanialité public [44], de la concurrence de l'Union européenne et des dispositions du code de la commande publique, qui impliquent une mise en concurrence. C'est également le cas pour les autorisations d'occupation temporaire du domaine public pour des activités économiques [45].
La question se pose en ce qui concerne les sociétés portuaires quant à la nécessité ou non de recourir à la sélection des actionnaires. Selon l'article 35 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 N° Lexbase : L6671HES : « I.-Par dérogation aux articles L. 2253-1, et L 3231-6, L 4211-1 et L 5111-4 du Code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent prendre des participations dans des sociétés dont l'activité principale est d'assurer l'exploitation commerciale d'un ou plusieurs ports visés au I de l''article 30 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales lorsqu'au moins l'un d'entre eux se trouve dans leur ressort géographique.
II.-La collectivité territoriale propriétaire d'un port visé au I de l'article 30 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée peut, à la demande du concessionnaire du port, autoriser la cession ou l'apport de la concession à une société portuaire dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d'industrie dans le ressort géographique de laquelle est situé ce port. Un nouveau contrat de concession est alors établi entre la collectivité territoriale et la société portuaire pour une durée ne pouvant excéder quarante ans. Ce contrat précise notamment les engagements que prend la société portuaire en termes d'investissements et d'objectifs de qualité de service ».
Peut-on considérer que ce type de société permet un transfert de concession d'outillage public portuaire sans le recours à une procédure de mise en concurrence ? À présent, seuls les grands ports maritimes d'outre-mer et les ports territoriaux, ainsi que les ports maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent accorder de telles concessions. La Cour de justice a jugé que « Dans le cadre d'une attribution in house, le pouvoir adjudicateur est réputé avoir recours à ses propres moyens. En effet, même si l’entité attributaire est juridiquement distincte de lui, elle fait quasiment partie des services internes de celui-ci dès lors que deux conditions sont réunies. Premièrement, le pouvoir adjudicateur doit exercer sur l’entité attributaire un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services. Deuxièmement, cette entité doit réaliser l’essentiel de ses activités au profit du ou des pouvoirs adjudicateurs qui la détiennent » [46].
Pour la Cour de justice, « La question se pose ensuite de savoir si, dans le cas où une autorité publique devient associée minoritaire d’une société par actions à capital entièrement public en vue d’attribuer à celle-ci la gestion d’un service public, le contrôle que les autorités publiques associées au sein de cette société exercent sur celle-ci doit, pour être qualifié d’analogue au contrôle qu’elles exercent sur leurs propres services, être exercé individuellement par chacune de ces autorités ou peut l’être conjointement par celles-ci » [47]. Elle constate cependant que « La jurisprudence n’exige pas que le contrôle exercé sur la société adjudicataire dans un tel cas soit individuel » [48].
Pour les sociétés portuaires, si le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, la loi n'interdit pas l'entrée ultérieure dans le capital d'investisseurs privés. Si cette coopération entre des investisseurs publics et privés ne peut justifier le non-respect des dispositions relatives à l'attribution des concessions, toutefois, « le recours à une double procédure de mise en concurrence serait difficilement compatible avec l'économie procédurale qui inspire les partenariats public-privé institutionnalisés » [49].
Pour la Cour de justice;, « Dans la mesure où les critères de sélection de l’associé privé sont fondés non seulement sur les capitaux apportés, mais également sur la capacité technique de cet associé et sur les caractéristiques de son offre au regard des prestations spécifiques à fournir, et que cet associé se voit... confier l’activité opérationnelle du service en question et donc la gestion de celui-ci, l’on peut considérer que la sélection du concessionnaire résulte indirectement de celle dudit associé qui a eu lieu au terme d’une procédure respectant les principes du droit communautaire, en sorte qu’une seconde procédure de mise en concurrence en vue de la sélection du concessionnaire ne se justifierait pas » [50].
Conclusion
Malgré les différences de régimes, les tentatives de rapprochement du droit public et du droit privé se multiplient. Par exemple, au regard du droit des aides d'État, le juge est invité à vérifier que la personne publique se comporte ou non comme un « investisseur avisé en économie de marché » [51]. On relève également l'application de la théorie des « facilités essentielles » qui permet de limiter le pouvoir discrétionnaire des gestionnaires de ports dans l'accueil des usagers [52].
Enfin, si le concept d'ordre public économique a une connotation de droit public, c'est-à-dire placé sous le contrôle d'une entité publique, il a cependant pour fonction de réguler des activités relevant du droit privé [53]. Le Conseil constitutionnel a jugé les enquêtes conduites par l'Autorité de la concurrence étaient destinées « à garantir le respect des règles de concurrence nécessaires à la sauvegarde de l'ordre public économique » [54].
La conception ouverte du Code civil s'est heurtée souvent au caractère autoritaire du droit administratif pour les administrés, cependant l'approche libérale du droit des activités portuaires est soutenue par le droit de l'Union européenne [55]. Même s'il est parfois marginalisé, le droit privé constitue une branche incontournable du droit portuaire.
[1] CE, 4 décembre 1995, n° 124977 N° Lexbase : A6978ANR.
[2] Ph. Jestaz, Définir le droit… ou l'observer, RTDCiv, 2017, p. 775 et suiv.
[3] S. Gilbert, Quelques réflexions sur le droit civil dans ses rapports avec le droit administratif et la raison d'État, RTDCiv 2020, p. 547 (notamment p. 548).
[4] L'intérêt général, p. 239 et suiv. en annexe du rapport public 1999 du Conseil d'État, Etudes et documents n° 50, La documentation française (1999).
[5] CE, 8 décembre 2021, n° 435492 N° Lexbase : A27627HR ; CE, 30 janvier 2019, n° 409954 N° Lexbase : A6301YUW ; CE, 30 juin 2014, n° 365071 N° Lexbase : A2861MT7.
[6] Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-44.006 N° Lexbase : A0067AZI, Bull. civ. V, n° 221 ; cf. concl. R. Chambon sous CE, 14 juin 2021, n° 438431 N° Lexbase : A00774WR (site arianeweb).
[7] Cass. soc., 12 juin 2007, n° 05-44.337 et 05-44.743 N° Lexbase : A7858DWX
[8] CE, 14 mai 2003, n° 245628 N° Lexbase : A0408B7A, DMF, 2003, p. 689 note R. Rézenthel.
[9] CE, 29 mai 1963, E…, Rec. T. p. 965 ; CE, 23 mai 2012, n° 346352 N° Lexbase : A0926IMA ; CE, 7 octobre 2021, n° 427999 N° Lexbase : A560948A.
[10] CE, 13 décembre 2002, n° 248591 N° Lexbase : A6485A4X.
[11] Selon l'article 1347-1 du Code civil N° Lexbase : L0720KZP, pour que la compensation puisse intervenir, il faut que les deux obligations soient fongibles, certaines, liquides et exigibles.
[12] CE, 10 décembre 1962, Rec. p. 675 ; CE, 1er avril 1994, n° 144152 et 144241 N° Lexbase : A0666ASH, Rec p. 176.
[13] CE, 30 juin 2004, n° 250124 N° Lexbase : A8172DCN, DMF, 2004, p.1047, observ. R. Rézenthel.
[14] CJUE, 17 mars 2011, aff C-128/10 et C-129/10, Naftiliaki Etaireia Thasou AE N° Lexbase : A0087HC9, points 43 à 45.
[15] CE, 30 septembre 2005, n° 263442 N° Lexbase : A6065DKT.
[16] Cass. civ. 1, 13 janvier 1982, n° 80-16.461 N° Lexbase : A2536CHE ; T. confl., 13 avril 2015, n° 3993 N° Lexbase : A9547NGP ; Cass. civ. 1, 1er juillet 2015, n° 13-17.820 N° Lexbase : A5442NMI.
[17] CE, 17 février 2023, n° 446136 N° Lexbase : A31799D4 ; C. comptes (7 ème ch), 13 avril 2022, Direction départementale des finances publiques de la Vienne (DDFIP), exercice 2018, N° S-2022-0744.
[18] CJF, art. L. 131-12 N° Lexbase : L1205MCM.
[19] C. const., décision n° 96-380 DC du 23 juillet 1986 N° Lexbase : A8345AC3, JO, 27 juillet 1986, p. 11408.
[20] CDBF, 20 décembre 1982, n° 35, JO 16 octobre 1983, éd. NC, p. 9393.
[21] R. Rézenthel, La convention de terminal portuaire, Dr. Voirie, 2010, n° 146, p. 140 ; R. Rézenthel, Le régime d'exploitation des terminaux portuaires, in Mélanges P. Bonassies, p. 291, éd. Moreux (2001) ; L. Fédi et R. Rézenthel, L'exploitation des terminaux portuaires face aux enjeux maritimes du 21 ème siècle, DMF, 2007, p. 828.
[22] CE, 14 février 2017, n° 405157 et 405183 N° Lexbase : A5671TND.
[23] CE Ass., 15 novembre 2018, avis n° 395539 N° Lexbase : A97908PB, § 94 à 97.
[24] Pour la concession, CCP, art. L. 3132-2 N° Lexbase : L3765LRU ; pour la convention de terminal, C. transports, art. L. 5312-14-1-III.
[25] CE Ass., 21 décembre 2012, n° 342788 N° Lexbase : A1341IZP.
[26] Ces biens appartiennent au concédant dès leur acquisition ou leur aménagement, sauf stipulation contraire du cahier des charges de concession ; R. Rézenthel, Les biens de retour dans les ports de plaisance et leur rapport avec le droit de propriété, Dr voirie, 2022, n° 228, p. 143 ; ce régime a été validé par la CEDH (CEDH, 5 octobre 2023, Req. 24300/20, Sarl Couttolenc frères c/ France N° Lexbase : A67901MG) et par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 11 juillet 2024, aff C-598/22, Societa italiana imprese balneari Srl c/ Comune di Rosignano maritimo N° Lexbase : A29325PB, DMF, 2024, n° 873, p. 930).
[27] À propos de terminaux méthaniers, le Conseil d'État a considéré que « ces installations, qui participent du bon fonctionnement global du port, n’en demeurent pas moins affectées à l’objet d’utilité générale qui en a déterminé la création. Dès lors, la circonstance qu’elles relèvent d’une exploitation privative, fût-ce pour le compte propre d’une entreprise, n’a pas pour effet de les soustraire au service public portuaire, dont elles ne sont pas dissociables » (Avis CE sect trav Publ, 14 avril 2009, n° 382669 N° Lexbase : A79474MB).
[28] C. transports, art. L 5312-14-1.
[29] R. Rézenthel, Les droits réels sur le domaine public portuaire : une réforme insuffisante, Dr voirie, 2024, n° 236, p. 6.
[30] CJUE, 9 novembre 2017, aff C-227/16 N° Lexbase : A0029WYQ points 19 et 20.
[31] CJUE, 18 juillet 2013, aff C-426/11 N° Lexbase : A0853KKS, point 32.
[32] CEDH, 5 juillet 2022, Req. 70133/16, Dimitri c/ Turquie N° Lexbase : A257779C, point 142.
[33] Concl G. Pellissier sous CE, 9 mars 2018, n° 409972 N° Lexbase : A6325XGD.
[34] CE Ass, 10 juillet 1996, n° 138536 N° Lexbase : A0215APN, Rec. p. 274.
[35] Concl Odent sous CE Sect., 5 mars 1943, n° 68015 et 68110, Compagnie générale des eaux, Rec. Dalloz, 1944, p. 121 ; Concl. O. Henrard sous CE, 23 décembre 2016, n° 397096, 397160 N° Lexbase : A8796SX3.
[36] Cass. com., 17 février 2021, n° 268575 N° Lexbase : A1413DTI.
[37] Cass. civ. 3, 4 mai 1994, n° 92-12.699 N° Lexbase : A8533AG7.
[38] CE, 26 février 2016, n° 374734 N° Lexbase : A4464QDP.
[39] CE, 1er avril 1994, n° 133210 N° Lexbase : A0594ASS ; CE, 17 février 2010, n° 316669 N° Lexbase : A0228ESA. Pour le Conseil constitutionnel, la loi doit définir les usages publics auxquels les terrains cédés gratuitement doivent être affectés (Cons. const., décision n° 2011-176 QPC du 7 octobre 2011 N° Lexbase : A5943HYR, JO, 8 octobre 2011, p. 1701.
[40] V. Prud'homme et R. Rézenthel, La garantie d'usage des postes d'amarrage : une réforme incomplète, DMF, 2024, n° 865, p.162.
[41] CE, 29 janvier 1982, n° 17449 N° Lexbase : A2531ALC ; la Cour de cassation a également admis l'assujettissement à l'impôt de la cession d'actions d'un port de plaisance (Cass. com., 23 février 1999, n° 96-22836 N° Lexbase : A9750CYR).
[42] Cass. civ. 3, 29 septembre 2010, n° 09-16.547 N° Lexbase : A7588GAB.
[43] CE, 9 juillet 1920, compagnie française du Congo occidental, Rec. p. 676.
[44] CGPPP, art. L. 2122-1-1 N° Lexbase : L9569LDR.
[45] CJUE, 14 juillet 2016, aff. C-458/14 et C-67/15, Promoimpresa N° Lexbase : A2158RX9.
[46] CJCE, 18 novembre 1999, aff n° C-107/98, Teckal N° Lexbase : A0591AWS point 50 ; CJUE, 18 juin 2020, aff. C-328/19 N° Lexbase : A81913NP, point 66.
[47] CJCE, 10 septembre 2009, aff. C-573/07, Sea Srl N° Lexbase : A8897EKQ, point 54.
[48] CJCE, 13 novembre 2008, aff. C‑324/07, Coditel Brabant N° Lexbase : A2174EB7, point 46
[49] CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-196/08, point 58.
[50] CJCE, 15 octobre 2009, aff. C-196/08, point 60.
[51] CE, 13 juillet 2012, n° 347073 N° Lexbase : A8407IQG ; CE, 27 février 2006, n° 264406 N° Lexbase : A3969DNC.
[52] Décision de la Commission du 21 décembre 1993, relative au refus d'accès aux installations du port de Rodby (Danemark), JOCE, n° L 55 du 26 février 1994, p. 52 ; Décision de la Commission du 21 décembre 1993, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV/34.689) – Sea containers c/ Stena Sealink (accès au port de Holyhead).
[53] R. Rézenthel, Les ports maritimes et le droit privé, DMF, 2023, n° 861, p. 863.
[54] Cons. const., décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 N° Lexbase : A40354ME, JO, 27 mars 2021, point 21.
[55] R Rézenthel, Les ports maritimes et le bicentenaire du Code civil, DMF, 2004, n° 644, p. 78.
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Le 18 Mars 2025
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Le 28 Mars 2025
Mots clés : violences scolaires • prescription • viol • forclusion • enquête
La prescription, si elle est un élément essentiel de la procédure pénale, peut aussi aboutir à ce que des victimes qui ont mis du temps à se libérer de la honte d’avoir subi des actes traumatisants voient leur parole étouffée et leurs témoignages devenus inutiles, au moins dans la condamnation des criminels. C’est particulièrement le cas dans des affaires relatives aux traumatismes vécus pendant l’enfance, comme dans l'affaire « Bétharram », du nom de cet établissement où auraient eu lieu des sévices de la part de l’encadrement éducatif pendant des décennies, qui fait actuellement la une des journaux. Pour savoir comment se sortir de cette impasse, Lexbase a interrogé Lore Marguiraut, avocate de plusieurs victimes de ces violences*.
Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les problématiques juridiques afférentes à l'affaire « Bétharram » ?
Lore Marguiraut : Les victimes de l’affaire « Bétharram » sont confrontées à deux obstacles majeurs.
En premier lieu, certains mis en cause sont décédés. C’est notamment le cas du père Carricart, directeur de l’établissement accusé de viols, qui s’était suicidé en 1998 lors de sa mise en examen. L’article 6 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1116H44 prévoit expressément l’extinction de l’action publique à la mort de l’auteur des faits.
En second lieu, l’immense majorité des faits reportés est prescrite. Les enquêteurs ont tenté d’appliqué le principe de « prescription glissante » : le délai de prescription d’un viol sur un enfant peut être prolongé si la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite un autre enfant, jusqu'à la date de prescription de cette nouvelle infraction. Ce mécanisme favorable aux victimes mineures avait été créé par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste N° Lexbase : L5564MSU. En vertu de l’article 112-2 4° du Code pénal N° Lexbase : L0454DZT, les lois relatives à la prescription de l’action publique sont applicables immédiatement.
Lexbase : Quel rôle y joue le principe de la prescription ? N'est-il pas un obstacle à la reconnaissance de la parole des victimes ?
Lore Marguiraut : L’affaire « Bétharram » est paradoxale. Les victimes n’ont jamais été aussi écoutées que depuis que leur action a été déclarée prescrite, pour l’immense majorité d’entre elles.
Rappelons qu’en 2024, un important travail d’enquête avait été engagé par le ministère public. Les enquêteurs ont reçu et étudié plus d’une centaine de plaintes. L’effet extinctif de la prescription a limité la suite des poursuites à un seul auteur encore condamnable.
De manière extra-judiciaire, une Commission Reconnaissance et Réparation (CRR) a été constituée pour recueillir la parole des victimes, puis leur proposer une réparation symbolique et forfaitaire. De son côté, la Congrégation religieuse de Bétharram a enfin réagi. Elle vient de décider qu’une commission d’enquête indépendante, confiée à l’Institut Louis Joinet, établirait le bilan des violences physiques et sexuelles subies par les élèves de cet établissement.
Ces commissions, inspirées de la justice transitionnelle, démontrent que l’expiration d’un délai de prescription ne signifie pas qu’enquêter est impossible ; ne signifie pas que les éléments de preuve ont disparu ; encore moins que le trouble à l’ordre public aurait disparu.
Cela nous amène à questionner notre système procédural. Le Conseil constitutionnel avait rappelé [1] qu’il appartenait au législateur de « fixer des règles relatives à la prescription de l'action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions ». Dans le cas de victimes de viols, notamment mineures, nous ne pouvons que nous interroger sur la pertinence des délais pénaux en vigueur. Tout conseil de victimes sait très bien que le psychotraumatisme peut engendrer des mécanismes de survie et de déni fondamentalement incompatibles avec une procédure pénale ; cette procédure étant synonyme de confrontation directe au violeur.
Conscients de cela, deux constats s’imposent. Il est absurde de fixer le point de départ du délai au moment de la majorité de la victime. La majorité n’a rien à voir avec la capacité individuelle à surmonter un traumatisme. D’autre part, la prescription actuelle impose à la victime de surmonter l’insurmontable dans des délais décorrélés de son état de santé.
Lexbase : Quels autres recours s'ouvrent aux victimes même si les faits sont prescrits ?
Lore Marguiraut : Deux recours s’ouvrent aux victimes, nonobstant la prescription pénale des faits, au travers du droit civil ou de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
La responsabilité civile, prise en sa branche corporelle, propose un système de prescription bien plus adapté aux victimes que le droit pénal.
Premièrement, le point de départ du délai est fixé au moment de la consolidation de l’état de santé de la victime, c’est-à-dire au moment où elle se stabilise, avec ou sans séquelles. Un grand nombre de victimes de violences sexuelles n’ont jamais été consolidées : il aurait fallu pour cela que le traumatisme soit révélé et pris en charge. Le délai n’est alors jamais parti.
Deuxièmement, l’article 2226 du Code civil N° Lexbase : L7212IAD allonge la prescription d’un dommage corporel de dix à vingt ans en cas de violences sexuelles sur mineur.
En troisième et dernier lieu, une aggravation de l’état de santé fait partir un nouveau délai de prescription, permettant la réouverture de dossier. En pratique, un dépôt de plainte cause souvent une décompensation des séquelles psy, ce qui aboutit à une aggravation médicalement constatable de l’équilibre psychologique, et donc à une possible réouverture du dossier.
La Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) est également un recours intéressant. La saisine de la Commission est notamment conditionnée par des délais de forclusion. Contrairement à la prescription, la forclusion ne s’interrompt pas. Elle peut seulement être prorogée. Les victimes se voient proposer un double délai, le plus favorable s’appliquant.
Les demandeurs peuvent saisir la Commission dans l’année de la dernière décision juridictionnelle, statuant sur la culpabilité ou sur les intérêts civils [2]. Une décision de classement sans suite n’est pas une décision au sens de l’article 706-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3271MKD [3]. Dans le cas de l’affaire « Bétharram », l’enquête est encore en cours : il est loisible d’en conclure que le délai est prorogé durant les actes d’enquête [4].
Les demandeurs peuvent également saisir la Commission dans les trois ans des faits subis.
Si ces deux délais sont expirés, l’action est forclose. Il reste toutefois possible de solliciter un relevé de forclusion, conformément à l’article 706-5 du Code de procédure pénale. Cet article permet à la Commission de relever le demandeur de la forclusion, s’il démontre ne pas avoir été en mesure de faire valoir ses droits. Cet empêchement peut être de différentes natures.
La cour d’appel d’Orléans a ainsi confirmé le relevé de forclusion en faveur d’une victime dans « l’impossibilité psychologique » d’engager un processus juridique [5]. La cour précisait dans cet arrêt que l’impossibilité n’avait pas à revêtir de caractère absolu ; caractère absolu qui n’était pas requis par les termes de l’article 706-5 du Code de procédure pénale.
De même, il est possible d’obtenir un relevé de forclusion si la victime a été dans l’impossibilité juridique de faire valoir ses droits. La Commission est attentive au parcours du requérant : celui-ci a-t-il consulté un avocat, a-t-il été entendu par des enquêteurs, une décision a-t-elle été rendue par un magistrat ? Si le requérant avait été informé de ses droits, ou plus strictement s’il aurait dû l’être, notamment par son conseil, alors la forclusion demeurera acquise [6].
Lexbase : Comment envisagez-vous les suites de l'affaire ? Y a-t-il de bonnes chances de voir les coupables condamnés ?
Lore Marguiraut : Concernant la réparation des dommages corporels des victimes de Bétharram, j’ai déposé une première requête devant la CIVI.
Au-delà de cette requête individuelle, la plupart des plaignants n’avaient jamais été entendus par la justice avant 2024, ce qui laisse présumer une prorogation du délai de forclusion.
En tout état de cause, les victimes ont subi des faits d’une extrême gravité. L’impact sur leur état de santé serait de nature à justifier un empêchement d’agir, et donc à obtenir un relevé de forclusion devant la Commission.
Les éléments présentant le caractère matériel d’une infraction, fondant leur demande, pourraient être tirés des enquêtes préliminaires et des travaux des Commissions extra-judiciaires.
Sur le volet civil, il serait intéressant de creuser la question de l’identité de la personne morale responsable au moment des faits, et de sa subsistance à l’heure actuelle. Une fois le rapport commettant-préposé débattu, le délai de prescription de vingt ans courant à compter de la consolidation pourrait ne pas être achevé, le cas échéant. C’est une piste de secours à explorer au besoin.
Concernant la condamnation des auteurs des faits dans l’affaire « Bétharram », l’instruction est en cours pour un seul mis en cause ; cela implique que des indices graves ou concordants existent à l’égard des faits qui lui sont reprochés. Cela signifie en outre que ces faits ne sont pas prescrits au pénal. Pour répondre à votre question, ces éléments procéduraux me laissent penser qu’en effet, il y a des chances que cet auteur, seul, soit condamné.
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public.
[1] Cons. const., décision n° 2019-785 QPC, du 24 mai 2019 N° Lexbase : A1992ZCR.
[2] CA Paris, pôle 2, ch. 4, 16 février 2011, n° 10/01539 N° Lexbase : A6554HQS.
[3] Cass. civ. 2, 30 septembre 1981, n° 81-13015, publié au bulletin N° Lexbase : A5754CKC.
[4] Cass. civ. 2, 30 septembre 1981, n° 81-13015, préc.
[5] CA Orléans, 29 juin 2015, n° 14/02098 N° Lexbase : A2537SHG.
[6] CA Rouen, 29 mars 2006, n° 05/02493 N° Lexbase : A0856G34.
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