Réf. : Décret n° 2025-131 du 13 février 2025 N° Lexbase : L4135MSX
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N1795B3U
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par Yann Le Foll
Le 05 Mars 2025
Le décret n° 2025-131 du 13 février 2025, relatif aux sociétés pluri-professionnelles des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de commissaire de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes, de conseil en propriété industrielle ou de géomètre-expert, contient notamment des dispositions relatives aux obligations de remontées annuelles d'informations, au délai de mise en conformité des sociétés de participation financières de profession libérale (Spfpl) dont l'objet viendrait à ne plus être rempli et à l’autorisation des Spfpl de certaines professions juridiques et judiciaires à détenir des parts ou actions de sociétés commerciales.
Concernant les sociétés pluri-professionnelles d'exercice (SPE), le décret indique que, lorsque la société cesse d'exercer une profession, l'associé ou les associés exerçant cette profession se retirent de la société. L'agrément ou l'inscription de la société peut être suspendu par l'autorité administrative ou professionnelle compétente, notamment lorsque les conditions de l'agrément ou de l'inscription de la société ne sont plus satisfaites. En outre, le liquidateur ne peut accomplir d'actes relevant de la ou des professions exercées par la société que s'il est autorisé à exercer cette ou ces professions.
Concernant les Spfpl, le décret indiquent qu’elles peuvent également détenir des parts sociales ou actions de sociétés commerciales, sous réserve que l'objet de ces dernières soit la réalisation de toute activité que les professionnels détenant la société de participations financières de professions libérales sont autorisés à exercer conformément aux règles applicables à chacune de leur profession.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. soc., 5 février 2025, n° 22-24.000, FS-B N° Lexbase : A60506TA
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N1747B34
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par Florence Bergeron, Professeur à l’Université de Montpellier, EDSM UR_UM204
Le 04 Mars 2025
Mots-clés : accord mis en cause • accord de substitution • différence de traitement • présomption de justification • contestation
Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise, opérées par un accord de substitution à un accord mis en cause, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
La différence de traitement résultant du maintien, par l'accord de substitution, de l'indemnisation des frais de transport au profit des seuls salariés transférés entre leur domicile et leur lieu de travail, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle.
L’arrêt sous analyse du 5 février 2025 répond, par l’affirmative, à la question de savoir si la présomption de justification des différences de traitement opérées par voie d’accord collectif doit s’appliquer à l’accord de substitution à un accord mis en cause. Ce faisant, la Chambre sociale de la Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence antérieure - sensiblement en apparence, quasiment pas en pratique -.
Un salarié a été embauché en 2010 par la société SNPE matériaux énergétiques (société SME). En 2012, la société Snecma propulsion solide (société SPS) a été absorbée par la société SME, celle-ci devenant la société Héraklès, aux droits de laquelle vient la société ArianeGroup. En application de l'article L. 2261-14 du Code du travail N° Lexbase : L1464LKG, cette opération de fusion-absorption a entraîné la mise en cause de l'application des conventions et accords collectifs dans l'entreprise absorbée, parmi lesquels un accord d'entreprise SPS du 22 février 1982, relatif à l'indemnisation des frais de transport, prévoyant, en son article 4.9.6, que lorsque les horaires de début ou de fin de poste d'équipe ne leur permettent pas d'utiliser les transports en commun, les personnels en équipe perçoivent des indemnités kilométriques calculées sur la distance domicile/lieu de travail dans la limite d'un plafond journalier de 84 km aller/retour. Un accord collectif conclu en 2012, intitulé « accord relatif à la période transitoire (avant l'harmonisation des statuts d'Héraklès) », a prévu que durant la période transitoire de quinze mois pour la finalisation des accords d'adaptation ou de substitution, les salariés des sociétés SME et SPS conservaient leur statut respectif tel qu'il existait au jour de la fusion, sans « cumul ni simultanéité des accords entre ceux de SME et ceux de SPS ». Un accord d'entreprise à durée déterminée, conclu le 10 juin 2013, a prorogé le délai de survie des accords mis en cause jusqu'au 1e mai 2014 au plus tard, sauf accord d'adaptation intervenant avant cette date. Une convention d'entreprise Héraklès, constituant un accord de substitution au sens de l'article L. 2261-14 du Code du travail, a été conclue le 20 novembre 2013, avec effet au 1er janvier 2014. En vertu de l'article 4.5.5 de cette convention, les dispositions de l'article 4.9.6 de l'accord d'entreprise du 22 février 1982 du périmètre « ex SPS », relatif à l'indemnisation des frais de transport, s'appliquent exclusivement aux salariés du périmètre « ex SPS » qui bénéficiaient de leur versement au jour de la mise en œuvre de la convention ou qui en ont bénéficié antérieurement. En 2014, le salarié, qui était affecté sur un site anciennement exploité par la société SME, a été muté sur un site anciennement exploité par la société SPS.
Estimant subir une inégalité de traitement avec les salariés de la société anciennement SPS bénéficiaires de l'indemnisation de leurs frais de transport, il a saisi la juridiction prud'homale, pour obtenir, principalement, une certaine somme en remboursement d'indemnités kilométriques, au titre de l'indemnisation de ses frais de transport.
La cour d’appel [1] a fait droit à cette demande. Elle a estimé que la différence de traitement instaurée par l'accord d'entreprise Héraklès devait être considérée comme présumée justifiée en ce qu'elle concerne des salariés appartenant à la même entreprise, mais à des établissements ou sites distincts et qu'il appartenait au salarié d'établir qu'elle était étrangère à toute considération de nature professionnelle. Or, d’après les juges d’appel, cette preuve était rapportée dès lors que cette différence concerne le coût des déplacements domicile-travail, lesquels sont exclus du champ du temps de travail effectif, que le montant de l'avantage consenti varie selon le lieu de domicile choisi librement par le salarié et qu'elle repose ainsi entièrement sur des caractéristiques personnelles du salarié, relevant de sa vie privée.
Au soutien de son pourvoi, l’employeur, plagiant une jurisprudence alors établie, arguait qu’est justifiée la différence de traitement entre des salariés découlant du maintien d'un avantage acquis à la suite de la mise en cause d'un accord collectif dans les conditions prévues par l'article L. 2261-14 du Code du travail, que ce maintien résulte d'une absence d'accord de substitution ou d'un tel accord.
La Cour de cassation casse l’arrêt pour violation du huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, du principe d'égalité de traitement et de l'article 4.5.5 de la convention d'entreprise Héraklès du 20 novembre 2013. Elle énonce que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise, opérées par un accord de substitution négocié et signé, en application de l'article L. 2261-14 du Code du travail, par les organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l'ensemble de cette entreprise et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Statuant au fond, la Cour déboute le salarié de sa demande tendant au remboursement d'indemnités kilométriques au titre de l'indemnisation de ses frais de transport. Elle estime, ainsi, que la différence de traitement résultant du maintien, par l'accord de substitution du 20 novembre 2013, au profit des seuls anciens salariés du site de la société absorbée qui bénéficiaient de cet avantage à la date d'effet de cet accord ou qui en avaient bénéficié antérieurement, de l'indemnisation de leurs frais de transport entre leur domicile et leur lieu de travail, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle.
I. D’une justification objective des différences de traitement résultant d’un accord de substitution à un accord mis en cause…
On le sait, le régime de la mise en cause est calqué sur celui de la dénonciation. Une négociation doit s'engager dans l'entreprise d’accueil, à la demande de l’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles stipulations [2]. L’accord dont l’application est mise en cause continue de produire effet - à l’égard des salariés transférés - jusqu'à l'entrée en vigueur de l'accord qui lui est substitué [3] ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de « préavis » (les guillemets se justifient dans la mesure où il ne s’agit pas à proprement parler d’un préavis, l’employeur n’ayant pas nécessairement la maîtrise des événements qui conduisent à la mise en cause). Toutefois, les salariés transférés sont soumis immédiatement à l’accord de l’entreprise d’accueil ; il en résulte un concours d’accords collectifs, conduisant à l’application de la disposition la plus favorable au salarié (déterminée suivant la méthode classique de comparaison des avantages ayant le même objet ou la même cause) [4]. À l’expiration du délai de survie (et à défaut de conclusion d’un accord de substitution), les salariés transférés bénéficiaient, avant l’entrée en vigueur de la loi « Travail » du 8 août 2016, du maintien des avantages individuels acquis. Ils peuvent désormais prétendre, le cas échéant, à une garantie de rémunération.
Dans l’affaire qui nous occupe, les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016. Selon une jurisprudence jusqu’alors établie, l’obligation pour le nouvel employeur de maintenir les avantages individuels acquis au profit des salariés transférés (ici, le versement d’indemnités kilométriques aux salariés éligibles), en l’absence de conclusion d’un accord de substitution, donc, constituait une justification objective à la différence de traitement au détriment des salariés de l’entreprise d’accueil. Il en allait de même lorsque le maintien d’un avantage acquis résultait d’un accord de substitution, que ce soit à la suite de la mise en cause [5] ou de la dénonciation [6] d’un accord collectif. Pour le dire autrement, et pour rester dans l’hypothèse de la mise en cause de l’application d’un accord, la différence de traitement résultant du maintien, au profit des salariés transférés, des avantages individuels acquis était forcément justifiée, la Cour de cassation énonçant de façon péremptoire que le principe d’égalité de traitement n’était pas méconnu. Car, en effet, les différences de traitement sont autorisées à condition qu'elles reposent sur des raisons objectives, matériellement vérifiables et pertinentes.
À noter que sont objectivement justifiées, les différences de traitement résultant du maintien, au profit des salariés transférés, des usages qui étaient en vigueur dans leur entreprise d’origine. L'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir, au bénéfice des salariés qui y sont rattachés, les droits qu'ils tiennent d'un usage en vigueur au jour du transfert (tant qu’il ne l’a pas dénoncé, tout au moins), justifie ainsi la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés [7]. De façon contestable, cette jurisprudence, qui ne devrait pas être remise en question, a été étendue au cas de l’« application volontaire » de l’article L. 1224-1 du Code du travail [8].
II. … à une présomption de justification des différences de traitement opérées par un accord de substitution à un accord mis en cause
Sans qu’il soit utile ici de retracer les étapes de l’évolution jurisprudentielle antérieure, l’on se souvient que, par trois arrêts du 27 janvier 2015 [9], la Cour de cassation a, renversant la charge de la preuve, instauré une présomption de justification des différences de traitement instituées par voie conventionnelle. C’est le vote des salariés qui justifie ce privilège accordé à la convention collective : les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Ce n’est donc plus à l’employeur de prouver que les différences de traitement, instituées entre catégories professionnelles par accord collectif, sont justifiées par des raisons objectives [10], mais c’est à ceux qui les contestent « de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ». Cette présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle a été étendue aux différences de traitement entre salariés d’une même catégorie professionnelle occupant des fonctions distinctes [11] et aux différences de traitement entre salariés d’établissements distincts, instituées par accord d’établissement [12] ou par accord d’entreprise [13]. Dans un arrêt de revirement du 30 novembre 2017, la Haute Cour a, encore, estimé que la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle n'était pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouvait dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement [14]. Pour finir ce rapide panorama, rappelons que, dans un arrêt du 3 avril 2019, la Cour de cassation a refusé de poser une présomption générale de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle [15]. Cette mise au point n’empêche pas, dans les domaines ne faisant intervenir ni le droit de l’Union européenne ni une possible discrimination, la reconnaissance de nouvelles présomptions de justification, comme l’illustre l’arrêt sous analyse du 5 février 2025.
De fait, cet arrêt transpose la formule inaugurée en 2015 aux différences de traitement opérées par un accord de substitution [16], qu’il s’agisse, comme en l’espèce, d’un accord de substitution à un accord dont l’application est mise en cause ou qu’il s’agisse, sans nul doute, d’un accord de substitution à un accord dénoncé, les jurisprudences étant siamoises en la matière. En cas de mise en cause d’un accord collectif, il est toutefois possible, depuis la loi « Travail » du 8 août 2016, d’éviter les tensions résultant d’une différence de traitement entre salariés transférés et salariés de l’entreprise d’accueil en concluant un accord d’anticipation [17], accord valant accord de substitution au sens du premier alinéa de l'article L. 2261-14 et neutralisant le mécanisme de la garantie de rémunération.
Il est tentant de penser, au premier abord, que les différences de traitement opérées par un accord de substitution seront désormais plus difficiles à maintenir : considérées comme objectivement justifiées hier, elles sont aujourd’hui susceptibles de tomber si la preuve est apportée qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Toutefois, il est fort probable que toute différence de traitement résultant du maintien, par un accord de substitution, d’un avantage conventionnel au profit des seuls salariés qui en bénéficiaient en vertu d’un accord mis en cause, ne sera jamais étrangère à toute considération de nature professionnelle [18]. En réalité, peu importe la nature de l’avantage en question [19] ; ce qui explique que les différences de traitement ne sont pas étrangères à toute considération de nature professionnelle est le régime légal [20] du transfert des contrats de travail. Finalement, peu importe que les différences de traitement résultant du maintien des avantages individuels acquis - du bénéfice de la garantie de rémunération désormais - par un accord de substitution soient, d’objectivement justifiées, devenues présumées justifiées : la présomption de justification qui les protège, pouvant être renversée par une preuve qui semble impossible, n’est dès lors pas si « simple » [21].
Les différences de traitement opérées par un accord de substitution ont donc encore de beaux jours devant elles, tandis que celles qui résultent de l’application du mécanisme de la garantie de rémunération en l’absence de conclusion d’un accord de substitution devraient continuer à être jugées comme ne méconnaissant pas le principe d’égalité de traitement, puisqu’il s’agit d’un dispositif qui s’impose à l’employeur, en vertu de l’article L. 2261-14 du Code du travail.
[1] CA Bordeaux, 28 septembre 2022, n° 19/04395 N° Lexbase : A02748NH.
[2] C. trav., art. L. 2261-14, dernier al. N° Lexbase : L1464LKG.
[3] L’accord de substitution étant celui qui résulte de la négociation qui doit s’engager dans l’entreprise d’accueil : Cass. soc., 14 mai 1992, n° 88-45.316 N° Lexbase : A9354AAP, Bull. civ. V, n° 310.
[4] A cet égard, l’accord de 2012 « relatif à la période transitoire » est illicite.
[5] Par ex., Cass. soc., 4 décembre 2007, n° 06-44.041, FS-P+B N° Lexbase : A0465D3M, RJS, 2008, n° 205 : « le maintien d'un avantage acquis en cas de mise en cause de l'application d'un accord collectif dans les conditions prévues à l'article L. 132-8, alinéa 7, du Code du travail ne méconnaît pas le principe "à travail égal, salaire égal", que ce maintien résulte d'une absence d'accord de substitution ou d'un tel accord ». Dans le même sens : Cass. soc., 27 octobre 2010, n° 09-41.292, FS-D N° Lexbase : A0339GDW. L’on sait que le principe d’égalité de traitement résulte de l'extension de la règle « à travail égal, salaire égal ».
[6] Cass. soc., 11 juillet 2007, n° 06-42.128, FS-P+B+R N° Lexbase : A4724DXA, RJS, 2007, n° 1065.
[7] Par ex., Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.782, FP-P+B N° Lexbase : A1644XQX, RJS, 2018, n° 565.
[8] Cass. soc., 24 juin 2021, n° 18-24.809 N° Lexbase : A40764XA et n° 18-24.810 N° Lexbase : A39534XP, FS-B, RJS, 2021, n° 523. Il s’agissait en réalité d'un changement volontaire d'employeur résultant d'une convention entre les employeurs successifs et le salarié.
[9] Cass. soc., 27 janvier 2015, n° 13-22.179, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3401NA9, n° 13-25.437, FS-P+B N° Lexbase : A6934NA3 et n° 13-14.773, FS-P+B N° Lexbase : A7024NAE, RJS, 2015, n° 172. V., not., J.-G. Huglo, Statut catégoriel et principe d'égalité de traitement : le pouvoir restitué aux partenaires sociaux, RJS, mars 2015, n° 155.
[10] Faire peser cette preuve sur l’employeur était tout de même délicat lorsque l’accord en question était un accord de branche…
[11] Cass. soc., 8 juin 2016, n° 15-11.324, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0807RSP, RJS, 2016, n° 542.
[12] Cass. soc., 3 novembre 2016, n° 15-18.444, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9178SEN, RJS, 2017, n° 7 ; Cah. soc., décembre 2016, n° 119u6, p. 609, obs. F. Canut.
[13] Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7346WTA, RJS, 2017, n° 780 ; Cah. soc., novembre 2017, n° 121u8, p. 538, obs. F. Canut.
[14] Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9773W3D, Cah. soc., Janvier 2018, n° 122d3, p. 31, obs. F. Canut ; RDT, 2018, 56, obs. A. Fabre.
[15] Cass. soc., 3 avril 2019, n° 17-11.970, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0013Y8Y, RJS, 2019, n° 338 ; Bull. Joly Travail, juin 2019, n° 111s8, p. 30, obs. F. Bergeron-Canut. En l’espèce, la Cour a considéré que n’était pas présumée justifiée, une différence de traitement fondée sur la date de présence sur un site.
[16] Dans son rapport, Madame Sommé note que l’arrêt du 4 octobre 2017 ayant étendu la présomption de justification aux différences de traitement entre salariés d’établissements distincts, instituées par accord d’entreprise (Cass. soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517, préc.) concernait déjà un accord de substitution (rapport complémentaire de Madame Sommé, conseillère, p. 9). L’arrêt du 5 février 2025 opérerait ainsi une généralisation de la solution, tout en l’officialisant.
[17] Accord de « transition » à durée déterminée, applicable aux seuls salariés transférés, au terme duquel les accords applicables dans l’entreprise ou l’établissement du cessionnaire s’appliquent (C. trav., art. L. 2261-14-2 N° Lexbase : L6704K98) ou accord « d’adaptation », qui se substitue aux accords mis en cause et révise ceux qui sont applicables chez le cessionnaire (C. trav., art. L. 2261-14-3 N° Lexbase : L6705K99).
[18] Ce que reconnaît l’Avocate générale, qui explique que la solution restera la même que celle qui résultait de la jurisprudence antérieure, « mais avec une formulation en ligne avec l’évolution de la jurisprudence relative au principe de l’égalité de traitement depuis 2015 » (Avis de Madame Laulom, Avocate générale, p. 4 [en ligne]).
[19] Comme le souligne Madame Sommé dans son rapport, la Cour de cassation n’a pas, à ce jour, donné d’indication à propos de ce que pourrait être un avantage étranger à toute considération de nature professionnelle (rapport précité, p. 14).
[20] En matière de transfert conventionnel des contrats de travail, l’arrêt précité du 30 novembre 2017 aurait instauré une présomption irréfragable de justification des différences de traitement (J.-G. Huglo, Accords collectifs et principes d'égalité de traitement : la métamorphose du rôle du juge, RJS, mars 2018, n° 179, spéc. § 10). L’on peut ne pas être convaincu, tant il est douteux qu’une présomption irréfragable puisse être d’origine prétorienne. Surtout, les accords de branche étendus prévoyant le transfert des salariés n’instaurent pas en eux-mêmes une différence de traitement entre les salariés de l’employeur sortant et ceux de l’employeur entrant ; cette différence de traitement résulte de la reprise des salariés transférés aux conditions qui leur étaient applicables chez leur employeur d’origine. Sans doute est-il préférable de voir dans ce revirement une application anticipée de l’article L. 1224-3-2 du Code du travail N° Lexbase : L8126LG3, tel qu’issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN.
[21] La présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle est présentée comme une présomption simple (v., par ex., le rapport précité de Madame Sommé, p. 6). En réalité, il s’agirait plutôt d’une présomption mixte, puisqu’elle ne peut être renversée que par la preuve que les différences de traitement sont étrangères à toute considération de nature professionnelle (l’objet de la preuve contraire est, ainsi, déterminé). L’on avouera demeurer perplexe devant la faculté que la Cour de cassation s’est reconnue de créer une présomption (qu’elle soit simple, mixte ou soi-disant irréfragable dans le cas du transfert conventionnel des contrats de travail) qui opère un renversement de la charge de la preuve. Ce type de présomptions n’est-il l’apanage du législateur (C. civ., art. 1354 N° Lexbase : L1012KZI), tandis que les présomptions judiciaires sont des moyens de preuve, qui n’opèrent pas du tout de la même manière (C. civ., art. 1382 N° Lexbase : L1018KZQ) ?
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 janvier 2025, n° 23-19.970, FS-B N° Lexbase : A39546RU
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 04 Mars 2025
Si le locataire n'a pas qualité pour agir en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds qu'il loue, il peut, en cas d'atteinte au droit de passage bénéficiant à ce fonds susceptible de constituer un trouble manifestement illicite, agir en référé pour réclamer le rétablissement dudit passage.
En l’espèce, invoquant un trouble manifestement illicite tenant à l'obstruction par les voisins du chemin traversant leur propriété qu'ils empruntent pour accéder en véhicule à leur logement, les locataires d’une maison avaient assigné le voisin, en référé, en retrait de la chaîne et d'un écriteau empêchant un accès libre et suffisant à leur habitation.
La voisin avait soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des locataires.
Question soulevée. Un locataire peut-il agir en référé pour réclamer le rétablissement de l’accès à l’habitation louée bénéficiant d’une servitude de passage ?
Réponse de la Cour de cassation. La réponse est positive selon la Cour suprême. Après avoir rappelé les dispositions des articles 31 N° Lexbase : L1169H43 et 32 N° Lexbase : L1172H48 et 835, alinéa 1er N° Lexbase : L8607LYG, du Code de procédure civile, elle énonce que « Si le locataire n'a pas qualité pour agir en reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds qu'il loue, il peut, en cas d'atteinte au droit de passage bénéficiant à ce fonds susceptible de constituer un trouble manifestement illicite, agir en référé pour réclamer le rétablissement dudit passage. »
Dès lors, ayant relevé que l'action des locataires ne concernait pas la reconnaissance d'un droit de passage consenti au profit du fonds loué, la fixation ou le rétablissement de son assiette, mais visait à obtenir les mesures propres à faire cesser le trouble qu'ils dénonçaient, résultant de l'obstruction d'une voie carrossable desservant leur domicile, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils étaient recevables à agir, en référé, pour réclamer le rétablissement du passage (CA Aix-en-Provence, 8 juin 2023, n° 22/05342 N° Lexbase : A66739Z8).
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Le 10 Mars 2025
Mots clés : urbanisme • environnement • artificialisation • protection des sols • biodiversité
Chaque jour met en évidence le conflit toujours plus prégnant entre développement économique et défense de l’environnement. La consommation d’espaces naturels en est un exemple topique, qui se retrouve en étau entre nécessaire mise à disposition du foncier pour les politiques de réindustrialisation et protection des sols nécessaire à la préservation de la biodiversité et à l’amortissement des catastrophes naturelles, comme les inondations récentes en Bretagne l’ont encore démontré. En 2021, la loi « Climat et Résilience » a fixé comme objectif le « zéro artificialisation nette » (ZAN) dès 2050, avec une division de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. Même si l’interdiction d’artificialiser ne sera pas totale (puisque sera autorisée une renaturation à proportion égale d’espaces artificialisés), les bouleversements induits pour les collectivités territoriales sont suffisamment importants pour que le Gouvernement envisage déjà un assouplissement du dispositif. Pour faire le point sur celui-ci, Lexbase Public a interrogé Raphaël Romi, Professeur et avocat counsel chez DS Avocats et Paco Jimenez, doctorant CIFRE chez DS Avocats et au Centre de Documentation et de Recherches Européennes*.
Lexbase : Pouvez-vous rappeler la genèse et l’objectif du ZAN ? Les objectifs initiaux était-ils pertinents et réalistes ?
Raphaël Romi et Paco Jimenez : Le concept de « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) incarne une ambition écologique majeure : celle de préserver les sols, ces précieux écrins de biodiversité, des assauts incessants de l'urbanisation. L'artificialisation des sols, définie comme l'altération durable de leurs fonctions écologiques par leur occupation ou leur usage, menace non seulement la biodiversité, mais aussi les services écosystémiques essentiels que les sols nous rendent.
La genèse du ZAN trouve ses racines en juillet 2018, lorsque le Gouvernement français dévoile son Plan Biodiversité. Ce plan, conscient des ravages causés par l'étalement urbain et l'artificialisation des sols, propose de tendre vers un objectif : atteindre une artificialisation nette nulle d'ici 2050. L'idée est alors de compenser toute nouvelle artificialisation par une renaturation équivalente, afin de préserver l'équilibre fragile de nos écosystèmes.
Cette ambition est renforcée en 2021 avec la promulgation de la loi « Climat et Résilience » [1]. Cette législation inscrit dans le marbre l'objectif d'absence d'artificialisation nette des sols à l'horizon 2050. Elle impose également une réduction de moitié du rythme de l'artificialisation des sols dans les dix années suivant sa promulgation, comparativement à la décennie précédente. En conséquence, la loi vise à freiner l'expansion urbaine débridée et à encourager des pratiques d'aménagement plus respectueuses de l'environnement.
Les objectifs du ZAN ont évolué au fil du temps, passant d'une simple réduction de l'artificialisation à une vision plus holistique de la gestion des sols. Il ne s'agit plus seulement de limiter l'étalement urbain, mais aussi de promouvoir la densification intelligente, la réhabilitation des friches, la renaturation des espaces dégradés et la préservation des terres agricoles et forestières. Cette approche intégrée vise à concilier développement économique et préservation écologique, en reconnaissant la valeur inestimable des sols pour la régulation climatique, la production alimentaire et la conservation de la biodiversité.
En somme, le ZAN représente une évolution significative de la politique d'aménagement du territoire en France. Il traduit une prise de conscience accrue de l'importance des sols et de la nécessité de les protéger face aux pressions anthropiques croissantes.
La politique du ZAN, répond à un objectif environnemental fondamental : enrayer l'artificialisation des sols d'ici 2050 et diviser par deux son rythme d’ici 2031. Si cet objectif traduit une volonté louable de préservation des écosystèmes et d’atténuation du changement climatique, sa pertinence et sa réalisation posent plusieurs difficultés majeures.
D’une part, la pertinence de cet objectif semble à première vue incontestable. L’artificialisation des sols a des conséquences environnementales lourdes : destruction des habitats naturels, rupture des continuités écologiques, imperméabilisation des sols favorisant le ruissellement et aggravant les risques d’inondation. Elle empêche également la séquestration du CO2 et contribue en conséquence au dérèglement climatique. La définition de l’artificialisation, fixée à l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L7077L7A, traduit bien cette réalité en la qualifiant de « processus impliquant la perte d’espaces naturels, agricoles ou forestiers conduisant à un changement d’usage et de structure des sols ». L’objectif ZAN s’inscrit donc dans une logique de limitation de la pression foncière et de protection des terres agricoles et des écosystèmes.
Cependant, si la nécessité d’agir est évidente, le caractère réaliste de cet objectif soulève plusieurs questions. La première difficulté réside dans la dynamique démographique et économique qui pousse à l’expansion urbaine. La préférence des ménages français pour l’habitat individuel, la périurbanisation et le mitage des territoires sont des tendances qui, malgré les mesures de régulation, restent à ce jour très prégnantes. Le rapport de France Stratégie de juillet 2019 identifiait déjà ces facteurs comme des freins à une réduction rapide de l’artificialisation. Le développement des infrastructures de transport, qui représente à lui seul près de 27,8 % des surfaces artificialisées, constitue un autre élément difficile à maîtriser.
De surcroît, l’application du ZAN suscite une forte résistance des élus locaux et des acteurs économiques. Plusieurs collectivités alertent sur les difficultés de mise en œuvre, notamment dans les territoires où la croissance démographique exige une extension de l'offre de logements. Si la reconversion des friches urbaines et la densification des espaces bâtis sont des pistes encouragées, elles supposent des investissements importants et une adaptation des documents d’urbanisme. Or, les communes rurales et intermédiaires ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour repenser leur aménagement.
En outre, le cadre fiscal et réglementaire actuel n’apparaît pas encore pleinement adapté à une transition efficace. Les dispositifs incitatifs en faveur de la rénovation urbaine et de l’économie foncière restent insuffisamment développés. L’adoption de coefficients de biotope par surface et d’autres outils d’urbanisme durable offre des perspectives, mais leur mise en œuvre à grande échelle est encore embryonnaire.
Bien que les objectifs du ZAN soient pertinents sur le plan environnemental, leur caractère réaliste demeure incertain. La volonté politique de préserver les sols naturels se heurte à des contraintes économiques et sociales profondes, qui nécessitent une adaptation graduelle et des solutions pragmatiques. L’enjeu réside donc moins dans l’affirmation d’un objectif ambitieux que dans la mise en place de leviers opérationnels concrets permettant sa réalisation effective.
Lexbase : Quel était le contenu des premiers décrets d’application de fin 2023 ?
Raphaël Romi et Paco Jimenez : À la fin de l'année 2023, le Gouvernement français a publié trois décrets d'application visant à préciser et à faciliter la mise en œuvre de l'objectif du ZAN des sols, tel que défini par la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021. Ces décrets, datés du 27 novembre 2023, apportent des précisions essentielles sur la définition des surfaces artificialisées, la territorialisation des objectifs de sobriété foncière et la mise en place d'une commission régionale de conciliation.
Le premier décret, le décret n° 2023-1096 N° Lexbase : L3930MKR, est relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols. Il établit une nomenclature détaillée pour qualifier les surfaces comme artificialisées ou non, en se basant sur l'occupation effective du sol. Par exemple, les surfaces imperméabilisées par du bâti ou des revêtements sont considérées comme artificialisées, tandis que les surfaces végétalisées à usage de parc ou de jardin public peuvent être classées comme non artificialisées. Ce décret précise également le contenu du rapport local de suivi de l'artificialisation, que les communes ou intercommunalités doivent élaborer tous les trois ans pour évaluer le rythme de l'artificialisation et le respect des objectifs locaux.
Le deuxième décret, le décret n° 2023-1097 N° Lexbase : L3931MKS, concerne la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols. Il détaille les modalités d'intégration de ces objectifs dans les documents de planification régionale, tels que les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Le décret renforce les critères de territorialisation en tenant compte des spécificités locales, adopte une approche proportionnée du rôle de la région vis-à-vis des documents infrarégionaux, et garantit une surface minimale communale de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Il précise également la possibilité de mutualiser la consommation d'ENAF pour des projets régionaux et veille à l'équilibre entre la lutte contre l'artificialisation et la préservation des espaces dédiés aux activités agricoles.
Enfin, le troisième décret, le décret n° 2023-1098 N° Lexbase : L3929MKQ, établit la composition et les modalités de fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols. Cette commission, instituée dans chaque région, est chargée d'assurer la prise en compte des priorités de développement local. Elle est composée de représentants de la région et de l'État, et est présidée par un magistrat administratif. La commission dispose d'un délai d'un mois pour se réunir et rendre un avis en cas de désaccord entre les acteurs locaux sur la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation.
Lexbase : Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme de la compensation foncière ?
Raphaël Romi et Paco Jimenez : La compensation foncière, pilier de la politique environnementale française, vise à contrebalancer les effets résiduels des projets d'aménagement sur les sols et la biodiversité. Elle s'inscrit dans la séquence « Éviter-Réduire-Compenser » (ERC), un cadre hiérarchisé pour la gestion des impacts environnementaux.
Avant d'envisager la compensation, il est impératif de chercher à éviter les impacts négatifs potentiels d'un projet sur l'environnement. Si certains impacts ne peuvent être évités, des mesures doivent être prises pour les réduire autant que possible. Ce n'est qu'après avoir épuisé ces deux premières étapes que la compensation intervient, visant à compenser les impacts résiduels inévitables. Cette approche garantit que la compensation n'est utilisée qu'en dernier recours et non comme une alternative aux efforts d'évitement et de réduction.
Lorsqu'un projet d'aménagement entraîne une artificialisation des sols, la compensation foncière vise à restaurer ou recréer des fonctions écologiques équivalentes à celles perdues. Cela peut inclure des actions telles que la renaturation de sites dégradés, la désimperméabilisation de surfaces ou la restauration de continuités écologiques. Par exemple, un aménageur peut être amené à financer la restauration d'une zone humide ou la création d'espaces verts pour compenser la destruction d'habitats naturels due à son projet. Ces mesures doivent être additionnelles, c'est-à-dire qu'elles ne seraient pas réalisées en l'absence du projet, et pérennes, assurant un bénéfice écologique sur le long terme.
Bien que la compensation foncière soit un outil important pour atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), elle présente des limites. La priorité doit rester la réduction à la source de la consommation foncière, car certaines fonctions écologiques perdues peuvent être difficiles, voire impossibles, à recréer. De plus, la mise en œuvre de mesures compensatoires efficaces nécessite une connaissance approfondie des techniques de renaturation et une évaluation rigoureuse des gains écologiques attendus. Il est également crucial de s'assurer que les mesures compensatoires sont réalisées à proximité des zones impactées afin de maintenir la cohérence écologique et de répondre aux besoins locaux.
Lexbase : Que contient la proposition de loi « TRACE » qui sera déposée au mois de mars au Sénat ?
Raphaël Romi et Paco Jimenez : En mars 2025, le Sénat français s'apprête à examiner la proposition de loi intitulée « Trajectoire de Réduction de l'Artificialisation Concertée avec les Élus locaux » (TRACE). Ce texte vise à réviser en profondeur les objectifs actuels de lutte contre l'artificialisation des sols, en substituant au dispositif du Zéro Artificialisation Nette, une approche plus flexible et concertée avec les collectivités territoriales.
La proposition de loi « TRACE » prévoit plusieurs modifications notables par rapport au cadre législatif existant. Les sénateurs estiment que l'objectif actuel de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d'ici 2031 est trop contraignant et difficilement réalisable pour de nombreuses collectivités. Ils proposent de le remplacer par une trajectoire de réduction définie en concertation avec les élus locaux, afin de mieux prendre en compte les spécificités territoriales.
De plus, les délais imposés aux communes pour adapter leurs plans locaux d'urbanisme (PLU) aux objectifs de sobriété foncière sont jugés trop courts. La proposition « TRACE » suggère de les allonger, permettant ainsi aux collectivités de mener une réflexion approfondie et adaptée à leur contexte local. Le texte met également l'accent sur la nécessité d'une collaboration étroite entre l'État et les collectivités territoriales dans la définition et la mise en œuvre des objectifs de réduction de l'artificialisation, afin de garantir une meilleure acceptabilité des mesures et une adaptation aux réalités du terrain.
La proposition TRACE suscite des réactions contrastées. Certains acteurs, notamment dans le secteur immobilier, saluent une initiative qui pourrait assouplir des contraintes jugées excessives et favoriser le développement économique. D'autres, en revanche, craignent un recul dans la protection des espaces naturels et une remise en cause des engagements environnementaux de la France.
Le débat parlementaire prévu en mars 2025 s'annonce donc crucial pour l'avenir de la politique de lutte contre l'artificialisation des sols en France. Il devra concilier les impératifs de développement territorial avec les enjeux de préservation de l'environnement, dans un contexte où la transition écologique est au cœur des préoccupations sociétales.
Lexbase : Selon vous, quelle attitude doivent adopter les pouvoirs publics entre préservation de l’environnement et développement économique ?
Raphaël Romi et Paco Jimenez : La préservation de l'environnement est intrinsèquement liée à la pérennité de notre économie. Les récents débats sur l'artificialisation des sols, notamment en lien avec les inondations, illustrent clairement cette interdépendance. Actuellement, la balance penche souvent en faveur du développement économique, particulièrement en période de crise économique. Pourtant, il est inévitable que, tôt ou tard, le coût des dommages environnementaux dépasse celui des actions préventives. Il est donc nécessaire d’adopter une approche intégrée et pragmatique, conciliant ces deux impératifs sans les opposer.
Plutôt que d'imposer des solutions uniformes, il est impératif de mettre en place une politique de terrain, construite en concertation avec les acteurs locaux. Comprendre leurs attentes et leurs défis permettrait d’élaborer une politique de zéro artificialisation nette réellement adaptée aux réalités du terrain et non seulement réfléchie au sein des assemblées. Loin d’être un frein, la transition écologique peut devenir un levier de croissance lorsqu’elle est pensée dans une logique de développement durable.
Les activités de protection de l'environnement représentent déjà un secteur en pleine expansion. En 2000, la dépense de protection environnementale atteignait 26,1 milliards d'euros, enregistrant une progression de 7 % en un an, dont les deux tiers consacrés à la gestion des eaux usées et des déchets. Cette tendance démontre que les initiatives écologiques peuvent générer une dynamique économique viable. Par ailleurs, la notion de développement durable, inscrite dans la Charte de l’environnement, impose aux politiques publiques de concilier protection et mise en valeur de l’environnement, développement économique et progrès social.
Dans cette perspective, l’économie circulaire illustre parfaitement la possibilité de créer de la richesse tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles. L’écoconception, la réparation, le réemploi et le recyclage permettent non seulement de prolonger la durée de vie des matériaux et des produits, mais aussi de réduire l’empreinte carbone et de stimuler l’emploi local. Il est démontré qu’un modèle économique plus respectueux de l’environnement ne signifie pas un ralentissement de la croissance, mais au contraire une opportunité d’innovation et d’adaptation.
Il appartient aux pouvoirs publics d’instaurer une gouvernance équilibrée et concertée, associant développement économique et transition écologique. Cela passe par l’adoption de politiques adaptées aux spécificités locales, soutenues par des incitations économiques et des solutions concrètes permettant d’assurer une croissance durable. Une collaboration étroite entre les décideurs politiques et les acteurs de terrain est essentielle pour assurer cette harmonisation, garantissant ainsi un avenir viable pour les générations présentes et futures.
*Propos recueillis par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
[1] Loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R.
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Réf. : Cass. civ. 2, 6 février 2025, n° 22-19.586, F-B N° Lexbase : A60626TP
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 26 Mars 2025
La Cour de cassation rappelle sa jurisprudence au sujet de l’absence de signature de l’huissier de justice sur un acte signifié (V. Cass. civ. 2, 15 janvier 2009, n° 08-11.446 N° Lexbase : A3552ECK). Elle considère que le défaut de signature d’un huissier de justice, sur un acte signifié par un clerc assermenté est un vice de forme qui est susceptible d’entraîner la nullité de l’acte, uniquement si un texte prévoit cette sanction, et si le débiteur démontre l’existence d’un grief.
Faits et procédure. Le 7 juillet 2020, Mme D. se voit signifier par la Banque CIC Ouest, un commandement aux fins de saisie-vente, puis un procès-verbal de saisie-vente est établi le 23 septembre 2020. À la suite de ces actes, Mme D. décide d’assigner son créancier par-devant le juge de l’exécution d’un tribunal judiciaire, en annulation du commandement aux fins de saisie-vente et en mainlevée de cette mesure. Après une décision de première instance, un appel est interjeté devant la cour d’appel d’Orleans, qui statue sur ce recours dans un arrêt du 18 mai 2022 (CA Orléans, 18 mai 2022, n° 21/02825 N° Lexbase : A43977X7). Au regard de la décision des juges orléanais, le créancier décide de formuler un pourvoi en cassation.
Pourvoi / Appel. Le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité du commandement aux fins de saisie-vente et du procès-verbal de saisie-vente, ainsi que d’ordonner la mainlevée de la saisie. Le créancier affirme tout d’abord que l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923, relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés N° Lexbase : C29517BW, prévoit qu’en cas de signification par un clerc assermenté, l’acte doit être signé par l’huissier de justice. Ensuite, le demandeur au pourvoi affirme que l’omission de la signature préalable de l’huissier de justice sur l’acte à signifier constitue un vice de forme. Or, les juges d’appel considèrent que le non-respect de l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923 est un vice de fond, qui n’est pas subordonné à la démonstration d’un grief. En statuant ainsi, le créancier considère que les juges orléanais ont violé l’article 114 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1395H4G et l'article 7 de la loi du 27 décembre 1923.
Solution. Au visa des articles 114 du Code de procédure civile et 7 de la loi du 27 décembre 1923, la Cour de cassation approuve l’argumentation de la Banque CIC Ouest. Après avoir rappelé la substance de ces articles, et le raisonnement de la cour d’appel, la Haute juridiction considère que le défaut de signature préalable par un huissier de justice de l’acte signifié par un clerc assermenté est un vice de forme. De ce fait, cette irrégularité ne peut entraîner la nullité de l’acte signifié uniquement si cette sanction est prévue par la loi, et si le débiteur démontre l’existence d’un grief.
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