Le Quotidien du 6 janvier 2025

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Les grands procès et échéances judiciaires de 2025

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par Vincent Vantighem

Le 03 Janvier 2025

Nicolas Sarkozy, Mehdi Nemmouche, Marine Le Pen, Cédric Jubillar… Les principaux procès de 2025

Il va y avoir du monde dans les prétoires. Comme en 2024, l’actualité judiciaire risque d’être très chargée en 2025. De Nicolas Sarkozy en janvier à Cédric Jubillar en septembre en passant par Gérard Depardieu ou encore l’ex-cimentier Lafarge, Lexbase vous présente les principales figures qui ont rendez-vous dans les tribunaux dans l’année qui vient.

6 janvier – L’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007

L’année qui s’ouvre s’annonce encore chargée pour Nicolas Sarkozy sur le plan judiciaire. Toujours dans l’attente de son bracelet électronique en exécution de sa peine définitive confirmée, fin décembre 2024, dans l’affaire dite « des écoutes de Paul Bismuth », l’ancien chef de l’État va devoir se défendre sur un autre front, à partir du 6 janvier.

Aux côtés de douze autres prévenus, dont les anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux et Éric Woerth, Nicolas Sarkozy va être jugé sur les soupçons de financement de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime de l’ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Renvoyé pour quatre chefs (recel de détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs), il encourt une peine de dix ans de prison, 375 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.

« Il n’y a jamais eu ni de près ni de loin, ni en liquide, ni en virement, le moindre centime libyen pour financer ma campagne », s’était-il défendu lors de l’une de ses quatre auditions. Il aura jusqu’au 10 avril pour en convaincre la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris chargé de juger cette affaire tentaculaire.

17 février : Mehdi Nemmouche jugé pour la séquestration d’otages en Syrie

Cela a évidemment été un choc. Lorsque Mehdi Nemmouche a été arrêté pour la tuerie du musée juif de Bruxelles (4 morts le 24 mai 2014), il a rapidement été identifié par d’anciens otages occidentaux en Syrie comme étant leur geôlier lorsque Daesh régnait sur le pays. Parmi eux, le journaliste français Nicolas Hénin : « Avec nous, il alternait des moments de grandes violences, mais sans l’assumer, toujours en nous bandant les yeux, avait-il témoigné. Parfois, juste des petites brimades stupides ou nous affamer... », avait-il témoigné.

Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire de la tuerie du musée juif, Mehdi Nemmouche devra, cette fois, répondre de séquestration aggravée de sept occidentaux parmi lesquels quatre journalistes français. Son procès se tiendra jusqu’au 21 mars 2025 devant la cour d’assises spéciales de Paris.

10 mars : Une enseignante jugée pour le harcèlement d’une enfant qui s’est suicidée

C’est une affaire douloureuse que va devoir examiner les 10 et 11 mars le tribunal judiciaire de Pontoise (Val-d’Oise). Une enseignante va y être jugée pour le harcèlement d’Evaëlle, une fillette de 11 ans qui avait fini par mettre fin à ses jours, chez elle à Herblay-sur-Seine, en 2019.

La professeure de français, aux états de service irréprochables, est soupçonnée d’avoir harcelé son élève dès le début de l’année scolaire. La longue instruction a permis d’entendre de nombreux élèves qui ont raconté le quotidien à l’école de la jeune fille. Ses parents, dans un témoignage accordé à l’émission « Sept à Huit » sur TF1 ont estimé que la professeure avait eu un « rôle prépondérant » dans le passage à l’acte de leur enfant.

24 mars : Le monstre sacré du cinéma Gérard Depardieu jugé pour agressions sexuelles

Ce sera le premier procès pour Gérard Depardieu. Et peut-être pas le dernier, le comédien était mis en examen, en parallèle, dans un dossier de viol. Après un premier renvoi mouvementé fin octobre, le comédien a rendez-vous le 24 mars devant la 10e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour être jugé pour agressions sexuelles sur deux femmes, lors du tournage du film « Les Volets verts ».

Absent pour raisons de santé, l’acteur doit se soumettre à un examen pour savoir s’il peut comparaître ou être jugé en son absence. Lors de la première audience fin-octobre, il avait changé d’avocat au dernier moment pour s’adjoindre les services du pénaliste Jérémie Assous qui entend réclamer la relaxe de son client.

31 mars : Décision pour Marine Le Pen dans l’affaire des assistants des eurodéputés

Qui sait si François Bayrou sera toujours Premier ministre à cette date-là… Le 31 mars, Marine Le Pen sera, elle, autant fixé sur son sort judiciaire que sur son sort politique. Le tribunal judiciaire de Paris doit en effet rendre son jugement dans l’affaire des assistants des eurodéputés du Rassemblement national. À la clef, une possible déclaration de culpabilité et surtout une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire qui handicaperait ses chances de pouvoir se présenter à la présidentielle de 2027.

Limpides autant que tranchantes, les réquisitions du parquet à l’encontre la leader du mouvement politique ont fait couler beaucoup d’encre. Et relancer le débat sur l’idée d’une justice politique. Oubliant quasiment les dix semaines d’audience où les prévenus ont eu d’énormes difficultés à cacher qu’ils travaillaient bien pour le parti Front national alors qu’ils étaient payés par le Parlement européen.

29 avril : Le point final dans l’affaire du « Penelope Gate » ?

François Fillon est coupable de détournement de fonds publics. Cela ne fait plus l’ombre d’un doute désormais. La Cour de cassation a définitivement validé, le 24 avril 2024, sa culpabilité dans l’affaire dite des emplois fictifs d’assistante parlementaire de son épouse, Penelope. Reste à connaître la peine exacte dont il va écoper.

La plus haute juridiction a, en effet, réclamé un nouveau procès devant une cour d’appel pour déterminer la sanction de l’ancien Premier ministre, candidat malheureux à la présidentielle de 2017. Une audience donc à enjeux pour lui qui espère toujours échapper à la pose d’un bracelet électronique et à une sanction financière trop importante. Pour se présenter sous son meilleur jour, il a d’ailleurs entamé d’ores et déjà des négociations avec l’Assemblée nationale sur le remboursement des salaires perçus indûment pendant des années.

22 septembre : Le procès de Cédric Jubillar pour le meurtre de son épouse, Delphine

Quatre ans après sa disparition, il n’y a toujours pas de corps, pas d’arme du crime. Pas plus que d’aveux… Mais Cédric Jubillar va bien être jugé pour le meurtre de son épouse, Delphine. Le procès devant la cour d’assises du Tarn à Albi doit durer quatre semaines.

Quatre semaines au cours desquelles les jurés vont avoir pour mission de tenter d’en savoir davantage sur la disparition de la jeune femme alors que l’accusé, son mari, a toujours clamé son innocence. Mis en examen, il est en détention provisoire depuis déjà trois ans maintenant.

4 novembre : Le géant Lafarge jugé pour financement du terrorisme

Il y a comme une incongruité à l’écrire. Mais oui, c’est bien l’une des plus grandes entreprises au monde qui va être jugé pour avoir financé certains groupes terroristes qui œuvraient alors dans une Syrie en pleine guerre civile. Le cimentier Lafarge, devenu désormais Holcim, va être jugé ainsi que huit de ses hauts responsables pour avoir payé des groupes terroristes afin de maintenir en activité une usine en Syrie, jusqu’en juin 2014. En mettant en danger certains de ses employés, selon l’accusation.

Le procès doit se tenir du 4 novembre au 9 décembre 2025 et devrait faire la lumière sur ce dossier alors que le même groupe reste, en parallèle, dans une instruction disjointe, mis en examen pour « complicité de crime contre l’humanité ».

newsid:491393

Avocats/Procédure pénale

[Brèves] De l’utilisation de 330 mots-clés pour saisir des données sur le téléphone d’un avocat

Réf. : Cass. crim., 10 décembre 2024, n° 24-82.350, F-B N° Lexbase : A98376LW

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N1378B3G

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par Marie Le Guerroué

Le 03 Janvier 2025

► Il appartient à l’avocat perquisitionné et contestant la saisie -en l’espèce l’extraction du contenu de son téléphone correspondant à une liste de trois cent trente mots-clés- de désigner les éléments qu'il estime sans lien direct avec les infractions poursuivies, afin de permettre leur contrôle.

Faits et procédure. Une perquisition avait donné lieu à la saisie du contenu du téléphone portable d’un avocat, transféré sur une clé USB. Cette saisie avait été contestée par le délégué du Bâtonnier au motif de son caractère global. Après réalisation d'une expertise aux fins d'extraire du contenu du téléphone les éléments correspondant à une liste de trois cent trente mots-clés, le juge des libertés et de la détention avait ordonné le versement à la procédure des éléments ainsi sélectionnés. Cette décision avait été confirmée par ordonnance du 19 décembre 2022 du président de la chambre de l'instruction. Par arrêt du 5 mars 2024, la Cour de cassation avait cassé et annulé cette ordonnance en toutes ses dispositions et renvoyé la cause et les parties devant la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel, autrement composée. Entre-temps, le juge d'instruction avait délivré une commission rogatoire aux fins d'exploitation des éléments saisis et avait, le 8 février 2023, mis en examen l’avocat. L’avocat forme un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Fort-de-France, qui a prononcé sur sa contestation élevée en matière de saisie effectuée dans le cabinet d'un avocat.
Sur l’exploitation des scellés saisis dans le cadre de la procédure de perquisition et de saisies
Ordonnance. Pour rejeter le moyen pris de l'irrégularité de la sélection des éléments saisis par mots-clés, l'ordonnance attaquée énonce que la saisie a été effectuée de manière sélective et non intégrale, avec le concours d'un expert, que, si les mots-clés choisis sont en nombre important, ils ont cependant été retenus strictement et sont en rapport direct avec l'activité professionnelle de l'avocat et les faits et infractions objet de la procédure. Le juge ajoute qu'il appartenait à l'intéressé de désigner les éléments qu'il estimait sans lien direct avec les infractions poursuivies, afin de permettre leur contrôle, ce qu'il n'a pas fait. Il relève encore que l'examen de la proportionnalité de la saisie au regard du périmètre de l'information dépasse l'office du président de la chambre de l'instruction statuant sur le fondement de l'article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW, s'agissant d'une appréciation de la validité des actes du juge d'instruction qui ne peut s'envisager qu'au visa de l'article 173 du même code N° Lexbase : L3238MK7.
Réponse de la Cour. Pour la Cour, en statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel doit être écarté.
Rejet. La Cour rejette le pourvoi.

 

newsid:491378

Fiscal général

[Brèves] Quelles mesures fiscales sans loi de finances ? Le Gouvernement apporte des éclaircissements

Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 31 décembre 2024

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N1395B33

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par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Janvier 2025

Dans un communiqué de presse daté du 31 décembre 2024, le ministère de l'Économie a apporté des précisions sur les positions que le gouvernement entend défendre lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025.

En préambule il est rappelé que jusqu’à l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, le droit s’applique selon le droit antérieur à l’adoption de la loi spéciale promulguée le 20 décembre 2024.

Traitement des dépenses fiscales s’éteignant au 31 décembre 2024. Le Gouvernement appuiera l’adoption, dans le projet de loi de finances 2025, d’une reconduction, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2025, des dépenses fiscales suivantes, telles qu’elles étaient en vigueur en 2024, et ce, conformément à ce qui a été adopté par le Sénat lors de la première lecture de la première partie du PLF 2025 :

  • crédit d’impôt collection (CIC) ;
  • exonération d'impôt sur les sociétés sur les revenus patrimoniaux des établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance ;
  • réduction d’impôt Loc’Avantages ;
  • crédit d'impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé de certains exploitants agricoles ;
  • crédit d’impôt au titre de l’obtention d’un label haute valeur environnementale (HVE) ;
  • suramortissement pour les navires verts ;
  • abattement sur la plus-value sur l'actif professionnel lors du départ en retraite du chef d’entreprise.
  • la suppression de la réduction d’impôt au titre des dépenses engagées pour la tenue de la comptabilité et l’adhésion à un organisme de gestion agréé(OGA).

Pour le crédit d’impôt innovation (CII), le Gouvernement appuiera une reconduction de la dépense fiscale à compter du 1er janvier, mais avec un taux d’aide ramené de 30 % à 20 %.

Régimes fiscaux zonés. Le Gouvernement favorisera l'adoption, dans le projet de loi de finances pour 2025, de mesures en faveur des entreprises s'installant dans des zones bénéficiant d'incitations fiscales :

  • l’octroi des avantages propres au zonage France Revitalisation Rurale (FRR) pour les entreprises installées à compter du 1er juillet 2024 dans les communes anciennement classées en ZRR et sorties du classement FRR ;
  • la reconduction pour les installations d’entreprises en 2025 des avantages fiscaux inhérents aux Zones Franches Urbaines (ZFU) et QPV (Quartiers Prioritaires de la Ville) tels qu’ils  s’appliquaient aux installations d’entreprises jusqu’au 31 décembre 2024 ;
  • la reconductions des avantages propres aux Bassins d’Emploi à Redynamiser (BER) pour les entreprises qui s’y installeront jusqu’en 2027.

Mesures en faveur des exploitations agricoles :

  • dispositif incitant à l’accroissement du cheptel bovin français via un avantage fiscal et social relatif aux stocks de vaches laitières et allaitantes ;
  • les mesures d’incitation à la transmission des exploitations au profit des jeunes agriculteurs.

Notons également les mesures suivantes que le Gouvernement soutiendra :

  • l’application du « Pilier 2 » de la réforme de l’imposition des bénéfices des multinationales ;
  • abrogation rétroactive, à partir du 1er janvier 2025, de la taxe nouvelle sur les hydrofluorocarbures

 

newsid:491395

Marchés publics

[Brèves] Simplification du droit de la commande publique

Réf. : Décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024, portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique N° Lexbase : L9879MRC

Lecture: 2 min

N1396B34

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par Yann Le Foll

Le 14 Janvier 2025

Le décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024, portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique, apporte des modifications au Code de la commande publique afin notamment de simplifier l'accès des entreprises à la commande publique et d'assouplir les règles d'exécution financière des marchés publics.

À la suite des rencontres de la simplification initiées à l’automne 2023, les agents économiques ont émis le souhait de voir simplifié l’accès à la commande publique et assouplies les règles d’exécution financière. Une large consultation publique s'était ensuite déroulée du 4 au 19 novembre 2024.

Le décret relève à 300 000 euros hors taxes le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité. Il prévoit les conditions dans lesquelles un groupement peut être constitué et sa composition modifiée dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue.

Le décret relève la part minimale que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dans le cadre des marchés globaux, des marchés de partenariat et des contrats de concession. Il abaisse de 5 % à 3 % le montant maximum de la retenue de garantie pour les marchés publics conclus par certains acheteurs avec une petite ou moyenne entreprise. Enfin, il intègre les mesures règlementaires d'application de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, relative à l'industrie verte N° Lexbase : L9331MIG, s'agissant de la possibilité pour une entité adjudicatrice de rejeter une offre contenant des produits provenant de certains pays tiers à l'Union européenne (lire A.-M. Smolinska, Loi « industrie verte » : les implications en droit de la commande publique, Lexbase Public n° 728, 2013 N° Lexbase : N7608BZS).

newsid:491396

Pénal

[Point de vue...] Le procès des viols de Mazan devant l’opinion publique - le point de vue d’un magistrat

Lecture: 7 min

N1392B3X

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par Jean-Luc Lennon, Procureur de la République-Adjoint, Tribunal judiciaire de Quimper

Le 06 Janvier 2025

Honte à la justice ! C’est en somme la conclusion à laquelle sont arrivées de nombreuses féministes à l’énoncé du verdict de la cour criminelle du Vaucluse le 19 décembre dernier. Pourtant, les 51 accusés ont tous été reconnus coupables de viols et le principal d’entre eux, Dominique Pélicot, a écopé de la peine maximale fixée à 20 ans de réclusion criminelle. Il est vrai qu’ici où là dans les rues d’Avignon avaient fleuri des banderoles sur lesquelles était inscrite cette phrase : « 20 ans pour tous ». Comme si la justice avait l’habitude de dispenser les peines à la volée sans autre préoccupation que celle de punir. En réalité, la cour criminelle a su faire fi du battage médiatique inédit qui a alimenté l’émotion bien légitime de l’opinion publique au cours de ces quinze semaines de procès. La ténacité de Gisèle Pélicot et son souhait de renoncer au huis clos ont permis la publicité de l’audience, ce qui n’est pas si fréquent lorsque sont jugés des faits de cette nature. Cette publicité est salutaire et, faut-il le rappeler, coutumière du monde de la justice qui travaille au su et au vu de tous les justiciables qui peuvent à chaque instant prendre place dans une salle d’audience pour voir et écouter ce qui s’y dit : les audiences sont publiques, c’est une règle d’ordre public.

Reste que le caractère atypique du mode opératoire par lequel des dizaines d’hommes ont commis ces viols n’est sans doute pas étranger au retentissement médiatique de ce procès. Les journalistes présents au fil des audiences ont pu faire partager le verbatim des débats d’où la figure de Gisèle Pélicot est apparue en pleine lumière et, à travers elle, celle de toutes ces femmes violées que la justice peine à entendre. Cette figure tautologique de l’institution judiciaire, jugée incapable de poursuivre et de sanctionner les auteurs de viols, est ancrée dans l’opinion commune et mérite que l’on s’y attarde un instant : cette critique est-elle fondée ?

Répondre à cette question suppose de s’attacher à la définition juridique du viol tel qu’il a été défini par le législateur et tel qu’il s’impose par conséquent à la justice. Le crime de viol est prévu et réprimé par l’article 222-23 du Code pénal N° Lexbase : L2622L4U : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de 15 ans de réclusion criminelle ». Voilà ce que dit la loi. Ajoutons que la peine sera portée à 20 ans de réclusion en raison de circonstances particulières : l’auteur est le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé de la victime, ou encore celle-ci était sous soumission chimique au moment des faits. On voit bien qu’à travers cette définition le consentement de la victime n’est abordé que de manière sous-jacente, non explicite. Si les faits ont été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, c’est bien que la victime n’était pas (ou plus) consentante à l’acte, et dès lors le viol sera juridiquement constitué. En soi, une telle définition ne pose pas de difficulté particulière lorsque les faits reposent sur des éléments de preuve tangibles : témoignages, aveux, surveillance audio-visuelle, etc. Il en ira différemment lorsque le viol intervient dans une situation d’intimité : cadre familial, rencontre d’un soir. Ici les choses se compliquent en l’absence de violence, contrainte, menace ou surprise. Comment prouver le viol ? Deux paroles antagonistes s’affrontent : celle qui accuse et celle qui se défend. À la justice de trancher. Pour le dire autrement, la seule parole de la victime ne suffira pas à entraîner la conviction de la justice. Cette parole, aussi juste et sincère soit-elle, et quand bien même reflèterait-elle la stricte vérité, ne peut et ne doit pas entraîner une condamnation pénale. Pourquoi ? Parce que l’état de droit s’y oppose et ceci pour deux raisons principales : c’est à l’accusation de prouver le viol, d’une part ; l’accusé est présumé innocent tant qu’il pas été condamné, d’autre part.

Ce sont ces considérations qui expliquent que la justice, trop souvent, ne soit pas perçue comme une institution fiable par les victimes de viol. Les travaux menés par la sociologue Véronique Le Goaziou sont parfaitement éclairants sur ce point [1]. D’où l’idée de réécrire la définition du viol en y faisant figurer la notion de consentement, ce qui serait de nature à en faciliter la preuve. Schématiquement, il y aurait viol, outre lorsque l’acte aura été commis avec violence, contrainte, menace et surprise – cet aspect de l’infraction demeurerait inchangé – mais aussi en l’absence de ces critères lorsque la victime n’était pas consentante. Ainsi, croit-on, la parole de la victime sera réellement prise en considération et la justice à même de faire son office sans entrave. De prime abord cette idée paraît séduisante et même frappée d’une forme de bon sens. En apparence seulement. Or, la justice ne peut se contenter des apparences. Car se pose la question de savoir sur qui va reposer la preuve du consentement : sera-ce à la victime de démontrer l’absence de celui-ci, ou à l’accusé de rapporter la preuve inverse ? La chose ne va pas de soi et dans les deux situations le caractère probant sera difficile à rapporter, voire impossible. Comment établir un consentement ou une absence de consentement ? Avec quelles modalités ? Nous sommes très vraisemblablement là face à une véritable aporie. Et la justice ne sera guère plus éclairée qu’auparavant. Une loi nouvelle serait par conséquent inefficace car ce n’est pas à l’accusé de prouver qu’il est innocent, c’est au ministère public de prouver qu’il est coupable. Admettre le contraire autoriserait à accuser sans preuve, comme le font les régimes totalitaires sous couvert de justice.

Le procès de Mazan a apporté incontestablement de l’eau au moulin de celles et ceux qui voudraient faire accroire à l’existence d’une véritable culture du viol dont les hommes seraient pour ainsi dire naturellement dotés. Le patriarcat faisant souche depuis les débuts de l’histoire de l’humanité serait ainsi le vecteur de cette culture ravalant la femme à l’état de victime perpétuelle. Un tel réductionnisme revient à affirmer que tous les hommes sont des violeurs patentés ou en passe de le devenir. Une telle outrance s’oppose au débat d’idées. Or, la société gagnerait à s’emparer du sujet des violences sexuelles d’où qu’elles viennent. Le viol est l’apanage des hommes. Ce fait est incontestable, et cela pose question. Il ne s’agit pas de le nier. Mais gardons-nous de toute généralisation. À en croire le Professeur Israël Nisand, la paucité de l’éducation de nos enfants depuis le plus jeune âge dans le domaine affectif et sexuel serait la cause de tous les désordres. Nul déterminisme à l’œuvre ici, mais une forme de continuité immémoriale puissante qui laisse libre cours aux pulsions que tout mâle normalement éduqué serait en capacité de maîtriser, pour peu qu’on lui donne les clés de son émancipation. C’est ici, plus qu’au plan judiciaire, que réside le projet de société vers lequel il convient de résolument se tourner. Le constat opéré par les féministes, quelles que soient les obédiences derrière lesquelles elles inscrivent leur combat, est juste. Mais leur analyse contemporaine du patriarcat est trop idéologique et par là, trop caricaturale, pour être prise au pied de la lettre.

Le viol est condamnable et la justice le punit dans le cadre de la loi, dès lors que les éléments probants apparaissent suffisants pour établir une culpabilité. Le procès de Mazan en est la preuve éclatante : Gisèle Pélicot n’a jamais exprimé un quelconque consentement parce qu’elle était placée dans un état de soumission chimique par son mari, ce qui ne lui permettait pas d’avoir conscience de ce qu’elle subissait. Pourtant, ces faits sont bien juridiquement constitutifs de viols commis avec surprise. Ce dernier critère était nécessaire pour que la cour criminelle du Vaucluse entre en voie de condamnation ; et il se suffisait à lui-même pour que la justice fît son office. 

 

[1] V. Le Goaziou, Viol. Que fait la justice ?, SciencesPo, Les Presses, 2019.

newsid:491392

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