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N0945B3E
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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Sorbonne Paris Nord
Le 14 Novembre 2024
S’il est une première image qui advient, elle prend le visage de Madame Marie-Claire Sgarra – la rédactrice en chef de la Revue - et des auteurs qui en incarnent la substance. La Revue est leur œuvre.
Puis vient le temps du symbole ; nous sommes en effet dans l’ordre du symbolique avec ce chiffre de 1000 qui met en exergue le travail accompli depuis nombre d’années. L’auteur de ces lignes étant intensément athée, comment ne pas relier ce 1000 avec tant et tant d’assertions religieuses qui, à défaut d’être crédibles, sont réjouissantes ? Selon diverses sources religieuses, 1000 serait synonyme de perfection (éditoriale, pour une revue) … d’immortalité (espérée, pour un éditeur) … d’impérissable doctrine (attendue, pour tout universitaire)… Il paraît même que celui qui réaliserait 1000 pas aurait vocation à en réaliser 2000 (les religions sont optimistes, c’est, parait-il, leur charme) ; souhaitons un tel sort pédestre aux différentes revues publiées dans cette maison. La religion nous ayant puissamment éclairé(s) sur la portée symbolique du 1000, attardons-nous quelque peu sur la Revue de droit fiscal.
Cette dernière est bien sûr riche des apports doctrinaux des auteurs, qu’il s’agisse d’universitaires ou d’avocats. Chacun apporte ses qualités analytiques, avec – espérons - toujours à l’esprit deux choses : ne pas oublier le public visé, ne pas oublier de critiquer (au sens littéraire du terme) la décision commentée. Quant au droit fiscal, appréhendé en sa spécificité disciplinaire, il possède une louable propension à faire imploser la summa divisio Droit public/Droit privé. Les enjeux fiscaux sont explicités à l’aune des décisions commentées tantôt au regard de la jurisprudence du juge judiciaire tantôt au regard de celle du juge administratif. À cela s’ajoute la dimension nationale, communautaire et internationale du droit fiscal ; autant dire que les thématiques sont fort variées et les domaines juridiques fort divers. La Revue présente le mérite – grâce au subtil dosage réalisé par Madame Sgarra – de s’arrêter (par exemple) sur les soucis fiscaux d’un petit chef d’entreprise, d’une entreprise multinationale (amoureuse des prix de transfert), de particuliers vendant des biens immobiliers ou connaissant une douloureuse succession, de fraudeurs (présumés) innocents…
Technique, la matière fiscale l’est assurément, qu’il s’agisse des questions procédurales ou substantielles. C’est la raison pour laquelle ce type de revue – par sa périodicité, par l’éclairage précis mais concis des enjeux juridiques, par la qualité (y a-t-il plus pénible que la fausse humilité ?) des intervenants – s’avère un outil précieux. Cet outil est précieux pour des juristes (avocats, notaires, commissaires de justice, conseils divers) qui - assumant les responsabilités qui leur échoient – sont confrontés aux incohérences normatives des législateurs successifs. Nul besoin d’avoir réalisé une thèse de sociologie des organisations pour savoir que l’immense majorité des lois – notamment en matière fiscale – mériteraient censure pour défaut d’intelligibilité. Encore faudrait-il que le Conseil constitutionnel sorte de sa traditionnelle léthargie herméneutique et applique la jurisprudence par lui forgée.
Le travail des auteurs de la Revue apparaît alors d’autant plus salutaire qu’ils se transforment en éclaireurs juridiques, en âmes techniciennes décryptant le volontarisme (souvent) abscons et (parfois) contradictoire du législateur. La maïeutique doctrinale (sans majuscule) s’impose a fortiori avec nécessité une fois connue la spécificité de la Doctrine fiscale (avec majuscule) : l’Administration fiscale – sous couvert de commenter le droit positif – l’interprète. Et sous couvert d’interpréter le droit, elle le crée ; nul besoin d’être un théoricien du droit – et un partisan du réalisme scandinave (Olivecrona) ou américain(Holmes) - pour savoir que toute opération d’interprétation emporte création.
En droit fiscal, la question n’est pas de peu, eu égard aux enjeux financiers et aux injonctions administratives ; une revue rebondissant avec agilité sur l’actualité contribue à démystifier – donc à désacraliser - le BOFIP. Ce dernier n’est en rien – nonobstant certaines assertions - la Bible du droit fiscal ; il s’agit seulement des commandements d’un État-puissance que l’on ne peut combattre que par le truchement du duel judiciaire. Or, prévaut parfois le sentiment que le juge – notamment administratif – adopte des interprétations aussi légitimistes qu’étatistes.
Voici, après tout, ce que peut être une Revue de Droit fiscal en ses vertus émancipatrices : une revue rappelant les droits des administrés dans le cadre d’une bataille souvent inégale. Alors l’œuvre doctrinale transparaît en toutes ses dimensions : elle nous permet de saisir que le droit fiscal est tout sauf une matière technique, il est le révélateur d’un état de la société et des rapports de force sociétaux. Il est au cœur d’un débat idéologique (corpus de valeurs) aussi ancien que cruel : comment – et pour quoi – (re)distribuer les ressources au sein d’une société qui se veut gouvernée par les principes d’égalité matérielle et de justice substantielle ?
Revenons, pour achever le propos, sur notre 1000 festif et concluons par cette sage citation (connue des êtres humains porteurs de quelques décennies) : « On peut tromper une personne mille fois. On peut tromper mille personnes une fois. Mais on ne peut pas tromper mille personnes, mille fois » [1]. Confucius – qui a beaucoup travaillé sur la vertu et l’éducation, sur une société bien ordonnée et une administration efficace, sur la relation citoyen/État – n’aurait pas dit mieux.
[1] In La cité de la peur. Une comédie familiale (1994).
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Réf. : Ordonnance n° 2024-978, du 6 novembre 2024, modifiant la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux N° Lexbase : L2893MRL
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N0890B3D
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par Vincent Téchené
Le 13 Novembre 2024
► Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 7 novembre 2022, modifie la loi n° 2023-451, du 9 juin 2023, visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux N° Lexbase : L8564MHN, afin d'assurer la compatibilité de la loi française avec le cadre juridique européen, et de répondre ainsi aux observations formulées par la Commission européenne dans son courrier adressé aux autorités françaises en réponse à la notification réalisée le 12 mai 2023, en application de la Directive (UE) n° 2015/1535 N° Lexbase : L7234KHE.
Cette ordonnance est prise sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 3 de la loi « DDADUE » (loi n° 2024-364, du 22 avril 2024 N° Lexbase : L1795MMG).
Afin de mettre en conformité la loi n° 2023-451, du 9 juin 2023, avec les textes du droit de l'Union européenne qui lui sont applicables, l’ordonnance, qui comporte deux articles, prévoit à l'article 1er, les modifications suivantes :
L'ordonnance prévoit, à l'article 2, un article d'exécution.
Ce projet d'ordonnance a été notifié à la Commission européenne le 3 juillet 2024, dans le cadre de la procédure de notification prévue par la Directive (UE) n° 2015/1535 avec un délai de statu quo de trois mois, sans recueillir d'objection de la Commission européenne ou d'autres États membres.
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Réf. : CE, 2e-7e ch. réunies, 31 octobre 2024, n° 487995, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A32506DQ
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N0892B3G
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par Goulven Le Ny, Avocat au barreau de Nantes
Le 14 Novembre 2024
Mots clés : mise à disposition de biens • résiliation par le délégant • indemnisation de la part non amortie • contrat d'affermage • biens de retour
Dans un arrêt rendu le 31 octobre 2024, la Haute juridiction administrative explicite les conditions de prise en compte des droits d’entrée versés par le concessionnaire dans la détermination de la durée d’amortissement des investissements de la concession et dans l’indemnisation des investissements non-amortis. Il érige en condition déterminante le fait que les droits d’entrée soient la contrepartie de la mise à disposition de biens ayant vocation à revenir à l’autorité concédante en fin de contrat, ce qui implique que cela soit explicité systématiquement dans les contrats.
I. Rappel des principes applicables à l’indemnisation en fin de contrat du concessionnaire
L’indemnisation en fin de contrat du concessionnaire est désormais régie par des dispositions expresses du Code de la commande publique.
Selon les principes désormais consacré par le Code de la commande publique, l’autorité concédante peut résilier une concession unilatéralement, moyennant l’indemnisation de Fson cocontractant si la résiliation est faute pour motif d’intérêt général, l’indemnisation étant déterminée selon les clauses contractuelles (CCP, art. L. 6, 5° N° Lexbase : L4463LRQ et L. 3136-3
Le législateur a précisé ces principes, en fixant également les grandes lignes du régime indemnitaire du concessionnaire résilié, en visant en particulier les biens de retour et leur valeur nette comptable, en précisant les modalités de calcul de l’amortissement, selon que l’amortissement a été calculé sur une durée d’amortissement inférieure ou supérieure à celle du contrat, et en ajoutant que l’indemnisation des biens de retour ne pas excéder la valeur nette comptable ainsi calculée (CCP, art. L. 3136-10
Les dispositions du Code de la commande publique sont toutefois issues de la jurisprudence, qui a posé des interdits, tout en laissant une certaine latitude à la liberté contractuelle.
Le législateur a codifié la jurisprudence bien connue du Conseil d’État, laquelle avait progressivement dégagé ces principes [1].
De manière générale, les parties peuvent prévoir des stipulations pour régir les droits indemnitaires en cas de résiliation pour motifs d’intérêt général, sous-réserve que :
Dans d’autres hypothèses de fin anticipée, en particulier lorsque le contrat est frappé de nullité, d’autres postes sont également susceptibles d’être admis. Dans une affaire où le contrat était entaché de nullité, le juge a reconnu le droit pour le titulaire d’être indemnisés des dépenses engagées qui ont été utiles, et à ce le juge a également admis d’autres postes, tels que la prise en compte des coûts de rupture des instruments financiers utilisés pour le financement du contrat, reconnue comme une dépense utile [4].
Le Code prévoit que « Lorsqu'une clause du contrat de concession fixe les modalités d'indemnisation du concessionnaire en cas d'annulation, de résolution ou de résiliation du contrat de concession par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat » (CCP, art. L.3136-9
II. L’indemnisation des droits d’entrée réaffirmée, mais moyennant des conditions aux contours flous
Jusqu’ici, la jurisprudence n’apportait pas de réponse claire quant au traitement indemnitaire des droits d’entrées réglés par le concessionnaire. Une clarification par la Haute Juridiction était donc bienvenue.
S’il avait déjà jugé que le non-amortissement des droits d’entrée pouvait constituer un préjudice indemnisable en cas de résiliation [5] ou une dépense utile indemnisable en cas de nullité du contrat [6], la jurisprudence était peu précise sur les modalités concrètes d’indemnisation.
À titre d’exemple, la question était abordée dans l’affaire n°449985 du 10 novembre 2021 devant la cour administrative d’appel de Toulouse [7] ou a été abordée devant le tribunal Administratif de Nice dans un jugement concernant une concession de parcs de stationnement [8]. Dans cette dernière affaire, le titulaire résilié demandait l’indemnisation de la « part non amortie du droit d’entrée », le juge l’écartant au motif qu’il n’était pas démontré que ce droit d’entrée n’avait pas été amorti, en globalisant avec les autres investissements.
Une explication était donc attendue. Dans la décision commentée, le Conseil d’État a tranché la question concernant un contrat d’affermage avec travaux de parcs de stationnement, résilié pour motif d’intérêt général, en l’espèce la durée excessive du contrat. Il est toutefois précisé que la décision de résiliation a été jugée illégale, mais qu’il n’y a pas eu reprise des relations contractuelles, le juge estimant que l’atteinte aux droits du nouveau concessionnaire serait excessive. C’est dans ce contexte que s’est noué un litige indemnitaire portant sur l’indemnisation des droits d’entrée versés par le concessionnaire.
Le Conseil d’État rappelle que le contrat de concession peut valablement prévoir des droits d’entrée dès lors que ces sommes, que la convention doit justifier, ne sont pas étrangères à l’objet de la concession et ne soit pas prévu dans un contrat concernant l’eau potable, l’assainissement ou les déchets pour lesquels les droits d’entrée sont prohibés (CCP, art. L. 3114-4 N° Lexbase : L4434LRN et L. 3114-5 N° Lexbase : L4435LRP).
Il ajoute désormais que le droit d’entrée, qui constituait selon les termes du contrat « la contrepartie de la mise à disposition de biens » remis à l’autorité concédante en fin de contrat, si bien qu’il s’agissait d’une dépense d’investissement du concessionnaire, dont il était fondé à demander la prise en compte pour évaluer la durée nécessaire pour couvrir ses charges et l’indemnisation de la part non-amortie de ces droits d‘entrée [9].
Si cet arrêt apporte une réponse attendue concernant l’indemnisation des droits d’entrée qui n’ont pas été amortis, il laisse également en suspend plusieurs interrogations.
D’une part, le Conseil d’État semble exiger que les droits d’entrée soient la contrepartie de la mise à disposition de biens ayant vocation à revenir à l’autorité concédante en fin de contrat. Se pose alors la question de la détermination de l’objet de ces droits d’entrée.
Dans cette affaire, la Haute Juridiction semble s’être limitée à une analyse littérale des clauses du contrat. Elle indique en effet qu’il résulte des « stipulations », « selon leurs termes mêmes » que les droits d’entrée sont la contrepartie d’une telle mise à disposition.
En présence d’un contrat peu clair ou dont la rédaction serait contestable au regard de la situation de fait, le juge pourrait disposer d’une latitude pour clarifier. Cette difficulté devrait être rare dans la mesure où la législation impose une justification dans les contrats des droits d’entrée et interdit toute prise en charge étrangère à l’objet de la concession [10].
En pratique, des droits d’entrées licites visent en règle générale la prise en charge de l’indemnité pour la fraction non-amortie de la valeur des biens de retour versée par l’autorité concédante au précédent concessionnaire [11].
On peine donc à identifier l’intérêt du critère ou sa portée pratique, et ce d’autant plus qu’aucune réponse précise n’est apportée à ce stade sur l’étendue du pouvoir d’appréciation du juge ou les éléments qu’il est susceptible de prendre en compte pour interpréter le contrat et déterminer s’il est bien question de la contrepartie d’une mise à disposition de biens ayant vocation à revenir à l’autorité concédante.
Une analogie pourrait être faite avec l’interprétation des clauses d’indemnisation des biens de retour, pour lesquelles le juge recherche l’intention des parties en cas d’ambiguïté et vérifie l’absence de dénaturation [12].
D’autre part, la durée d’amortissement à prendre en compte est également sujette à discussion selon chaque espèce.
La Haute Juridiction rappelle que la durée normale d'amortissement des installations susceptible d'être retenue par une autorité concessionnaire peut être la durée normalement attendue pour que le concessionnaire puisse couvrir ses charges d'exploitation et d'investissement, compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature du service et des exigences du concessionnaire, ainsi que de la prévision des tarifs payés par les usagers, que cette durée coïncide ou non avec la durée de l'amortissement comptable des investissements.
Les droits d’entrée doivent être pris en compte pour déterminer cette durée, mais sous-réserve également qu’ils constituent la contrepartie d’une mise à disposition de biens ayant vocation à revenir à l’autorité concédante.
Les autorités concédantes et leurs concessionnaires ont donc tout intérêt à veiller à faire figurer dans les contrats des stipulations claires quant à l’objet des droits d’entrée et leurs modalités d’indemnisation, afin d’éviter l’incertitude.
[1] CE, 21 décembre 2012, n° 342788 N° Lexbase : A1341IZP.
[2] CE, 4 mai 2011, n °334280 N° Lexbase : A0953HQD ; CE, 25 octobre 2017, n° 402921 N° Lexbase : A4481WXA ; CE, 16 décembre 2022, n° 455186 N° Lexbase : A67478ZW.
[3] CE, 27 janvier 2020, n° 422104 N° Lexbase : A65033CT ; CE, 10 novembre 2021, n° 449985 N° Lexbase : A741674G.
[4] CE, 9 juin 2020, n° 420282 N° Lexbase : A15393NC.
[5] CE, 10 novembre 2021, n°449985, préc.
[6] CE, 20 février 2013, n° 352762 N° Lexbase : A2746I89.
[7] CAA Toulouse, 5 décembre 2023, n° 21TL04384 N° Lexbase : A708417I.
[8] TA Nice, 14 mai 2024, n° 2002786 N° Lexbase : A28236GN.
[9] Arrêt commenté.
[10] Voir par exemple, s’agissant de l’interdiction de mettre à la charge du concessionnaire l’indemnité de résiliation pour faute de la collectivité versée par l’autorité concédante au précédant concessionnaire : CE, avis, 19 avril 2005, n° 371234 N° Lexbase : A3933KII.
[11] CE, avis, 19 avril 2005, n° 371234, préc.
[12] CE, 20 juin 2018, n °408507 N° Lexbase : A5692XTY ; CAA Douai, 30 décembre 2016, n° 14DA00211 N° Lexbase : A2332S7I ; CAA Douai, 12 mai 2021, n° 18DA01297 N° Lexbase : A09424SP.
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Réf. : CE, 5e-6e ch. réunies, 6 novembre 2024, n° 477317, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A19816E4
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N0885B38
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par Yann Le Foll
Le 13 Novembre 2024
► Dès lors qu’un projet de parc éolien porte une atteinte significative à l'avifaune et qu'aucune prescription complémentaire n'est susceptible d'assurer que le projet puisse éviter cette atteinte, le juge peut procéder à l’annulation de l'autorisation environnementale délivrée sans sursis à statuer pour régularisation.
Faits. Le projet de parc éolien en litige a vocation à être implanté à proximité de deux zones Natura 2000, dont une accueillant environ 10 % des effectifs d'outarde canepetière de l'ancienne région Poitou-Charentes, espèce patrimoniale classée en danger critique d'extinction.
Le site d'implantation du projet accueille, par ailleurs, de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs ou nicheurs, dont cinq espèces à fort statut patrimonial, parmi lesquelles figure l'outarde.
Position CAA. Malgré les mesures d'évitement, de réduction et de compensation prévues, la cour (CAA Bordeaux, 1rech., 8 juin 2023, n° 21BX00021 N° Lexbase : A08489ZG) a jugé que le projet conserverait un impact significatif sur la conservation de l'avifaune présente, en particulier l'outarde, notamment en raison de la perte de territoire de reproduction par effet d'effarouchement, alors que la sauvegarde de cette espèce implique de conserver un noyau dynamique de population pour permettre la dispersion des individus vers les autres zones favorables avoisinantes.
Il en résulte qu'aucune prescription complémentaire n'était susceptible de garantir que le projet ne porte pas atteinte à l'avifaune, en particulier à l'outarde canepetière.
Décision CE. Au vu du principe précité, la cour pouvait, sans méconnaître son office, ni entacher son arrêt d'erreur de droit, prononcer l'annulation de l'autorisation litigieuse dans son ensemble en raison de l'atteinte à l'un des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L6525L7S, sans mettre en œuvre les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 181-18 du même code N° Lexbase : L1849MHX en vue de permettre au pétitionnaire de solliciter une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du même code N° Lexbase : L5047L8G (voir sur l'obligation du juge de l'autorisation environnementale de mettre en œuvre les pouvoirs de régularisation et d'annulation partielle qu'il tient de l'article L. 181-18 du Code de l'environnement : CE, avis, 10 novembre 2023, n° 474431 N° Lexbase : A79721YW).
Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions, Nicolas Agnoux indique que « dans ces circonstances particulières, le dépôt d’une demande de "dérogation espèces protégées" n’était d’aucun secours : le vice décrit par la cour n’est pas celui d’un fonctionnement irrégulier tiré de l’absence d’une composante de l’autorisation environnementale mais résulte d’un obstacle de fond ».
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N0904B3U
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par Béatrice Renard Marsili, Juriste en droit du travail et Conseil en ressources humaines - DRH externalisé
Le 14 Novembre 2024
Mots-clés : ressources humaines • entreprises • employeurs • salariés • réglementation
Chaque mois, la revue Lexbase Social vous propose de faire un point sur les changements à prendre en compte dans l’entreprise.
► Accords collectifs
Aux termes de l'article L. 2222-4 du Code du travail N° Lexbase : L7173K9K, la convention ou l'accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. A défaut de stipulation de la convention ou de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans. Lorsque la convention ou l'accord arrive à expiration, la convention ou l'accord cesse de produire ses effets.
Aux termes de l'article L. 2222-6 du Code du travail N° Lexbase : L2251H9A, la convention ou l'accord prévoit les conditions dans lesquelles il peut être dénoncé, et notamment la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation.
Il en résulte qu'un accord collectif à durée déterminée peut prévoir qu'il sera reconduit par tacite reconduction, sauf dénonciation de l'accord produisant ses effets au terme de celui-ci, sous la condition de respecter le délai de préavis fixé par l'accord avant l'expiration du terme (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 23-17.460, FS-B N° Lexbase : A77056BY).
► Assurance chômage
Un décret du 29 octobre prolonge de deux mois les dispositions réglementaires relatives aux règles d’indemnisation du régime d’assurance chômage ainsi que les règles relatives au dispositif du bonus-malus, soit jusqu’au 31 décembre 2024 (Décret n° 2024-963 du 29 octobre 2024, relatif au régime d’assurance chômage N° Lexbase : L2079MRG).
► BOSS
Le contenu de la rubrique relative aux contributions servant au financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, qui a fait l’objet d’une consultation publique, entre en vigueur le 1er novembre 2024. Quelques paragraphes ont fait l’objet de clarifications à la suite de questions soulevées dans le cadre de la consultation (Contributions à la formation professionnelle et à l’apprentissage - Boss.gouv.fr, mise à jour du 29 octobre 2024).
Le SMIC étant revalorisé à compter du 1er novembre 2024, les rubriques Effectif, Exonérations zonées, Aide à domicile, Heures supplémentaires et complémentaires, Avantages en nature, Jeunes entreprises innovantes, universitaires et de croissance et Exonération contrat d’apprentissage ont été actualisées pour prendre en compte cette revalorisation anticipée (mise à jour du 29 octobre 2024).
► CSE
Lors du renouvellement du CSE d'une entreprise, 75 suffrages étaient exprimés sur 76 votants mais 79 bulletins avaient été décomptés au dépouillement...
Saisi d'un recours en annulation du second tour des élections, le tribunal judiciaire avait débouté les demandeurs au motif que le décompte de 4 bulletins supplémentaires n'avait eu aucun impact sur le résultat des élections du second tour.
Qu'en pense la Cour de cassation ? Confirmation du jugement et rejet du pourvoi ! L'existence d'irrégularités ayant eu une incidence sur le résultat du scrutin n'était pas caractérisée (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-14.585, F-D N° Lexbase : A828559Q).
► Cotisations
Le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail.
Le recours de l'employeur aux fins de contestation du taux de cette cotisation doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision fixant ce taux.
Il en résulte que le délai de forclusion de deux mois ne peut pas être opposé à l'employeur qui, sans attendre la notification du taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, demande le retrait de son compte employeur du coût d'une maladie professionnelle ou l'inscription de cette maladie sur le compte spécial.
En revanche, ce délai est opposable à l'employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l'occasion d'un litige en contestation de ce taux. Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif (Cass. civ. 2, 17 octobre 2024, n° 22-20.692, F-B N° Lexbase : A73436A9).
Le coût moyen national de l'ensemble socle de service des services de prévention et de santé au travail interentreprises a été fixé pour l'année 2025 à 115,50 €, par arrêté du 26 septembre, publié au Journal officiel du 12 octobre 2024. Ce coût moyen national permet de calculer l'amplitude de 80 % à 120 % au-sein de laquelle le montant des cotisations des services de prévention et de santé au travail interentreprises doit demeurer.
Il en découle, qu'à partir du 1er janvier 2025, le montant de la cotisation due pour chaque salarié sera compris entre 92,40 € et 138,60 € (Arrêté du 26 septembre 2024, relatif au coût moyen national de l'ensemble socle de services des services de prévention et de santé au travail interentreprises N° Lexbase : L0340MRZ).
► DSN
L’information relative au refus de la part d’un salarié d’une proposition de CDI lui ayant été faite suite à un CDD ou un contrat de mission doit être déclarée en DSN, en parallèle des informations communiquées à France Travail.
Net-entreprises vient de préciser qu’il convient de renseigner, à l’occasion du signalement de la fin de contrat de travail, la rubrique « Refus de la proposition d'un CDI suite à CDD ou contrat de mission - S21.G00.62.021 », en la valorisant à « 01 - Proposition refusée », lorsque l’employeur a proposé un CDI à un salarié, dans les formes et conditions prévues légalement, et que celui-ci a refusé.
Pour les contrats de mission ou les CDD d’usage en circuit dérogatoire, cette rubrique doit être renseignée directement dans la DSN mensuelle. Pour les autres, elle doit être renseignée dans le signalement FCTU et reportée dans la DSN mensuelle qui correspond au mois M du signalement FCTU.
Les contrats d’apprentissage à durée déterminée ne sont pas concernés par la mesure.
En revanche, sont concernés les agents contractuels de droit privé en CDD, y compris en contrat aidé ou d’insertion. Seuls sont exclus les agents contractuels de droit public en CDD et les agents contractuels de droit privé en contrat d’apprentissage.
Les salariés ouvriers et techniciens de l'édition d'enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la diffusion et d’artistes du spectacle en CDD sont également concernés par la mesure (Net-entreprises, Déclaration du refus de la proposition d'un CDI suite à CDD ou contrat de mission).
La Caisse de congés payés rappelle aux entreprises du BTP qu’il est essentiel de ne pas omettre la déclaration du nombre d’heures d’intérim utilisées, en renseignant les rubriques du bloc « S21.G00.82 - Cotisation établissement avec le code cotisation 024 » (CNETP, communiqué, 10 octobre 2024).
► Durée du travail
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait en jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Ainsi, la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut, pour rejeter une demande de paiement de jours travaillés, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié mais doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 22-23.260, F-D N° Lexbase : A29216C8).
► Equilibre femmes-hommes dans les conseils d’administration
Une ordonnance du 15 octobre 2024 a transposé en droit français la Directive européenne du 23 novembre 2022, relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées, dite « directive Women on Boards ».
Les conseils d'administration et de surveillance de sociétés, cotées ou non, de plus de 250 salariés et présentant un montant net de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros doivent comporter une proportion minimale de 40 % pour le sexe le moins représenté.
L'ordonnance intègre dans l'assiette de calcul de la règle d'équilibre les administrateurs représentants des salariés, exclus jusqu'alors. Elle étend ces règles aux sociétés commerciales dans lesquelles l'État détient des participations. Les organes d'administration des sociétés cotées devront être composés conformément à la règle d'équilibre entre les femmes et les hommes d'ici au 30 juin 2026. En cas de non-respect de la règle, une procédure de recrutement renforcé permettra la désignation des membres de ces organes (Ordonnance n° 2024-934 du 15 octobre 2024, portant transposition de la Directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022, relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes N° Lexbase : L0631MRS).
► Faute inexcusable
Dans une affaire jugée récemment, la Cour de cassation rappelle quelques principes en matière de faute inexcusable de l'employeur à la suite d’un accident du travail et d'indemnisation des préjudices complémentaires du salarié victime :
Les juges font ici une stricte application du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime (Cass. civ. 2, 17 octobre 2024, n° 22-18.905, F-B N° Lexbase : A73516AI).
► Formation
Un arrêté du 23 octobre 2024 modernise la formation des agents de sécurité privée, et notamment les conditions matérielles et pédagogiques. Il entrera en vigueur le 1er mars 2025 (Arrêté du 23 octobre 2024, relatif aux conditions matérielles et pédagogiques de la formation aux activités privées de sécurité et aux activités de recherches privées N° Lexbase : L1861MRD).
► Heures supplémentaires
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est défini par convention ou accord d'entreprise ou, à défaut, par la convention collective ou un accord de branche (C. trav., art. L. 3121-33 N° Lexbase : L7662LQT). A défaut, il est de 220 heures par an et par salarié (C. trav., art. D. 3121-24 N° Lexbase : L5734LBY).
La Cour de cassation a rappelé récemment que, pour être opposable au salarié, l'accord d'entreprise doit avoir été soumis à l'information préalable des représentants du personnel et avoir fait l'objet des formalités légales de dépôt. Une simple note de service ne peut pas fixer ce contingent (Cass. soc., 2 octobre 2024, n° 23-14.968, F-D N° Lexbase : A6225583).
► Licenciement
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il en découle que, dès lors que le salarié, licencié pour faute grave, a poursuivi son travail dans l'entreprise durant quelques jours après son licenciement, les juges peuvent valablement considérer que l'employeur a estimé que les faits invoqués n'excluaient pas son maintien dans l'entreprise et n'étaient donc pas constitutifs d'une faute grave (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 22-19.389, F-D N° Lexbase : A8213593).
La notification de licenciement doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur (C. trav., art. L. 1232-6 N° Lexbase : L1447LKS).
La Cour de cassation a précisé récemment que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement. Il en découle qu'une cour d'appel ne peut pas juger un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu'elle n'a pas examiné l'un des motifs évoqués dans la notification de licenciement, même si l'employeur ne l'a pas développé dans ses conclusions (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 22-22.206, FS-B N° Lexbase : A77036BW).
Il résulte de l'alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qu'est nul, comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression.
Dès lors, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 23-16.479, FS-B N° Lexbase : A77046BX).
En cas de licenciement pour motif économique, les offres de reclassement doivent indiquer toutes les mentions minimales légales.
A défaut d’une seule de ces mentions, l'offre est imprécise et caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 23-19.629, FS-B N° Lexbase : A77156BD).
Le refus d'un salarié de poursuivre l'exécution de son contrat de travail en raison d'un simple changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction rend l'intéressé responsable de l'inexécution du préavis qu'il refuse d'exécuter aux nouvelles conditions et le prive, en cas de licenciement, des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents même en l'absence de faute grave (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 22-22.917, F-D N° Lexbase : A28676C8).
► Marché du travail
Au 2ème trimestre 2024, en France métropolitaine, 6 317 000 contrats de travail sont signés dans le secteur privé (hors agriculture, intérim et particuliers employeurs), soit 1,5 % de moins qu’au trimestre précédent (après +0,2 % au 1er trimestre 2024).
Le nombre d’embauches en contrat à durée déterminée (CDD) diminue (-1,7 % après +0,8 %). Le nombre d’embauches en contrat en contrat à durée indéterminée (CDI) continue à baisser (-0,5 % après -2,7 %).
6 343 600 contrats prennent fin au 2e trimestre 2024, soit 0,9 % de moins qu’au trimestre précédent (après +1,6 % au 1er trimestre 2024).
Le nombre de fins de CDI recule (-4,0 % après +2,0 % au trimestre précédent) et s’élève à 1 042 800. Parallèlement, 5 300 800 CDD se terminent, en baisse de -0,3 % (après +1,5 % au trimestre précédent) (Dares, Les embauches diminuent au 2e trimestre 2024, 17 octobre 2024).
Le plafond de la Sécurité sociale augmentera de 1,6 % au 1er janvier 2025. Un arrêté fixant le niveau du plafond sera publié avant la fin de l’année 2024.
Le plafond annuel sera ainsi fixé à 47 100 € et le plafond mensuel à 3 925 € (2 821 € à Mayotte).
Le plafond horaire restant inchangé à 29 €, la gratification minimale des stagiaires demeurera à 4,35 € de l’heure.
En revanche, le montant de l’ensemble des bons d’achat et cadeaux attribué aux salariés par le CSE en 2025 ne devra pas excéder 5 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale, soit 196 € en 2025 (BOSS, communiqué, 4 novembre 2024).
► Prescription
La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.
Dès lors, la demande en attribution de jours de récupération en contrepartie d'une obligation conventionnelle, pour les salariés, de se tenir prêts, sur directive de l'employeur, à intervenir pendant un temps de pause, qui se rattache à l'exécution du contrat de travail, est soumise à la prescription biennale prévue par l'article L 1471-1 du code du travail (Cass. soc., 2 octobre 2024, n° 23-15.695, F-B N° Lexbase : A7778579).
L'article L. 1471-1 du Code du travail N° Lexbase : L1453LKZ prévoit que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture. Cette disposition n'est toutefois pas applicable aux actions exercées en application de l'article L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P du même code qui dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
La Cour de cassation considère dès lors que l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans lorsqu'elle est fondée sur la dénonciation d'un harcèlement moral (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-11.360, F-B N° Lexbase : A290859L).
► Redressement judiciaire
En cas de redressement judiciaire simplifié, le dirigeant de la société poursuit seul l'activité de l'entreprise et, en l'absence d'administrateur, exerce les fonctions dévolues à celui-ci.
Il en découle qu'il a le pouvoir d'embaucher un salarié sans l'autorisation du juge commissaire, un tel acte ne constituant pas un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise (Cass. com., 2 octobre 2024, n° 23-11.022, F-D N° Lexbase : A6335587).
► Règlement intérieur
Pour être opposable aux salariés, le règlement intérieur de l'entreprise doit avoir fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévues par le Code du travail.
Un syndicat peut demander en référé la suspension du règlement intérieur d'une entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente (Cass. soc., 21 septembre 2022, n° 21-10.718, FS-B+R N° Lexbase : A17028KA).
Ce principe vient d'être réaffirmé par la Cour de cassation qui a également précisé qu'en revanche, un syndicat n'est pas recevable à demander au juge statuant au fond la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise, en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles prévues par le code du travail (Cass. soc., 23 octobre 2024, n° 22-19.726, F-B N° Lexbase : A77146BC).
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, les sanctions disciplinaires autres que le licenciement doivent être prévues par le règlement intérieur de l’entreprise. En effet, aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié, si elle n'est pas mentionnée dans l'échelle des sanctions disciplinaires prévue par le règlement intérieur.
Et si la sanction est bien prévue par le règlement intérieur, encore faut-il que celui-ci ait fait l'objet des formalités légales de publicité. A défaut la sanction doit être annulée (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 22-20.054, F-D N° Lexbase : A839259P).
► Retraite
Le conseil d’administration de l’Agirc-Arrco a décidé d’une revalorisation des retraites complémentaires des salariés du secteur privé de +1,6 % au 1er novembre 2024 (Agir-Arrco, communiqué de presse, 15 octobre 2024).
► Rupture conventionnelle
A compter de la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle par les deux parties, chacune d'elles dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
En cas de refus d'homologation par l'administration, l'employeur peut modifier la convention pour rectifier les points ayant donné lieu au refus, mais le salarié doit alors bénéficier d'un nouveau délai de rétractation de 15 jours calendaires avant d'envoyer la nouvelle demande d'homologation (Cass. soc., 16 octobre 2024, n° 23-15.752, F-D N° Lexbase : A29736BQ).
► Sanctions disciplinaires
Le fait pour un salarié de n'avoir pas pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire (Cass. soc., 9 octobre 2024, n° 23-19.063, F-D N° Lexbase : A8513598).
► Santé et sécurité au travail
Les risques biologiques concernent aujourd’hui de nombreux secteurs d’activité : milieux de soins, agroalimentaire, gestion des déchets, recyclage… Pour mieux les repérer en entreprise et organiser les actions de prévention adaptées, l’INRS met à disposition des entreprises un outil d’évaluation des risques biologiques et d'aide à la mise en œuvre des mesures de prévention (INRS, Outil d'évaluation des risques biologiques, Publications et outils).
Deux nouvelles ressources sont à disposition :
Parmi les hydrocarbures que les essences contiennent, on retrouve toujours du benzène, produit dangereux, cancérogène pour l'homme. L'INRS vient de publier un dépliant à destination des salariés travaillant dans les ateliers auto, moto et motoculture avec des conseils pratiques pour prévenir les risques liés au benzène : Vapeurs d'essence. Les bonnes pratiques à adopter - Dépliant - INRS
L'INRS vient d'annoncer la mise à disposition de la version 4 du logiciel Seirich. Elle comprend notamment une amélioration des algorithmes d’évaluation afin de mieux prendre en compte certaines situations de travail, comme l’utilisation de poudres nanométriques ou de procédés clos : Évaluer le risque chimique : une nouvelle version du logiciel Seirich - Actualité - INRS
► Sécurité sociale
Un décret du 30 octobre pérennise l’application des dispositions transitoires prévues par le décret n° 2021-428 du 12 avril 2021, relatif au calcul des indemnités maladie et maternité N° Lexbase : L1427L4M lorsque l’assuré n’a pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période de référence précédant son arrêt de travail.
Il est applicable aux arrêts de travail délivrés depuis le 1er novembre 2024 (Décret n° 2024-967 du 30 octobre 2024, modifiant le décret n° 2021-428 du 12 avril 2021, relatif au calcul des indemnités journalières maladie et maternité N° Lexbase : L2200MRW).
► SMIC et minimum garanti
Le taux du SMIC brut horaire est revalorisé de 2 % et passe au 1er novembre 2024 à :
Le minimum garanti est également relevé à 4,22 € au 1er novembre 2024 (Décret n° 2024-951 du 23 octobre 2024, portant relèvement du salaire minimum de croissance N° Lexbase : L1557MR4).
► Temps de travail effectif
Depuis un revirement effectué le 23 novembre 2022, la jurisprudence considère que les temps de trajet ou de déplacement entre le domicile du salarié itinérant et ses premier et dernier lieux de travail ou clients ne relèvent pas de la contrepartie financière ou en repos mais doivent être considérés comme temps de travail effectif et rémunérés comme tels dès lors que le salarié doit se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 20-21.924, FP-B+R N° Lexbase : A10708U8).
La Cour de cassation vient toutefois de préciser que les juges du fond doivent détailler les éléments sur lesquels ils se fondent pour retenir qu'il s'agit uniquement de déplacements entre deux lieux de travail, et caractériser en quoi, pendant ces temps de déplacement, le salarié est tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Cass. soc., 2 octobre 2024, n° 23-18.492, F-D N° Lexbase : A623858K).
► Transaction
Si la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet, elle ne règle que les différends qui s’y trouvent compris et n’empêche pas l’une des parties d’engager une action qui porte sur un autre objet (Cass. soc., 16 octobre 2024, n° 23-17.377, F-D N° Lexbase : A29006BZ).
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Réf. : CJUE, 17 octobre 2024, aff. C-650/23 et C-705/23 N° Lexbase : A73326AS
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par Pascal Dupont - Docteur en droit et Ghislain Poissonnier - Magistrat
Le 13 Novembre 2024
Mots-clés : voyage à forfait • contrat de transport aérien • Règlement « passager » • Directive « Travel » • indemnisation forfaitaire
Le passager aérien qui disposait, dans le cadre d’un voyage à forfait, d’une réservation confirmée pour un vol peut demander au transporteur aérien effectif l’indemnisation forfaitaire prévue par le Règlement n° 261/2004 dans l’hypothèse où l’organisateur de ce voyage a, sans en informer préalablement ce transporteur, avisé ce passager que le vol initialement prévu ne serait pas assuré, alors même que ce vol a été opéré conformément à la programmation prévue.
Les droits des passagers aériens sont régis par le Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol N° Lexbase : L0330DYU, dit Règlement « passagers ». Ce texte ne s’applique qu’au contrat de transport aérien conclu entre un passager et un transporteur, contrat qui suppose, en pratique, un billet d’avion. Ce dernier est défini comme « un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d'équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé » [1].
Les droits des consommateurs ayant souscrit un contrat de voyage avec forfait touristique sont, quant à eux, régis par la Directive (UE) n° 2015/2302 du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liée N° Lexbase : L6878KUB, dite Directive « Travel ». La Directive (UE) n° 2015/2302 remplace la Directive n° 90/314 du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait N° Lexbase : L7690AUD, abrogée à compter du 1er juillet 2018. Cette législation européenne a été transposée en droit français aux articles L. 211-1 et suivants du Code du tourisme N° Lexbase : L6675LHP. Elle ne concerne que les contrats avec forfait touristique conclus entre les consommateurs et les voyagistes, c’est-à-dire un contrat portant sur un prix global et sur une prestation globale combinant au moins deux types différents de services de voyage [2]. Il peut s’agir du transport, de l’hébergement, de la location de voiture ou d’un autre service touristique non accessoire au transport à l’hébergement et à la location de voiture (par exemple, repas, déplacement, excursions, circuit etc.).
Il est toutefois permis de s’interroger sur l’articulation entre le Règlement « passagers » et la Directive « Travel » lorsque survient un litige entre un consommateur-passager aérien et un professionnel [3]. Le consommateur ayant souscrit un contrat de voyage avec forfait peut-il se prévaloir des droits reconnus au passager ayant souscrit un contrat de transport aérien ? Peut-il être indemnisé au titre d’un refus d’embarquement, d’une annulation ou d’un retard d’un vol faisant partie d’un voyage à forfait qu’il avait acheté ? Ces questions se posent d’autant plus que la plupart des contrats de voyage avec forfait comportent aujourd’hui au moins un vol aller et retour.
Les réponses à ces questions peuvent se révéler complexes au vu du contenu des deux textes européens. En effet, dans le cadre de l’inexécution du voyage à forfait, lorsque notamment cette inexécution a pour origine le vol, le champ de la responsabilité de l’organisateur de voyages et de celui de la responsabilité du transporteur aérien effectif ne sont pas spécifiquement délimités et répartis. Une telle incertitude peut générer une confusion pour les consommateurs et une insécurité juridique pour les professionnels. Il est donc important pour le juge européen de clarifier cette question.
Dans son arrêt du 17 octobre 2024 (C-650/23 et C-705/23), la Cour tranche un des aspects de ce problème en considérant que le passager aérien titulaire d’un voyage à forfait peut être indemnisé pour un vol pour lequel il ne s’est pas enregistré avant son déroulement, dès lors qu’il a été victime d’une erreur de communication au cours de la préparation de ce vol.
Les faits de cette double espèce permettent de mieux comprendre la solution dégagée par la CJUE.
Dans la première affaire (C-650/23), un particulier a conclu un voyage à forfait pour un séjour en Crète comprenant un vol aller et retour entre Linz, en Autriche, et Héraklion, en Grèce (Crète). Alors que le vol retour était prévu le 29 septembre 2019, le particulier a reçu la veille de l’organisateur de voyages une communication modifiant les horaires et la destination de son vol retour. Compte tenu de cette information, le particulier ne s’est pas présenté à l’enregistrement du vol retour initialement prévu, vol qui a pourtant eu lieu… sans lui ! Le particulier a réclamé au transporteur aérien effectif la somme de 400 euros au titre du Règlement « passagers » [4] et a saisi à cette fin le tribunal de district de Schwechat, en Autriche. Par jugement du 27 mars 2023, ce dernier a fait droit à la demande en paiement. Le tribunal a considéré que la responsabilité du transporteur aérien effectif peut être engagée, dès lors qu’une modification du vol a été effectuée. Appel a été interjeté devant le tribunal régional de Korneubourg, qui a décidé d’interroger à titre préjudiciel la CJUE sur ce point.
Dans la seconde affaire, deux passagers ont conclu un voyage à forfait dans les îles Canaries pour la période du 18 juillet au 30 juillet 2020, comprenant un vol aller et retour entre Düsseldorf, en Allemagne, et Fuerteventura, en Espagne (Canaries). L’organisateur du voyage a informé ces deux passagers de l’annulation du vol aller et de la modification de leur réservation, le départ devant s’effectuer le 20 juillet 2020. Sur la base de cette notification, les deux passagers se sont présentés à l’aéroport non pas le 18 juillet 2020, mais seulement le 20 juillet 2020. Le vol initial du 18 juillet 2020 a pourtant bien été opéré. Les deux passagers en cause ont cédé leurs créances à Flightright, une société d’assistance juridique, qui a formé un recours devant le tribunal de district de Düsseldorf, en vue d’obtenir le paiement d’une indemnisation d’un montant total de 800 euros sur le fondement du Règlement « passagers » [5]. Par jugement du 3 novembre 2022, le tribunal de district de Düsseldorf a rejeté la demande en paiement. Il a considéré qu’il n’y a pas eu de refus d’embarquement, le vol initial ayant eu lieu et la notification des particuliers au sujet du vol résultant d’une initiative de l’organisateur de voyages. Appel a été interjeté devant le tribunal régional de Düsseldorf, qui a décidé d’interroger à titre préjudiciel la CJUE sur ce point.
Le juge européen répond que le passager aérien qui disposait, dans le cadre d’un voyage à forfait, d’une réservation confirmée pour un vol peut demander au transporteur aérien effectif l’indemnisation forfaitaire [6] prévue par le Règlement n° 261/2004 dans l’hypothèse où l’organisateur de ce voyage a, sans en informer préalablement ce transporteur, avisé ce passager que le vol initialement prévu ne serait pas assuré, alors même que ce vol a été opéré conformément à la programmation prévue.
I. La combinaison des deux protections
Le contrat de voyage à forfait touristique est conclu par un consommateur avec un « organisateur » de voyage. Ce dernier est défini, « à l’exclusion d’un transporteur aérien » [7], comme « un professionnel qui élabore des forfaits et les vend ou les offre à la vente, directement ou par l’intermédiaire d’un autre professionnel » [8]. Ce contrat, combinant au moins deux types différents de services de voyage [9], englobe fréquemment un voyage aérien. Dans ce cas de figure, le consommateur-passager aérien ne conclut pas de contrat avec le transporteur aérien effectif, défini comme celui qui « réalise un ou à l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager » [10]. Il lui arrive cependant, en cas d’inexécution du vol, d’être confronté à ce dernier. Peut-il alors, notamment en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard de vol, solliciter une indemnisation à son encontre ?
Pour trancher cette question, il convient de se pencher sur l’articulation possible des deux textes – Règlement « passagers » et Directive « Travel ».
Le passager aérien bénéficiaire d’un voyage à forfait dont le vol n’a pas été exécuté conformément au contrat peut se retourner, soit contre l’organisateur de voyages avec lequel il a souscrit directement, soit contre le transporteur aérien effectif qui l’a transporté. Mais pas dans n’importe quelle condition, comme a eu l’occasion de le préciser le juge européen.
La CJUE a fourni une première réponse dans un arrêt « Aegean Airlines » du 10 juillet 2019 [11], en retenant le principe du non-cumul d’action du consommateur en matière de remboursement du prix du billet d’avion. Elle a jugé à cette occasion qu’un passager qui dispose, au titre de la Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait N° Lexbase : L7690AUD, du droit de s’adresser à son organisateur de voyages pour obtenir le remboursement de son billet d’avion n’a, dès lors, plus la possibilité de demander le remboursement de ce billet auprès du transporteur aérien sur le fondement du Règlement « passagers ». Et ce y compris lorsque l’organisateur de voyages est dans l’incapacité financière d’effectuer le remboursement du billet et n’a pris aucune mesure afin de le garantir. Cette solution découle directement de l’article 8, paragraphe 2, du Règlement n° 261/2004 qui énonce que le droit au remboursement du billet d’avion s’applique également aux passagers dont le vol fait partie d’un voyage à forfait, hormis le cas où un tel droit découle de la Directive n° 90/314.
La CJUE a fourni une seconde réponse dans un arrêt « Pimera Air Scandinavia » du 26 mars 2020 [12], en retenant une possibilité de choix d’action en matière d’indemnisation du consommateur. Elle a jugé à cette occasion que le Règlement n° 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un passager d’un vol retardé de trois heures ou plus peut introduire un recours en indemnisation au titre des articles 6 et 7 de ce Règlement contre le transporteur aérien effectif, même si ce passager et ce transporteur aérien n’ont pas conclu de contrat entre eux et que le vol en cause fait partie d’un voyage à forfait relevant de la Directive n° 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait. La solution est très certainement applicable à la demande d’indemnisation présentée en cas d’annulation de vol, lorsque le passager a été réacheminé, mais que les conditions liées l’information du passager ou à son réacheminement prévues par l’article 5 du Règlement n° 261/2004 n’ont pas été respectées. Ainsi, dans le cadre d’un voyage à forfait, les passagers aériens sollicitant une indemnisation peuvent librement choisir de se prévaloir du Règlement n° 261/2004. Leur protection juridique ne saurait en effet être exclusivement assurée par la Directive n° 2015/2302 [13] et la protection offerte par le Règlement n° 261/2004 en cas de retard ou d’annulation de vol est complémentaire des garanties accordées par la Directive n° 90/314.
Dans cette nouvelle décision du 17 octobre 2024, la CJUE précise que ces deux textes européens peuvent se combiner de manière à assurer une protection du consommateur, tout en posant comme limite l’interdiction de la double compensation du préjudice subi. Elle rappelle, dans le cadre de cette perspective, que l’article 3, paragraphe 6, du Règlement n° 261/2004 dispose notamment que ledit « règlement ne porte pas atteinte aux droits des passagers établis par la directive [n° 90/314 remplacée par la Directive n° 2015/2302] ». Et que, de manière symétrique, l’article 14, paragraphe 5, de cette dernière Directive affirme expressément que le dédommagement ou la réduction de prix octroyés en vertu de ladite Directive et le dédommagement ou la réduction de prix octroyés notamment en vertu du Règlement n° 261/2004 sont déduits les uns des autres pour éviter toute surcompensation.
Il résulte ainsi de l’article 3, § 6, du Règlement n° 261/2004 et de l’article 14, § 5, de la Directive n° 2015/2302 que les champs d’application respectifs de ces deux actes de droit dérivé sont susceptibles de se recouper. En pareil cas, indique la Cour, ces dispositions posent comme limite à leur invocation combinée le refus d’une surcompensation des préjudices subis par le passager [14]. Il n’est donc pas possible pour le consommateur-passager aérien d’engager une action tant contre l’organisateur de voyages que contre le transporteur aérien effectif car cela pourrait aboutir à une double indemnisation. Il lui appartient de faire un choix et de se retourner contre un seul des professionnels.
II Précisions sur la notion de refus d’embarquement
Il restait cependant dans cette affaire soumise à la CJUE à qualifier la situation susceptible de donner lieu à indemnisation du consommateur-passager aérien. La Cour souligne qu’il ressort clairement des deux demandes de décision préjudicielle que les deux vols qui sont à l’origine des litiges au principal ont été opérés comme prévu [15]. Il s’ensuit qu’aucun des deux vols en cause ne peut être considéré comme ayant été annulé, puisque l’article 2, sous l), du Règlement n° 261/2004 définit l’« annulation » comme « le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué ». Les notifications adressées par les organisateurs de voyages aux passagers en cause dans les deux affaires au principal doivent donc être appréhendées au regard de la notion de « refus d’embarquement », au sens de l’article 2, sous j), de ce Règlement.
Cela étant précisé, il convenait de déterminer, d’une part, si cette notion de « refus d’embarquement » englobe le refus d’embarquement anticipé sur un vol qui a pourtant été opéré et, d’autre part, si le transporteur aérien peut être tenu pour responsable des informations erronées relatives au report ou à l’annulation d’un vol que l’organisateur de voyages a communiquées aux passagers.
Sur le premier point, il convient de rappeler qu’un transporteur aérien effectif, qui a informé à l’avance un passager qu’il refusera de le laisser embarquer contre sa volonté sur un vol pour lequel ce dernier dispose d’une réservation confirmée, doit indemniser ledit passager, même si celui-ci ne s’est pas présenté à l’embarquement [16]. Cette règle est-elle applicable au transporteur aérien quand l’information a été délivrée au passager par l’organisateur de voyages ? Cela semble logique, car du point de vue du passager aérien, il est indifférent de savoir qui est en charge de la délivrance de l’information relative au vol : seuls comptent l’exactitude de l’information délivrée et le délai dans lequel cette information lui a été communiquée. C’est sans doute la raison pour laquelle la CJUE a jugé que la circonstance que l’information relative au refus d’embarquement a été communiquée à l’avance au passager, non pas par le transporteur aérien effectif, mais par l’organisateur de voyages ne saurait conduire à une interprétation différente de ces dispositions [17].
S’agissant du second point, il découle de la jurisprudence de la Cour que le transporteur aérien effectif peut être tenu pour responsable des informations erronées relatives au report ou à l’annulation d’un vol que l’organisateur de voyages a communiquées au passager [18].
En effet, premièrement, plusieurs dispositions du Règlement n° 261/2004 n’opèrent, aux fins de leur application, aucune distinction entre le transporteur aérien effectif et l’organisateur de voyages. Il en va notamment ainsi de l’article 2, sous g), de ce Règlement qui définit la notion de « réservation » comme « le fait pour un passager d’être en possession d’un billet, ou d’une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ». Tel est également le cas de l’article 3, § 2, sous a), 1er tiret, dudit Règlement, lequel prévoit que l’heure à laquelle il conviendrait de se présenter à l’enregistrement peut être communiquée par le transporteur aérien, un organisateur de voyages ou un agent de voyages autorisé. Il en va de même avec l’article 3, paragraphe 2, sous b), du même Règlement, selon lequel le passager peut être transféré vers un autre vol tant par le transporteur aérien que par l’organisateur de voyages [19]. Il en découle que, dans le cadre de l’article 3, § 2, sous a) et b), du Règlement n° 261/2004, les passagers aériens peuvent se fier indistinctement aux informations transmises par le transporteur aérien effectif ou par l’organisateur de voyages concernant l’heure d’embarquement ou leur transfert sur un autre vol [20].
Et, deuxièmement, une telle interprétation contribue à garantir un niveau élevé de protection des passagers aériens, ainsi que l’énonce le considérant 1 du Règlement n° 261/2004 [21]. Dans cette perspective, ce Règlement vise à ce que le risque que des organisateurs de voyages fournissent des informations inexactes aux passagers dans le cadre de leurs activités soit assumé par le transporteur aérien. En effet, le passager ne participant pas à la relation existant entre le transporteur aérien et l’organisateur de voyages, il ne saurait être exigé de lui qu’il se procure des informations à cet égard [22].
La solution peut sembler défavorable aux compagnies aériennes, dans la mesure où celles-ci pourraient être amenées à supporter la mauvaise exécution du voyage à forfait conclu entre le consommateur et le voyagiste. Toutefois, il convient de rappeler que, dans l’hypothèse où le transporteur aérien effectif doit verser une indemnité aux passagers en vertu du Règlement n° 261/2004 en raison du comportement de l’organisateur de voyages, ce transporteur dispose, conformément à l’article 13 de ce Règlement, de la possibilité de demander réparation pour les dommages subis à l’organisateur de voyages [23]. Une telle réparation est ainsi susceptible d’atténuer, voire d’effacer, la charge financière supportée par ledit transporteur en conséquence de cette obligation [24].
[1] Article 2, f) du Règlement n° 261/2004.
[2] Article 3, § 1, de la Directive (UE) n° 2015/2302.
[3] Voir pour un exemple de cette articulation : Cass. civ. 1, 8 mars 2012, n° 11-10.226, FS-P+B+I N° Lexbase : A1706IEW.
[4] Sur le fondement de l’article 7, § 1, sous b), du Règlement n° 261/2004.
[5] Sur le fondement de l’article 4, § 3, et de l’article 7, § 1, sous b), du Règlement n° 261/2004
[6] Prévue à l’article 7, § 1, du Règlement n° 261/2004.
[7] Article 3, d) du Règlement n° 261/2004.
[8] Article 3, § 8, de la Directive n° 2015/2302.
[9] Article 3, § 1, de la Directive n° 2015/2302.
[10] Article 3, b) du Règlement n° 261/2004.
[11] CJUE, 10 juillet 2019, aff. C-163/18 N° Lexbase : A4906ZIK, JCP E, 2019, 1521, note P. Dupont et G. Poissonnier ; JT 2020, n° 226, p. 44, note V. Augros.
[12] CJUE, 26 mars 2020, aff. C‑215/18 N° Lexbase : A24823K7, Gaz. Pal., 7 juillet 2020, p. 18, note P. Dupont et G. Poissonnier ; JT, 2020, n° 230, p. 13, obs. X. Delpech.
[13] Voir, en ce sens, CJUE, 26 mars 2020, aff. C‑215/18, préc., point 35.
[14] CJUE, 17 octobre 2024, point 40.
[15] CJUE, 17 octobre 2024, point 41.
[16] CJUE, 26 octobre 2023, aff. C‑238/22, point 39 N° Lexbase : A42351PK, D., 2024, p. 199, note P. Dupont et G. Poissonnier ; D. Actualité, 16 novembre 2023, obs. X. Delpech.
[17] CJUE, 17 octobre 2024, point 44.
[18] CJUE, 17 octobre 2024, point 45.
[19] Voir, en ce sens, CJUE 21 décembre 2021, aff. C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20, point 47 [LXB= A00177H4], D., 2022. 595, note G. Poissonnier ; JT 2022, n° 249, p. 11, obs. X. Delpech.
[20] CJUE, 17 octobre 2024, point 47.
[21] CJUE, 17 octobre 2024, point 48.
[22] Voir, en ce sens, CJUE, 21 décembre 2021, aff. C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20, préc., points 48 et 49.
[23] CJUE, 17 octobre 2024, point 49.
[24] Voir, en ce sens, CJUE, 10 janvier 2006, aff. C‑344/04, point 90 N° Lexbase : A2041DMK – CJUE, 19 novembre 2009, aff. C‑402/07 et C‑432/07, point 68 N° Lexbase : A6589END, D., 2010, 1461, note G. Poissonnier et P. Osseland ; JT, 2010, n° 116, p. 12, obs. X. Delpech – CJUE, 21 décembre 2021, aff. C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20, préc., point 61 N° Lexbase : A00177H4.
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