Le Quotidien du 21 août 2024

Le Quotidien

Droit rural

[Brèves] Objectif du droit de préemption de la SAFER : la protection de l’environnement par des mesures agricoles adaptées

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 22-22.488, FS-B N° Lexbase : A44055PT

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N0061B3N

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

Le 20 Août 2024

► Selon l'article L. 143-2, 8°, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, l'exercice du droit de préemption institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural peut avoir pour objet la protection de l'environnement, principalement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application de ce code ou du code de l'environnement. Si la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées constitue le moyen privilégié pour atteindre l'objectif environnemental poursuivi par l'exercice du droit de préemption, cet usage n’est pas impératif.

Une SCI, ayant pour projet de créer, dans une gravière désaffectée, une exploitation aquacole a décidé l'acquisition des terrains en nature de plans d'eau. Les projets de vente ont été notifiés à la SAFER, laquelle a exercé son droit de préemption sur ces derniers. La SCI a assigné la SAFER, contestant le bien-fondé de l’exercice du droit de préemption. Le tribunal judiciaire a annulé la décision de préemption du 9 juin 2017 au motif que l'exercice du droit de préemption n'était pas suffisamment motivé ni justifié, les objectifs environnementaux poursuivis ne constituant pas un projet, mais seulement un avant-projet, sans réalisation des études correspondantes. La SAFER a interjeté appel.

Par décision du 7 septembre 2009, la cour d’appel d’Agen, confirme le jugement critiqué au motif que  le droit de préemption en litige a été exercé conformément à l'article L. 143-2-8° du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L2840KIZ, dans un but de protection de l'environnement par prise en compte des nécessités d'irrigation des terres agricoles du fait de la baisse de niveau de l'Adour, et par conséquent avec intégration d'un but agricole, et ce conformément à la stratégie mise en œuvre par l'Institution Adour. 

La SCI a formé un pourvoi.

Question. Faut-il que le droit de préemption de la SAFER exercé en application de l’article L. 143-2,8° du Code rural et de la pêche maritime vise la réalisation d’un projet écologique spécifique approuvé par l’État ou les collectivités locales et leurs établissements publics pour être valable ?

Enjeu. Dans l’affirmative, alors la SAFER ne peut exercer son droit de préemption sur ce fondement, dès lors qu’aucun projet concret n’est pas encore établi.

Réponse de la Cour de cassation. En application de l'article L. 143-2, 8°, du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, la mise en oeuvre de pratiques agricoles adaptées constitue le moyen privilégié pour atteindre l'objectif environnemental poursuivi par l'exercice du droit de préemption, mais ce texte ne rend pas impératif l'usage de ce moyen.

Ainsi, la cour d'appel a constaté que les décisions de préemption, expressément fondées sur l'article L. 143-2, 8°, du Code rural et de la pêche maritime, décrivaient les biens préemptés, constitués en majeure partie d'excavations en nature de lacs, et mentionnaient que la SAFER avait été sollicitée par un établissement public interdépartemental désireux de poursuivre sur ce site sa politique d'intérêt général dans le cadre d'une gestion intégrée pour y développer sa fonction hydrologique au moyen d'un soutien d'étiage de l'Adour et sa fonction écologique par l'aménagement d'une zone de réserve et de quiétude, ainsi que par une association d'irrigants désireux eux aussi de réalimenter l'Adour en période d'étiage. Elle a ajouté que ces décisions précisaient que cette ressource en eau permettrait de sécuriser le débit de la rivière pour des usages non seulement agricoles mais aussi pour d'autres acteurs économiques locaux. Par conséquent, la cour d’appel a pu retenir qu'il s'agissait, non de motifs types, mais de motifs expliquant l'exercice du droit de préemption par des données concrètes et objectives relatives aux propriétés dont la cession est envisagée.

La cour d’appel a également constaté que, par courrier du 19 janvier 2017, la directrice régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement avait, compte tenu des enjeux liés à la biodiversité et aux milieux naturels, émis un avis favorable à la préemption, sous réserve de mettre en place un cahier des charges environnemental à respecter par le futur acquéreur et de réaliser des études complémentaires sur les projets de pompage de la gravière pour réalimenter l'Adour à l'étiage. Enfin, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, il n'était plus nécessaire que le droit de préemption exercé sur le fondement de l'article L. 143-2, 8°, du Code rural et de la pêche maritime vise la réalisation d'un projet écologique spécifique approuvé par l'État ou les collectivités locales et leurs établissements publics.

En l’espèce, une convention de concours technique avait été signée le 3 octobre 2009 entre l'Institution Adour, établissement public territorial de bassin, et la SAFER pour permettre l'échange d'informations sur les ventes immobilières projetées ou en cours, et que l'Institution Adour avait établi une étude détaillée sur le projet de réhabilitation du site. Par conséquent, la cour d’appel a pu en déduire que le droit de préemption, visant un but de protection de l'environnement par prise en compte des nécessités d'irrigation des terres agricoles du fait de la baisse de niveau de l'Adour, avec intégration d'un but agricole, avait été exercé conformément à la stratégie mise en œuvre par l'Institution Adour. Il importait peu qu'un projet concret n'ait pas encore été établi.

Les décisions relatives aux décisions de préemption de la SAFER fondées sur l'article L. 143-2, 8°, du Code rural et de la pêche maritime sont peu nombreuses. Avant la loi « d’avenir » n° 2024-1170 du 13 octobre 2014 N° Lexbase : L4151I4I, la Cour de cassation avait jugé que la décision de préemption litigieuse devait comporter des indications concrètes constitutives du descriptif d'un projet susceptible de répondre aux objectifs à atteindre. À défaut la décision de préemption était nulle (Cass. civ. 3, 28 septmbre 2011, n° 10-15.008, FS-P+B N° Lexbase : A1293HYK).

Par l’arrêt du 11 juillet 2024, la Cour de cassation assouplit sa jurisprudence en considérant que l’exigence d'un projet concret n’est plus de mise, en considérant désormais qu’il importe peu qu’un projet concret soit établi au jour de décision de préemption de la SAFER, l’exigence de la réalisation d’un projet écologique spécifique approuvé par une personne morale publique n’étant pas une condition de validité du droit de préemption.

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : Le droit de préemption de la SAFER, spéc. La protection de l'environnement, in Droit rural (dir. Ch. Lebel) Lexbase N° Lexbase : E8761E9D.

 

 

newsid:490061

Fiscalité du patrimoine

[Jurisprudence] À propos de la réduction et de l’exonération ISF-PME

Réf. : CA Riom, 16 janvier 2024, n° 21/02548 N° Lexbase : A08422GB

Lecture: 17 min

N9059BZK

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public (IDPS) - Université de Sorbonne Paris Nord

Le 02 Août 2024

Mots-clés : ISF • patrimoine • réduction ISF-PME • entreprises • holdings animatrices

Deux contribuables bénéficient de la réduction d’ISF prévue à l’article 885-0-V-bis du CGI N° Lexbase : L1404IZZ (souscription directe au capital des PME, réduction correspondant à 75 % des versements, mais plafonnée à 50000 euros). Ils bénéficient encore de l’exonération d’ISF de la valeur des titres reçus en contrepartie de leur souscription (CGI, art. 885 I ter N° Lexbase : L3945KWZ). Plus précisément, ils ont effectué une souscription à l’augmentation du capital de deux sociétés : la SAS Finaréa Oméga et la SAS Finaréa Alpha. Ces deux sociétés ont pour objet l’exercice d’une activité de gestion et d’animation des participations prises dans des sociétés éligibles au dispositif de la loi TEPA (loi n° 2007-1223, du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8). L’administration remet en cause la réduction au titre de l’ISF (CGI, art. 885-0-V-bis du CGI) et l’exonération d’ISF (CGI, art. 885 I ter) ; s’ensuivent une proposition de rectification puis un avis de recouvrement d’un montant de 18 463 euros.


 

 

Contentieux. Le TJ du Puy-en-Velay prononce – par un jugement en date du 23 novembre 2021 – la nullité de la procédure fiscale diligentée et condamne l’État au titre des dispositions de l’article 700 du CPC N° Lexbase : L5913MBM. Saisine de la CA de Riom il y a par l’État ; cette dernière infirme le jugement.

Avant de se pencher sur la substance de l’arrêt d’appel, quelques précisions inhérentes à l’application des dispositions mentionnées en amont. En vertu de l’article 885-0-V-bis du CGI, est institué un mécanisme de réduction d’impôt – la réduction ISF-PME – constituant une aide d’État au sens de l’UE et conforme au droit de l’UE. Sa finalité est de favoriser le financement des PME par des personnes assujetties à l’ISF ; celles-ci, en contrepartie des risques encourus, jouissent d’un avantage fiscal. Les augmentations de capital des deux SAS (12 000 euros pour chacune) ont bien été réalisées. Toutefois, l’administration estime que ces deux sociétés ne méritent pas la qualification de « holding animatrices » au moment où sont réalisées les souscriptions.

Deux points retiennent l’attention dans cette décision de la CA de Riom : la régularité de la procédure de redressement, le bien-fondé de la mesure de redressement.

La régularité de la procédure de redressement

La CA rappelle, de prime abord, les obligations qui échoient à l’administration afin que les droits des contribuables soient garantis. Dans l’hypothèse où l’administration conteste la régularité ou la réalité d’opérations de souscription déclarées à des fins de réduction fiscale, elle doit informer le contribuable - préalablement à la mise en recouvrement de l’impôt – de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers (documents sur lesquels elle se fonde pour fonder la rectification, cf. l’article L. 76 B du LPF N° Lexbase : L7606HEG). Il s’ensuit que le contribuable possède le droit de demander la communication des documents. Par ailleurs, l’administration doit – en vertu de l’article L. 57 du LPF N° Lexbase : L0638IH4 – motiver sa proposition de rectification en fonction des textes juridiques invoqués, des renseignements et documents produits ; la finalité d’une telle disposition est de permettre au contribuable de formuler des observations avant la mise en recouvrement. Au-delà de telle ou telle prescription, une « obligation générale » s’impose à l’administration : faire circulation – avant la mise en recouvrement – « un seuil suffisant d’informations pour documenter les faits sur lesquels elle base sa décision ». C’est ce grief que les contribuables invoquent à l’encontre de l’administration ; ils lui reprochent de ne pas avoir organisé une circulation idoine de l’information, la réponse du service étant jugée insuffisamment motivée. Au contraire, l’administration estime que les contribuables ont eu accès à toutes les informations nécessaires et privilégiées pour défendre leur cause. Leur qualité même d’actionnaires implique un libre accès aux informations. Ils ont ainsi pu exercer leur droit de défense via des « observations détaillées et circonstanciées ».

De plus, la CA de Riom énonce nombre d’éléments de documentation/renseignements fournis par l’administration aux contribuables : état individuel adressé par chaque société au capital de laquelle les contribuables ont souscrit … rappel du droit applicable suivant lequel une PME doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine immobilier … position de la doctrine administrative assimilant une holding animatrice d’un groupe de PME à une société opérationnelle (donc droit à réduction et à exonération d’ISF, sous réserve du caractère exclusif de cette activité opérationnelle) … rappel de la différence entre « holding passive » et « holding animatrices » … rappel de la définition de la « holding animatrice » (entendue comme celle participant activement à la conduite de la politique et au contrôle de ses filiales, leur rendant si nécessaire des services spécifiques à titre purement interne au groupe, utilisant sa participation dans le cadre d’une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques) … rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation permettant d’appliquer cette tolérance administrative aux seules sociétés faisant partie d’un groupe de sociétés et d’assimiler les « holdings animatrices » à des sociétés opérationnelles éligibles au mécanisme de réduction d’ISF … rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation quant au caractère animateur de la holding ( il doit être prouvé par la matérialité et l’effectivité du schéma institué au plus tard le jour du fait générateur) … rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation quant à la preuve de l’animation du groupe par une société (sa participation active à la conduite de la politique et au contrôle des filiales est essentiellement une question de fait, et ne se limite pas à l’édiction d’actes juridiques) … rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation quant aux moyens réputés suffisants pour définir la politique d’ensemble du groupe et prendre les décisions stratégiques obligatoires pour les filiales (cf. notamment le rôle essentiel du dirigeant en la matière).

Selon l’administration, la SAS Finaréa Oméga ne remplit pas les conditions pour être qualifiée de holding animatrice. Lors du versement de la souscription au capital en 2009 – condition pour bénéficier de la réduction d’ISF au titre de l’article 885-0-V bis du CGI – les critères posés par la doctrine administrative n’étaient en effet pas respectés. Le bénéfice du régime des holdings animatrices est réservé aux sociétés dont l’actif est « principalement composé de participations » ; or, elle ne détenait aucune participation en 2009 (date d’appréciation pour que reçoive application l’article 885-0-V bis du CGI). S’agissant de la SAS Finaréa Alpha, sa prise de participation dans une société opérationnelle repose sur : la conclusion d’un pacte d’associés et d’un contrat d’animation lors de l’entrée au capital … sa représentation dans la société opérationnelle dans laquelle elle a investi via un « gérant de participation ». Cependant, à la lecture de ces conventions (« analysées en détail dans la proposition de rectification » précise la CA), il appert que la SAS Finaréa Alpha ne pouvait pas définir la politique d’ensemble des sociétés visées ni prendre de décisions stratégiques relatives à leur fonctionnement et leur activité. La chose semble impossible au juge dans la mesure où SAS Finaréa Alpha détenait une participation minoritaire, était porteuse seulement d’un droit de véto au conseil de direction. Elle pouvait certes – par ce moyen – vérifier si la politique menée était conforme à ses intérêts et ceux de ses actionnaires ; rien de plus. À l’aune de tels éléments, la CA estime que l’administration a utilisé – pour arrêter sa décision contestée – « un ensemble de renseignements et de documents administratifs, de jurisprudences et de documents internes (…) parfaitement identifiés ». Les contribuables y avaient librement accès. Nonobstant leurs assertions et la position du TJ, l’administration pouvait s’abstenir d’établir une liste des pièces obtenues lors de la vérification de la comptabilité des sociétés. D’ailleurs – ajoute la CA – aucune disposition légale ou réglementaire n’impose de telles obligations ; l’administration a pour seule obligation d’invoquer les éléments et documents utilisés pour soutenir la motivation par elle développée. La discussion survenue entre l’administration et les contribuables est réputée ne pas avoir été viciée et ne pas avoir emporté violation de leurs droits. Lors de la procédure administrative de redressement est advenu un « dialogue normalement contradictoire », sans qu’existe une circulation carentielle de l’information préjudiciable aux contribuables. Il ne saurait être formulé à l’encontre de l’administration un autre grief, celui de ne pas avoir adressé d’éléments à décharge : dans sa proposition de rectification et lors du débat contradictoire, elle peut se contenter d’avancer les seuls éléments venant à l’appui de ses assertions. La CA infirme le jugement du TJ en ce qu’il a prononcé la nullité de la procédure fiscale.

Le bien-fondé de la mesure de redressement

Avant de statuer sur le sort des parties en présence – et de cogiter sur la qualité des deux SAS, Finaréa Oméga et Finaréa Alpha – la CA de Riom rappelle la teneur des dispositions applicables au litige. En vertu de l’article 885-0-V-bis du CGI, un contribuable peut bénéficier d’une réduction d’ISF à concurrence de 75 % du montant de son investissement lorsque ce dernier consiste en la souscription au capital d’une petite ou moyenne entreprise. Encore faut-il que celle-ci exerce exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et qu’elle se trouve « en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion (cf. les lignes directrices – 2006/C 194/02 - relatives aux aides d’État). Autre article du CGI visé : l’article 885 I ter qui exonère d’ISF les titres reçus en contrepartie d’une souscription au capital initial – ou aux augmentations de capital – de PME qui remplissent une condition d’activité mentionnée à l’article 885-0-V-bis. Mérite d’être assimilée à ce type de société une société qui a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe, ainsi qu’au contrôle des filiales-PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale ; encore faut-il qu’elle se trouve « en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion » et qu’elle réalise, « le cas échéant et à titre purement interne », la fourniture de services spécifiques, administratifs, comptables, financiers et immobiliers. Par la négative, il ne saurait y avoir éligibilité à l’article 885-0-V-bis du CGI pour une société holding ne contrôlant pas une filiale opérationnelle ; dans cette configuration, la holding n’est pas animatrice et ne peut être assimilée aux PME visées par cet article 885-0-V-bis. Si une société holding procède à des prises de participation dans des sociétés opérationnelles, elle mérite la qualité de holding animatrice seulement si sa participation active à la conduite de la politique du groupe est effective. En d’autres termes, il ne suffit pas que soient constatés un pouvoir d’animation découlant de la structure instaurée et des moyens permettant d’animer la filiale ; de la structure à l’effectivité en quelque sorte… C’est à l’aune de ces principes que la situation des deux sociétés visées dans le contentieux - Finaréa Oméga et Finaréa Alpha – doit être lue.

Voyons tout d’abord la situation de la SAS Finaréa Oméga. Selon l’administration, elle ne peut pas être qualifiée de « holding animatrice » ; elle ne serait donc pas éligible à la réduction ISF-PME (CGI, art. 885-0-V-bis). Les contribuables rappellent que l’objet social de cette SAS est la prise de participation dans des jeunes PME et l’animation de ces participations. A ainsi été institué un mécanisme lui permettant d’assumer un « rôle actif et stratégique » dans les PME visées : sont désignés des membres de son comité d’investissement – cf. les personnes « particulièrement qualifiées » présentes – percevant des jetons de présence à raison du travail d’analyse fourni (analyse de dossiers PME et sélection d’investissement). À titre d’exemple, il est fait mention de la sélection d’une PME (C. P.) en décembre 2009. La CA de Riom n’est pas convaincue par la chose et reprend l’argumentation de la DGFP : au jour du fait générateur de l’impôt - date d’appréciation des conditions permettant de jouir des bienfaits de la réduction d’ISF au sens de l’article 885-0-V-bis du CGI - et à la date du 1er janvier 2010 - date d’appréciation des conditions posées pour bénéficier de l’exonération des titres visée à article 885 I ter du CGI - la SAS Finaréa Oméga n’a pris aucune participation dans une société opérationnelle. L’investissement au cœur du présent contentieux a été réalisé dans une société qui était certes en phase de recherches d’investissement mais qui n’était pas éligible à l’avantage fiscal. Une société holding ne contrôlant pas une filiale opérationnelle ne mérite pas la qualité d’animatrice ; elle ne peut donc pas être assimilée aux PME auxquelles est applicable l’article 885-0-V-bis du CGI. Les contribuables sont ainsi déboutés de leur demande.

Voyons maintenant le sort de l’autre société, la SAS Finaréa Alpha. Les contribuables ont procédé à un versement au profit de cette société en mai 2010, à savoir postérieurement après son entrée au capital de deux autres sociétés. La CA de Riom opère un renversement du fardeau probatoire : il revient aux contribuables de « démontrer factuellement « que la société holding ne se contente pas de gérer un portefeuille de titres. Ils doivent prouver que leur société assume « de manière effective et vérifiable des relations de contrôle, de gestion et d’animation d’un ensemble de filiales constitué de PME ». Les contribuables développent une longue argumentation à l’appui de leurs prétentions, tentant de démontrer l’existence « effective et vérifiable » de telles relations. Ils invoquent les points suivants : l’objet social même de la SAS Finaréa Alpha (prise de participation dans de jeunes PME (animation-implication dans la gestion, « coaching actif » via des entrepreneurs confirmés) … l’apport d’un savoir-faire non possédé par les fondateurs des PME (projection stratégique à 5 ans minimum, plan d’action présentable à un comité d’investissement) … la création (cf. les statuts) d’un comité d’investissement composé de « personnes particulièrement qualifiées » et réalisant un travail d’analyse des dossiers des PME et de sélection des investissements … l’obligation, pour les fondateurs des PME, de reprendre le modèle de statuts types avec transformation en SAS … l’obligation, pour les fondateurs des PME, d’accepter un contrat d’animation détaillant les prestations fournies en contrepartie d’une rémunération et d’un pacte d’actionnaires type … aucune décision importante ne peut être prise sans l’accord de la holding (cf. la création d’un conseil de direction validant toutes les décisions stratégiques, avec voix prépondérante de la holding) … l’aval de la holding est nécessaire pour chaque dépense réalisée. Un ultime argument est avancé par les contribuables « l’esprit des actes préparés en amont de l’investissement ». En vertu de cet esprit, la SAS Finaréa Alpha entendait « s’assurer qu’elle aurait les moyens de jouer un rôle actif à l’égard des PME, qu’elle pourrait conseiller et assister leurs dirigeants fondateurs et leur apporter toute l’expertise de ses acteurs ». Il ne fait pas de toute – dans l’esprit des contribuables – que la SAS Finaréa Alpha a effectivement assumé ses missions en oeuvrant stratégiquement au profit des PME, et cela « avant même la présentation du dossier au comité d’investissement ». Elle l’a fait via ses recommandations, via la fixation d’un calendrier, en « imposant sa présence dans les organes de direction », en participant aux nombreuses réunions organisées avec les dirigeants fondateurs.

La CA de Riom ne s’avère pas convaincue. Elle constate la participation minoritaire de la SAS Finaréa Alpha dans des PME, « fait qui témoigne au moins d’une absence de contrôle de droit sur les sociétés opérationnelles ». Un « faisceau d’éléments » vient renforcer le sentiment du juge : à la date des versements réalisés, la SAS Finaréa Alpha jouait seulement un rôle d’investisseur. Il n’est point avéré – et démontré – qu’elle possédait alors de moyens propres (cf. des salariés, du matériel). Il convient, par ailleurs, de se pencher sur le pacte d’associés qui opère une césure entre investisseurs (la SAS Finaréa Alpha) et les entrepreneurs (les associés historiques). Or, il ressort que « les dirigeants de la société opérationnelle entendaient maîtriser la conduite de la stratégie de développement de la filiale et conserver le pouvoir final de décision » (cf. les termes mêmes du pacte, la composition et les règles de vote du conseil de direction). Certes, reconnaît la CA, il existe une exception et elle vise – ce qui n’est pas de peu – « les choix financiers d’une certaine importance ». Cependant, la convention d’animation pose seulement le cadre de la mise en œuvre des prestations de services fournies par la SAS Finaréa Alpha ; ne lui est pas conféré « un rôle de contrôle effectif ou d’animation réelle ». La CA de Riom ne trouve aucun élément de nature à prouver que la SAS Finaréa Alpha impulsait concrètement – au moment de la souscription par les contribuables – la stratégie des sociétés opérationnelles ou qu’elle en contrôlait la mise en œuvre. Les contribuables ne fournissent pas de documents probants (comptes-rendus de réunions, PV d’AG, rapports de gestion), à savoir toute pièce démontrant « l’implication déterminante réelle de la société Finaréa dans les décisions stratégiques ». La CA de Riom souligne combien il importe d’aller « au-delà de la qualification du contrat d’animation et du dispositif décrit à travers les conventions conclues ». C’est cela sans nul doute qu’il convient de retenir de cet arrêt : le formalisme et « l’esprit » ne constituent pas des éléments probatoires substantiels. Ce qui importe est la réelle mise en œuvre des moyens d’animation des filiales et la participation à la conduite de la politique du groupe.

Ultime requête des contribuables, rejetée : ils demandent à la CA de poser trois questions préjudicielles à la CJUE sur le fondement de l’article 267 du TFUE. La première question préjudicielle porte sur l’article 885-0-V-bis du CGI ; or, constate, la CA, la CJUE (cf. sa décision du 11 mars 2008) a estimé que l’article 885-0-V-bis du CGI ne fausse pas les règles de la concurrence en Europe. La seconde question préjudicielle vise la jurisprudence de la Cour de cassation et sa distinction entre « sociétés holdings pleinement animatrices d’un groupe » (et donc éligibles à la réduction ISF-PME) et celles qui ne le sont point. Sans faire œuvre pédagogique, la CA estime qu’il n’est pas nécessaire de se tourner vers la CJUE, et ce sur le fondement de la théorie de la jurisprudence claire : ne s’impose pas « un recours supplémentaire d’éclaircissement du droit applicable ». L’ultime question préjudicielle est centrée sur la possibilité, pour un contribuable, de réclamer la communication de rescrits délivrés à un autre contribuable : la CA se contente de répondre qu’une « telle communication serait sans intérêt » pour l’issue du présent litige.

Le jugement du TJ du Puy-en-Velay est infirmé. Les contribuables sont déboutés de toutes leurs demandes (et sont condamnés sur le fondement des articles 699 N° Lexbase : L0421ITR et 700 du CPC).

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Protection sociale

[Brèves] RSA : la consultation de la commission de recours amiable constitue une garantie pour l’allocataire

Réf. : CE, 1re ch., 23 juillet 2024, n° 475922, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A34375TH

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N0165B3I

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par Laïla Bedja

Le 03 Septembre 2024

► La circonstance que le législateur ait entendu permettre à chaque département, agissant par voie de convention avec l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active, de déterminer les hypothèses dans lesquelles les réclamations dirigées contre des décisions relatives au revenu de solidarité active sont soumises pour avis à la commission de recours amiable de cet organisme, n'a pas pour effet de retirer à la consultation de cette commission, eu égard à sa nature et à sa composition, le caractère d'une garantie apportée, lorsqu'elle est prévue, au bénéficiaire du revenu de solidarité active.

Faits et procédure. Par une décision du 9 avril 2021, une caisse d’allocations familiales a décidé la récupération d’une somme correspondant à un indu de revenu de solidarité active et d’aide exceptionnelle de fin d’année. L’allocataire demande l’annulation de cet indu ainsi que le rétablissement de l’allocation.

Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, elle a formé un pourvoi devant le Conseil d’État.

Décision. Énonçant la solution précitée, le Conseil annule le jugement du tribunal. Le tribunal administratif a commis une erreur de droit en déduisant de ce qu'il appartient au département, lequel doit en vertu de l'article L. 262-47 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L6636I7W être saisi préalablement à tout recours contentieux contre un indu de revenu de solidarité active, d'arrêter la position définitive de l'administration en la matière, que le défaut de consultation de la commission de recours amiable ne pouvait être regardé comme privant l'intéressée d'une garantie.

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