Le Quotidien du 1 août 2024

Le Quotidien

Baux commerciaux

[Brèves] Clause résolutoire : les limites de l'absence d'autorité de la chose jugée au principal de l'ordonnance de référé

Réf. : Cass. civ. 3, 11 juillet 2024, n° 23-16.040, F-D N° Lexbase : A77285QB

Lecture: 5 min

N0090B3Q

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par Vincent Téchené

Le 31 Juillet 2024

► Lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui, saisie au fond, constate que ces délais n'ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux.

Faits et procédure. La propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail a délivré à sa locataire un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire stipulée au bail, avant de l'assigner devant le juge des référés en constatation de l'acquisition de cette clause et en expulsion.

Une ordonnance a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et en a suspendu les effets au respect par la locataire de l'apurement de sa dette locative selon un échéancier.

Invoquant un non-respect des délais de paiement, la bailleresse a délivré à la locataire un commandement de quitter les lieux. Un arrêt sur appel d'un jugement du juge de l'exécution a rejeté la demande de la locataire en annulation de ce commandement.

La locataire a assigné la bailleresse devant un tribunal judiciaire aux fins de voir annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire ou subsidiairement d'obtenir de nouveaux délais de paiement rétroactifs, de dire n'y avoir lieu à résiliation du bail et d'obtenir des dommages-intérêts.

Ces demandes ayant été rejetées (CA Aix-en-Provence, 2 mars 2023, n° 20/00945 N° Lexbase : A90269GE), elle a formé un pourvoi en cassation

Décision. La troisième chambre civile rappelle qu’il résulte de l'article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE que, lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui, saisie au fond, constate que ces délais n'ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux (v. déjà, Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6457A7B ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B N° Lexbase : A8054EAK).

Or, en l’espèce la cour d'appel :

  • a, d'abord, exactement énoncé que, si le juge du fond, sur le fondement de l'article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE, peut accorder rétroactivement des délais de paiement au locataire, suspendre les effets de la clause résolutoire et dire qu'elle n'a jamais produit ses effets après avoir constaté que les paiements intervenus ont permis l'apurement de la dette locative au jour de l'audience, ce n'est qu'à la condition que le locataire n'ait pas déjà obtenu des délais en référé ;
  • a, ensuite retenu que les délais impartis par l'ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire, n'avaient pas été respectés par la locataire.

La Haute juridiction en conclut que la cour d’appel en a exactement déduit que la clause résolutoire était acquise et qu'elle ne pouvait octroyer de nouveaux délais de paiement même à titre rétroactif.

Observations. Une ordonnance de référé n'a pas, au principal, autorité de chose jugée (CPC, art. 488 N° Lexbase : L2728ADE). La question s'est posée de la possibilité pour un juge du fond de remettre en cause une décision du juge des référés constatant la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire ou ayant suspendu ses effets en accordant un échéancier.

Toutefois, l'absence d'autorité de chose jugée au principal de l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire, et suspendant ou non ses effets sous réserve des délais fixés, connaît un tempérament et une exception.

D'une part, si l'ordonnance de référé constatant l'acquisition d'une clause résolutoire n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'impose pas au juge saisi au fond aux mêmes fins, elle s'impose, en revanche, si elle est devenue définitive, au juge du fond statuant dans une instance ayant un objet distinct, par exemple, l'opposabilité au bailleur de la cession du fonds intervenue postérieurement à l'ordonnance ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire (Cass. civ. 3, 9 janvier 1991, n° 89-13.790, publié au bulletin N° Lexbase : A0272ABP ; Cass. civ. 3, 25 février 2004, n° 02-12.021, FS-P+B N° Lexbase : A3756DBQ).

D'autre part, le juge du fond sera, également, lié par une ordonnance constatant l'acquisition de la clause résolutoire mais qui suspend ses effets sous réserve du respect des délais qu'elle fixe en ce sens qu'il ne pourra pas, à défaut du non-respect de ces délais, suspendre à son tour les effets de la clause résolutoire en accordant de nouveaux délais (Cass. civ. 3, 14 octobre 1992, n° 90-21.657, publié au bulletin N° Lexbase : A3299AC8 ; Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6457A7B ; Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B N° Lexbase : A8054EAK, J. Prigent, in Chron., Lexbase Affaires, octobre 2008, n° 324 N° Lexbase : N4986BH7).

Les arrêts du 2 avril 2003 et du 15 octobre 2008, comme la décision rapportée du 11 juillet 2024, ont été rendus au visa de l'article L. 145-41 du Code de commerce. Ce texte semble fonder l'exception que cette solution représente par rapport à l'absence d'autorité au principal de l'ordonnance de référé.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, La résiliation du bail commercial, La modification du délai octroyé par le juge lors de la suspension des effets de la clause résolutoire, in Baux commerciaux (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E7160ASY.

 

newsid:490090

Santé

[Brèves] Gardasil 9 : rejet du recours pour la suspension de la campagne de vaccination dans les collèges

Réf. : CE, 1re ch., 25 juillet 2024, n° 493110, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A71555T8

Lecture: 3 min

N0164B3H

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par Laïla Bedja

Le 11 Septembre 2024

► En l'état des connaissances scientifiques (moyen de lutte avéré contre le virus du papillomavirus humain (HPV) et bon profil sécurité), l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de mise en place d’une campagne nationale de vaccination dans les collèges méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 1110-5 du Code de la santé publique, en ce que la vaccination contre les papillomavirus humains ne serait pas nécessaire et présenterait des risques pour la santé humaine et en ce que « la balance entre les bénéfices et les risques serait négative » ;

Par ailleurs, le principe de précaution tel qu’il est garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement ne peut utilement être invoqué, la décision de mise en place d’une campagne n’affectant pas l’environnement ;

Enfin, plusieurs courriers et dépliants informant les familles sur la campagne de vaccination, sur les papillomavirus humains et leurs dangers ainsi que les effets secondaires de la vaccination, le moyen tiré de ce que les modalités d'organisation de la campagne de vaccination portent atteinte au droit à l'information et à un consentement libre et éclairé des représentants légaux des élèves concernés par cette campagne, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du Code de la santé publique, ne peut qu'être écarté.

Faits et procédure. L’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M) a demandé au ministre de la Santé et de la Prévention, par courrier du 25 avril 2023, de mettre en place un « moratoire » sur la campagne nationale de vaccination contre les papillomavirus humains dans les collèges et d'ordonner « la mise en œuvre d'études indépendantes par des équipes d'experts incluant notamment des spécialistes de la toxicité des adjuvants aluminiques afin de lever les doutes sur la toxicité du Gardasil », ainsi que « la levée du secret industriel sur la composition exacte » du Gardasil 9. La demande doit être regardée comme dirigée contre l’instruction du 19 juin 2023 par laquelle le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le ministre de la Santé et de la Prévention ont précisé les modalités d’organisation et de suivi de la campagne nationale de vaccination.

Par une ordonnance du 2 avril 2024, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’État la requête de l’association.

Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette la requête (CSP, art. L. 1111-5 N° Lexbase : L9647KXL et L. 1111-2 N° Lexbase : L4848LWH).

Dans une précédente instance, la même association avait demandé la suspension de la campagne par la voie du référé. Le Conseil d’État, avec des arguments similaires, avait rejeté le recours (CE, 1e-4e ch. réunies, 9 février 2024, n° 476102, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A16112MM).

newsid:490164

Social général

[Veille] Révisions CRFPA : tableau récapitulatif des arrêts importants en droit du travail (2023-2024)

Lecture: 46 min

N0111B3I

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par Stéphane Vernac, Professeur de droit privé à l'Université de Picardie Jules Verne et Directeur scientifique de la Revue Lexbase Social

Le 31 Juillet 2024

Mots-clés : CRFPA • examen • révisions • avocat • droit du travail

Pour cette dernière revue estivale, nous adressons nos encouragements à celles et ceux qui préparent l'épreuve de droit social du CRPFA et proposons une recension non exhaustive des arrêts importants en droit du travail pour leurs révisions. Bonne préparation !


 

Thème de l'arrêt

Arrêt

Extrait

Résumé

Clause de non-concurrence

Cass. soc., 24 janvier 2024, n° 22-20.926, F-B N° Lexbase : A71272G3

« La violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation. »

En cas de violation par un salarié des obligations issues d'une clause de non-concurrence, il perd le bénéfice de la contrepartie financière jusqu'au terme de la période de non-concurrence. L'employeur est dispensé de prouver la durée de la violation.

Clause de non-concurrence

Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-17.036, FS-B N° Lexbase : A72595CT

« La cour d'appel, qui ne pouvait réduire le champ d'application de la clause de non-concurrence dès lors que seule sa nullité était invoquée par le salarié, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision. »

« Lorsqu'une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence illicite peut prétendre au paiement d'une indemnité en réparation du fait que l'employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle.

[…]. Il en résulte que l'employeur n'est pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui a été respectée. […]

Toutefois, l'employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s'est effectivement appliquée, est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie. »

1° Confronté à une clause de non-concurrence nulle, seul le salarié est fondé à en demander la nullité ou, s'il le préfère, à solliciter la modération de clauses excessives (réduction du périmètre spatial, temporel, professionnel). Un juge ne peut pas réduire le champ d'application d'une clause de non-concurrence à la demande de l'employeur dès lors que seule sa nullité est invoquée par le salarié.

2° En principe, la nullité de la clause peut causer un préjudice au salarié (ce préjudice n'est cependant pas présumé). Le salarié conserve la contrepartie financière. Par exception, si l'employeur prouve que le salarié a violé une clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s'est effectivement appliquée, il est fondé à solliciter le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie.

Licenciement pour un fait de la vie personnelle

Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218, F-B N° Lexbase : A84155DZ

« En dissimulant cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi. »

Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant du contrat de travail. Le défaut d'information par un salarié exerçant des fonctions de direction sur la relation intime qu'il entretient avec une représentante syndicale peut caractériser un manquement du salarié à son obligation de loyauté et justifier son licenciement pour faute grave. Les salariés doivent ainsi révéler à leur employeur toute situation de conflit d'intérêts en rapport avec l'emploi et de nature à en affecter l'exercice.

 

Licenciement disciplinaire pour un fait tiré de la vie personnelle du salarié

 

Cass. ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330, publié au bulletin N° Lexbase : A27232A4

« Une conversation privée qui n'était pas destinée à être rendue publique ne pouvant constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, il en résulte que le licenciement, prononcé pour motif disciplinaire, est insusceptible d'être justifié. »

La Cour de cassation jugeait habituellement que les propos qu'un salarié tient dans le cadre d'une conversation de nature privée, tels que ceux diffusés sur son compte Facebook privé et accessibles à un petit nombre de personnes agréées par ce dernier, ne peuvent justifier son licenciement disciplinaire (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, FS-P+B N° Lexbase : A7858X4S).

Désormais, une conversation « destinée à être rendue publique » peut constituer un manquement à une obligation contractuelle. Des propos échangés lors d'une conversation privée avec une collègue au moyen de la messagerie intégrée au compte Facebook personnel du salarié installé sur son ordinateur professionnel constituent une conversation publique qui n'est pas destinée à être rendue publique.

Licenciement disciplinaire pour un fait tiré de la vie personnelle du salarié

Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016, FS-B N° Lexbase : A29592SE

« Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée.

[...] La cour d'appel a d'abord constaté que les messages litigieux s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, qui n'avaient pas vocation à devenir publics et n'avaient été connus par l'employeur que à la suite d’une erreur d'envoi de l'un des destinataires.

[...] l'employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle. »

De messages comportant des propos racistes et xénophobes, envoyés à deux autres salariés à l'aide de la messagerie professionnelle, au sein d'une caisse primaire d'assurance maladie, s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, qui n'avaient pas vocation à devenir publics. Dans cette affaire, la conversation reste privée : sont inopérants les critères tenant à l'utilisation de la messagerie professionnelle, au contenu des messages, au fait que ces messages aient été envoyés à d'autres salariés, au fait que l'employeur a eu accès aux messages suite à une erreur d'envoi de l'un des destinataires.

Droit à la preuve et preuve déloyale

Cass ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648, publié au bulletin N° Lexbase : A27172AU

« Il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

Traditionnellement, la Cour de cassation jugeait qu'est irrecevable la production d'une preuve recueillie à l'insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème (Cass. ass. plén., 7 janvier 2011, n° 09-14.316 et n° 09-14.667, P+B+R+I N° Lexbase : A7431GNK). 

Désormais, procédant à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation assimile le régime de la preuve déloyale à celui de la preuve illicite. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve déloyale ou illicite porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à deux conditions :

  • cette production doit être indispensable à son exercice ;
  • l'atteinte au droit à la vie personnelle d'autrui doit être strictement proportionnée au but poursuivi.

Confirmation :

  • Cass. civ. 2, 6 juin 2024, n° 22-11.736, FS-B+R N° Lexbase : A23885GK (recevabilité d’un enregistrement des propos du gérant pour prouver une altercation verbale à l'appui de la demande du salarié de reconnaissance d'un accident du travail et de la faute inexcusable de l'employeur) ;
  • Cass. soc.,  2 mai 2024, n° 22-16.603, F-D N° Lexbase : A53025AM (irrecevabilité d'enregistrements de conversations téléphoniques entre le salarié et sa hiérarchie produits par un salarié, jugés non indispensables pour prouver des éléments laissant supposer une situation de harcèlement moral).

Droit à la preuve et preuve illicite

Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 22-18.217 N° Lexbase : A32851KU et n° 21-25.452 N° Lexbase : A33171K3, F-D

« La production des photographies extraites du compte Messenger portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement, a, abstraction faite des motifs justement critiqués par la deuxième branche, mais qui sont surabondants, le grief tiré de la consommation et l'introduction d'alcool au sein de l'hôpital étant établi par d'autres éléments de preuve. »

On se souviendra qu'une preuve peut être illicite :

  • en raison de la violation des règles de surveillance des salariés (Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19.523, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5510379 ; Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263, FS-B N° Lexbase : A45237B7) ;
  • en raison de son contenu, attentatoire à la vie privée. Il en est ainsi de la production d'un extrait du compte Facebook privé d'un salarié (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A41383W8) ou, dans ces affaires, de la production des photographies extraites du compte Messenger d'un salarié. Cette production est jugée recevable au motif que cette production était indispensable à l'exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l'intérêt légitime de l'employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement.

Preuve illicite et faute grave

Cass. soc., 20 décembre 2023, n° 21-20.904, FS-B N° Lexbase : A844319L

« La production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi.


La cour d'appel a, d'abord, constaté que la salariée avait communiqué, au cours de l'instance prud'homale qu'elle avait engagée, des documents qui comportaient le nom des patients, leur pathologie, le nom de leur médecin traitant et la date de l'intervention chirurgicale et qui étaient donc couverts par le secret médical,

[...] ces faits matériellement établis, au regard de leurs conséquences relatives à la mise en cause de la responsabilité de l'employeur et de l'importance du secret médical, rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. »

Une salariée avait communiqué, au cours de l'instance prud'homale, des documents qui comportaient le nom des patients, leur pathologie, le nom de leur médecin traitant et la date de l'intervention chirurgicale et qui étaient donc couverts par le secret médical, l'intéressée étant elle-même, aux termes de son contrat de travail et du règlement intérieur dont elle ne contestait pas avoir eu connaissance, soumise à une obligation de discrétion et de confidentialité au regard des données médicales des patients dont elle avait connaissance au cours de l'exécution de ses missions.

Dans cette affaire, la salariée n'établissait pas que l'absence d'anonymisation de ces pièces et de la suppression des données permettant l'identification des patients était, dans le cadre de l'instance en cause, indispensable pour justifier des fonctions qu'elle exerçait réellement. En conséquence, la Haute juridiction approuve la cour d'appel d'avoir jugé que ces faits matériellement établis, au regard de leurs conséquences relatives à la mise en cause de la responsabilité de l'employeur et de l'importance du secret médical, rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise : le licenciement pour faute grave de la salariée était justifié.

Égalité de traitement

Cass. soc., 24 avril 2024, n° 22-18.031, FS-B N° Lexbase : A781528X

« D'abord, l'indemnité de « cantine fermée » ayant pour objet de compenser la perte, par l'effet de la pandémie, du service de restauration d'entreprise offert aux salariés présents sur les sites de l'entreprise, la cour d'appel a décidé à bon droit que les salariés en télétravail ne se trouvaient pas dans la même situation que ceux qui, tenus de travailler sur site, ont été privés de ce service.

Ensuite, les salariés en situation de télétravail n'ayant pas vocation à fréquenter le restaurant d'entreprise, la cour d'appel en a exactement déduit que la fermeture administrative de ce restaurant en raison de la pandémie n'entraînait pas de charge financière supplémentaire pour les télétravailleurs. »

Si le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise (C. trav., art. L. 1222-9, III N° Lexbase : L2453MIP), une différence de traitement peut être fondée lorsque des salariés ne sont pas placés dans une situation identique. En l'espèce, un accord collectif conclu dans une entreprise au début de la crise sanitaire prévoit notamment une indemnité versée aux salariés dans l’incapacité de bénéficier de la cantine sur leur lieu de travail en raison de la fermeture de celle-ci et ne disposant pas d’une solution alternative. Cette indemnité avait pour objet de venir en substitution du service de restauration collective qui n’était plus offert en raison de la pandémie, l’employeur en a réservé l’attribution aux seuls salariés présents sur le site. Un syndicat assigné l'employeur en référé, afin de faire ordonner, sous astreinte, le versement de la prime à l’ensemble des salariés de l’entreprise contraints de travailler à distance.

La Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel jugeant qu'une indemnité de « cantine fermée » mentionnée dans un accord d’entreprise peut être réservée aux seuls salariés se trouvant « dans la même situation », c’est-à-dire ceux « qui, tenus de travailler sur site, ont été privés de ce service ». Les salariés en télétravail n’étant pas amenés à utiliser le restaurant d’entreprise, il était justifié de les écarter d’une indemnité vouée à « compenser la perte, par l’effet de la pandémie, du service de restauration d’entreprise offert aux salariés présents sur les sites de l’entreprise ».

Exercice irrégulier du droit de retrait

Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-19.849, FS-B N° Lexbase : A72555CP

« Lorsque les conditions de l'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, sans que l'employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien fondé de l'exercice de ce droit par le salarié. »

Lorsque les conditions d'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, l'employeur peut-il procéder à une retenue sur salaire sans saisir préalablement le juge ?

Rappelons que le droit de retrait, posé par l’article L. 4131-1 du Code du travail N° Lexbase : L1463H93, suppose la réunion de deux conditions : le salarié alerte immédiatement son employeur de la situation de travail qu'il estime dangereuse et il doit avoir un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

Droit à congés payés

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340 N° Lexbase : A47891GH, n° 22-17.638 N° Lexbase : A47951GP et n° 22-10.529 N° Lexbase : A47921GL, FP-B+R

« Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail. »

« Il convient en conséquence d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-5 du Code du travail en ce qu'elles limitent à une durée ininterrompue d'un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail. »

« Il y a donc lieu de juger désormais que, lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé. »

1° Les salariés acquièrent des droits à congé payé pendant la suspension de leur contrat de travail même pour cause de maladie non professionnelle, alors que les périodes d’arrêt de travail ne trouvant pas leur cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle n’étaient pas expressément « considérées comme [des] périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé » au sens de l'article L. 3141-5 du Code du travail N° Lexbase : L6944K93 (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340 N° Lexbase : A47891GH).

2° L'article L. 3141-5 du Code du travail devait être partiellement jugé inconventionnel en ce qu'il plafonne à une durée ininterrompue d'un an, la durée pendant laquelle le salarié acquiert des congés payés Le calcul des droits à congés payés ne peut donc pas être limité à la première année de l'arrêt de travail (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638 N° Lexbase : A47951GP).

3° Si la prescription triennale de l'action en paiement de l'indemnité de congé payé - action en l'espèce engagée par une travailleuse ayant obtenu la requalification de sa relation de travail en contrat de travail -  a pour point de départ l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, c'est à la condition que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529 N° Lexbase : A47921GL).

À noter que l'article 37 de la loi n° 2024-364, du 22 avril 2024 N° Lexbase : N9491BZK apporte plusieurs modifications au régime des congés payés :

  • acquisition des droits à congés pendant la période de suspension du contrat de travail (assimilation à du travail effectif) quelle qu'en soit la cause ;
  • nombre de jours acquis : 2,5 jours de congés par mois de congés payés (salariés en AT/MP), 2 jours de congés par mois de congés payés (accident/une maladie d'origine non professionnelle) ;
  • plafond annuel de congés : 30 jours (AT/MP), 24 jours (accident/une maladie d'origine non professionnelle) ;
  • période de report de 15 jours (à compter de la date de réception par le salarié des informations adressées par l'employeur relatives à son droit à congé payé (exception : date du terme de la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, contrat de travail suspendu depuis au moins un an en raison de la maladie ou de l'accident) ;
  • calcul de l'indemnité de congés payés :  1/10e de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence ;
  • AT/MP : prise en compte des périodes rémunérées en fonction de l'horaire de travail de l'établissement, dans la limite de 80 % de la rémunération associée à ces périodes (accident/une maladie d'origine non professionnelle) ;
  • obligation d'information pesant sur l'employeur :
    • dans le mois qui suit la reprise du travail,
    • sur le nombre de jours dont il dispose,
    • sur la date jusqu'à laquelle ces jours de congés peuvent être pris ;
  • point de départ de la période d'acquisition des congés (rétroactivité) : 1er décembre 2009 ;
  • délai pour agir : si le contrat de travail est en cours d’exécution s'applique un délai de forclusion de deux ans à compter de la publication de la loi (24 avril 2024 jusqu'au 24 avril 2026)  ; si le contrat de travail a pris fin avant l'entrée en application de la loi, la rétroactivité du dispositif est fixée à trois ans (soit la prescription triennale des actions en matière de paiement de salaires.

Temps de travail / Repos entre deux journées de travail

Cass. soc., 7 février 2024, n° 21-22.809, FS-B N° Lexbase : A66142K8 

« Le seul constat que le salarié n'a pas bénéficié du repos journalier de douze heures entre deux services ouvre droit à réparation. »

La violation d'une disposition conventionnelle plus favorable (prévoyant une durée minimale de repos entre deux journées de service de 12h) cause nécessairement un préjudice au salarié.

Convention de forfait en jours sur l'année : insuffisance des dispositions prévues par la convention collective

Cass. soc., 10 janvier 2024, n°  22-15.782, FS-B+R N° Lexbase : A05532DT

« En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du Code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L.3121-64, II, 1° et 2°, du même code, est nulle. »

Dans cette affaire, l'accord collectif du 5 septembre 2003, qui permettait le recours au forfait en jours, n'était pas conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64 du Code du travail N° Lexbase : L7344LHH.

Les juges ont donc vérifié que les dispositions de l'article L. 3121-65 du même code avaient été respectées par l'employeur.  Or, les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés par le salarié, peu important qu'ils aient pu être renseignés par l'intéressé dès lors que ceux-ci doivent être établis sous la responsabilité de l'employeur. Dans ces conditions, il apparaissait impossible à celui-ci de s'assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. De plus, l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation d'organiser avec le salarié un entretien annuel pour évoquer sa charge de travail. Partant, les juges d'appel pouvaient en déduire que la convention individuelle de forfait en jours était nulle.

Convention de forfait en jours sur l'année / Violation par l'employeur des obligations prévues par la convention collective

Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.200, FS-B N° Lexbase : A05642DA 

« En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de contraintes internes à l'entreprise, alors qu'elle avait constaté que, lors de l'entretien réalisé en 2017, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire, que le repos hebdomadaire n'avait pas été respecté à plusieurs reprises en 2018 et que les convocations pour l'entretien pour 2018 n'avaient été adressées qu'en mars 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Aux termes de l'article L. 3121-60 du Code du travail N° Lexbase : L6649K97, dont les dispositions sont d'ordre public, la Cour de cassation rappelle que :

  • l'employeur doit s'assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, obligation qui ne peut être écartée face à de prétendues contraintes d'entreprise ;
  • chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours doit bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale, ainsi que sa rémunération.

En l'espèce, le salarié avait signalé l'impact sérieux de sa charge de travail et le non-respect ponctuel du repos hebdomadaire. Le forfait annuel avait ainsi été dépassé de 25 jours en 2016, puis de 26 en 2017, la direction ayant limité à 166 jours le forfait en 2018, lequel avait été dépassé de 30 jours. Face à de telles défaillances que la cour d'appel avait justifiées par des contraintes internes à l'entreprise, la Cour prononce la cassation au visa des articles L. 3121-60, L. 3121-64, II N° Lexbase : L7344LHH, du Code du travail, et 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la Convention collective nationale des hôtels, cafés-restaurants du 30 avril 1997.

Licenciement pour motif économique / PSE

Cass. soc. 15 mai 2024, n° 22-12.546, FS-B N° Lexbase : A49275B4 et Cass. soc. 15 mai 2024, n° 22-20.650, FS-B N° Lexbase : A49265B3

« Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, de chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification. »

Le contrôle du périmètre de l'obligation individuelle de reclassement prévue par l'article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR relève du pouvoir d'appréciation du juge judiciaire, même en présence d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Il peut contrôler les contours du groupe de reclassement au sens de ce texte, indépendamment du périmètre du groupe retenu dans le plan de reclassement inséré dans le PSE dont le contrôle relève de l'administration et de la compétence du juge administratif. La ligne de partition est claire. Le juge judiciaire n'est donc pas lié, à l'occasion de son contrôle de l'obligation de reclassement individuel (C. trav., art. L. 1233-4) par le périmètre du groupe de reclassement fixé par le document unilatéral fixant le PSE. 

En. revanche, pour les salariés protégés, le Conseil d'État a jugé que « lorsque le licenciement projeté est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, lequel comprend, en application de l'article L. 1233-61 du Code du travail, un plan de reclassement, et que ce plan est adopté par un document unilatéral, l'autorité administrative, si elle doit s'assurer de l'existence, à la date à laquelle elle statue sur cette demande, d'une décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée, ne peut ni apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, procéder aux contrôles mentionnés à l'article L. 1233-57-3 du Code du travail qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande d'homologation du plan. Il ne lui appartient pas davantage, dans cette hypothèse, de remettre en cause le périmètre du groupe de reclassement qui a été déterminé par le plan de sauvegarde de l'emploi pour apprécier s'il a été procédé à une recherche sérieuse de reclassement du salarié protégé » (CE, 22 juillet 2021, n° 427004, publié au bulletin N° Lexbase : A35244ZK). 

PSE / Exception d'illégalité

Cass. soc., 12 juin 2024, n° 23-12.969, FS-B N° Lexbase : A48475HY  

« D'une part […], le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une décision de validation d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi devenue définitive, apprécier, par voie d'exception, la légalité des mesures figurant dans ce plan, en particulier celles déterminant les catégories professionnelles concernées par le licenciement, d'autre part, […] le salarié qui peut saisir le juge administratif pour contester la décision de validation de l'administration et le contenu de l'accord collectif fixant le plan de sauvegarde de l'emploi s'il contient des dispositions discriminatoires de nature à entacher sa validité, n'est en conséquence nullement privé d'un recours juridictionnel effectif. »

Le juge judiciaire ne peut pas apprécier, par voie d'exception, la légalité des mesures d'un PSE déterminant les catégories professionnelles concernées par le licenciement. Le salarié dispose du droit de saisir le tribunal administratif dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir formé contre la décision homologuant ou validant de document unilatéral ou l'accord collectif portant PSE.

Demande de résiliation judiciaire

Cass. soc., 27 septembre 2023, n° 21-25.973, FS-B N° Lexbase : A11581IQ

« L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite tant que ce contrat n'a pas été rompu, quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de la demande. »

Dans cette affaire, une salariée, placée en invalidité en 2009, demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en 2015. La cour d’appel de Paris décide, par un arrêt partiellement confirmatif, de rejeter sa demande pour cause de prescription. La Cour de cassation juge au contraire que l’action en résiliation peut être introduite tant que le contrat de travail n’est pas rompu, quelle que soit la date des faits invoqués par le demandeur. La Cour de cassation avait déjà jugé que le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté en matière de demande de résiliation judiciaire (Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-18.533, FS-B N° Lexbase : A20214YI) ou de prise d'acte (Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 17-31.258, FP-D N° Lexbase : A3573Z44).

On rappellera cependant que, pour être justifiée, une demande de résiliation judiciaire doit reposer sur des manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. On notera néanmoins que si des faits invoqués par la salariée doivent être pris en considération par les juges du fond quelle que soit leur date, pour autant il n'est pas certain (sans qu'il faille l'exclure) que leur examen permette, plusieurs années après, de justifier la demande de résiliation judiciaire (ou la prise d'acte).

Inaptitude du salarié

Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 22-12.833, FS-B N° Lexbase : A33401PE

« L'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement. »

La Cour de cassation juge, à propos d'une erreur du médecin du travail relative au poste occupé par le salarié sur la validité de l'avis d'inaptitude, que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, l'avis s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement.

Rappelons que, selon l'article L. 4624-7, I du Code du travail N° Lexbase : L4459L7B, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur l'avis émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. Ce recours doit être engagé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'avis d'inaptitude. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (C. trav., art. R. 4624-45 N° Lexbase : L2346LUG). Dès lors que l’avis n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions désormais prévues à l’article L. 4624-7 du Code du travail, et qu'il mentionne les voies et délais de recours et n'a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de quinze jours, cet avis s’impose au juge comme aux parties et ne peut plus être remis en cause devant le juge saisi ultérieurement d’une contestation relative au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-23.662, FS-B N° Lexbase : A85248XY ; v. aussi Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 21-22.401, F-B N° Lexbase : A526318G). 

Inaptitude du salarié

Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970, F-B N° Lexbase : A47981GS

« Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement.

L'arrêt constate que l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel et qu'il avait ainsi manqué à son obligation de reclassement. »

Lorsqu'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Il convient de rappeler qu'un accident du travail est défini comme l'accident, quelle qu'en soit la cause, survenu par le fait ou à l'occasion du travail (CSS, art. L. 411-1 N° Lexbase : L4725MHH). Il se caractérise par un évènement soudain, générateur d'une lésion, survenu à l'occasion du travail ou par le fait du travail. Par exception, selon l'article L. 1226-12 du Code du travail N° Lexbase : L7392K9N, pour les cas d’inaptitude consécutive à une maladie ou un accident professionnel, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 N° Lexbase : L8707LGL, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Il y a lieu, à cet égard, de prêter attention aux mentions rédigées par le médecin du travail. Ainsi, l'employeur n'est pas dispensé de son obligation d'effectuer des recherches de reclassement lorsque l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionne que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout maintien du salarié dans un emploi dans « cette entreprise » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-12.970, F-B N° Lexbase : A47981GS ; v. aussi Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356, FS-D N° Lexbase : A66409CW) ou « sur le site » (Cass. soc., 13 décembre 2023, n° 22-19.603, F-B N° Lexbase : A526518I).

Engagement unilatéral à durée déterminée

Cass. soc. 3 avril 2024, n° 22-16.937, F-B N° Lexbase : A34982ZL

« Alors qu'un engagement unilatéral à durée déterminée cesse de produire effet au terme fixé sans que l'employeur soit tenu de procéder à l'information des salariés concernés et des représentants du personnel et qu'il résultait de ses constatations que l'obligation de respecter un délai de deux années entre deux projets concernant l'organisation et le fonctionnement des services était prévue par le bulletin ressources humaines du 28 mars 2013, successivement reconduit jusqu'au bulletin ressources humaines du 20 décembre 2019 ayant mis un terme à cet engagement au 31 décembre 2020, ce dont il résultait que La Poste pouvait mettre en oeuvre un projet de réorganisation en février 2021, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Un engagement unilatéral à durée déterminée cesse de produire effet au terme fixé sans que l'employeur soit tenu de procéder à l'information des salariés concernés et des représentants du personnel.

L'engagement unilatéral prorogé après son terme n'est pas pour autant requalifié en usage.

Accord de substitution

Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-17.195, FS-B N° Lexbase : A49295B8

« Un accord de substitution peut prévoir des dispositions rétroactives à la date de la mise en cause de la convention ou de l'accord antérieur dès lors que ces dispositions ne privent pas un salarié des droits qu'il tient de la loi, notamment des dispositions de l'article L. 2261-14, alinéa 1er, du Code du travail, ou du principe d'égalité de traitement pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord de substitution. »

Rappelons que selon l’article L. 2261-14 du Code du travail N° Lexbase : L1464LKG, les conventions et accords collectifs dont l’application est mise en cause à la suite d’un changement d’activité ou d’une modification de la situation juridique de l’entreprise demeurent en vigueur pendant au moins quinze mois (3 mois de préavis + 12 mois de survie provisoire) à compter de la survenance de l’événement qui les a mis en cause. Toutefois un accord de substitution peut mettre fin au délai de maintien temporaire de la convention ou de l’accord collectif mis en cause et empêcher la garantie de rémunération qui leur est due en application de cette même convention ou de ce même accord.

Si un accord de substitution peut prévoir des dispositions rétroactives à la date de la mise en cause de la convention ou de l'accord antérieur c'est à la condition que ces dispositions ne privent pas un salarié des droits qu'il tient de la loi, notamment des dispositions de l'article L. 2261-14, alinéa 1er, du Code du travail, ou du principe d'égalité de traitement pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de l'accord de substitution.

Comité social

et économique

Cass. soc., 22 novembre 2023, n° 20-23.640, FS-B N° Lexbase : A6637139

« Vu les articles 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 2315-8 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct. »

Le manquement de l’employeur à l’obligation d’information et de consultation du CSE n’est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct.

Comité social

et économique

Cass. soc., 3 avril 2024, n° 22-16.812, FS-B N° Lexbase : A34992ZM

« S'il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d'activités sociales et culturelles, l'ouverture du droit de l'ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l'entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d'ancienneté. »

Il a déjà été jugé que les ASC ne peuvent être attribuées sur la base de critères discriminatoires (par exemple, en fonction de leur appartenance syndicale : Cass. soc., 16 avril 2008, n° 06-44.839, FS-P+B N° Lexbase : A9612D77) ou en fonction de la catégorie professionnelle des salariés (Cass. soc., 20 février 2008, n° 05-45.601, FP-P+B N° Lexbase : A0480D7W). La Cour précise ici que l'ouverture du droit de l'ensemble des salariés à bénéficier des activités sociales et culturelles ne peut pas être subordonnée à une condition d'ancienneté.

Négociation obligatoire à un niveau inférieur à l'entreprise

Cass. soc., 3 avril 2024, n° 22-15.784, FS-B N° Lexbase : A34942ZG

« Un accord collectif négocié et signé aux conditions de droit commun peut définir, dans les entreprises comportant des établissements distincts, les niveaux auxquels la négociation obligatoire visée à l'article L. 2242-1 du Code du travail est conduite. »

Rappelons qu'en vertu de l’article L. 2242-10 du Code du travail N° Lexbase : L7811LGE, un accord dit de méthode peut préciser le calendrier, la périodicité, les thèmes ainsi que les modalités des négociations obligatoires, au niveau du groupe, de l’entreprise ou des établissements distincts. Pour la Cour de cassation, un accord collectif de droit commun peut prévoir dans les entreprises comportant des établissements distincts, que les négociations obligatoires doivent être conduites au niveau de chacune des divisions de l’entreprise et non au niveau de cette dernière.  

Négociation collective - Exception d'illégalité

Cass. soc., 31 janvier 2024, n° 22-11.770, FS-B+R N° Lexbase : A79082HD

« Si un salarié, au soutien d'une exception d'illégalité d'un accord collectif, ne peut invoquer un grief tiré des conditions dans lesquelles la négociation de l'accord a eu lieu, il peut, en revanche, invoquer à l'appui de cette exception le non-respect des conditions légales de validité de l'accord collectif, relatives notamment à la qualité des parties signataires, telles que prévues, pour les accords d'entreprise ou d'établissement, par les articles L. 2232-12 à L. 2232-14 du Code du travail. »

Un salarié peut soulever l'illégalité d'un accord collectif par voie d'exception Selon la Cour de cassation, le non-respect des conditions relatives aux parties à l'accord collectif (par exemple la qualité représentative du syndicat signataire, la condition tenant au score électoral du délégué syndical) peut faire l'objet d'une exception soulevée par les salariés. En revanche, suivant la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 18 mai 2018, n° 414583, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4722XN9), la Cour estime que les griefs tirés des conditions dans lesquelles la négociation de l'accord a eu lieu sont recevables dans le seul cadre de l'action en nullité : l'exception d'illégalité ne doit porter ni sur la forme ou la procédure de négociation ni sur la loyauté de la négociation collective. 

Rappelons que l'illégalité d’un accord peut être soulevée par voie d’exception. Depuis une décision du Conseil constitutionnel de 2018 (Cons. const., décision n° 2018-761 DC, du 21 mars 2018 N° Lexbase : A4835XHK), les salariés peuvent soulever l'exception à l'occasion d'un litige individuel. Il suffit que le salarié invoque la violation d'un droit individuel en application d'une convention collective (par exemple, dans un litige tendant à l'invalidation de la convention individuelle de forfait en jours). La reconnaissance de l’illégalité d’une clause d’une convention ou d’un accord collectif la rend inopposable à celui qui a soulevé l’exception (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, FP-B N° Lexbase : A10467PG).

Ainsi, un CSE est recevable à invoquer par voie d’exception, sans condition de délai, l’illégalité d’une clause d’un accord collectif aux motifs que cette clause viole ses droits propres résultant des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002, FP-B+R N° Lexbase : A10487PI ; Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-20.077, FP-B N° Lexbase : A10467PG). Si en matière d’action en nullité d’un accord collectif, le CSE dispose de la faculté de contester, par voie d’exception, la validité d’un accord dans le cadre d’une action concernant uniquement la défense d’un droit propre, le CSE n’est pas recevable à invoquer, par voie d’exception, l’illégalité de la clause d’un accord de participation qu’il a signé et qui, dans le silence de la loi, a déterminé le mode de calcul des capitaux propres d’une succursale française d’une société étrangère (Cass. soc., 19 octobre 2022, n° 21-15.270, FS-B N° Lexbase : A01978QD). Un syndicat non-signataire peut soulever l’illégalité par voie d’exception d’un accord collectif. Cette possibilité est limitée à la situation dans laquelle l’accord collectif prive un syndicat des droits propres résultant des prérogatives syndicales qui lui sont reconnues par la loi (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-18.442, FP-B+R N° Lexbase : A10607PX).

           

Représentation du personnel / Accord de mise en place ou de modification du périmètre d'une UES

Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-13.672, FS-B+R N° Lexbase : A29562SB

« L’accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le Code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l'article L. 2313-9 du Code du travail, d'un comité social et économique spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone et dont les attributions seront définies par l'accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 à L. 2232-38 du Code du travail. »

Comment qualifier l'accord collectif portant reconnaissance ou modification du périmètre d'une unité économique et sociale ? S'agit-il d'un accord inter-entreprise ? On rappellera que depuis la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016, un article L. 2313-9 N° Lexbase : L8470LGS prévoit la possibilité de mettre en place un CSE interentreprise. Selon la Cour de cassation, l'accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale, dont l'objet est essentiellement de mettre en place un comité social et économique selon les règles de droit commun prévues par le Code du travail, ne constitue ni un accord interentreprises qui permet la mise en place, dans les conditions prévues par l'article L. 2313-9 du Code du travail, d'un comité social et économique spécifique entre des entreprises d'un même site ou d'une même zone et dont les attributions seront définies par l'accord interentreprises, ni un accord interentreprises permettant de définir les garanties sociales des salariés de ces entreprises dans les conditions prévues par les articles L. 2232-36 N° Lexbase : L6664K9P à L. 2232-38 N° Lexbase : L6666K9R du Code du travail.

Quel est l'enjeu ? S'il s'agit d'un accord interentreprise, la représentativité des organisations syndicales, dans le périmètre de l'accord, devait être appréciée sur la totalité des entreprises concernées par le nouveau périmètre de l'unité économique et sociale. La Cour de cassation juge au contraire que l'accord collectif portant reconnaissance d'une unité économique et sociale ne constitue pas un accord interentreprises. En conséquence, dans cette affaire, les employeurs se devaient d'inviter un syndicat à la négociation de l'accord portant révision du périmètre de l'unité économique et sociale, dès lors que celui-ci était représentatif au sein d'une seule des entités constituant l'unité économique et sociale. Peu importe donc le fait que le syndicat, par cumul des voix obtenues au niveau de chacune des entreprises concernées, soit à l'échelle de l'ensemble des entreprises au sein de l'UES, ne franchissait pas le seuil de 10 %.

Révision / Extinction d'un accord collectif

Cass. soc., 4 octobre 2023, n° 22-23.551, FS-B+R N° Lexbase : A03721KY

« Les partenaires sociaux sont en droit de conclure, dans les conditions fixées par l'article L. 2261-7 du Code du travail, un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision. »

Un avenant de révision d'un accord collectif peut mettre fin à un accord. En l'espèce, un accord de révision d'un accord de branche ne proposait aucun contenu à substituer aux accords initiaux. Au contraire, en l'espèce, les partenaires sociaux du secteur de la métallurgie de la Savoie ont conclu un avenant de révision ayant pour objet d'abroger la convention collective territoriale ainsi que l'ensemble des avenants et annexes conclus dans le champ professionnel concerné. L'un des syndicats représentatifs non signataires avait contesté la validité de l'accord conclu aux motifs qu'il ne pouvait être mis fin à un accord collectif par la voie d'un avenant de révision.

La cour d'appel fait droit à sa demande, considérant que « les règles de la révision ne peuvent avoir pour objet l'extinction d'une convention collective au moyen d'une révision adoptée en vertu de la règle de la majorité ». Au contraire, la Cour de cassation admet, sur le fondement de la liberté contractuelle en matière de négociation collective, la validité d'un avenant de révision d'un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord. Néanmoins, l'abrogation de ce dernier ne peut prendre effet qu'à compter « de l'entrée en vigueur d'un autre accord collectif dont le champ d'application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l'accord abrogé par l'avenant de révision ».  

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