La lettre juridique n°544 du 17 octobre 2013

La lettre juridique - Édition n°544

Éditorial

La fessée de la discorde

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N9026BTH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Ce qu'il y a de bien avec les pages consacrées aux faits divers de la presse quotidienne régionale ou nationale, c'est qu'elles en disent long sur notre société, ses tourments, ses angoisses, ses petites vertus et ses grandes ambitions. Ainsi, l'on apprenait qu'un père était condamné, à Limoges, à 500 euros d'amende avec sursis et 150 euros pour préjudice moral pour avoir administré une fessée à son fils.

L'anecdote n'a pas de quoi tirer une larme ou prêter à rire, mais elle constitue un puissant révélateur de l'intrusion des réflexions sociétales en cours dans le débat judiciaire. D'emblée, précisons à toutes fins utiles, que, de manière exégétique, la fessée n'est pas interdite en France au sein des rapports familiaux. Une proposition ad hoc visant à inscrire l'interdiction de frapper les enfants, au sein du Code civil, en 2009, avait été retoquée face au tollé médiatique (82 % des sondés y étant défavorables) provoqué par une telle incursion de la loi dans les foyers familiaux. La condamnation limougeaude a, sans doute, été prononcée sur le terrain pénal des violences exercées à l'encontre de l'enfant et sur celui de la responsabilité civile de droit commun. Mais ainsi, de manière détournée donc, le magistrat, prononçant cette condamnation sur réquisition du vice-procureur, ouvre à nouveau le débat sur cette pratique du quotidien, déjà interdite dans nombre de pays, notamment européens, condamnée par l'OMS, l'ONU, l'UNICEF, et le Conseil de l'Europe, exclue de l'enseignement public et, tardivement, privé, mais qui officie encore comme attribut de l'autorité parentale.

Le père condamné expliquait que, "depuis plusieurs jours [son] fils ne [lui] disait plus bonjour, [il] lui ai demandé pourquoi et il [lui] a répondu qu'il n'en avait pas envie. [Il] lui ai dit qu'il [lui] devait le respect et oui, [il] lui [avait] donné une fessée". Il est moins certain qu'il ait agi par mimétisme de son enfance, qu'après avoir lu la République de Platon, rappeler que, "lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes gens méprisent les lois, parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie".

Toutefois, là est la cristallisation du débat. Si tout le monde convient désormais que l'administration d'une fessée n'est pas une solution pérenne d'éducation et peut entraîner des troubles psychologiques irréversibles de l'enfant, en dehors de la souffrance physique subie, les réticences de la France aux idées liberticides condamnant la fessée viennent, sans doute, d'une volonté de calmer l'esprit révolutionnaire propre au peuple Français ; et d'un quiproquo napoléonien entre le droit de correction inscrit dans le Code civil de 1804 permettant au pater familias de faire incarcérer son fils dans une maison de correction et un quelconque droit à corriger physiquement son enfant -d'autant que la fessée était alors administrée, dans les maisons bourgeoises, par un "fesseur"-. C'est cette erreur d'interprétation sur l'exercice de l'autorité parentale qui perdure encore aujourd'hui dans les moeurs. Il est bien heureux que fouets et autres férules aient disparus de l'arsenal paternel, mais la correction devient tout de même sévice lorsque la souffrance physique dépasse de loin l'humiliation administrée. Et il est heureux que cette violence soit sanctionnée sans mollesse.

Dans l'affaire en cause, c'est bien l'humiliation de l'enfant de 9 ans qui aura emporté la condamnation et la reconnaissance d'un préjudice moral. A n'en pas douter, l'administration d'une fessée conduit l'enfant à une soumission à l'autorité du père. C'est cet abaissement et cette humilité forcée qui choquent ainsi les magistrats limougeauds, à la suite des dernières études psychologiques montrant qu'un enfant épargné par les corrections punitives s'émancipait beaucoup plus volontiers -et que les pays ayant aboli la fessée ne connaissait pas de taux de criminalité supérieur aux autres, bien au contraire-.

Tout le monde n'est pas Rousseau et ne peut pas éprouver un trouble érotique après avoir été fessé à l'âge de 8 ans... Mais les pères correcteurs n'ont pas non plus les charmes de Mademoiselle Lambercier... Encore faut-il préciser que le jeune Jean-Jacques éprouvera, dès lors, toujours quelques difficultés dans ses relations amoureuses, comme il le confesse aisément. Décidément, à fessée, rien de bon !

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Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Octobre 2013

Lecture: 9 min

N8964BT8

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par Véronique Nicolas, Professeur, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences et avocat au barreau de Paris, membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé)

Le 17 Octobre 2013

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur agrégé, Doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", membre de l'Institut de recherche en droit privé (IRDP), en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, membre de l'IRDP, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan. Deux arrêts d'importance rendus en septembre 2013 par la Cour de cassation sont ici traités par les auteurs : tout d'abord, en matière d'assurance vie, un arrêt de la première chambre civile en date du 25 septembre 2013, qui considère comme étant suspecte une modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie deux mois avant le décès de l'assuré en soins palliatifs (Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, n° 12-23.197, F-P+B) ; ensuite, un arrêt en date du 12 septembre 2013 rendu par la deuxième chambre civile, qui permet de clarifier la distinction entre faute intentionnelle et faute dolosive de l'assuré au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances (Cass. civ. 2, 12 septembre 2013, n° 12-24.650, F-P+B).
  • Suspicion en cas de modification de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie deux mois avant le décès de l'assuré en soins palliatifs (Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, n° 12-23.197, F-P+B N° Lexbase : A9529KLI)

Il fallait s'y attendre : les assurances vie faisant l'objet de modifications par l'assuré alors que celui-ci a souvent atteint un certain âge, les proches qui découvrent, après son décès, avoir été écartés après avoir été institués tiers bénéficiaires, ont la tentation d'arguer de la dégénérescence des neurones dudit assuré pour tenter d'obtenir le rétablissement de la situation antérieure. Nous avons déjà eu l'occasion, il y a quatre années déjà, de commenter une situation proche de celle qui vient de faire l'objet d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 25 septembre 2013, n° 12-23.197 (1). Dans cette précédente affaire, tranchée par la même chambre de notre Haute juridiction de droit privé, nous avions tenté d'insister sur la nécessité de ne pas considérer toute la population française de plus de soixante quinze ou quatre-vingt cinq ans comme étant sénile ; pour autant, il est des hypothèses où un faisceau d'indices conduit à une suspicion légitime, comme dans cet arrêt du 25 septembre 2013.

Pertes de la mémoire immédiate, oubli des noms de famille et autres absences ponctuelles ne signifient pas que l'assuré souffre de la maladie d'Alzheimer, qualification devenue usuelle pour une partie du corps médical pressé ou ne parvenant pas, en réalité, à maîtriser la variété des situations concrètes. Pour autant, il ne s'agit pas de nier une réalité de plus en plus fréquente, et qui ne constitue guère une surprise ou révélation à une époque où la population française vieillit de manière indubitable. Le défi pour le droit devient donc particulièrement ardu : au-delà de la simplification verbale, tenter de cerner la réalité d'un cerveau dont nous ne connaissons que la surface des choses. Certes, les experts ne manquent pas. Néanmoins, leur travail doit être plus que jamais rigoureux et pointu, sans compter la prudence dont nos magistrats doivent faire preuve, encore et encore.

En l'espèce, un homme avait souscrit un contrat d'assurance vie alors qu'il avait trois filles. Dans un premier temps, il les avait instituées, à parts égales, toutes trois en qualité de tiers bénéficiaire. Or, ultérieurement, il avait écrit à son assureur pour modifier la clause bénéficiaire afin d'exclure la troisième de ses filles, en laissant seules les deux autres. Influencé par ces dernières, elles-mêmes en délicatesse par rapport à leur soeur ? Qu'importent les raisons, les motifs : le droit ne sonde pas les reins et les coeurs. En revanche, il lui appartient de veiller à ce que, par exemple, la lourde insistance de tel ou tels alors que la lucidité de l'assuré n'est plus totale ne vienne pas modifier ses intentions profondes.

Or, dans le cas présent, l'assuré avait adressé le courrier de modification de la clause bénéficiaire deux et mois et demi seulement avant le jour de son décès. Autant dire que le doute sur la réalité de ses intentions pouvait naître dans l'esprit du tiers bénéficiaire ayant eu cette qualité pendant un certain temps pour se la voir ensuite retirer. Et non seulement la troisième fille eut cette prétention, mais elle fut validée par les premiers magistrats puisque ses deux autres soeurs se plaignent en cassation de l'arrêt d'appel les ayant condamnées à restituer un tiers du montant du contrat d'assurance vie. En effet, la cour d'appel avait constaté que l'assuré s'était contenté de signer la modification de la clause bénéficiaire, sans apposer une autre formule usuelle, notamment "lu et approuvé", quand bien même cette apposition n'a-t-elle plus, de nos jours, de portée juridique officielle.

Se fondant sur le seul droit -et pour cause...-, les deux soeurs tenues de restituer la somme d'argent, avaient expliqué qu'aucun texte n'impose de règles de forme en cas de modification de la clause bénéficiaire ; par conséquent, elles reprochaient à la cour d'appel d'avoir ajouté une condition textuelle, là où le seul consensualisme devait prévaloir. L'argument était parfaitement exact et recevable. Toutefois, la Cour de cassation ne l'admettra pas, ayant également constaté que, comme par hasard, l'avenant président au changement de la clause bénéficiaire avait été rédigé par l'une des deux soeurs, au moment où l'assuré avait subi une intervention chirurgicale et avait été admis en soins palliatifs, signe d'un état de santé particulièrement altéré. Elle en déduira que l'assuré, bien que signataire, n'avait pas fourni de preuve qu'il mesurait la portée de ce changement.

Le rôle et l'appréciation par les premiers juges de tous les éléments, toutes les circonstances entourant ce type de comportements sont déterminants. Et la Cour de cassation fait confiance, comme il se doit, à ces magistrats chargés de séparer le bon grain de l'ivraie. Délicat travail dans de telles hypothèses. En tous les cas, il convient de se féliciter de nouveau du pragmatisme de nos juridictions de droit privé dans ce secteur du droit des assurances vie. Leur survie est à ce prix, car, chacun se souvient que le lent développement historique de ces contrats tient aux inquiétudes qu'ils suscitaient quant aux comportements redoutés de l'entourage de l'assuré. Si un article rend impossible l'attribution du capital au tiers bénéficiaire ayant porté atteinte aux jours de l'assuré lui-même, aucune disposition ne règle le cas de manoeuvres destinées à forcer la volonté de l'assuré.

Le voudrait-on que la tâche ne serait pas aisée. La Cour de cassation fait donc preuve d'une habileté certaine : ne disposant pas des textes nécessaires, elle préfère effectuer une application extensive -que les puristes considèreront trop souple-, du principe selon lequel nul ne peut profiter de sa propre turpitude et donc, en l'espèce, recueillir un capital auquel il n'aurait pas eu droit sans intervention condamnable de sa part. Quelles que soient les méthodes juridiques employées, il est difficile de déplorer ce type de solution, protectrice des victimes, comme du développement de ces contrats échappant ainsi à une insécurité qui, sinon, feraient fuir les assurés potentiels. Le Code des assurances n'est d'ailleurs nullement bafoué. Nos Hauts magistrats, en raison de son silence, en reviennent au droit commun ainsi qu'ils doivent l'effectuer.

Or, la volonté de la personne en situation de faiblesse morale ou physique mérite une protection accrue. Peu importe qu'elle ne souffre pas de graves atteintes mentales, telle la maladie d'Alzheimer, ou qu'elle n'ait pas été placée sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice. Certes, l'apport de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, portant réforme de la protection juridique des majeurs (N° Lexbase : L6046HUH) (2), devrait constituer une aide dans ce domaine. Toutefois, c'est omettre la réalité qui fait qu'en cas d'hospitalisation par exemple d'un proche, le temps manque pour engager de telles procédures.

Pour conclure, notons qu'il ne serait pas inutile, à l'instar du droit des procédures collectives, que la loi consacre une forme de période suspecte, au cours des mois précédents le décès de l'assuré. La difficulté tient alors à la durée à retenir : trois mois, six mois ? Chaque situation dépend, en effet, de l'état de la personne à ce moment. C'est exactement ce que les magistrats ont effectué dans cette décision que nous saluons donc.

Véronique Nicolas, Doyen de la faculté de droit de Nantes, Professeur agrégé, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances"

  • Une distinction clarifiée entre faute intentionnelle et faute dolosive de l'assuré au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances (Cass. civ. 2, 12 septembre 2013, n° 12-24.650, F-P+B N° Lexbase : A1567KLM)

Nous avons déjà invité les lecteurs de cette chronique à suivre le fil de la jurisprudence de la Cour de cassation pour dégager une lecture autonome de la notion de faute dolosive par rapport à celle de faute intentionnelle.

Rappelons que ces deux notions sont visées par l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), aux termes duquel : "l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré".

Mais faut-il y voir deux notions distinctes ou une redondance ?

A l'analyse d'un arrêt rendu le 28 février 2013 (3), nous avions rappelé l'historique de cette question et l'absence d'unité entre les deuxième et troisième chambres civiles de la Cour de cassation. Nous avions perçu deux courants :

- le premier, porté par la deuxième chambre civile traduit une volonté de détacher une lecture autonome de la notion de faute dolosive, centrée sur la suppression volontaire de l'aléa par l'assuré, par rapport à la notion de faute intentionnelle, qui exige de caractériser chez l'assuré la volonté de causer le dommage tel qu'il est survenu et pas seulement d'en créer le risque ;

- le second, porté par la troisième chambre civile (4), réticent à dégager un concept autonome de faute dolosive à côté de la plus traditionnelle faute intentionnelle. En effet, dans cette affaire, les juges du fond s'étaient inscrits dans le mouvement d'autonomisation de la faute dolosive en relevant : "que M. Z [l'architecte] a délibérément violé une règle d'urbanisme dont il avait parfaite connaissance et qu'il a non seulement pris le risque de créer un dommage à la victime mais en a effectivement créé un dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience et qu'il a ainsi fait perdre tout caractère incertain à la survenance du dommage devenu inéluctable". C'était déceler une faute dolosive chez un professionnel qui, ayant conscience de causer un dommage inéluctable dont l'intéressé est apte à mesurer les conséquences a, par sa faute dolosive, détruit l'aléa. La troisième chambre civile avait censuré aux motifs "qu'en statuant ainsi sans constater que M. Z avait eu la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés". Un tel rappel des conditions de la faute intentionnelle ne pouvait être fortuit...

A l'analyse de l'arrêt du 28 février 2013, nous avions souligné combien la deuxième chambre civile avait été mise "au pied du mur" par un assureur, demandeur au pourvoi, qui plaidait l'existence d'une faute dolosive (et non intentionnelle), en ces termes : "la faute dolosive s'analyse en un manquement conscient de l'assuré à une obligation à laquelle il était tenu, dont il résulte la suppression de l'aléa inhérent au contrat d'assurance, même sans intention de rechercher le dommage". C'est s'inspirer de la thèse selon laquelle la faute délibérée destructrice d'aléa suffit, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'intention de provoquer le dommage et encore moins de démontrer que ce dernier est survenu tel que l'assuré l'avait voulu.

La Haute juridiction ne s'était pas dérobée à cette tâche puisqu'elle avait indiqué : "la cour d'appel a pu déduire que l'assureur ne caractérisait ni une faute intentionnelle ni une faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances". Le "ni-ni" traduisait bien l'existence de deux concepts autonomes, la faute dolosive étant consacrée comme celle qui détruit l'aléa et rend inéluctable le dommage, sans qu'il faille s'interroger sur le point de savoir si ce dommage est survenu tel qu'il a été voulu par l'assuré.

Avec l'arrêt examiné du 12 septembre 2013, lui aussi destiné à la publication au Bulletin, la Cour de cassation clarifie encore davantage sa position en qualifiant de faute dolosive un manquement de l'assuré qui ne pouvait être qualifié de faute intentionnelles. La motivation de l'arrêt est d'une telle limpidité, qu'elle mérite reproduction :

"M. X avait, en toute connaissance de la topographie des lieux, engagé son véhicule dans une rivière, ce qui non seulement ne correspond pas à la déclaration de sinistre effectuée auprès de la société d'assurance dans laquelle il indique qu'en raison du caractère détrempé de la voie de circulation, il a dérapé et fini sa course dans une mare d'eau', mais révèle une prise de risque volontaire dans l'utilisation d'un véhicule non conçu pour cet usage ; que ceci implique que, bien que n'ayant pas recherché les conséquences dommageables qui en sont résultées, M. X a commis une faute justifiant l'exclusion de garantie en ce qu'elle faussait l'élément aléatoire attaché à la couverture du risque ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel a pu retenir par une décision motivée, répondant aux conclusions, que M. X avait volontairement tenté de franchir le cours d'une rivière avec un véhicule non adapté à cet usage et qu'il avait ainsi commis une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur".

On ne peut être plus explicite : l'assuré a commis une faute ne pouvant être qualifiée d'intentionnelle mais a commis une faute dolosive par anéantissement volontaire de l'aléa à l'occasion d'une attitude inconséquente (utiliser sciemment un véhicule pour rouler dans une rivière) doublée d'une fausse déclaration de sinistre.

On se félicitera de cette clarté désormais incontestable et l'on attendra un prochain arrêt de la troisième chambre civile sur le sujet pour examiner si celle-ci est prête à s'aligner sur la deuxième...

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de Droit de Nantes, IRDP, Avocat à la Cour de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan


(1) Nos obs., Insanité d'esprit et état cérébral lacunaire : la différence est importante aussi en matière de contrats d'assurance vie, in Chronique de droit des assurances - Septembre 2009, Lexbase Hebdo n° 362 du 10 septembre 2009 - édition privée (N° Lexbase : N7456BLQ), à propos de Cass. civ. 1, 1er juillet 2009, n° 08-13.402 (N° Lexbase : A5807EIW), Bull. civ. I, n° 151.
(2) JORF n° 56 du 7 mars 2007, page 4325.
(3) Cass. civ. 2, 28 février 2013, n° 12-12.813, FS-P+B (N° Lexbase : A8759I8W), nos obs. in Chronique de droit des assurances - Mars 2013, Lexbase Hebdo n° 521 du 28 mars 2013 - édition privée (N° Lexbase : N6435BTI).
(4) Cass. civ. 3, 11 juillet 2012, n° 10-28.535, FS-P+B (N° Lexbase : A8316IQ3), commenté par nos soins in Chronique de droit des assurances - Septembre 2012, Lexbase Hebdo n° 497 du 12 septembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N3447BTT).

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Avocats/Statut social et fiscal

[Evénement] L'avocat est-il un contribuable comme les autres ? - Compte rendu de la réunion "Campus 2013" du barreau de Paris du 9 juillet 2013

Lecture: 37 min

N8919BTI

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef

Le 19 Octobre 2013

Dans le cadre de "Campus 2013", qui s'est déroulé durant trois jours, les 9, 10 et 11 juillet 2013, à la maison de l'Unesco, s'est tenue une conférence intitulée "L'avocat est-il un contribuable comme les autres ?", dirigée par Christiane Richard et Philippe Rochmann, avocats à la cour, membres de l'IACF (Institut des avocats conseils fiscaux). Les Editions juridiques Lexbase, présentes à cette occasion, vous en proposent un compte rendu.

Le 9 juillet 2013, Christiane Richard et Philippe Rochmann ont présenté aux avocats novices en la matière fiscale les règles relatives au contrôle fiscal du cabinet d'avocat. En effet, cette procédure, souvent mal vécue par l'ensemble des contribuables, doit être prise au sérieux par l'avocat, notamment parce qu'il dispose du secret professionnel, au respect duquel il doit veiller. Ainsi, si l'avocat est un contribuable comme les autres, soumis aux règles générales du contrôle fiscal, sa position emporte quelques subtilités. L'avocat est-il suspect pour l'administration fiscale ? Les projets de texte en cours de discussion au Parlement peuvent le faire croire (lire, notamment, Fabien Girard de Barros, Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : l'instauration de la "loi des suspects", Lexbase Hebdo n° 152 du 27 juin 2013 - édition professions N° Lexbase : N7704BTI). Il est donc nécessaire que l'avocat connaisse ses droits et ses devoirs lorsqu'il fait l'objet d'un contrôle fiscal. D'autant que sa profession peut le placer au coeur d'informations précieuses pour le service, qu'il peut toutefois protéger. I - Le contrôle fiscal du cabinet d'avocat

Le contrôle fiscal du cabinet d'avocat va dépendre de la forme de la structure. En 2012, en France, 36,4 % des avocats exerçaient en mode individuel, 28,8 % exerçaient en tant que collaborateurs, 29,4 % étaient associés et 5,4 % exerçaient en tant que salariés non associés. La même année, on dénombrait 12 685 cabinets d'avocats susceptibles de faire l'objet d'un contrôle fiscal. Ces cabinets emploient 39 742 salariés non avocats. En 2010, les revenus cumulés de l'ensemble du barreau ont atteint 3,841 milliards d'euros.

Deux modes d'imposition peuvent s'appliquer : les avocats individuels et les SCP ou les associations d'avocats sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), alors que les cabinets constitués en société sont imposés à l'impôt sur les sociétés (IS).

A - L'exercice de la profession à titre individuel - imposition dans la catégorie des BNC

1 - Les recettes

Les recettes des avocats comprennent non seulement les sommes perçues en rémunération des services rendus (honoraires, commissions, vacations, etc.), mais aussi les remboursements de frais, ainsi que des profits divers. Les recettes et honoraires rétrocédés à des confrères constituent des recettes imposables pour le bénéficiaire de la rétrocession ; elles viennent directement en diminution des recettes de la partie versante, qui doit les déclarer. Les suppléments de rétrocessions perçus par des collaborateurs de professions libérales, dans le cadre d'opérations de prospection commerciale réalisées hors de France, sont exonérés dans la double limite de 25 % du montant des honoraires rétrocédés et de 25 000 euros (1). Le cas échéant, cette exonération s'applique avant celle prévue en faveur des impatriés.

Attention, il n'y a pas lieu d'inclure dans les recettes de certains contribuables (avocats, notaires, huissiers...) les sommes encaissées pour le compte des clients ou reçues de ceux-ci en vue d'être reversées à des tiers. C'est le cas notamment des avances perçues pour faire face aux débours (droits d'enregistrement acquittés par les notaires, frais de procédure et droits de plaidoirie versés par les avocats, etc.). Les dépenses imputées sur les provisions pour débours ne peuvent pas être portées corrélativement en charges.

2 - Les dépenses

L'administration fiscale accorde une attention particulière aux dépenses du contribuable. L'avocat doit donc être très prudent sur la façon dont il les enregistre, et doit conserver toutes les justifications (factures). A noter que le service a tendance à rejeter facilement des dépenses de représentation (restaurant, voyage, séminaire, congrès). Il existe une vraie inégalité entre les tailles de cabinets sur ce point, puisque l'administration sera plus soupçonneuse envers un avocat en individuel qui a de grosses dépenses de représentation qu'envers une structure plus importante. Pour éviter les remises en cause de ces dépenses, il convient d'inscrire le nom de la personne invitée sur la facture et le cachet du cabinet au dos.

En BNC, la définition des dépenses est restrictive : pour être admises en déduction du bénéfice, les dépenses doivent être nécessitées par l'exercice de la profession ou, de façon plus générale, par l'acquisition du revenu. Ne peuvent être considérées comme telles :

- ni les dépenses de caractère personnel (exemples : loyers d'appartements privés, dépenses de maison, amendes pénales) ;
- ni les dépenses qui résultent d'opérations étrangères à l'exercice normal de l'activité. Les dépenses de caractère mixte (privé et professionnel) doivent faire l'objet d'une ventilation pour n'en retenir que la fraction professionnelle déductible.

Les dépenses doivent être prises en compte pour leur montant réel et être appuyées de justifications suffisantes.

B - L'exercice de la profession en structure d'exercice - imposition dans la catégorie des BNC ou à l'IS

1 - Les recettes

Les produits d'exploitation comprennent principalement les recettes provenant des prestations de services.

2 - Les charges

Pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais généraux doivent, d'une manière générale, remplir les trois conditions suivantes :

- se traduire par une diminution de l'actif net de l'entreprise, ce qui conduit à distinguer frais généraux et coût d'acquisition des immobilisations ;
- être exposés dans l'intérêt de l'exploitation, autrement dit se rattacher à une gestion normale ;
- être régulièrement comptabilisés en tant que tels et appuyés de pièces justificatives suffisantes.

En matière d'impôt sur les sociétés, un redressement subi pour une dépense est beaucoup plus pénalisant qu'en matière de BNC, puisque la dépense est, d'une part, refusée et réintégrée dans le bilan de la société et, d'autre part, l'associé est imposé sur cette réintégration à hauteur de sa quote-part dans le capital, en tant que revenu distribué (2).

II - Les différentes formes du contrôle fiscal

A - Le contrôle sur pièces

Le contrôle sur pièces consiste en l'envoi, par l'administration, d'une demande de renseignements (3). Ces renseignements iront compléter le dossier fiscal du contribuable. Il est important de noter que cette demande n'interrompt pas la prescription, et n'est pas contraignante. Ainsi, le défaut de réponse (sur imprimés 752 ou 754) dans les 30 jours impartis n'entraîne pas de pénalité. A l'issue de cette demande, soit la réponse est suffisante, et les informations fournies sont classées et le dossier clôt, soit la réponse est insuffisante, et l'administration peut déclencher une procédure de rectification ou une demande d'éclaircissements ou de justifications, cette fois contraignante.

Il est bien entendu conseillé de répondre à cette demande, en fournissant les pièces justificatives, afin d'éviter que ce petit contrôle (il s'agit du degré le plus bas de contrôle) ne se transforme en contrôle plus important.

A noter que le projet de loi, toujours en discussion devant le Parlement, relatif à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière prévoit de modifier le périmètre des documents dont il peut être demander production au titre du contrôle sur pièces. De plus, depuis le 1er janvier 2013, l'administration peut demander les relevés de comptes bancaires et d'assurance-vie des contribuables et les examiner sans que cet examen ne dépasse le contrôle sur pièces (alors que cette procédure ressort plutôt de l'ESFP) (4).

B - La demande d'éclaircissements et de justifications

Le contribuable dispose de deux mois pour répondre à une demande d'éclaircissements ou de justifications.

1 - La demande d'éclaircissements

L'administration peut demander au contribuable des éclaircissements sur un point quelconque de sa déclaration d'ensemble.
Le Conseil d'Etat précise que les demandes d'éclaircissement ne peuvent porter que sur des mentions figurant dans la déclaration de revenus souscrite par le contribuable (5). L'article L. 16 du LPF (N° Lexbase : L0114IW7) ne précise pas l'objet des demandes, mais de manière générale, elles tendent à provoquer des explications du déclarant sur les discordances relevées entre les énonciations des diverses parties de la déclaration et éventuellement des déclarations antérieures.

2 - La demande de justifications (LPF, art. 16 et LPF, art. L. 16 A N° Lexbase : L8513AEZ)

La demande de justifications est plus précise que la demande d'éclaircissements. Elle a un objet limité par la loi.

Préalablement à une demande de justifications, l'administration doit avoir réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés.

Concernant les comptes Carpa de l'avocat, un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 30 juin 2005 (6) indique que, eu égard aux modalités de fonctionnement de tels comptes, qui ne peuvent être débités que par l'avocat agissant par procuration et sous le contrôle du président de la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (Carpa), Bâtonnier de l'Ordre, l'administration ne peut légalement inclure le compte Carpa d'un avocat, ni même le sous-compte relatif au litige dont il est saisi au nom de son client, parmi les comptes dont dispose un contribuable, pour mettre en oeuvre, à l'égard de ce dernier, la procédure de demande de justifications prévue par l'article L. 16 du LPF.
Attention toutefois, dans le cadre du projet de loi relatif à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière, la Carpa va être sollicitée, puisqu'elle devra envoyer au Bâtonnier les déclarations de soupçons dans le cadre de Tracfin (7).

C - Le contrôle sur place

Le contrôle sur place correspond à la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, prévue par les articles L. 13 (N° Lexbase : L6794HWK) et R. 13-1 (N° Lexbase : L7836AEX) du LPF, ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, prévue à l'article L. 12, alinéa 2 du LPF (N° Lexbase : L6793HWI). La vérification de comptabilité est mise en place par le biais d'un imprimé 3927, l'ESFP par le biais d'un imprimé 3929.

1 - La vérification de comptabilité

La vérification de comptabilité est définie à l'article L. 13, alinéa 1er du LPF : "Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables". Il s'agit donc d'une vérification de la régularité et du caractère probant des écritures et de la sincérité des déclarations, qui s'effectue au lieu où est tenue la comptabilité (en principe, dans les locaux, ou dans ceux du comptable du contribuable). Cette procédure s'applique en matière d'impôt sur les sociétés, de BNC, de BA (bénéfices agricoles en régime réel) et de TVA. Elle peut être étendue aux droits d'enregistrement. L'examen porte sur les documents comptables, les pièces justificatives et les annexes.

Comment se déroule la vérification ? Avant la première intervention sur place du vérificateur, le contribuable reçoit un avis de vérification n° 3927, qui permet de lever tout doute dans l'esprit du contribuable sur la nature de l'intervention dont il est l'objet. Il ne peut pas être envoyé avant l'expiration du délai laissé au contribuable pour faire sa déclaration, ni avant le début des opérations de contrôle (8). Le délai entre la remise de l'avis et le début des opérations doit être suffisant pour se faire assister d'un conseil. En principe, il faut compter deux jours francs (9) (le délai franc ne tient pas compte du jour de réception de l'avis, du jour de commencement du contrôle, des samedis, dimanches et jours fériés). Dans la pratique, il est possible de faire reculer le jour du commencement des opérations. En cas de délai insuffisant, le juge considère qu'il y a atteinte aux droits de la défense. La procédure est irrégulière et annulée.

L'avis de vérification doit mentionner :

  • le jour et l'heure de la première vérification ;
  • les impôts et taxes vérifiés ;
  • les années soumises à vérification ;
  • la faculté du contribuable de se faire assister d'un conseil ;
  • l'envoi d'un exemplaire de la charte du contribuable vérifié ;
  • les grades, nom et adresse des supérieurs hiérarchiques du vérificateur, ce qui permettra au contribuable, le cas échéant, de faire un recours auprès de ces supérieurs après vérification.

Attention ! L'administration peut aussi procéder à des contrôles inopinés, au cours desquels elle doit se limiter à des constatations matérielles, sans se livrer à un examen critique de la comptabilité. Ces opérations de contrôle se déroulent en présence du contribuable ou de son représentant. A l'issue de l'intervention, un état dressé contradictoirement par le vérificateur et le contribuable, qui doit préciser les noms et qualités des agents ayant procédé aux constatations, les lieux d'intervention, les constatations effectuées. Le contribuable ou son représentant est invité à signer cet état établi en double exemplaire. En cas de refus de signature, l'agent en porte mention sur les deux exemplaires.

En principe, la vérification sur place ne peut pas s'étendre sur une période supérieure à trois mois pour les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 234 000 euros hors taxes (10). Toutefois, ce délai peut être prorogé si le contribuable bénéficie du principe du "contradictoire". Tel est le cas lorsqu'il sollicite du vérificateur, à la fin de la période de trois mois, un entretien pour produire de nouveaux documents comptables et qu'il autorise leur emport dans les locaux de l'administration, même si, pour des raisons pratiques, leur restitution a lieu après les trois mois, permettant encore un examen contradictoire.
La période de trois mois est exclue en cas de vérification de comptabilité des personnes morales (quelle que soit leur forme juridique) et les sociétés en participation qui sont des sociétés holdings, c'est-à-dire à l'actif desquelles sont inscrits les titres de placement ou de participation pour un montant d'au moins 7 600 000 euros (11).

La procédure de vérification de comptabilité doit comporter un débat oral et contradictoire. La charte du contribuable vérifié (remise avec l'avis de vérification) est très nette sur ce point : "En cas de vérification de comptabilité, le dialogue n'est pas formalisé. Il repose, pour l'essentiel, sur un débat oral contradictoire avec le vérificateur et le contribuable vérifié qui se déroule sur le lieu de contrôle". Notamment, a été jugée irrégulière une vérification au cours de laquelle l'agent de l'administration n'a rencontré les contribuables qu'à deux reprises, lors de l'emport des documents comptables, et lors de leur restitution accompagnée des conclusions de la vérification (12). L'administration fait très attention à bien respecter ce point, le plus important de la procédure.
L'administration doit communiquer au contribuable, sous peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, les documents obtenus dans l'exercice du droit de communication. Le Conseil d'Etat rappelle qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès des tiers, qu'elle a utilisés pour fonder l'imposition, et ce, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de discuter utilement de leur provenance ou de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent (13). Toutefois, lorsque le contribuable demande communication de documents obtenus auprès de tiers, l'administration peut ne pas y faire droit lorsque lesdits documents et informations sont librement accessibles. En ce qui concerne les documents ou copies de documents contenant des renseignements recueillis sur des sites internet ou sur des serveurs de données et utilisés par l'administration pour établir un redressement, il appartient à celle-ci de les mettre à disposition du contribuable avant la mise en recouvrement des impositions qui en résultent, si celui-ci indique avant cette mise en recouvrement, en réponse à un refus de communication fondé sur le caractère librement accessible des informations en cause, qu'il n'a pu y avoir accès (14).
A défaut de débat oral et contradictoire, la procédure est irrégulière et annulée. A noter que le débat est présumé avoir existé lorsque la vérification a lieu dans les locaux de l'entreprise. De plus, les échanges écrits ne tiennent pas lieu de débat oral et contradictoire. Si aucune pièce du dossier ne fait état de visites du vérificateur dans les locaux de l'entreprise et d'entretiens qu'il aurait accordés à cette occasion au contribuable, l'on considère qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire entre les deux parties.

L'administration fiscale a l'interdiction de renouveler une vérification pour un même impôt et une même période, y compris lorsque la précédente vérification qui s'est déroulée dans des conditions irrégulières a été annulée. S'il n'est pas respecté à cette interdiction, les impositions établies à l'issue de la seconde vérification sont annulées. Toutefois, cette règle ne s'applique pas si le contribuable s'est rendu coupable d'agissements frauduleux, si la seconde procédure engagée est une procédure de flagrance fiscale et si l'administration a demandé des renseignements à une autorité étrangère.

Il faut préciser les différences entre le droit de communication, qui ne donne aucune garantie au contribuable, et la vérification de comptabilité, qui protège celui qui en fait l'objet. Le Conseil d'Etat a rendu un arrêt de principe sur ce point le 6 octobre 2000 (15) : la vérification de comptabilité consiste en un contrôle actif, alors que le droit de communication est un relevé passif de documents disponibles. L'exercice du droit de communication s'opère auprès du contribuable ou de tiers limitativement énumérés (commerçants, administration, banques...). L'article L. 81 du LPF définit le droit de communication comme le moyen d'investigation de l'administration fiscale auprès des cabinets pour recueillir des renseignements concernant, soit les cabinets eux-mêmes, soit leurs fournisseurs ou leurs clients. Il se distingue du droit de vérification, dans la mesure où il consiste à recueillir des informations pour les confronter à la déclaration d'un autre contribuable, alors que la procédure de vérification consiste à s'assurer auprès d'un contribuable de la régularité et du caractère probant de sa comptabilité (16).

Il faut bien noter que, malgré ces cas d'annulation de la procédure d'imposition pour irrégularité, il n'est pas conseillé de fonder une saisine du juge uniquement sur une potentielle irrégularité des points procéduraux. En effet, la tendance du juge va dans le sens d'une validation des procédures alors même qu'elles n'auraient pas respecté la loi à la lettre. De plus, critiquer devant le juge des points de procédure risque d'empêcher la bonne tenue d'une éventuelle transaction postérieure avec l'administration fiscale. S'il est tentant d'utiliser les vices de procédure pour renverser un redressement, cette arme est à manier avec précaution, et seuls les vices les plus importants et graves peuvent conduire à une annulation du redressement.

2 - L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle

Lors d'un examen contradictoire de la situation personnelle (ESFP) d'un contribuable, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (17).

L'ESFP inclut toutes les démarches qui tendent, pour les besoins du contrôle à obtenir des informations ou des documents auprès du contribuable ou de tiers. Ne sont pas inclus dans l'ESFP, le droit de communication et les demandes d'éclaircissement et de justification. Cette procédure comporte, dans tous les cas, l'envoi d'un avis informant le contribuable que l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle va être entrepris, lui précisant les années soumises à vérification et mentionnant expressément la faculté ouverte à son destinataire de se faire assister par un conseil de son choix (18). Avant le début des investigations, le contribuable doit recevoir, comme en matière de vérification de comptabilité, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié (19). Conformément à cette dernière, un débat oral et contradictoire doit avoir lieu entre le vérificateur et le contribuable ou son conseil.

A l'issue de l'examen contradictoire, l'administration notifie au contribuable les résultats du contrôle (20). Lorsque la vérification ne donne pas lieu à imposition, un avis d'absence de redressement est adressé au contribuable (rarissime). Lorsque la vérification entraîne une imposition, les règles à respecter pour informer le contribuable diffèrent suivant la procédure utilisée : quand l'administration recourt à la procédure de redressement contradictoire, la proposition de rectification doit comporter les motifs de la taxation, les éléments retenus et la méthode suivie pour déterminer les bases d'imposition. Elle doit aussi préciser obligatoirement la catégorie de revenus à laquelle correspond la rectification et impartir au contribuable un délai de 30 jours pour y répondre. Si les renseignements fournis ou les observations formulées par le contribuable conduisent à une modification des bases notifiées, une nouvelle proposition doit lui être adressée.

L'ESFP dure un an à compter de la réception de l'avis de vérification, deux ans en cas de découverte d'une activité occulte. Une prorogation de ce délai est possible si le contribuable perçoit des revenus de source étrangère. Si ces délais ne sont pas respectés, la sanction est la même que pour la vérification de comptabilité : la procédure est annulée.

Après avoir procédé à un ESFP, l'administration ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et le même impôt (comme en matière de vérification de comptabilité). Deux exceptions sont toutefois prévues, en cas de flagrance fiscale et de demande de renseignements à une autorité étrangère. En cas de non respect de cette règle, la sanction est toujours l'annulation de la procédure viciée.

Aucune disposition législative ne prévoit le lieu de déroulement de l'ESFP, mais ce dernier se déroule en principe dans les locaux de l'administration. Cependant, le contribuable peut demander de manière expresse que ce contrôle se déroule chez son conseil, au siège de son entreprise ou à son domicile (21).

Tout comme en matière de vérification de comptabilité, il convient de ne faire usage des moyens de procédure que lorsque ces derniers sont particulièrement graves, le juge ayant tendance à valider de plus en plus de procédures viciées, lorsqu'il considère que les garanties du contribuable n'ont pas été violées.

III - Le droit de communication et le secret professionnel

L'avocat n'est pas un contribuable comme tous les contribuables, puisqu'il fait partie de la catégorie des professions protégées par le secret professionnel. Cela se ressent surtout dans le cadre des procédures de visite et de saisies.

La protection du secret professionnel est organisée par deux grandes sources du droit : les textes et la jurisprudence. Ainsi, l'article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG) prévoit que "La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende". Par corollaire, l'article L. 13-0 A du LPF (N° Lexbase : L2551DAQ) dispose que "Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du Code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes".

Compte tenu de leur formulation générale, les dispositions de l'article L. 13-0 A du LPF sont susceptibles de s'appliquer à toutes les personnes soumises au secret professionnel, quel que soit le régime d'imposition dont elles relèvent (BNC, BIC ou IS). En outre, depuis le 1er janvier 2000, l'identité déclarée par les clients, le montant, la date et la forme du versement des honoraires doivent obligatoirement être mentionnés sur le livre-journal (régime de la déclaration contrôlée) ou sur le document journalier des recettes professionnelles (régime micro) de tous les titulaires de bénéfices non commerciaux, indépendamment de l'activité exercée ; de leur régime d'imposition ; d'une adhésion à une association de gestion agréée ; et qu'ils soient ou non astreints au secret professionnel en application de l'article 226-13 du Code pénal.

Aux termes de l'article L. 86 du LPF (N° Lexbase : L3965ALG), le droit de communication ne peut porter que sur "l'identité du client, le montant, la date et la forme du versement, ainsi que les pièces annexes de ce versement". Par "client", il faut entendre les personnes physiques ou morales qui requièrent les services des professions non commerciales concernées, moyennant rétribution. Par "versement", il faut entendre toutes les sommes encaissées ou reçues dans le cadre de la profession. Ces sommes comprennent, notamment, les recettes proprement dites (honoraires, intérêts...) ; les sommes reçues de la clientèle au titre de remboursements de frais ; les provisions reçues de la clientèle et qui présentent le caractère d'avances sur honoraires ; tous les biens ou sommes reçus en dépôt, soit directement, soit indirectement.

Quelles spécificités pour les avocats ? L'administration peut exercer son droit de communication auprès des avocats, qu'ils soient tiers à la procédure ou non. Le législateur n'a pas entendu exclure la profession d'avocat, dont l'activité entre dans le champ de celles visées par l'article L. 86 du LPF, de l'exercice d'un tel droit de communication (22).

Le juge a fréquemment à connaître des difficultés posées par le respect du secret professionnel au cours des procédures fiscales. Ainsi, un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 1998 (23) précise que sont couverts par le secret professionnel :

- une consultation juridique émanant d'un avocat et destinée aux personnes objets de la procédure ;
- l'ensemble des correspondances échangées entre ces personnes et leurs conseils, à quelque titre que ce soit ;
- un projet de lettre à un avocat se référant expressément à des projets de conclusions préparées par cet avocat ;
- des notes manuscrites de la main même de l'avocat destinées à la préparation de la défense de ses clients.

En revanche, ne sont pas couvertes par le secret professionnel, et peuvent être ainsi saisies (dans le cadre d'une procédure de visite et saisies, cf. supra), les pièces strictement comptables relatives aux notes d'honoraires des avocats. Attention, si le contribuable donne à l'administration un document émanant de son avocat, l'administration ne peut pas l'accepter, au risque de violer le secret professionnel.

Aujourd'hui, il y a des tentatives de renier le secret professionnel. A Paris, il y a une perquisition fiscale (visite domiciliaire) par semaine, alors qu'avant il n'y en avait que trois ou quatre par an. Dès que le client d'un avocat est contrôlé et que l'administration décèle des anormalités dans les relations avec une banque ou un autre organisme, elle cherche à perquisitionner l'avocat.

Par un arrêt du 5 mai 1998, la Chambre commerciale de la Cour de cassation (24) a retenu qu'en toute matière, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel. Une saisie de pièces répondant à cette définition ne peut être autorisée ou maintenue, à l'occasion d'une visite dans un cabinet d'avocat, qu'à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée. L'arrêt précise que le juge saisi de la régularité des opérations apprécie souverainement si un document (en l'espèce, une lettre émanant d'un autre avocat) constitue une consultation, couverte par le secret professionnel.

La note d'un cabinet d'avocat saisie au domicile du contribuable, même si elle est formellement adressée au comptable de l'intéressé et ne mentionne pas expressément son nom, doit, eu égard notamment à l'exacte coïncidence des situations familiales et professionnelles évoquées, être regardée comme une consultation rédigée par les avocats signataires et destinée à ce contribuable, couverte par le secret professionnel (25).

Le juge indique également qu'il incombe aux agents autorisés ou, à défaut, à l'officier de police judiciaire, de solliciter la présence aux opérations de visite et saisie dans les locaux professionnels d'une personne astreinte au secret professionnel, du représentant de l'ordre professionnel concerné (26). Toutefois, le défaut de prise de telles précautions ne peut pas emporter nullité de l'ordonnance autorisant les visites et les saisies. En effet, le respect de ces dispositions relève du contrôle de la régularité des opérations et non de celui de la légalité de l'autorisation.

Le juge européen a eu à traiter des cas de violation du secret professionnel de l'avocat au cours d'une visite. A l'une de ces occasions, il a affirmé que la visite domiciliaire et les saisies effectuées au cabinet d'un avocat dont les clients étaient soupçonnés de fraude fiscale sont disproportionnées par rapport au but visé et sont donc incompatibles avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (droit au respect du domicile) (N° Lexbase : L4798AQR) compte tenu des circonstances suivantes :

- le secret professionnel de l'avocat n'a pas été respecté, puisqu'en l'absence du juge ayant autorisé la visite domiciliaire, tous les documents du cabinet, y compris ceux soumis au secret professionnel, ont été consultés et saisis, et ce, malgré la présence et les observations du bâtonnier de l'Ordre ; en outre, l'ordonnance du juge autorisant la procédure conférait aux agents de larges pouvoirs, sans mention du respect du secret professionnel ;
- la visite domiciliaire litigieuse a été effectuée chez un tiers à l'infraction présumée, puisqu'elle visait exclusivement à la découverte de documents susceptibles de prouver la fraude présumée des clients de l'avocat en raison des difficultés rencontrées lors du contrôle fiscal en cours (27).

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a appliqué cette jurisprudence de la CEDH, ajoutant qu'il importe peu que la visite et les saisies aient visé la découverte d'une fraude commise par les contribuables en tant que représentant des sociétés concernées par une éventuelle fraude. En effet, dès lors que les contribuables en cause sont avocats, leurs actes sont couverts par le secret professionnel. Il s'agissait du contrôle fiscal de plusieurs sociétés d'avocats.

Enfin, un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 octobre 2001 tempère les arrêts précédents en rappelant que le secret professionnel des avocats ne met pas obstacle à ce que soient autorisées la visite de leurs locaux et la saisie de documents détenus par eux, dès lors que le juge a trouvé dans les informations fournies par l'administration requérante les présomptions suffisantes mentionnées dans son ordonnance (28).

IV - La procédure de rectification

A - Champ d'application

La procédure de rectification contradictoire doit être suivie dans tous les cas où l'administration ayant constaté une insuffisance, inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant au calcul des impôts, désire apporter des rectifications aux déclarations des contribuables. Elle n'est pas applicable dans les cas d'imposition d'office, en matière d'impôts directs locaux perçus au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exception de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en matière de contributions indirectes dès lors que les faits ont été constatés par procès-verbal et pour la rectification d'erreurs commises dans les opérations de liquidation de l'impôt (erreur de l'administration dans l'application du quotient familial).

B - Déroulement de la procédure

A la fin de la vérification ou l'ESFP, une réunion de synthèse se met en place entre l'administration et le contribuable, au cours de laquelle le service explique les redressements qui vont être opérés. Ensuite, elle remet l'avis de rectification au contribuable. La proposition de rectification doit être motivée de manière à permettre à l'intéressé de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Elle doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter de la proposition de rectification ou pour y répondre. Elle porte l'indication du grade et la signature de l'agent dont elle émane.

La notification de la proposition de rectification se fait auprès du contribuable ou de son représentant légal. Lorsque la proposition concerne une société, le destinataire de la proposition est la société elle-même. En cas d'ESFP d'un foyer fiscal, la proposition est notifiée aux époux ou partenaires. Lorsque la procédure est relative aux revenus professionnels non-salariaux, la notification se fait auprès du contribuable qui en est titulaire. En cas de procédure relative à une société, la proposition est notifiée à la société elle-même, ou à son liquidateur en cas de liquidation judiciaire.

C - Le droit de réponse du contribuable

Le contribuable dispose de 30 jours pour répondre à la proposition de rectification. Ce délai peut toutefois être prorogé de 30 jours supplémentaires. La demande de prorogation s'opère sur simple demande, dans le délai initial (29).

Comment répondre ? Le contribuable a trois choix : soit il accepte la rectification, et alors l'imposition sera établie sur la base notifiée (mais le contribuable peut présenter une réclamation après la mise en recouvrement de l'impôt) ; soit le contribuable ne répond pas, mais alors son défaut de réponse dans le délai de 30 jours vaut acceptation tacite ; soit le contribuable émet des observations, qui peuvent prendre la forme d'un refus pur et simple de la rectification proposée. La réponse s'effectue au moyen d'un imprimé 3926.

Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, elle l'en informe par le biais d'une réponse qui doit être motivée. Si la rectification porte sur des questions relevant d'une commission départementale ou nationale (cf. infra), le désaccord pourra être soumis à la commission pour avis. Le contribuable doit demander la saisine de la commission départementale dans le délai de 30 jours. Sinon, le contribuable peut saisir le supérieur hiérarchique du contrôleur fiscal.

Si le désaccord persiste, le contribuable doit effectuer une réclamation préalable auprès de l'administration, avant de pouvoir saisir un juge.

D - La taxation d'office

Par dérogation à l'emploi de la procédure normale, la loi donne dans certains cas à l'administration le pouvoir d'établir "d'office" les impositions supplémentaires (30). La caractéristique de la procédure d'imposition d'office est de ne pas être contradictoire. Ainsi, elle se déroule sans que le contribuable soit invité à exposer sa position et elle met la preuve à sa charge s'il conteste l'imposition devant les tribunaux.

L'imposition d'office sanctionne le défaut ou le retard dans le dépôt de déclarations destinées à l'assiette de l'impôt ou à l'évaluation des bases d'imposition.

L'administration va reconstituer les recettes du contribuable. Dans le cas des avocats, il a été jugé que la méthode tendant à reconstituer les recettes professionnelles d'un avocat en tenant compte des sommes injustifiées inscrites au crédit de son compte bancaire personnel est valablement utilisée par l'administration eu égard au caractère non probant de la comptabilité de l'intéressé et à la confusion constatée entre l'usage personnel et l'usage professionnel du compte bancaire (31). La taxation d'office peut donc être mise en oeuvre si l'avocat "confond" son compte personnel et son compte professionnel. Au niveau de la procédure, le Conseil d'Etat a jugé que la notification des bases d'imposition établies d'office qui se borne à indiquer, pour un avocat, le chiffre global des recettes rectifiées assorti de la mention selon laquelle ce chiffre a été calculé à partir du nombre des dossiers traités, de l'importance des dossiers et des honoraires déclarés par les tiers, était irrégulière (32).

La procédure de taxation d'office est utilisée en cas de défaut ou retard de production de certaines déclarations, non-respect de certaines obligations incombant aux micro-entreprises, défaut de réponse aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, opposition au contrôle fiscal et défaut de désignation d'un représentant en France pour un non-résident (LPF, art. L. 65 N° Lexbase : L8461AE4 à L. 74).

Défaut ou retard de déclaration (LPF, art. L. 66 N° Lexbase : L8954IQP et L. 73, 1° et 2° N° Lexbase : L0715ITN)

Sous réserve de la faculté de régularisation, le contribuable encourt la taxation d'office dans les cas suivants :

  • défaut ou retard de production de la déclaration d'ensemble des revenus, de la déclaration des plus-values, des déclarations de chiffre d'affaires (régime réel, TVA immobilière), de la déclaration des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés et des déclarations des taxes ou participations assises sur les salaires (taxe d'apprentissage, participation à la formation continue, taxe sur les salaires) ;
  • défaut de déclaration ou de présentation à un acte à la formalité dans le délai légal en matière de droits d'enregistrement ;
  • défaut ou retard de production de la déclaration d'impôt sur la fortune ou, pour les redevables dispensés de souscrire cette déclaration, défaut d'indication de la valeur nette taxable de leur patrimoine dans leur déclaration d'ensemble des revenus.

Le contribuable encourt l'évaluation d'office de ses bénéfices lorsqu'il n'a pas produit dans les délais la déclaration spéciale des bénéfices industriels et commerciaux (régime du réel), des bénéfices non commerciaux (régime de la déclaration contrôlée) ou des bénéfices agricoles réels.

L'administration ne peut procéder à une taxation ou évaluation d'office que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les 30 jours de la notification d'une mise en demeure.

Infractions commises par les micro-entreprises (LPF, art. L. 73, 1° bis et 2° bis)

Les résultats imposables selon le régime des micro-entreprises peuvent faire l'objet d'une évaluation d'office (sans mise en demeure) dans les cas suivants :

  • défaut d'indication sur la déclaration d'ensemble des revenus du montant du chiffre d'affaires (ou des recettes) ou du montant des plus-values ;
  • insuffisance du montant du chiffre d'affaires (ou des recettes) déclaré excédant 10% de ce montant ;
  • infractions aux dispositions interdisant le travail dissimulé et la publicité favorisant ce type de travail (33).

Défaut de réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications (LPF, art. L. 69)

Le contribuable qui s'est abstenu de répondre à une demande d'éclaircissements ou de justifications est taxé d'office à l'impôt sur le revenu. Compte tenu du déroulement de la procédure de demande d'éclaircissements ou de justifications, plusieurs hypothèses sont à envisager : soit le contribuable ne répond pas ou se borne à faire une réponse orale ou répond hors délai à la demande d'éclaircissements ou de justifications, et dans ce cas, la taxation d'office est directement applicable ; soit le contribuable répond dans les délais et par écrit à la demande d'éclaircissements et de justifications, mais l'administration juge cette réponse insuffisante, et alors la taxation d'office ne peut être appliquée que si l'intéressé ne répond pas de manière satisfaisante par écrit à la mise en demeure qui lui est adressée de compléter sa première réponse.

Opposition au contrôle fiscal (CGI, art. 1732 N° Lexbase : L1722HN4, LPF, art. L. 74 N° Lexbase : L0276IW7)

Si le contrôle ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou d'autres personnes (opposition individuelle ou collective), les bases d'imposition sont évaluées d'office. Dans ce cas, les droits rappelés et les créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat sont assortis de l'intérêt de retard et d'une majoration de 100 %. L'intéressé est exclu des travaux des commissions administratives.

Quelles sont les conséquences de l'imposition d'office ? Lorsqu'elle fixe d'office les bases d'imposition, l'administration fait une évaluation aussi exacte que possible de ces bases, à l'aide des éléments d'appréciation dont elle dispose. Ces impositions peuvent être assorties de pénalités qui varient en fonction des infractions relevées. Le procédure normale de rectification à caractère contradictoire est écartée, le contribuable ne dispose donc pas des garanties prévues par cette procédure (notamment, pas de contradictoire). L'imposition est mise en recouvrement après un délai minimum de 30 jours à compter de l'avis de mise en recouvrement. Une réclamation ultérieure est alors possible mais la preuve est à la charge du contribuable.

La procédure de taxation d'office est très lourde, il vaut donc mieux déposer un dossier incomplet mais dans les délais et le compléter après. Il est très important que les avocats aient à l'esprit qu'il faut toujours répondre à une mise en demeure.

E - Les commissions départementales et nationale

La commission départementale ou la commission nationale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie en cas de procédure contradictoire et pour des questions de fait. Son examen porte sur le montant du résultat ou du chiffre d'affaires en matière de BIC (bénéfices industriels et commerciaux), BNC et IS. Elle est également compétente à connaître des contestations portées par les entreprises bénéficiant des dispositifs réservés aux entreprises nouvelles, aux questions en lien avec une rémunération jugée excessive, en cas de taxation d'office et d'ESFP. La commission n'est pas compétente en matière de RF (revenus fonciers), RCM (revenus de capitaux mobiliers), PV (plus-values) et TS (traitements et salaires).

F - La procédure d'enquête

La procédure d'enquête est régie par le célèbre article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L0277IW8). Elle peut s'ouvrir lorsqu'il existe des présomptions selon lesquelles un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le CGI.

Dans ce cas, l'administration peut solliciter une autorisation du juge des libertés et de la détention pour entrer dans les locaux d'une entreprise ou d'un particulier, accompagnée d'un officier de police judiciaire, et effectuer des saisies. Les agents des impôts autorisés à participer à cette procédure ont au moins le grade d'inspecteur et sont habilités par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve des agissements frauduleux. Le juge autorisant la procédure par ordonnance doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.

G - La visite du cabinet d'avocat

La spécificité que peut recouvrir la visite du cabinet d'avocat se comprend aisément par son attribut : le secret professionnel. Ainsi, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mai 2009 (34) résume bien la situation : lorsque, au cours d'une visite effectuée dans le cabinet d'un avocat, certaines pièces saisies susceptibles de revêtir un caractère confidentiel ont été placées sous scellés, l'ouverture des scellés ayant lieu le lendemain dans le cabinet du juge des libertés et de la détention, le juge a refusé à l'avocat l'assistance de son propre avocat, sans qu'aucun motif en soit transcrit dans le procès-verbal. Nonobstant la présence de représentants du bâtonnier, les droits de la défense ont ainsi été méconnus. En conséquence, l'ouverture des scellés et l'inventaire ont été annulés.
Ainsi, les pièces confidentielles sont mises sous scellé sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, présent lors de la visite. Le scellé est ouvert devant le juge qui a autorisé la visite, en présence des parties. C'est lui qui décide quelle pièce est couverte par le secret professionnel et quelle pièce ne l'est pas. Les représentants de l'Ordre peuvent soutenir l'avocat qui, selon cet arrêt, peut tout à fait être assisté par l'un de ses confrères.

H - L'abus de droit fiscal

L'abus de droit fiscal est une notion qui permet à l'administration d'écarter un acte juridique comme ne lui étant pas opposable, afin de requalifier la situation telle qu'elle est dans sa réalité (35).

Cette notion recouvre deux montages frauduleux : l'acte fictif et l'acte légal mais qui détourne l'esprit de la loi fiscale et utilise son texte dans un but exclusivement fiscal.

Si le contribuable conteste le redressement de l'administration fondé sur l'abus de droit, il peut saisir le comité de l'abus de droit fiscal. En cas d'avis contraire au raisonnement de l'administration, et si celle-ci persiste dans son idée de redressements, la charge de la preuve pèse sur elle. A l'inverse, en cas d'avis conforme à l'avis du service, la charge de la preuve pèse sur le contribuable.

Pour bien comprendre quels sont les risques de requalification d'acte, en application de cette procédure, il faut examiner la jurisprudence, et les avis du comité, qui sont très fournis. En voici un exemple : un avocat exerce son activité à titre personnel. Il a cédé son activité à une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl). Cette cession s'est réalisée en exonération de plus-value sur le fondement des dispositions de l'article 238 quaterdecies du CGI (N° Lexbase : L4934HLC), en vigueur lors de l'opération. L'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit. Après avoir entendu ensemble le contribuable et les représentants de l'administration, le comité des abus de droit relève, tout d'abord, que l'avocat a demandé le bénéfice d'un dispositif exonérant la plus-value constatée en cas de cession d'une activité notamment libérale lorsque le repreneur exerce, dans les mêmes locaux, une activité de même nature. Il est le cédant et l'associé majoritaire de la Selarl cessionnaire, dont il détient 249 parts sur 250, la part restante étant détenue par un avocat dont il est précisé dans les statuts de la société qu'il n'exerce pas sa profession en son sein. De plus, aucune modification au mode d'activité de l'avocat n'a été constatée postérieurement à la création de la Selarl. Le comité remarque également que l'acte de cession prévoyait deux conditions résolutoires en l'absence desquelles il est explicitement précisé que les deux parties n'auraient pas contracté, et que la seconde de ces conditions était celle de l'absence de remise en cause de l'avantage fiscal prévu par la loi du 9 août 2004 d'où est issu l'article 238 quaterdecies du CGI. Il relève, en outre, que la circonstance que l'avocat ait, postérieurement, pris sa retraite et transmis la gestion de son cabinet à son associé ne permet pas d'en déduire que la création de la Selarl avait pour objet de réaliser cette transmission, alors que les statuts de la société stipulaient que l'avocat était le seul professionnel exerçant en son sein. Le comité observe enfin que la vente à lui-même de son cabinet d'avocat est contraire aux objectifs poursuivis par le législateur lorsqu'il a mis en place le dispositif d'exonération utilisé par l'intéressé. Il en conclut que, par cette construction juridique, l'avocat, recherchant le bénéfice d'une application littérale de l'article 238 quaterdecies du CGI à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, n'a pu être inspiré, à la date à laquelle s'est réalisée cette opération, par aucun autre motif que celui d'éluder la charge fiscale que, s'il n'avait pas passé cet acte, il aurait normalement supportée.

V - Les sanctions

Les sanctions fiscales sont multiples. A noter qu'en matière de fraude fiscale, s'y ajoutent des sanctions pénales.

Tout d'abord, le contribuable qui subit un redressement doit payer des intérêts de retard (36), au taux de 0,40 % par mois, soit 4,80 % à l'année. Ces intérêts ne sont pas une punition, mais la rémunération du retard de trésorerie que l'Etat a été forcé de subir du fait de l'infraction du contribuable. Toutefois, force est de constater que ces intérêts, qui ne peuvent jamais bénéficier d'une remise, sont aberrants, puisqu'ils n'ont aucun lien avec l'intérêt légal.

A cela peuvent s'ajouter les majorations pour absence de dépôt ou pour dépôt tardif (37). Ces majorations sont de 10 % des droits éludés si le dépôt a eu lieu avant l'expiration du délai de 30 jours suivant la réception de la mise en demeure, 40 % si le dépôt a lieu après l'expiration du délai de 30 jours et 80 % en cas d'activité occulte.

Enfin, certaines majorations sont applicables en cas d'insuffisance de déclaration ou d'omission (38). Elles sont égales à 40 % des droits éludés en cas de manquement délibéré, 80 % en cas d'abus de droit si le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (ramenée à 40 % dans le cas contraire), 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat.

De plus en plus, l'administration considère que l'avocat ne pouvait pas ne pas savoir. Or, l'avocat est un humain comme tout autre, et comme errare humanum est, il est dérangeant de poser comme présomption que l'avocat sait tout et ne commet jamais d'erreur. Ainsi, sur ce point, l'avocat n'est pas un contribuable comme les autres, puisqu'il sera plus sévèrement sanctionné qu'un plombier, par exemple.

Quelques arrêts permettent de se faire une idée des modalités d'application des sanctions :

- des prélèvements effectués par les associés sous diverses formes dans les comptes bancaires d'une société pour financer leur train de vie et la vente fictive à une société par son gérant de meubles ne lui appartenant pas caractérisent l'existence de manoeuvres destinées à égarer l'administration et justifient l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses aux droits en principal rappelés. L'appréhension de recettes sociales et l'imputation sur le revenu global des déficits commerciaux de deux groupements d'intérêt économique, alors que cette déduction a déjà été remise en cause lors d'un précédent contrôle et qu'au demeurant le contribuable est avocat fiscaliste, justifient, par leur caractère délibéré et compte tenu de l'expérience et la qualification professionnelle de l'intéressé, l'application des pénalités de mauvaise foi (39) ;

- ne peut être admise la bonne foi d'un contribuable, conseil juridique puis avocat, qui, de façon répétée, a fait passer des frais personnels en dépenses professionnelles et a omis de réintégrer des frais de voiture correspondant à son usage personnel (40) ;

- la nature, le montant et la répétition des infractions commises par le contribuable en matière de déductions opérées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ainsi que (ceci n'étant pas un critère d'appréciation unique) le fait qu'il ne pouvait ignorer les règles fiscales applicables eu égard à sa qualité de professeur de droit, traduisent une intention délibérée d'éluder le paiement de l'impôt et donc sa mauvaise foi (41) ;

- l'administration relève que les redressements constatés au cours des années vérifiées sont identiques à ceux qui avaient été notifiés lors d'une précédente vérification, que la société n'avait pas porté de mention expresse sur ses déclarations de la persistance de son désaccord avec les redressements opérés au titre des années précédentes et qu'eu égard à leur qualité d'avocats, les gérants ne pouvaient alléguer la méconnaissance des règles fiscales. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants. En effet, le contribuable faisait valoir, quant à lui, que le différend sur les redressements opérés au titre des années précédentes n'avait pas été tranché de manière définitive par le juge de l'impôt au moment de la déclaration de ses revenus au titre des années litigieuses (42) ;

- la personnalité du contribuable peut constituer un élément de nature à conforter la démonstration du caractère intentionnel de la fraude, puisqu'il a été jugé que le prévenu ne pouvait, du fait de sa profession, de la notoriété de son cabinet d'avocat et de sa formation juridique, ignorer les profits qu'il avait réalisés en dissimulant le montant exact de ses recettes et le caractère illicite de ses minorations de déclarations (43) ;

- de même, les juges ont estimé que les anomalies enregistrées étaient d'autant moins admissibles qu'elles affectaient la comptabilité commerciale sur plusieurs exercices comptables et qu'elles n'auraient pas dû échapper au contribuable, qui était assisté de surcroît d'un expert-comptable (44).

VI - Le dispositif anti-blanchiment

L'avocat n'est, au titre de la lutte anti-blanchiment, pas un contribuable comme les autres. En effet, pèse sur lui un devoir d'informer son Bâtonnier, et par son biais, Tracfin, s'il a connaissance de faits commis par un de ses clients ou de ses prospects contraires au dispositif de lutte anti-blanchiment.

A noter que, dans le projet de loi sur la fraude fiscale et la grande délinquance financière, l'avocat peut être accusé de "complicité de blanchiment de fraude fiscale", s'il conseille son client dans une opération de fraude. En outre, l'avocat sera tenu de prévenir son Bâtonnier, et par son biais Tracfin s'il a connaissance d'une volonté d'un de ses clients ou prospects de commettre une fraude fiscale. Ainsi, même si l'avocat conseille à son client de ne pas effectuer ce type d'opération, et que cette dernière ne voit jamais le jour, il doit le dénoncer. Au vu des statistiques de Tracfin et du peu de déclarations de soupçon envoyées par les avocats, il n'est pas dit que ce dispositif révolutionnera le rapport avocat/client/prospect.

Le Conseil national des barreaux a intégré un article "1.5 Devoir de prudence" par décision n° 2011-002, issue de l'AG du Conseil du 18 juin 2011. Cet article prévoit que "En toutes circonstances, la prudence impose à l'avocat de ne pas conseiller à son client une solution s'il n'est pas en mesure d'apprécier la situation décrite, de déterminer à qui ce conseil ou cette action est destiné, d'identifier précisément son client. A cette fin, l'avocat est tenu de mettre en place, au sein de son cabinet, une procédure lui permettant d'apprécier, pendant toute la durée de sa relation avec le client, la nature et l'étendue de l'opération juridique pour laquelle son concours est sollicité. Lorsqu'il a des raisons de suspecter qu'une opération juridique aurait pour objet ou pour résultat la commission d'une infraction, l'avocat doit immédiatement s'efforcer d'en dissuader son client. A défaut d'y parvenir, il doit se retirer du dossier".

Enfin, une décision de la CEDH du 6 décembre 2012 (45), saisie par un avocat fiscaliste, décide que la loi anti-blanchement est conforme à l'article 8 de la CESDH.


(1) CGI, art. 93-0 A (N° Lexbase : L4183ICW).
(2) CGI, art. 109 (N° Lexbase : L2060HLU). En outre, le montant réintégré est multiplié par 1,25, sauf en cas d'adhésion à un centre de gestion agréé. L'associé ne peut pas bénéficier de l'abattement de 40 % réservé aux dividendes, c'est-à-dire aux distributions décidées par l'assemblée générale des actionnaires.
(3) LPF, art. L. 10 (N° Lexbase : L4149ICN).
(4) LPF, art. L. 10-0-A (N° Lexbase : L0047IWN).
(5) CE 8° et 9° s-s-r., 16 mai 1997, n° 145097 et 145211, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9744ADA).
(6) CAA Nantes, 1ère ch., 30 juin 2005, n° 02NT0469, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7097DLG), RJF, 3/06, n° 236.
(7) Dispositif issu d'un amendement parlementaire.
(8) CE 7° et 8° s-s-r., 7 mai 1982, n° 18920, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7928AKT).
(9) CE, 14 mars 1990, n° 65110.
(10) LPF, art. L. 12, L. 52 (N° Lexbase : L0281IWC) et L. 52 A (N° Lexbase : L2421DAW).
(11) LPF, art. L. 52 A, op. cit..
(12) CE 8° et 7° s-s-r., 23 mai 1990, n° 50916, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5043AQT).
(13) CE 10° et 9° s-s-r., 16 avril 2012, n° 323592, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1309IKP).
(14) CE 3° et 8° s-s-r., 30 mai 2012, n° 345418, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2565IMX).
(15) CE, S., 6 octobre 2000, n° 208765, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9611AHG).
(16) Pour en savoir plus sur le droit de communication, voir infra, III.
(17) LPF, art. L. 12, al. 2.
(18) LPF, art. L. 47 (N° Lexbase : L3907ALB).
(19) LPF, art. L. 10 (N° Lexbase : L4149ICN).
(20) LPF, art. L. 49 (N° Lexbase : L5563G4S).
(21) Rép. min. à Coupel n° 30064, JOAN, 11 janvier 1988, p. 118.
(22) CE 8° s-s., 10 juillet 2009, n° 311161 et 311162, RJF, 2/10, n° 147.
(23) Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-30.117 (N° Lexbase : A0157AUD), RJF, 1/99, n° 47.
(24) Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-30.116 (N° Lexbase : A2855ACQ), RJF, 7/98, n° 822.
(25) CAA Lyon, plén., 26 juin 2007, n° 05LY01861 mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2251DXN), RJF, 11/07, n° 1270.
(26) Cass. com., 7 mars 1995, n° 93-14.660 (N° Lexbase : A8282ABD), RJF, 6/95, n° 742 ; Cass. crim., 10 octobre 2001, n° 00-30.016, F-D (N° Lexbase : A9384AXT), RJF, 2/02, n° 177.
(27) CEDH, 24 juillet 2008, req. n° 18603/3 (N° Lexbase : A8281D9L), RJF, 12/08, n° 1341.
(28) Cass. crim., 24 octobre 2001, n° 99-30.412, F-D (N° Lexbase : A7814CZG), RJF, 3/02, n° 298.
(29) LPF, art. L. 57 (N° Lexbase : L0638IH4).
(30) LPF, art. L. 66.
(31) CE 8° et 9° s-s-r., 11 février 1994, n° 70825, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7809B7D), RJF, 4/94, n° 461.
(32) CE 7° et 8° s-s-r., 17 octobre 1990, n° 54430 et 65011, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5319AQ3), RJF, 12/90, n° 1522.
(33) C. trav., art. L. 8221-1 (N° Lexbase : L3589H9S).
(34) CA Paris, ord. Prem. prés., 7 mai 2009, n° 08-22474, 08-22476 et 08-22478, RJF, 8-9/09, n° 756.
(35) LPF, art. L. 64 (N° Lexbase : L4668ICU).
(36) CGI, art. 1727 (N° Lexbase : L0141IW7).
(37) CGI, art. 1728 (N° Lexbase : L1715HNT) et suivants.
(38) CGI, art. 1729 (N° Lexbase : L4733ICB).
(39) CE 8° et 3° s-s-r., 8 février 2012, n° 336125, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3385ICD), RJF, 5/12, n° 479.
(40) CE 8° et 9° s-s-r., 29 octobre 1997, n° 141390, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4505ASN), RJF, 12/97, n° 1103.
(41) CE 9° et 10° s-s-r., 7 novembre 2012, n° 338465, mentionné aux tables du recueil Lebon, (N° Lexbase : A5056IW8) RJF, 2/13, n° 187.
(42) CE 3° et 8° s-s-r., 3 juillet 2009, n° 293154, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5592EIX), RJF, 11/09, n° 946.
(43) Cass. crim., 9 février 1987.
(44) Cass. crim., 8 février 1988, n° 86-96.707 (N° Lexbase : A5278CP8).
(45) CEDH, 6 décembre 2012, req. n° 12323/11 (N° Lexbase : A3982IY7).

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Fiscalité financière

[Questions à...] Obligation de déclarer un compte Paypal : de la susceptibilité des juges à l'égard d'internet - Questions à Catherine Taurand, avocate au barreau de Paris

Réf. : TA Pau, 25 avril 2013, n° 1101426 (N° Lexbase : A0258KMI)

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N8939BTA

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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 17 Octobre 2013

Les progrès technologiques dans notre monde sont quotidiens. L'homme peut se sentir dépassé, le fiscaliste aussi. Alors que fleurissent sur internet des sites permettant de gérer aussi bien son capital qu'un compte courant, sont apparus des produits financiers, des comptes d'utilisateurs, qui permettent des dépôts d'argent. Il en va ainsi de certains jeux en ligne, comme les Sims, ou de plateformes d'échange de monnaie virtuelle, créée de toute pièce, comme Bitcoin (mais il en existe d'autres). Or, à l'échelle de la planète, l'impôt n'a qu'un repère : le territoire. La territorialité de l'impôt est une notion partagée entre de nombreux pays, notamment au sein de l'OCDE. Comment taxer un produit qui n'est pas rattachable à un territoire ? Le problème des incorporels soulève de nombreuses questions et provoque des discussions multiples, comme en témoigne notamment le travail constant de l'OCDE sur les incorporels et les prix de transfert. Le virtuel causera-t-il la mort de la théorie de la territorialité de l'impôt ? Le tribunal administratif de Pau, dans un jugement du 25 avril 2013, propose d'appliquer l'amende pour défaut de déclaration de compte à l'étranger au Français titulaire d'un compte géré par une société non-résidente. Ce cas concernait Paypal, mais il risque de s'étendre à de nombreux autres produits... Pour en savoir plus sur les risques inhérents aux nouveaux comptes qui fleurissent sur internet, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Catherine Taurand, avocate au barreau de Paris.

Lexbase : Pouvez-vous nous rappeler les règles en matière de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger ?

Catherine Taurand : La levée du contrôle des changes depuis le 1er janvier 1990 a permis aux personnes physiques résidant en France d'ouvrir des comptes à l'étranger et de transférer librement des fonds hors de France.

C'est pour éviter que cette libération constitue une source d'évasion fiscale que l'obligation de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger a été introduite.

L'article 1649 A du CGI (N° Lexbase : L1746HMM) impose aux personnes domiciliées ou établies en France métropolitaine et dans les DOM de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Il est à noter que sont également soumises à cette obligation, les personnes de nationalité française qui ont établi à Monaco leur résidence habituelle depuis le 14 octobre 1957.

De facto, les personnes physiques non astreintes à l'obligation de souscrire une déclaration de revenus ne sont pas tenues à cette obligation, ce qui, à mon sens, est très contestable car ces personnes ne sont pas moins susceptibles de commettre une fraude fiscale.

C'est l'article 344 A de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L3569HM7) qui précise les règles en matière de déclaration de comptes bancaires ouverts à l'étranger.

D'abord, il donne la définition du compte étranger : il s'agit de tout compte ouvert auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces et dont le siège se situe à l'étranger.

Il rappelle également que les comptes visés sont ceux qui sont ouverts mais aussi ceux qui sont utilisés ou clos au cours de l'année fiscale.

Un compte est réputé avoir été utilisé dès lors qu'a été effectuée au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, que la personne ayant effectué cette opération soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident.

La déclaration doit être souscrite pour chacun des comptes ouverts ou utilisés à l'étranger. On y indique la désignation de l'établissement, le numéro de compte et ses caractéristiques : nature (compte ordinaire, épargne, à terme...), usage (utilisation à titre privé et/ou professionnel), type (compte simple, compte joint entre époux ou compte collectif, c'est-à-dire ouvert au nom de plusieurs titulaires, compte de succession...) et adresse communiquée au gestionnaire du compte si elle est différente de celles indiquées aux cadres 2 ou 3. La déclaration est effectuée sur un imprimé 3916 ou sur papier libre reprenant les mentions de cet imprimé.

Les infractions aux obligations de déclaration sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte non déclaré (750 euros pour les revenus antérieurs à l'année 2008). L'amende est portée à 10 000 euros lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires.

Attention, on parle ici d'une amende pour défaut de respect de l'obligation déclarative de comptes et non de taxation des sommes figurant sur lesdits comptes.

Lexbase : Que pensez-vous du jugement rendu par le tribunal administratif de Pau ?

Catherine Taurand : Dans cette affaire, un antiquaire s'est vu infliger, à l'issue d'un contrôle fiscal sur sa situation personnelle et sur son activité professionnelle, une amende de 750 euros pour défaut de déclaration de son compte Paypal (amende qui, depuis, a été portée par l'article 1736, IV du CGI N° Lexbase : L0106IWT, à 1 500 euros par compte non déclaré).

Saisi d'une demande de décharge de cette amende, le tribunal administratif de Pau a considéré, dans ce jugement du 25 avril 2013, qu'un compte Paypal doit bien être déclaré à l'administration fiscale au titre de l'article 1649 A, dès lors que la société Paypal Europe a son siège social au Luxembourg et que l'ouverture d'un compte auprès de Paypal permet notamment d'avoir accès à des services de paiement électronique et que le titulaire d'un tel compte peut procéder à des achats en ligne au moyen des fonds disponibles sur ce compte.

Le jugement n'est pas davantage motivé.

Et, en cela il est très critiquable. En effet, le cas de l'antiquaire qu'il avait à connaître semblait très litigieux mais, au lieu d'être rédigé comme un simple arrêt d'espèce s'appliquant au cas de cet antiquaire compte tenu des circonstances de l'espèce, il est rédigé comme un jugement de principe laissant sous-entendre que le seul fait de détenir un compte Paypal oblige à le déclarer quel que soit l'usage ou le non usage que l'on en fait.

C'est à mon avis une interprétation très extensive de l'article 344 A de l'annexe III au CGI.

En effet, il existe une différence de taille entre un compte à l'étranger et un service de paiement en ligne.

Le compte Paypal est un compte purement technique et Paypal n'intervient que comme un intermédiaire entre un acheteur et un vendeur.

Les sommes ne font que transiter par Paypal.

On a appris que le jugement avait été frappé d'appel. Il sera très intéressant de voir dans quel sens la cour administrative d'appel va statuer (courant 2014 en principe).

En tout état de cause, à la suite de la publication de mon article sur ce jugement (voir mon blog), les journalistes et les administrés ont demandé à l'administration des impôts de se positionner.

Dans la journée du 7 octobre 2013, face au tollé général, la Direction générale des finances publiques a tenu à rassurer les personnes détentrices d'un compte Paypal en assurant qu'elle n'infligerait pas d'amende à des personnes françaises qui utilisent une solution de paiement dématérialisée (de type Paypal ou autre) pour faire des achats ou des transactions de vie courante.

Cette position n'est pas écrite et ne peut pas encore être considérée comme une doctrine fiscale au sens strict, mais c'est déjà un premier pas salutaire de l'administration fiscale.

Elle implique que seules les personnes faisant un usage professionnel de ces solutions de paiement seraient soumises à l'obligation de déclaration.

Mais même cette solution est critiquable puisque l'usage professionnel ou non de Paypal ne modifie en rien la nature du compte, qui, encore une fois, n'est qu'un compte technique, un porte-monnaie électronique dans lequel les fonds ne font que transiter.

Lexbase : Tous les dépôts d'argent effectués sur internet (via des sites de jeux en ligne, notamment, ou des sites de banque en ligne), doivent-ils être déclarés ?

Catherine Taurand : C'est parce que tout paiement via Paypal (en émission ou en réception) suppose l'ouverture d'un compte, que ledit compte a à être déclaré.

Ainsi, si les jeux en ligne supposent une ouverture de compte virtuel auprès d'une banque, dont le siège se situe à l'étranger et qu'ils brassent beaucoup d'argent, le conseil est de déclarer ces comptes.

En outre, bien entendu, une banque, qu'elle soit en ligne ou non, est une banque.

Lexbase : Qu'en est-il de la monnaie virtuelle ? L'argent déposé sur des sites comme Bitcoin doit-il faire l'objet d'une déclaration ? Y'a-t-il un risque que ce type de "placement" entre dans l'assiette de la taxe sur les transactions financières ?

Catherine Taurand : Même réponse que précédemment. Ce ne sont pas les mouvements de fonds qui doivent être déclarés, mais l'existence du compte.

Quant à la TTF, c'est un autre débat. Elle concerne en priorité les échanges d'actions et d'obligations, ainsi que les contrats dérivés (loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, art. 5 N° Lexbase : L4518IS7, qui crée les articles 235 ter ZD N° Lexbase : L5714IXW, 235 ter ZD bis N° Lexbase : L4597IS3 et 235 ter ZD ter N° Lexbase : L9897IWH du CGI).

La taxation des transactions financières va évoluer mais il y a encore trop de questions qui se posent sur son champ d'application, tant matériel que territorial.

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Fonction publique

[Chronique] Chronique de droit de la fonction publique - octobre 2013

Lecture: 13 min

N8960BTZ

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par Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour

Le 17 Octobre 2013

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit interne de la fonction publique de Manuel Carius, Maître de conférences à l'Université de Poitiers et avocat à la cour. Dans le premier arrêt commenté, le Conseil d'Etat indique qu'un nouveau principe général du droit applicable aux agents non-titulaires : le reclassement des contractuels en CDI (CE, S., 25 septembre 2013, n° 365139, publié au recueil Lebon). Dans une deuxième décision, les juges du Palais-Royal précisent les limites à l'application de la suspension du traitement pour absence de service fait (CE, 23 septembre 2009, n° 350909, mentionné aux tables du Lebon). Enfin, dans une décision rendue le 23 septembre 2013, la Haute juridiction revient sur la condition au droit à conserver l'intégralité du traitement en cas de maladie provenant d'un accident de service (CE 4° et 5° s-s-r., 23 septembre 2013, n° 353093, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • Un nouveau principe général du droit applicable aux agents non-titulaires : le reclassement des contractuels en CDI (CE, S., 25 septembre 2013, n° 365139, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5989KLE)

La situation juridique des personnels non-titulaires recrutés au sein des services publics administratifs a connu d'importantes évolutions depuis plusieurs années. Sous l'impulsion du droit communautaire (Directive CE 1999/70 du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée N° Lexbase : L0072AWL, Directive CE 2000/78 du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4), les contractuels ont pu bénéficier d'une plus grande pérennité dans l'emploi. Ces évolutions ont été le fruit de réformes législatives, en 2005 et 2012 (loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique N° Lexbase : L7061HEA, loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique N° Lexbase : L3774ISL). Ces textes ont notamment permis de renforcer la place du contrat à durée indéterminée dans la fonction publique. De son côté, la jurisprudence administrative, soucieuse de la conventionalité du droit national, se fait également le relais de cette volonté de lutte contre la précarisation de la fonction publique non statutaire. L'avis rendu le 25 septembre 2013 s'inscrit dans cette ligne, au moyen du recours à la technique des principes généraux du droit.

Inauguré dans les années 1970, le recours aux principes généraux du droit de la fonction publique s'est développé dans le sens d'une plus grande protection des agents publics auxquels le statut général des fonctionnaires ne s'applique pas. C'est ainsi que l'interdiction de licencier une femme enceinte (1) et le droit à percevoir une rémunération équivalente au SMIC (2), ou encore l'obligation de rechercher le reclassement des agents dont l'inaptitude physique définitive à occuper leurs fonctions a été médicalement constatée (3) ont été "découverts" à l'occasion de litiges relatifs à des non-fonctionnaires. Plus récemment, des juridictions du fond sont allées plus loin, mettant au jour un droit au reclassement de l'agent contractuel dont l'emploi est supprimé (4). Ce principe avait été appliqué aux agents en CDI, mais également aux agents en CDD dans la limite de la durée de leur contrat (5).

Sans pour autant se référer directement aux principes généraux du droit, la jurisprudence du Conseil d'Etat garantit également le respect des "droits acquis" résultant du contrat conclu par un service public administratif avec un agent non-titulaire (6). L'avis rendu le 25 septembre 2013 s'insère dans ce contexte favorable au renforcement de la situation juridique des non-titulaires. De manière assez proche de la jurisprudence "Danthony" (7), la prise de position du juge administratif intervient alors que le législateur s'est récemment saisi de la question posée. De fait, le sens de l'avis ne sera pas sans incidence sur la rédaction des textes réglementaires d'application.

La question posée par la cour administrative d'appel de Paris était double. Il s'agissait, tout d'abord, de savoir si l'administration peut remplacer par un fonctionnaire un agent contractuel bénéficiant, dans le cadre des dispositions de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, d'un contrat à durée indéterminée et, par suite, mettre fin à ses fonctions, eu égard à la nécessaire protection des droits qu'il a acquis en vertu de son contrat. En second lieu, si l'éviction de l'agent en CDI est possible, afin de permettre le recrutement d'un fonctionnaire titulaire, l'administration a-t-elle l'obligation de reclasser l'agent dans un autre emploi.

Dans sa réponse, le Conseil d'Etat procède à un rappel de l'équilibre instauré par le statut général des fonctionnaires, y compris dans ses dernières évolutions. En premier lieu, il rappelle les termes de l'article 3 du titre I du statut général (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 3 N° Lexbase : L5225AHY), selon lesquels "les emplois permanents de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, sauf dérogation prévue par la loi et à l'exception des emplois réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut". Ce texte fixe ce que le Conseil d'Etat qualifie de "principe", à savoir la primauté du recrutement des personnels titulaires sur les emplois permanents. Ce n'est donc qu'à "titre dérogatoire et subsidiaire" que des contractuels peuvent être recrutés sur de tels emplois, y compris au moyen d'un CDI. Ainsi, le caractère "fermé" de la fonction publique française est réaffirmé, les récentes réformes législatives favorables à l'extension du recours au contrat et à la "cdisation" intervenues dans ce domaine n'y changeant rien. La conséquence de cette primauté est clairement établie par l'avis commenté : "un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi. L'administration peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi". En application de la jurisprudence "Cavallo - Région Guadeloupe" (8), les droits acquis créés par le contrat de recrutement de l'agent public non-titulaire ne sauraient avoir une valeur supérieure aux motifs légaux de recours à ce type de recrutement. Par suite, un emploi de contractuel, fût-il en CDI, n'a pas vocation à empêcher le recrutement d'un fonctionnaire. Doivent toutefois échapper à cette règle les emplois visés à l'article 3 du titre II du statut général des fonctionnaires de l'Etat (loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat N° Lexbase : L7077AG9), pour lesquels le principe de l'article 3 du titre I est inapplicable (emplois supérieurs, personnels médicaux des CHU...).

Pour autant, la situation de l'agent non-titulaire en CDI n'aurait que peu de sens si elle demeurait placée sous l'épée de Damoclès d'une suppression d'emploi consécutive au recrutement d'un agent titulaire. C'est en ce sens que l'article 49 de la loi du 12 mars 2012 dispose que "les décrets qui fixent les dispositions générales applicables aux agents non titulaires recrutés en application du présent titre prévoient également les motifs de licenciement, les obligations de reclassement et les règles de procédures applicables en cas de fin de contrat". L'avis du 25 septembre 2013 vient anticiper l'entrée en vigueur des décrets d'application en garantissant un droit au reclassement des agents en CDI, lorsque leur emploi est supprimé en vue du recrutement d'un fonctionnaire. Dans cette hypothèse, il incombe à l'administration de proposer à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi. Ce n'est que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite que l'agent peut être licencié (sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité issues des dispositions des titres XI et XII du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 N° Lexbase : L1030G8N).

  • Les limites à l'application de la suspension du traitement pour absence de service fait (CE, 23 septembre 2009, n° 350909, mentionné aux tables du Lebon N° Lexbase : A9641KLN)

L'article 20 du statut général des fonctionnaires (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) dispose que "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire". Ainsi, ils ne peuvent être rémunérés qu'après avoir effectivement exercé les fonctions qui leur ont été confiées. Cette exigence traduit, en droit de la fonction publique, un principe général applicable au paiement des dettes des administrations publiques (voir décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, art. 20 N° Lexbase : L3961IUA). Si le versement du traitement demeure conditionné à la règle du "service fait" (9), il constitue un véritable droit pour l'agent dès lors que cette condition est remplie (10).

L'absence de service fait implique, de manière mécanique, la suspension du droit au traitement et, le cas échéant, le remboursement des sommes indûment perçues. En effet, le versement d'une rémunération à un agent n'ayant pas occupé son emploi durant la période correspondante constitue un enrichissement sans cause de ce dernier (11). On rappellera qu'en application de la jurisprudence "Vatin" du 12 mars 2010 (12), la prescription quinquennale s'applique au reversement des rémunérations indues. Le Conseil constitutionnel a précisé que les conséquences juridiques de l'absence de service fait relève de la réglementation de la comptabilité publique et sont indépendantes de l'action disciplinaire, "qui peut toujours être engagée à l'occasion des mêmes faits si ceux-ci sont considérés comme constitutifs d'une faute professionnelle qui est liée à la notion de service fait" (13).

Depuis quelques années, le Conseil d'Etat a été conduit à préciser les contours du paiement après service fait, notamment quant à l'origine de l'inexécution de ses obligations statutaires par l'agent. L'arrêt commenté s'inscrit dans ce mouvement.

Les faits ayant donné à l'arrêt du 23 septembre 2013 étaient, somme toute, simples. Après avoir été suspendu, dans l'attente d'un avis de l'Agence régionale de l'hospitalisation portant sur son aptitude à exercer ses fonctions médicales, un praticien-hospitalier, gynécologue obstétricien, s'est vu attribuer des fonctions purement administratives, à l'exclusion de toute mission clinique. L'agent a refusé de rejoindre son nouveau poste, bien que mis en demeure par le directeur du centre hospitalier. Par la suite, le versement des émoluments et indemnités de l'agent a été suspendu, faute de service fait. Le Conseil d'Etat va rejeter le pourvoi dirigé contre le jugement ayant rejeté le recours en annulation présenté par l'agent.

Dans son arrêt, le Conseil d'Etat indique que la suspension du traitement est légale dès lors que les fonctions confiées à l'agent n'étaient pas dépourvues de caractère effectif, mais également parce que la décision l'affectant n'avait pas le caractère d'une décision manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public (deuxième considérant). Ces deux situations constituent les seules hypothèses qui justifient qu'il soit fait exception à la déchéance du droit au traitement pour absence de service fait. A défaut de pouvoir les invoquer, l'administration se trouve dans une situation de compétence liée (troisième considérant). Ainsi, l'arrêt du 23 septembre 2013 présente un double intérêt. D'une part, il rappelle le caractère obligatoire de la suspension du traitement pour absence de service fait. D'autre part, il en précise les limites.

La suspension du traitement d'un agent public pour absence de service fait n'implique, en principe, aucune appréciation subjective des faits par l'administration. Il suffit que l'employeur constate l'inexécution des obligations de service pour qu'il soit tenu de suspendre ou de retenir le versement des rémunérations (14). La bonne gestion des deniers publics ne peut supporter que l'administration puisse disposer d'un quelconque pouvoir discrétionnaire en présence d'une rémunération indue. La jurisprudence administrative a, depuis longtemps, admis qu'une compétence liée prévaut en la matière (15).

La consécration d'une situation de compétence liée (et le caractère inopérant des moyens invoqués par le justiciable à l'encontre de la décision) pour l'application de la règle du service fait suppose qu'au préalable l'administration ait vérifié que les conditions de la mise en oeuvre de cette compétence sont réunies et, en d'autres termes, qu'elle se trouve bien dans un cas de compétence liée. Appliquée à la suspension du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait, cette idée induit que des faits justificatifs ne puissent venir soutenir le refus de l'agent d'exercer ses fonctions. Le Conseil d'Etat considère que deux circonstances permettent ainsi d'échapper à l'obligation de suspendre (ou obtenir le remboursement) d'une rémunération pour absence de service fait.

De manière générale, une telle échappatoire existe si l'absence d'accomplissement du service ne résulte pas du propre fait de l'agent en cause (16). Ce serait le cas, tout d'abord, lorsque c'est l'administration elle-même qui, par son inertie, rendra impossible l'exercice des fonctions. Dans l'affaire "Thiébaut" (17), le requérant avait été nommé "pour ordre" pendant quatre ans, sans avoir aucun emploi ni mission. L'arrêt commenté confirme cette hypothèse est indiquant que l'agent peut arguer du fait qu'il ne se serait pas vu confier des "fonctions effectives". Cette formulation n'est pas inconnue du droit de la fonction publique ; l'administration commettant une faute lorsqu'elle se borne à placer ses agents dans des fonctions sans contenu réel (18). Une solution identique doit s'appliquer lorsque l'agent est simplement mis à l'écart (ou "au placard"), sans pour autant être dépourvu d'attributions (19).

L'arrêt du 23 septembre 2013 estime, ensuite, qu'il doit être dérogé à l'obligation de suspension du traitement pour absence de service fait, lorsque la décision confiant les fonctions à l'agent est "manifestement illégale et de nature à compromettre gravement un intérêt public" . En application à la théorie des "baïonnettes intelligentes", le statut général des fonctionnaires (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, art. 28) reprend l'idée que l'obligation d'obéissance connaît des limites : "tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public". Le refus d'occuper une fonction sans contenu effectif apparaît donc, à ce titre, légitime (20). A l'inverse, l'agent ne peut utilement invoquer une "simple" illégalité de sa nomination pour chercher à justifier son refus d'exercer ses fonctions (21).

  • Congé de maladie et maintien du plein traitement : la maladie imputable au service n'a pas à être la cause exclusive (CE 4° et 5° s-s-r., 23 septembre 2013, n° 353093, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9648KLW)

Le régime financier applicable aux congés des fonctionnaires varie selon la cause de l'absence du service. Les statuts généraux en vigueur dans chacune des branches de la fonction publique française (loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, art. 34-2°, loi n° n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale N° Lexbase : L7448AGX, art. 57-2°, loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière N° Lexbase : L8100AG4, art. 41-2°) prévoient, en principe, le maintien du plein traitement pendant une durée de trois mois dans le cadre d'un congé de maladie ordinaire (de douze mois maximum). Il n'en ira autrement que lorsque la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du Code des pensions civiles et militaires de retraite (N° Lexbase : L2012AGM) ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Dans cette hypothèse, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. De plus, il a droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite.

Il appartient à l'administration de se prononcer, sous le contrôle du juge, sur le caractère imputable ou non de la maladie au service. Le lien de causalité doit être direct et certain (22). La jurisprudence organise également la charge de la preuve dans un sens favorable aux agents lorsque les données scientifiques sont insuffisantes. Dans une telle situation, "il y a lieu de prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent être de nature à révéler la probabilité d'un lien entre une affection et le service, alors même qu'à la date à laquelle l'autorité administrative a pris sa décision, l'état de ces connaissances excluait une telle possibilité" (23).

Au-delà du caractère direct et certain de ce lien de causalité, l'aspect multifactoriel d'une maladie a généré des difficultés. La question de savoir si la pathologie devait non seulement être la cause directe mais, également, exclusive de l'inaptitude aux fonctions a été posée. Dans un arrêt du 22 avril 2005 (24), le Conseil d'Etat a rejeté un pourvoi après avoir constaté que les juges du fond n'avaient pas jugé que l'accident de service devait constituer la cause exclusive du préjudice subi par l'intéressé. A l'occasion de l'arrêt commenté, la Haute juridiction a pu décider, de manière positive cette fois-ci, que le lien entre un accident de service et une maladie empêchant l'agent d'exercer ses fonctions doit être direct, mais non exclusif.

En l'espèce, un agent du centre hospitalier de Toulouse a formé un pourvoi à l'encontre du jugement qui avait rejeté sa demande tendant à l'annulation d'arrêtés ayant refusé de reconnaître l'imputabilité d'arrêt à un accident de service. Plus précisément, cet agent avait souffert des pathologies consécutives à un accident de service, puis d'une dépression nerveuse ; elle avait été placée à mi-traitement puis en disponibilité d'office par son employeur, une fois ses droits à congés épuisés.

Le Conseil d'Etat interprète le statut général de la fonction publique hospitalière comme prévoyant que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Cette solution est favorable aux agents. Elle trouvera à s'appliquer à la cause initiale du congé de maladie. En revanche, dans l'hypothèse d'une rechute, la jurisprudence exige que le lien avec l'accident de service initial soit direct, certain et exclusif (25).


(1) CE Ass., 8 juin 1973, n° 80232, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5658B7P), Rec. CE, 1973, p. 406.
(2) CE, S., 22 avril 1982, n° 36852 (N° Lexbase : A8894AKM), Rec. CE, 1982, p. 151, concl. Labetoulle, AJDA, 1982, p. 443, chron. Tiberghien et Lasserre, D. 1983, jurispr. p. 8, note J.-B. Auby.
(3) CE 5° et 7° s-s-r., 2 octobre 2002, n° 227868, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9513AZD), AJDA, 2002, p. 1294, concl. Piveteau, note M.-C. de Montecler.
(4) CAA Marseille, 2ème ch., 30 mars 2010, n° 08MA01641, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8842EWE), JCP éd. A, 2010, n° 2232, note D. Jean-Pierre, AJFP, 2010, p. 197.
(5) CAA Lyon, 3ème ch., 7 juillet 2011, n° 10LY00207, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8968HW3), AJDA, 2012, p.111 note E. Aubin.
(6) CE, S., 31 décembre 2008, n° 283256, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6573ECG), Rec. CE, 2008, p. 481, AJDA, 2009, p. 142, note Lieber et Botteghi, RFDA, 2009, p. 89, concl. Glaser, JCP éd. A, 2009, 2062, note D. Jean-Pierre ; CE 3° et 8° s-s-r., 27 octobre 2010, n° 321469 (N° Lexbase : A1094GDU), Dr. adm., 2011, comm. 5, obs. F. Melleray.
(7) CE, S., 23 décembre 2011, n° 335477, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8170H84).
(8) CE, S., 31 décembre 2008, n° 283256, publié au recueil Lebon, préc..
(9) Y compris lorsqu'un agent -contractuel- est recruté verbalement et que, par définition, aucune rémunération n'a été convenue : CE 3° et 8° s-s-r., 17 février 2010, n° 308852, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0218ESU), JCP éd. A, 2010, n° 2185, note F. Dunyach.
(10) CE, 7 décembre 1962, Fédération des fonctionnaires, Rec., p. 667.
(11) CE 2° et 7° s-s-r., 13 novembre 2006, n° 270536, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3528DSH).
(12) CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2010, n° 309118, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1605ETM).
(13) Cons. const., décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977 (N° Lexbase : A7957ACP), Rec. Cons. const., p. 39, AJDA, 1977, p., 599, note R. Denoix de Saint Marc.
(14) Sur le contour de ces obligations, voir CE 2° et 7° s-s-r., 23 mai 2007, n° 287394, publié au Lebon (N° Lexbase : A4766DWG).
(15) CE 2° et 8° s-s-r., 8 décembre 1971, n° 78103, publié au Lebon (N° Lexbase : A6044B7Y) ; CE 2° et 6° s-s-r., 17 mars 1976, n° 99883, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A2041AYA); CE 1° et 4° s-s-r., 15 janvier 1997, n° 135693, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A7913ADG) ; CE 4° et 5° s-s-r., 17 juin 2005, n° 273912, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7419DIM).
(16) CE 2° et 7° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 346245, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A1343IZR).
(17) CE 2° et 7° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 346245, mentionné aux tables du Lebon, préc..
(18) CE 8° et 9° s-s-r., 9 avril 1999, n° 155304, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A4412AXP) ; CE, S., 6 novembre 2002, n° 227147, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7481A3H), AJDA, 2002, p. 1440.
(19) CE 9° et 10° s-s-r., 26 janvier 2007, n° 282703, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A7077DTB).
(20) Eu égard, notamment, à l'inexistence juridique des nominations pour ordre -titre I du statut général, art. 12- et CE, S., 18 janv. 2013, n° 354218, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4754I3H).
(21) CE 9° et 8° s-s-r., 30 novembre 1992, n° 80641, mentionné aux tables du Lebon (N° Lexbase : A8241ARN) ; CE 2° et 7° s-s-r., 29 octobre 2012, n° 356512, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1185IWS).
(22) CE 2° s-s., 24 mai 2011, n° 330963, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5824HSI) ; CAA Versailles, 6ème ch., 21 mars 2013, n° 11VE02734, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8102KMZ).
(23) CE 3° et 8° s-s-r., 21 novembre 2012, n° 344561, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2637IXX), publié au Lebon : myofasciite à macrophages causée par le vaccin de l'hépatite B.
(24) CE 2° et 7° s-s-r., 22 avril 2005, n° 248767, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9326DHU).
(25) CE 6° s-s., 6 juillet 2012, n° 336552, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4690IQR) ; CAA Douai, 2ème ch., 26 mars 2013, n° 11DA01875 (N° Lexbase : A8101KMY) ; CAA Marseille, 2ème ch., 8 juin 2004, n° 01MA02510, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3911DGX).

newsid:438960

Licenciement

[Jurisprudence] Modulation du périmètre et de l'intensité de l'obligation de reclassement

Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2013, n° 12-13.439, FS-P+B (N° Lexbase : A3218KM7)

Lecture: 8 min

N8936BT7

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par Sébastien Tournaux, Professeur à l'Université des Antilles et de la Guyane

Le 17 Octobre 2013

L'employeur qui entend procéder au licenciement d'un salarié pour motif économique doit au préalable rechercher si son reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient est possible. Cette règle, depuis sa création en 1992, a été circonscrite par la jurisprudence de la Cour de cassation et ses modalités sont aujourd'hui bien connues. Par une décision rendue par la Chambre sociale le 30 septembre 2013, la Haute juridiction revient sur le régime juridique de cette obligation de reclassement rappelant à l'occasion quelques règles classiques. L'intérêt principal de la décision tient, cependant, à ce que de nouvelles précisions sont apportées, notamment s'agissant de la faculté de moduler l'intensité et le domaine de l'obligation de reclassement ce qui, sous réserve de quelques limites, doit être salué.
Résumé

L'obligation de proposer trois offres valables d'emplois à chaque salarié engage l'employeur, peu important qu'il ait sollicité le concours d'un organisme extérieur. Le non-respect de cet engagement, qui étend le périmètre de reclassement, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse.


Commentaire

I - La faculté de moduler l'intensité et le domaine de l'obligation de reclassement

Licenciement pour motif économique et techniques de recherche de reclassement du salarié. Depuis un célèbre arrêt rendu en 1992, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut être justifié qu'à la condition que son reclassement sur un autre emploi de l'entreprise soit impossible (1). Reprise par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, de modernisation sociale (N° Lexbase : L1304AW9), cette mesure figure désormais à l'article L. 1233-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3135IM3) qui dispose que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque [...] le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient".

Cette obligation de reclassement préalable au licenciement a été agrémentée de nombreuses techniques d'accompagnement social des salariés. Ainsi, elle coexiste avec une autre obligation de reclassement imposée dans le cadre de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, laquelle n'est pas limitée aux emplois disponibles dans l'établissement ou le groupe mais peut imposer à l'employeur de rechercher des reclassements externes à l'entreprise (2). De la même manière, de nombreux dispositifs d'accompagnement tels que les congés de mobilité (3), les congés de reclassement (4) et les actions menées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle (5) ont tous pour objectif plus ou moins direct la recherche d'un reclassement du salarié.

Les modalités de l'obligation préalable de reclassement. L'employeur est seul débiteur de l'obligation, y compris lorsque l'entreprise appartient à un groupe et que, par conséquent, le champ de l'obligation de reclassement dépasse l'entreprise (6). Une exception à cette règle a tout de même été posée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans une situation de coemploi, les co-employeurs étant alors tous tenus d'indemniser le salarié pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en cas de manquement à l'obligation de reclassement (7). En principe, l'employeur n'est, en revanche, pas tenu de rechercher un reclassement externe au groupe ou à l'entreprise au stade de l'exécution de l'obligation préalable de reclassement. Cette règle connaît toutefois des exceptions (8) puisque la Chambre sociale a déjà eu l'occasion de juger que "la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles qui étendent le périmètre de reclassement et prévoient une procédure destinée à favoriser un reclassement à l'extérieur de l'entreprise, avant tout licenciement, constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement" (9).

Il est généralement considéré que l'obligation de reclassement dont l'employeur est débiteur est une obligation de moyens renforcée. Tous les moyens doivent être mis en oeuvre afin qu'un reclassement puisse être proposé. Cette qualification a notamment de l'importance lorsque le salarié refuse les propositions de reclassement présentées par l'employeur. En effet, si le salarié bénéficie d'un véritable droit au refus des propositions faites (10), ce refus peut parfois libérer l'employeur de son obligation de reclassement (11). Ainsi, par exemple, une décision rendue en 2008 jugeait qu'il ne pouvait être reproché à un employeur d'avoir manqué à son obligation de reclassement alors qu'une salarié avait refusé une proposition de reclassement qui lui avait été faite et que l'employeur "justifiait de l'absence de poste disponible en rapport avec les compétences de l'intéressée" (12).

L'espèce. Alors qu'une entreprise connaît des difficultés économiques, elle décide de procéder au licenciement de plusieurs salariés et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi. L'une des salariées concernées se voit proposer un reclassement au sein du groupe auquel l'entreprise appartient, proposition qu'elle refuse. Dans le même temps, cependant, la salariée conclut une convention de congé de conversion lui permettant de bénéficier des services d'un cabinet de recrutement externe, lequel s'engage à lui proposer au moins trois "offres d'emploi valables". La convention prévoit, en outre, que le contrat de travail prendra fin soit à l'occasion du reclassement effectif de la salariée chez un autre employeur, soit à l'échéance du congé de conversion d'une durée de huit mois. A l'issue de ce congé, faute qu'un emploi lui ait été proposé, la salariée est licenciée. Elle saisit le juge prud'homal pour contester le bien-fondé du licenciement.

La cour d'appel de Toulouse (CA Toulouse, 11 mars 2011, n° 09/06520 N° Lexbase : A5016HAZ), saisie de l'affaire, juge que le licenciement n'est pas abusif. Elle retient, d'abord, que l'engagement pris par l'employeur auprès du cabinet de recrutement n'avait qu'une nature financière et que l'engagement de proposer trois offres d'emploi n'incombait qu'au cabinet de recrutement et n'obligeait pas l'employeur. Les juges d'appel ajoutent que la recherche d'un reclassement préalable au licenciement est limitée au reclassement interne et qu'il ne saurait donc être reproché à l'employeur de n'avoir pas recherché un reclassement externe à l'entreprise ou au groupe. Ils terminent enfin leur argumentation en rappelant que l'employeur avait fait une proposition de reclassement à la salariée, proposition que celle-ci avait refusée. La cour d'appel déduit de ces arguments que la légitimité du licenciement ne pouvait être remise en cause.

Par un arrêt rendu le 30 septembre 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7) et L. 1233-4 du Code du travail. La Chambre sociale juge que "l'obligation de proposer trois offres valables d'emplois à chaque salarié engageait l'employeur, peu important qu'il ait sollicité le concours d'un organisme extérieur" et que "le non-respect de cet engagement, qui étendait le périmètre de reclassement, constituait un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et privait celui-ci de cause réelle et sérieuse".

II - La lutte contre les tentatives d'entreprises cherchant à se dégager de l'obligation de reclassement

La confirmation des modalités de l'obligation de reclassement. Sur plusieurs aspects, la solution rendue par la Chambre sociale ne surprend pas. Ainsi, comme nous l'avons vu, l'existence d'un refus du salarié d'une proposition de reclassement ne suffit pas à libérer l'employeur de son obligation de reclassement. La référence expresse, dans la motivation de la Chambre sociale, à ce refus antérieur est précieux en ce qu'il sera plus simple d'interprétation que la motivation adoptée en 2008 qui devait être lue a contrario pour parvenir à un tel résultat.

De la même manière, la Chambre sociale confirme que l'obligation préalable de reclassement peut parfois être étendue au-delà de l'entreprise ou du groupe à un reclassement externe. La solution apporte cependant de nouvelles précisions sur ce sujet. Jusqu'ici, l'extension au reclassement externe ne pouvait découler que des dispositions d'une convention collective de branche l'imposant (13). C'est une toute autre situation qui est ici en cause puisque c'est par l'effet d'une convention n'ayant pas la nature d'une convention collective que cette extension a lieu. L'extension du champ de l'obligation de reclassement intervient en application des dispositions d'une convention de congé de conversion, ancêtre de l'actuel contrat de sécurisation professionnelle.

L'amélioration des conditions de l'obligation légale de reclassement. Il convient donc de retenir que l'employeur et le salarié peuvent s'entendre pour améliorer les effets de l'obligation de reclassement, l'employeur pouvant, par exemple, s'engager à rechercher un reclassement externe au titre de l'obligation préalable.

Le visa de l'article L. 1233-3 du Code du travail, qui définit le motif et la cause de licenciement pour motif économique, permet de comprendre la logique qui guide cette faculté : tout ce qui peut être fait pour éviter que le salarié ne perde son emploi ou qu'il se retrouve sans emploi doit être fait. Si la loi n'a pas souhaité aller plus loin que la seule obligation de rechercher le reclassement en interne, rien n'empêche de s'engager, par contrat, à procéder à une recherche externe. L'employeur, engagé par le contrat conclu avec le salarié, doit alors respecter son engagement ce qui justifie, cette fois, la référence à l'article 1134 du Code civil.

Délégation de l'obligation de reclassement ? Il reste un point, cependant, sur lequel la motivation de la Chambre sociale de la Cour de cassation peut au mieux paraître insuffisante, au pire être contestée. La Chambre sociale relève, en effet, que l'obligation de proposer trois offres d'emploi engageait l'employeur, "peu important qu'il ait sollicité le concours d'un organisme extérieur". Le cabinet de recrutement est ainsi perçu comme un collaborateur, un "préposé" de l'entreprise auquel celle-ci aurait délégué une mission sans pouvoir lui faire supporter la responsabilité de l'échec du reclassement.

Il aurait été possible de dissocier la faculté d'extension de l'obligation au reclassement externe de la proposition d'offres d'emploi assumée par le cabinet de recrutement. Les faits de l'espèce nous apprennent en effet que cet engagement de proposer des offres d'emploi n'avait été pris que par le cabinet de recrutement dans le cadre d'une "charte" conclue avec la salariée et à laquelle l'employeur semble être demeuré tiers. L'employeur devait mettre en oeuvre des moyens pour rechercher un reclassement externe, ce qui ne signifie pas qu'il devait nécessairement être tenu des engagements pris par le cabinet de recrutement.

L'argumentation adoptée par la Chambre sociale fait peu de cas du principe d'effet relatif des conventions et la mène à faire peser sur l'employeur les conséquences d'une convention à laquelle il n'est pas partie (14). La formule employée par la Chambre sociale marque d'ailleurs une forme de gêne puisque les magistrats ne jugent pas que l'employeur est débiteur de l'obligation de proposer trois offres d'emploi mais que "l'obligation de proposer trois offres valables d'emplois à chaque salarié engageait l'employeur".

Pire encore, la nature des propositions faites par le cabinet de recrutement dépassaient sensiblement l'intensité habituelle de l'obligation de reclassement puisqu'il ne s'agissait plus de rechercher un reclassement mais de faire des propositions fermes de reclassement. Dit autrement, l'obligation de reclassement est quasiment transformée, par le jeu de cette charte, en une obligation de résultat. A nouveau, il nous semble que l'employeur pourrait décider avec l'accord du salarié d'assumer ce type d'engagement, mais on peut être surpris qu'il soit tenu des engagements pris par le cabinet de recrutement au-delà de ce que lui impose habituellement le droit du travail.

Malgré ces critiques, la décision comporte tout de même la vertu indéniable de chercher à juguler les stratégies de contournement qui aurait consisté, pour l'employeur, à se décharger de son obligation de reclassement sur un prestataire extérieur. Il n'est pas certain cependant que l'affaire en cause, dans laquelle l'employeur avait fait des propositions de reclassement interne, avait étendu le champ des recherches au-delà du groupe et avait fait appel à des prestataires extérieurs pour favoriser le reclassement, était la plus adaptée pour se montrer sévère, de manière générale, à l'égard des entreprises qui cherchent à échapper à leurs responsabilités...


(1) Cass. soc., 1er avril 1992, n° 89-43.494, publié (N° Lexbase : A9450AAA).
(2) C. trav., art. L. 1233-62 (N° Lexbase : L1239H9R).
(3) C. trav., art. L. 1233-77 (N° Lexbase : L1270H9W).
(4) C. trav., art. L. 1233-71 (N° Lexbase : L0731IXD).
(5)V. Présentation du contrat de sécurisation professionnelle, Encyclopédie "Droit de la protection sociale" (N° Lexbase : E6538ETC).
(6) Cass. soc., 13 janvier 2010, n° 08-15.776, FS-P+B (N° Lexbase : A2943EQ3) ; RJS, 2010, n° 247.
(7) Cass. soc., 28 septembre 2011, n° 10-12.278, F-D (N° Lexbase : A1361HY3) ; D., 2012, p. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Cass. soc., 12 septembre 2012, n° 11-12.343, F-D (N° Lexbase : A7450ISQ).
(8) Parfois contestées, v. P. Morvan, L'obligation irréelle de reclassement "extérieur" et les commissions paritaires de l'emploi fantômes, JCP éd. S, 2009, p. 1235.
(9) Cass. soc., 28 mai 2008, n° 06-46.009, FS-P+B (N° Lexbase : A7828D8G) et les obs. de Ch. Willmann, La Cour de cassation renforce l'obligation de reclassement externe, même conventionnelle, Lexbase Hebdo n° 309 du 19 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3636BGR).
(10) Par ex., Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 00-46.322, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7667A4Q).
(11) Le refus du reclassement n'implique pas, à lui seul, que l'employeur soit considéré comme ayant convenablement exécuté son obligation, v. Cass. soc., 29 novembre 2006, n° 05-43.470, F-P+B (N° Lexbase : A7899DSD) et les obs. de S. Martin-Cuenot, L'obligation de reclassement : une obligation plénière ?, Lexbase Hebdo n° 240 du 14 décembre 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N3097A9L).
(12) Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06-46.227, FS-P+B (N° Lexbase : A2281EB4).
(13) Cass. soc., 28 mai 2008, n° 06-46.009, FS-P+B, préc..
(14) Le terme "charte" donne le sentiment que la Chambre sociale souhaite écarter l'idée d'une contractualisation de l'engagement du cabinet de recrutement. Si toutefois la volonté du salarié a rencontré celle du cabinet avec pour objet de créer une obligation à la charge du cabinet de proposer trois offres d'emploi, c'est bien d'un contrat qu'il s'agit.

Décision

Cass. soc., 30 septembre 2013, n° 12-13.439, FS-P+B (N° Lexbase : A3218KM7)

Cassation, CA Toulouse, 11 mars 2011, n° 09/06520 (N° Lexbase : A5016HAZ)

Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; C. trav., art. L. 1233-3 (N° Lexbase : L8772IA7) et L. 1233-4 (N° Lexbase : L3135IM3)

Mots-clés : licenciement pour motif économique, obligation de reclassement, périmètre, intensité.

Liens base : (N° Lexbase : E9304ESE)

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Sociétés

[Jurisprudence] L'opposabilité d'une cession de parts sociales non publiée au RCS

Réf. : Cass. com., 24 septembre 2013, n° 12-24.083, FS-P+B (N° Lexbase : A9464KL4)

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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur de l'Institut de recherche en droit des affaires et du patrimoine - IRDAP

Le 17 Octobre 2013

L'arrêt rendu le 24 septembre 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui aura les honneurs du Bulletin, permet de revenir sur la délicate question de l'incidence du défaut de réalisation des formalités de publicité requises pour l'opposabilité aux tiers d'une cession de parts sociales. En affirmant que, dès lors que le tiers a eu une connaissance personnelle de la cession, le défaut de réalisation des formalités de publicité ne lui permet pas d'invoquer l'inopposabilité de la cession à son égard, la Haute juridiction vient renforcer la prééminence du fait sur le droit.

En l'espèce une cession de parts sociales de société civile immobilière avait été réalisée, par acte sous seing privé, le 7 avril 1993 sans faire l'objet d'aucune mesure de publicité. Quelques jours plus tard, le 28 avril 1993, la SCI avait procédé à l'acquisition de divers biens immobiliers à l'aide d'un prêt consenti par un établissement de crédit. A la suite d'un défaut de paiement des échéances du prêt, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la société. C'est dans ce contexte que, craignant sans doute d'être actionnés en paiement de la dette sociale en qualité d'associés, les cédants des parts sociales ont fait assigner la banque pour faire juger que celle-ci ne pouvait poursuivre à leur encontre le paiement de la dette sociale dès lors qu'ils avaient perdu la qualité d'associé à compter du 7 avril 1993, date du transfert de propriété des parts à l'acquéreur. Un point de procédure est en premier lieu abordé par l'arrêt commenté portant sur la question de savoir s'il est nécessaire de mettre en cause la société et les associés dans un litige relatif à l'opposabilité à un tiers d'une cession de parts sociales. De manière très ferme, la Chambre commerciale pose comme principe que l'ancien associé qui engage une action tendant à faire déclarer opposable à un tiers la cession de ses parts n'est pas tenu de mettre en cause la société, dont les parts ont fait l'objet de la cession, non plus que les autres associés. L'auteur du pourvoi faisait valoir, non sans quelque raison, que, dès lors qu'il s'agit de statuer sur la qualité d'associé à la suite d'une cession de parts sociales, il conviendrait que la société et les associés soient présents à l'instance afin qu'ils puissent, le cas échéant, s'expliquer sur la cession litigieuse et que, selon le sort du contentieux, la société puissent connaître la personne ayant finalement la qualité d'associé. La Cour de cassation s'en tient à une approche stricte, privilégiant le fait que le litige est seulement lié à un tiers à l'égard duquel la question de l'opposabilité de la cession est en jeu. Dès lors que la question de la qualité d'associé ne touche ni la société, ni les associés, ils n'ont pas à être mis en cause lors d'un tel litige.

L'arrêt est intéressant en ce qu'il impose, d'abord, de rappeler que si, en principe, l'opposabilité aux tiers d'une cession de parts sociales est subordonnée à l'accomplissement de formalités de publicité (I), il en est autrement, à titre exceptionnel, lorsque la preuve peut être apportée que le tiers avait une connaissance personnelle de la cession de parts litigieuse (II).

I - Le principe : l'opposabilité conditionnée par la publicité de la cession

En ce qui concerne les sociétés civiles, l'opposabilité aux tiers de la cession de parts sociales est conditionnée, selon les termes de l'article 1865 du Code civil (N° Lexbase : L2062ABY), d'une part, par l'accomplissement des formalités requises pour l'opposabilité à la société elle-même et, d'autre part, par la publication de l'acte de cession. Les premières formalités consistent soit en la signification à la société de la cession, soit en l'acceptation par elle exprimée dans un acte authentique. Si les statuts le prévoient, ces formalités peuvent être remplacées par un transfert des parts sur les registres de la société. La seconde exigence formelle, propre à l'opposabilité aux tiers de la cession, consiste en un dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de l'original de l'acte de cession s'il est sous seing privé ou d'une copie authentique celui-ci s'il est notarié (décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, art. 52 N° Lexbase : L1376AIS).

En l'espèce, c'est bien cette dernière formalité de publicité au RCS qui avait été omise et il n'était pas invoqué de tenter de profiter de l'assouplissement jurisprudentiel permettant, même si l'acte de cession n'a pas été déposé au greffe, de rendre la cession opposable aux tiers dès lors que les statuts mis à jour constatant cette cession ont été publiés (v. Cass. com., 18 décembre 2007, n° 06-20.111, F-P+B N° Lexbase : A1240D3C, Bull. Joly Sociétés, 2008, p. 287, note P. Le Cannu).

Le défaut d'accomplissement de ces formalités aboutit à ce qu'à l'égard des tiers, le cédant n'a jamais cessé d'être propriétaire des parts sociales en cause. Dès lors, conservant, aux yeux des tiers, la qualité d'associé, il demeure tenu des dettes sociales exactement dans les mêmes conditions qu'avant la cession. C'est sur cet effet légal du défaut d'accomplissement des formalités de publicité que le banquier prêteur pouvait, en l'espèce, a priori, s'appuyer pour engager une action en paiement du solde du prêt, contracté par la société, et dont les échéances n'étaient plus honorées. La jurisprudence porte témoignage de cette règle en déclarant une banque fondée à réclamer à un cédant de parts sociales le paiement de sommes non remboursées par la société, en proportion des droits sociaux qu'il détenait précédemment à une cession de parts, dès lors que celle-ci n'avait pas fait l'objet des formalités de publicité requises par les textes (v. CA Paris, 25 septembre 1990, BRDA, 11/91, p. 11).

II - L'exception : l'opposabilité attachée à la connaissance de la cession

Il ressort du présent arrêt que la règle de l'opposabilité aux tiers de la cession, posée à l'article 1865, alinéa 2, du Code civil, conditionnée par l'accomplissement de formalités de publicité, comme exposé ci-dessus, est écartée dès lors que le tiers concerné avait une connaissance personnelle de la cession des parts sociales.

En l'espèce, la cession non publiée faisait l'objet d'une mention expresse dans l'acte par lequel la société se portait acquéreur de biens immobiliers et qui constatait également le prêt consenti par la banque. En outre, l'acte de cession était annexé à cet acte d'achat d'immeuble et d'emprunt. La banque étant partie audit acte, en sa qualité de prêteur, elle avait donc eu une connaissance personnelle de cette cession et cet élément de fait la prive du droit d'invoquer l'inopposabilité de la cession à son égard. Le bénéfice de l'article 1865, alinéa 2, du Code civil lui est retiré. Cette position apparaît pleinement fondée. Le banquier était à l'évidence de mauvaise foi en faisant valoir l'inopposabilité à son égard d'un acte dont il avait parfaitement connaissance puisqu'il était relaté à l'acte constatant le prêt qu'il consentait à la société.

Un parallèle peut ici être fait avec les règles de la publicité foncière. On sait en effet que, pour la jurisprudence se prononçant au regard de l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 (N° Lexbase : L9182AZ4), la règle de l'inopposabilité aux tiers des actes soumis à publicité foncière (par application du 1° de l'article 28 dudit décret) et qui n'ont pas fait l'objet de la publicité requise est écartée dès lors qu'il est établi que le tiers avait une connaissance personnelle de l'acte antérieur (v. not., Cass. civ. 3, 28 mai 1979, n° 77-14.164, publié N° Lexbase : A3348CK9, Bull. civ. III, n° 116 ; Cass. civ. 3, 26 novembre 2003, n° 02-15.492, FS-D N° Lexbase : A3215DAC, AJDI, 2004, p. 231, note S. Prigent).

Au regard de l'arrêt ici rapporté, il apparaît donc qu'en matière de cession de parts sociales comme en matière d'immeubles, les règles d'opposabilité d'un acte aux tiers peuvent être écartées dès lors que le tiers concerné a une connaissance personnelle de l'acte en cause. La mauvaise foi est ici convoquée pour contrecarrer ce qui pourrait être considéré comme un effet d'aubaine injustifié. L'inopposabilité d'un acte à défaut d'accomplissement des formalités de publicité est une règle de sécurité juridique indispensable à la protection des intérêts légitimes des tiers. Cette légitimité tombe lorsqu'il est établi que le tiers avait une parfaite connaissance personnelle de l'acte en cause.

Une observation finale nous paraît pouvoir être présentée, tenant à la possibilité d'exiger le recours à la forme authentique pour les actes de cession des parts de société civile immobilière et à prépondérance immobilière. L'article 70 quater du projet de loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre 2013, prévoit en effet, par l'ajout d'un alinéa à l'article 1861 du Code civil (N° Lexbase : L2058ABT), d'imposer, dans de telles hypothèses, l'acte authentique pour les cessions de parts sociales. Au regard de l'arrêt commenté, la réforme pourrait paraître opportune. En effet, on sait qu'il incombe au notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, de procéder, sans même qu'il ait reçu mandat pour ce faire, aux formalités correspondantes dont le client se trouve alors déchargé telles que, en l'occurrence, la publicité de la cession des parts sociales par dépôt en annexe au registre du commerce et des sociétés (v. Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-19.190, F-P+B+I N° Lexbase : A6113HY3, Bull. Joly Sociétés, 2012, p. 147, note V. Allegeart ; D. Gibirila, Les enjeux de la publicité d'une cession de parts sociales, Lexbase Hebdo n° 270 du 27 octobre 2011 - édition affaires N° Lexbase : N8354BS9). Si cette modification du droit positif devait voir le jour, on peut penser que le litige dont il est fait état dans l'arrêt commenté n'aurait plus lieu d'être. Les formalités d'opposabilité de la cession de parts sociales seraient nécessairement accomplies.

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