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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
Le 27 Mars 2014
Mais, pour revenir au coeur de la problématique exposée par notre buraliste toulousain, l'action en concurrence déloyale ainsi orchestrée, bien qu'une première, n'en est pas moins des plus évidentes -ce qui ne signifie pas que la solution jurisprudentielle le soit pour autant-. En effet, on se souvient que le ministre de la Santé avait, en mai 2013, affirmé tout de go que la publicité en faveur des cigarettes électroniques était interdite, par l'effet même de la loi "Evin", et qu'une simple circulaire permettrait rapidement de mettre fin aux atermoiements sur la question. L'Arlésienne circulaire est toujours attendue -faute d'existence légale même du produit ainsi incriminé, en droit français- ! Et le buraliste constatant que son voisin faisait la promotion de ses nouveaux produits sur sa devanture commerciale et sur internet, estima, dès lors, sur les conseils avisés de son avocat, d'une part, que la boutique en cause se livrait à une publicité illicite, et, d'autre part, qu'elle se livrait à une activité concurrente à la sienne, lui portant ainsi préjudice, alors qu'il pensait avoir un monopole de distribution et de commercialisation des cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac (CGI, art. 564 decies).
Cette action judiciaire, sur le terrain du droit commercial, plutôt que sur celui de la santé publique, est des plus judicieuses, parce qu'elle va forcer le juge à statuer sur la nature même de ces cigarettes électroniques, que certains commerçants et utilisateurs appellent, par néologisme, "vapoteurs", afin de démarquer le produit de son ascendant sulfureux. En effet, comme des res nullius, les autorités, comme les médecins et les juristes, peinent à le catégoriser et sont divisés sur la nature de ce nouveau produit que l'on ne fume pas, mais inhale, qui peut ou non contenir de la nicotine, qui n'est pas un médicament mais qui peut servir de substitut au tabac, voire, selon certains, favoriser l'arrêt de sa consommation. Pour autant, la terminologie courante du produit est trompeuse ("cigarette électronique" ou "e-cigarette"), sa forme et sa gestuelle d'utilisation rappellent passablement celle d'une cigarette traditionnelle et, dernières études scientifiques en date, l'e-cigarette contiendrait des substances toxiques voire cancérigènes, bien qu'en moindre quantité que la cigarette traditionnelle. C'est dire que le sujet est sensible sur le plan de la santé publique ; à tel point que, hasard ou non du calendrier, le même jour, le 8 octobre 2013, le Parlement européen votait l'interdiction de la vente des cigarettes électroniques aux mineurs, ainsi que sa publicité, tout en laissant le produit en vente libre.
Bien entendu, le moyen invoqué dans le cadre de l'action en concurrence déloyale n'aura que faire de savoir si les cigarettes électroniques doivent ou non être considérées comme des médicaments, la question ayant d'ailleurs été tranchée par la négative par les autorités sanitaires françaises (ANSM) dans un avis de mai 2011, bien que l'OMS ne soit pas catégorique non plus sur les effets du produit en cause. En revanche, on sait que la concurrence déloyale peut être caractérisée alors même que les entreprises en cause évoluent sur deux marchés distincts, à partir du moment où l'une porte préjudice à une autre en utilisant notamment des signes distinctifs bien connus de la seconde ; et l'on a vu combien les ressemblances étaient troublantes. Or, cette concurrence apparaîtrait déloyale en ce que, d'une part, la vente de cigarettes électroniques n'est pas réglementée, contrairement au cigarettes traditionnelles, et d'autre part, sa publicité n'est pas, dans les faits, interdite, alors que celle du tabac manufacturé est rigoureusement illicite et surveillée -au point de condamner toute publicité même indirecte en faveur du tabac, lors des compétitions sportives, voire lors de la remise d'un prix scientifique...-. Or, selon le Code de la santé publique, sont considérés comme produits du tabac, dont la publicité est interdite, les produits destinés à être fumés, prisés, mâchés ou sucés, dès lors qu'ils sont, même partiellement, constitués de tabac, ainsi que les produits destinés à être fumés même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 564 decies du Code général des impôts. Nous ne sommes donc pas ici en terra incognita. Et, le champ d'application de cette interdiction est si large, si on englobe en plus la publicité indirecte favorisant par une similitude troublante, la consommation du tabac, qu'il n'aurait pas de mal à comprendre les cigarettes électroniques.
En dehors de l'issue judiciaire de cette action en concurrence déloyale qui pourrait en inspirer bien d'autres, la question de la libre commercialisation des cigarettes électroniques pose, évidemment, un réel problème d'hypocrisie. Le Parlement, à la suite des Etats européens, a beau jeu de laisser les cigarettes électroniques en vente libre, et notamment sur internet, mais en reconnaissant leur toxicité par une interdiction de commercialisation aux mineurs et de publicité, il fait entrer ce nouveau produit dans une zone d'ombre, sujette à polémique et contentieux à répétition, que l'on connaît pourtant bien et dans laquelle errent depuis quelques années, maintenant, des produits comme l'alcool et le vin. Débute alors, pour ces nouveaux commerçants, un chemin de croix pour promouvoir leur nouveau produit sur la crête de la publicité interdite -encore que cet encadrement législatif qui sera applicable dans l'Union sera difficilement effectif sur les sites de commercialisation extra-européens, basés dans des pays moins précautionneux en matière de santé publique-.
Il ne manquerait plus que l'inhalation des cigarettes électroniques soit interdite dans les lieux publics, alors qu'il semble qu'elle ne présente aucun risque sur l'entourage assimilable à un tabagisme passif, et l'e-cigarette pourrait bien connaître le cycle de vie d'un papillon, flamboyant, captivant, mais éphémère.
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N8702BTH
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef
Le 10 Octobre 2013
Lexbase : Comment vous est venue l'idée de créer ce blog ? Qui sont vos abonnés ?
Vincent Allard : En 1999, j'ai émigré aux USA avec toute ma famille, laissant derrière moi une pratique florissante en droit des affaires à Montréal. En 2001, j'ai lancé CorpoMax, société établie au Delaware, à partir de rien. Avant de vivre le rêve américain, j'ai connu le cauchemar de tout entrepreneur qui lance une entreprise en sol inconnu.
Un exemple parmi d'autres. J'ai lancé CorpoMax le 1er septembre 2001, soit dix jours avant le... 11 septembre 2001. Pendant au moins six mois, je suis devenu un expert mondialement reconnu en maniement du plumeau sur les écrans d'ordinateur qui ne servent à rien. Puis, après six mois, la vie a tranquillement repris son cours. Et CorpoMax a grandi tout doucement. Aujourd'hui, soit 12 ans après son lancement, elle compte des milliers de clients dans plus de 50 pays à travers le monde.
Il y a quelques mois, je me suis posé la question : "Devrais-je, à mon tour, lancer un blog ?" J'ai donc commencé à lire plusieurs blogs, juridiques et autres. Je me suis dit que je pourrais lancer un blog portant sur la création de sociétés américaines et le dépôt de marques américaines.
Après mûre réflexion, j'ai préféré offrir un blog sur la vie aux USA, mais de façon très personnelle. Mon but est de présenter, deux fois par mois (le 1er et le 15), une tranche de vie, généralement assaisonnée d'humour (1).
Mes abonnés proviennent de tous les horizons possibles. Evidemment, ils sont majoritairement francophones.
Lexbase : Vous êtes-vous fixé des règles concernant la tenue du blog ? Quelle est la législation américaine en la matière ?
Vincent Allard : Ma règle est simple, offrir deux fois par mois une vision personnelle de mon expérience aux USA. Pas plus compliqué que ça ! Si les gens aiment, ils me le disent. Si les gens n'aiment pas, ils me le disent aussi. On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais on doit être honnête face à soi-même.
Quant à la législation américaine en la matière, je vous réfère au premier amendement de la Constitution américaine :
"Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances."
Lexbase : Par rapport aux blogs et autres outils de communication des cabinets français, le vôtre adopte un ton beaucoup plus léger. Pensez-vous que l'humour et le partage soient les clés de la réussite des blogs professionnels de demain ?
Vincent Allard : Bonne question.
Je suis d'avis que les deux types de blogs seront toujours au rendez-vous. Il faut bien sûr conserver les blogs juridiques "traditionnels", contenant une information de qualité.
Mais n'oubliez jamais une chose : les gens veulent lire (ou entendre) une histoire. D'ailleurs, cela explique en partie l'immense popularité des films basés sur des faits vécus, ou encore des téléréalités.
Je suis d'avis qu'un blog qui se borne à traiter des cinq façons, des quatre trucs ou des trois pièges, ne devrait intéresser que son auteur et sa famille.
De grâce, contons des histoires ! Les gens en sont friands. Et les avocats ont une mine inépuisable d'histoires à conter, grâce à la jurisprudence.
Lexbase : L'ajout de ce blog au site de votre compagnie, CorpoMax, a-t-il eu un impact sur vos clients et sur vos pairs ?
Vincent Allard : Je crois que oui. Du moins, si je me fie au nombre grandissant de personnes qui s'abonnent au blog CorpoMax !
A mon humble avis et sur la base de ma courte expérience, le secret d'un blog se résume à deux éléments : la qualité du contenu (du moins pour le lecteur intéressé) et la constance de sa diffusion. Si le contenu est pauvre, les gens vont se désabonner rapidement. Si la fréquence diminue, l'intérêt des lecteurs va aller dans le même sens.
Pour leur part, mes pairs semblent apprécier le clin d'oeil que je leur fais deux fois par mois. La lecture (ou l'écoute ! (2)) de mes quelques 500 mots les divertit de leur quotidien juridique, qui n'est sûrement pas aussi léger que le ton de mes élans littéraires.
Lexbase : En conclusion, que conseillez-vous aux avocats français qui désirent partager leur expérience par le biais de ce type d'outil de communication ?
Vincent Allard : Tout d'abord, qui suis-je, moi, un blogueur de six mois d'expérience, pour donner des conseils à mes confrères et consoeurs d'Outre-Atlantique ? Chacun agit dans le sens qu'il veut bien, sous réserve des impératifs législatifs et réglementaires.
Pour ma part, je vais continuer de donner aux lecteurs du blog CorpoMax, ce qu'ils désirent par dessus tout : une histoire...
(1) Les sujets traités par le blog sont très variés : par exemple, on peut trouver tant des articles relatifs aux pratiques publicitaires des avocats aux Etats-Unis (publication du 15 septembre 2013), que des conseils en termes d'ouverture d'un compte en banque dans une banque américaine (publication du 15 août 2013) ou alors la présentation d'un cas concernant un litige entre un particulier et une banque (publication du 1er mars 2013).
(2) En effet, le blog se lit et s'écoute, grâce à des podcasts intégrés à chaque article. L'intégration de podcasts, de plus en plus fréquente par ailleurs, vise, d'une part, à donner la possibilité aux non-voyants d'accéder aux récits et, d'autre part, de casser l'omniprésence de la lecture (et parfois la pollution visuelle résultant de la quantité impressionnante d'informations offerte ou imposée par internet à nos yeux) sur les écrans d'ordinateur. Les abonnés du blog ont ainsi le choix : savourer les histoires rapportées grâce à la vue, ou grâce à l'ouïe (le son de la voix pouvant rendre plus vivant le récit).
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
Le 10 Octobre 2013
Le Conseil d'Etat a été souvent saisi de la question de l'exit tax. Mais avec des succès limités.
A - Tour d'horizon des décisions récentes
1 - Sur l'ancien régime de l'exit tax (CGI, art. 167 bis, ancien N° Lexbase : L2850HL7) - position du Conseil d'Etat
Exit tax et principe d'égalité devant les charges publiques
Le Conseil d'Etat a jugé, le 29 avril 2013, par trois fois, que le législateur était tout à fait en droit de modifier des textes antérieurs ou de les abroger en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions (1). En effet, la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, puisqu'elle n'a pas pour effet de priver les contribuables des garanties que leur accorde la Constitution.
En l'espèce, trois résidents français avaient transféré leur domicile en Suisse. Ils avaient souscrit, avant leur départ de France, une déclaration en vue de déterminer la plus-value latente correspondant aux participations supérieures à 25 % qu'ils détenaient et avaient, en application de l'article 167 bis du CGI, abrogé, obtenu un sursis de paiement avant de céder leurs titres. Ils avaient demandé un dégrèvement d'imposition, qui leur a été refusé.
Exit tax et liberté d'aller et venir
La Haute juridiction administrative a décidé que la liberté d'aller et venir n'était pas mise en cause lorsque le fait générateur d'une taxe, comme l'exit tax, est constitué, non par le déplacement physique de la personne, mais par le transfert de son domicile fiscal (2). En effet, le juge décide que l'article 167 bis du CGI n'a ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l'exercice effectif, par les personnes qu'elles visent, de la liberté d'aller et venir sur le territoire d'un Etat, d'y choisir librement sa résidence ou de quitter son pays.
Or, un transfert de domicile fiscal n'est-il pas un déplacement, de facto ?
Exit tax et accord signé entre la Suisse et l'Union européenne
Le Conseil d'Etat juge que, dans l'accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Communauté Européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, conclu fait à Luxembourg le 21 juin 1999, il n'est pas prévu d'application du principe de la liberté d'établissement aux relations entre la France et la Suisse, ce texte ne rend donc pas incompatible l'exit tax.
Or, cet accord fait expressément référence aux principes communautaires tels qu'interprétés par la CJUE...
Exit tax et Convention fiscale franco-suisse
Selon l'article 4 § 4 de la Convention fiscale franco-suisse, signée à Paris le 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK), les personnes qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France conservent la qualité de résident de France jusqu'à l'expiration du jour où s'est accompli le transfert de leur domicile fiscal en Suisse. L'article 15 de la Convention prévoit, par ailleurs, que les gains provenant notamment de la cession de valeurs mobilières autres que ceux d'une société à prépondérance immobilière, ou faisant partie de l'actif d'un établissement stable ne peuvent être imposés que dans l'Etat dont le cédant est un résident. Malheureusement, cette stipulation ne faisait pas obstacle au dispositif de l'exit tax, car le contribuable qui transfère son domicile fiscal conserve la qualité de résident français jusqu'à expiration du jour du transfert. Les plus-values étaient donc effectivement imposées en France, au regard de l'ancien article 167 bis du CGI et de la Convention France-Suisse.
Exit tax et contributions sociales
En principe, les revenus du patrimoine sont assujettis aux prélèvements sociaux lorsque la personne physique percevant lesdits revenus est fiscalement domiciliée en France (3). Ce principe s'applique à l'ensemble des plus-values assujetties à l'impôt sur le revenu, sans qu'il soit fait de distinction entre les plus-values latentes et les plus-values réalisées. Tout comme le point concernant la Convention fiscale franco-suisse, le fait générateur de l'article 167 bis, le jour du transfert du domicile, permet de soumettre les plus-values aux contributions sociales.
2 - Sur le régime de l'exit tax actuellement en vigueur (CGI, art. 167 bis, nouveau N° Lexbase : L9924IWH) - position du Conseil d'Etat
a - Tests de résistance passés
Exit tax et Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 juillet 2011, relative à la loi de finances rectificative pour 2012 (4), a déclaré le nouveau dispositif d'exit tax conforme à la Constitution, et donc au bloc de constitutionnalité (5). Le filtre du juge du fond et du Conseil d'Etat a d'ailleurs fonctionné, puisque les juges ont refusé de transmettre aux Sages de la rue de Montpensier le nouvel article 167 bis (6). Le décret d'application de l'exit tax (7) n'a pas été censuré par la Haute juridiction, qui considère qu'il réitère les termes de la loi (8). Fidèle à sa jurisprudence bien établie, le Conseil d'Etat refuse de contrôler la loi. Le décret est compatible avec le Premier protocole additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), la libre circulation des personnes et la Convention fiscale franco-suisse.
Exit tax et liberté d'établissement
Les impôts étrangers acquittés à l'occasion d'une cession ultérieure pourront venir s'imputer sur l'imposition due en France, par le biais d'un crédit d'impôt, sans toutefois excéder le montant de l'impôt français (pas de remboursement).
La double imposition est ainsi écartée.
De plus, les juges ont eu l'occasion de rappeler qu'un Etat membre est en droit d'imposer la valeur économique générée par une plus-value latente sur son territoire, même si cette plus-value n'a pas été encore réalisée. Ainsi, l'article 49 du TFUE (N° Lexbase : L2697IPL) ne s'oppose pas à l'exit tax, dès lors qu'elle n'impose pas le recouvrement immédiat de l'imposition lors du transfert du siège de direction d'une société dans un autre Etat membre de l'Union (lire Exit tax sur les sociétés : la CJUE donne une leçon de proportionnalité aux Etats membres, Lexbase Hebdo n° 538 du 4 septembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N8338BTY). Cette jurisprudence, relative aux personnes morales est transposable pour les personnes physiques. La jurisprudence de l'Union européenne ne semble pas être à même de contrecarrer le dispositif...
Exit tax et article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme
Les plus-values latentes ne constituent pas un "bien" au sens de l'article premier du Premier protocole additionnel à la CESDH. De plus, l'introduction par le législateur d'une exit tax ne constitue pas une remise en cause d'un avantage fiscal dont les contribuables pouvaient escompter la pérennisation (9). La jurisprudence est claire : elle refuse de considérer l'absence de dispositif d'exit tax comme une espérance légitime que ce type de dispositif ne soit pris un jour.
Exit tax et accord entre la Suisse et l'Union européenne sur la libre circulation des personnes
Tout comme sous l'empire de l'ancien article 167 bis, la liberté d'établissement n'étant pas prévue par l'accord de l'Union avec la Suisse, il n'est pas possible d'attaquer le nouveau dispositif sur ce fondement.
b - La microfissure : exit tax et donation
Le sursis de paiement expire au moment où intervient la donation des titres pour lesquels des plus-values ont été constatées, sauf si le donateur démontre que la donation n'a pas été consentie à seule fin d'éluder l'impôt. C'est donc un renversement de la charge de la preuve qu'opère l'article 167 bis du CGI. A noter toutefois que, selon le Conseil d'Etat, la donation des titres avant l'expiration du délai de huit ans n'implique pas, en soi, une évasion fiscale !
Dans le cadre de l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale, des obligations particulières peuvent être mises à la charge des contribuables ayant transféré leur domicile fiscal hors de France. L'obligation de démontrer l'absence de montage destiné à éluder l'impôt, sans que l'administration n'ait à fournir le moindre indice d'abus, semble aller au-delà de ce qu'implique la lutte contre la fraude fiscale. Dès lors, on peut douter de la validité de ce dispositif, puisque le principe de la liberté d'établissement ne peut souffrir de restriction qui si celle-ci est fondée et strictement proportionnée à l'objectif à atteindre. Ce renversement de la charge de la preuve, cette dernière conditionnant le maintien du sursis et le dégrèvement de l'impôt ou sa restitution s'il a été acquitté, serait donc contraire au droit de l'Union européenne.
c - Test de résistance à venir
Exit tax et conventions fiscales
L'exit tax repose sur une fiction juridique, selon laquelle les titres sont réputés cédés la veille du départ. Cette fiction permet à la France d'imposer la plus-value existant au moment du transfert de résidence. En principe, dans les conventions fiscales (qui reprennent l'article 13 de la Convention modèle OCDE), les plus-values sur valeurs mobilières sont taxées dans l'Etat de résidence. La France a émis une réserve sur cet aspect : "La France souhaite se réserver la possibilité d'appliquer ses lois sur l'imposition des gains provenant de l'aliénation d'actions ou de parts faisant partie d'une participation substantielle dans le capital d'une société résidente de France" (lire N° Lexbase : E8422ET4). En outre, comme le fait générateur intervient la veille du départ, et quoique la convention fiscale prévoie (toutes les conventions ne prévoient pas, comme celle avec la Suisse, que le jour du départ vers la Suisse le contribuable est considéré comme étant résident de France), la taxation des plus-values est conforme, l'Etat de résidence du contribuable étant la France.
On peut tout de même s'interroger sur le respect par la France des principes de droit international tels que fixés par la Convention de Vienne (Convention sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969)... Et notamment sur celui de l'application de bonne foi des conventions ! En détournant le sens des conventions fiscales, par l'intervention d'un fait générateur la veille du départ, la France ne viole-t-elle pas ce principe ? Il faudrait que les conventions fiscales soient renégociées afin de prévoir l'application de l'exit tax, comme c'est le cas dans la Convention franco-canadienne, signée le 2 mai 1975 (N° Lexbase : L6675BHP ; voir N° Lexbase : E3591EUK).
Enfin, il existe un risque de double imposition : le contribuable paie une première fois l'impôt en France, sur des plus-values non réalisées qui, lors de leur réalisation, seront taxées à l'étranger. Le même produit est imposé deux fois. Certes, la France prévoit un mécanisme d'imputation de l'impôt étranger sur le montant de l'impôt dû en France, mais cela n'est pas satisfaisant, notamment au regard des prélèvements sociaux, qui s'appliquent aussi, du fait de l'intervention du fait générateur la veille du départ, lorsque le contribuable est encore résident de France.
Le Conseil d'Etat a refusé d'examiner la compatibilité de l'exit tax avec les conventions fiscales dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir. Les conventions ne peuvent, en effet, être invoquées qu'à l'appui d'un contentieux particulier, et non général, comme c'est le cas du REP.
Exit tax et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus
Le principe de l'exit tax est que la plus-value est réputée réalisée à la date du départ. Doit-on intégrer ce revenu dans le calcul de la contribution sur les hauts revenus ? Le rapporteur public, dans le cadre du contentieux portant sur le décret du 6 avril 2012, considère que la question pourrait se poser dans un contentieux relatif à la contribution, mais non dans un contentieux portant sur la seule exit tax. Le Conseil d'Etat suit cet avis, et élude la question, qui ne concerne pas le décret dont il est saisi. L'administration est, elle aussi, silencieuse sur ce point...
Toutefois, il faut comprendre que, si les deux taxes s'appliquaient, la France violerait la jurisprudence de la CJUE, notamment dans son arrêt "Lasteyrie du Saillant" (10).
B - Questions en suspens
1 - Conditions dans lesquelles peut intervenir le dégrèvement
Donation des titres
En matière de donation, le dégrèvement devrait être automatique, sans qu'il soit nécessaire de fournir des justifications, tant au niveau de l'IR que des contributions sociales.
Résidence établie durablement à l'étranger
En cas de résidence établie durablement à l'étranger, un dégrèvement de l'IR mis en recouvrement lors du transfert de résidence est prévu. Mais rien ne fixe le dégrèvement des prélèvements sociaux... Dans quelle mesure ceci est-il compatible avec le droit de l'Union européenne et les conventions fiscales ? Il est permis d'émettre des doutes sur les justifications de cette situation, car, si la personne n'a plus aucun lien avec la France, il n'est pas normal qu'elle soit imposée aux prélèvements sociaux.
Remboursement des frais de constitution des garanties
Compte tenu des montants en jeu, le sujet devient préoccupant. A priori, l'administration fiscale devrait rembourser les frais justifiés (notamment les facturations bancaires), qu'ils aient été acquittés en France comme à l'étranger. L'administration se montre prudente, mais pour l'instant elle ne refuse pas le remboursement des sommes justifiées. Le plus souvent, la garantie est bancaire. Les banques ne connaissant pas, de prime abord, ce type de garantie, les processus sont longs et coûteux.
A noter que la garantie peut porter sur les titres sur lesquels sont calculés les plus-values. Le problème de la valeur de ces titres se pose.
2 - Perspectives européennes
Les fiscalistes et leurs clients fondent beaucoup d'espoir sur les aspects communautaires de la problématique de l'exit tax.
Pour les personnes physiques
La Commission a introduit une procédure contre le Danemark, qui connaît un dispositif d'exit tax ressemblant au régime français, car la taxe frappe tous les individus sans distinction. N'est-ce pas excessif de viser tous les contribuables, au regard de l'objectif poursuivi ? Quid des personnes qui transfèrent leur domicile sans aucun motif fiscal (parce qu'il y en a !) ? Le Danemark ayant maintenu sa position et refusé d'amender son régime, l'affaire va être portée devant la CJUE par la Commission.
Pour les personnes morales
La CJUE a été saisie d'une question posée par le tribunal de Hambourg, sur le régime d'exit tax applicable aux sociétés en Allemagne, dont la France s'est inspirée pour l'exit tax sur ses sociétés. La France a d'ailleurs fait l'objet d'une procédure de la Commission, mais elle a été suspendue, en attendant la décision de la CJUE (pour plus de précision sur ce point, lire Exit tax sur les sociétés : la CJUE donne une leçon de proportionnalité aux Etats membres, Lexbase Hebdo n° 538 du 4 septembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N8338BTY).
II - L'exit tax à l'épreuve des faits
Dans la pratique, l'exit tax révèle ses atouts... et ses faiblesses.
A - Etablir une déclaration d'exit tax
1 - Champ d'application
L'exit tax pose un principe d'imposition des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, les valeurs, les titres ou les droits (l'administration apporte des précisions dans sa doctrine, voir le BoFip - Impôts, BOI-RPPM-PVBMI-50-10-10-20-20121031, n° 1 N° Lexbase : X9488ALY).
Le transfert du domicile fiscal hors de France entraîne notamment l'imposition au titre de l'impôt sur le revenu au barème progressif et au titre des prélèvements sociaux de 15,5 %. Ces impositions pèsent sur : les plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, les valeurs ou les titres détenus avec les membres du foyer fiscal, directement ou indirectement, d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d'une société, ou une ou plusieurs participations détenues directement ou indirectement, d'une valeur supérieure à 1,3 million d'euros dans ces mêmes sociétés.
Elles portent aussi sur les plus-values qui ont, préalablement au transfert de la résidence fiscale, bénéficié d'un report d'imposition (par exemple, les plus-values d'échange de titres réalisées dans le cadre de l'article 150-0 B ter du CGI N° Lexbase : L0055IWX), sans aucune restriction tenant à la quotité ou à la valeur de la participation détenue par le contribuable.
Enfin, ces impositions sont supportées au titre des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix.
2 - Exclusion de certains titres et droits
Certains titres ou droits sont exclus de l'assiette de l'exit tax (11).
BPSCE
Les titres souscrits en exercice de BPSCE, mentionnés à l'article 163 bis du CGI, pour la part correspondant au gain d'exercice (12), sont exclus du champ d'application de l'exit tax.
Stock-options
Les titres issus de la levée d'options sur titres, à hauteur du gain de levée d'option (13), sont eux aussi exclus de l'assiette de la taxe.
Titres attribués gratuitement
Les titres attribués gratuitement sont exclus du champ de l'exit tax, à hauteur du gain d'acquisition constaté lors de l'attribution des titres gratuite (14).
Quid des BSA ?
Aucune mention n'est relative aux BSA. Est-ce un oubli ? Probablement, le gain d'exercice devrait être lui aussi exclu de l'application de l'exit tax.
A noter que, selon certaines sources, le champ de l'exit tax pourrait être étendu dans le cadre de la discussion portant sur le projet de loi de finances pour 2014.
3 - Evaluation des titres au moment du départ
Chaque plus-value latente est déterminée par différence entre la valeur des titres à la date du transfert de domicile fiscal hors de France et leur prix ou valeur d'acquisition par le contribuable.
Quand la société dont les titres sont détenus par le contribuable quittant le pays est cotée, il n'y a pas de difficulté particulière d'évaluation, il suffit de prendre la valeur du cours du jour, ou de faire une moyenne de cette valeur sur les six ou douze derniers mois. Quoiqu'il en soit, la valeur retenue doit faire l'objet de justifications.
A noter qu'il est possible d'appliquer un abattement pour durée de détention.
Concernant cette question de l'évaluation des titres, il faut préciser qu'initialement, l'article ne prévoyait pas de délai de prescription spécifique. Ainsi, s'appliquait le délai de trois ans après le départ. A la fin de cette durée, la valeur des titres était confirmée. A la fin de l'année 2012, la loi de finances rectificative a prévu un délai spécifique, qui court à compter de la fin du sursis de paiement, soit onze années en tout (15). Le contribuable doit donc conserver ses documents justifiant de l'évaluation de ses titres pendant onze ans (alors que le délai légal de conservation des documents commerciaux est de dix ans), et constituer une vraie documentation au moment du départ. Une telle durée n'est-elle pas excessive ?
4 - Constitution de garanties - Aspects pratiques
Il est plus compliqué de s'expatrier dans un pays avec lequel la France a signé une convention fiscale ne contenant pas de clause d'assistance au recouvrement (une vingtaine de conventions sont concernées, surtout en Asie, par exemple à Singapour), car la notice de la déclaration de l'exit tax, en page 7, explique qu'il faut, outre constituer des garanties et déclarer les plus-values, désigner un représentant fiscal en France.
La constitution de garanties a un coût. Les banques ne connaissent pas ce mécanisme, et cela peut coûter très cher. L'administration a une pratique assez flexible, acceptant, pour les montants très élevés, des garanties partielles.
5 - Apport à une structure étrangère : avant ou après le transfert de résidence ?
Il peut être intéressant d'avoir à l'étranger le centre de ses intérêts économiques, en créant, par exemple, une structure à laquelle on transfère les titres de la holding française.
Apport avant le transfert
Les conséquences d'un tel montage sont les suivantes : la plus-value est placée en report d'imposition (16), auquel il est mis fin en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Or, la déclaration d'exit tax prévoit un sursis d'imposition. Donc le report ne tombe pas. Il est permis de s'interroger sur les possibilités d'obtenir le dégrèvement de l'imposition correspondant au report d'imposition dans le cadre de l'exit tax. En effet, ce report subsiste à la fin du délai de huit ans.
L'application de cette imposition est-elle compatible avec les conventions fiscales ? Et avec la liberté d'établissement et la liberté de circulation des capitaux ?
Attention à bien regarder le traitement fiscal des plus-values d'apport dans le pays de destination (notamment en Belgique et en Italie).
Apport après le transfert
L'apport après le transfert possède de nombreux avantages : l'exit tax s'applique aux titres de la société française, mais l'apport de ces titres à une société étrangère passible de l'impôt sur les sociétés n'entraîne pas la déchéance du sursis d'imposition. Toutefois, l'obligation de conservation des titres se reporte sur les titres reçus en échange de l'apport (et donc sur les titres de la société étrangère). Au terme du délai de huit ans, cette situation devrait entraîner le dégrèvement de l'exit tax.
Un tel montage peut devenir compliqué à gérer quand il faut constituer des garanties.
6 - Le traitement des sorties de trésorerie dans le pays d'accueil
Schéma assez classique
De façon assez classique, voici ce qu'il se passe : la résidence de l'actionnaire est transférée à l'étranger. Il constitue une holding dans son pays d'accueil et lui apporte ses participations dans une ou plusieurs sociétés françaises, qui n'ont plus d'activité mais détiennent de la trésorerie. Les sociétés françaises distribuent cette trésorerie via des dividendes, sous le régime mère-fille. Le capital de la holding étrangère est ensuite réduit.
Les questions qui se posent
Du point de vue français, ce montage risque de remettre en cause de sursis d'imposition si les titres ne sont pas conservés pendant la durée de huit ans.
Du point de vue étranger, il y a un risque que la réduction de capital de la holding étrangère soit requalifiée en distribution (et non en remboursement d'apport). Ce serait le cas en Belgique.
Cette forme d'optimisation de l'exit tax est donc à manier avec précaution.
B - Suivre l'évolution de l'exit tax dans le temps
L'exit tax est une sorte d'"arrêt sur image". Or, la vie est un film qui se déroule dans le temps. Comment concilier les deux ?
1 - Evolution de la composition des actifs
Les titres de société à prépondérance immobilière n'entrent pas dans le champ d'application de l'exit tax, donc il n'est pas nécessaire d'établir une déclaration d'exit tax. Une question se pose : quid de la société à prépondérance immobilière qui devient opérationnelle ? Et vice versa ?
A priori, la déclaration d'exit tax étant une photo du patrimoine au moment du départ, le contribuable n'aurait pas à revenir dessus. Or, quand les titres d'une société à prépondérance immobilière sont cédés, il y a superposition d'imposition, entre l'exit tax et l'application de l'impôt français sur le patrimoine immobilier. Il peut donc être intelligent d'inverser la situation, et de rendre une société immobilière plus opérationnelle...
2 - Evolution de la valeur des sociétés françaises concernées
L'assiette de l'exit tax est constituée de la valeur des titres de la société française, constatée lors du transfert de résidence. Il est admis que l'impôt soit réduit si, lors de la cession des titres, la valeur de ceux-ci est inférieure à celle qui a été déclarée pour les besoins de l'exit tax.
Quid si les titres sont conservés mais que la valeur de la société a substantiellement diminué ? Est-il possible de réduire les garanties ? Cela pose notamment un problème lorsque ce sont les titres qui sont donnés en garantie...
Selon l'avis de Franck Le Mentec et Eric Ginter, la perte de valeur de la société par suite d'évènements indépendants de son actionnaire devrait conduire à dégrever l'imposition calculée lors du transfert de résidence. La perte de valeur due à des distributions devrait être traitée de la même façon, afin d'être conforme à la liberté de circulation des capitaux.
3 - Evolution de la législation française
L'exit tax est calculée selon les modalités applicables lors du transfert de résidence (intégration, par exemple, de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D ter N° Lexbase : L5683IXR). Quelles conséquences tirer d'une évolution favorable de la législation française, comme une baisse des taux d'imposition, ou une réduction de l'assiette par application d'abattements ? Deux options sont offertes : soit on considère que l'imposition est gelée, et qu'elle doit être calculée selon les dispositions en vigueur au moment du départ, et cela risque de créer des situations discriminatoires lors de la cession entre non-résidents dont la situation est figée et résidents qui bénéficient des évolutions législatives. Soit on fait évoluer la situation des non-résidents comme celle des résidents, ce qui devrait conduire à un réajustement périodique de la taxe et des garanties.
4 - Traitement des donations en cas de report d'imposition (CGI, art. 150-0 B ter et 167 bis)
La nouvelle rédaction de l'article 167 bis du CGI est peu claire sur le sort du sursis de paiement en cas de donation de titres ayant préalablement été soumis au régime du report de l'article 150-0 B ter du CGI (auquel l'article 167 bis ne renvoie pas, ceci résultant sûrement d'un oubli du législateur).
En l'absence de traitement expressément prévu, trois hypothèses peuvent être envisagées quant au sort de la plus-value en report, lorsqu'une donation intervient après le transfert du domicile hors de France :
- le sursis de paiement est maintenu en cas de donation de titres pour lesquels des plus-values ont été constatées ;
- il est mis fin au sursis de paiement en cas de donation de titres pour lesquels les plus-values avaient été reportées avant le transfert du domicile hors de France ;
- un dégrèvement d'impôt s'applique lors de la donation de titres dont la plus-value avait bénéficié de certains reports avant le transfert de domicile.
En conclusion, force est de constater la noirceur du présent : l'exit tax résiste aux critiques juridiques, aidée en cela par le juge, bienveillant à son égard. Toutefois, il n'est pas interdit d'espérer, car en effet, un tel dispositif ne peut être éternel. La question du partage équitable du droit d'imposer entre les Etats, justification souvent avancée en matière communautaire par les Etats membres lorsqu'ils restreignent une liberté de circulation, est légitime. Plutôt qu'un ensemble de mesures nationales plus ou moins inspirées d'un modèle commun, ne peut-on pas envisager la mise en place d'un régime commun, du moins au sein de l'UE ? C'est la question que se posent Franck Le Mentec et Eric Ginter.
(1) CE 8° et 3° s-s-r., 29 avril 2013, n° 357576, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0228KDS), n° 357574 (N° Lexbase : A0226KDQ) et n° 357575 (N° Lexbase : A0227KDR), inédits au recueil Lebon.
(2) CE 3° s-s., 19 septembre 2011, n° 346012, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9824HX7).
(3) CGI, art. 1600-0 C (N° Lexbase : L3118HNS), 1600-0 F bis (N° Lexbase : L3121HNW), 1600-0 G (N° Lexbase : L1463IGB) et CSS, art. L. 136-6 (N° Lexbase : L0115IW8).
(4) Loi n° 2012-1510, 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L7970IUQ).
(5) Cons. const., décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012 (N° Lexbase : A6287IZU).
(6) CE 8° s-s., 13 juin 2012, n° 359314, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8694INC).
(7) Décret n° 2012-457 du 6 avril 2012, relatif à l'imposition des plus-values et créances en cas de transfert du domicile hors de France (N° Lexbase : L7439ISC).
(8) CE 8° et 3° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359314, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8322KI3).
(9) CE 8° et 3° s-s-r., 12 juillet 2013, n° 359314, précité.
(10) CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02 (N° Lexbase : A5001DBT).
(11) Voir le BoFip - Impôts, BOI-RPPM-PVBMI-50-10-10-20-20121031, n° 20.
(12) Le gain d'exercice correspond à la différence entre la valeur du titre au jour de l'exercice du bon et le prix de souscription du titre fixé lors de l'attribution du bon.
(13) Le gain de levée d'option est défini à l'article 80 bis du CGI (N° Lexbase : L9932IWR) comme la différence entre la valeur de l'action à la date de la levée d'option et le prix d'exercice de l'option.
(14) CGI, art. 80 quaterdecies (N° Lexbase : L9931IWQ). Le gain d'acquisition est égal à la valeur des actions à la date de leur attribution définitive.
(15) LPF, art. L. 171-0 A (N° Lexbase : L0056IWY), modifié par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012.
(16) CGI, art. 150-0 B ter.
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Réf. : Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n° 12-19.094, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1490KLR) et Cass com., 17 septembre 2013, n° 12-13.577, FS-P+B (N° Lexbase : A4914KLL)
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par Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur-adjoint de l'IRDAP, Directeur scientifique de l'Encyclopédie Lexbase "Contrats spéciaux"
Le 10 Octobre 2013
I - Des décisions conformes à la jurisprudence antérieure
Ces deux décisions s'inscrivent dans l'évolution jurisprudentielle antérieure.
Ainsi, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la validité du cautionnement n'est pas remise en cause lorsque la mention manuscrite diffère du modèle légal, dès l'instant que le sens n'en est pas changé (2) et que les différences demeurent minimes (3). La mention écrite par la caution n'a donc pas à être la photographie parfaite des textes du Code de la consommation.
Il est dès lors parfaitement justifié de valider un cautionnement, comme l'a fait la Cour de cassation dans sa décision du 11 septembre dernier, dans lequel la caution a remplacé un point par une virgule, ou une lettre majuscule par une minuscule. Toute solution contraire aurait été la porte ouverte à toute sorte d'abus et de mauvaise foi.
La solution adoptée par la Chambre commerciale dans son arrêt rendu le 17 septembre dernier n'est pas moins inattendue. Si la Cour accepte qu'une seule signature, apposée par la caution à la suite des mentions, n'entraîne pas la nullité du contrat (4), elle considère, en revanche, que le cautionnement doit être annulé si la signature précède la mention. La Chambre commerciale avait déjà retenu pareille solution en début d'année (5).
Ces deux décisions n'ont donc rien de novateur. Ce n'est pas pour autant qu'elles sont inintéressantes. En effet, elles consolident des positions jurisprudentielles qui sont extrêmement instructives sur la hiérarchisation des formes qu'opère la Cour de cassation.
II - La hiérarchisation des formes
Les solutions retenues par la Cour de cassation dans les arrêts commentés sont en apparence contradictoires. La première chambre civile fait montre de souplesse, en acceptant des différences mineures entre le modèle légal et la mention effectivement apposée par la caution. La Chambre commerciale fait preuve de rigorisme, en invalidant un contrat au motif que la signature n'est pas apposée à l'endroit requis. Or, le fait que ces solutions soient la confirmation de jurisprudences antérieures écarte toute interprétation liée à l'arrêt d'espèce ou à "l'accident de parcours".
Que faut-il en déduire ?
Il serait tentant d'y voir une nouvelle manifestation des divergences, souvent constatées, entre les jurisprudences des première chambre civile et Chambre commerciale. Cependant, il est difficile de soutenir que la première chambre serait celle de la souplesse tandis que la Chambre commerciale serait celle de la rigueur. En effet, la Chambre commerciale a déjà, par le passé, adopté des positions pragmatiques quant aux mentions manuscrites (6).
Il serait encore plus tentant, pour le signataire de ces lignes, d'y voir une nouvelle expression de l'inutilité des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. Nous avons déjà eu l'occasion, dans ces colonnes (7) et dans d'autres (8), de nous prononcer pour l'abrogation pure et simple de ces deux textes, qui génèrent davantage de problèmes qu'ils n'apportent de solutions.
Il est également possible de se demander si la Cour de cassation ne souhaite pas opérer une hiérarchisation des formes requises pour la validité d'un cautionnement. Des différences minimes dans le texte des mentions ne sont pas rédhibitoires, alors que l'emplacement de la signature de la caution l'est. Ainsi, la Cour de cassation montre son attachement à la signature, attachement partagé par certains juges du fond qui refusent par exemple d'assimiler signature et paraphe (9). La signature exprime l'accord de la caution sur les différentes clauses et stipulations du contrat. La Cour ne se satisfait pas que des éléments du contrat figurent après la signature, ce qui pourrait laisser penser que ceux-ci ont été ajoutés postérieurement à cette dernière.
Il apparaît donc que la Cour de cassation a décidé de hiérarchiser les formalités dans le cautionnement : si une légère liberté peut être accordée aux parties quant à la reproduction du modèle légal, la Cour se montre inflexible quant au rôle et à la place de la signature.
(1) CA Rennes, 22 janvier 2010, n° 08/08806 (N° Lexbase : A5135ESY), JCP éd. G, 2010, doctr. 708, n° 2, obs. Ph. Simler, arrêt cassé par Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, FS-P+B (N° Lexbase : A3424HN7), nos obs., La mention manuscrite dans le contrat de cautionnement, encore et toujours !, Lexbase Hebdo n° 251 du 18 mai 2011 - édition affaires (N° Lexbase : N2752BSQ).
(2) Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-23.623, F-P+B (N° Lexbase : A7128IUK), D., 2012, p. 2509, obs. V. Avena-Robardet, Gaz. Pal., 13 décembre 2012, p.11, obs. Ch. Albigès : remplacement de la lettre X par la désignation du débiteur principal ; Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, F-P+B+I (N° Lexbase : A0814KC7), D., 2013, p.1460, note J. Lasserre-Capdeville et G. Piette : substitution du mot "banque" à ceux de "prêteur" et de "créancier".
(3) Cass. civ. 1, 16 mai 2012, n° 11-17.411, F-D (N° Lexbase : A7022ILN), Gaz. Pal., 20 septembre 2012, p.17, obs. Ch. Albigès.
(4) Cass. com., 27 mars 2012, n° 10-24.698, F-D (N° Lexbase : A0015IHZ) et Cass. com., 2 octobre 2012, n° 11-24.460, F-D (N° Lexbase : A9800IT7), JCP éd. G, 2012, 1291, n° 1, obs. Ph. Simler ; Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-25.887, F-D (N° Lexbase : A8820I33), Gaz. Pal., 21 mars 2013, p.15, obs. M.-P. Dumont-Lefrand.
(5) Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-22.831, F-D (N° Lexbase : A8764I3Y). Contra, cf. CA Lyon, 6 septembre 2012, n° 10/07918 (N° Lexbase : A0617ITZ).
(6) Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, préc. ; Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-23.623, préc..
(7) G. Piette, note préc., sous Cass. com., 5 avril 2011, n° 10-16.426, préc..
(8) G. Piette et J. Lassere-Capdeville, note préc., sous Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.544, préc..
(9) CA Toulouse 22 mai 2012, n° 11/00598 (N° Lexbase : A7983ILA), JCP éd. G, 2012, doctr. 1291, obs. Ph. Simler ; RDBF, 2012, comm. 149, obs. A. Cerles.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2013-345 QPC du 27 septembre 2013 N° Lexbase : A8224KL8)
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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale
Le 10 Octobre 2013
Résumé
En confiant à un accord d'entreprise le soin d'autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise, le législateur n'a pas opéré de conciliation manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la liberté de communication des syndicats et, d'autre part, la liberté tant de l'employeur que des salariés. |
I - Constitutionnalité de l'article L. 2142-6 du Code du travail
Question transmise. L'article L. 2142-6 du Code du travail dispose qu'"un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail. L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message".
Le 11 juillet dernier, la Chambre sociale de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel une QPC formulée en ces termes : "la rédaction de l'article L. 2142-6 du Code du travail en ce qu'elle subordonne la diffusion de tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l'entreprise à un accord d'entreprise ou à un accord de l'employeur est-elle conforme à l'alinéa 6 (liberté syndicale) du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) et à l'article 11 (liberté de communication) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1358A98) ?" (1).
La question avait été jugée suffisamment sérieuse pour être transmise, la Haute juridiction considérant que "la disposition subordonnant l'utilisation par les syndicats d'un moyen de communication actuel et devenu usuel à une autorisation ou à un accord de l'employeur étant de nature à affecter l'efficacité de leur action dans l'entreprise et la défense des intérêts des travailleurs".
Disposition validée. Comme on pouvait s'y attendre (2), l'article L. 2142-6 du Code du travail ressort indemne de ce contrôle, voire renforcé puisque désormais, sauf changement de circonstances, il ne pourra plus être remis en cause par une nouvelle QPC.
Pour le Conseil constitutionnel, en effet, "le législateur n'a pas opéré une conciliation manifestement déséquilibrée entre, d'une part, la liberté de communication des syndicats et, d'autre part, la liberté tant de l'employeur que des salariés", et "les dispositions de l'article L. 2142-6 du Code du travail [...] ne méconnaissent ni la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit".
II - Consécration de la notion de "liberté de communication syndicale"
Liberté de communication syndicale. On sait que la liberté syndicale couvre le droit d'adhérer, ou non à un syndicat (3), mais également le droit à "l'action syndicale", pour reprendre les propres termes de l'alinéa 6 du Préambule de 1946 et au titre duquel il convient d'envisager l'examen de la question (4).
Ces derniers mois, le principe de liberté syndicale a été très souvent invoqué dans le cadre de la QPC contre de nombreux aspects de la réforme de la démocratie sociale, mais toujours en vain (5).
Cette fois-ci, la QPC mettait en cause des dispositions issues de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social (N° Lexbase : L1877DY8) (article 52).
Il s'agissait ici d'une déclinaison particulière de la liberté syndicale, dénommée de manière inédite dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, "liberté de communication syndicale".
Le Conseil constitutionnel reconnaît tout d'abord implicitement qu'il y a bien atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation en subordonnant l'accès aux ressources électroniques de l'entreprise, pour les syndicats ayant constitué une section syndicale, à la conclusion d'un accord collectif ; on sait d'ailleurs que la Cour de cassation considère qu'en dehors d'un tel accord les syndicats n'ont aucun droit d'accès à l'intranet ou à la messagerie de l'entreprise (6).
Cette atteinte est toutefois justifiée par le désir d'adapter à chaque entreprise "les modalités de la communication syndicale par la voie électronique et, en particulier, à l'organisation du travail et à l'état du développement de ses moyens de communication". En d'autres termes, l'accès aux ressources électroniques de l'entreprise nécessite qu'un accord soit trouvé avec l'employeur, ne serait-ce que pour des raisons pratiques et pour assurer la sécurité des données électroniques de l'entreprise, cet accord relevant alors naturellement du champ de la négociation collective.
Le Conseil observe d'ailleurs, tout aussi justement, qu'en l'absence d'accord les syndicats ne sont pas privés de tout moyen de communication car ils disposent toujours des moyens traditionnels mis à leur disposition depuis les origines (tracts papier, affiches, réunions), de même qu'ils peuvent adresser des messages électroniques aux salariés de l'entreprise en utilisant des ressources extérieures à l'entreprise (7) ; l'atteinte réalisée par l'exigence d'un accord produit ainsi, au pire, une atteinte à la liberté de communication syndicale qui demeure proportionnée.
Le Conseil considère également que cette atteinte est proportionnée car elle réalise un équilibre satisfaisant entre les intérêts des syndicats (liberté syndicale) et des salariés (principe de participation) d'un côté, et ceux de l'entreprise (liberté de l'activité professionnelle), "exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne doit pas entraver l'accomplissement du travail" et des salariés non syndiqués (liberté syndicale négative, droit de refuser les messages).
Liberté d'expression syndicale. On peut penser qu'en raisonnant sur la "liberté de communication syndicale" le Conseil constitutionnel a raisonné de manière cumulative sur la liberté syndicale et sur la liberté de communication. Or, il n'en est rien car si le Conseil a bien visé l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen aux côtés des alinéas 6 et 8 du Préambule de 1946, pour élaborer son raisonnement sur la "liberté de communication syndicale", il a réservé un considérant spécifique (cons. n° 7) à la "liberté de communication", fondée sur l'article 11 de la Déclaration de 1789, pour balayer le grief sans véritablement s'en justifier (8). Il faut dire que la liberté de communication des syndicats, dans la sphère publique, n'était pas en cause dans cette affaire, ce qui justifie que l'argument soit aussi rapidement écarté (9).
(1) Cass. soc., 11 juillet 2013, n° 13-40.021, F-P+B (N° Lexbase : A6677KI7) ; v. nos obs., Le législateur peut-il confier à un accord d'entreprise le soin de prévoir le recours à la messagerie électronique et à l'intranet de l'entreprise ? Lexbase Hebdo n° 537 du 25 juillet 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N8164BTK).
(2) En ce sens v. nos obs., préc..
(3) Décision n° 2010-68 QPC du 19 novembre 2010, (N° Lexbase : A9735GIE) (Représentation des professions de santé libérales). Cela correspond à l'approche de l'OIT.
(4) La section 4 intitulée "Affichage et diffusion des communications syndicales", au sein de laquelle se trouve l'article L. 2142-6, se trouve en effet intégrée dans un Titre IV intitulé "Exercice du droit syndical".
(5) Seuil d'audience de 10 % des syndicats (Cons. const., décision n° 2010-42 QPC du 7 octobre 2010 N° Lexbase : A2099GBD, audience personnelle des délégués syndicaux) (Cons. const., décision n° 2010-63/64/65 QPC du 12 novembre 2010 N° Lexbase : A4181GGX : régime de la représentativité des syndicats catégoriels, représentants syndicaux dans les comités d'entreprise dont l'effectif est d'au moins 300 salariés) (Cons. const., décision n° 2011-216 QPC du 03 février 2012 : désignation du représentant syndical au comité d'entreprise), ancienneté de deux ans exigée pour la création d'une section syndicale (Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 11-40.072, FS-P+B N° Lexbase : A4887H3E).
(6) Cass. soc., 25 janvier 2005, n° 02-30.946, FS-P+B (N° Lexbase : A2904DGN).
(7) Comme l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation, il ne s'agit alors pas d'une "diffusion" au sein de l'entreprise ; v. nos obs. préc..
(8) Sur l'analyse de cette liberté v. nos obs., préc..
(9) Sur la responsabilité d'un syndicat diffusant sur son site internet des informations confidentielles concernant une entreprise : Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-18.907, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1954D7I). L'avocat général, lors de l'examen de la transmission de la question au Conseil, avait d'ailleurs considéré ici que l'article 11 de la Déclaration de 1789 était inapplicable.
Décision
Cons. const., décision n° 2013-345 QPC du 27 septembre 2013 N° Lexbase : A8224KL8) Texte validé : C. trav., art. L. 2142-6 (N° Lexbase : L2166H94) Mots-clés : QPC, droit syndical, liberté d'expression Liens base : (N° Lexbase : E2630ETL) |
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Réf. : Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, n° 12-21.892, F-P+B (N° Lexbase : A9497KLC)
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par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris, Mulon & Casey Associés, Maître de conférences à l'Université de Bordeaux
Le 10 Octobre 2013
La précision est apportée par la première partie du motif qui décide que "après avoir relevé que les époux étaient convenus en adoptant la séparation de biens qu'ils contribueraient aux charges du mariage dans la proportion de leurs facultés respectives et que chacun d'eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive en sorte qu'aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu'ils n'auraient pas de recours l'un contre l'autre pour les dépenses de cette nature, les juges du fond ont souverainement estimé qu'il ressortait de la volonté des époux que cette présomption interdisait de prouver que l'un ou l'autre des conjoints ne s'était pas acquitté de son obligation". C'est un retour vers la sévérité, cette clause des contrats de séparation de biens rendant manifestement très difficile la preuve contraire. Pour autant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une affirmation du caractère irréfragable de la présomption contenue dans la clause. En effet, la Cour de cassation laisse l'appréciation de la portée de la clause à l'appréciation souveraine des juges du fond. Mais soyons bien clair : la preuve contraire, quoique sans doute possible, sera certainement très difficile à rapporter. Il importera que les juges du fond expliquent en quoi l'adoption de cette clause traduit une volonté de ne pas faire des comptes, ce que des éléments complémentaires (comme par exemple l'utilisation d'un compte-joint pour prélever les remboursements de la banque) pourront utilement compléter. Par conséquent, si la présomption contenue dans cette clause n'est pas (re)devenue irréfragable, c'est tout comme. La Cour de cassation laisse la possibilité aux juges du fond d'estimer que la volonté des époux permet la preuve contraire, mais l'on imagine que cela sera rare. C'est donc la réponse directe aux incertitudes que l'arrêt du 15 mai 2013 avait pu faire naître. Celles-ci n'ont plus de raison d'être. Désormais, le seul fait de constater que cette clause existe suffit à faire pencher la balance en faveur d'une absence de remboursement en faveur de l'époux solvens. Certes, l'appréciation des juges du fond demeure, mais elle est déjà orientée du fait de l'existence de la fameuse clause. Pour notre part, il nous semble que c'est là un choix pragmatique opéré par la Cour de cassation. Ni position dogmatique, ni directive trop vague pour être applicable, le motif ainsi rédigé autorise un élément de souplesse dans un ensemble sérieusement rigidifié. La messe n'est pas tout à fait dite, mais l'on est, précisément, l'étape juste antérieure à l'ite missa est... C'est alors que l'on touche à l'extension possible de la jurisprudence du 15 mai 2013.
L'extension, qui demande confirmation, tient à la seconde partie du motif de la Cour de cassation, qui affirme expressément que "la cour d'appel a exactement déduit" de la nature de logement familial que le mari "ne pouvait réclamer, au moment de la liquidation de leur régime matrimonial, le versement d'une indemnité compensatrice au titre d'un prétendu excès de contribution aux charges du mariage pour avoir financé seul l'acquisition de ce bien". Ce qui n'est pas nouveau, c'est de s'appuyer sur le fait qu'il s'agisse du logement de la famille pour en tirer des conséquences spécifiques. En revanche, ce qui est nouveau, et paraît marquer une extension de la jurisprudence du 15 mai 2013, c'est le fait d'affirmer que cette qualification de logement de la famille permet de déduire qu'aucune indemnité compensatrice ne peut être due lors de la liquidation au titre d'un prétendu excès de contribution aux charges du mariage. Là, il faut bien le reconnaître, la Cour de cassation va plus loin que dans les arrêts de mai et juin 2013, lesquels semblaient trouver comme limite naturelle la sur-contribution de l'époux solvens. Dans l'arrêt commenté, la Cour régulatrice estime que la déduction opérée par les juges du fond (c'est le logement, donc pas de sur-contribution possible) est "exacte". Ce genre de terminologie traduit un contrôle de la part de la Cour de cassation, qui paraît donc bien approuver, en droit, la déduction faite par les juges du fond. La nature du bien financé, le logement de la famille, emporterait donc, par déduction, une impossibilité de prouver une sur-contribution du solvens... Eh bien, ce n'est pas rien ! Si cette interprétation est la bonne, c'est une grande extension qui sera apportée à la portée des arrêts du 15 mai 2013. Cette fois, le balancier irait alors très loin dans le sens d'une absence de remboursement, au risque d'attiser plus encore l'ire des auteurs hostiles à cet élan favorable à la singularité du logement de la famille. Il nous semble cependant qu'il faille rester très prudent quant à la réalité d'une telle extension du domaine de cette nouvelle jurisprudence. Nous ne sommes pas persuadés, tant s'en faut, que la Cour de cassation ait voulu empêcher toute preuve de sur-contribution. Nous pensons au contraire que cette seconde partie du motif doit être lue en pleine cohérence avec se première partie, ci-dessus déjà examinée, qui règle la portée de la clause du contrat de mariage. Or, la mise en perspective de l'une avec l'autre conduit à un résultat conforme à la jurisprudence du 15 mai 2013, et non au-delà de celle-ci. En effet, une fois que les juges du fond ont souverainement apprécié la clause et considéré que la volonté des époux, en adoptant la clause, était de ne pas permettre de comptes entre eux, il s'en déduit que l'époux solvens ne peut plus rapporter la preuve de sa sur-contribution. C'est d'ailleurs la logique même : si la volonté des époux est de ne pas faire de comptes entre eux, on ne va pas commencer à en faire en tentant de démontrer l'existence d'une sur-contribution de l'un aux charges du mariage...
De sorte que l'apport de la présente décision est double. D'une part, il dissipe les doutes que certains ont pu avoir à la lecture du motif un rien torturé de l'arrêt du 15 mai 2013 (publié au Bulletin), en affirmant que cette clause doit se lire comme rendant plus difficile la revendication de toute créance (sous l'appréciation souveraine des juges du fond). D'autre part, il affirme nettement que lorsque les juges du fond ont acquis la conviction que les époux ont entendu ne pas faire de comptes, toute idée de sur-contribution est exclue.
A n'en pas douter, c'est une grosse pierre qui est ici posée dans l'édification d'une théorie générale du logement dans les règlements familiaux. Il est désormais difficile, sinon presque impossible, de prouver une sur-contribution du solvens, et tant pis s'il s'agit d'une dépense d'investissement qui permet à celui qui n'a pas payé sa part de se constituer un patrimoine immobilier grâce au conjoint payeur. La Cour de cassation reprend ici ses habits de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt, et fait jouer à fond la carte de la destination familiale de la dépense pour éviter des comptes d'apothicaire entre les époux, quitte à permettre d'utiliser la notion de contribution aux charges du mariage pour des dépenses d'investissement, ce qui fut cependant toujours âprement discuté par une partie de la doctrine. Quand on songe au poids que le logement a pris dans les budgets familiaux (il pèse bien plus à l'achat aujourd'hui qu'il y a 30 ans), le choix opéré par la Cour de cassation n'est pas neutre. Il nous semble nécessaire d'approuver l'orientation ainsi prise, non pas pour "communautariser" le régime de la séparation de biens, mais pour permettre au régime primaire de donner sa pleine mesure en favorisant la solidarité familiale pour une dépense que l'on peut qualifier "d'essentielle" (6). Quel que soit le statut du couple, il est indiscutable que le logement est en passe de devenir une "zone franche", destinée à éviter les bas instincts spéculatifs que tel ou tel pourrait avoir. La position ici retenue par la Cour de cassation est enfin également de nature à endiguer assez commodément le flot manifestement important du contentieux entre époux séparés de biens sur la question du financement du logement indivis. Quand on songe aux comptes d'apothicaires que l'on voit dans certains dossiers, qui sont incompatibles avec toute idée de justice ou d'équité, on se dit que ce n'est pas là le moindre des mérites de la présente décision. Mais gageons que le régime complet de cette jurisprudence naissante donnera lieu encore à nombre de commentaires. Qu'importe ! L'essentiel est que le nord magnétique soit clairement donné....
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen
Le 10 Octobre 2013
On ne présente plus le droit de préemption qui permet à son titulaire de se substituer à l'acquéreur d'un immeuble aux conditions prévues entre le vendeur et ce futur acquéreur, droit exorbitant s'il en est, dont on ne mesure plus l'atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle qu'il emporte. Le fait, pour la collectivité détentrice du droit de préemption, de s'immiscer dans une relation contractuelle de droit privé, la rend tributaire des aléas qui peuvent survenir dans la mise en oeuvre d'une telle relation. C'est ainsi que le conflit qui peut surgir entre deux acquéreurs potentiels d'un même bien réouvre, de manière paradoxale, le droit de préemption urbain au profit de la collectivité ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 5 juillet 2013. Il faut rappeler les conditions générales d'exercice du droit de préemption (a) avant d'analyser l'hypothèse dans laquelle ce droit peut être réouvert (b)
a - Les conditions générales d'exercice du droit de préemption
Le droit de préemption urbain est prévu par l'article L. 213-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L0733IHM), qui dispose que "toute aliénation visée à l'article L. 213-1 (N° Lexbase : L6037ISE) est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur départemental des finances publiques, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée, ou en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix". L'exercice de ce droit est entouré de quelques garanties.
La première est certes un peu formelle. Le droit de préemption n'existe pas par la seule force de la loi : si les collectivités peuvent en disposer, encore faut-il qu'il soit légalement institué sur leur territoire par une délibération soumise au contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Il faut cependant noter qu'en principe, l'instauration d'un droit de préemption n'est pas soumise à l'obligation de motivation (1).
De même, l'exercice du droit de préemption doit impérativement respecter les limites géographiques qui ont été fixées par la délibération qui l'institue. Si le propriétaire peut exiger que le droit de préemption dépasse ces limites, la collectivité, en revanche, ne peut d'elle-même s'autoriser un tel dépassement. Le droit de préemption peut ainsi être exercé sur la fraction de l'unité foncière mise en vente qui est comprise dans une zone soumise à ce droit, mais n'autorise pas son titulaire à préempter ceux des éléments d'une unité foncière qui sont situés dans une zone où il ne peut pas s'exercer (2).
La décision d'exercer le droit de préemption est, bien entendu, soumise au contrôle du juge administratif. Les collectivités peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L4059ICC), alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date. La nature de ce projet doit apparaître dans la décision de préemption dont la mise en oeuvre doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de vérifier si le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à en justifier légalement l'exercice. Les juges du fond ne peuvent donc limiter leur contrôle à la seule erreur manifeste d'appréciation (3).
L'exercice du droit de préemption doit impérativement s'exercer dans le cadre des dispositions législatives qui l'autorisent. Dès lors qu'aucune disposition n'autorise explicitement le titulaire à exercer son droit, celui-ci ne peut être valablement mis en oeuvre, quand bien même l'hypothèse en cause serait proche de l'une de celles prévues par la loi. En cas de vente par voie d'adjudication dans le cadre d'une procédure judiciaire, une commune ne peut pas préempter les seuls éléments situés dans la zone de préemption, dès lors que ceux-ci sont compris dans la même offre de vente que ceux situés hors zone de préemption, avec lesquels ils constituent une même unité foncière, et que la possibilité d'extension du champ de la préemption à l'initiative du propriétaire prévue par l'article L. 213-2-1 (N° Lexbase : L2395ATU) ne peut être mise en oeuvre (4).
En terme de procédure, il faut rappeler que le droit de préemption ne peut être exercé que par le biais d'une décision explicite. Le silence de la collectivité vaut ainsi refus d'exercer le droit. Lorsque le conseil municipal a légalement délégué sa compétence au maire, il ne peut valablement décider d'exercer le droit de préemption, dès lors que la délégation n'a pas été rapportée (5). Le Conseil d'Etat apprécie de manière assez libérale l'intérêt à agir contre une décision exerçant le droit de préemption qui peut être attaquée par tous ceux qui bénéficient d'un droit suffisamment certain et direct sur le bien préempté (6). En revanche, il faut noter que "les décisions par lesquelles une commune préempte un bien puis le revend, entre lesquelles s'interpose l'acte authentique opérant le transfert de propriété, ne forment pas entre elles un ensemble indissociable qui justifierait que l'annulation de la première entraîne par voie de conséquence l'annulation de la seconde" (7).
b - La réouverture du droit de préemption
L'exercice du droit de préemption permet à la collectivité qui en est titulaire d'interférer dans des relations contractuelles de droit privé. Elle peut donc être amenée à connaître, par ricochet, des aléas susceptibles de surgir dans ces relations. L'arrêt du 5 juillet 2013 recèle un cas de figure intéressant. Une commune avait, en 2001, renoncé à exercer son droit de préemption à l'occasion de la vente d'un appartement et d'une cave. La vente ayant donné lieu à un contentieux entre deux acquéreurs potentiels, la cour administrative d'appel (8) a considéré que le compromis de vente le plus ancien valait vente parfaite. La décision de renonciation de 2001 concernait cependant la vente faite à la partie perdante. La seconde déclaration d'intention d'aliéner mentionnait, cette fois, l'acquéreur ayant obtenu gain de cause devant la juridiction civile.
Le Conseil d'Etat, dans ces circonstances, estime "que la réception d'une déclaration d'intention d'aliéner ouvre à l'autorité titulaire du droit de préemption mentionné à l'article L. 213-1 du Code de l'urbanisme la possibilité d'exercer légalement ce droit, alors même, sauf lorsque le Code de l'urbanisme en dispose autrement, qu'elle aurait renoncé à en faire usage à la réception d'une précédente déclaration d'intention d'aliéner du même propriétaire portant sur la vente du même immeuble aux mêmes conditions".
Cette motivation appelle plusieurs observations. Tout d'abord, le Conseil rappelle que c'est bien le dépôt d'une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) qui ouvre l'exercice du droit de préemption. Ce délai ne s'ouvre à qu'à compter de la réception d'une DIA exempte d'erreur, la réception d'une seconde DIA remplaçant une déclaration précédente portant des mentions erronées ouvrant à nouveau le délai de deux mois (9). Ce faisant, le Conseil se contente de tirer les conséquences du principe selon lequel la validité de toute transaction portant sur un bien situé dans le champ matériel et géographique du droit de préemption est subordonnée à l'information préalable de l'autorité titulaire du droit de préemption par le biais de la DIA.
Ensuite, hors les cas dans lesquels le Code de l'urbanisme réduit les possibilités de la collectivité, la renonciation antérieure au droit de préemption n'engage pas la collectivité qui en est titulaire, dès lors qu'une nouvelle aliénation du bien est envisagée. D'une part, le droit est indépendant de l'identité du propriétaire. Peu importe, en effet, que la vente envisagée soit réalisée par l'acheteur qui avait bénéficié de la décision implicite de renonciation rendue sur la première DIA. Peu importe également, comme c'est le cas en l'espèce, que cette vente soit le fait du même propriétaire que celui figurant dans la première DIA.
D'autre part, la seule réserve à ce principe ne peut découler que du Code de l'urbanisme. C'est que précise le Conseil lorsqu'il rappelle que la possibilité d'exercer le droit de préemption est ouvert "sauf lorsque le code de l'urbanisme en dispose autrement". Le juge réserve ici les cas particuliers prévus par l'article L. 213-8 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L7390ACP) qui limite les réitérations éventuelles du droit de préemption. Il s'agit des cas dans lesquels des incidents sont venus perturber le cours normal des choses. Son deuxième alinéa prévoit, ainsi, que, lorsque "le titulaire du droit de préemption a renoncé à l'exercice de son droit sur un bien dont le prix a été fixé judiciairement, il ne peut plus l'exercer à l'égard du même propriétaire pendant un délai de cinq ans à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive si le propriétaire, dans ce délai, réalise la vente de ce bien au prix fixé par la juridiction [...]".
De même l'alinéa 4 de cet article prévoit les conséquences de l'annulation de la décision de préemption et limite les pouvoirs de la collectivité en précisant que, lorsque la décision de préemption "est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative et qu'il n'y a pas eu transfert de propriété, ce titulaire ne peut exercer son droit à nouveau sur le bien en cause pendant un délai d'un an à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive. Dans ce cas, le propriétaire n'est pas tenu par les prix et conditions qu'il avait mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner". Le Conseil interprète donc rigoureusement les conditions d'exercice du droit de préemption, mais également les hypothèses de limitations de ce droit au détriment de son titulaire.
Enfin, conséquence logique de cette méthode, le Conseil, constatant implicitement qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à son exercice, relève que le droit de préemption est à nouveau ouvert par la transmission d'une seconde DIA, y compris lorsque celle-ci émane du même propriétaire, qu'elle porte sur le même bien et que la vente se présente aux même conditions. La solution peut apparaître rigoureuse pour l'acquéreur potentiel qui ne peut ainsi se prévaloir du refus implicite antérieur d'exercer la préemption. Elle semble ouvrir une session de rattrapage au profit de la collectivité, lui permettant ainsi de se raviser. Elle paraît, au premier abord, constituer une exception de taille à la règle relative au retrait des décisions administratives. En effet, la seconde décision de préemption s'analyse, matériellement, comme rapportant la première. Toutefois, au plan juridique, une telle analyse n'est pas exacte. En effet, d'une part, les circonstances entourant l'appréciation de l'intérêt public de l'acquisition peuvent avoir changé, et ceci malgré l'identité des conditions des deux ventes envisagées. Cette raison est toutefois secondaire.
D'autre part, en effet, c'est la notion même d'aliénation et, l'information qui doit être adressée à la collectivité par la DIA, qui justifie la solution adoptée par le Conseil d'Etat. Le caractère très général des termes de l'article L. 213-2 qui vise "toute aliénation" interdit de créer des exceptions là où la loi n'a rien prévu. Dès lors, les conditions de l'aliénation ne constituent pas une condition d'ouverture du droit. Peu importe, dès lors, que la nouvelle DIA porte sur le même bien vendu aux mêmes conditions que précédemment par le même propriétaire. Le fait de ne pas exercer une première fois le droit de préemption ne peut valoir renonciation définitive à ce droit lorsque les conditions légales de son ouverture sont, une nouvelle fois, réunies. Cette solution est d' ailleurs conforme avec l'esprit de la procédure qui veut que la préemption ne puisse jamais être exercée en considération de la personne de l'acquéreur potentiel mais en fonction du bien et des ses rapports avec les seuls intérêts publics poursuivis par la collectivité.
En l'occurrence, la potion est amère pour l'acquéreur potentiel lorsque, comme c'est le cas dans la présente espèce, il a été obligé de mener une bataille judiciaire pour obtenir gain de cause et se prévaloir ainsi d'un compromis de vente antérieur à celui de son concurrent qui avait pourtant bénéficié du refus implicite de préemption.
Depuis plusieurs années, le législateur s'est efforcé de rationaliser et de limiter les participations susceptibles d'être réclamées aux constructeurs par les collectivités locales, afin d'éviter, notamment, que celles-ci n'en profitent pour faire financer par ces derniers des équipements publics de manière abusive. L'article L. 332-6 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1513IPQ) limite ainsi expressément les participations financières. En l'occurrence, une commune avait mis à la charge des bénéficiaires d'une autorisation de lotir la participation exigible en cas dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble. Le tribunal administratif ayant fait droit à la demande d'annulation de cette contribution, la cour administrative d'appel (10) avait globalement confirmé la solution retenue par les juges de première instance. Le Conseil d'Etat profite du pourvoi pour rappeler les conditions de légalité des décisions instaurant des participations (a) et le régime des substitutions de base légale (b).
a - Les conditions de légalité des décisions relatives aux participations en matière d'urbanisme
La commune avait mis à la charge des lotisseurs la participation prévue à l'article L. 332-9 du Code de l'urbanisme abrogé qui prévoyait que, "dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné". Cette participation a été supprimée par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, de finances rectificative pour 2010 (N° Lexbase : L9902IN3), qui n'a conservé le dispositif en question que dans les secteurs des communes où un programme d'aménagement d'ensemble a été institué antérieurement à l'entrée en vigueur de ce texte loi, et ce, jusqu'à ce que le conseil municipal décide de clore le programme d'aménagement d'ensemble.
Le Code demeurait cependant relativement imprécis quant aux conditions de légalité des délibérations du conseil municipal instaurant cette participation. L'article L. 332-9 se contentait, en effet, de préciser que "le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions". La loi n'avait donc fixé aucun critère précis permettant de déterminer les modes de calculs de la participation.
La notion de programme d'aménagement d'ensemble est une notion fonctionnelle qui est ainsi définie par son objet plus que par sa nature. En effet, un tel programme ne décrit pas une certaine catégorie d'opérations au sens matériel du terme. A ce sujet, le Conseil d'Etat considère que l'adoption d'un programme d'aménagement d'ensemble "doit permettre de conduire, à l'occasion d'un projet d'urbanisme, dans un ou plusieurs secteurs du territoire communal, la réalisation, dans un délai et pour un coût déterminés, d'un ensemble d'équipements publics, dont tout ou partie des dépenses peut être mis à la charge des constructeurs, correspondant aux besoins actuels des habitants du secteur et à ceux qui résulteront d'une ou plusieurs opérations de construction, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée" (11). Il s'agit donc, avant tout, d'un mode de financement des équipements publics par les constructeurs privés.
La jurisprudence reconnaît l'existence d'un tel plan, quand bien même le conseil municipal ne l'a pas expressément prévu : la commune, qui a prévu de conduire dans un quartier un programme de viabilisation et de construction d'équipements publics comportant des travaux de voirie et d'éclairage public sur plusieurs voies communales, ainsi que des travaux d'assainissement et d'adduction d'eau potable, a approuvé un programme d'aménagement d'ensemble de ce secteur du territoire communal (12). En revanche, un programme de travaux qui n'a pas été prévu avant le dépôt d'une demande d'autorisation de lotir et qui se borne à des équipements directement liés à la réalisation du lotissement en question n'est pas un programme d'aménagement d'ensemble (13).
La participation ne concerne que les équipements publics à réaliser. Une délibération ne peut légalement mettre à la charge des constructeurs le coût de réalisation d'équipements déjà existants. De même, la participation, qui ne peut concerner que les équipements correspondant aux besoins de futurs usagers ou habitants, ne peut être fondée exclusivement sur la superficie constructibles des terrains mais doit prendre en considération l'importance des constructions autorisées sur lesdits terrains (14). En tout état de cause un programme d'aménagement d'ensemble ne constitue pas un document d'urbanisme (15).
Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce plan, la jurisprudence avait déjà considéré que les critères permettant de déterminer les modalités de répartition entre les constructeurs devaient être précisés dans la délibération (16). Appliquant le principe selon lequel les débiteurs de recettes publiques ont droit à être informé des éléments servant de base à la liquidation de leur dette, le Conseil d'Etat, dans un considérant de principe énonce "que la délibération du conseil municipal instituant un plan d'aménagement d'ensemble et mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit identifier avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation réclamée à chaque constructeur ; que ces dispositions impliquent également, afin de permettre la répartition de la participation entre les constructeurs, que la délibération procède à une estimation quantitative des surfaces dont la construction est projetée à la date de la délibération et qui serviront de base à cette répartition".
Dans un arrêt rendu le jour même, le Conseil d'Etat précise, en outre, "qu'il appartient enfin au conseil municipal de modifier en tant que de besoin les critères de calcul de la participation des constructeurs pour tenir compte d'éventuels écarts constatés entre les programmes d'équipements publics et leur réalisation effective, ainsi qu'entre les prévisions de constructions privées et leur réalisation effective" (17). Ce faisant, le Conseil reprend une jurisprudence antérieure déjà bien établie (18).
Dans l'affaire en question, la délibération ne mentionnait pas la superficie totale susceptible d'être réalisée dans le secteur concerné, ni un montant de participation à la charge des constructeurs par mètres carrés. La seule référence à une étude de la DDE mentionnant une SHON totale susceptible d'être réalisée ainsi qu'un coût de 960 francs/m² de SHON n'était pas suffisant, dès lors que le conseil municipal ne s'était pas approprié expressément le contenu de cette étude qui n'était d'ailleurs pas joint à la délibération. C'est donc sans surprise que le Conseil d'Etat confirme l'arrêt d'appel qui avait jugé que cette délibération ne pouvait servir de fondement aux participations demandées. Toutefois, cette seule considération ne suffit pas à les annuler.
b - La substitution de base légale
En effet, le Conseil d'Etat va, par une substitution de base légale, valider les participations. Cette substitution était demandée par la commune qui invoquait les dispositions de l'article L. 322-15 abrogé. Cet article prévoyait qu'une participation pouvait être demandée à un lotisseur aux constructeurs pour "la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées". Or, la commune avait réclamé aux lotisseurs une participation portant sur la réalisation des réseaux d'eaux usées et pluviales, les réseaux d'eau potable, d'électricité, de téléphone et de voirie et ainsi que d'espaces verts.
Le Conseil rappelle que, "lorsqu'une illégalité n'entache pas le fondement légal qui a permis à l'administration d'agir, mais les motifs de sa décision, elle peut demander au juge de procéder à une substitution de motifs ; qu'il est cependant possible à l'administration, lorsqu'elle a pris une décision sur un fondement juridique erroné, de demander une substitution de base légale". La substitution de motifs est une technique classique qui permet de sauver certaines décisions à la légalité douteuse. Toutefois, le juge conserve la possibilité d'aller au-delà de la seule substitution de motifs et de procéder à une substitution de base légale. Une telle pratique permet ainsi, de facto, l'édiction d'une nouvelle décision en cours d'instance, ce qui ne va pas sans poser de difficultés au regard du recours ouvert contre les actes administratifs. Il importe, en effet, que les garanties légales soient respectées et que, notamment par le jeu des mécanismes des recours juridictionnels, le destinataire ne se trouve pas privé de discuter de la légalité de cette nouvelle décision.
La substitution de base légale emporte, dans le plein contentieux, des effets qui peuvent être dévastateurs pour le requérant. L'arrêt du 12 juillet 2013 précise néanmoins "que, lorsque le juge du plein contentieux, saisi d'une demande tenant à la décharge d'une participation d'urbanisme, constate que la décision prévoyant le versement de cette participation aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, il peut, le cas échéant d'office, substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la participation aurait dû lui être demandée".
Il faut relever que la substitution peut être opérée d'office par le juge. On relèvera que, bien que l'arrêt ne le mentionne pas, le juge doit avoir les parties en mesure de discuter du moyen avant de statuer. En effet, l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3102ALH) impose au juge de ne statuer sur un moyen relevé d'office qu'après l'avoir communiqué aux parties afin de leur permettre de présenter leurs observations. Un arrêt du 3 décembre 2003 précise, en effet, "que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point" (19).
La solution retenue par le Conseil se situe ainsi dans la continuité des solutions antérieures relatives à la substitution de base légale et aux participations d'urbanisme. Un arrêt du 7 juillet 2010 précisait, en effet, à propos du recours intenté par le pétitionnaire contre les dispositions du permis relatives à la participation mise à sa charge "que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée" (20).
En l'espèce, le Conseil censure la cour administrative d'appel pour avoir écarté la substitution de base légale demandée par la cour en estimant qu'il s'agissait d'une substitution de motifs.
Rarement une disposition aussi brève et d'une rédaction aussi simple en apparence n'aura imposé au Conseil d'Etat de développer une jurisprudence pédagogique aussi fournie et aussi complexe. En effet, l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme, adopté dans la loi "SRU" (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY) afin de limiter le contentieux en imposant au juge administratif d'être exhaustif, est d'un énoncé particulièrement lapidaire puisqu'il se contente de préciser : "lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier". L'arrêt du 17 juillet 2013, rendu à propos du PLU d'Arcachon, vient apporter de nouvelles précisions sur la mise en oeuvre de ce texte (a) ainsi que sur la procédure de révision du PLU (b).
a - Les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 600-4-1 du Code de l'urbanisme
L'article L. 600-4-1 a déjà fait l'objet d'une jurisprudence assez fournie. Pour s'en tenir aux décisions publiées, il n'est pas inutile de rappeler les principales précisions apportées par le Conseil d'Etat.
Le juge de première instance, dès lors qu'il retient certains moyens pour annuler ou suspendre un acte, n'a pas l'obligation de répondre aux moyens qu'il estime insusceptible de justifier cette annulation ou cette suspension (21).
Le juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, doit examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal administratif et se prononcer sur tous les moyens susceptibles de conduire à une annulation de l'arrêté litigieux (22). C'est ainsi que l'intimé peut utilement invoquer à l'encontre d'un arrêt d'appel le grief du défaut de réponse à un moyen soulevé par l'appelant, alors même que l'arrêt a fait droit à un autre moyen de l'appelante (23). De même, le juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un plan local d'urbanisme, doit se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. La circonstance que les moyens d'appel ne soient pas dirigés contre l'ensemble des motifs retenus par le tribunal administratif pour annuler cet acte ne rend pas la requête irrecevable (24).
La jurisprudence a également précisé le rôle de juge de cassation. Saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l'un est erroné, le juge de cassation, à qui il n'appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi. Il en va cependant autrement lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, dans la mesure où l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d'annulation. Dans cette hypothèse -et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières- le juge de cassation, si l'un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, doit rejeter le pourvoi. Toutefois, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, il doit préalablement censurer celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés avant de prononcer ce rejet. Cette règle trouve, en particulier, à s'appliquer lorsque la pluralité des motifs du juge du fond découle de l'obligation qui lui est faite de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder l'annulation (25).
En l'espèce, l'arrêt du 17 juillet 2013 reprend la formulation de l'arrêt de section du 22 avril 2005 (26). Pour clarifier la présentation de l'office du juge, il est plus simple de recourir à un schéma
1- première instance : annulation fondée sur, au moins, deux moyens.
2 - office de la cour administrative d'appel :
1 - se prononcer sur les moyens retenus par le tribunal s'ils sont contestés.
2 - apprécier si, au moins, l'un d'entre eux justifie la solution retenue par le tribunal ; si oui : la cour n'a pas à examiner les autres moyens de première instance (y compris ceux qui ont été écartés par le tribunal) ; sinon : la cour examine l'ensemble des moyens de première instance (effet dévolutif de l'appel).
3 - aucun de ces moyens n'est fondé : la cour les écarte.
4 - au moins un de ces moyen est fondé : la cour se prononce sur l'ensemble des moyens de nature à confirmer le jugement.
Ce schéma complexe n'est que le reflet de la complexité du droit de l'urbanisme et de celle du contentieux qu'il induit. En l'occurrence, le tribunal s'était fondé sur l'insuffisance de la note de synthèse et du rapport de présentation pour annuler, dans sa totalité, la délibération approuvant la révision du PLU. La cour administrative d'appel (27) avait censuré l'analyse du tribunal sur ces deux moyens et confirmé une censure partielle sur deux motifs différents. Toutefois, elle n'avait pas répondu expressément à un moyen tiré de l'absence de caractère exécutoire de la délibération prescrivant la révision du PLU ni à d'autres moyens. Le Conseil d'Etat censure l'arrêt d'appel en relevant "qu'en s'abstenant de préciser les raisons pour lesquelles elle écartait le moyen tiré du défaut de caractère exécutoire de la délibération du 30 septembre 2004, alors qu'un tel moyen, qui n'était pas inopérant, était susceptible d'entraîner l'annulation totale de la délibération du 31 janvier 2007, laquelle n'a pas été prononcée en faisant droit à un autre moyen, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation".
b - La révision du PLU
Loin de constituer un arrêt de principe quant aux modalités de révision du PLU, la décision du 17 juillet 2013 souligne cependant un point intéressant lié à l'information que les collectivités doivent apporter lors de cette procédure. En l'occurrence, le tribunal avait censuré la délibération attaquée, au motif de l'insuffisance de l'information donnée aux conseillers municipaux. Le Conseil d'Etat relève, dans un premier temps, que la procédure suivie a effectivement méconnu l'article L. 2121-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1644IX8), la note de synthèse jointe à la convocation étant très lacunaire et insusceptible d'éclairer les conseillers municipaux sur le sens et la portée du projet de PLU.
Toutefois, se refusant à appliquer un formalisme excessif, le Conseil s'appuie sur une appréciation réelle des conséquences potentielles de la violation du droit à l'information des conseillers. L'arrêt relève donc, sans surprise, que, "si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie".
La même solution a été déjà été appliquée à propos de l'irrégularité de la publicité d'un arrêt d'extension de convention collective (28), de l'irrégularité de consultation d'une commission consultative de l'environnement, de nature à priver de garanties les collectivités et les particuliers quant à l'extension d'un aéroport (29), de l'irrégularité de la publication préalable à un changement de nom, susceptible d'avoir eu une influence sur la décision (30), de l'insuffisance d'information donnée aux membres d'un comité technique paritaire ministériel (31), du défaut de consultation de l'agence de sécurité sanitaire des aliments (32), de la méconnaissance du délai réglementaire pour la consultation d'un comité technique paritaire (33), ou de l'irrégularité de la composition d'un conseil d'enquête disciplinaire (34).
La jurisprudence antérieure a également précisé "que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ; qu'il appartient au juge administratif d'écarter, le cas échéant de lui-même, un moyen tiré d'un vice de procédure qui, au regard de ce principe, ne lui paraît pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée ; qu'en statuant ainsi, le juge ne relève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer préalablement aux parties" (35).
En l'espèce, le Conseil a estimé que, malgré l'insuffisance de la note de synthèse jointe à la convocation, les conseillers n'avaient pas été privés d'une garantie et que cette insuffisance n'avait pas eu d'influence sur le sens de la décision. En effet, le conseil municipal avait, dans la même composition, délibéré moins de sept mois auparavant sur le projet de révision du plan, qui comportait l'ensemble des éléments exigés par le Code de l'urbanisme. De plus, la "note du rapporteur" faisait état des avis des personnes publiques consultées et des suites qui leur avaient été réservées, en explicitant la modification apportée au plan soumis à approbation par rapport au projet de révision. Le Conseil d'Etat peut en conclure que le droit à l'information des conseillers n'a pas été matériellement méconnu et écarte ainsi le moyen.
Pour conclure, il faut relever que le Conseil écarte l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre du PLU, à l'exception de celle visant l'interdiction de l'installation des antennes-relais. Celle-ci est annulée, non pour elle-même, mais faute de faire l'objet de la moindre justification au sens de l'article R. 123-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L2916DZZ). Sous cette réserve, le PLU d'Arcachon se trouve donc validé.
(1) CE 1° et 6° s-s-r., 6 juillet 2007, n° 300384, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1311DXT).
(2) CE 1° et 6° s-s-r., 7 juillet 2010, n° 331412, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1385E43).
(3) CE 1° et 6° s-s-r., 7 juin 2012, n° 342328, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4023INC).
(4) CE 1° et 6° s-s-r., 7 avril 2010, n° 320125, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5673EUN).
(5) CE 1° et 6° s-s-r., 2 mars 2011, n° 315880, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1871G98).
(6) CE 1° et 6° s-s-r., 1er juillet 2009, n° 319238, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5656EIC).
(7) CE 1° et 6° s-s-r., 21 novembre 2008, n° 302144, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3156EBI).
(8) CAA Marseille, 1ère ch., 31 mars 2011, n° 09MA01933, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2671HPM).
(9) CE 1°et 6° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 324767 (N° Lexbase : A8306HWK) et lire nos obs., Chronique de droit de l'urbanisme - Septembre 2011, Lexbase Habdo n° 214 - édition publique (N° Lexbase : N7620BSZ).
(10) CAA Lyon, 1ère ch., 1er mars 2011, n° 09LY01125, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3161HNE).
(11) CE 3° et 8° s-s-r., 27 janvier 2010, n° 308614, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7554EQT).
(12) CE 3° et 8° s-s-r., 27 janvier 2010, n° 308614, publié au recueil Lebon, préc..
(13) CE 5° et 7° s-s-r., 25 juin 2007, n° 219661, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1895C93).
(14) CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2006, n° 266093, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6460DQC).
(15) CE 1° et 7° s-s-r., 17 janvier 1997, n° 183072, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8251ADX).
(16) CAA Marseille, 1ère ch., 6 juillet 2000, n° 97MA01109, mentionné aux tables du recueil Lebon.
(17) CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 324123, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8294HW4).
(18) CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 324123, publié au recueil Lebon, préc. ; CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 324126, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8297HW9).
(19) CE, S., 3 décembre 2003, n° 240267, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4185DAA).
(20) CE 9° et 10° s-s-r., 7 juillet 2010, n° 311477, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1329E4Y).
(21) CE 1° et 6° s-s-r., 13 juin 2005, n° 276481, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7431DI3).
(22) CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 262105, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7309DLB).
(23) CE 1° et 6° s-s-r., 10 février 2012, n° 327149, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7583ERB).
(24) CE 2° et 7° s-s-r., 1er mars 2012, n° 342993, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8943IDL).
(25) CE 3° et 8° s-s-r., 7 août 2008, n° 288966, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0694EAX).
(26) CE, S., 22 avril 2005, n° 257877, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9341DHG).
(27) CAA Bordeaux, 6ème ch., 26 avril 2011, n° 10BX00882, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7556HPK).
(28) CE 1° et 6° s-s-r., 19 juin 2013, n° 352898, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2100KHA).
(29) CE 2° et 7° s-s-r., 10 juin 2013, n° 355791, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5893KGD).
(30) CE 2° et 7° s-s-r., 29 avril 2013, n° 359472, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0230KDU).
(31) CE 3° et 8° s-s-r., 22 janvier 2013, n° 355511, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9092I37) ; CE 1° et 6° s-s-r., 15 mai 2012, n° 339834, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0911IMP).
(32) CE 3° et 8° s-s-r., 23 juillet 2012, n° 341726, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0725IRB).
(33) Absence d'influence sur la décision (voir CE 4° et 5° s-s-r., 27 avril 2012, n° 348637, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4194IKK).
(34) CE 2° et 7° s-s-r., 22 février 2012, n° 343052, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3400IDB).
(35) CE 1° et 6° s-s-r., 17 février 2012, n° 332509, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A8520ICK).
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