Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-16.216, FS-B N° Lexbase : A42741PY
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N7573BZI
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par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université, Directeur du master Ingénierie des sociétés, Membre du Centre de droit économique (UR 4224) et de l’Institut de droit des affaires (IDA), Avocat au Barreau d’Aix-en-Provence
Le 01 Décembre 2023
Mots-clés : bail commercial • référé • arriéré de loyer • délais de paiement • clause résolutoire • suspension • acquisition de la clause • mauvaise foi du bailleur
Lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi de la bailleresse à s'en prévaloir puisse y faire obstacle.
1. C’est une constante du statut des baux commerciaux : si le bailleur veut mettre en œuvre la clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer, il le peut mais sous réserve d’être de bonne foi, et sous réserve également des délais que le juge des référés, juge de l’évidence, pourrait accorder au preneur demandeur. Par conséquent, un bailleur, en raison de sa mauvaise foi, pourrait se voir refuser le bénéfice de pareille clause. Ainsi, selon une jurisprudence constante, un commandement de payer délivré de mauvaise foi ne peut produire aucun effet [1].
2. La Cour de cassation précise toutefois, dans son arrêt publié du 26 octobre 2023, que la mauvaise foi du bailleur commercial n'empêche pas l'acquisition de la clause résolutoire, dans le contexte néanmoins d'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée ayant accordé au titulaire d'un bail commercial des délais pour régler un arriéré de loyers, lesquels délais, parce que non respectés, rendent la clause définitivement acquise et ce, malgré la mauvaise foi du bailleur à s'en prévaloir.
3. En l’occurrence, le propriétaire de locaux commerciaux agit contre son locataire en vue de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail pour défaut de paiement de loyers. Une ordonnance de référé non frappée d'appel autorise le locataire à s'acquitter de sa dette locative (20 031 euros) en 24 mensualités et ordonne la suspension des effets de la clause résolutoire, tout en prévoyant leur reprise immédiate à défaut de paiement d'une seule mensualité selon l'échéancier fixé. Le locataire n'ayant pas réglé la totalité de sa dette à l'issue du délai accordé, le bailleur demande l'expulsion du locataire. Il faut noter que l’impayé était de 31 euros. La cour d'appel [2], relevant que le solde restant dû, 31 euros, étant si minime par rapport à l'importance de la dette initiale, et relevant également que le locataire avait versé 20 000 euros en 8 mois alors que l'ordonnance lui avait octroyé 24 mois pour apurer sa dette, considère que la clause résolutoire ne peut pas avoir joué car elle a été invoquée de mauvaise foi par le bailleur. Cependant, au visa de l’article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE, la Cour de cassation exerce sa censure : elle juge que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au locataire commercial des délais de paiement en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi du bailleur à s'en prévaloir puisse y faire obstacle. Et, effectivement, le preneur n’avait pas respecté les délais de paiement accordé par l’ordonnance irrévocable. Certes, l’impayé était infime, 31 euros. Mais c’était un impayé, entraînant ipso facto la fin du bail.
4. Comment comprendre cette décision ? Est-ce un revirement de jurisprudence qui permettrait au bailleur de mettre en œuvre une clause résolutoire même en étant de mauvaise foi ? Nous ne le pensons pas [3].
5. Il faut rappeler ici le mécanisme de la clause résolutoire [4], régi, de façon stricte, par l’article L. 145-41 du Code de commerce, texte d’ordre public, et la jurisprudence y afférente. Ainsi, conformément à ce texte, la clause résolutoire prévue au bail ne peut jouer qu’un mois après un commandement délivré par acte extrajudiciaire demeuré infructueux, ce commandement devant viser une obligation ou une interdiction expressément formulée par le bail [5]. De plus, toujours en vertu de ce texte, le juge peut, en accordant des délais de paiement au locataire, suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire d’un bail commercial, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Saisi par le locataire, le juge des référés peut donc lui accorder des délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil N° Lexbase : L0688KZI et, dans ce cas, suspendre les effets de la clause résolutoire. Mais alors, dans cette hypothèse, il est impératif que le locataire respecte strictement les délais accordés, qu’il s’agisse des dates de paiement ou des montants. À défaut, la clause résolutoire est définitivement acquise, même si le locataire a réglé en cours d’instance l’intégralité des sommes visées au commandement [6]. Il en résulte qu’en cas de violation des délais fixés par le juge, la clause résolutoire produit ses effets [7], même si le délai de paiement n’a été dépassé que de quelques jours [8], et même si l’ordonnance de référé, accordant les délais, n’a pas précisé expressément qu’à défaut de respect des délais la clause résolutoire serait acquise [9].
6. Surtout, la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. La question est donc de connaître les conditions fixées par le juge. En pratique, et comme le relève Maître Blatter, « les conditions fixées par le juge, s’agissant du défaut de paiement des loyers ou des charges sont généralement, d’une part, le strict respect de l’échéancier accordé au locataire pour s’acquitter de l’arriéré mais également l’obligation de s’acquitter à bonne date des échéances du loyer courant […] Par ailleurs, la plupart des décisions de référé accordant des délais de paiement, suspendant les effets de la clause résolutoire et disant qu’en cas de manquement du locataire à l’une des échéances ou à défaut de paiement du loyer courant la clause résolutoire sera acquise, prévoient néanmoins qu’elle ne sera acquise qu’après une mise en demeure adressée au locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui accordant un certain délai (huit ou quinze jours) pour s’exécuter » [10].
7. On voit ainsi que si le juge des référés a précisé que les loyers courants devaient être réglés à bonne date, qu’il s’agisse du retard d’un seul jour concernant les arriérés, ou d’un retard concernant les loyers courants, la clause résolutoire joue. « Ainsi, si vingt-quatre mois de délai ont été accordés, comme en l’espèce, cela oblige le locataire à surveiller strictement toutes les dates et tous les montants, au jour près et au centime près […] Dans l’affaire commentée, le locataire n’avait pas respecté, semble-t-il, un délai, mais la cour d’appel avait jugé que la clause résolutoire n’était pas acquise, au motif que la somme restant due était « minime » et que les sommes dues avaient quasiment été toutes réglées dans un délai bien plus bref que celui accordé par le juge. L’arrêt de la cour d’appel est cassé : les juges n’ont pas de pouvoir d’appréciation et, quel que soit le caractère minime de la violation du délai, le couperet est tombé »[11].
8. C’est bien la justification de la cassation : la clause résolutoire est acquise, seuls ses effets sont suspendus. Autrement dit, le juge n’a plus ici aucun pouvoir d’appréciation : dès lors que les conditions fixées par le juge ne sont pas respectées, et même si ce non-respect consiste en un impayé d’une somme dérisoire (31 euros), alors que 20 000 euros avaient été versés sur les 20 031 euros dus au total et même plus rapidement que prévu (en 8 mois au lieu de 24), objectivement, la décision de justice n’étant pas respectée, le bail doit être rompu et le preneur expulsé.
9. Comment justifier cette rigueur ? Par l’absence de pouvoir d’appréciation, à ce stade, du juge ? Sans doute [12]. Par le fait également que « La chose jugée est tenue pour vraie et doit être exécutée, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur la bonne ou mauvaise foi de celui qui exécute » et qu’« il ne faut donc pas confondre la mise en œuvre d’une décision de justice avec la mise en œuvre d’une clause résolutoire » [13] ? Sans doute également. Par le fait encore que, parce que les conventions qui doivent être exécutées de bonne foi, contrairement aux « décisions de justice » [14], un créancier, même de mauvaise foi, n’en demeure pas moins créancier ? [15] Sans doute aussi.
10. Ce qui, à notre avis, justifie le plus la solution, qui met surtout en exergue l’absence de pouvoir d’appréciation du juge, mieux finalement que la mauvaise foi du bailleur, c’est, d’une part, que la clause résolutoire était acquise et, d’autre part, que dans son ordonnance, le juge avait indiqué, au titre des conditions libératoires, que le preneur devait régler, à la date près et à l’euro près, les échéances, ce qu’il n’a pas fait, certes une fois, qu’une seule fois, mais qu’il n’a pas fait tout de même. Une fois, comme ici, et une fois seulement, un seul impayé, aussi infime soit-il, cela peut suffire.
11. Il faut donc voir dans cette solution beaucoup de rigueur et d’objectivité, mais rigueur et objectivité liées finalement à une ordonnance du juge des référés fixant des conditions de libération du preneur à la fois classiques tout en étant strictes. « Si la solution est stricte, il convient d’observer toutefois que les conditions de la mise en œuvre de la sanction sont également strictes, la Cour de cassation semblant réserver cette solution à l’hypothèse de l’ordonnance de référé passée en force de chose jugée, c’est-à-dire non susceptible d’un recours suspensif. La bonne ou la mauvaise foi du bailleur dans l’application de la sanction tirée de la décision de justice elle-même, n’est donc plus de mise à ce stade la procédure, alors qu’elle aurait pu être examinée lors de la mise en œuvre de la clause » [16].
12. Il s’agit par conséquent, selon nous, d’une décision d’espèce, à laquelle de la nuance peut être apportée dès lors que le juge des référés lui-même accorde plus de souplesse dans les conditions fixées au preneur pour se libérer de la clause résolutoire. Mais si le juge qui accorde les délais est trop « tolérant », peut-il encore contraindre le locataire débiteur, efficacement, à respecter ses engagements ? C’est toute la question et toute la difficulté à laquelle les juges sont quotidiennement confrontés. Si bailleur et preneur respectent leurs engagements, il n’est nullement besoin d’engager de procédure ; il n’est nullement besoin d’avoir recours à des avocats et il n’est nullement besoin de faire appel à la justice pour trancher le litige car il n’y a pas ou plus de litige. Dans ces conditions, la négociation est sans doute préférable à la justice étatique, dans l’intérêt de tous.
[1] J.-D. Barbier et S. Valade, note sous Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-16.216, FS-B, Dalloz Actualité, 7 novembre 2023, citant la jurisprudence ci-après : Cass. civ. 3, 25 octobre 2018, n° 17-17.384, F-D N° Lexbase : A5526YII, AJDI, 2019, 359 , obs. P. Haas ; Gaz. Pal., 19 mars 2019, p. 72, note J.-D. Barbier – Cass. civ. 3, 25 février 2016, n° 14-25.087, F-D N° Lexbase : A4447QD3, D., 2016, 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI, 2016, 509 , obs. D. Lipman-W. Boccara ; Administrer, 3/2016, 32, note J.-D. Barbier.
[2] CA Toulouse, 17 mars 2022, n° 21/01073 N° Lexbase : A79517QK.
[3] V. toutefois La Quotidienne, éd. F. Lefevbre, 23 nov. 2023, qui considère que la décision commentée revient sur la solution selon laquelle si le locataire ne parvient pas à s'acquitter de sa dette dans les délais et conditions prévus par l'ordonnance de référé en raison de la mauvaise foi du bailleur, les juges du fond peuvent refuser de constater la résiliation du bail (Cass. civ. 3, 5 juillet 1995, n° 93-15.637, inédit N° Lexbase : A0693CNY, RJDA, 8-9/95 n° 945), alors que la Cour de cassation a décidé que, lorsque l’échéancier fixé par le juge des référés n’a pas été respecté, les juges du fond ne peuvent pas accorder de nouveaux délais au locataire (Cass. civ. 3, 2 avril 2003, n° 01-16.834, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6457A7B, D., 2003, 1366 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2003. 583 , obs. J.-P. Blatter – Cass. civ. 3, 15 octobre 2008, n° 07-16.725, FS-P+B N° Lexbase : A8054EAK, Dalloz Actualité, 22 octobre 2008, obs. Y. Rouquet ; AJDI, 2009, 194 , obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com., 2009. 81, obs. F. Kendérian, cité in J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.).
[4] F. Kendérian, La clause résolutoire du bail commercial, JCP E, 2020, étude 1341.
[5] Cass. civ. 3, 8 juin 2023, n° 21-19.099, F-D N° Lexbase : A36869ZK.
[6] Cass. civ. 3, 14 mai 2008, n° 07-17.121, F-D N° Lexbase : A5392D89, Administrer, 10/2008, 48, note J.-D. Barbier, cité in J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[7] Cass. civ. 3, 19 mars 2003, n° 00-22.422, FS-D N° Lexbase : A5463A7H, AJDI, 2003, 582 , obs. M.-P. Dumont ; Loyers et copr., 2003, n° 156 – Cass. civ. 3, 6 juillet 2017, n° 16-18.869, F-D N° Lexbase : A8287WLI, cité in J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[8] Cass. civ. 3, 3 décembre 2003, n° 02-14.645, FS-P+B N° Lexbase : A3724DA8, AJDI 2004. 374 , obs. M.-P. Dumont ; Administrer 2/2004. 28, cité in J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[9] Cass. civ. 3, 14 mai 2008, n° 07-17.121, préc.
[10] J.-P Blatter, note sous Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, Lettre d’actualité novembre 2023.
[11] J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[12] Selon Maître Blatter, « Si certes lorsque la clause résolutoire est mise en œuvre de mauvaise foi par le bailleur, le juge peut en écarter les effets, en revanche, il ne semblait pas possible, dans les circonstances de cette affaire, pour le juge de relever la mauvaise foi alléguée du bailleur alors que la clause avait été antérieurement déclarée acquise, seuls ses effets ayant été suspendus », in Lettre d’actualité, préc.
[13] J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[14] J.-D. Barbier et S. Valade, note préc.
[15] La mauvaise foi contractuelle ne peut être sanctionnée par une atteinte à la substance même des droits et obligations nés du contrat : Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-14.768, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A2234DXZ, JCP G, 2007, II, 10154, note D. Houtcieff ; D., 2007, p. 2839, note P. Stoffel-Munck ; Cass. com., 7 octobre 2014, n° 13-21.086, FS-P+B N° Lexbase : A2088MYY, Gaz. Pal., 2015, n° 99, p. 18, obs. D. Houtcieff ; JCP G, 2015, 306, obs. J. Ghestin et G. Virassamy – Cass. com., 8 novembre 2016, n° 14-29.770, F-D N° Lexbase : A8955SGR, RTD civ., 2017, p. 133, obs. H. Barbier. En matière de baux commerciaux v. : Cass. civ. 3, 9 décembre 2009, n° 04-19.923, FS-P+B N° Lexbase : A4350EPS, J. Prigent, Lexbase Droit privé, janvier 2010, n° 378 N° Lexbase : N9547BMK.
[16] J.-P. Blatter, Lettre d’actualité, préc.
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Réf. : Cass. civ. 3, 23 novembre 2023, n° 22-21.463, FS-B N° Lexbase : A8631133
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N7592BZ9
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 30 Novembre 2023
► Il est possible de renoncer à se prévaloir de la nullité d’un contrat ; la confirmation de l’acte nul l’autorise.
Le droit de la construction est, sans doute, l’une des branches dans lesquelles il y a le plus de dispositions impératives et de risque de nullité du contrat, aux effets parfois dévastateurs, surtout lorsque les travaux sont en cours voire terminés. Nombreux sont ceux qui ont ainsi tenté de réduire ces effets, en invoquant la renonciation au droit d’invoquer cette nullité.
Le régime de la nullité a été profondément réformé par l’ordonnance de 2016 et la présente espèce est une formidable occasion de l’illustrer.
En l’espèce, une entreprise est chargée de travaux de construction et, à cette occasion, sous-traite des travaux sans fournir de caution, pourtant obligatoire en application des dispositions de la loi n° 75-1334, du 31 décembre 1975 N° Lexbase : L5127A8E. Se plaignant du non-paiement de surcoûts et de travaux supplémentaires, le sous-traitant assigne son donneur d’ordre aux fins de nullité.
La cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, a considéré que le contrat était valide et a rejeté les demandes. Le sous-traitant forme un pourvoi qui est rejeté.
La Haute juridiction rappelle que la violation des dispositions de l’article 14 de la loi précitée étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l’article 1182 du Code civil N° Lexbase : L0896KZ9. Au cas présent, le sous-traitant avait exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de cause de la nullité du contrat tenant à l’absence de la délivrance de la caution, si bien que le sous-traitant avait confirmé le contrat.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit être caractérisée par la connaissance préalable du contractant de la violation des dispositions destinées à le protéger de sorte que le commencement d’exécution du contrat n’a pas, à lui seul, pour effet de couvrir l’irrégularité (Cass. civ. 3, 20 novembre 2013, n° 12-27.041, FS-P+B+I N° Lexbase : A7762KP8).
Autant dire que cette preuve était très difficile à rapporter. Mais, désormais, les parties ont la possibilité d’invoquer la confirmation.
Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ». Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.
L’exécution volontaire d’un contrat en connaissance de la cause du vice l’affectant serait un cas de confirmation au sens de cet article.
Cela risque de réduire significativement les cas de nullité du sous-traité.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
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Réf. : Cass. com., 22 novembre 2023, n° 22-16.514, F-B N° Lexbase : A664313G
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le 29 Novembre 2023
► En cas de rupture unilatérale justifiée par la gravité du comportement de l’une des parties, il appartient à celui qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d’un tel comportement si la partie subissant la rupture conteste la mise en œuvre de cette prérogative unilatérale
Consacrée par la jurisprudence dans son célèbre arrêt « Tocqueville » (Cass. civ. 1, 13 octobre 1998, n° 96-21.485 N° Lexbase : A9121ARA ; précisé par Cass. civ. 1, 20 février 2001, n° 99-15.170 N° Lexbase : A3376ARH), la résolution unilatérale trouve désormais son siège dans l’article 1226 du Code civil N° Lexbase : L0937KZQ, lequel précise les grandes lignes du régime de cette sanction contractuelle. C’est ainsi que le créancier ne peut résoudre unilatéralement le contrat qu’après une mise en demeure du débiteur restée infructueuse, qu’une exigence de motivation de la résolution s’impose au créancier et que le débiteur « peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution », le créancier devant alors « prouver la gravité de l’inexécution ». Mais qu’en est-il pour les situations relevant du droit antérieur ? Telles étaient les précisions que l’arrêt rendu le 22 novembre 2023 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation devait apporter.
Faits et procédure. Peu d’éléments sont apportés quant aux faits de l’espèce. Une société ayant confié la recherche d’investisseurs à une société. La première ayant mis fin au contrat de manière anticipée, la seconde société – débitrice – assigna la première – créancière – en justice, contestant la rupture anticipée. Les juges du fond avaient jugé fautive la rupture du contrat et rejetèrent la demande de résolution aux torts de la société débitrice, motif pris que les griefs à l’encontre du débiteur n’étaient pas étayés et qu’en présence d’une obligation de moyens, la preuve d’une faute devait être rapportée par le créancier (CA Paris, 7 mars 2022, n° 20/15921 N° Lexbase : A85857PN).
Solution. La Chambre commerciale rejette le pourvoi qui considérait qu’il appartenait au débiteur de rapporter la preuve de l’exécution de ses obligations. Elle considère que « la gravité du comportement d’une partie à un contrat non soumis aux dispositions issues de l’ordonnance du 10 février 2016 peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En cas de contestation, c’est à la partie qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d’un tel manquement ». Sous l’empire du droit antérieur, la charge de la preuve du manquement du débiteur incombe donc au créancier à l’initiative de la rupture unilatérale.
La solution n’est pas sans rappeler celle aujourd’hui consacrée par l’article 1226, alinéa 4. En cas de contestation de la résolution, le débiteur peut saisir le juge, mais c’est alors au créancier de prouver la gravité du comportement justifiant la résolution. Ainsi, « l’initiative du débiteur ne renverse pas la charge de la preuve » (O. Deshayes, Th. Genicon et Y.-M. Laithier, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, LexisNexis, 2e éd., 2018, ss. art. 1226, p. 577). En revanche, l’arrêt ne dit mot des conséquences de la sanction en cas de résolution abusive, tout comme le nouvel article 1226.
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Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 24 octobre 2023, n° 470101, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A40971PG
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par Benjamin Bail et Sarah Margaroli, Avocats, cabinet Drai Associés
Le 29 Novembre 2023
Mots clés : contrat public • recours • exécution du contrat • résiliation du contrat • intérêt pour agir
Dans un arrêt rendu le 24 octobre 2023, le Conseil d’État est venu préciser les conditions de recevabilité d’un recours, introduit par un concurrent potentiel, dirigé contre le refus de mettre fin à l’exécution d’un contrat.
Le « dernier né » de la profonde recomposition des voies de recours en matière contractuelle, initiée par le Conseil d’État depuis les années 2008, est le recours dit « Transmanche » qui ouvre la possibilité pour un tiers « à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat [de] former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat » [1].
Toutefois, cette voie de recours ouverte aux tiers [2] n’ayant pas pour objet de constituer une « session de rattrapage » [3] par rapport au recours en contestation de la validité du contrat [4], ses conditions d’ouverture et d’effectivité sont particulièrement strictes et restreintes.
a) Tout d’abord, au regard de la recevabilité de l’action : elle doit être appréciée au regard de l’intérêt à agir. C’est le principal apport de la décision commentée.
b) Puis, une fois ce premier « verrou » [5] levé, au regard des moyens susceptibles d’être invoqués par les tiers, qui ne peuvent soulever « que des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours, de ce que le contrat est entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ou encore de ce que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général » [6].
c) Et enfin, au regard de l’opérance des moyens, qui ne sera retenue que s’ils sont « en rapport direct avec l’intérêt lésé dont le tiers requérant se prévaut ». En effet, « la logique du recours de plein contentieux [vise] en principe à réparer un intérêt lésé et non à dire le droit au sujet de la légalité objective de l’acte attaqué. » [7] même s’il existe également un plein contentieux objectif dans des domaines non ici applicables.
Par la décision ici commentée, le Conseil d’État est venu préciser que : « ni la circonstance qu’une société a exploité le site faisant l’objet d’une convention de délégation de service public (DSP) par le passé, ni la circonstance qu’elle pourrait se porter candidate à une éventuelle réattribution de la délégation au terme de celle actuellement en cours ne suffisent à justifier qu’elle serait susceptible d’être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la poursuite de l’exécution de la convention. La demande qu’elle présente, tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution de cette convention de DSP, n’est ainsi pas recevable. »
Ce faisant, le Conseil d’État entend fermer, dès le stade de la recevabilité, presque totalement cette voie de recours aux concurrents potentiels ou évincés.
Pour autant, la question n’était manifestement pas si simple, notamment au regard des faits de l’espèce (I.). C’est ce qui a conduit à des prises de position opposées par les différentes juridictions (II.), avant que la formation de jugement du Conseil d’État ne vienne trancher la question, en sens contraire des conclusions du rapporteur public (III.).
I. Les faits
Les carrières du Val-d’Enfer situées sur la commune des Baux-de-Provence, réouvrent en 1959 après avoir été transformées, après guerre, en un espace à vocation artistique, dans lequel « Dante y trouva le cadre idéal pour l’intrigue de sa Divine Comédie et Gounod y créa son opéra Mireille » [8].
En 1989, les carrières font l’objet d’un bail commercial conclu entre la commune et la société Cathédrale d’Images afin d’y organiser des spectacles. En 2008, il est donné congé par la commune à la société Cathédrale d’Images.
En 2010, la commune organise une procédure concurrentielle afin d’attribuer une délégation de service public portant sur la gestion et la mise en valeur du site, pour une durée de dix années.
À l’issue de la consultation, à laquelle la société Cathédrale d’Images n’a pas entendu soumissionner (ni a priori et sous toutes réserves introduire un recours Tropic), le contrat est attribué à la société Culturespaces.
Puis, en 2012, un avenant à la concession est conclu afin de porter la durée du contrat à 15 ans.
Malgré le temps qui passe, la situation laisse un goût amer à la société Cathédrale d’Images. C’est ainsi que par un courrier en date du 28 juillet 2017 (soit un mois après la lecture de l’arrêt « Transmanche »), elle sollicite de la commune qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat.
Une décision implicite de rejet est née deux mois plus tard, liant ainsi le contentieux, et est attaquée devant le tribunal administratif de Marseille. C’est le début de la « saga ».
Parallèlement, deux autres instances judiciaires sont initiées, pour aboutir à la situation suivante :
- par un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (dont l’affaire est probablement initiée avant 2017), la commune des Baux-de-Provence est condamnée à verser à la société Cathédrale d’Images 5.8 millions d'euros au titre de l’indemnité d’éviction de son bail commercial [9] ;
- par un jugement du 15 février 2023 de la onzième chambre correctionnelle de Paris (dont l’appel demeure pendant), l’ancien maire de la commune est condamné pour favoritisme et le PDG de la société Culturespaces pour recel de favoritisme, en raison de l’attribution de la délégation de service public [10].
II. Les hésitations
Par un jugement n° 1709656 du 24 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille avait rejeté la requête de la société Cathédrale d’Images, en considérant que les demandes étaient irrecevables faute pour la société requérante de justifier d’un intérêt lésé suffisant (les juges de première instance s’en sont arrêtés au premier « verrou »).
Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et mis fin à l’exécution de la convention de DSP, en considérant pour sa part, s’agissant de la recevabilité de l’action, que « la société Cathédrale d’Images doit être regardée comme pouvant se prévaloir de la qualité de candidate potentielle, ancienne exploitante du site, et non de simple tiers à la convention en litige, sans qu’y fasse obstacle la circonstance alléguée par la commune des Baux-de-Provence que cette société serait désormais sans activité commerciale. La société Cathédrale d’Images doit ainsi être regardée comme justifiant être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la décision de la commune des Baux-de-Provence refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat » [11].
Finalement en cassation, et sur conclusions contraires de son Rapporteur public, le Conseil d’État rejoint la position initiale qu’avait prise le tribunal administratif.
III. L’apport
M. Pichon de Vendeuil, dans ses conclusions rendues sur la décision ici commentée en date du 24 octobre 2023, expose avec clarté la « philosophie » du recours « Transmanche », qui est un recours non pas contre le contrat, mais contre les conséquences son exécution, lorsqu’elles sont de nature à léser le requérant.
Il rappelle que le juge administratif s’assure que « seul un puissant motif de légalité lié à l’exécution même du contrat, et non aux conditions de sa passation ou de sa formation, puisse, le cas échéant, justifier qu’il y soit mis fin pour l’avenir ». Dès lors, « il ne suffit pas que le requérant ait un intérêt à une remise en concurrence […] » mais qu’il établisse « que la poursuite du contrat – en général parce que sa durée est excessive – est susceptible de porter directement atteinte, de manière suffisamment grave, à la situation personnelle du requérant ou aux intérêts qu’il défend.[…] ».
C’est pourquoi, outre le spectre limité des moyens invocables, et la nécessité d’être suffisamment lésé au regard des intérêts dont le requérant se prévaut pour que lesdits moyens soient opérants (éléments qui ne se posent que dans une deuxième et troisième phase), la recevabilité même de l’action est conditionnée par la démonstration d’un intérêt à agir particulièrement étroit (première phase).
En effet, le requérant devra tout d’abord démontrer qu’il est « susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l'exécution du contrat ».
M. Pichon de Vendeuil, dans ses conclusions prononcées sur cette affaire, avait proposé de rejeter les pourvois introduits pour la société Culturespaces et pour la commune des Baux-de-Provence, en retenant, sur la question de la recevabilité du recours, que : « la cour a également relevé différents éléments qui ne seraient certainement pas de nature, à eux seuls, à caractériser un intérêt pour agir mais dont le cumul permet de témoigner qu’en l’espèce, la poursuite de l’exécution de la DSP a une incidence directe et suffisamment grave sur la situation de l’intéressée dont il est manifeste, au vu de l’historique du dossier, de son objet social, de son implantation et de la nature des activités, qu’elle a la vocation et les capacités à prendre en charge l’exploitation du site des carrières. Surtout, il ressort avec évidence des pièces du dossier que, vu la mono-activité de cette société, c’est sa pérennité, ou en tout cas l’essentiel de son activité, qui dépend de la poursuite du contrat. […] Le critère de l’incidence directe et suffisamment grave de l’exécution du contrat sur la situation du requérant est donc rempli en l’espèce, et il n’y a au demeurant pas de doute quant au fait qu’une éventuelle cessation de l’exécution du contrat serait de nature à y remédier » (nous soulignons et mettons en gras).
Il considérait donc que dans les circonstances de l’espèce, le fait que la société Cathédrale d’Images ait historiquement et actuellement une activité consacrée à l’exploitation du site des carrières du Val-d’Enfer, lui conférait un intérêt particulier, vis-à-vis duquel la poursuite du contrat était susceptible de la léser.
Toutefois, la décision ici commentée en date du 24 octobre 2023, juge que « ni la circonstance qu’une société a exploité le site faisant l’objet d’une convention de délégation de service public (DSP) par le passé, ni la circonstance qu’elle pourrait se porter candidate à une éventuelle réattribution de la délégation au terme de celle actuellement en cours ».
Autrement dit, le Conseil d’État considère donc que la double qualité d’opérateur sortant et de candidat potentiel, pour une société n’ayant que vocation à être attributaire de l’activité en cause, ne permet pas de démontrer une lésion suffisante en rapport avec l’exécution du contrat, permettant de justifier un intérêt à agir.
Cette double qualité se rattache donc, intrinsèquement, à un intérêt lésé pouvant être avancé pour contester la validité du contrat (dans le cadre d’un recours dit « Tarn-et-Garonne »), mais est insuffisante pour caractériser un intérêt lésé pour contester la poursuite de l’exécution du contrat.
Et les circonstances de l’espèce n’ont pu rien y faire, la situation particulière de la société Cathédrale d’Images n’a pas suffi à la faire regarder comme ayant un intérêt (lésé) lui permettant de s’opposer à la poursuite du contrat.
Notons, pour finir, que pour conclure au rejet des pourvois après avoir admis la recevabilité de l’action, M. Pichon de Vendeuil estimait que la prolongation de la durée de la DSP pour une durée de cinq années n’était pas justifiée, et donc qu’elle constituait une violation manifeste des règles de la commande publique, de nature à léser la société Cathédrale d’Images eu égard aux intérêts qu’elle entendait défendre.
Nous estimons, au surplus et c’est une appréciation ici très personnelle, que si les faits ayant justifié la condamnation (dont appel) du maire et du PDG du concessionnaire pour favoritisme étaient suffisamment établis, ils auraient également pu permettre (sous réserve de la recevabilité de l’action) qu’il soit mis fin au contrat en cours, ce moyen permettant de considérer « que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général ».
Et c’est probablement la limite de la décision ici commentée en date du 24 octobre 2023 : imaginons, pour le raisonnement, et uniquement, qu’un délit de favoritisme ou un délit de prise illégale d’intérêts soit par exemple jugé au pénal et ait acquis un caractère définitif.
À en suivre le raisonnement du Conseil d’État, et bien qu’une telle condamnation puisse potentiellement permettre de considérer que la poursuite du contrat serait de ce fait contraire à l’intérêt général, un opérateur économique ne serait a priori pas recevable à le soulever dans le cadre d’un recours « Transmanche » (puisqu’il n’aurait pas d’intérêt lésé propre suffisant lui donnant intérêt à agir) ; pas plus a priori qu’un simple contribuable ou usager.
Seuls les tiers privilégiés, ou une personne ayant comme objet de défendre la probité dans la sphère publique, seraient alors potentiellement recevables.
[1] CE, Sect., 30 juin 2017, n° 398445 N° Lexbase : A1792WLX, Rec.
[2] Rappelons que le représentant de l’État et les membres de l’organe délibérant jouissent d’un régime assoupli (ce sont les tiers dits « privilégiés »).
[3] F. Llorens, P. Soler-Couteaux, Résiliation – Le nouveau recours en résiliation du contrat ouvert aux tiers, Contrats et Marchés publics, n° 8-9, août 2017, repère 8 ; références citées par M.Pichon de Vendeuil dans ses conclusions prononcées sur l'arrêt commenté.
[4] CE Ass., 4 avril 2014, n° 358994 N° Lexbase : A6449MIP, Rec.
[5] Expression utilisée par M. Pichon de Vendeuil dans ses conclusions prononcées sur l'arrêt commenté.
[6] CE, Sect., 30 juin 2017, n° 398445, préc., point n° 3.
[7] Conclusions prononcées par M. Henrard sur l’affaire CE, Sect., 5 février 2016, n° 383149 N° Lexbase : A5051PKB, Rec.
[9] CA Aix-en-Provence, 27 juin 2019, n° 18/02153 N° Lexbase : A8548ZGP.
[10] Voir par exemple Carrières des Lumières : l'ancien maire des Baux Michel Fenard et Culturespaces condamnés pour "favoritisme" et "recel de favoritisme", La Provence, 15 février 2023.
[11] CAA Marseille, 28 novembre 2022, n° 20MA03656 N° Lexbase : A03978WM.
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Réf. : CJUE, 28 novembre 2023, aff. C-148/22 N° Lexbase : A662914B
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N7564BZ8
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par Lisa Poinsot
Le 05 Décembre 2023
► Afin d’instaurer un environnement administratif totalement neutre, une administration publique peut interdire le port visible, sur le lieu de travail, de tout signe révélant des convictions philosophiques ou religieuses ;
Une telle règle n’est pas discriminatoire si elle est appliquée de façon générale et indifférenciée à l’ensemble du personnel de cette administration et se limite au strict nécessaire.
Telles sont les solutions énoncées par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 28 novembre 2023.
Faits et procédure. Une employée, qui exerce ses fonctions de chef de bureau principalement sans contact avec les usagers du service public, se voit interdire de porter le foulard islamique sur son lieu de travail. Par la suite, son employeur (une administration publique) modifie son règlement de travail et impose dorénavant à ses employés de respecter une stricte neutralité : « toute forme de prosélytisme est interdite et le port de signes ostensibles d’appartenance idéologique ou religieuse est interdit à tout travailleur, y compris à ceux qui ne sont pas en relation avec les administrés ».
Soutenant que sa liberté de religion a été violée et qu’elle est victime d’une discrimination, l’intéressée saisit la juridiction nationale compétente qui se demande si la règle de neutralité stricte imposée par l’administration publique engendre une discrimination contraire au droit de l’Union européenne.
Elle décide alors de saisir la CJUE à titre préjudiciel.
La solution. La CJUE estime que la disposition du règlement de travail de l’administration publique peut être considérée comme poursuivant un objectif légitime, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b) de la Directive n° 2000/78, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4.
En effet, chaque État membre et toute entité infra-étatique dans le cadre de ses compétences, disposent d’une marge d’appréciation dans la conception de la neutralité du service public qu’ils entendent promouvoir sur le lieu de travail, en fonction du contexte propre qui est le leur. Cela étant, cet objectif doit être poursuivi de manière cohérente et systématique, et les mesures adoptées pour l’atteindre doivent se limiter au strict nécessaire.
Par ailleurs, la Cour souligne que l’objectif légitime consistant à assurer, à travers une telle politique de « neutralité exclusive », un environnement administratif totalement neutre ne saurait être efficacement poursuivi que si aucune manifestation visible de convictions, notamment philosophiques ou religieuses, n’est admise lorsque les travailleurs sont en contact avec les usagers du service public ou sont en contact entre eux. En effet, le port de tout signe, même de petite taille, compromet l’aptitude de la mesure à atteindre l’objectif prétendument poursuivi et remet ainsi en cause la cohérence même de cette politique.
Enfin, il appartient aux juridictions nationales de vérifier le respect de ces exigences.
Pour aller plus loin :
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Réf. : Cass. com., 22 novembre 2023, n° 22-17.798, F-B N° Lexbase : A862013N
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N7516BZE
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par Vincent Téchené
Le 29 Novembre 2023
► Le tribunal, avant de statuer sur l'ouverture de la procédure collective, peut ordonner la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc (ou à la conciliation).
Faits et procédure. Le 28 septembre 2021, une société a déclaré son état de cessation des paiements et demandé sa mise en redressement judiciaire. À cette occasion, elle a déclaré qu'elle avait bénéficié, le 22 décembre 2020, d'une procédure de mandat ad hoc.
Par un jugement du 18 octobre 2021, le tribunal, avant de statuer sur l'ouverture de la procédure collective, a, à la demande du ministère public, ordonné la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure.
La débitrice a interjeté appel-nullité de ce jugement, reprochant à celui-ci d’avoir commis un excès de pouvoir en levant la confidentialité de la procédure de mandat ad hoc.
Par un jugement du 2 novembre 2021, la débitrice a été mise en redressement judiciaire.
L’appel-nullité ayant été rejeté (CA Lyon, 14 avril 2022, n° 21/07676 N° Lexbase : A79197TH), la débitrice a formé un pourvoi en cassation. Elle soutenait qu’en jugeant que la levée de la confidentialité d'un mandat ad hoc pouvait intervenir avant l'audience prononçant l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel aurait commis un excès de pouvoir, violant ainsi les articles L. 611-15 N° Lexbase : L4119HB8 et L. 621-1, alinéas 5 et 6 N° Lexbase : L9117L7S, du Code de commerce.
Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Pour ce faire, elle énonce qu’il résulte des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du Code de commerce N° Lexbase : L9171L7S, que le tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du même code.
Observations. En d’autres termes, le tribunal, saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure collective, peut lever la confidentialité avant l’audience prononçant l’ouverture. Il lui sera en effet utile d’avoir communication des pièces et des actes relatifs à la procédure amiable pour statuer sur la demande d’ouverture.
Et, puisqu’il est question pour le tribunal d’être informé exactement lorsqu’il va statuer sur l’ouverture de la sauvegarde, on comprend que ce n’est que lors de l’ouverture de la procédure que la levée de la confidentialité peut être ordonnée. Par conséquent, et comme le juge justement la cour d‘appel de Versailles, une levée de la confidentialité ne peut être sollicitée plus d’un an après l’ouverture de la procédure (CA Versailles, 13e ch., 24 mai 2022, n° 21/07444 N° Lexbase : A07467YB, P.-M. Le Corre, septembre 2022, n° 728 N° Lexbase : N2614BZT).
On rappellera que les règles sur la confidentialité sont les mêmes pour le mandat ad hoc et la conciliation, les articles L. 611-15 et L. 621-1, alinéa 5 et 6, visant ces deux procédures amiables.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le mandat ad hoc, L'obligation de confidentialité dans le cadre du mandat ad hoc, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E9031EP8. |
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newsid:487516
Réf. : Ordonnance n° 2023-483, du 21 juin 2023, relatif à la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les bénéfices N° Lexbase : L9441MH7
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N7538BZ9
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par Denis Fontaine-Besset et Arnauld Spiner, Avocats, Couderc Dinh et Associés
Le 29 Novembre 2023
Mots-clés : déclaration pays par pays • CBCR • fraude fiscale • entreprises • Country by country reporting
Dans le cadre de l’Action 13 du projet BEPS de l’OCDE, l’article 223 quinquies C du Code général des impôts N° Lexbase : L2943KWW transposant la Directive (UE) n° 2016/881/UE du 25 mai 2016 N° Lexbase : L4143K8X, a introduit depuis 2016 l’obligation de produire une déclaration pays par pays des résultats économiques, comptables et fiscaux. Cette déclaration doit être télédéclarée par certaines multinationales (Country by country reporting- CBCR). Elle vise à lutter contre l'optimisation agressive et la fraude fiscale en aidant l’administration fiscale à faire des recoupements entre l’origine géographique de la création de richesse et le lieu d’imposition des bénéfices. Ces déclarations sont destinées aux autorités fiscales et sont échangées automatiquement entre les administrations fiscales des États participants.
Accédant aux attentes de plusieurs associations au nom de la lutte qu’elles mènent contre l’opacité de certaines pratiques des groupes multinationaux, la Directive du 24 novembre 2021 (Directive (UE) n° 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2021, modifiant la Directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les revenus des sociétés N° Lexbase : L8067L9N) renforce les obligations des entreprises en matière de transparence en imposant de rendre certaines informations publiques. Ceci doit permettre notamment aux actionnaires, aux salariés, aux législateurs, aux associations, aux journalistes et, plus généralement, à tout citoyen intéressé, de mener leurs propres analyses des conséquences de la mondialisation et de ses effets indésirables. L’ordonnance du 21 juin 2023 a transposé cette Directive dans le Code de commerce français, aux articles L. 232-6 N° Lexbase : L9501MHD, L. 232-6-1 N° Lexbase : L9502MHE, L. 233-28-1 N° Lexbase : L9503MHG, L. 233-28-2 N° Lexbase : L9504MHH, L. 238-7 N° Lexbase : L9505MHI, L. 823-10 N° Lexbase : L9506MHK et L. 950-1 N° Lexbase : L3640MIN.
Certaines entreprises financières, relevant du Code monétaire et financier, sont déjà visées par une obligation de publication similaire, les contraignant à rendre publiques des informations essentielles sur l’organisation de leurs activités dans les pays où elles sont implantées (C. mon. fin., art. L. 511-45, II N° Lexbase : L6698AIW).
I. Champ d’application
Les sociétés concernées par le Country by country reporting devraient dans la grande majorité des cas aussi être visées par cette nouvelle obligation de publier certaines informations économiques, financières, comptables et fiscales contenues dans le CBCR. Quatre grandes catégories d’entreprises sont concernées : les entreprises autonomes françaises, les entreprises autonomes établies hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen disposant d’une succursale en France, les entreprises mères ultimes établies en France et les entreprises françaises de certaines entreprises mères ultimes établies hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen.
Les entités concernées par cette nouvelle obligation sont, en pratique :
La notion de contrôle est appréciée suivant les règles prévues à l’article L. 233-16 du Code de commerce N° Lexbase : L9089KBA. Elle couvre :
Lorsque la société est une société en nom collectif ou en commandite simple, l’obligation ne s’applique que si l’ensemble des associés indéfiniment responsables sont eux-mêmes des sociétés par actions, des sociétés à responsabilité limitée ou des sociétés de droit étranger ayant une forme juridique comparable.
Certaines dispositions anti-abus sont prévues. Ainsi l’obligation de publication s’applique aux filiales contrôlées et aux succursales qui n’ont pas d’autre fin que d’éluder cette obligation.
Les commissaires aux comptes doivent indiquer dans leur rapport joint au rapport de gestion si la personne morale ou l’entité est soumise à l’obligation d’information publique et si elle s’est bien acquittée de son obligation de publication (C. com., art. L. 823-10).
Si l’entité déclarante est située dans un autre État de l’Union européenne, il convient de vérifier les spécificités de transposition de la Directive dans les États membres concernés afin de déterminer les obligations applicables.
L’arbre décisionnel ci-dessous permet de déterminer si une entité est visée par l’obligation d’information :
II. Informations à publier
Les informations qui doivent être publiées sont :
La liste des informations devant être publiées est plus restreinte que celle qui doit figurer dans le CBCR, notamment pour les informations spécifiques aux relations entre sociétés liées. La présentation diffère aussi des exigences du CBCR. Alors que le CBCR adopte une approche systématique de classification pays par pays, les informations publiées sont agrégées et globalisées pour chacune des rubriques indiquées. Elles ne doivent être détaillées par pays que pour les États et juridictions suivants (C. com., art. R. 232-8-2 N° Lexbase : L9692MHG) :
Les entreprises sont dispensées de rendre publiques certaines informations (Informations omises) lorsque leur divulgation peut porter préjudice à la position commerciale des sociétés concernées. Les motivations de ces omissions doivent être détaillées dans le rapport. Cette dispense ne concerne pas les informations concernant les pays et territoires non coopératifs. Cette dispense n’est que temporaire et les Informations omises doivent être publiées dans un rapport ultérieur, au plus tard cinq ans après la date à laquelle elles auraient dû figurer dans le rapport.
Le rapport devra pouvoir être exploité électroniquement afin de faciliter la comparabilité des données (C. com., art. R. 232-8-2.-I).
La publicité du rapport s’effectue par son dépôt au greffe du tribunal de commerce dans un délai de 12 moins à compter de la clôture de l’exercice à la diligence du conseil d’administration, du directoire ou des gérants de la société (C. com., art. R. 232-23 I N° Lexbase : L9693MHH). Ce dépôt fait l’objet d’une publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
Le rapport doit aussi être téléchargé sur le site internet (C. com., art., R. 232-23.-II) :
En cas de défaut, l’article L. 238-7 du Code de commerce N° Lexbase : L9505MHI prévoit une procédure d’injonction permettant à toute personne de demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre le conseil d'administration, le directoire, les gérants, le représentant légal de la société en France ou la personne ayant le pouvoir de l'engager, d'établir, de publier ou de mettre à disposition le rapport. L’injonction peut être assortie d’une astreinte à la charge des administrateurs, membres du directoire, gérant ou plus généralement représentants légaux de la personne morale défaillante.
L’obligation d’information s’applique aux exercices ouverts à compter du 22 juin 2024. Les sociétés dont l’exercice coïncide avec l’année civile devront par conséquent déposer leur premier rapport le 31 décembre 2026 au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2025.
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newsid:487538
Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 13 novembre 2023, n° 465852, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A29521ZD
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N7526BZR
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par Marie-Claire Sgarra
Le 29 Novembre 2023
► La mise à disposition à titre gratuit par une société de biens immobiliers aux parents de son associé à titre de résidence principale ne saurait caractériser, par elle-même, une activité lucrative. Ni la circonstance que l’objet social de la société en cause inclut notamment l’achat, la location et la revente de biens immobiliers, ni celle que les parents de l’associé mettent à leur tour à la disposition de leur salarié chargé d’entretenir la propriété et d’assurer son gardiennage, à titre d’avantage en nature, une partie des biens en cause, ne permet de regarder la société en cause comme se livrant à une telle activité.
Les faits :
Procédure. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la CAA de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires (CAA Marseille, 17 mars 2022, n° 19MA05309 N° Lexbase : A077474G).
Principe. L’article 206 du CGI N° Lexbase : L8067MHA prévoit l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de toutes les personnes morales qui se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.
Précisions du Conseil d’État. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger :
1.d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable ;
2.de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.
Sur les faits de l’espèce.
La CAA a estimé que la LLC ne pouvait, au regard de l'ensemble de ses caractéristiques et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, être assimilée à l'un des types de sociétés de droit français passibles de l'impôt sur les sociétés.
La cour a ensuite recherché si elle se livrait à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. Ici, les parents d’un des associés occupaient un des deux biens immobiliers. Ces derniers avaient attribué, comme logement de fonction au titre d'un avantage en nature, le second bien immobilier à leur employé et sa compagne, qui n'étaient ni associés ni en lien de parenté avec les associés.
Pour juger que, dans ces conditions, la société LLC était passible l’IS en France, la cour s'est fondée sur ce que, compte tenu de son objet social, qui inclut notamment l'achat, la location et la revente de biens immobiliers, la mise à disposition à titre gracieux de tels biens au profit des parents de son dirigeant ainsi que de tiers, devait être regardée comme une opération de caractère lucratif.
En statuant ainsi, alors que la mise à disposition à titre gratuit par une société de biens immobiliers aux parents de son associé à titre de résidence principale ne saurait caractériser, par elle-même, une activité lucrative, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que ces derniers mettent à leur tour à la disposition de leur salarié chargé d'entretenir la propriété et d'assurer son gardiennage, à titre d'avantage en nature, une partie des biens en cause, la cour a donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.
L’arrêt de la CAA de Marseille est annulé.
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newsid:487526
Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 21 novembre 2023, n° 470308, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A792713Y
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N7578BZP
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par Yann Le Foll
Le 30 Novembre 2023
► En cas de pourvoi introduit sans le ministère d'avocat au Conseil d'État, l'invitation à régularisation doit être adressée au requérant.
Principe. Il résulte des articles R. 612-1 N° Lexbase : L3126ALD, R. 821-3 N° Lexbase : L6677LMA et R. 822-5 N° Lexbase : L0567MCY du Code de justice administrative que l'irrecevabilité tirée de ce qu'un pourvoi en cassation a été introduit sans le ministère d'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ne peut être opposée à des conclusions soumises à cette obligation que si le requérant, invité à régulariser son pourvoi, s'est abstenu de donner suite à cette invitation.
Si une copie de cette demande de régularisation peut être adressée à un mandataire du requérant, y compris un avocat autre qu'un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, qui l'aurait représenté avant l'introduction du pourvoi devant le Conseil d'État, une demande adressée à un tel mandataire ne saurait tenir lieu de demande de régularisation adressée au requérant.
Est fondé le recours en révision introduit à l'encontre d'une ordonnance refusant l'admission d'un pourvoi par application du 2° de l'article R. 822-5 précité en méconnaissance de cette obligation (voir déjà CE, 7 janvier 2000, n° 187042 N° Lexbase : A9281AGT ; CE, 17 juillet 2009, n° 322355 N° Lexbase : A9225EII).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Le recours en cassation, Les dispositions relatives au ministère d'un avocat concernant l'introduction d'un recours en cassation, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E4743EXX. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 26 octobre 2023, n° 21-19.844, FS-B N° Lexbase : A42771P4
Lecture: 12 min
N7517BZG
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par Charles Simon, Avocat au barreau de Paris, administrateur de l’Association des avocats et praticiens des procédures et de l’exécution (AAPPE) et de Droit & Procédure
Le 14 Décembre 2023
Mots-clés : transaction • homologation • matière grâcieuse • notification • exécution forcée
La Cour de cassation jette un pavé dans la mare en posant que l’ordonnance homologuant une transaction doit être notifiée avant de pouvoir faire l’objet d’une exécution forcée. En effet, si le raisonnement de la Cour paraît formellement logique, l’arrêt lui-même est ambigu sur son champ d’application et laisse par ailleurs ouverte la question de la personne devant procéder à la notification de l’ordonnance d’homologation. Outre qu’il est appelé à modifier les pratiques, cet arrêt garde donc une part d’ombre qui risque de susciter d’autres problèmes à l’avenir.
Un arrêt de la Cour de cassation se positionne sur une question qui ne devrait pas se poser, au moins en théorie : l’inexécution de l’amiable.
Une banque bénéficie d’une créance constatée par un acte notarié à l’encontre d’une société civile immobilière (SCI). Celle-ci n’exécute manifestement pas ses obligations puisqu’une transaction est signée. Rien d’anormal jusque-là. C’est la suite qui ne devrait pas exister puisque l’amiable ne débouche pas sur une exécution volontaire de la partie auparavant défaillante.
Malgré l’accord, la SCI n’exécute en effet manifestement toujours pas ses obligations, soit qu’elle ait été immédiatement en défaut soit qu’elle ait commencé à s’exécuter puis qu’elle ait arrêté, le rappel des faits de l’arrêt de cassation ne le précise pas. En conséquence, la banque entame une procédure de saisie immobilière, sur la base de son acte notarié et de l’ordonnance d’un « juge des référés » (plus vraisemblablement un juge des requêtes) ayant conféré force exécutoire à la transaction.
Mais la SCI conteste la saisie et l’affaire monte en cassation. La Cour de cassation soulève alors un moyen de pur droit tenant à l’absence de notification de l’ordonnance d’homologation.
En effet, pour faire l’objet d’une exécution forcée, les jugements doivent d’abord avoir été notifié, ce qui n’était pas le cas en espèce de l’ordonnance d’homologation.
Nous verrons d’abord le raisonnement de la Cour de cassation (I). Celui-ci est formellement logique mais il crée, à notre sens, des incertitudes sur deux points (II). Premièrement, la Cour de cassation semble limiter sa solution au cas où l’homologation n’a pas été demandée par l’ensemble des parties à la transaction. Or, on ne voit pas ce qui justifie cette limitation dans le raisonnement de la Cour de cassation (A). Deuxièmement, l’arrêt est muet sur qui doit notifier l’ordonnance d’homologation. Spontanément, on pense aux parties mais cela pourrait bien être le greffe si la demande d’homologation relève de la matière amiable comme il nous le semble (B).
I. La solution posée : l’ordonnance d’homologation d’une transaction est un jugement devant être préalablement notifié pour pouvoir faire l’objet d’une exécution forcée
Cinq textes fondent le raisonnement de la Cour de cassation pour arriver à la conclusions qu’une ordonnance homologuant une transaction doit être préalablement notifiée pour pouvoir faire l’objet d’une exécution forcée. Ces cinq textes peuvent eux-mêmes être divisés en trois groupes :
Le premier de ces textes, l’article L. 111-3, 1° du Code des procédures civiles d’exécution, élève au rang de titre exécutoire les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire.
Le deuxième, l’article 503, alinéa 1er du Code de procédure civile, prévoit que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n'en soit volontaire.
Les trois derniers, les articles 1565 à 1567 du Code civil, prévoient la procédure d’homologation judiciaire par laquelle le juge confère force exécutoire à une transaction intervenue entre les parties, soit dans le cadre d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative soit hors de ces modes de règlement amiable des différends. L’article 1566 du Code civil N° Lexbase : L2334C3T prévoit que le juge statue sur requête et parle de décision. Il s’agit du nom vernaculaire de ce qui s’appelle un jugement en droit processuel.
En tout état de cause, à partir de ces trois textes, la Cour de cassation déduit que :
En conséquence, la Cour de cassation prononce la cassation de l’arrêt d’appel qui avait retenu que l’ordonnance d’homologation suivait le régime des ordonnances sur requête et était exécutoire sur minute.
Formellement, le raisonnement est limpide. En particulier, le régime des articles 495 et suivants du Code de procédure civile paraît effectivement difficilement conciliable avec la philosophie amiable sous-tendant l’homologation d’une transaction. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’article 495 du Code de procédure civile qui définit l’ordonnance sur requête comme « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». Ce n’est pas le cas de la requête en homologation d’une transaction qui peut être conjointe.
Pour être formellement logique, la solution retenue par la Cour de cassation n’en soulève pas moins deux problèmes pratiques majeurs.
II. Les incertitudes créées : toutes les ordonnances d’homologation doivent-elles être notifiées et qui doit les notifier ?
A. L’obligation de notification est-elle réductible aux seules ordonnances d’homologation qui n’ont pas été demandées par l’ensemble des parties à la transaction ?
Premier problème, une fois le raisonnement ci-dessus posé, la Cour de cassation conclut :
« il résulte de ce qui précède que lorsqu’une partie entend poursuivre l’exécution forcée d'une transaction, elle doit saisir le juge d'une requête à fin d’homologation. N’étant pas dissociable de la transaction à laquelle elle confère force exécutoire, l’ordonnance d'homologation doit, lorsqu’elle a été rendue à la requête de cette seule partie, être notifiée, conformément aux dispositions de l'article 503 du Code de procédure civile, à la partie contre laquelle l’exécution est poursuivie. »
Alors que rien dans le raisonnement qui précède ne le justifie, la Cour de cassation semble donc limiter l’obligation de notifier l’ordonnance d’homologation à la partie contre laquelle on entend exécuter au seul cas où cette ordonnance n’a pas été rendue à la demande de l’ensemble des parties.
L’article 503 du Code de procédure civile ne nous semble pourtant pas permettre une telle distinction. Il dit uniquement :
« les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n'en soit volontaire. »
La Cour de cassation a d’ailleurs déjà eu l’occasion de juger que tant la connaissance du jugement, que celle de son caractère exécutoire étaient indifférentes en ce qui concerne l’obligation de notification préalable avant l’exécution forcée. C’est ainsi que la Cour de cassation a cassé un arrêt d’appel qui avait maintenu une saisie aux motifs d’une absence de notification du jugement fondant la mesure (Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-21.994, F-P N° Lexbase : A25344SN), alors même que :
Conseil pratique : même lorsque l’homologation de la transaction a été demandée par l’ensemble des parties, la partie qui entend l’exécuter de façon forcée contre une autre sera bien inspirée de s’assurer au préalable de sa notification. |
C’est alors que le second problème surgit : notifier, oui, mais par qui ?
B. Est-ce aux parties à la transaction ou au greffe de procéder à la notification de l’ordonnance d’homologation ?
Instinctivement, on peut penser que c’est aux parties de notifier l’ordonnance d’homologation, en particulier celle qui entend exécuter la transaction homologuée contre une autre. En effet, l’article 675 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6868LE4 pose, en son alinéa 1er , que les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n’en dispose autrement. « Par voie de signification » signifie par acte d’huissier aux termes de l’article 651 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6814H7I.
Mais l’alinéa 2 de l’article 675 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6868LE4 prévoit, par exception, que, en matière gracieuse, les jugements sont notifiés par le greffier de la juridiction, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Or, l’homologation judiciaire d’une transaction ressemble fortement à une demande gracieuse, sous trois angles au regard des textes.
Premier angle, l’article 25 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1159H4P prévoit que le juge statue en matière gracieuse lorsqu’en l’absence de litige il est saisi d’une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu’elle soit soumise à son contrôle.
Pour être qualifiée de gracieuse, une demande doit donc remplir trois critères : absence de litige ; exigence de la loi et contrôle du juge. Tous sont réunis ici.
En effet :
Deuxième angle, l’article 1566 alinéa 3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5923MBY prévoit que l’appel contre la décision qui refuse d’homologuer l’accord est jugé selon la procédure gracieuse. C’est au moins un indice de la nature gracieuse de la demande d’homologation.
Troisième angle, les articles 1565 à 1567 du Code civil qui portent sur l’homologation judiciaire des accords issus de médiations, conciliations ou procédures amiables ne sont pas les seuls textes applicables en l’espèce. Il faut aussi tenir compte des articles 127 N° Lexbase : L8650LYZ à 131-15 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5937MBI qui fixe le régime de la conciliation et de la médiation judiciaire.
L’article 131 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8492K7N prévoit expressément que l’homologation par le juge du constat d’accord établi par le conciliateur de justice relève de la matière gracieuse. De même de l’accord issu de la médiation aux termes de l’article 131-12 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5985MBB.
Tout pointe donc vers une nature gracieuse de l’ordonnance d’homologation d’une transaction. En conséquence, c’est au greffe de la notifier non seulement aux parties mais aussi aux tiers dont les intérêts risquent d’être affectés par la décision, en application de l’article 679 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6862H7B.
Cette obligation n’empêche bien sûr pas les parties, si elles le souhaitent, de doubler la notification par le greffe par une notification par huissier, c’est-à-dire une signification, aux termes de l’article 651 alinéa 3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6814H7I.
Reste que, à l’heure actuelle, les greffe ne notifient pas les ordonnances d’homologation des transactions. Si donc notre analyse sur la nature gracieuse de ce jugement est exacte, la Cour de cassation vient de donner un travail supplémentaire conséquent aux greffes, sans que personne ne demande rien.
Conseil pratique : lorsqu’une ou plusieurs parties ou l’ensemble des parties à une transaction demandent l’homologation d’une transaction, elles seront bien inspirées de s’assurer auprès du greffe s’il va procéder à la notification de l’ordonnance d’homologation aux parties. Si le greffe ne notifie pas et qu’une partie entend procéder à l’exécution forcée de la transaction, elle devra procéder à la notification de l’ordonnance d’homologation par voie d’huissier, c’est-à-dire par signification. |
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Réf. : Cass. soc., 22 novembre 2023, n° 20-23.640, FS-B N° Lexbase : A6637139
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par Charlotte Moronval
Le 01 Décembre 2023
► Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct.
Faits et procédure. Un salarié, licencié pour motif économique, reproche à son employeur de ne pas avoir organisé de réunions des délégués du personnel chaque mois, alors que l’entreprise rencontrait des difficultés économiques.
La cour d’appel relève :
La cour d’appel ajoute que le salarié, qui produit ses relevés de compte ainsi que ses courriels des 4 septembre, 5 octobre et 11 décembre 2015, aux termes desquels il signale aux délégués du personnel, soit qu'il n'a pas encore été payé de son salaire, soit qu'il vient juste de recevoir le chèque correspondant au paiement du salaire du mois passé, a été privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts et a subi, du fait du non-respect par son employeur de ses obligations à l'égard des institutions représentatives du personnel, un préjudice propre et direct qui justifie l'allocation de dommages et intérêts.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond.
En jugeant que le salarié pouvait être indemnisé au titre du défaut de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil N° Lexbase : L1488ABQ, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016 N° Lexbase : L4857KYK, et L. 2315-8 du Code du travail N° Lexbase : L2684H9B, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386, du 22 septembre 2017.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le délit d’entrave, Les sanctions du délit d’entrave, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1722ETX. |
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Réf. : Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 22-12.833 N° Lexbase : A33401PE et n° 22-18.303, N° Lexbase : A33441PK, FS-B
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par Rodolphe Olivier, Avocat associé et Karim Benkirane, Avocat, cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats
Le 29 Novembre 2023
Mots clés : médecin du travail • avis • inaptitude • contestation • licenciement • conseil de prud’hommes
La Cour de cassation a, au cours de l’année 2023, peaufiné la jurisprudence qu’elle a définie jusqu’alors, s’agissant de la contestation judiciaire des avis rendus par le médecin du travail.
Les arrêts (n°s 22-12.833 et 22-18.303) qu’elle a prononcés le 25 octobre 2023 apportent d’utiles enseignements aux praticiens de cette matière.
Dans le premier arrêt (n° 22-12.833), elle a jugé que « l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié d'une contestation devant le conseil de prud'hommes saisi en la forme des référés qui peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l'avis. En l'absence d'un tel recours, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement ».
Dans le second arrêt (n° 22-18.303), elle a dit pour droit que « le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction » et qu’il appartient au juge « de substituer à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction ».
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces deux décisions. Certains des points tranchés par la Cour de cassation confortent une jurisprudence déjà établie. D’autres présentent une certaine nouveauté.
Premier enseignement : seul le médecin du travail est habilité à constater l’inaptitude physique du salarié.
En d’autres termes, selon la Cour de cassation, aucun autre membre (infirmière, médecin…) du service de santé au travail ne peut rendre un avis constatant l’inaptitude physique – qu’elle soit partielle ou totale – d’un salarié à exercer ses fonctions.
À noter toutefois que les arrêts du 25 octobre 2023 ont été rendus en référence à des dispositions légales et réglementaires antérieures à celles résultant de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 N° Lexbase : L4000L7B.
L’article L. 4622-8 du Code du travail N° Lexbase : L4441L7M, en sa rédaction issue de cette dernière loi, précise :
« Les missions des services de prévention et de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des collaborateurs médecins, des internes en médecine du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées par des auxiliaires médicaux disposant de compétences en santé au travail, des assistants de services de prévention et de santé au travail et des professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail assurent ou délèguent, sous leur responsabilité, l'animation et la coordination de l'équipe pluridisciplinaire.
Un décret en Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer, sous sa responsabilité et dans le respect du projet de service pluriannuel, certaines missions prévues au présent titre aux membres de l'équipe pluridisciplinaire disposant de la qualification nécessaire. Pour les professions dont les conditions d'exercice relèvent du code de la santé publique, lesdites missions sont exercées dans la limite des compétences des professionnels de santé prévues par ce même code.
Pour assurer l'ensemble de leurs missions, les services de prévention et de santé au travail interentreprises peuvent, par convention, recourir aux compétences des services de prévention et de santé au travail mentionnés à l'article L. 4622-4 du présent code N° Lexbase : L4424L7Y ».
Le décret n° 2022-679, du 26 avril 2022, relatif aux délégations de missions par les médecins du travail, aux infirmiers en santé au travail et à la télésanté au travail N° Lexbase : L5162MC8 prévoit les modalités selon lesquelles le médecin du travail peut déléguer à d’autres membres du service de santé au travail certains des examens et visites prévus par le Code du travail. Il est cependant confirmé dans ce décret que le médecin du travail conserve une compétence exclusive s’agissant des avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale.
L'article R. 4623-14 du Code du travail N° Lexbase : L5740MCL, dans sa rédaction issue de l'article 1er de ce décret, dispose à cet égard que :
« I.-Le médecin du travail assure personnellement l'ensemble de ses fonctions, dans le cadre des missions définies à l'article R. 4623-1. Elles sont exclusives de toute autre fonction dans les établissements dont il a la charge et dans le service interentreprises dont il est salarié.
II.-Le médecin du travail peut toutefois confier, dans le cadre de protocoles écrits, les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs aux collaborateurs médecins et aux internes en médecine du travail.
Le médecin du travail peut également confier, selon les mêmes modalités, à un infirmier en santé au travail la réalisation des visites et examens prévus au chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du présent code, à l'exclusion de l'examen médical d'aptitude et de son renouvellement mentionnés aux articles R. 4624-24 N° Lexbase : L2284LCL et R. 4624-25 N° Lexbase : L2283LCK et de la visite médicale mentionnée à l'article R. 4624-28-1 N° Lexbase : L0157MCS, sous les réserves suivantes :
1° Ne peuvent être émis que par le médecin du travail les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale ;
2° Lorsqu'il l'estime nécessaire pour tout motif, notamment pour l'application du 1°, ou lorsque le protocole le prévoit, l'infirmier oriente, sans délai, le travailleur vers le médecin du travail qui réalise alors la visite ou l'examen.
III.-Le médecin du travail peut également confier des missions, à l'exclusion de celles mentionnées au II, aux personnels concourant au service de prévention et de santé au travail et, lorsqu'une équipe pluridisciplinaire a été mise en place, aux membres de cette équipe.
IV.-Les missions déléguées dans le cadre des II et III sont :
1° Réalisées sous la responsabilité du médecin du travail ;
2° Adaptées à la formation et aux compétences des professionnels auxquels elles sont confiées ;
3° Exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions du Code de la santé publique pour les professions dont les conditions d'exercice relèvent de ce code ;
4° Mises en œuvre dans le respect du projet de service pluriannuel lorsque les missions sont confiées aux membres de l'équipe pluridisciplinaire ».
Il en ressort que les infirmiers en santé au travail ne peuvent porter qu’une appréciation très limitée sur l’état de santé du salarié dès lors qu’ils ne sont admis à fournir aucune préconisation de nature médicale.
En pratique, les infirmiers en santé au travail pourront assurer les visites d’information et de prévention, les visites de reprise, de préreprise et de mi-carrière dès lors qu'elles ne présentent aucune difficulté particulière.
Si l’état de santé du salarié nécessite un examen particulier, il appartiendra à l’infirmier en santé au travail d’orienter le salarié vers le médecin du travail.
Cela suppose naturellement que les infirmiers en santé au travail - s’ils ne doivent pas avoir une formation de médecin - doivent à tout le moins bénéficier d’une formation en santé au travail leur permettant de détecter les éventuels problèmes de santé afin d’être en mesure d’opérer une distinction entre les salariés dont l’état de santé ne nécessite pas une orientation vers le médecin du travail, et ceux qui doivent être orientés vers ledit médecin.
À noter que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a contesté la légalité du décret n° 2022-679, du 26 avril 2022 en lui faisant grief d’autoriser les infirmiers en santé au travail à organiser sur délégation du médecin du travail, les visites de reprise, de préreprise et la visite médicale de mi-carrière.
Le Conseil d’État (CE, 1re et 2e ch. réunies, 28 avril 2023, n° 465318 N° Lexbase : A70239SW) a rejeté la demande d’annulation et validé les dispositions du décret précité.
Deuxième enseignement : tant l’employeur que le salarié ont la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure dite accélérée au fond (procédure se substituant à l’ancienne « en la forme des référés »).
Il s’agit là d’une évidence dès lors que l’article L. 4624-7 du Code du travail N° Lexbase : L4459L7B mentionne expressément, dans son premier paragraphe :
« I - Le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail […] ».
Cependant, nombre de salariés et d’employeurs ignorent encore qu’ils peuvent, les uns comme les autres, saisir le conseil de prud’hommes aux fins de contester les avis du médecin du travail (qu’ils constatent l’inaptitude physique totale ou partielle ou l’aptitude physique totale ou partielle du salarié).
Il n’est par ailleurs pas inutile de rappeler que les avis du médecin du travail ne sont pas les seules décisions qui sont susceptibles de donner lieu à une contestation judiciaire. En application de l’article L. 4624-7 du Code du travail, peuvent être contestés devant le conseil de prud’hommes les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail.
En d’autres termes et plus largement, les décisions du médecin du travail, au sens large, peuvent être critiquées judiciairement.
Troisième enseignement : lorsqu’il est saisi, le conseil de prud’hommes « peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l’avis ».
Cette formule est un peu différente, à dessein, de celle visée par le législateur :
Les salariés, ainsi que les avocats ou défenseurs syndicaux qui les assistent, ont une propension naturelle, à l’occasion des contestations portées par l’employeur devant le conseil de prud’hommes, à soutenir que ladite contestation ne porte pas sur des éléments de nature médicale, de telle sorte qu’elle ne peut prospérer favorablement pour celui qui en est à l’origine.
La lecture littérale de la formulation visée aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du Code du travail est de nature à poser plusieurs problématiques en pratique, en particulier pour l’employeur.
En premier lieu, aucune contestation autre que celle(s) reposant sur des éléments de nature médicale ne pourrait être portée devant le conseil de prud’hommes, ce qui est pour le moins surprenant.
Ainsi, et à titre d’illustration, dans l’hypothèse où :
aucune contestation judiciaire ne serait possible dès lors que, quand bien même il s’agit là de graves irrégularités, ladite contestation ne reposerait pas sur des éléments de nature médicale à proprement parler.
De telle sorte que la contestation portée devant le conseil de prud’hommes ne pourrait pas prospérer.
Ce qui n’est évidemment pas admissible.
De telles irrégularités, qui sont susceptibles de léser l’employeur ainsi que les salariés dans certains cas, ne seraient alors aucunement sanctionnées, et les décisions du médecin du travail, rendues en contravention flagrante avec les prescriptions du Code du travail, ne pourraient pas faire l’objet d’un quelconque contrôle, et a fortiori d’un amendement judiciaire.
En second lieu, pour des raisons évidentes liées au secret qui y est attaché, l’employeur n’a pas accès au dossier médical du salarié tenu par le médecin du travail. Il lui est donc difficile de porter un contentieux visant exclusivement des éléments de nature médicale concernant le salarié.
Pour pallier cette difficulté, l’employeur aura tout intérêt à se rapprocher d’un médecin qu’il mandatera à l’effet de communiquer avec le médecin du travail pour se voir expliquer la décision qu’il a prise, et transmettre les éléments justifiant ladite décision.
L’article L. 4624-7 du Code du travail précise en effet, en son paragraphe II, qu’à « la demande de l'employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l'exception des données recueillies dans le dossier médical partagé en application du IV de l'article L. 1111-17 du Code de la santé publique, peuvent être notifiés au médecin que l'employeur mandate à cet effet […] ».
Pour peu que le médecin du travail « joue le jeu » et transmette au médecin mandaté les éléments souhaités (ce qu’il n’est malheureusement pas contraint de faire !), ledit médecin mandaté pourra ainsi donner à l’employeur de la matière pour justifier un peu plus encore la contestation judiciaire qu’il a introduite, ou qu’il est sur le point d’introduire.
Pour minimiser les difficultés précitées, c’est donc tout naturellement que la Cour de cassation a étendu le périmètre de l’action en mentionnant que le conseil de prud’hommes peut examiner les éléments de toute nature ayant conduit au prononcé de l’avis.
Il s’agit là d’une acception plus large, et c’est heureux, que celle mentionnée à l’article L. 4624-7 du Code du travail.
Étant précisé que la Haute cour a déjà adopté la même terminologie par le passé, en particulier dans une décision en date du 7 décembre 2022 (Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-23.662, FS-B N° Lexbase : A85248XY).
Elle confirme donc cette position dans les deux décisions précitées du 25 octobre 2023.
Il est permis de s’interroger sur le devenir de la position retenue par le ministère du Travail dans son questions-réponses actualisé en dernier lieu le 6 mars 2023.
En effet, le ministère du Travail considère que :
« sont exclues du champ d’application de l’article L. 4624-7, les contestations :
sur le déroulé de la procédure d’aptitude/ou inaptitude (vices de procédure) ;
les contestations sans lien avec l’état de santé du salarié (impossibilité matérielle, coût économique …) ;
l’origine professionnelle de l’inaptitude ;
le non-respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail.
Ces dernières contestations relèvent du bureau de jugement du conseil de prud’hommes. »
Cette position n’est plus d’actualité et cela découle implicitement, mais nécessairement des deux arrêts ici commentés.
Dans le premier arrêt du 25 octobre 2023 (n° 22-18.303), la Cour de cassation énonce que « le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature ».
La formulation est extrêmement large et implique que le juge puisse prendre en considération l’ensemble des éléments fournis par les parties avant de rendre son avis, y compris donc ceux que le ministère semble exclure dans son questions – réponses.
Dans le deuxième arrêt du 25 octobre 2023 (n° 22-12.833), la Cour de cassation estime que l’avis du médecin du travail peut faire l’objet d’une contestation de la part du salarié ou de l’employeur selon la procédure accélérée au fond. Elle rajoute qu’« en l'absence d'un tel recours, celui-ci s'impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement ».
Dès lors, comment concevoir que l’employeur ne puisse contester l’avis du médecin du travail en raison de la procédure ou des difficultés matérielles qu’il entraîne que devant le juge du fond, alors même que la Cour de cassation indique sans ambiguïté qu’en l’absence de contestation selon la procédure accélérée au fond, l’avis du médecin du travail s’impose au juge du fond ?
Quatrième enseignement : en l'absence de recours devant le conseil de prud’hommes, l’avis du médecin du travail s'impose aux parties et au juge saisi d’une contestation du licenciement.
En d’autres termes, l’absence de contentieux porté à l’encontre d’un avis du médecin du travail, fusse-t-il farfelu, peu clair ou impossible à mettre en œuvre, purge définitivement cet avis de tous vices.
Ce qui entraîne pour conséquence que, tant le salarié que l’employeur, ne pourront plus tard, en particulier en cas de contestation par le salarié de la légitimité de son licenciement, exciper d’une irrégularité observée à l’occasion de la prise de décision du médecin du travail.
Dans l’affaire tranchée le 25 octobre 2023 et portant le numéro 22-12.833, le salarié a été déclaré par le médecin du travail inapte au poste de coordinateur. Il a précisé par ailleurs que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En conséquence de l’inaptitude physique du salarié et de l’impossibilité de le reclasser, l’employeur a procédé à son licenciement.
Le salarié a alors contesté son licenciement.
Pour juger que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu que l'appelant, qui soulevait que l'avis d'inaptitude a été rendu par rapport à un poste de coordinateur qui n'était pas reconnu comme étant celui auquel il était affecté au moment de la déclaration d'inaptitude, pouvait contester l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes à l’occasion d'un contentieux portant sur le licenciement pour inaptitude physique qui a été prononcé, en se fondant sur un non-respect de la procédure de constat d'inaptitude, l'analyse du poste occupé étant déterminante pour ce constat, peu important que l'état de santé du salarié fasse finalement obstacle à tout reclassement dans un emploi.
En d’autres termes, selon la cour d’appel, l’avis du médecin du travail pouvait à nouveau donner lieu à contestation dans le cadre du contentieux introduit par le salarié – au fond – à propos de la légitimité de son licenciement.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt ainsi rendu par la cour d’appel.
À l’appui de son pourvoi, il a soutenu :
La Cour de cassation a accueilli favorablement ce pourvoi, et a censuré l’analyse de la cour d’appel.
Elle a jugé en effet que le salarié ne peut contester devant les juges du fond la légitimité de son licenciement pour inaptitude physique au motif que le médecin du travail aurait utilisé un terme inexact pour désigner son poste de travail.
En l’absence de contestation en temps utile (soit dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis – cf. article R. 4624-45 du Code du travail) devant le conseil de prud’hommes, l’avis rendu par le médecin du travail n’est plus « attaquable » et s’impose tant à l’employeur qu’au salarié.
Une telle situation impose à l’employeur et au salarié d’être attentifs, efficaces et réactifs, le délai précité de quinze jours étant très bref.
Cinquième enseignement : en cas de contestation devant le conseil de prud’hommes à l’encontre d’un avis du médecin du travail, la décision du conseil de prud'hommes se substitue à cet avis. Les juges du fond ne peuvent se contenter d’annuler l’avis.
L’article L. 4624-7 du Code du travail précise expressément, au paragraphe III, que : « la décision du conseil de prud'hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés ».
Dans l’affaire tranchée le 25 octobre 2023 et portant le numéro 22-18.303, la salariée a été engagée en qualité de gommeuse-masseuse. Elle a par la suite été affectée à un emploi de responsable hygiène des locaux et coordinatrice « qualité des soins ».
Après un examen médical et une étude de poste, la salariée a été déclarée par le médecin du travail inapte au poste de gommeuse, ledit médecin du travail précisant au demeurant dans son avis que l’« l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
La salariée a contesté cet avis devant la juridiction prud'homale. Elle estimait en effet que le médecin du travail a mentionné un avis erroné en ce sens qu’elle n’occupait plus le poste de gommeuse (pour lequel elle aurait été déclarée inapte « par erreur »), mais celui de responsable hygiène des locaux et coordinatrice « qualité des soins ».
La cour d’appel a annulé l’avis du médecin du travail.
Pour ce faire, elle a retenu que, compte tenu de la référence erronée au poste occupé portée par le médecin du travail sur son avis d'inaptitude et de l'absence d'élément pertinent dans la réponse qu'il a apportée aux interrogations de la salariée en éludant toute référence à la nature de l'emploi occupé ayant fait l'objet de l'étude de poste, l'avis d'inaptitude litigieux était manifestement irrégulier.
La Cour de cassation a là encore censuré cette analyse.
Elle a, pour ce faire, rappelé tout d’abord qu’aux termes de l’article L. 4624-7 du Code du travail :
Elle s’est ensuite appuyée sur les dispositions de l’article R. 4624-42 du Code du travail mentionnant que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que s'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste, s'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste et une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée et enfin s'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
La combinaison de ces deux articles a conduit la Haute cour à juger « que le juge saisi d'une contestation de l'avis d'inaptitude peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé pour rendre son avis » et qu’il « substitue à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction ».
De telle sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu'il lui appartenait de substituer à cet avis sa propre décision après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d'instruction, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.
Relevons que la Cour de cassation ne reproche pas à la cour d’appel son raisonnement relatif à la pertinence de l’avis du médecin du travail ni l’analyse qu’elle a faite concernant les diligences accomplies par celui-ci. Elle lui reproche de ne pas avoir tiré les conséquences légales qui s’imposaient de ses propres constatations.
L’arrêt de la cour d’appel aurait peut-être passé le contrôle de la Cour de cassation si elle avait substitué son propre avis à celui du médecin du travail, au lieu de l’annuler.
Il faut par ailleurs distinguer l’erreur du médecin du travail qui retient le mauvais poste de travail et effectue, par conséquent, une étude sur un poste qui n’est pas celui occupé par le salarié, de la simple erreur de plume du médecin du travail.
Si la première a des conséquences sur la pertinence de l’avis médical, tel n’est pas le cas de la seconde.
La simple erreur sur la dénomination du poste occupé par le salarié ne suffit pas à remettre en cause la légitimité de l’avis du médecin du travail dès lors qu’il « avait réalisé une étude de poste du salarié dont il avait vérifié concrètement les conditions d'exercice des fonctions et échangé avec l'employeur qui avait pu faire des observations » (Cass. soc., 16 juin 2021, n° 20-10.386, F-D N° Lexbase : A65514WK).
La solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté présente un intérêt non seulement pour les juridictions prud’homales (première instance et appel), mais également pour la partie (employeur ou salarié) qui se trouve à l’origine de la saisine du conseil de prud’hommes.
Rappelons qu’en application de l’article 5 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1114H4Z, « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».
Le conseil de prud’hommes et la cour d’appel sont liés par les demandes qui leurs sont présentées. Ils ne peuvent statuer « ultra petita ».
Si le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel doivent veiller à substituer à l’avis contesté leur propre décision après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction, le demandeur à la saisine du conseil de prud’hommes doit quant à lui fixer correctement et clairement ses demandes.
Il ne peut se contenter de solliciter l’annulation de l’avis contesté du médecin du travail.
De même, il n’est pas possible de demander au juge de déclarer l’avis du médecin du travail « inopposable » à une partie (Cass. avis, 17 mars 2021, n° 15002 N° Lexbase : A94564M8).
Il doit être en quelque sorte force de proposition quant au sens qui, selon lui, aurait dû être donné à l’avis par le médecin du travail, et qu’il souhaite voir entériné par le conseil de prud’hommes.
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