Jurisprudence : CE Référé, 01-06-2001, n° 234321

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 234321

M. Daniel PLOQUIN

Ordonnance du 1er juin 2001


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE JUGE DES REFERES

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 31 mai 2001, présentée par M. Daniel PLOQUIN, demeurant "La Mortraie" à Freigne (44940) ; M. PLOQUIN demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article L. 523-1 du même code :

1°) d'annuler une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 30 mai 2001 en tant qu'elle a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la mesure d'abattage et de marquage du cheptel bovin de son exploitation prise par le préfet de Maine-et-Loire jusqu'à ce que l'administration rapporte la preuve tangible que le prélèvement de tronc cérébral analysé par le laboratoire vétérinaire départemental d'Angers et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments quia permis de détecter un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine correspond bien à une vache de race Maine Anjou qui faisait partie de son troupeau ;

2°) d'ordonner la mesure dont le prononcé a été demandé au juge des référés du premier degré ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Ploquin expose qu'à la suite de l'euthanasie le 31 janvier 2001 de la vache dénommée Lada appartenant à son cheptel, une analyse a été effectuée le 8 février 2001 par le laboratoire départemental du Maine-et-Loire qui a conduit le préfet, par arrêté du 9 février 2001, à isoler l'ensemble du cheptel bovin et à interdire temporairement la vente et les déplacements de tous bovins présents dans l'exploitation ainsi que l'introduction de nouveaux animaux ; que, postérieurement aux analyses effectuées le 15 février 2001 par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (A.F.S.S.A.), le préfet a, par un arrêté du 16 février 2001, déclaré infecté d'encéphalopathie spongiforme bovine l'ensemble du cheptel bovin de son exploitation et a ordonné son abattage ; qu'après la réclamation qu'il a adressée le 20 février 2001, le préfet a prescrit, le 21 février, une expertise permettant d'obtenir la preuve tangible que le prélèvement de tronc cérébral analysé par le laboratoire vétérinaire départemental et par l'A.F.S.S.A. correspond bien à la vache Lada ; qu'à la date du 23 mars 2001 le laboratoire d'analyses génétiques pour les espèces animales a fait connaître ses conclusions ; qu'un arrêté préfectoral du 2 avril 2001, tout en maintenant la mise sous surveillance de l'exploitation a prévu que l'exécution des prescriptions de l'arrêté du 16 février 2001 interviendrait, après enquête, dans le délai fixé par le directeur des services vétérinaires ; que, par lettre du 18 mai 2001, la directrice générale de l'alimentation au ministère de l'agriculture et de la pêche, a, "au w des éléments de l'enquête administrative" prescrit l'engagement de la procédure d'abattage conformément à l'arrêté interministériel du 3 décembre 1990 ; que, compte tenu de la date du 2 juin fixée pour l'enlèvement du troupeau, l'urgence de la mesure de suspension est établie ; que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, l'abattage du cheptel de bovins porte une atteinte grave à plusieurs libertés fondamentales ; qu'en effet, il constitue une atteinte à son droit de propriété, à son activité professionnelle ainsi qu'au droit de la défense et au principe du contradictoire ; que l'arrêté du 2 avril 2001 est incomplet dans la mesure où il ne prévoit pas un ordre formel d'abattage et ne reprend pas les autres dispositions de l'article 9 de l'arrêté interministériel modifié du 3 décembre 1990 ; que l'arrêté du 2 avril 2001 n'est pas motivé et méconnaît ainsi les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, contrairement aux dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, l'exposant n'a pas été mis à même de présenter ses observations écrites ; que, compte tenu de la teneur de la lettre du 18 mai 2001, la décision prescrivant l'abattage a été prise en réalité par le directeur général de l'alimentation et non par le préfet ; qu'elle émane par suite d'une autorité incompétente ; que l'arrêté du 2 avril 2001 n'a pas été notifié à l'exposant et ne lui est en conséquence pas opposable ; que le préfet de Maine-et-Loire a commis une erreur de droit dans la mesure où il n'apporte pas la preuve de la filiation de l'animal contaminé avec un animal provenant de son cheptel ; que le préfet n'a pas pris toutes les mesures prévues par l'article 9 de l'arrêté interministériel du 3 décembre 1990 notamment en matière de marquage des animaux ; que le délai d'un mois pour procéder à l'euthanasie n'a pas été respecté ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et l'article 55 ;

Vu le code rural, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de l'ordonnance n° 2000-550 du 15 juin 2000, notamment les articles 214, 224, 225 et 243 de ce code ;

Vu le code rural annexé à l'ordonnance n° 2000-550 du 15 juin 2000, ensemble l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000, en particulier les articles L. 221-1, L. 223-2, L. 223-3 et L. 223-8 de ce code ;

Vu le décret n° 90-478 du 12 juin 1990 ajoutant l'encéphalopathie spongiforme bovine à la nomenclature des maladies réputées contagieuses ;

Vu l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la forêt et du ministre délégué au budget du 3 décembre 1990 fixant les mesures de police sanitaire relatives à l'encéphalopathie spongiforme bovine ;

Vu l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la forêt et du ministre délégué au budget du 4 décembre 1990 fixant les mesures financières relatives à la police sanitaire de l'encéphalopathie spongiforme bovine ;

Vu l'arrêté interministériel du 28 août 1991 modifiant l'arrêté du 4 décembre 1990 ;

Vu la décision 96/239/CE de la Commission du 27 mars 1996 relative à certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine ;

Vu la décision 97/18/CE de la Commission approuvant les mesures à mettre en oeuvre en ce qui concerne l'encéphalopathie spongiforme bovine en France ;

Vu l'arrêté interministériel du 2 septembre 1997 modifiant les arrêtés du 3 décembre 1990 et du 4 décembre 1990 ;

Vu l'article 8 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée notamment par la loi n° 86-76 du 17 janvier 1986, en particulier ses articles 1er et 3 ;

Vu les articles 24 et 43 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec l'administration ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2 (alinéa 2) L. 521-2, L. 522-1, L. 522-3, L. 523-1 (alinéa 2), L. 761-1 et R. 522-1 et suivants ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté dans l'exercice d'un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégale" ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant que si l'article L. 522-1 du même code énonce dans son premier alinéa que "le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire..." et prévoit dans son deuxième alinéa qu'une audience publique est tenue lorsqu'il est demandé au juge de prononcer les mesures visées à l'article L. 521-2, il est spécifié à l'article L. 522-3 que ces formalités ne sont pas exigées notamment quant il apparaît manifeste que la demande est "mal fondée" ; qu'à cet égard, il appartient au juge d'appel de prendre en compte les éléments recueillis par le juge du premier degré dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée ;

Considérant que le décret n° 90-478 du 12 juin 1990 pris en application de l'article 225 du code rural alors en vigueur a rangé l'encéphalopathie spongiforme bovine parmi les maladies des animaux réputées contagieuses ; qu'est intervenu, dans le cadre des dispositions de l'article 214 du même code, un arrêté conjoint du ministre de l'agriculture et de la forêt et du ministre délégué au budget en date du 3 décembre 1990, modifié par un arrêté interministériel du 2 septembre 1997, qui a fixé les mesures de police sanitaire relatives à cette maladie ; que ces arrêtés, dont les dispositions les plus contraignantes ont été introduites à l'article L. 923-8 du code rural annexé à l'ordonnance du 15 juin 2000 et qui figurent à la suite de l'ordonnance du 18 septembre 2000, sous l'article L. 223-8 de ce code, habilitent le préfet, après constatation de la maladie, à prendre, non seulement un arrêté de mise sous surveillance, mais également, une fois pris un arrêté portant déclaration d'infection, à prescrire les mesures d'exécution nécessaires au nombre desquelles figurent les prélèvements indispensables à l'établissement du diagnostic ou au déroulement des enquêtes épidémiologiques ainsi que l'abattage des animaux ayant été exposés à la contamination ;

Considérant qu'au vu des résultats de l'analyse "prionies positif » effectuée le 8 février 2001 par le laboratoire départemental du Maine-et-Loire consécutivement à l'euthanasie, le 31 janvier 2001, d'une vache appartenant au cheptel de M. Ploquin, éleveur à Freigne, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 9 février 2001, mis sous surveillance l'exploitation de ce dernier et prescrit diverses mesures conservatoires ; qu'après avoir eu connaissance des résultats des analyses de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments confirmant l'existence d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, le préfet a pris, le 16 février 2001, un arrêté portant déclaration d'infection de cette maladie et a prescrit que l'ensemble du cheptel bovin de l'exploitation de M. Ploquin devrait être abattu dans un délai d'un mois ; qu'à la suite d'une réclamation de l'intéressé le préfet a, le 21 février 2001, autorisé qu'il soit procédé à une nouvelle expertise dans "un délai compatible avec la mise en oeuvre des mesures de police sanitaire actuellement en vigueur" ; que, par un arrêté du 2 avril 2001, le préfet a précisé que les dispositions de son arrêté du 16 février 2001 seront appliquées en fonction des conclusions de l'enquête effectuée par la brigade d'enquêtes vétérinaires et sanitaires ; qu'après enquête et conformément aux instructions données par la directrice générale de l'alimentation au ministère de l'agriculture et de la pêche le 18 mai 2001, le préfet a décidé de poursuivre la procédure d'abattage ;

Considérant qu'une telle mesure, qui porte sur l'ensemble du cheptel bovin d'un éleveur, supprime la libre disposition par un propriétaire de certains de ses biens et affecte par là même l'exercice d'une "liberté fondamentale" au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant toutefois, que l'argumentation dont M. Ploquin a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes le 28 mai 2001, sans d'ailleurs avoir formé antérieurement de pourvois contestant la légalité des décisions prises par l'administration, argumentation qui est reprise en appel, n'établit nullement que la mise en oeuvre par l'autorité préfectorale des pouvoirs de police sanitaire relatifs à l'encéphalopathie spongiforme bovine qui lui sont conférés par les dispositions législatives et réglementaires, soit constitutive au cas présent d'une illégalité manifeste ;

Considérant qu'il y a lieu dès lors de rejeter la requête dirigée contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes, suivant la procédure définie par l'article L. 522-3 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. Ploquin la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. Daniel PLOQUIN est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Daniel PLOQUIN. Copie en sera en outre adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Angers.

Fait à Paris, le 1er juin 2001

Signé : B. Genevois

Pour expédition conforme,

Le secrétaire

Françoise Longuet


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