CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
356068
M. Jean-Pierre GRAU
M. Jean-Luc Matt, Rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public
Séance du 8 avril 2013
Lecture du
24 avril 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 23 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre Grau, demeurant Le Bourg, 2, route du Soulier à Lissac-sur-Couze (19600) ; M. Grau demande au Conseil d'Etat
1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01231 du 17 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0901006 du 1er avril 2010 du tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2005, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Grau,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Grau ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Grau a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2007 ; que l'administration a constaté que le compte courant de M. Grau, gérant associé, était débiteur sur la période vérifiée pour un montant de 217 304 euros et a regardé cette somme comme un revenu distribué au profit de M. Grau, en vertu de l'article 111 du code général des impôts ; qu'une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005 a été mise en recouvrement le 30 septembre 2008, assortie de pénalités ; que M. Grau a fait valoir, dans une réclamation du 14 novembre 2008 adressée au directeur des services fiscaux compétent, qu'il s'était libéré de sa dette envers la SARL Grau en lui cédant des licences de brevets pour une somme de 230 000 euros et a demandé le dégrèvement de la cotisation supplémentaire mise à sa charge ; que M. Grau a demandé au tribunal administratif de Limoges la décharge de cette cotisation ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé le jugement du 1er avril 2010 rejetant sa demande ;
2. Considérant que le juge d'appel peut se prononcer sur un moyen examiné par le tribunal administratif par adoption des motifs des premiers juges sans méconnaître le principe de motivation des jugements, rappelé par l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors que la réponse du tribunal à ce moyen était elle-même suffisante et n'appelait pas de nouvelles précisions en appel ;
3. Considérant que, dans ses écritures de première instance, M. Grau n'invoquait au soutien de sa demande tendant au bénéfice des dispositions de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts, que le remboursement à la SARL Grau, par la cession de licences de brevets, des sommes qui lui avaient été versées ; que, devant la cour, il soutenait que le tribunal administratif avait méconnu les dispositions de cet article en ce qu'il avait posé comme condition à la restitution des impositions supplémentaires au titre de revenus réputés distribués leur acquittement préalable ; qu'ainsi, l'intéressé ne se bornait pas à expliciter les arguments qu'il avait déjà présentés en première instance et que les premiers juges avaient écartés ; que, par suite, la cour n'a pu, sans méconnaître l'obligation de motivation des décisions de justice, écarter l'argumentation dont elle était saisie par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Limoges ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (.) " ; qu'aux termes de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts, le remboursement au profit du bénéficiaire des avances, prêts ou acomptes ouvre droit à la restitution des impositions auxquelles le versement a donné lieu ; que l'article 49 ter de la même annexe ajoute que la somme à restituer résulte de la différence entre le montant de l'impôt régulièrement liquidé et effectivement acquitté et le même impôt liquidé en faisant abstraction de la fraction de l'acompte, prêt ou avance qui a fait l'objet du remboursement, et que ce décompte est opéré sur le principal des droits à l'exclusion de tous intérêts ou indemnités de retard, majorations de droits et amendes fiscales ;
6. Considérant que les dispositions précitées n'ouvrent pas au contribuable la possibilité de demander la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire assise sur les avances, prêts ou acomptes que lui a consentis une société, mais un droit à restitution de l'imposition en principal à proportion des remboursements de ces sommes à la société, à la condition que le contribuable ait procédé au préalable au paiement effectif des impositions procédant de la taxation de ces sommes ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Grau n'a pas payé la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2005 avant d'en demander la restitution ; que, contrairement à ce qu'il soutient, les dispositions du a de l'article 111 du code général des impôts ne lui ouvrent pas la possibilité d'opérer une compensation entre le montant de la cotisation mise à sa charge, dont il ne s'est pas acquitté, et le montant de la somme qui devrait lui être restituée ; que, par suite, M. Grau n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;
8. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt du 17 novembre 2011 de la cour administrative de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. Grau devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et ses conclusions au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre Grau et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré dans la séance du 8 avril 2013 où siégeaient : M. Alain Ménéménis, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Thierry Tuot, M. Jean-Pierre Jouguelet, Présidents de sous-section ; M. Alain Christnacht, M. Jean-François Mary, Mme Eliane Chemla, M. Philippe Josse, M. Pierre Collin, Conseillers d'Etat ; M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire et M. Jean-Luc Matt, Maître des Requêtes-rapporteur.