CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°s
359541, 359550, 359551
MINISTRE DELEGUE AUPRES DUMINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, CHARGE DU BUDGET
c/ SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France
Mme Eliane Chemla, Rapporteur
M. Benoît Bohnert, Rapporteur public
Séance du 25 mars 2013
Lecture du
12 avril 2013
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8ème sous-section de la section du contentieux
Vu, 1° sous le n° 359541, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mai et 2 août 2012, présentés pour la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, prise en la personne de Me Stéphane Gorrias, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n° 10PA01019 du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de la société Oligra France contre le jugement n° 0515700, 0716509, 0913998 du 29 décembre 2009 du tribunal administratif de Paris, après avoir délimité le litige et partiellement déchargé la société des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 et de la période du 1er septembre 2008 au 31 mai 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit intégralement à l'appel de la société Oligra France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 359550, le pourvoi, enregistré le 21 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 10PA01019 du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à la requête de la société Oligra France contre le jugement n°s 0515700, 0716509, 0913998 du 29 décembre 2009 du tribunal administratif de Paris, après avoir délimité le litige, a déchargé cette société d'une partie des rappels de taxe spéciale sur les huiles végétales destinées à l'alimentation humaine auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 et de la période allant du 1er septembre 2008 au 31 mai 2009, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de la société Oligra France les impositions dont la décharge a été prononcée par la cour administrative d'appel ;
Vu, 3° sous le n° 359551, le recours, enregistré le 21 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ; il demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution des articles 2 et 3 de l'arrêt n° 10PA01019 du 21 mars 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à la requête de la société Oligra France contre le jugement n° 0515700, 0716509, 0913998 du 29 décembre 2009 du tribunal administratif de Paris, après avoir délimité le litige, a déchargé cette société d'une partie des rappels de taxe spéciale sur les huiles végétales destinées à l'alimentation humaine auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 et de la période allant du 1er septembre 2008 au 31 mai 2009, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 87, 88 et 90 ;
Vu le règlement (CEE) 136/66 du Conseil du 22 septembre 1966 ;
Vu le règlement (CE) 865/2004 du Conseil du 29 avril 2004 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de la SCP Becheret- Thierry-Sénéchal-Gorrias agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bénabent, Jehannin, avocat de SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Oligra France, mise en liquidation judiciaire en 2010, a vainement demandé à l'administration fiscale de la décharger des cotisations de taxe spéciale sur les huiles destinées à l'alimentation humaine prévue par l'article 1609 vicies du code général des impôts, qui ont été mises à sa charge pour les périodes allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005 et du 1er septembre 2008 au 31 mai 2009, ainsi que des pénalités correspondantes ; que par l'arrêt attaqué du 21 mars 2012, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur la requête de la société contre le jugement du 29 décembre 2009 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, a dégrevé la société d'une partie de cette taxe et de ces pénalités ; que la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société, se pourvoit en cassation contre l'article 4 de cet arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de l'appel de la société ; que le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 du même arrêt, par lesquels la cour administrative d'appel a partiellement fait droit à la requête de la société, dont il demande, en outre, le sursis à exécution ; qu'il y a lieu de joindre ces pourvois pour y statuer par une seule décision ;
2. Considérant que l'article 1609 vicies du code général des impôts a créé une taxe spéciale sur les huiles végétales, fluides ou concrètes, effectivement destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits alimentaires, à l'alimentation humaine ; que cette taxe est due par les producteurs sur toutes les ventes ou livraisons à soi-même de ces huiles pour les huiles fabriquées en France continentale et en Corse, lors de l'importation pour les huiles importées en France continentale et en Corse et lors de l'acquisition pour les huiles qui font l'objet d'une acquisition intracommunautaire ; que cette taxe, établie et recouvrée selon les mêmes modalités ainsi que les mêmes sûretés, garanties et sanctions que les taxes sur le chiffre d'affaires, a été instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, pour la période allant du 1er janvier 2001 au 1er janvier 2005, puis à celui du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles mentionné à l'article L. 731-1 du code rural, pour la période allant du 1er septembre 2008 au 18 décembre 2008, puis, depuis le 1er janvier 2009, à la Mutualité sociale agricole chargée de ces prestations ; qu'en vertu de l'article 159 ter A de l'annexe IV au code général des impôts, cette taxe est perçue en fonction du poids net des huiles ; qu'il résulte des tarifs fixés en euro par kilogramme et en vigueur pour les périodes en litige que, pour les huiles végétales, le tarif le plus élevé de la taxe n'est applicable qu'à l'huile d'olive tandis que les huiles de colza et de tournesol bénéficient de tarifs plus faibles ;
Sur le pourvoi du ministre :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires " ; que des produits sont similaires au sens de ces stipulations lorsqu'ils présentent, au regard des consommateurs, des propriétés analogues ou répondent aux mêmes besoins ; que pour l'appréciation du caractère de similitude de deux catégories de produits, il y a lieu de prendre en considération, d'une part, un ensemble de caractéristiques objectives, telles que leur origine, leurs procédés de fabrication, leurs qualités organoleptiques, notamment leur gout et leur texture, et, d'autre part, le fait que ces catégories de produits sont susceptibles ou non de répondre à des besoins identiques des consommateurs, cette identité s'appréciant non pas en fonction des habitudes de consommation existantes, mais au vu des possibilités d'évolution de ces habitudes et, essentiellement, sur la base des caractéristiques objectives qui font qu'un produit est susceptible de répondre, au regard de certaines catégories de consommateurs, aux mêmes besoins qu'un autre ;
4. Considérant que, pour prononcer un dégrèvement partiel de la taxe contestée, la cour, après avoir relevé que le taux le plus élevé de cette taxe prévue à l'article 1609 vicies du code général des impôts n'était applicable qu'à l'huile d'olive, qui est en quasi-totalité importée, a jugé que l'huile d'olive, d'une part, et les huiles de colza et de tournesol, d'autre part, répondaient, au vu de leurs caractéristiques comparables et de leurs propriétés analogues, aux mêmes besoins du consommateur et qu'elles constituaient donc des produits similaires au sens des stipulations précitées du premier alinéa de l'article 90 du traité ; qu'en statuant ainsi, alors que l'huile d'olive, en ce qu'elle provient d'un fruit et non d'une graine, est produite par un procédé mécanique et non par raffinage, a un goût et des propriétés culinaires spécifiques, présente des caractéristiques objectives qui, au regard des consommateurs, la distinguent des huiles de colza et de tournesol, la cour a inexactement qualifié les faits ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre, qui est recevable à critiquer ces motifs de l'arrêt attaqué alors même qu'il avait admis, devant le tribunal administratif, la similitude des huiles d'olive, de colza et de tournesol, est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué ;
Sur le pourvoi de la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias :
5. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions, la société Oligra France soutenait devant la cour que la taxe spéciale sur les huiles destinées à la consommation humaine avait interféré avec le mécanisme d'aide à la production prévu par l'article 21 du règlement (CE) 865/2004 du Conseil du 29 avril 2004 portant organisation commune des marchés dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table, en représentant jusqu'à 12 % du montant de cette aide ; que la cour n'a pas répondu à ce moyen qui n'était pas inopérant et qu'elle avait d'ailleurs visé ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, mandataire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société, est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée aux points 4 et 5 ;
Sur la compatibilité de la taxe avec les stipulations de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne :
7. Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été dit, que l'huile d'olive n'est pas un produit similaire aux huiles de colza et de tournesol ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la taxe spéciale sur les huiles destinées à la consommation humaine, en frappant plus lourdement l'huile d'olive, quasi-exclusivement importée, et les huiles de colza et de tournesol consommées en France, majoritairement de fabrication nationale, méconnaîtrait les stipulations du premier alinéa de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne, doit être écarté ;
8. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du second alinéa du même article : "En outre, aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions " ; que ces stipulations prohibent toute forme de protectionnisme fiscal indirect dans le cas de produits qui, sans être similaires au sens de l'alinéa premier de l'article 90 du traité, se trouvent néanmoins, avec certaines productions du pays d'importation, dans un rapport de concurrence même partielle, indirecte ou potentielle, les produits concernés ayant suffisamment de propriétés communes pour constituer une alternative pour le consommateur ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en dépit de différences dans leurs caractéristiques objectives, les huiles d'olive, de colza et de tournesol présentent des propriétés communes suffisantes, notamment en ce qui concerne l'assaisonnement des aliments, pour que les consommateurs, en fonction de leurs goûts ou de leurs revenus, optent pour l'une ou l'autre de ces huiles ; que, pour l'application de ces stipulations, elles se trouvent donc dans un rapport de concurrence au moins partielle ; que, toutefois, la différence de taxation résultant de l'application d'un tarif de taxe spéciale sur les huiles plus élevé pour l'huile d'olive que pour les autres huiles n'est pas de nature à influer sur le comportement du consommateur dans le secteur considéré, dès lors que la taxe représente un montant très faible du prix de vente de ces produits et que les prix de vente des différentes huiles diffèrent significativement, l'huile d'olive étant nettement plus chère que les autres huiles ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la taxe spéciale sur les huiles aurait un effet protecteur des huiles de fabrication nationale, en décourageant la vente de l'huile d'olive, essentiellement importée, au profit de la vente des produits nationaux alternatifs que constituent l'huile de tournesol et l'huile de colza ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du second alinéa de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne ne peut qu'être écarté ;
Sur la compatibilité de la taxe avec les stipulations des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
10. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes du paragraphe 3 de l'article 88 du même traité, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ;
11. Considérant que la société Oligra France soutient que la taxe spéciale sur les huiles prévue par l'article 1609 vicies du code général des impôts, en raison du lien d'affectation contraignant de l'intégralité de son produit au financement de l'aide d'Etat constituée par les aides sociales accordées aux non-salariés agricoles, qui ont pour objet de diminuer les charges sociales qu'ils auraient dû normalement supporter, fait partie intégrante de ces aides et est elle-même une aide d'Etat, qui n'a pas été notifiée à la Commission européenne, comme le prévoit le paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, et qu'elle est, par suite, illégale ;
12. Considérant, toutefois, que si cette taxe a été affectée, à l'exception de la période allant du 19 décembre au 31 décembre 2008, au financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, il ne résulte pas de l'instruction que les non-salariés agricoles, affiliés à un régime de base de sécurité sociale distinct du régime général de sécurité sociale et dont le financement, pour des raisons essentiellement démographiques, est assuré non seulement par des cotisations à la charge des intéressés mais aussi par des recettes exprimant le choix du législateur de financer ce régime selon un principe de solidarité nationale, bénéficieraient, dans ce cadre, de mesures sélectives et, dès lors, susceptibles d'être regardées comme des aides d'Etat ; qu'ainsi, et alors même que le lien d'affectation serait contraignant, la taxe ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'un mécanisme d'aide d'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la taxe attaquée au regard des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne doit être écarté ;
Sur la compatibilité de la taxe avec les règles de la politique agricole commune et des organisations communes de marché :
13. Considérant, d'une part, que le règlement (CEE) 136/66 du Conseil du 22 septembre 1966 institue une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses ; que, dans le cas où une organisation commune des marchés met en uvre des mécanismes qui ont essentiellement pour but d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, de stabiliser les marchés, de garantir la sécurité des approvisionnements et d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs, est incompatible avec le fonctionnement de ces mécanismes la perception d'une taxe frappant un nombre restreint de produits relevant de l'organisation commune, pendant une longue période, lorsque cette taxe est susceptible, par une influence sensible sur le niveau des prix du marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ;
14. Considérant que la taxe prévue par l'article 1609 vicies du code général des impôts représente, pour les années d'imposition en litige, une faible part du prix de vente des huiles ; qu'elle s'applique à un grand nombre de produits relevant de l'organisation commune des marchés instituée par le règlement (CEE) 136/66 ; qu'ainsi, eu égard au taux de cette taxe et au nombre important des produits relevant de l'organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses auxquels elle est applicable, elle ne peut être regardée comme susceptible, par une influence sensible sur le niveau des prix du marché, d'inciter les opérateurs économiques à modifier la structure de leur production ou de leur consommation ; que la société Oligra France n'apporte, d'ailleurs, aucun élément précis tendant à démontrer que la taxe pourrait avoir les effets qu'elle allègue ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
15. Considérant, d'autre part, que si la société Oligra France soutient que la taxe frappant l'huile d'olive interfère avec le mécanisme d'aide à la production prévu par l'article 21 du règlement (CE) 865/2004 du Conseil du 29 avril 2004 portant organisation commune des marchés dans le secteur de l'huile d'olive et des olives de table, au motif que les montants de taxe prélevés sur les acquisitions intracommunautaires d'huile d'olive, en diminuant le revenu des producteurs des autres Etats membres, auraient pour effet d'opérer un transfert au bénéfice des exploitants agricoles non salariés français, il résulte des dispositions de l'article 1609 vicies du code général des impositions que les redevables de la taxe sont les opérateurs qui, établis en France, acquièrent de l'huile en provenance d'autres Etats membres et non les producteurs établis dans ces autres Etats ; que la taxe n'est donc pas susceptible d'avoir les effets allégués ; que, par suite, le moyen n'est pas fondé ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge de la totalité de la taxe acquittée pour les années 2001 et 2002, que la société Oligra France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur le recours du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt en tant qu'il fait l'objet de son pourvoi :
17. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, contre l'arrêt du 21 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris ; que, par suite, le recours du ministre tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt est devenu sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que demande à ce titre la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, mandataire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 21 mars 2012 de la cour administrative de Paris sont annulés.
Article 2 : La requête présentée par la société Oligra France devant la cour administrative d'appel de Paris et les conclusions présentées par la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les sommes ayant fait l'objet de la décharge prononcée par les articles 2 et 3 de l'arrêt du 21 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris sont remises à la charge de la société Oligra France.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt du 21 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la SCP Becheret-Thierry-Sénéchal-Gorrias, mandataire agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Oligra France.
Délibéré dans la séance du 25 mars 2013 où siégeaient : M. Edmond Honorat, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Gilles Bachelier, M. Jean Courtial, Présidents de sous-section ; M. Patrick Stefanini, M. Jean-Claude Hassan, Mme Marie-Hélène Mitjavile, Mme Caroline Martin, Conseillers d'Etat ; Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat-rapporteur et M. Stéphane Gervasoni, Conseiller d'Etat.