CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
336598
ASSOCIATION DES AMIS DE SAINT-PALAIS-SUR-MER
M. Jean Lessi, Rapporteur
M. Alexandre Lallet, Rapporteur public
Séance du 7 septembre 2012
Lecture du
24 septembre 2012
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 6ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 12 février, 14 mai et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer, dont le siège est 25, avenue Trez à Saint-Palais-sur-Mer (17420), représentée par son président ; l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX02839 du 24 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 18 septembre 2008 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2006 du maire de Saint-Palais-sur-Mer autorisant la société Europ-Lot à lotir un terrain situé chemin des Colombes, et à l'annulation de la décision du 6 septembre 2006 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, à l'annulation de ces décisions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer et la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Saint-Palais-sur-Mer,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à la SCP Gaschignard, avocat de l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la commune de Saint-Palais-sur-Mer ;
1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'accès au lotissement autorisé par l'arrêté litigieux du 6 juillet 2006 du maire de Saint-Palais-sur-Mer avait fait l'objet d'une convention du 12 avril 2006, par laquelle la commune avait consenti au lotisseur un droit de passage sur le chemin des Colombes appartenant à son domaine privé, et prévu par la même convention l'élargissement futur de ce chemin ;
2. Considérant qu'au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux, l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer soutenait devant les juges du fond que l'accès au lotissement n'avait pas la largeur requise par les dispositions de l'article UE 3 du règlement du plan d'occupation des sols ; qu'à l'appui de ce moyen elle soutenait, d'une part, que la convention du 12 avril 2006 instituant la servitude de passage était irrégulière et, d'autre part, que le futur élargissement du chemin des Colombes ne pouvait s'effectuer sans méconnaître d'autres prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols applicables à la zone ;
3. Considérant que lorsque, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte des terrains, notamment pour l'accès des engins d'incendie et de secours, l'administration doit, avant d'accorder une autorisation de lotir, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle d'assiette du lotissement et, le cas échéant, de l'existence d'une servitude de passage garantissant cette desserte, il ne lui appartient pas de vérifier la légalité des actes ayant permis la réalisation de cette desserte ou la validité de la servitude consentie ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que le moyen tiré de l'illégalité de certaines stipulations de la convention du 12 avril 2006 instituant une servitude de passage vers le lotissement litigieux était inopérant ;
4. Considérant, en revanche, que dans les cas particuliers où, pour accorder une autorisation de lotir, l'administration se fonde sur la circonstance que, en raison de travaux en cours ou futurs, la desserte du lotissement répondra à brève échéance et de manière certaine aux exigences légales, les motifs de légalité susceptibles de faire obstacle à la réalisation de ces travaux peuvent être utilement invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir, au soutien de conclusions dirigées contre l'acte autorisant le lotissement ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'autorisation de lotir litigieuse a été accordée par le maire de Saint-Palais-sur-Mer en considération de travaux d'élargissement qui n'étaient pas encore réalisés ; que, par suite, en estimant que l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer ne pouvait utilement invoquer la violation, par ces travaux d'élargissement, des prescriptions du règlement du plan d'occupation des sols applicables à la zone en cause, la cour a commis une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
8. Considérant que la commune de Saint-Palais-sur-Mer et la société Europ-Lot ont produit des mémoires en défense devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ; que, dans ces conditions, et alors même que ces mémoires auraient été produits après l'expiration du délai que leur avait imparti la cour, ils ne peuvent être réputés avoir acquiescé aux faits exposés par l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer dans sa requête d'appel ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 315-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " La demande d'autorisation de lotir est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à réaliser l'opération sur le terrain. / La demande précise l'identité et l'adresse du demandeur, la situation et la superficie du terrain, le nombre maximum de lots, la surface de plancher hors uvre nette maximale dont la construction est envisagée dans l'ensemble du lotissement et l'identité du propriétaire au cas où celui-ci n'est pas l'auteur de la demande (.) " ; qu'il ressort du dossier que la société Europ-Lot, titulaire d'un compromis de vente portant sur le terrain d'assiette de l'opération projetée, justifiait d'un titre l'habilitant à réaliser cette opération ; que la circonstance que sa demande d'autorisation indique une surface légèrement différente de celle figurant au compromis de vente n'a pas été de nature à induire l'administration en erreur sur la consistance de ce terrain ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 315-4 doit, dès lors, être écarté ;
10. Considérant que le dossier de demande comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 315-6 du code de l'urbanisme, l'engagement du lotisseur de constituer une association syndicale des acquéreurs de lots ; que la circonstance que cet engagement ne porte pas la signature du lotisseur est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que la demande d'autorisation à laquelle cet engagement est annexé est elle-même signée par ce dernier ;
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1. Considérant que si l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer soutient que l'arrêté du 6 juillet 2006 est illégal en raison de l'illégalité, qu'elle invoque par voie d'exception, du plan d'occupation des sols de la commune alors applicable, elle ne soutient pas, en outre, que l'autorisation de lotir méconnaît les dispositions que le constat de l'illégalité du plan d'occupation des sols conduirait à remettre en vigueur ; qu'ainsi, son moyen d'exception d'illégalité doit être écarté comme inopérant ;
12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 111-21 et R. 315-28 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors en vigueur, que l'autorisation de lotir peut être refusée, ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, lorsque, notamment, par la situation, la forme ou la dimension des lots, l'opération est de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites ou aux paysages naturels ou urbains ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, malgré la proximité du parc public Raymond Vignes, le maire aurait, en autorisant l'opération de lotissement litigieuse, qui tend à la construction de huit maisons d'habitation dans une zone déjà urbanisée, commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;
13. Considérant qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article UE 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Palais-sur-Mer : " Toutes les voies nouvelles publiques et privées de desserte de terrain (sauf un terrain) et internes aux opérations doivent avoir des caractéristiques adaptées aux besoins de circulation, et notamment : (.) / avoir au moins 8 mètres d'emprise dont 5 mètres de chaussée, lorsqu'elles desservent 5 terrains ou plus (.) " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que le chemin des Colombes qui assure, ainsi qu'il a été dit plus haut, la desserte du lotissement litigieux, existait à la date d'approbation du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Palais-sur-Mer et ne saurait, dès lors, être regardé comme une " voie nouvelle " au sens de ces dispositions ; que, par suite, le paragraphe 2 de l'article UE 3 ne saurait utilement être invoqué à l'encontre de l'autorisation de lotir attaquée ;
14. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 315-28 et R. 111-4 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable au présent litige, que l'autorisation de lotir peut être refusée sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa consistance à la date de l'arrêté attaqué, le chemin des Colombes était d'une largeur minimale d'environ quatre mètres et comportait des accotements en partie praticables ; qu'eu égard au nombre limité d'habitations dont il doit assurer la desserte, le maire de Saint-Palais-sur-Mer n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées ;
15. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, l'autorisation attaquée n'a pas par elle-même pour objet ou pour effet d'autoriser des travaux d'élargissement illégaux ;
16. Considérant, enfin, que l'arrêté attaqué, en autorisant la construction d'une surface hors uvre nette maximale de 2 426, 80 mètres carrés sur un terrain d'une superficie de 12 134 mètres carrés, ne méconnaît pas les dispositions de l'article UE 14 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Palais-sur-Mer, qui fixent à 0, 20 le coefficient d'occupation des sols applicable à la zone d'implantation du projet ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2006 du maire de cette commune ainsi que de la décision du 6 septembre 2006 par laquelle ce dernier a rejeté son recours gracieux ;
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Palais-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 3 000 euros à verser à la commune à ce même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 novembre 2009 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus de ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : L'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer versera à la commune de Saint-Palais-sur-Mer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association des amis de Saint-Palais-sur-Mer, à la commune de Saint-Palais-sur-Mer et à la société Europ-Lot.
Délibéré dans la séance du 7 septembre 2012 où siégeaient : M. Edmond Honorat, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; Mme Christine Maugüé, M. Denis Piveteau, Présidents de sous-section ; M. Marc Sanson, Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. François Delion, M. Mattias Guyomar, M. Nicolas Boulouis, Conseillers d'Etat et M. Jean Lessi, Maître des Requêtes-rapporteur.