ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 245622
SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE
M. Struillou, Rapporteur
M. Collin, Commissaire du gouvernement
Séance du 8 août 2002
Lecture du 22 août 2002
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème sous-section)
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 10 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR), dont le siège est 1, place Carpeaux, Tour Séquoia à Paris La Défense (92915) ; la SOCIETE SFR demande au Conseil d'Etat
1°) d'annuler l'ordonnance du 3 avril 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête qui tendait à la suspension de l'exécution de la décision du maire de Villeneuve-Loubet du 3 décembre 2001 s'opposant à l'installation de deux bâtis radio, chemin de l'Abreuvoir ;
2°) de suspendre l'exécution de cette décision;
3°) d'enjoindre au maire de Villeneuve-Loubet d'instruire sa déclaration de travaux dans un délai de quinze jours sous astreinte de 1 525 euros par jour;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Struilloti, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE et de Me Copper-Royer, avocat de la commune de Villeneuve-Loubet,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Considérant qu'il ressort des pièces soumises au juge du fond que le rapport établi par un groupe d'experts et remis au directeur général de la santé au mois de janvier 2001 ne retenait pas l'hypothèse de risques pour la santé résultant des installations de base et précisait que les mesures de précaution préconisées, qui ne devaient pas être comprises comme validant l'existence de ces risques, étaient seulement destinées à rassurer la population ; que, par suite, en se fondant, pour estimer que l'urgence ne justifiait pas la suspension de la décision du 3 décembre 2001 par laquelle le maire de Villeneuve-Loubet s'est opposé aux travaux déclarés par la SOCIETE SFR, en application de l'article R. 422-2, e) du code de l'urbanisme, en vue de l'installation de deux bâtis radio, sur la circonstance que le rapport précité ne comportait pas d'indications précises quant aux risques pour la santé de la population, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumises ; que son ordonnance, doit, par suite, être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant, en premier lieu, qu'eu égard, d'une part, à l'intérêt qui s'attache à la couverture du territoire par le réseau de téléphonie mobile et, d'autre part, aux intérêts de la SOCIETE SFR, résultant notamment des autorisations qui lui ont été délivrées, et en l'absence de risques sérieux prouvés pour la santé publique, l'urgence justifie la suspension de la décision attaquée;
Considérant, en second lieu, qu'en l'état de l'instruction, les moyens tirés de la méconnaissance du principe de l'indépendance des législations, de l'erreur manifeste d'appréciation commise quant aux exigences de sécurité imposées et de l'atteinte illégale portée à la liberté du commerce et de l'industrie, sont de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 3 décembre 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension demandée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: "Lorsque la décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction (...) d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Villeneuve-Loubet de procéder à l'instruction de la déclaration de travaux dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision et de prononcer à l'égard de la commune, à défaut pour elle de justifier de cette instruction dans le délai fixé, une astreinte de 1000 euros par jour de retard ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE SFR qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à verser à la commune de Villeneuve-Loubet la somme que celle-ci demande- au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner la commune de Villeneuve-Loubet à verser à la SOCIETE SFR la somme de 2500 euros au titre des frais exposés par elle en première instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 3 avril 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : La décision du maire de Villeneuve-Loubet du 3 décembre 2001 est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Villeneuve-Loubet de procéder à l'instruction de la déclaration de travaux présentée par la SOCIETE SFR dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Villeneuve-Loubet si celle-ci ne justifie pas avoir, dans les quinze jours suivant la notification de la présente décision, exécuté celle-ci. Le taux de cette astreinte est fixé à 1000 euros par jour, à compter de l'expiration du délai de quinze jours suivant la notification de la présente décision.
Article 5 : La commune de Villeneuve-Loubet communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour assurer l'exécution de la présente décision.
Article 6 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-Loubet tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La commune de Villeneuve-Loubet est condamnée à verser à la SOCIETE SFR la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8: La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANÇAISE DU RADIOTELEPHONE et à la commune de Villeneuve-Loubet. .