Le Quotidien du 18 septembre 2023 : Sûretés

[Brèves] Appréciation de la proportionnalité du cautionnement : prise en compte d'une fiche de renseignements qui n'est pas contemporaine de la souscription des engagements

Réf. : Cass. com., 30 août 2023, n° 21-20.222, F-B N° Lexbase : A31351ET

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par Vincent Téchené

le 13 Septembre 2023

► Afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion des ses engagements et déterminer si ces derniers sont proportionnés à ses biens et revenus, les juges peuvent se fonder sur les indications non contestées d'une fiche de renseignements, établie plusieurs mois avant la conclusion des engagements litigieux, en les confrontant avec les éléments de preuve versés aux débats.

Faits et procédure. Le 28 décembre 2007, une banque a consenti à une société une ouverture de crédit d'un montant de 560 000 euros, remboursable intégralement au plus tard le 30 septembre 2009, garantie par le cautionnement solidaire de deux époux, dans la limite de 280 000 euros, chacun. Par un acte du 19 mars 2010, le montant de l'ouverture de crédit a été porté à 600 000 euros et l'échéance prorogée au 30 septembre 2010. Par des actes du 19 mars 2011, les deux époux se sont rendus cautions solidaires en garantie du remboursement de ce crédit, chacun dans la limite de 336 000 euros. Par un acte du 23 avril 2013, la femme s'est en outre rendue caution solidaire de la société, au profit de la banque, dans la limite de 48 000 euros et pour une durée de trente-six mois.

Alléguant que le prêt consenti à la société n'avait pas été intégralement remboursé à son échéance, la banque a assigné en paiement les cautions, qui lui ont opposé la disproportion de leurs engagements.

La cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 21 mai 2021, n° 18/01676 N° Lexbase : A60044S8) a condamné les cautions, rejetant leurs demandes tendant à voir juger leurs engagements disproportionnés. Elles ont donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle qu’il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné du cautionnement à ses biens et revenus, lors de la souscription de son engagement, d'en apporter la preuve (v. not. Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-27.651, F-D N° Lexbase : A8914IBR ; Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-25.377, F-D N° Lexbase : A8725I3K).

La cour d’appel a relevé que la fiche de renseignements du 27 janvier 2010 avait été établie vingt mois avant la conclusion des cautionnements. Elle a, en outre, considéré que ce seul document ne permettait pas de déterminer l'étendue des revenus et patrimoine des cautions. Elle en déduit qu'après actualisation de la fiche patrimoniale sur la base de pièces produites par les cautions, la valeur nette du patrimoine détenu par l’épouse s’élevait à un certain montant.

La Cour de cassation en conclut que la cour d'appel, qui pouvait se fonder sur les indications non contestées d'une fiche de renseignements, fût-elle établie plusieurs mois avant la conclusion des engagements litigieux, en les confrontant avec les éléments de preuve versés aux débats afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion des engagements litigieux, a pu retenir que la caution ne démontrait pas que ses engagements étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus.

Observations. Pour les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, il résulte de la jurisprudence que la preuve de la disproportion pèse sur la caution qui demande à être déchargée de son engagement ; puis, si la preuve de la disproportion est rapportée, le créancier doit être de son côté en mesure d’établir que les biens et les revenus de la caution sont suffisants, au moment où elle est actionnée en paiement, pour faire face à son engagement (Cass. com., 1er avril 2014, n° 13-11.313, FS-P+B N° Lexbase : A6236MIS ; Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 12-28.977, F-P+B N° Lexbase : A4223MWC ;  Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-16.402, FS-P+B N° Lexbase : A0727QYL).

Cette hypothèse du « retour à meilleure fortune » a été abandonnée par la réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 (C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X). C’est une source de difficultés inutiles qui disparaît. Ainsi, dès lors que la caution rapportera la preuve du caractère disproportionné de son engagement (Cass. com., 31 janvier 2012, n° 10-27.651, F-D, préc.), elle pourra invoquer l’article 2300 du Code civil.

Par ailleurs, la jurisprudence retient habituellement que la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier (Cass. civ. 1, 24 mars 2021, n° 19-21.254, FS-P N° Lexbase : A66974MY et dernièrement Cass. com., 30 août 2023, n° 22-13.270, F-D N° Lexbase : A64021ET ; Cass. com., 30 août 2023, n° 22-11.711, F-D N° Lexbase : A64191EH). Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation apporte une précision : le juge peut tenir compte d'une fiche de renseignements qui n’est pas contemporaine de la souscription des engagements de caution, en confrontant ces renseignements avec les éléments de preuve versés aux débats.

Pour aller plus loin :

  • pour cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Proportionnalité et cautionnement, La preuve du caractère disproportionné (ou proportionné) de l'engagement de la caution, in Droit des sûretés (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E2224GAM ;
  • pour cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022, v. ÉTUDE : Le cautionnement, Le montant du cautionnement, in Droit des sûretés (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8598B49.

 

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