Le Quotidien du 6 juillet 2023 : Concurrence

[Brèves] Rupture brutale d’une relation commerciale : application à un syndicat de copropriétaires et évaluation du préjudice principal

Réf. : Cass. com., 28 juin 2023, n° 21-16.940, FS-B N° Lexbase : A268497K

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[Brèves] Rupture brutale d’une relation commerciale : application à un syndicat de copropriétaires et évaluation du préjudice principal. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/97564303-breves-rupture-brutale-dune-relation-commerciale-application-a-un-syndicat-de-coproprietaires-et-eva
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par Vincent Téchené

le 05 Juillet 2023

► D’une part, un syndicat de copropriétaires commerçants, qui a conclu un contrat ayant exclusivement pour objet d'assurer une prestation de services pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres, a, bien qu'il soit de nature civile, entretenu une relation commerciale avec sa cocontractante, entrant dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

D’autre part, le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période.

Faits et procédure. Le syndicat des copropriétaires d’un centre commercial (le syndicat), représenté par son syndic, a conclu avec une société un contrat par lequel celle-ci était chargé de la mise en œuvre des prestations de sécurité incendie, surveillance et gardiennage de son site.

Ce contrat prévoyait qu'il devait prendre effet le 3 octobre 2012, pour une durée d'un an tacitement reconductible pour une période indéterminée. Il pouvait ensuite être résilié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en respectant un préavis de trois mois.

Soutenant que le syndic avait, au nom du syndicat, par lettre du 9 mars 2015, résilié le contrat à compter du 13 avril suivant, la société de gardiennage les a assignés en réparation pour non-respect du préavis contractuel et rupture brutale d'une relation commerciale établie.

La cour d’appel (CA Paris, 5-11, 26 février 2021, n° 18/20619 N° Lexbase : A35434I3) a jugé que le syndicat avait rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société de sécurité et a, en conséquence, condamné le premier à payer à la seconde la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts. Le syndicat a alors formé un pourvoi en cassation.

Décision. En premier lieu, la Cour de cassation commence par rappeler qu’il résulte de l'article L. 410-1 du Code de commerce N° Lexbase : L6581AIL, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-649, du 26 mai 2021 N° Lexbase : L6122L4I, que les règles définies au livre IV de ce code s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services.

Ainsi en espèce le syndicat de copropriétaires commerçants, qui a conclu un contrat ayant exclusivement pour objet d'assurer une prestation de services pour les besoins de l'activité commerciale de ses membres, a, bien qu'il soit de nature civile, entretenu une relation commerciale avec sa cocontractante, entrant dans le champ d'application de l'ancien article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce N° Lexbase : L7575LB8 (v. désormais, C. com., art. L. 442-1, III N° Lexbase : L0680LZ9).

En second lieu, la Haute juridiction rappelle qu’il résulte de l'article L. 442-6, I, 5° précité que le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période.

Ainsi, la Cour approuve-t-elle l'arrêt d’appel d’avoir retenu que l'assiette de l'indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale ne pouvait comprendre l'équivalent du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé pendant les quatre mois de préavis, mais celui de la marge brute, qu'il a évaluée au regard des éléments du dossier.

Toutefois, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1149, devenu 1231-2 N° Lexbase : L1064H9B, du Code civil, en application duquel les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. Dès lors, le préjudice subi par la société de gardiennage en raison du non-respect du préavis contractuel consiste en la perte de la marge brute escomptée, dans les conditions précédemment précisées. Par conséquent, l’arrêt d’appel est censuré en ce qu’il a retenu qu’il doit être alloué, en réparation du préjudice subi, la somme correspondant au chiffre d'affaires que la société aurait perçu si elle n'avait pas été privée de deux mois de préavis.

Observations. La Cour de cassation est souvent interrogée sur le champ d’application des dispositions du Code de commerce relatives à la rupture brutale des relations commerciales.

Ainsi, des chirurgiens réunis en SEL se sont vu refuser l'application du texte en cas de rupture de la relation nouée avec une clinique (Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.774, FS-P+B N° Lexbase : A8484DYU). Également, la Haute juridiction a précisé qu’i n'existe pas de relation commerciale entre un chirurgien-dentiste et son fournisseur de matériel dentaire (Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-16.139, F-P N° Lexbase : A47444NZ).

En outre, l’incompatibilité de certaines professions avec une activité à caractère commercial a déjà conduit à exclure l'application des dispositions de l’article L. 442-6, I, 5°, aux notaires (Cass. com., 20 janvier 2009 n° 07-17.556, F-P+B N° Lexbase : A6375EC4, D. Bakouche, in Chron., Lexbase Droit privé, février 2009, n° 337 N° Lexbase : N4911BIQ), aux avocats (Cass. com., 24 novembre 2015 n° 14-22.578, F-D N° Lexbase : A0932NY8), et ce quel qu’en soit le mode d’exercice (ex. pour l’exercice en SELARL : CA Paris, 4-5, 29 juin 2016, n° 14/07291 N° Lexbase : A6592RUP, B. Brignon, Lexbase Avocats, septembre 2016 N° Lexbase : N4020BWS) ou encore aux conseils en propriété industrielle (Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-17.905, F-P+B N° Lexbase : A6378KBT, B. Brignon, Le conseil en propriété industrielle n'est pas commerçant, Lexbase Affaires, avril 2013, n° 337 N° Lexbase : N6873BTQ). Enfin, la Cour de cassation a retenu que l’activité principale de comptabilité exercée par l’expert-comptable n’est pas une relation commerciale ouvrant droit à indemnité pour rupture brutale de la relation commerciale établie (Cass. com., 10 février 2021, n° 19-10.306, F-P N° Lexbase : A79884GX).

Pour terminer, on relèvera que la responsabilité pour rupture brutale a été retenue à l’encontre d’une société d'assurances mutuelles, dès lors qu'elle procède à une activité de services, leur régime juridique comme le caractère non lucratif de leur activité n'étant pas de nature à les exclure du champ d'application de l'article L 442-1, II (Cass. com. 14 septembre 2010 n° 09-14.322, F-P+B N° Lexbase : A5772E9N). Il en est de même d'une association à but non lucratif, dès lors qu'elle exerce une activité de production, de distribution ou de services (Cass. com. 25 janvier 2017 n° 15-13.013 FS-P+B+I N° Lexbase : A8401S9Z).

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