Le Quotidien du 9 juin 2023 : Procédure pénale

[Brèves] Perquisition hors la présence d’une personne en garde à vue ou détenue : précision sur l’exigence d’accord écrit et motivé

Réf. : Cass. crim., 7 juin 2023, n° 22-84.442, F-B N° Lexbase : A69059YE

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N5784BZA

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par Adélaïde Léon

le 21 Juin 2023

► L’article 706-94 du Code de procédure pénale permet, par dérogation à l’article 57 du même code, à un juge d’instruction ou un procureur d’autoriser, dans le cadre d’une procédure relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la réalisation d’une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue ou détenue hors sa présence lorsque son transport sur place devait être évité en raison de risques à l’ordre public, d’évasion ou de disparition des preuves. Il se déduit de cet article que l’accord du magistrat doit faire l’objet d’un écrit motivé indiquant les circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires. Méconnaît ces dispositions la cour d’appel qui substitue sa propre appréciation à celle du procureur de la République en déduisant les motivations de l’autorisation de la qualification des faits reprochés et « du risque d’évasion que le comportement [de l’intéressé] pouvait légitimement laisser craindre ».

Rappel de la procédure. Une enquête préliminaire est ouverte sur la base d’informations recueillies à l’occasion d’une précédente procédure mettant en cause un individu.

Ce dernier est interpellé après une course poursuite puis placé en garde à vue.

Une perquisition est effectuée dans un box mis à sa disposition. Les enquêteurs y saisissent 100,38 kg de résine de cannabis, 4,8 kg de cocaïne et 1,02 kg d'héroïne.

Poursuivi par le procureur de la République, le prévenu est condamné par le tribunal correctionnel pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique, détention de stupéfiants, détention sans justificatif de marchandises dangereuses pour la santé, en récidive, refus d’obtempérer et délit de suite, à sept ans d’emprisonnement.

L’intéressé a relevé appel du jugement et le ministère public a formé appel incident.

En cause d’appel. La cour d’appel a rejeté l’exception de nullité présenté par le prévenu et fondée sur la violation des dispositions de l’article 57 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6470KU8.

Selon l’interprétation des juges d’appel, l’autorisation de perquisition donnée par le procureur de la République relevait nécessairement de l’application de l’article 706-94 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2782KG7 qui permet dans le cadre d’une procédure relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1, la réalisation d’une perquisition au domicile d’une personne gardée à vue ou détenue hors sa présence lorsque son transport sur place devait être évité en raison de risques à l’ordre public, d’évasion ou de disparition des preuves. L’opération peut alors être faite, avec l’accord préalable du procureur de la République ou du juge d’instruction, en présence de deux témoins requis ou d’un représentant désigné par l’intéressé.

Ces dispositions dérogent au principe de l’article 57 du Code de procédure pénale selon lequel la perquisition a lieu en présence de la personne au domicile de laquelle elle est opérée.

Leur raisonnement était donc le suivant, dans la mesure où la notification supplétive de la garde à vue portait sur des infractions visées à l’article 706-73, 3° (crimes et délits de trafic de stupéfiants) N° Lexbase : L6560MG3 et compte tenu du risque d’évasion présenté par l’intéressé, la perquisition autorisée par le procureur de la République en présence de deux témoins l’avait forcément été sur le fondement de l’article 706-94 du Code de procédure pénale.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Selon le pourvoi, l’interprétation et le raisonnement de la cour d’appel ne reposaient sur aucun élément de la procédure.

L’article 706-94 subordonne l’autorisation de la perquisition hors la présence de l’intéressé à la condition qu’il existe des risques graves de troubles à l’ordre public ou d’évasion, soit de disparition des preuves. Or, en l’espèce, le prévenu considérait que les motifs retenus par la cour d’appel étaient inopérants à établir que l’autorisation du ministère public était régulièrement motivée.

La cour d’appel ne pouvait par ailleurs déduire l’existence de risques graves de la seule qualification pénales des faits reprochés. En retenant qu’un risque d’évasion était à craindre compte tenu des faits de refus d'obtempérer exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité permanente, de délit de fuite et de violences sur dépositaires de l'autorité publique, la cour d’appel n’a pas caractérisé de risque grave lequel devait être constitué par des éléments de droit et de faits distincts de la seule qualification pénale des faits reprochés au mis en cause.

Décision. Après avoir rappelé le sens de l’article 706-94 du Code de procédure pénale, la Chambre criminelle souligne qu’il se déduit de ses dispositions que l’accord du magistrat autorisant la perquisition doit faire l’objet d’un écrit motivé ou bien de son accord à une demande d’un enquêteur, mentionné dans un procès-verbal, indiquant les circonstances de nature à justifier le recours à ces modalités dérogatoires.

L’exigence d’un écrit motivé vise à garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations ainsi que de l’authentification de la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.

Considérant qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a substitué sa propre appréciation à celle du procureur de la République, la Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 706-94 du Code de procédure pénale.

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