Le Quotidien du 9 juin 2023 : Responsabilité

[Brèves] Responsabilité du fait d’un produit défectueux mis en circulation après le délai de transposition : point de départ de la prescription

Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2023, n° 21-23.174, FS-B N° Lexbase : A59769WA

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N5767BZM

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 08 Juin 2023

En cas de défectuosité d’un produit mis en circulation après le délai de transposition de la directive du 25 juin 1985 mais avant sa transposition en droit français, le délai pour agir est celui de droit commun, et le cas échéant, celui de l’ancien article L. 110-4 du Code de commerce fixant une prescription décennale.

En transposant la directive communautaire du 25 juillet 1985, la loi du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN a institué en matière de responsabilité du fait des produits défectueux un système de prescription original qui laisse place à deux délais distincts : un délai de trois ans pendant lequel la victime doit agir, délai qui court à compter du moment où cette dernière « a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur » (C. civ., art. 1245-16 N° Lexbase : L0636KZL) ; un délai de dix ans au bout duquel plus aucune nouvelle action ne peut être introduite contre aucune des personnes visées par la loi (C. civ., art. 1245-15 N° Lexbase : L0635KZK). Mais on se souvient que cette transposition était intervenue avec presque dix ans de retard (la transposition devait intervenir avant le 31 juillet 1998), rendant le sort des actions introduites du fait d’un produit défectueux mis en circulation après le délai de transposition mais avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle incertain. Tel était donc le cas dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 25 mai 2023.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un camion avait été mis en circulation en 1990 et avait subi un accident en 1999. Ce n’est qu’en 2005 qu’une action avait été introduite. L’acquéreur et son assureur faisaient valoir que l’accident avait été causé par la rupture d’un élément de la roue. Pour l’essentiel, et s’agissant des seuls dommages entrant dans le champ d’application de la directive, la cour d’appel avait fait application de l’ancien article L. 110-4 du Code de commerce N° Lexbase : L4314IX3, consacrant une prescription décennale, et fixé le point de départ de cette dernière au jour de la mise en circulation du bus, déclarant ainsi irrecevables les demandes (CA Metz, 24 juin 2021, n° 16/02954 N° Lexbase : A1733Y7C).

Solution. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article L. 110-4 N° Lexbase : L4314IX3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 et des articles 10 et 11 de la directive. Elle rappelle la jurisprudence constante de la CJUE (v. entre autres CJUE, 4 juillet 2006, C-212/04, Adeneler N° Lexbase : A1488DQ8) selon laquelle « si le principe d'interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci, l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ». Elle rappelle en outre sa propre jurisprudence en vertu de laquelle « l'action en responsabilité extra-contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé ». Par conséquent, « l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 N° Lexbase : O8014BIN transposant cette directive, se prescrit selon les dispositions du droit interne, soit à compter de la réalisation du dommage ou de la date de sa révélation à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu connaissance » (V. Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-10.820, FS-P+B+I N° Lexbase : A7246EI9). On comprend dès lors la cassation de l’arrêt d’appel qui s’était placé au jour de la mise en circulation du bien dont la défectuosité était invoquée, alors que c’est au jour de la réalisation du dommage ou de sa révélation à la victime que les juges du fond auraient dû se placer.

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