Le Quotidien du 20 avril 2023 : Droit social européen

[Brèves] Détachement irrégulier d’un travailleur étranger : l’entreprise d’accueil française ne devient pas l’employeur du salarié

Réf. : Cass. soc., 5 avril 2023, n° 21-21.318, F-B N° Lexbase : A61739ML

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N5121BZP

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[Brèves] Détachement irrégulier d’un travailleur étranger : l’entreprise d’accueil française ne devient pas l’employeur du salarié. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/95315265-0
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par Lisa Poinsot

le 19 Avril 2023

Le non-respect par l’employeur étranger des règles relatives au détachement sur le territoire français d’un de ses salariés n’a pas pour effet de voir reconnaître la qualité d’employeur à l’entreprise établie en France, bénéficiant du détachement.

Faits et procédure. Un salarié d’une société italienne est détaché en France auprès d’un groupe d’intérêt économique (GIE) d’accueil français pendant plusieurs années. À la fin du détachement, le salarié est licencié par son employeur italien pour ne pas s’être présenté à son travail en Italie.

Ce salarié saisit la juridiction prud’homale pour solliciter la condamnation du GIE et de la société italienne au paiement d’une certaine somme en invoquant un abus de détachement, ainsi que la reconnaissance d’un contrat de travail le liant au GIE et sa réintégration au sein de cette dernière entité.

La cour d’appel (CA Toulouse, 28 mai 2021, n° 17/05564 N° Lexbase : A29394TZ) retient que le GIE n’est pas signataire du contrat de détachement et de ses avenants de renouvellement. L’absence alléguée de prolongation par avenant du détachement pour la période allant du 1er octobre 2015 au 14 mars 2016 ne concerne que la société italienne.

Elle relève par ailleurs que :

  • la rémunération du salarié a toujours été versée par la société italienne. Cette dernière a adressé au salarié ses bulletins de salaire tout au long de la relation contractuelle ;
  • le salarié ne conteste pas avoir reçu de la société italienne une indemnité de détachement de 30 000 euros par an, une prise en charge de la taxe d’habitation, le remboursement de frais de voyage de retour en Italie ainsi que des bonus de rémunération calculés sur les résultats de la société italienne ;
  • le salarié admet avoir reçu en France une médaille de travail délivrée par la société italienne en récompense de son ancienneté de 35 ans au service de celle-ci ;
  • il n'est pas démontré que le GIE ait exercé un pouvoir disciplinaire à l'encontre du salarié détaché. En revanche, la société italienne a fait usage de son pouvoir de direction en décidant le 14 mars 2016 de la fin du détachement du salarié et de son rapatriement en Italie et de son pouvoir disciplinaire en enjoignant à son salarié de rejoindre son poste de travail en Italie le 7 septembre 2016 ainsi qu'en le sanctionnant par un licenciement pour faute grave le 16 septembre 2016 pour absence injustifiée.

La cour d’appel en déduit l’absence de contrat de travail liant le salarié au GIE et valide le licenciement pour faute grave.

Cadre juridique du détachement temporaire de salariés en France
Définition (C. trav., art. L. 1261-3 N° Lexbase : L0313LMK)

Un salarié est dit détaché lorsque :

  • l’employeur est régulièrement établi et exerce son activité hors de France ;
  • il travaille habituellement pour le compte de cet employeur hors du territoire français ;
  • il exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le sol français.
Conditions (C. trav., art. L. 1262-1 N° Lexbase : L5748IA7)

Un contrat de travail doit exister entre le salarié et l’employeur établi hors de France.

Lors du détachement, leur relation doit subsister.
Situations de détachement (C. trav., art. L. 1262-1 et L. 1262-2 N° Lexbase : L3707LPY)

Le détachement doit être réalisé soit pour :

  • une prestation de services pour le compte de l’employeur établi hors de France et sous sa direction dans le cadre d’un contrat conclu entre ce dernier et un destinataire établi ou exerçant en France ;
  • une mobilité intragroupe ;
  • une opération réalisée pour le compte propre de l’employeur établi hors de France, sans contrat avec un quelconque destinataire ;
  • la mise à disposition de salariés au titre du travail temporaire

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation en soutenant notamment que :

  • son détachement en France est irrégulier puisque sa situation ne correspond à aucun des cas de détachement autorisés. Il considère qu’il s’agit en réalité d’un prêt de main-d’œuvre à but non lucratif ;
  • le détachement, censé être temporaire, a duré en l’espèce plus de 21 ans ;
  • il est placé dans un lien de subordination vis-à-vis du GIE français.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le salarié sur le fondement des articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du Code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C. Ces articles transposent la Directive n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 N° Lexbase : L7861AUP.

Cette Directive vise à coordonner les réglementations nationales matérielles relatives aux conditions de travail et d’emploi des travailleurs détachés (CJUE, 3 décembre 2014, aff. C-315/13 N° Lexbase : A8156M4T).

La Haute juridiction en déduit que la circonstance qu’un détachement ne répond pas aux conditions du Code du travail n’a pour conséquence que l’exclusion des règles de coordination prises en transposition de cette Directive.

Pour aller plus loin :

  • cette solution est similaire à celle énoncée dans un arrêt d’espèce (Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 11-11.521, F-D N° Lexbase : A0688I3U) ;
  • v. infographie, INFO172, Détachement dans un pays UE : droits du salarié et formalités pour l’employeur, Droit social N° Lexbase : X5612ATZ ;
  • v. formulaire, MDS0041, Avenant de détachement d’un salarié effectuant une mission à l’étranger, Droit du travail N° Lexbase : X6491ATL ;
  • v. ÉTUDE : Le détachement temporaire de travailleurs par une entreprise non établie en France, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E7445ESK.

 

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