La lettre juridique n°940 du 30 mars 2023 : Environnement

[Textes] Loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables : le volet éolien

Réf. : Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables N° Lexbase : L1382MHN

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par Lou Deldique, GREEN LAW AVOCATS

le 29 Mars 2023

Mots clés : énergies renouvelables • éolien • espèces protégées • saturation visuelle • radars

La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, contient plusieurs dispositions visant à favoriser le développement de l'énergie éolienne (intérêt public majeur présumé, assouplissement des conditions d’obtention d’une dérogation espèces protégées), mais également d'autres qui pourraient avoir l'effet inverse (saturation visuelle, prise en compte des nuisances pour les riverains).


 

À la suite des déclarations du Gouvernement lors de l’été 2022, l’instruction du 16 septembre 2022 relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable [1] annonçait un certain nombre de mesures concernant le traitement des dossiers éoliens par les services de l’État :

- accélération de l’instruction des demandes d’autorisation ;

- allègement des bridages pour optimiser la production d’électricité ;

- recensement des blocages pouvant être facilement être levés ;

- et fin des pourvois en cassation contre les décisions d’annulation des arrêtés de refus.

À ce jour, les opérateurs constatent que ce dispositif est resté lettre morte du côté des services de l’État : les délais d’instruction n’ont connu aucune évolution, l’envoi de la liste des projets en instruction depuis plus de 12 mois à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) n’a pas connu de suite (à supposer d’ailleurs que les préfets aient véritablement envoyé ces informations, ce qui n’est nullement acquis…), l’État a continué à se pourvoir en cassation, à refuser de lever les blocages pour lesquels des solutions simples existent [2], à assortir les autorisations de bridage tellement excessifs que les projets ne peuvent pas être mis en œuvre… Au final, l’instruction du 16 septembre 2022 a donc surtout révélé les contradictions de l’exécutif, qui reste partagé entre l’objectif annoncé de développement de l’éolien et son souhait de tenir compte des préoccupations des opposants à ce type d’ENR.

C’est dans ce contexte que la loi « EnR » du 10 mars 2023 a été débattue puis votée : initialement sensé permettre une accélération des projets, le texte adopté en dernière lecture comporte quelques mesures qui auront effectivement cet effet, mais aussi de nouveaux freins.

Voici les principales mesures que nous avons pu identifier.

Les projets éoliens vont tout d’abord être les premiers bénéficiaires de l’assouplissement des conditions d’obtention d’une dérogation espèces protégées : en effet, les conditions prévues aux articles L. 411-1 N° Lexbase : L7924K9D et suivants du Code de l’environnement [3] restaient difficiles à remplir pour ces projets, malgré la lecture constructive qu’avait consacrée le Conseil d’État fin 2022 [4].

La loi du 10 mars 2023 crée, dans la lignée du Règlement européen du 22 décembre 2022 [5], un nouvel article L. 411-2-1 dans le Code de l’environnement qui dispose que « sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur […] les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du Code de l'énergie. »

Ces conditions ne sont pas encore fixées, mais l’article L. 211-2-1 du Code de l’énergie N° Lexbase : L1873MHT précise qu’elles seront établies en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

S’agissant des blocages liés à la présence de radars, le nouvel article L. 515-45-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L1857MHA prévoit qu’il peut être requis des opérateurs éoliens de compenser la gêne résultant de leurs projets pour ces installations en :

- prenant en charge l’installation et la maintenance d’équipements de compensation pour le fonctionnement des radars de l’Armée ou de la DGAC (notons que montant et les modalités de cette prise en charge sont définis par une convention conclue, selon le cas, avec l'autorité militaire ou avec le ministre chargé de l'aviation civile) ;

- ou en fournissant des données d'observation à Météo-France.

Cette disposition peut, quand on connait l’opposition quasi-systématique des opérateurs radars aux projets éoliens et leur refus permanent d’engager un dialogue sur les mesures pouvant permettre la cohabitation entre leurs installations et les projets, paraître surprenante. Toutefois, elle nous semble pertinente, et on ne peut qu’espérer qu’elle soit mise en œuvre à bon escient.

Le texte prévoit également de rationaliser le déploiement de l’éolien en mer avec un dispositif de planification (les documents stratégiques de façade maritime) qui identifiera des zones prioritaires pour les parcs éoliens et leurs raccordements [6] : la cartographie de ces zones est annoncée pour 2024.

Notons que le contentieux relatif aux autorisations d’occupation du domaine public maritime est aligné sur le régime de l’autorisation environnementale, avec notamment la création de la possibilité pour le juge de surseoir à statuer en vue de permettre une régularisation de l’acte attaqué [7].

Enfin, comme on le disait en introduction, le texte comporte aussi des freins au développement éolien.

Il consacre la notion de saturation visuelle (qui est, comme on le sait, spécifique au contentieux éolien), en prévoyant que :

- les SCOT devront désormais l’intégrer dans leur partie réglementaire, au titre des orientations en matière de préservation des paysages [8] ;

- et que les autorisations environnementale devront tenir compte « du nombre d'installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent déjà existantes dans le territoire concerné, afin de prévenir les effets de saturation visuelle en vue de protéger les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 » [9].

Inutile de dire que cette mesure devrait permettre de fonder bon nombre de refus : en effet, la notion de saturation visuelle, qui a la particularité d’être au croisement entre l’objectif de préservation des paysages et celui de protection de la commodité du voisinage [10], est souvent invoquée par les opposants et l’État pour s’opposer aux projets s’inscrivant dans une logique de densification éolienne. Or, s’il s’agit évidemment d’une préoccupation légitime, la notion a l’inconvénient d’être très subjective [11], et on ne peut que regretter que le législateur ne cherche pas à la rationaliser.

Toujours dans la même logique, l’article 68 de la loi prévoit que le Gouvernement devra, dans un délai d’un an à compter de sa promulgation, établir un rapport sur les nuisances sonores des éoliennes pour les riverains, ainsi que sur les mesures de nature à limiter les inconvénients générés par le balisage lumineux (le balisage intermittent notamment) : des propositions devront être faites sur la prise en compte de ces données dans les dispositifs réglementaires.

Enfin, comme on le sait, la loi crée des zones d'accélération des énergies renouvelables [12] qui permettront aux collectivités de s’approprier les objectifs nationaux de développement des ENR : à nouveau, cette mesure a le mérite de faire davantage participer les acteurs locaux au déploiement de l’éolien, mais il s’agit néanmoins d’un énième document à élaborer… Sa rédaction devrait durer de nombreux mois, pendant lesquels les autorités défavorables à l’éolien imposeront certainement un gel de l’avancement de projets… Sans compter que les documents d'urbanisme et d'aménagement (Scot, PLU, cartes communales, OCAET, SRCAE…) devront ensuite être mis en cohérence avec ces zones, ce qui induira de nouveaux délais, et de nouvelles procédures : où est passé l’effet d’accélération annoncé ?

Surtout, les communes disposent d’un droit de veto sur la création de ces zones sur leur territoire : là encore, on ne peut que redouter que ce mécanisme (qui n’est pas sans rappeler celui des anciennes ZDE) se transforme rapidement en outil au profit des collectivités anti-éoliennes.

Le texte prévoit donc plusieurs mesures qui sont davantage destinées à améliorer l’acceptabilité locale des projets éoliens qu’à accélérer leur réalisation…on ne peut qu’espérer qu’elles auront un effet accélérateur sur le long terme.


[1] Instr. DGEC, n° ENER2226074C, du 16 septembre 2022, relative à l'organisation de la répartition et du délestage de la consommation de gaz naturel et de l'électricité dans la perspective du passage de l'hiver 2022-2023 et à l'accélération du développement des projets d'énergie renouvelable N° Lexbase : L2872MHT.

[2] Certains projets avaient par exemple fait l’objet de refus dès le stade de la phase d’examen à cause d’avis conformes défavorables de la DGAC ou de l’Armée : ce blocage était tout à fait normal, mais il est surprenant de constater que même après intervention d’un nouvel avis favorable, les services préfectoraux refusent parfois de reprendre l’instruction.

[3] Ces conditions sont : l’absence d'autre solution satisfaisante, le maintien de l'espèce concernée dans un bon état de conservation, et l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur présidant à la réalisation du projet.

[4] CE, avis, 9 décembre 2022, n° 463563 N° Lexbase : A75638YR ; voir aussi CAA Lyon, 15 décembre 2022, n° 21LY00407 N° Lexbase : A575784Y.

[5] Règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022, établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables N° Lexbase : L3163MGA.

[6] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 56 à 66.

[7] CGPPP, nouvel article L. 2331-1-1 N° Lexbase : L1802MH9.

[8] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 1, C. urb., art. L. 141-1 N° Lexbase : L4673LXD.

[9] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 2, C. env., art. L. 515-44 N° Lexbase : L1856MH9.

[10] Deux notions énoncées à l’article L. 511-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L6525L7S.

[11] Voir pour un exemple d’affaire révélant les différentes approches de cette notion de saturation visuelle : CAA Douai, 18 juillet 2022, n° 21DA00632 N° Lexbase : A45778CI.

[12] Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, art. 15, C. énergie, art. L. 141-5-3 N° Lexbase : L1870MHQ.

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