Réf. : Cass. soc., 1er mars 2023, n° 21-12.068, F-B N° Lexbase : A17959GL
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par Lisa Poinsot
le 09 Mars 2023
► Dès lors que le salarié est soumis à un planning prévisionnel pour les opérations de maintenance et que, pour effectuer ces opérations, il utilise un véhicule de service et est amené à transporter des pièces détachées commandées par les clients, les temps de déplacement entre son domicile et le client doit être pris en compte pour le paiement de son salaire et dans le décompte de ses heures supplémentaires.
Telle est la solution affirmée par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Faits et procédure. Un salarié saisit la juridiction prud’homale en paiement de rappels de salaires et d’indemnités.
Ce salarié, dont le contrat de travail a pris fin le 31 janvier 2017 après qu’il ait fait valoir ses droits à la retraite, soutient qu’à compter de mars 2005, les heures supplémentaires apparaissant sur ses feuilles d’heures mensuelles ont disparu de ses bulletins de paie. Après réclamation, il s’aperçoit que de nombreuses modifications sont apportées sur la feuille d'heures remise en juillet 2010 par réduction des heures ou déplacement d'une semaine sur l'autre.
Il argue que si le règlement est de nouveau intervenu à compter de septembre 2010, ce fut sans régularisation pour la période allant de mars 2005 à août 2010 et à compter de septembre 2010, toutes les heures effectuées ne lui ont pas été systématiquement payées.
Il soutient également que si le temps de déplacement ne constitue pas du temps effectif de travail, néanmoins, au regard de sa situation particulière, son temps de déplacement doit s'analyser en temps de travail effectif, de sorte qu'il sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 48 786,92 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires à compter d'août 2007 et les congés payés afférents.
La cour d’appel (CA Rouen, 22 octobre 2020, n° 19/03677 N° Lexbase : A56563Y7) relève tout d’abord qu’il n’est pas discuté que le salarié travaille pour les dépôts sur un secteur couvrant la partie Nord de la France et que, depuis début 2015, son activité s'est portée sur les petits dépannages en région Normandie. Dans le cadre de son activité, il est amené à transporter dans son véhicule des pièces détachées commandées par les clients.
Elle ajoute, ensuite, qu’il n’est pas soutenu que les temps de trajet quotidien décomptés par le salarié sont des temps effectués entre deux lieux de travail, de sorte que sans élément complémentaire, l'ensemble des temps de trajet décomptés doit être considéré comme du temps entre le domicile et le premier lieu de travail ou du dernier lieu de travail et le domicile.
Enfin, elle observe qu'il n’est pas discuté que les déplacements font partie intégrante des fonctions du salarié en qualité de technicien de maintenance afin de se rendre sur les lieux sur lesquels il doit faire ses opérations de maintenance avec un véhicule de service.
En outre, il n'est pas démenti par le salarié que le planning prévisionnel des opérations de maintenance préventives ou de vérifications périodiques, soit 90 % de son activité est organisé entre lui-même et son responsable trois à quatre semaines à l'avance afin de se mettre d'accord sur les dates et confirmer les rendez-vous avec les clients, planning ensuite confirmé par le bon de travail.
Mais, pour les opérations de maintenance curatives, le salarié est informé par téléphone pour vérifier sa disponibilité avant confirmation de la mission par le bon de travail, de sorte que le salarié, même s'il peut être amené à transporter des pièces détachées chez le client, ce qui est inhérent à la nature de son activité, ne se trouve pas à la disposition permanente de l'employeur préalablement à son départ comme bénéficiant d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail.
En conséquence, la cour d’appel déclare que le temps de déplacement professionnel de ce salarié ne constitue pas un temps de travail effectif. Elle déboute ainsi le salarié de sa demande en paiement d’heures supplémentaires.
Rappel. La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence (Cass. soc., 23 novembre 2022, n° 20-21.924, FP-B+R N° Lexbase : A10708U8). En pratique, pour savoir si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif, il faut que :
Si ces contraintes existent, alors le temps de travail doit être pris en compte, notamment, au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées. |
Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.
La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement des articles L. 3121-1 N° Lexbase : L6912K9U et L. 3121-4 N° Lexbase : L6909K9R du Code du travail, ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, interprétés à la lumière de la Directive n° 2003/88/CE, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail N° Lexbase : L5806DLM.
La Haute juridiction précise le régime applicable au trajet domicile/client d’un salarié sans lieu de travail fixe, dont les rendez-vous sont fixés par l’employeur. En l’espèce, en l’absence d’autonomie du salarié itinérant, ayant pour tâche de transporter des pièces et effectuer des maintenances chez les clients, dans la planification de ses rendez-vous, le temps de trajet domicile/client doit être assimilée à du temps de travail effectif.
Pour aller plus loin :
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