Le Quotidien du 25 janvier 2023 : Secret professionnel

[Brèves] Perquisition en cabinet d'avocat après la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : le Conseil constitutionnel valide

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-1030 QPC, du 19 janvier 2023 N° Lexbase : A936388B

Lecture: 6 min

N4065BZL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Perquisition en cabinet d'avocat après la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : le Conseil constitutionnel valide. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/92499012-breves-perquisition-en-cabinet-davocat-apres-la-loi-pour-la-confiance-dans-linstitution-judiciaire-l
Copier

par Marie Le Guerroué

le 01 Février 2023

►Les articles 56-1 et 56-1-2 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Procédure. Le Conseil Constitutionnel avait été saisi le 19 octobre 2022 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (CE, 18 octobre 2022, n° 463588, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A89298PE). L’Ordre des avocats au barreau de Paris et l’Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine interrogeaient les Sages sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 56-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1314MAW, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T, et de l’article 56-1-2 N° Lexbase : L1316MAY du même code, dans sa rédaction issue de la même loi. Les requérants soutenaient que ces dispositions méconnaîtraient le secret professionnel de la défense et du conseil de l’avocat et invitaient le Conseil constitutionnel à le reconnaître comme une exigence constitutionnelle, ainsi que les droits de la défense, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, le droit à un procès équitable et le droit de ne pas s’auto-incriminer.

À cet égard, ils reprochaient au deuxième alinéa de l’article 56-1 du Code de procédure pénale de permettre, à l’occasion de la perquisition réalisée dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, la saisie d’un document couvert par le secret professionnel du conseil lorsqu’il ne relève pas de l’exercice des droits de la défense. Ils reprochaient également à l’article 56-1-2 du même code de prévoir que le secret professionnel du conseil ne peut être invoqué pour s’opposer à la saisie de certains documents même lorsqu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense.

L’Ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine faisait en outre valoir que la condition tenant à l’existence de « raisons plausibles » de soupçonner l’avocat de la commission d’une infraction, exigée lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de ce dernier, serait trop imprécise. Par ailleurs, en cas de contestation de la régularité de la saisie soulevée par le Bâtonnier au cours de la perquisition, le délai de cinq jours dans lequel le juge des libertés et de la détention est tenu de statuer serait trop bref. Il en résulterait une méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées.

Décision du Conseil constitutionnel sur les dispositions contestées de l’article 56-1 du Code de procédure pénale. En premier lieu, les Sages soulignent que ces dispositions n’ont pas pour objet de permettre la saisie de documents relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d’une sanction et relevant, à ce titre, des droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789 N° Lexbase : L1363A9D. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de ces droits ne peut qu’être écarté.

En second lieu, ils relèvent que, d’une part, la perquisition ne peut, à peine de nullité, être réalisée qu’après avoir été autorisée par une décision motivée du juge des libertés et de la détention, qui indique la nature de l’infraction sur laquelle porte les investigations, les raisons justifiant cette mesure, son objet et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits. Lorsqu’une telle mesure est justifiée par la mise en cause de l’avocat, cette autorisation est subordonnée à la condition, qui n’est pas imprécise, tenant à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe. Et, d’autre part, la perquisition ne peut pas conduire à la saisie de documents ou objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans la décision autorisant cette mesure. Elle ne peut être effectuée que par un magistrat et en présence du Bâtonnier ou de son délégué, lequel peut s’opposer à la saisie s’il l’estime irrégulière. Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention statue sur cette contestation, dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée et susceptible d’un recours suspensif devant le président de la chambre de l’instruction.

Dès lors pour les juges de la rue de Montpensier, les dispositions contestées de l’article 56-1 du Code de procédure pénale procèdent à une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances.

Décision du Conseil constitutionnel sur l’article 56-1-2 du Code de procédure pénale. Le Conseil constitutionnel relève, d’abord, qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre la saisie de documents qui tendent à révéler une fraude fiscale ou la commission d’autres infractions. Il a ainsi poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions et de lutte contre la fraude fiscale.

Il ajoute, également que, d’une part, les dispositions contestées ne s’appliquent pas aux documents couverts par le secret professionnel de la défense et, d’autre part, parmi les documents couverts par le secret professionnel du conseil, seuls sont susceptibles d’être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence, financement d’une entreprise terroriste ou encore de blanchiment de ces délits. En outre, le Bâtonnier, son délégué ou la personne chez laquelle il est procédé à la perquisition peuvent s’opposer à la saisie de ces documents dans les conditions prévues aux articles 56-1 et 56-1-1 du Code de procédure pénale. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense, du droit au respect de la vie privée et du secret des correspondances doivent pour les juges être écartés.

Conformité. Pour les Sages, les articles 56-1 et 56-1-2 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire sont donc conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

 

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le secret et la confidentialité des échanges, Secret professionnel et perquisition, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E43653R4.

 

 

newsid:484065

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.