Le Quotidien du 11 janvier 2023 : Actualité judiciaire

[A la une] Des moyens financiers, une refonte du Code de procédure pénale et des idées pour la justice civile… Tour d’horizon des annonces faites par Éric Dupond-Moretti

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[A la une] Des moyens financiers, une refonte du Code de procédure pénale et des idées pour la justice civile… Tour d’horizon des annonces faites par Éric Dupond-Moretti. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/92118904-a-la-une-des-moyens-financiers-une-refonte-du-code-de-procedure-penale-et-des-idees-pour-la-justice-
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par Vincent Vantighem

le 10 Janvier 2023

             C’était le 15 décembre dernier. Éric Dupond-Moretti avait choisi, de bon matin, d’affronter le froid glacial pour se rendre au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). À l’intérieur, la température n’était pas la même. Une centaine de magistrats surchauffés l’attendaient de pied ferme après la publication d’une lettre de leurs dirigeants – procureur et président réunis – dénonçant le manque de moyens criant et leurs problèmes récurrents. Après 45 minutes passées à défendre sa vision des choses autant que sa politique, le ministre a alors donné la parole à la salle qui ne s’est pas fait prier.

            « Vous parlez toujours de difficultés des magistrats. Mais c’est si difficile que ça de parler de souffrance au travail ? », l’attaque ainsi un juge. Avant de passer la parole à un de ses collègues racontant les personnels en pleurs qu’il croise quasi quotidiennement dans ces couloirs défraîchis. Le garde des Sceaux a répondu et a promis de revenir début janvier avec des annonces fortes. C’est celles qu’il a présentées, jeudi 5 janvier, depuis la place Vendôme. Et il a peut-être repensé à cet échange en dévoilant la mise en place à titre expérimental d’un outil permettant d’évaluer « la charge de travail des magistrats » et « objectiver plus finement leurs besoins »… La magistrature souffre. Et le ministre, deux ans après son arrivée, entend bien l’aider. Encore faut-il qu’on lui en laisse le temps… C’est ce qu’il a demandé lors de la présentation de son plan. Tour d’horizon des principales annonces.

Des milliards d’ici 2027

            Éric Dupond-Moretti est un chasseur qui s’y connaît. Et il n’oublie pas les bonnes expressions. Lorsqu’en 2020, il a annoncé un budget en hausse de 8 %, il raconte qu’on lui a rétorqué que ce ne serait « qu’un fusil à un coup ». « Eh bien non, répète-t-il aujourd’hui. Ce n’était pas un fusil à deux coups non plus. C’était un fusil à trois coups ! » voire plus… Après trois années de hausse, le ministre a indiqué que les moyens financiers seraient au rendez-vous de la justice jusqu’en 2027. Il entend ainsi faire passer le budget de 9,6 milliards par an à près de 11 milliards d’euros. Soit une hausse cumulée de 7,4 milliards sous le second quinquennat d’Emmanuel Macron. Une enveloppe nécessaire pour entretenir les prisons et surtout embaucher. Au printemps, il devrait donc défendre une loi de programmation et d’orientation pour financer l’embauche de 10 000 fonctionnaires de justice, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers dans les quatre années à venir. Leurs collègues les attendent déjà.

Une « césure » pour la justice civile

            Le rapport des États généraux de la justice l’a bien résumé : la justice civile craque de partout. Par toutes les coutures. Conséquence : les litiges parfois simples mettent pourtant des années à se régler. Le garde des Sceaux entend bien réduire les délais comme il se targue de l’avoir fait pour les mineurs avec la mise en place, récente, du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM).

            Éric Dupond-Moretti a donc annoncé la création d’une « audience de règlement amiable » qui permettra à un juge de jouer un rôle de « conciliateur » en réunissant toutes les parties au tout début de la procédure pour tenter de trouver un accord qui ne nécessitera plus, ensuite, qu’une homologation. Surtout, il entend créer un mécanisme de « césure » afin de décharger les juges civils. Le principe : trancher le nœud du litige opposant deux parties avant de les laisser s’entendre sur les éventuelles questions d’indemnisation. L’idée paraît simple. Trop peut-être. Elle laisse pour l’instant les civilistes assez dubitatifs sur la capacité des gens opposés à s’entendre, tous seuls, sur un montant financier une fois qu’un juge aura déterminé qui a raison et qui a tort…

Une refonte de la procédure pénale

            Lors de sa conférence de presse, Éric Dupond-Moretti s’est emparé d’un Code de procédure pénale dont il a soupesé les pages. Il n’existera bientôt plus sous cette forme. Comme le lui avaient réclamé notamment les syndicats de policiers, le ministre a annoncé la réécriture « à droit constant » du Code de procédure pénale avec un « comité scientifique » d’experts. Le tout sous la supervision d’un groupe de parlementaires représentant tous les bords politiques. Sur ce point, il entend légiférer par ordonnance. Le but : faciliter les procédures et donc gagner du temps, de l’argent aussi et de la qualité de travail pour tous.

            Au passage, le ministre a également annoncé l’autorisation, désormais, des perquisitions de nuit en droit commun comme c’est déjà possible aujourd’hui en matière de terrorisme ou de criminalité organisée. Ainsi que de nouveaux droits pour les personnes placées sous le statut de « témoin assisté » lors des informations judiciaires. Reste à savoir lesquels exactement…

Des responsabilités pour les chefs de juridiction

            Va-t-il parvenir à terrasser la lourdeur administrative ? C’est en tout cas l’objectif. Le ministre entend donner plus de prérogatives aux chefs de juridiction en matière immobilière, budgétaire et de ressources humaines afin de gagner du temps et de rationaliser les remontées vers les maisons centrales. Aujourd’hui, chaque initiative se heurte aux murs de procédures à remplir qui donneraient presque à la visite d’Astérix dans la maison des fous (Les douze travaux d’Astérix) un air de conte de fées.

            Et puis, le ministre veut enfin que la justice se numérise. Et pour cela, il fixe des objectifs : zéro papier pour le ministère et les juridictions civiles et pénales à l’horizon 2027. Il n’y a plus qu’à s’y mettre. Pour les justiciables, le ministre prévoit la création d’une application sur smartphone qui pourra, dit-il, leur permettre de faire une demande d’indemnisation devant le tribunal judiciaire ou une demande d’aide juridictionnelle.

Évaluer la situation dans les prisons

            La crise du Covid n’était qu’une bouffée d’oxygène pour les prisons. Après une « pause » conséquente en 2020, la surpopulation carcérale repart clairement à la hausse et bat, chaque année, de nouveaux records. Le ministre a déploré ne pas avoir de « baguette magique », mais a tout de même lancé quelques idées. La première consistera à évaluer la réforme de sa prédécesseure, Nicole Belloubet, qui avait interdit les peines d’incarcération inférieures à un mois.

            Au surplus, Éric Dupond-Moretti a réclamé que les surveillants pénitentiaires soient désormais équipés de caméras-piétons pour éviter les problèmes en détention. La mort d’Yvan Colonna, agressé derrière les barreaux d’Arles (Bouches-du-Rhône) il y a un an, n’y est sans doute pas pour rien…

            Autant d’annonces qui ont suscité des réactions de « prudence » de la part des syndicats de magistrats. En froid avec leur ministre depuis des années, ils attendent désormais de voir comment toutes ces mesures vont se décliner, tout en reconnaissant un effort budgétaire important. « Nous avons fait beaucoup. Mais il reste beaucoup à faire », avait insisté avant Éric Dupond-Moretti. C’est sans doute le seul constat sur lequel tout le monde est d’accord aujourd’hui.

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