Le Quotidien du 22 décembre 2022 : Droit pénal des affaires

[Brèves] Visites des enquêteurs de l’AMF : l’Assemblée plénière dit son dernier mot sur la saisissabilité des documents des personnes de passage

Réf. : Cass. ass. plén., 16 décembre 2022, n° R 21-23.719 et n° D 21-23.685 N° Lexbase : A96968Z7

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par Helena Viana

le 25 Janvier 2023

► Il importe peu que les documents et supports, saisies dans le cadre de visites domiciliaires des enquêteurs de l’AMF, appartiennent ou soient à la disposition de l’occupant des lieux. Ainsi, peuvent être saisis des éléments qui appartiennent indifféremment à l’occupant des lieux ou à une personne de passage dans ces lieux, à la double condition que le JLD ait désigné ces lieux comme pouvant faire l’objet d’une visite domiciliaire et de saisies et que les objets saisis aient un lien avec l’enquête.

Faits. Les affaires portées en l’espèce devant la Chambre criminelle concernent toutes deux des visites domiciliaires et des saisies effectuées par des enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers et autorisées par un juge des libertés et de la détention (JLD) dans les locaux d’une société sur le fondement de l’article L.621-12 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L0388LTK. Étaient recherchées des preuves d’une atteinte à la transparence des marchés en raison de suspicions sur les conditions dans lesquelles des informations dont était détenteur le directeur général d’une seconde société avaient pu être utilisées par la société objet de la visite domiciliaire, et ce avant leur communication au public. L’autorisation visait l'article 621-1 du règlement général de l'AMF et la notion d’information privilégiée.

Ces opérations de visite ont eu lieu lors de la tenue du conseil d’administration de la première société, auquel les représentants de la seconde société ont participé. Ont ainsi été saisis des ordinateurs et téléphones portables appartenant à ces représentants.

Procédure. La Cour de cassation, dans sa formation commerciale, avait déjà eu à connaître de ces affaires en octobre 2020 et avait censuré les ordonnances de la cour d’appel ayant confirmé l’autorisation des saisies. Les juges du fond avaient considéré que la seule présence de l’intéressé dans les locaux suffisait à caractériser la qualité d’« occupant des lieux » au sens de l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier. Au contraire, la Chambre commerciale avait quant à elle estimé que la simple présence de l'intéressé dans les locaux le jour de la visite ne lui conférait pas la qualité d'occupant des lieux au sens de ce même article, et ce quand bien même le passage de ces individus était attendu (Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-15.840, FS-P+B N° Lexbase : A96203XL). La cour d’appel statuant sur renvoi a décidé de ne pas suivre la solution des Hauts magistrats et a considéré que les représentants, en leur qualité d’administrateurs étaient de toute évidence des « occupants des lieux » au sens du Code monétaire et financier.

Pourvoi. Dans le pourvoi n° R 21-23.719 les demanderesses soutenaient notamment qu’il ne pouvait leur être conféré la qualité d’occupant, nonobstant l’existence des liens juridiques qu’elles entretiennent avec la société et la fréquence à laquelle elles étaient présentes dans les locaux. Elles se joignent à l’interprétation de la Chambre commerciale et estiment que la simple présence passagère au siège social, quand bien même elle serait d’ordre professionnel, pour la tenue du conseil d’administration, ne saurait conférer cette qualité.

Dans le second pourvoi n° D 21-23.685, le demandeur invoquait également une violation des articles L. 621-12 du Code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4798AQR, estimant ne pas avoir la qualité d’« occupant » au sens de l’article précité.

Le dernier mot de l’Assemblée plénière. Réunie en sa formation la plus solennelle, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté le moyen soulevé dans les deux espèces quasiment identiques et infléchi de ce fait la position de la Chambre commerciale.

Elle rappelle les conditions dans lesquelles le Code monétaire et financier permet au JLD d’autoriser les enquêteurs de l’AMF à effectuer des visites et des saisies, telles que posées par l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier.

De ce postulat elle déduit que l’appartenance à l’occupant des documents et supports d’information, ou leur mise à la disposition de celui-ci est sans incidence sur le caractère saisissable de ces documents et supports. Ce qui importe c’est que les éléments saisis soient en lien avec l’objet de l’enquête et qu’ils aient été trouvés dans le lieu désigné par l’ordonnance du JLD ou aient été accessibles depuis ceux-ci.

La formule est volontairement large, en raison de la nécessité dans une société démocratique d’assurer la « protection des investisseurs, la régulation et la transparence des marchés financiers ». En somme, la fin justifie donc les moyens, et pour la Haute juridiction aucune atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ne saurait être alléguée. Cette position se justifie pour la Cour par le fait que les opérations sont préalablement autorisées par un juge, qu’elles s’effectuent sous son contrôle et en présence d’un officier de police judiciaire et de l’occupant qui prend connaissance des pièces avant qu’elles soient saisies, qu’elles n’ont lieu que dans les locaux spécifiquement désignés par ce juge, que les personnes intéressées sont informées de leurs droits, qu’elles peuvent être contestées et enfin que les éléments saisis sont strictement nécessaires à la recherche des infractions précitées.

Pour aller plus loin : V. Téchené, Visites et saisies par les enquêteurs de l’AMF : insaisissabilité des documents et supports d’information des personnes de passage au moment de la visite, Lexbase Affaires, novembre 2020, n° 653 N° Lexbase : N5128BYL.

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