Le Quotidien du 9 décembre 2022 : Assurances

[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : victoire d’AXA devant la Cour de cassation !

Réf. : Cass. civ. 2, 1er décembre 2022, 4 arrêts, n° 21-15.392 N° Lexbase : A45218WD, n° 21-19.341 N° Lexbase : A45408W3, n° 21-19.342 N° Lexbase : A54888W8, et n° 21-19.343 N° Lexbase : A54858W3, FS-B+R

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[Brèves] Garantie pertes d’exploitation des restaurateurs et Covid-19 : victoire d’AXA devant la Cour de cassation !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90467547-brevesgarantiepertesdexploitationdesrestaurateursetcovid19victoiredaxadevantlacourdeca
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 08 Décembre 2022

► Par quatre arrêts rendus le 1er décembre 2022, la Cour de cassation se prononce pour la première fois dans le cadre du contentieux opposant AXA à de nombreux restaurateurs réclamant la prise en charge des « pertes d’exploitation » subies du fait de la fermeture administrative imposée durant la crise sanitaire, dans le cadre de leur contrat d’assurance multirisques professionnelles, au titre de la « garantie perte d’exploitation en cas de fermeture administrative à la suite d’une épidémie » telle que prévue par le contrat ; censurant les arrêts rendus par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la Haute juridiction valide l’applicabilité de la clause d’exclusion de garantie litigieuse opposée par l’assureur.

Faits et procédure. En l’espèce, les affaires opposaient l’assureur AXA à différentes sociétés exploitant un fonds de commerce de restauration, ayant souscrit auprès de cet assureur un contrat d'assurance « multirisque professionnelle », comportant une garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » (dans l’affaire n° 21-15.392), et une garantie « protection financière » (dans les affaires n° 21-19.341, n° 21-19.342 et n° 21-19.343).

À la suite de l’arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, édictant notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, les sociétés avaient effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisées de leurs pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

L'assureur avait refusé de garantir les sinistres en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Les sociétés avaient effectué d’autres déclarations de sinistre à la suite de nouvelles fermetures administratives.

Elles avaient assigné l'assureur devant un tribunal de commerce à fin de garantie.

Décisions CA Aix-en-Provence. Pour rappel, la cour d’appel d’Aix-en-Provence fut la première des cours d’appel à se prononcer dans le cadre de ce contentieux, jugeant que devait être déclarée inopposable la clause excluant une telle garantie (CA Aix-en-Provence, 20 mai 2021, n° 20/10358 N° Lexbase : A35714S3, n° 20/13305 N° Lexbase : A42144SU et n° 20/08317 N° Lexbase : A43504SW ; v. notre brève, Lexbase Droit privé, n° 856, 4 mars 2021 N° Lexbase : N6635BYE ; v. R. Bigot, A. Cayol, obs. in Chronique de droit des assurances – Avril 2021, Lexbase Droit privé, n° 861, 8 avril 2021 N° Lexbase : N7115BY8).

Cassation. Sur pourvoi formé par l’assureur, la Cour suprême censure les décisions, sur deux points, au visa de l’article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH, dont elle rappelle les conditions d’application qui en résultent, à savoir que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

  • Sur le caractère « formel » et l’imprécision retenue par la cour d’appel de la clause d'exclusion du fait de l'absence de définition contractuelle du terme « épidémie »

La Haute juridiction rappelle qu’une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

Dans ses arrêts rendus le 20 mai 2021, la cour d’appel avait retenu que si le terme « épidémie », que le contrat ne définissait pas, invoqué comme « cause identique » de fermeture administrative, devait être interprété, il en résultait nécessairement que la clause d'exclusion qui le visait ne pouvait être qualifiée de formelle, au sens des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances. Elle ajoutait que pour appréhender le mot « épidémie » et la notion de « population », l'assuré aurait dû préalablement consulter divers sites, rapports, articles de presse ou médecins.

À tort, selon la Cour régulatrice qui relève que la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'était pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » était sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait.

  • Sur le caractère « limité » de la clause d'exclusion

La Cour régulatrice rappelle ensuite qu’une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

En l’espèce, la cour d’appel, après avoir rappelé les termes de l'extension de garantie et ceux de la clause d'exclusion, avait retenu, d'abord, que l'obligation essentielle de l'assureur était celle d'indemniser son assuré des pertes d'exploitation subies à la suite d'une fermeture administrative en raison d'une épidémie.

Elle énonçait, ensuite, que l'exclusion n’était pas limitée dès lors qu'elle visait tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l'objet d'une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d'un village ou d'une ville, et que l'application pure et simple de cette clause aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie.

Ajoutant que l'assureur ne produisait aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d'épidémie, la cour en déduisait que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du Code des assurances

Là encore, le raisonnement est censuré par la Cour de cassation, qui relève que la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'avait pas pour effet de vider la garantie de sa substance.

Pour aller plus loin : à noter que ces arrêts feront l'objet d'un commentaire approfondi dans la prochaine chronique de droit des Assurances d'Amandine Cayol et Rodolphe Bigot, à paraître dans la revue Lexbase Droit privé, n° 928 du 15 décembre 2022.

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