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N3277BZE
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par Thierry Favario, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3
le 16 Novembre 2022
Le présent article est issu d’un dossier spécial intitulé « Les déclinaisons du professionnel » et publié dans l’édition n° 735 du 17 novembre 2022 de la revue Lexbase Affaires. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici N° Lexbase : N3283BZM.
1. Le banquier, naturellement. Mais la réponse est un peu courte : le banquier est un exemple de « créancier professionnel » ; il en est peut-être l’archétype. On ne saurait cependant réserver cette qualification au seul banquier si bien qu’une recherche plus approfondie s’impose, nécessairement.
2. Définitions. La définition du « créancier » est connue : il est le « titulaire d’une créance », celui « à qui le débiteur doit quelque chose », le « sujet actif de l’obligation » [1]. La créance peut être de somme d’argent mais pas seulement [2]. Pareille définition juridique marque par sa rigueur mais masque la réalité d’un rapport de force : le créancier est celui à qui « on doit » et qui peut donc exiger et contraindre. Un créancier peut rapidement se métamorphoser : partenaire enthousiaste ; partie exigeante attachée à la force obligatoire du contrat conclu [3] ; demandeur menaçant voire belliqueux : il n’est ainsi pas rare de voir un débiteur souhaiter in fine « fuir ses créanciers ». L’adjectif « professionnel », utilisé pour qualifier le « créancier », est ambivalent en ce qu’il limite et élargit le sujet. La limite tient à l’exclusion imposée : tous les créanciers ne sont pas visés, mais seulement un sous-ensemble de cette vaste catégorie, les professionnels par opposition aux non-professionnels ; l’élargissement découle du sens même de l’adjectif : « inhérent à la profession ; lié à son exercice » [4]. Le créancier l’est donc à raison de sa profession soit « l’activité habituellement exercée par une personne pour se procurer les ressources nécessaires à son existence » [5]. L’entrepreneur donc, en nom ou en société… et pourquoi pas le salarié, titulaire d’une créance de salaire à raison de l’exercice de sa profession ? Cette définition est à rapprocher de celle du professionnel, retenue par le Code de la consommation [6]. Au terme de ces définitions, c’est peu écrire que le flou persiste autour de l’expression « créancier professionnel » et qu’un effort supplémentaire de qualification s’imposera dans le cadre de cette étude.
3. Problématiques. Car le juriste raisonne simplement : d’une qualification doit découler un régime ; à la notion de « créancier professionnel » devrait donc être attachée l’application d’un ensemble de règles. En d’autres termes, la notion de « créancier professionnel » devrait renvoyer à un statut juridique, un complexe de droits et d’obligations lié à cette qualification. Si l’on s’en tient aux seuls entrepreneurs, ce statut se compose a priori de deux strates. La première forme le statut élémentaire, applicable à tout « créancier professionnel », peu important la nature de sa profession. Evoquer le caractère fragmentaire de ce statut est une litote. L’expression « créancier professionnel », longtemps logée dans le Code de la consommation, a finalement migré vers les codes civil [7], de commerce [8] et monétaire et financier [9]. Et ces dispositions légales ne s’entendent qu’éclairées par la jurisprudence. Bornons-nous pour l’instant à relever que ce statut élémentaire réunit les droits et obligations fondant une espèce de droit commun à tous les créanciers professionnels. La seconde strate est le statut complémentaire de ce « créancier professionnel ». Il comprend les règles spécialement liées à l’exercice d’une profession donnée. Banquier, sous-traitant et avocat sont ainsi tous des créanciers professionnels, mais chacun est contraint par des règles qui lui sont propres, inhérentes à sa profession. Ces règles se caractérisent par la diversité de leur nature : généralement légales et réglementaires, elles peuvent également être déontologiques, particulièrement quand le créancier exerce une profession libérale réglementée [10]. Les créanciers professionnels sont ainsi soumis à un droit commun et à leur droit professionnel. Ce constat conduit à adopter une focale large compte tenu du cadre étroit de cette étude.
4. Plan. Flou persistant et focale large : décidément, la notion de « créancier professionnel » mérite que l’on s’y attarde. L’étude se veut nécessairement didactique : celle-ci envisagera en premier lieu ce qu’est un « créancier professionnel » (I), puis en second lieu le comportement normalement attendu de ce dernier (II).
I. Être
5. Le « créancier professionnel » ne se qualifie pas en une fois et d’un bloc : il convient au contraire de procéder par approches successives en envisageant ce qu’il est puis ce qu’il n’est pas. L’exposé d’une thèse (A) précèdera l’antithèse (B).
A. Thèse : ce qu’il est
6. Dire ce que le « créancier professionnel » est. La proposition est ambitieuse. Il est vrai qu’hier, le « créancier professionnel » était bien connu. Aujourd’hui, des incertitudes peuvent cependant naître d’évolutions récentes du droit positif.
7. Certitudes d’hier. Commençons par les certitudes d’hier. Au temps où l’expression « créancier professionnel » hantait le Code de la consommation, le juge avait dû en définir les contours. L’enjeu était de taille mais circonscrit : ni plus ni moins que la remise en cause de l’efficacité du cautionnement bénéficiant à ce type de créancier, dès lors que l’acte était dénué d’une certaine mention manuscrite [11] ou carrément disproportionné [12]. La Cour de cassation avait ainsi énoncé que « le créancier professionnel au sens de ces textes [article L. 341-2 N° Lexbase : L5668DLI et L. 341-3 N° Lexbase : L5675DLR, devenus L. 331-1 . N° Lexbase : L1165K7B et L. 331-2 N° Lexbase : L1164K7A du Code de la consommation] s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles » [13], peu important que celle-ci ne soit pas principale [14]. La migration des dispositions du Code de consommation vers le Code civil remettra-t-elle en cause cette approche de la notion de « créancier professionnel » ? La lecture du rapport présentant l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés, au Président de la République N° Lexbase : Z442981N, ne laisse rien présager de tel : il s’agit d’unifier au sein du Code civil des règles auparavant dispersées dans divers codes, sans affecter leur substance. Le « créancier professionnel » du Code civil sera donc le même, sauf évolution de jurisprudence, que celui du Code de la consommation.
8. Les doutes d’aujourd’hui. Les occurrences de l’expression « créancier professionnel » citées précédemment ne concernent que le régime du cautionnement. Or, la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, rénovant le statut de l’entrepreneur individuel N° Lexbase : L3215MBP, par une scission de son patrimoine selon qu’il est le gage de titulaires de créances professionnelles ou non professionnelles [15], envisage la situation sous un angle différent. S’attachant au gage des créanciers de l’entrepreneur individuel, les dispositions légales distinguent selon la nature de la créance, professionnelle ou non professionnelle, du point de vue de l’entrepreneur, et non selon la qualité de son créancier [16]. Dans la plupart des cas, la coïncidence s’imposera : la créance professionnelle du point de vue de l’entrepreneur individuel aura pour titulaire un « créancier professionnel ». Mais la coïncidence ne sera pas parfaite : ledit entrepreneur pourrait ainsi avoir une dette professionnelle envers un créancier non professionnel ; que l’on songe au prêt d’un membre de sa famille ou d’un ami destiné à financer l’acquisition d’un bien nécessaire à l’exploitation de l’entreprise. Est-ce du reste pour prévenir le risque de contentieux lié à pareil hiatus que la loi affirme que « les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l’occasion de son exercice professionnel » [17] ? Subtilité d’un lien de droit, simultanément considéré comme une dette professionnelle et comme une créance non-professionnelle selon que l’on se place du point de vue du débiteur ou du créancier. En d’autres termes, la loi du 14 février 2022 met en lumière la figure singulière du créancier non-professionnel mais titulaire d’une créance professionnelle, singularité dont la loi ne tient peut-être pas suffisamment compte.
B. Antithèse : ce qu’il n’est pas
9. À partir de la stricte définition prétorienne du « créancier professionnel » au sens des dispositions consuméristes anciennes, il devrait être possible de définir, par antithèse, les personnes qui n’entrent pas dans cette catégorie.
10. Principes : blanc et noir. L’antithèse du « créancier professionnel » est celui « non professionnel » soit le créancier dont la créance est née dénuée de lien avec son activité professionnelle. Tel est le cas, par exemple du prêt d’un ami à un entrepreneur : pareil prêt ne lui confère pas la qualité de « créancier professionnel ». Réciproquement, le prêt de l’entrepreneur individuel à un ami n’en fait pas un « créancier professionnel ». Le raisonnement est invariable : d’abord identifier l’activité du créancier, ensuite l’existence ou non d’un lien entre la créance et cette activité. La déclaration de son activité par l’entrepreneur individuel, à l’occasion de son immatriculation à un registre professionnel, facilite la qualification. Le raisonnement paraît plus simple encore pour une personne morale de droit privé, notamment une société, celle-ci constituant per se et exclusivement un patrimoine affecté de nature professionnelle tandis que son objet social défini statutairement [18] et accessible aux tiers via un Kbis, fixe les contours de son activité. En d’autres termes, une société ne pourrait théoriquement être qu’un « créancier professionnel » tant on imagine mal dans quels cas il pourrait en aller autrement : soit la créance est liée à son objet social et la société est un « créancier professionnel » ; soit elle ne l’est pas et la situation est juridiquement anormale.
11. Difficultés : entre gris clair et gris foncé. Entrer dans le détail des situations conduit évidemment à considérer certaines nuances. Qu’il soit jugé que la cession par un associé de ses titres sociaux ou le remboursement des avances qu’il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l’exercice d’une activité professionnelle, peu important que cet associé ait été le gérant de la société cédée si bien que cet associé n’est pas un créancier professionnel et que les dispositions protectrices de la caution ne s’appliquent pas, est logique [19]. Qu’il en aille de même du créancier personne physique qui, ayant cédé des parts lui appartenant dans le capital d'une société commerciale dont il est le gérant, agit en paiement du prix de cession, ce qui retentit sur les modalités de calcul de l’intérêt légal, ne choque pas [20]. Quid cependant de l’entrepreneur individuel qui, se prêtant au rôle de business angel, prête de l’argent à une société nouvelle opérant en-dehors de son propre secteur d’activité ? Est-il un créancier professionnel ? Son activité de business angel pourrait être qualifiée d’accessoire de sa profession principale. S’agissant des personnes morales, que l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST), dont l’objet est la fourniture à ses adhérents de la garantie financière légalement exigée pour exercer l’activité d’agent de voyages, quand bien même son activité est non lucrative soit considérée comme un créancier professionnel ne heurte pas [21]. Une association au sens de la loi du 1er juillet 1901 peut donc être considérée comme un créancier professionnel dès lors que la créance se rattache à son objet… peu important le défaut de professionnalisme de ses dirigeants. Quid de la société commerciale qui prête une somme d’argent à une autre dans le cadre d’un prêt inter-entreprises [22] ? Peut-elle être considérée comme un « créancier professionnel » [23] ? La question mérite d’être posée. Encore n’évoque-t-on pas l’épineuse application de cette qualification à la société civile immobilière [24]… finalement tranchée dans le sens de la négative par la troisième chambre civile de la Cour de cassation [25].
12. La qualification de « créancier professionnel » dépend en somme de l’appréciation du lien entre la créance et l’activité professionnelle du créancier : lien direct et principal ou indirect car accessoire ? La première option, plus stricte, paraît préférable, la reconnaissance du statut de « créancier professionnel » entraînant en effet des sujétions auxquelles les autres créanciers échappent.
II. Se comporter
13. La reconnaissance de la qualité de « créancier professionnel » retentit notablement sur le comportement attendu de ce dernier à l’égard de son débiteur. Cela se traduit plus précisément par une densification de ses diligences soit positivement, soit négativement. En d’autres termes, plus qu’un autre créancier, celui « professionnel » s’oblige (A) et s’abstient (B).
A. Être obligé de
14. Si la densification des obligations du « créancier professionnel » se constate aux différents stades de la relation contractuelle le liant à son débiteur [26], elle est particulièrement nette en amont et en aval de la relation.
15. En amont. Il s’agit sans doute de la marque principale du « créancier professionnel ». Alors que toute partie qui entend contracter est tenue à une obligation d’information portant sur les éléments ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties [27], le « créancier professionnel » est par ailleurs obligé à un devoir de conseil. Absent du Code civil, posé par la jurisprudence et développé dans le cadre des règles de déontologie, le devoir de conseil est impérativement mais exclusivement attendu du « créancier professionnel », singulièrement du banquier évidemment. Ce dernier peut même être tenu à un devoir de mise en garde, en présence d’une caution personne physique, lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier [28]. Rappelons que ce devoir de mise en garde, d’origine prétorienne, a un domaine qui excède la seule conclusion d’un cautionnement pour concerner tous les cas d’octroi d’un financement par un établissement de crédit [29]. Devoirs de conseil et le cas échéant de mise en garde constituent de véritables injonctions professionnelles : on ne saurait mieux montrer la densification des obligations du « créancier professionnel » en amont de la relation le liant à son débiteur.
16. En aval. La qualité de « créancier professionnel » oblige à prendre des précautions particulières quand est envisagée la rupture d’une relation contractuelle à durée indéterminée ou s’inscrivant dans la durée. Ces précautions s’imposent au vrai à tous, créanciers peu important leur qualité, voire débiteurs [30]. Elles sont cependant exacerbées par le droit spécial de la concurrence qui sanctionne la fameuse « rupture brutale » d’une relation commerciale établie [31]. L’article L. 442-1, II, alinéa 3, du Code de commerce N° Lexbase : L6216L8Q dispense certes de préavis l’auteur de la rupture en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations mais le juge a précisément estimé que le fait de ne pas être à jour des paiements ne constituait pas per se, une faute grave autorisant une rupture sans préavis [32]. On remarquera que l’expression « relation commerciale établie » conduit à exclure du domaine du texte de nombreux créanciers professionnels à l’image de ceux du secteur libéral médical [33] et de certains professionnels du droit [34]. Ceux-ci sont donc soumis au droit commun ou à des règles spéciales, déontologiques [35] voire légales. Tel est le cas des établissements de crédit ou les sociétés de financement, le cœur de la catégorie « créancier professionnel », lesquels sont tenus de respecter les prescriptions de l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L2507IX7, notamment un délai de préavis de 60 jours a minima, quand ils envisagent de réduire ou de supprimer les concours accordés à une entreprise. Si les textes sont épars, le principe est cependant clair : un « créancier professionnel » est bien tenu à des diligences particulières quand il envisage de rompre une relation contractuelle ancrée dans la durée.
B. S’abstenir de
17. Reconnaître la qualité de « créancier professionnel » doit conduire son titulaire à une certaine modération dans ses rapports avec son débiteur. La loi impose ponctuellement pareille modération : le créancier est ainsi tenu de limiter son droit de créance et, en principe, obligé de limiter son droit de gage.
18. Limiter son droit de créance. Le Législateur a naturellement conscience que le « créancier professionnel » est généralement en position de force dans la relation contractuelle. Le droit commun des obligations tente certes d’instaurer un équilibre entre les parties. Reposant sur une logique abstraite, le droit civil ignore cependant la réalité des rapports de force dont d’autres branches du droit se font au contraire l’écho. Le « créancier professionnel » devrait par principe s’abstenir d’abuser de sa position de force envers son débiteur pour étendre excessivement son droit de créance envers lui. La règle est expressément énoncée s’agissant du cautionnement souscrit par une personne physique envers un « créancier professionnel », manifestement disproportionné [36]. Elle rencontre de nombreuses manifestations dans d’autres dispositions légales. La disproportion [37] voisine ainsi avec le « déséquilibre significatif » [38] dans l’énumération des pratiques restrictives de concurrence, lesquelles impliquent forcément un créancier professionnel [39]. Un certain nombre d’actes, susceptibles d’être annulés s’ils ont été conclus en « période suspecte » rendent également compte de cette obligation du « créancier professionnel » de ne pas abuser de sa position et de limiter son droit de créance [40]. Reste naturellement la plus emblématique des dispositions, soit celle déclarant « abusives », dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » [41]. Emblématique car une des premières dispositions légales attirant l’attention sur le statut particulier du « créancier professionnel » [42], sur les risques d’abus liés à ce statut… et sur l’injonction implicite qui lui est faite de s’abstenir.
19. Limiter son droit de gage. C’est bien encore de modération dont il est question quand est envisagé le droit de gage du créancier professionnel sur l’entrepreneur individuel. On sait que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers [43]. Il s’agit déjà d’une limite en soi. La loi du 14 février 2022 en a institué une seconde quand le débiteur est un entrepreneur individuel : ce dernier n’est en principe tenu de remplir son engagement à l’égard des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel [44]. Si la loi envisage la nature de la créance et non du créancier, ce sont naturellement des « créanciers professionnels » qui seront principalement concernés par cette limitation. N’est-ce pas, du reste, en raison d’une telle assimilation que la loi a particulièrement encadré les conditions d’une renonciation par l’entrepreneur individuel au bénéfice du cloisonnement patrimonial légal [45] ? Le Législateur avait sans doute en tête le cas du banquier faisant renoncer l’entrepreneur individuel au bénéfice de la protection légale… Au renfort de cette analyse, il n’est pas anodin de constater que les mesures de protection du renonçant s’inspirent du droit de la consommation : formes prescrites à peine de nullité, délai de réflexion de sept jours… En d’autres termes, nonobstant la qualité de « professionnel » de l’entrepreneur individuel, la loi s’inscrit, quoiqu’imparfaitement, dans un schéma mettant en présence un « créancier professionnel » et une personne physique, pareil schéma imposant du premier des devoirs supplémentaires envers le second et notamment celui de se modérer.
***
20. En conclusion. Parvenu au terme de cette brève étude, une simple esquisse du portrait-robot de « créancier professionnel » est proposée, comme des règles qui lui seraient spécialement dédiées. L’étude serait donc à parfaire. En passant, on ne peut toutefois manquer d’être frappé par deux situations. La première est celle du créancier non professionnel dont la créance présente un caractère professionnel pour l’entrepreneur individuel. Celui-là sera-t-il au fait des subtilités affectant son gage sur celui-ci ? On peut en douter si bien que prévoir, de lege ferenda, une information particulière de ce créancier « profane » contractant avec l’entrepreneur individuel serait opportun. La seconde situation est le traitement uniforme des créanciers du débiteur défaillant au sens du livre VI du Code de commerce. Il est ainsi surprenant de constater que tous les créanciers, professionnels ou non, sont soumis à une unique discipline collective. Il paraît discutable de soumettre aux mêmes règles de déclaration des créances par exemple, une banque rompue aux usages des affaires et l’ami désintéressé quoique créancier de l’entrepreneur. La césure, à approfondir, pourrait ainsi aboutir à un traitement différencié de la situation du créancier, selon son statut. Le « créancier professionnel » est ainsi une expression féconde, en quête d’une qualification et d’un régime dédié.
[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, Puf, Quadrige, 2002, V° CRÉANCIER.
[2] C. civ., art. 1163, al. 1er N° Lexbase : L0883KZQ : « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future ».
[3] C. civ., art. 1103 N° Lexbase : L0822KZH : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
[4] G. Cornu, op. cit. V° PROFESSIONNEL, ELLE.
[5] G. Cornu, op. cit. V° PROFESSION.
[6] C. consom., art. liminaire N° Lexbase : Z63103TQ : « Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
[7] Elle a ainsi fait une entrée remarquée dans le Code civil, singulièrement dans les dispositions relatives au cautionnement (par ex. : art. 2299 N° Lexbase : L0173L8W, 2302 N° Lexbase : L0153L88, 2303 N° Lexbase : L0154L89 du Code civil), par le truchement de l’ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés N° Lexbase : L8997L7D).
[8] C. com., art. L. 622-6 N° Lexbase : L3680MBW.
[9] C. mon. fin., art. L. 313-2, al. 2 N° Lexbase : L0226I47: « [Le taux de l’intérêt légal] comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas ».
[10] C’est le cas, par exemple, de l’avocat, dont le traitement des honoraires fait l’objet de dispositions particulières, notamment en cas de contestation : art. 174 et s. du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID.
[11] C. consom., art. L. 331-1, anc. N° Lexbase : L1165K7B et L. 331-2, anc. N° Lexbase : L1164K7A.
[12] C. consom., art. L. 332-1, anc N° Lexbase : L1162K78.
[13] Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-26.630, FS-P+B N° Lexbase : A5284IAX – Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-24.895, FS-P+B+I N° Lexbase : A1400WTZ.
[14] Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I N° Lexbase : A7351EI4.
[15] C. com., art. L. 526-22 et s. N° Lexbase : L3666MBE.
[16] C. com., art. L. 526-22, al. 4 : « Par dérogation aux articles 2284 N° Lexbase : L1112HIZ et 2285 N° Lexbase : L1113HI3 du Code civil […], l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel ».
[17] C. com., art. L. 526-22, al. 5.
[18] C. civ., art. 1833, al. 1er N° Lexbase : L8681LQL et 1835 N° Lexbase : L8682LQM.
[19] Cass. com., 8 septembre 2021, n° 20-17.035, FS-D N° Lexbase : A258944N.
[20] Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-11.845, F-B N° Lexbase : A94367P8.
[21] Cass. com., 27 septembre 2017, préc.
[22] C. mon. fin., art. L. 511-6, 3bis N° Lexbase : L1674MAA.
[23] Il est vrai que la loi précise que le prêt est consenti à titre accessoire à son activité principale.
[24] CA Lyon, 30 janvier 2018, n° 16/02577 N° Lexbase : A0408XC4, JCP N, 2018, 1297, note Th. de Ravel d’Esclapon.
[25] Cass. civ. 3, 17 février 2022, n° 21-12.934, FS-B N° Lexbase : A40677NX.
[26] Le « créancier professionnel » n’a-t-il pas une obligation particulière de « surveiller » le devenir de sa créance face au risque de défaillance de son débiteur ?
[27] C. civ., art. 1112-1 N° Lexbase : L0598KZ8.
[28] C. civ., art. 2299, al. 1er N° Lexbase : L0173L8W..
[29] Par ex. : Cass. com., 1er juillet 2020, n° 19-10.641, F-D N° Lexbase : A55943QA : « La banque qui consent à un emprunteur un crédit adapté au regard de ses capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt à la date de conclusion du contrat, n’est pas, en l’absence de risque, tenue à une obligation de mise en garde ».
[30] C. civ., 1211 N° Lexbase : L0927KZD : « Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ».
[31] C. com., art. L. 442-1, II N° Lexbase : L6216L8Q
[32] Cass. com., 20 septembre 2016, n° 13-15.935, FS-P+B N° Lexbase : A0139R4W.
[33] Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.774, FS-P+B N° Lexbase : A8484DYU – Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-16.139, F-P N° Lexbase : A47444NZ (chirurgien-dentiste et fournisseur de matériel dentaire).
[34] Cass. com., 20 janv. 2009, n° 07-17.556, F-P+B N° Lexbase : A6375EC4 (notaire) – Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-17.905, F-P+B N° Lexbase : A6378KBT (conseil en propriété industrielle).
[35] Décret n° 2005-790, du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat, art. 11, al. 3 N° Lexbase : L6025IGA : « À défaut de paiement de la provision demandée, l’avocat peut renoncer à s’occuper de l’affaire ou s’en retirer dans les conditions prévues à l’article 13. Il fournit à son client toute information nécessaire à cet effet ».
[36] C. civ., art. 2300 N° Lexbase : L0174L8X.
[37] C. com., art. L. 442-1, I, 1°.
[38] C. com., art. L. 442-1, I, 2°.
[39] Désigné comme « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » : C. com., art. L. 442-1, I, al. 1er.
[40] Par ex. : C. com., art. L. 632-1, I, 2° N° Lexbase : L3688MB9.
[41] C. consom., art. L. 212-1, al. 1er N° Lexbase : L3278K9B.
[42] Pour l’application de la qualification de « professionnel » à une association : Cass. com., 28 septembre 2022, n° 21-12.501, F-D N° Lexbase : A22168MZ.
[43] C. civ., art. 2285 N° Lexbase : L1113HI3.
[44] C. com., art. L. 526-22.
[45] C. com., art. L. 526-25 N° Lexbase : L3669MBI.
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