Réf. : Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT
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par Helena Viana
le 29 Novembre 2022
Les dispositions relatives au droit de se taire devant les juridictions pénales, qui ont pour objet d’empêcher qu’une personne prévenue d’une infraction ne contribue à sa propre incrimination, ne sont pas applicables devant les juridictions de l’application des peines, qui se prononcent seulement sur les modalités d’exécution d’une sanction décidée par la juridiction de jugement.
Faits et procédure. Après avoir été condamné à une peine d’emprisonnement avec un sursis mise à l’épreuve, un individu s’est vu révoquer ledit sursis à hauteur de 18 mois par le juge de l’application des peines après débat contradictoire.
En cause d’appel. Statuant sur l’appel de l’intéressé, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Grenoble confirme le jugement du juge de l’application des peines ayant prononcé la révocation.
Moyens du pourvoi. Il est fait grief à la cour d’appel d’avoir violé l’article 406 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3177I33 et l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR en confirmant la décision et ce alors que l’intéressé aurait dû être informé, à l’ouverture des débats, de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, et qu’il ne résulte pas des mentions de l’arrêt que cette information lui ait été donnée.
Décision. La Haute juridiction rejette le pourvoi.
Elle rappelle en premier lieu que les dispositions organisant les débats devant les juridictions de l’application des peines (les articles 712-6 N° Lexbase : L5602LZI, 712-13 N° Lexbase : L9384IEB et D. 49-42 N° Lexbase : L4777HZX du Code de procédure pénale) ne prévoient aucunement la notification prévue à l’article 406 du Code de procédure pénale.
Les magistrats suprêmes évoquent ensuite la finalité d’une telle notification, à savoir qu’elle a « pour objet d’empêcher qu’une personne prévenue d’une infraction ne contribue à sa propre incrimination ». Or, énoncent-ils, les juridictions de l’application des peines se prononcent uniquement sur les modalités d’exécution d’une sanction déjà prononcée par la juridiction de jugement.
En conséquence, la Chambre criminelle écarte le moyen.
Alors que la tendance était, depuis plusieurs années, à la revalorisation du droit au silence, la Cour de cassation vient mettre un frein à cette expansion. En effet, la notification du droit de se taire a été largement consacrée par la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue N° Lexbase : L9584IPN ainsi que la loi du 27 mai 2014 N° Lexbase : L2680I3N, transposant la directive de l’Union européenne relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, mais elle a fait l’objet d’un véritable tournant depuis la décision récente du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2020-886 QPC, 4 mars 2021 N° Lexbase : A66394IQ).
Ainsi, la notification du droit au silence concerne aujourd’hui notamment la personne gardée à vue, interrogée par le juge d’instruction, auditionnée par un expert psychiatrique, entendue par le Juge des libertés et de la détention dans l’attente de son jugement en comparution immédiate… Cette tendance à l’extension ne semble donc trouver de sens que durant la phase présentencielle dans la mesure où elle sert le droit de l’intéressé de ne pas s’auto-incriminer, le juge pouvant, le cas échéant, se fonder sur les déclarations qui l’auto-incriminerait. Or, le bénéfice de cette protection ne saurait prospérer dès lors que la condamnation a déjà été prononcée et que la juridiction concernée n’a pas à se prononcer sur la culpabilité de la personne. C’est en tout cas la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt susvisé.
Pour aller plus loin : H. Christodoulou, Le silence : à propos de la relativité d’un droit essentiel, Lexbase Pénal, avril 2022 N° Lexbase : N1261BZQ |
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