Le Quotidien du 27 septembre 2022 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Revendication : preuve de la présence des biens en nature dans le patrimoine du débiteur (rappel)

Réf. : Cass. com., 14 septembre 2022, n° 21-10.759, F-D N° Lexbase : A47868I4

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par Vincent Téchené

le 26 Septembre 2022

► Il appartient au propriétaire revendiquant d'établir que les biens revendiqués se retrouvent, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur et la charge de cette preuve ne peut être renversée et peser sur le débiteur qu'en cas d'absence d'inventaire ou d'inventaire incomplet et inexploitable des biens.

Faits et procédure. Une société a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ouverte par un jugement du 19 mars 2018. Un inventaire des véhicules et du matériel a été réalisé par un commissaire-priseur les 5 et 6 avril 2018. La procédure de sauvegarde a ensuite été convertie en redressement puis liquidation judiciaires les 13 juin et 3 août 2018. Un établissement de crédit, qui avait acquis d’un fournisseur du débiteur les factures correspondant à la vente sous réserve de propriété de tracteurs et petits matériels, a revendiqué auprès de l'administrateur les biens correspondants. L'administrateur n'a acquiescé que partiellement à la demande.

C’est dans ces conditions que le liquidateur a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel ayant ordonné la restitution des petits matériels livrés par le fournisseur au débiteur et de huit tracteurs.

Moyen. Selon le liquidateur, il appartient au propriétaire revendiquant d'établir que les biens revendiqués se retrouvent, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur et la charge de cette preuve ne peut être renversée et peser sur le débiteur qu'en cas d'absence d'inventaire ou d'inventaire incomplet et inexploitable des biens tel que prévu à l'article L. 622-6 du Code de commerce, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, contrairement à ce qu’a jugé la cour d’appel.

Décision. La Cour de cassation rappelle qu’il résulte de la combinaison des articles L. 622-6 N° Lexbase : L3680MBW et L. 624-16 N° Lexbase : L3509ICX du Code de commerce qu'il appartient au revendiquant de biens mobiliers d'apporter la preuve de ce que les biens revendiqués se retrouvent en nature entre les mains du débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective, sous réserve de l'établissement d'un inventaire.

Or, elle relève que pour ordonner la restitution des biens revendiqués, l'arrêt d’appel, après avoir constaté qu'un inventaire avait détaillé les biens d'exploitation et les stocks et que seules les petites pièces détachées n'étaient pas décrites mais mentionnées pour mémoire, relève que l'inventaire ne correspond pas à la liste complète des biens revendiqués produite par l’établissement de crédit. Il en déduit que l'inventaire ne correspond pas aux prévisions des dispositions de l'article L. 622-6 du Code de commerce et qu'il appartient, par conséquent, aux organes de la procédure de rapporter la preuve que les biens revendiqués ne se trouvaient plus en nature au jour de l'ouverture de la procédure.

La Cour de cassation en conclut qu’« en statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que l'inventaire détaillait sur de nombreuses pages les biens d'exploitation et les stocks, elle ne pouvait déduire son caractère incomplet du seul fait qu'il ne correspondait pas à la liste des biens revendiqués […], de sorte qu'en imposant au liquidateur de prouver que ces derniers biens n'existaient plus en nature entre les mains de la société débitrice au jour de l'ouverture de la procédure collective, quand il appartenait [au revendiquant] d'établir l'existence en nature des biens non inventoriés qu'elle revendiquait, la cour d'appel a violé les articles susvisés [C. com., art. L. 622-6 et L. 624-16] ».

Observations. La Cour de cassation opère ici un rappel utile d’une solution dégagée d'abord en l’absence d’inventaire (Cass. com., 1er décembre 2009, n° 08-13.187, F-P+B N° Lexbase : A3400EPM). Elle se comprend d'ailleurs aisément : la preuve de l'existence en nature au jour du jugement d'ouverture du bien revendiqué est un fait juridique et, faute d'inventaire, il est impossible pour le vendeur revendiquant d'apporter la preuve irréfutable de l'existence de son bien en nature.

Elle a été ensuite étendue en présence d'un inventaire incomplet, sommaire ou inexploitable, cette situation équivalant, selon la Cour, à l'absence d'inventaire obligatoire (Cass. com., 25 octobre 2017, n° 16-22.083, F-P+B+I N° Lexbase : A6300WWA). Comme il a été relevé, cette solution, protectrice des intérêts du propriétaire, doit être approuvée, dans la mesure où ce dernier n'a pas à subir les négligences et les lenteurs du débiteur ou des professionnels dans l'établissement de l'inventaire (E. Le Corre-Broly, in Chron., Lexase Affaires, novembre 2017, n° 398 N° Lexbase : N4180BUD). Comme l’arrêt rapporté le démontre, il n'en demeure pas moins qu'il appartiendra au propriétaire revendiquant d'apporter la preuve du caractère incomplet, sommaire ou inexploitable de l'inventaire.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les vendeurs de meubles, les revendications et restitutions, Le principe de l'existence du bien en nature, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E5008E7M.

 

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