La lettre juridique n°917 du 22 septembre 2022 : Concurrence

[Brèves] Confirmation de l’abus de position dominante de Google sur Android

Réf. : Trib. UE, 14 septembre 2022, aff. T-604/18 N° Lexbase : A99838H9

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par Vincent Téchené

le 21 Septembre 2022

► Le Tribunal de l’Union européenne a confirmé, le 14 septembre 2022, dans une large mesure la décision de la Commission selon laquelle Google a imposé des restrictions illégales aux fabricants d’appareils mobiles Android et aux opérateurs de réseaux mobiles, afin de consolider la position dominante de son moteur de recherche ;

Afin de mieux tenir compte de la gravité et de la durée de l’infraction, le Tribunal estime toutefois approprié d’infliger à Google une amende d’un montant de 4,125 milliards d’euros au terme d’un raisonnement qui diffère sur certains points de celui de la Commission

Fais et procédure. Différentes plaintes adressées à la Commission au sujet de certaines pratiques commerciales de Google dans l’internet mobile ont conduit celle-ci à ouvrir, le 15 avril 2015, une procédure à l’encontre de Google concernant Android. Par décision du 18 juillet 2018, la Commission a sanctionné Google pour avoir abusé de sa position dominante, en imposant des restrictions contractuelles anticoncurrentielles aux fabricants d’appareils mobiles ainsi qu’aux opérateurs de réseaux mobiles, pour certaines depuis le 1er janvier 2011. En conséquence, la Commission a alors infligé à Google une amende de près de 4,343 milliards d’euros, soit l’amende la plus importante jamais infligée en Europe par une autorité de concurrence.

Google a donc introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal de l’UE.

Décision. Premièrement, le Tribunal rejette le moyen tiré de l’appréciation erronée du caractère abusif des conditions de préinstallation dans son ensemble. Il valide donc le raisonnement de la Commission qui a conclu à leur caractère abusif en distinguant, d’une part, le groupement des applications Google Search et Play Store du groupement du navigateur Chrome et des applications et en considérant, d’autre part, que ces groupements avaient restreint la concurrence au cours de la période infractionnelle, sans que Google ait pu faire valoir l’existence d’aucune justification objective.

Deuxièmement, en ce qui concerne l’appréciation de la condition de préinstallation unique incluse dans les accords de partage des revenus par portefeuille, le Tribunal retient, tout d’abord, que la Commission était fondée à considérer les accords litigieux comme constitutifs d’accords d’exclusivité, dans la mesure où les paiements prévus étaient subordonnés à l’absence de préinstallation de services de recherche générale concurrents sur le portefeuille de produits concernés. Toutefois, il constate que tel qu’il a été conduit par la Commission, le test AEC ne saurait corroborer le constat d’un abus résultant en eux-mêmes des accords de partage des revenus par portefeuille, de sorte que le Tribunal accueille le moyen correspondant.

Troisièmement, en ce qui concerne l’appréciation des restrictions insérées dans les accords antifragmentation, selon le Tribunal, au vu des éléments retenus, propres à établir l’entrave au développement et à la commercialisation de produits concurrents sur le marché des systèmes d’exploitation sous licence, la Commission a pu considérer, que la pratique en cause avait conduit au renforcement de la position dominante de Google sur le marché des services de recherche générale, tout en constituant un frein à l’innovation, dans la mesure où elle avait limité la diversité des offres accessibles aux utilisateurs.

Le Tribunal rejette également le moyen tiré de la violation des droits de la défense, par lequel Google entendait faire constater, d’une part, une violation de son droit d’accès au dossier et, d’autre part, une méconnaissance de son droit d’être entendue.

Enfin, appelé à procéder, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à une appréciation autonome du montant de l’amende, le Tribunal précise, au préalable, que, si la décision attaquée doit, ainsi, être partiellement annulée, en tant qu’elle considère que les accords de partage des revenus par portefeuille sont en eux-mêmes abusifs, cette annulation partielle n’affecte pas pour autant la validité globale du constat d’infraction effectué, dans la décision attaquée, en considération des effets d’éviction résultant des autres pratiques abusives mises en œuvre par Google au cours de la période infractionnelle. Par une appréciation propre de l’ensemble des circonstances relatives à la sanction, le Tribunal juge qu’il convient de réformer la décision attaquée, en considérant que le montant de l’amende à infliger à Google pour l’infraction commise est de 4,125 milliards d’euros.

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