La lettre juridique n°917 du 22 septembre 2022 : Fiscalité du patrimoine

[Jurisprudence] Holding animatrice à l’épreuve des faits : la cour d’appel de Paris passe au crible la réalité de l’animation

Réf. : CA Paris, 5 septembre 2022, n° 21/08463 N° Lexbase : A54168H3

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par Jérôme Mazeres, Fiscaliste - Diplômé en gestion de patrimoine, Les fourmis du patrimoine

le 08 Décembre 2022

Mots-clés : holding animatrice • animation • patrimoine • sociétés • entreprises

1.- La cour d’appel de Paris vient de rendre ce 5 septembre 2022, un arrêt intéressant sur la notion de holding animatrice.

Sans pour autant être révolutionnaire concernant la caractérisation du rôle d’animation de la société holding, celui-ci met en exergue les éléments susceptibles de justifier celle-ci, à l’aune des justificatifs apportés par le contribuable.


 

2.- La cour d’appel de Paris rappelle un point simple, qui en réalité ne l’est pas toujours, notamment pour les contribuables, le rôle de holding animatrice doit être prouvé et étayé par des éléments justificatifs concordants. C’est la méthode du faisceau d’indices qui est ainsi mis en œuvre.

3.- Outre les autres aspects de cet arrêt concernant la procédure, nous nous concentrerons ici sur les éléments de preuve que le contribuable a tenté d’apporter afin de justifier du rôle d’animation de la société holding. Sans plus de suspens, vous l’aurez compris, les choses ne se finissent pas très bien pour l’associé.

4.-Dans le cadre de cette affaire, une personne physique a apporté des sommes d’argent dans le cadre d’augmentation de capital réalisé au sein de la société Finaréa Demeter. Le 15 juin 2009, celui-ci a apporté 20 000 euros. Il a apporté le même montant dans le cadre d’une seconde opération d’augmentation de capital le 26 mai 2010.

Cette personne a bénéficié de l’article 885-0 V bis du Code général des impôts N° Lexbase : L1404IZZ. La société holding Finaréa Demeter avait délivré deux attestations en date du 31 juillet 2009 et du 2 juin 2010 certifiant du rôle d’animation de la société holding.

5.- Pour rappel, ce dispositif permettait de bénéficier d’une réduction d’impôt de solidarité sur la fortune en cas de souscription au capital de PME. L’application de ce dispositif nécessite de remplir plusieurs conditions, dont l’une portant sur l’activité de la société.

Au moment des faits, le montant de la réduction d’impôt était égal à 75 % des versements, étant précisé que le montant de l’avantage fiscal ne pouvait pas dépasser 50 000 euros.

6.- L’article 885-0 V bis du Code général des impôts disposait à l’époque des faits : « Exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885 O quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles. Cette condition n'est pas exigée pour les entreprises solidaires au sens de l'article L. 443-3-2 du Code du travail qui exercent une activité de gestion immobilière à vocation sociale ».

7.- Il n’était pas fait référence à la notion de holding animatrice au sein de la lettre du texte. C’est la doctrine administrative [1] qui prévoyait une telle possibilité. Il convient d’avoir à l’esprit que la réduction d’impôt IR-PME [2], qui a survécu à la suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI, procède par renvoi à l’article 885-0 V bis du Code général des impôts.

La doctrine précisait ainsi: « Toutefois, pour l'application de ce dispositif, il convient d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites. Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations : - participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales ; - et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».

8.- Cette société holding avait été constituée le 7 avril 2009. Elle a investi par voie d’augmentation de capital dans deux sociétés :

  • la société ISP Procom, le 22 décembre 2009 pour 34 % de son capital ;
  • la société NYS, le 15 mars 2010 pour 45 % de son capital.

9.- Le 10 décembre 2012, l’administration fiscale a adressé à cette personne physique une proposition de rectification afin de remettre en cause l’application de l’article 885-0 V bis du Code général des impôts, au motif qu’il ne s’agissait pas d’une holding animatrice de son groupe.

10.- L’affaire est portée devant le tribunal judiciaire de Paris qui donne raison à l’administration fiscale le 29 janvier 2021.

Puis l’affaire arrive devant la cour d’appel de Paris. Il s’ensuit une analyse méticuleuse de chaque élément factuel ayant vocation à caractériser l’animation.

11.- Le contribuable mettait en avant plusieurs éléments afin de justifier le rôle d’animation de la société holding :

  • aucune décision stratégique des filiales ne peut être prise par les filiales sans l’accord de la société holding ;
  • tout soutien au développement d’une filiale est conditionné au respect du cadre imposé ;
  • la société holding a imposé un modèle de statuts types en contrepartie de sa participation ;
  • la société holding a imposé la transformation en SAS des sociétés filles ;
  • un contrat d’animation a été conclu, celui-ci détaillant les prestations fournies en contrepartie d’une rémunération ;

12.- La cour d’appel de Paris analyse l’ensemble de ces points. Elle relève que l’attestation du 31 juillet 2009 a été délivrée avant la prise de participation de la société holding au sein de la société ISP Procom. En outre, le contrat d’animation n’est pas daté.

Le rapport de gestion ne précise pas le rôle de pilotage de la société holding. Celui-ci se contente d’indiquer que l’investissement réalisé par la société holding au sein de la société ISP Procom avait pour but de permettre à cette dernière de financer sa stratégie d’implantation nationale.

13.- La problématique était similaire pour la société NYS. En effet, le pacte d’actionnaire conclu entre la société holding et les autres associés n’apporte aucun élément justifiant l’animation. Le procès-verbal du conseil de surveillance faisait état d’une simple « participation » et « de pourparlers avec les actionnaires ».

14.- La cour d’appel de Paris relève également que le contrat d’animation n’est pas étayé de manière concrète.

Par ailleurs, si les procès-verbaux des comités de direction et de surveillance des sociétés filles révèlent la présence des membres de la société holding, ceux-ci ne révèlent pas d’initiatives de pilotage propres à ces participants.

Enfin le droit de véto inséré dans un pacte d’actionnaire ne permet pas, pour la juridiction du fond, de justifier de la mise en place d’une stratégie, « mais institue un droit d’opposition aux actions développées par d’autres ».

15.- La cour d’appel de Paris aboutit ainsi à la conclusion que la société holding n’est pas animatrice de son groupe.

Cet arrêt a l’intérêt d’apporter un regard très pratique sur les éléments susceptibles de justifier du rôle d’animation de la société holding. Il est d’autant plus intéressant pour le praticien qui sera tenter d’en trouver une application pratique sur d’autres terrains de jeux : pacte Dutreil transmission (CGI, art. 787 B N° Lexbase : L7418MD4), abattement renforcé pour les plus-values privées sur cession de titres, exonération des biens professionnels ou mécanisme d’exemption pour l’IFI….

16.- Si l’on doit s’essayer à tenter de commenter cet arrêt, il convient de relever que la cour d’appel de Paris s’inscrit dans le positionnement classique de la jurisprudence [3].

On rappellera avant toute chose que la charge de la preuve c’est-à-dire la démonstration du rôle d’animation appartient au contribuable qui s’en prévaut. Ce point doit amener à une véritable réflexion, ainsi qu’à la constitution d’un dossier permettant de justifier et d’étayer cette qualification.

17.- La présence des dirigeants de la société holding au sein des sociétés filles n’est pas un élément suffisant [4]. C’est exactement ce que rappelle indirectement la Cour d’appel de Paris, en relevant la présence des dirigeants de la holding Finaréa au comité de direction ou au conseil de surveillance des sociétés filles. Il est donc nécessaire de prouver que ceux-ci influent véritablement sur le fonctionnement des filles. Les procès-verbaux de ces différentes instances peuvent permettre d’apporter des éléments concrets. Ils doivent traduire le fait que ceux-ci sont moteurs, et impulsent certaines décisions des filles. Ce qui signifie qu’il convient d’être prudent au regard de la rédaction des procès-verbaux de ces instances. Des rédactions du type « les associés de la société holding ont participé à… » sans aller au-delà en termes de précisions devraient ainsi être écartées. Cela vaut aussi pour les rapports de gestion.

18.- Si l’existence de la convention d’animation est intéressante, celle-ci doit être appuyée de véritables réalisations effectuées par la société holding [5]. Là encore, la cour d’appel de Paris s’inscrit dans le positionnement classique de la jurisprudence. Cela implique que la holding dispose des moyens matériels et humains permettant d’effectuer les prestations. Il peut donc être opportun selon la typologie de prestations rendues, que la société holding dispose d’un personnel qualifié, comme des comptables ou des personnes capables de gérer l’aspect RH par exemple.

Il faudra consigner les actions en conservant les traces de mails, les rapports, études, et les factures émises (même si cela va de soi),….Tout en prenant garde au risque lié à la remise en cause des managements fees.

19.- L’autre élément intéressant concerne la chronologie des opérations. En effet, on ne nait pas holding animatrice, on le devient. Cet élément qui a pu faire débat au vu de la rédaction de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 18 mars 2020 [6] semble ici remis en avant par la cour d’appel de Paris. Cette dernière procède indirectement à la même analyse, en relevant que la société holding a été constituée le 7 avril 2009, et la première prise de participation du contribuable est intervenue le 15 juin 2009, alors que la première augmentation de capital à laquelle a participé la société holding est intervenue le 22 décembre 2009.

La méthode du faisceau d’indices amène ainsi à constater qu’au moment de la constitution de la société holding, et lors du premier investissement du contribuable, matériellement, la société holding n’était pas en capacité d’animer un groupe, faute de sociétés filles.

20.- On le constate une nouvelle fois au regard de cet arrêt casuistique rendu par la cour d’appel de Paris, la caractérisation de la holding animatrice doit amener à une vigilance particulière.

En synthèse, il est impératif de vérifier que les rapports de gestion, les mails, la convention d’animation, les procès-verbaux, les factures permettent de justifier de l’effectivité du rôle d’animateur de la société holding. Il pourrait également être opportun de laisser la société holding fonctionner durant quelques mois avant toute application de mécanismes fiscaux liés à la qualification de holding animatrice.

 

[1] BOI-7-S-3-08 n° 26 du 11 avril 2008 [en ligne]. https://bofip-archives.impots.gouv.fr/bofip/21725-AIDA.html/identifiant=-20080411

[2] CGI, art. 199 terdecies-0 A N° Lexbase : L2450L7U.

[3] Cass. com., 8 octobre 2013, n° 12-20.432, F-D N° Lexbase : A6788KMD.

[4] Cass. com., 19 novembre 1991, n° 89-19.474 N° Lexbase : A3987ABB.

[5] CAA Paris, 6 novembre 2019, n° 18PA02628 N° Lexbase : A4632ZY9 ; CE 23 mars 2020 n° 437227, décision de non-admission.

[6] Cass. com, 18 mars 2020, n° 17-31-233, F-D N° Lexbase : A49123K7 ; CA de Dijon, 24 octobre 2017, n° 16/00993 N° Lexbase : A6577WWI ; Pacte Dutreil : la maîtrise des engagements collectifs de conservation à la lumière de la nouvelle doctrine administrative, P. Cenac et C. Peyroux, JFA ASSOCIES, octobre 2021.

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