Le Quotidien du 15 septembre 2022 : Procédure pénale/Enquête

[Brèves] Perquisition et nullité substantielle soumise à grief : les agents de police municipale, dans l’exercice de leurs fonctions, ne peuvent être requis comme témoins

Réf. : Cass. crim., 13 septembre 2022, n° 22-80.515, FS-B N° Lexbase : A99588HB

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[Brèves] Perquisition et nullité substantielle soumise à grief : les agents de police municipale, dans l’exercice de leurs fonctions, ne peuvent être requis comme témoins. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88283571-breves-perquisition-et-nullite-substantielle-soumise-a-grief-les-agents-de-police-municipale-dans-le
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par Helena Viana

le 21 Septembre 2022

En cas de présence impossible de l’intéressé à la perquisition prévue par l’article 57 du Code de procédure pénale, les dispositions excluent que des agents de police municipale soient requis en qualité de témoins. L’arrêt n’encourt cependant la censure que si l’intéressé rapporte l’existence d’un grief. En outre, un délai de 40 minutes entre l’arrivée des policiers et la notification des droits de l’intéressé, ainsi que l’information au procureur de la République, n’est pas tardif dès lors qu’il est justifié par les circonstances de l’interpellation (zone où avait lieu l’interpellation, fuite de l’un des deux individus, constatations effectuées sur place et délais de transport). 


 

Faits et procédure. Le 24 décembre 2020, le conducteur d’un véhicule a pris la fuite à la vue d’agents de police municipale lors d’un contrôle inopiné de deux véhicules en stationnement inhabituel, après que l’un d’entre eux ait signalé la présence de liasses de billets sur la banquette arrière dudit véhicule. Alors que l’individu était placé en garde à vue, pour non-justification de ressources, les gendarmes ont procédé à la visite du véhicule en requérant à cette fin trois agents de police municipale. La somme de 83 000 euros était découverte et saisie à l’intérieur du véhicule et le mis en cause était mis en examen des chefs susvisés. Son conseil déposa une requête en annulation devant la chambre de l’instruction le 22 juin 2021.  

En cause d’appel. Le 14 décembre 2021, la cour d’appel de Grenoble rejeta la requête en nullité au motif que les deux agents de police municipale avaient pu régulièrement assister à cette perquisition en qualité de témoins requis par l’officier de police judiciaire. Elle ajoute que le fait qu’ils aient « procédé à une interpellation et à une tentative d'interpellation comme tous citoyens en cas d'infractions flagrantes [aient] été entendus comme témoins et [ne soient] pas intervenus comme agents de police adjoints sous l'autorité de l'officier de police judiciaire » ne portait pas atteinte au caractère équitable de la procédure.

En outre, la cour écarta le moyen tendant à l’annulation de la garde à vue du fait de la notification tardive des droits à l’intéressé et de l’information tardive donnée au procureur de la République, au motif que le délai de quarante minutes entre l’arrivée des policiers sur place et la notification et l’information était justifié « compte tenu des circonstances de l'interpellation de la zone dans laquelle elle a[vait] eu lieu, de la fuite de l'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport ».

Moyens du pourvoi. L’intéressé forma un pourvoi en cassation et souleva deux moyens.

D’une part, il alléguait que les agents de police judiciaire adjoints relèvent de l’autorité administrative des officiers de police judiciaire, qu’ils sont tenus de seconder, et ne peuvent, de ce fait, être valablement requis pour assister la perquisition litigieuse en qualité de témoins. Toujours dans l’énoncé de ce premier moyen, il soutenait que, le fait que les deux témoins requis pour assister à la perquisition étaient également à l’origine de la procédure portait atteinte au droit à un procès équitable.

D’autre part, il était fait grief à l'arrêt la cour d'appel d’avoir rejeté le moyen de nullité tendant à l’annulation de la garde à vue alors que les motifs invoqués par les juges d’appel, généraux et abstraits, ne caractérisaient aucune circonstance insurmontable susceptible de justifier ledit retard de 40 minutes.

Décision. La Chambre criminelle rejette les deux moyens du pourvoi.

Concernant le premier moyen, le motif invoqué par la Haute juridiction apporte deux précisions utiles.

En effet, elle affirme expressément que les dispositions de l’article 57, alinéa 2, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6470KU8, relatives à la perquisition en la présence de deux témoins requis par l’officier de police judiciaire, excluent que soient requis à cet effet des agents de police municipale agissant dans l’exercice de leurs fonctions, « dès lors qu'il résulte de l'article 21 du code de procédure pénale que de tels agents sont agents de police judiciaire adjoints et ont pour mission de seconder les officiers de police judiciaire ». Cet réponse apporte un éclaircissement sur ce qu’il faut entendre par « les personnes relevant de son autorité » de l’alinéa 2 de l’article 57 précité.

La Haute Cour ajoute cependant ensuite que le requérant ne justifie, ni même allègue, de l’existence d’un grief, et que, de fait, l’arrêt n’encourt pas la censure. Il convient donc de retenir de cet arrêt que la nullité tirée de l’impossibilité de requérir un agent de police municipale agissant dans le cadre de ses fonctions est une nullité d’ordre privé soumise à grief.

On rappellera que l’absence de l’intéressé pour une perquisition dans les conditions de l’article 57 du Code de procédure pénale n’est possible qu’en cas d’impossibilité empêchant l’intéressé d’être présent. À cet égard, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que le placement en garde à vue de l’intéressé n’était pas de nature à caractériser l’impossibilité prévue par l’article 57 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 23 février 1988, n° 87-90.117 N° Lexbase : A7251AAS).

Concernant le second moyen, sans grande surprise et conformément aux délais qu’elle retient dans des jurisprudences constantes, la Chambre criminelle écarte le moyen de nullité pris de la tardiveté de la notification des droits et de l’avis au procureur, justifiée au regard « des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu, de la fuite d'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport ».

Pour rappel, récemment, la Cour de cassation avait écarté le grief tiré de la notification tardive en retenant l’existence de circonstances insurmontables justifiant la notification des droits près de 1 heure 10 après l’interpellation (Cass. crim., 28 octobre 2020, n° 19-85.812, F-P+B+I N° Lexbase : A49423Z3).

 

Pour aller plus loin :

  •  J.-Y. Maréchal, Étude : Les actes d’investigation, Les conditions de la perquisition, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E7376ZKE
  • F. Dupuis, Étude : Le contrôle et la contestation des actes d’investigation, La nature de la nullité , in, Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), LexbaseN° Lexbase : E8510ZNI

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