Le Quotidien du 21 septembre 2022 : Bancaire

[Brèves] Obligation d’information et de conseil en matière d’assurance de groupe : confirmation concernant le préjudice réparable

Réf. : Cass. civ. 2, 15 septembre 2022, n° 21-13.670, F-B N° Lexbase : A14768II

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 21 Septembre 2022

► Le préjudice résultant du manquement à l’obligation d’information et de conseil en matière d’assurance de groupe s’analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à la situation personnelle de l’emprunteur et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

La grande majorité des crédits immobiliers est aujourd’hui associée à une assurance. En effet, il est fréquemment demandé au client de souscrire à un contrat d'assurance collective. Cette assurance garantit l'emprunteur, en cas de survenance de certains risques définis par le contrat, par exemple le décès, l'invalidité ou le chômage, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances du prêt en question. Les banques sont ainsi prémunies contre le risque pour l'emprunteur de ne plus pouvoir payer les échéances de son prêt en raison d'accident de la vie.

Le client se verra ainsi souvent proposer, par le banquier prêteur, un contrat d’assurance de groupe. Pour mémoire, le contrat d'assurance de groupe est le contrat souscrit par une personne morale, et plus particulièrement une banque, ou un chef d’entreprise « en vue de l'adhésion d'un ensemble de personnes répondant à des conditions définies au contrat, pour la couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité ou du risque de chômage » (C. assur., art. L. 141-1 N° Lexbase : L2643HWS).

Des difficultés juridiques peuvent se rencontrer en la matière. La décision sélectionnée en témoigne.

Faits et procédure. Le 16 novembre 2006 une banque avait consenti à Mme P. deux prêts immobiliers. Afin de garantir le remboursement de ces prêts en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d’incapacité de travail, Mme P. avait adhéré à une assurance de groupe auprès d’une compagnie d’assurance et avait déclaré dans le questionnaire de santé qu’elle suivait un traitement médical depuis quinze ans.

Le 31 août 2015, l’intéressée avait été placée en arrêt de travail en raison de l’évolution défavorable de sa maladie et avait sollicité le bénéfice de la garantie incapacité de travail.

Or, le 8 juin 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, l’assureur avait informé Mme P. de son refus de prise en charge du sinistre, en raison d'une clause contractuelle excluant « les suites médicales ou conséquences d'antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d'adhésion ».

Le 12 juillet 2017, Mme P. avait alors assigné l’assureur et la banque, aux fins de condamnation, à titre principal, de l’assureur au paiement de l’indemnité contractuelle en raison de l’inopposabilité à l’assurée de la clause d’exclusion, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement d’une somme équivalente pour manquement à son obligation d’information et de conseil.

Rappel. Concernant cette dernière obligation, un rappel s’impose. De longue date, les juges considèrent que le banquier souscripteur d’une assurance de groupe doit fournir un certain nombre d'explications sur le contrat, et plus particulièrement son exacte couverture afin de le rendre parfaitement compréhensible pour l'adhérent concernant l'adéquation des risques couverts par le contrat d'assurance à sa situation. On parle d’obligation d’éclairer (Cass. ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, P+B+R+I N° Lexbase : A4358DUX, JCP G, 2007, II, 10098, note A. Gourio ; JCP E, 2007, 1375, note D. Legeais ; D., 2007, p. 985, note S. Piédelièvre ; D., 2008, p. 127, obs. H. Groutel ; RDI, 2007, p. 319, obs. L. Grynbaum ; RD bancaire et fin., 2007, comm. 93, obs. F.-J. Crédot et Th. Samin ; Banque et droit, juillet-août 2007, p. 20, obs. Th. Bonneau – Cass. civ. 2, 2 octobre 2008, n° 07-15.276, FS-P+B N° Lexbase : A5871EAP, D., 2008, p. 2499, obs. V. Avena-Robardet ; JCP E, 2008, 2425, note D. Legeais ; RD bancaire et fin., 2009, comm. 128, obs. J. Djoudi – +Cass. civ. 1, 22 janvier 2009, n° 07-19.867, F-P+B N° Lexbase : A6393ECR, D., 2009, AJ, p. 368, obs. V. Avena-Robardet ; Banque et droit, mai-juin 2009, p. 24, obs. Th. Bonneau – Cass. civ. 1, 13 janvier 2011, n° 10-30.009, F-D N° Lexbase : A9882GPP, Contrats, conc. consom., 2011, comm. 126, obs. G. Raymond – Cass. civ. 2, 4 juillet 2019, n° 18-20.639, F-D N° Lexbase : A2990ZIL, LEDB, octobre 2019, p. 6, obs. S. Piédelièvre).

Ce devoir d'éclairer constitue aujourd'hui une manifestation de l’obligation plus large d’information et de conseil pesant sur le banquier souscripteur d'une assurance de groupe. Il en va de même, par exemple, avec l'information sur le risque de prescription (Cass. civ. 1, 17 juin 2015, n° 14-20.257, FS-P+B N° Lexbase : A5300NLU, LEDB, septembre 2015, p. 7, obs. R. Routier ; LPA, 2015, n° 217, p. 10, note J. Lasserre-Capdeville) ou encore avec l’information des emprunteurs du caractère manifestement erroné des motifs de refus de garantie transmis par l'assureur tout en prélevant ensuite, fautivement, une échéance (Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.866, FS-P+B N° Lexbase : A7180X3C, AJ contrat, 2018, p. 481, obs. J. Lasserre-Capdeville).

Arrêt d’appel. En l’espèce, la cour d’appel de Lyon s’était prononcée par une décision du 9 février 2021 (CA Lyon, 9 février 2021, n° 19/06028 N° Lexbase : A16314GI). Celle-ci n’ayant pas donné raison à Mme P., cette dernière avait formé un pourvoi en cassation.

Moyen. Elle faisait notamment grief à l’arrêt de l’avoir déboutée de son action en responsabilité contre la banque pour manquement à son devoir d'information et de conseil. Plus précisément, la cour d'appel avait, dans un premier temps, constaté que la banque avait manqué à son devoir d'information et de conseil envers l'assurée et ne l'avait pas éclairée sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. Cependant, elle l’avait déboutée de toute demande de réparation, aux motifs que Mme P. ne démontrait pas que mieux informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre assureur la garantie exclue par le contrat.

Décision. Ce moyen se révèle utile, puisque la Cour de cassation casse la décision des juges du fond.

Selon elle, il résulte de l’article 1147, devenu 1217 N° Lexbase : L1986LKR, du Code civil, que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu’elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur.

Un principe est alors dégagé : « le préjudice résultant de ce manquement s’analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé ».

Or, cela a été dit, pour débouter Mme P. de ses prétentions contre la banque, l'arrêt des juges du fond, après avoir retenu la faute de la banque, énonçait que le préjudice pouvant résulter de cette faute est une perte de chance dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut, que Mme P. se contentait d'invoquer l’existence de la convention Aréas sans fournir d'éléments sur l'application éventuelle de cette convention à sa situation personnelle et ne démontrait pas que, plus complètement informée par la banque, elle aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre la garantie exclue par le contrat.

Dès lors, en statuant ainsi, la cour d’appel, qui avait exigé de l’emprunteuse la preuve d’une perte de chance raisonnable, avait violé le texte précité et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Observation. Cette solution, conforme au droit applicable à la perte d’une chance, ne surprendra pas le lecteur. Elle figure dans d’autres décisions récentes (Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 18-25.440, FS-P+B+I N° Lexbase : A06243M3, D., 2020, AJ p. 1100 ; LEDB, juillet 2020, p. 7, n° 113h1, obs. M. Mignot ; JCP E, 2020, 1349, note K. Rodriguez – Cass. civ. 2, 17 juin 2021, n° 19-24.467, FS-B+R N° Lexbase : A67174WP, LEDB, septembre 2021, p. 6, n° 200g3, obs. M. Mignot – Cass. civ. 2, 31 mars 2022, n° 20-18.129, F-D N° Lexbase : A12567SC).

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