Réf. : Cass. civ. 3, 7 juillet 2022, n° 22-10.447, QPC, FS-B N° Lexbase : A05128A9
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par Vincent Téchené
le 13 Juillet 2022
► D’une part, en réservant la possibilité d'exercer l'action ut singuli aux seuls membres de sociétés et en dérogeant, pour ces groupements, à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur, le législateur a pris acte de la spécificité du droit des sociétés ;
D’autre part, l'impossibilité pour le membre d'une association d'exercer ut singuli l'action sociale en responsabilité n'a pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif, dès lors qu'elle ne prive pas l'association de la possibilité d'agir en justice contre ses anciens dirigeants par l'intermédiaire de ses nouveaux représentants exerçant l'action ut universi, que, en cas de carence des dirigeants de l'association, les membres de celle-ci peuvent obtenir la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de la représenter et que lesdits membres peuvent agir en réparation de leur préjudice individuel distinct de celui de l'association.
Faits et procédure. La CARPA de Nice, association de la loi du 1er juillet 1901 N° Lexbase : L3076AIR, a souscrit un fonds structuré auprès d'un établissement financier islandais. Ayant fait l'objet d'une procédure collective, cet établissement n'a pu restituer les fonds à l'échéance. La CARPA et l'Ordre des avocats au barreau de Nice ayant recherché la responsabilité des sociétés par l'intermédiaire desquelles ce placement avait été souscrit, un membre de la CARPA a assigné en responsabilité son ancien président et son assureur.
Les QPC. À l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris, le requérant a demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
Décision. La Cour de cassation refuse de transmettre les QPC au Conseil constitutionnel déclarant la première question irrecevable et considérant que la seconde est dépourvue de caractère sérieux.
En ce qui concerne la première QPC, la première chambre civile rappelle que si une question prioritaire de constitutionnalité portant sur plusieurs dispositions législatives peut être soulevée, dès lors que chacune de ces dispositions est applicable au litige ou à la procédure, le demandeur doit spécialement désigner, dans un écrit distinct et motivé, les dispositions législatives qu'il estime applicables au litige et dont il soulève l'inconstitutionnalité.
Ainsi, dans cette affaire, la question posée, qui vise l'ensemble des dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, sans que celles spécialement applicables au litige soient désignées et confrontées à des droits et libertés garantis par la Constitution, n'est pas recevable.
Concernant la seconde QPC, la Cour de cassation nous livre quelques enseignements.
Tout d’abord, rappelons qu’aux termes de l'article 1843-5, alinéa 1er, du Code civil « Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ».
La Cour de cassation précise que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
Mais surtout elle la juge non-sérieuse. Pour ce faire, elle rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
Elle relève en outre que la société ne peut être représentée que par ses organes légaux, alors que les statuts de l'association déterminent librement, en vertu du principe de la liberté associative, les personnes qui sont habilitées à représenter l'association en justice. Par ailleurs, la responsabilité civile ou pénale des dirigeants de sociétés est mise en œuvre dans des conditions différentes de celles applicables aux dirigeants des associations.
Ainsi, pour la Haute juridiction, en réservant la possibilité d'exercer l'action ut singuli aux seuls membres de sociétés et en dérogeant, pour ces groupements, à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur, le législateur a pris acte de la spécificité du droit des sociétés.
Le demandeur n'est donc pas fondé à soutenir que l'article 1843-5, alinéa 1er, du Code civil, en ce qu'il ne s'applique pas aux associations de la loi du 1er juillet 1901, méconnaîtrait le principe d'égalité.
En second lieu, la Cour régulatrice énonce clairement que l'impossibilité pour le membre d'une association d'exercer ut singuli l'action sociale en responsabilité n'a pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif, dès lors qu'elle ne prive pas l'association de la possibilité d'agir en justice contre ses anciens dirigeants par l'intermédiaire de ses nouveaux représentants exerçant l'action ut universi, que, en cas de carence des dirigeants de l'association, les membres de celle-ci peuvent obtenir la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de la représenter et que lesdits membres peuvent agir en réparation de leur préjudice individuel distinct de celui de l'association.
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