Le Quotidien du 8 juin 2022 : Sociétés

[Brèves] Dissolution-confusion : conditions d’application du principe fraus omnia corrumpit

Réf. : Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-24.470, F-D N° Lexbase : A41717Y7

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par Vincent Téchené

le 07 Juin 2022

► Un créancier ne peut se prévaloir du principe selon lequel la fraude corrompt tout pour remettre en cause la dissolution sans liquidation d'une société que si la société bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute a mis en œuvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte par l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil.

Faits et procédure. L’Urssaf a notifié à une société plusieurs mises en demeure en raison d'impayés de cotisations sociales à compter du mois de décembre 2016, puis l'a informée de sa décision de reprendre les poursuites, compte tenu du non-respect de l'échéancier qu'elle lui avait accordé. Par la suite, la commission des chefs des services financiers a notifié à la société sa décision de ne pas donner une suite favorable à sa demande de plan de règlement des dettes fiscales et sociales.

Un mois plus tard, les actions de la société débitrice ont été cédées à une société de droit allemand, qui en est devenue l'associé unique. Il a été procédé le même jour à la dissolution sans liquidation de la société débitrice, cette décision étant publiée dans un JAL le 13 novembre 2017. Le 6 décembre 2017, la société débitrice a cédé son fonds de commerce à une troisième société, alors en cours d'immatriculation. Le 11 janvier 2018, la radiation de la société débitrice a été publiée au BODACC.

Se prévalant d'une créance contre la société débitrice, l'Urssaf l'a assignée en ouverture d'une procédure de redressement et subsidiairement de liquidation judiciaires. Invoquant la perte de la personnalité morale de la débitrice, la société de droit allemand bénéficiaire de la TUP a soulevé la nullité de la procédure.

Arrêt d’appel. La cour d’appel de Reims a fait droit aux demandes de l’Urssaf retenant que la dissolution de la société débitrice ne lui était pas opposable. Elle a en effet constaté que la dissolution de la société débitrice a certes été publiée dans JAL, mais elle retient qu'une telle formalité apparaît en pratique illusoire, dès lors qu'elle implique une surveillance quotidienne de publications multiples. Elle ajoute que, même si le texte ne l'impose pas, il aurait pu se concevoir, dans un souci de loyauté vis-à-vis de son créancier, que, se sachant poursuivie pour le paiement de sommes très conséquentes, la débitrice avise personnellement l'Urssaf de la dissolution.

Décision. Énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. En effet, elle retient qu’en se déterminant comme il l’a fait, par des motifs impropres à établir que la société bénéficiaire de la TUP avait mis en œuvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte à l'Urssaf par l'article 1844-5, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L2025ABM, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Observations. Dans un précédent jurisprudentiel, dans lequel il était également question d’une TUP transfrontalière (appelée parfois « TUP TRANS » en pratique) et d’une action de l’Urssaf, la Cour de cassation (Cass. com., 11 septembre 2012, n° 11-11.141, F-P+B N° Lexbase : A7417ISI) avait retenu la fraude au regard des circonstances de l'espèce, estimant que :

  • l’opération litigieuse était le fruit d'une ingénierie juridique frauduleuse visant à éluder l'application d'une règle d'ordre public, et permettant d'échapper au débat sur l'éventuel état de cessation des paiements de la société débitrice, susceptible d'entraîner l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ;
  • le stratagème ainsi mis en œuvre au détriment de l'Urssaf avait également permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition prévue par l'article 1844-5, alinéa 3 du Code civil, au profit des créanciers.

Ce faisant, la Cour de cassation avait adopté une conception assez souple de la fraude, dans le but évident de sanctionner un comportement jugé contraire au droit, reposant sur une ingénierie juridique frauduleuse. Il en résulte que les créanciers sociaux qui n'ont pu former à temps d'opposition à une dissolution confusion transfrontalière peuvent tenter d'invoquer à leur profit la théorie de la fraude, sachant que la fraude sera caractérisée en fonction des circonstances.

Surtout, dans l’arrêt rapporté du 25 mai, elle rappelle, comme elle l’avait exprimé dans l’arrêt de 2012 (cf. supra), que le stratagème frauduleux doit priver d'efficacité la faculté d'opposition (pour un cas d’annulation de la dissolution et de la TUP pour fraude, v. aussi CA Versailles, 6 avril 2021, n° 18/02928 N° Lexbase : A82984NN).

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