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par Vincent Vantighem
le 22 Juin 2022
Le nom d’Alain Griset n’est jamais apparu dans les conjectures liées à la composition du premier gouvernement d’Élisabeth Borne. Et pour cause, l’ancien ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises (PME) n’est plus au Gouvernement depuis le 8 décembre 2021. Contraint à démissionner après avoir été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une peine d’inéligibilité de trois ans pour « déclaration incomplète de sa situation patrimoniale auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Condamnation dont il a fait appel. C’est cette même affaire qui lui a valu de comparaître, mercredi 25 mai, devant le tribunal judiciaire de Lille (Nord). Mais cette fois dans le volet « abus de confiance ».
Chauffeur de taxi durant plus de 30 ans, diplômé selon ses propres mots, à la barre, d’un « bac moins 8 », Alain Griset se voit reprocher d’avoir placé sur son Plan d’épargne en actions personnel de l’argent issu de la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services (Cnams) du Nord, une structure syndicale qu’il présidait avant d’entrer au Gouvernement. Depuis le début, il a toujours prétendu qu’il avait opté pour cette solution sans penser à mal, pour faire « fructifier » l’argent de son ancienne organisation comme le ferait « un bon père de famille ». Mais voilà, déjà condamné pour déclaration incomplète auprès de la HATVP, le voilà désormais menacé par une nouvelle peine. Le parquet de Lille a, en effet, requis à son encontre un an de prison avec sursis. « J’ai essayé de rendre service et j’ai tout perdu… », a-t-il regretté.
« Ce n’est pas digne de Tracfin. Je suis tombé sur le cul ! »
Cette affaire trouve son origine dans les précédentes fonctions d’Alain Griset. À la tête de la Cnams pendant longtemps, il avait décidé de placer, pendant onze mois, 130 000 euros appartenant à la structure sur l’un de ses comptes personnels. À l’époque, selon lui, il était animé de bonnes intentions dans le but de faire fructifier de l’argent pour pouvoir, ensuite, le rendre à son organisation. Sauf qu’une fois nommé ministre, il s’est bien vite rendu compte que cette manœuvre bancaire allait poser un problème. D’autant plus que Tracfin, la cellule anti-blanchiment des services de Bercy, venait de faire un signalement.
Certes, une fois nommé, Alain Griset a reversé les 130 000 euros sur un compte de la Cnams avant un second versement de quelque 19 000 euros, censés correspondre à la plus-value réalisée. Mais, selon les calculs de Tracfin, la plus-value dépassait, en réalité, 41 000 euros. « Ce que j’ai lu n’est pas digne de Tracfin, s’est agacé l’ancien ministre à la barre du tribunal judiciaire de Lille, lors de l’audience. Je suis tombé sur le cul ! »
Quel que soit le montant de la plus-value vraiment réalisée, le problème est ailleurs pour Alain Griset : héberger sur son compte personnel des fonds appartenant à une organisation syndicale ou association est illégal. Quand bien même le but poursuivi ne serait pas de l’enrichissement personnel. D’autant plus qu’Alain Griset est accusé d’avoir fait son coup en douce. Confronté par le tribunal aux déclarations des membres du conseil d’administration de la Cnams qui ont affirmé aux enquêteurs ne pas avoir été informés de l’opération, l’ancien chauffeur de taxi a été contraint de reconnaître qu’il avait pris la décision tout seul.
La décision sera rendue le 28 juin
Que ce soit dans le volet parisien consacré à la déclaration incomplète à la HATVP ou dans le volet lillois sur l’abus de confiance, Alain Griset a toujours plaidé la « maladresse » plus que « la tricherie », « la malhonnêteté » ou « la tentative de vol ». Mais l’accusation a du mal à le croire. Le procès qui s’est tenu à Lille est notamment longuement revenu sur le contact qu’il avait d’ailleurs pris, lui-même, avec Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée, alors que la HATVP le mettait sur la sellette. Un moyen de tenter de comprendre si Alain Griset avait bien tenté de régulariser la situation discrètement alors que le fric-frac bancaire allait éclater.
« On a affaire à quelqu’un mû par l’avidité, la cupidité », a ainsi pointé la procureure à l’audience, estimant qu’un mode de fonctionnement sans contre-pouvoirs lui avait permis de se comporter en propriétaire de la somme appartenant en réalité à la Cnams, à travers ce placement « à hauts risques » effectué pour réaliser des profits personnels. Un raisonnement qui l’a ensuite conduit à requérir une peine d’un an de prison, de trois ans d’inéligibilité et de 80 000 euros d’amende. La décision doit être rendue le 28 juin prochain. Pas sûr qu’Alain Griset soit rappelé au Gouvernement d’ici là.
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