Réf. : Cass. com., 11 mai 2022, n° 19-22.015, F-B N° Lexbase : A56247W9
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
le 24 Mai 2022
► Un contrat de louage de choses dont les clauses prévoient une reconduction automatique du contrat pour une durée équivalente dès lors que le preneur demande une modification du matériel loué peut être considéré comme étant un engagement « infini » et donc tomber sous le coup de la prohibition des engagements perpétuels.
Contexte. Il est des règles connues de tous mais dont les illustrations sont rares. Ainsi en est-il de la prohibition des engagements perpétuels. Longtemps envisagée dans le seul article 1780 du Code civil N° Lexbase : L1031ABS, relatif au louage de service, la règle a été consacrée en des termes généraux par l’ordonnance du 10 février 2016. Elle trouve dorénavant son siège dans le nouvel article 1210 alinéa 1er du même Code N° Lexbase : L0928KZE. Néanmoins, les faits ayant donné lieu à l’arrêt rendu par la Chambre commerciale le 11 mai 2022 ne relevait pas de cette nouvelle disposition.
Faits et procédure. En l’espèce, deux sociétés avaient conclu un contrat de location portant sur du matériel informatique. Sa durée était fixée à quarante-deux mois, mais il était prévu qu’en cas d’évolution du parc informatique à la demande du preneur, le contrat serait automatiquement reconduit pour une nouvelle durée de quarante-deux mois. Et c’est bien là que résidait la difficulté : de telles stipulations ne faisaient-elles pas de ce contrat un engagement perpétuel ? Le risque était d’autant plus grand qu’était en cause du matériel informatique pour lequel on peut imaginer le souhait du preneur de le remplacer avant l’arrivée du terme. La cour d’appel avait refusé de voir dans cet engagement un engagement perpétuel (CA Paris, 24 mai 2019, n° 17/08357 N° Lexbase : A4891ZC7).
Solution. La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1709 du Code civil définissant le contrat de louage de choses. Elle reproche à la cour d’appel de n’avoir pas recherché si, « s’agissant d’un contrat évolutif de matériels informatiques, dont chaque modification relative aux matériels loués avait pour effet de reconduire la durée du contrat pour 42 mois […], n’était pas de nature à priver [le preneur] de la possibilité d’adapter son matériel aux besoins de son exploitation et donc d’une caractéristique essentielle du contrat, sauf à accepter la reconduction systématique du contrat, la soumettant ainsi à une obligation infinie ». Au-delà du constat d’une perpétuité éventuelle de l’engagement, se pose la question de la sanction, sur laquelle la Cour de cassation ne se prononce pas : nullité de l’engagement comme cela était le cas sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 (en ce sens, Cass. com., 3 novembre 1992, n° 90-17.632 N° Lexbase : A4271ABS) ou faculté de résiliation (C. civ., nouv. art. 1210, alinéa 2 N° Lexbase : L0928KZE) par l’effet d’une application anticipée de la réforme ?
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