La lettre juridique n°904 du 5 mai 2022 : Notaires

[Brèves] Secret professionnel du notaire : conditions strictes de levée du secret par le juge (à propos de la recherche des héritiers d’un copropriétaire débiteur de charges décédé)

Réf. : Cass. civ. 1, 20 avril 2022, n° 20-23.160, F-B N° Lexbase : A08847UB

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 05 Mai 2022

► Le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis ;

en l’espèce, le  notaire n'ayant pas encore dressé d'acte de notoriété, il ne pouvait alors être contraint par le juge de communiquer au syndicat des copropriétaires, poursuivant le paiement d’impayés de charges, l’identité complète avec adresse des héritiers du copropriétaire débiteur décédé.

Faits et procédure. En l’espèce, à la suite du décès, le 11 septembre 2013, d’un copropriétaire de deux lots au sein d'un immeuble en copropriété, le syndicat des copropriétaires avait sollicité de la SCP notariale, en charge du règlement de la succession, l'identité des héritiers, ainsi qu'un acte de notoriété aux fins de poursuivre le paiement de charges de copropriété restées impayées.

La SCP notariale ayant opposé le secret professionnel, le syndicat des copropriétaires l'avait assigné, en référé, afin d'en obtenir la levée.

Décision CA Montpellier. Pour autoriser et à défaut ordonner à la SCP notariale de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt, la cour d’appel de Montpellier (CA Montpellier, 29 octobre 2020, n° 19/04340 N° Lexbase : A73533ZD) avait retenu que la SCP notariale ne pouvait maintenir son refus devant les juridictions saisies au prétexte du caractère absolu du secret auxquelles elle serait tenue, dès lors qu'une autorisation judiciaire peut valablement l'en affranchir au regard des intérêts légitimes en cause et que la protection des intérêts privés de ses clients ne pouvait en aucun cas permettre à ceux-ci, tenus des dettes et des charges de la succession, de s'affranchir durablement de leurs obligations légales, alors qu'en l'occurrence les charges de copropriété s'aggravaient au préjudice de la trésorerie de la copropriété depuis plus de sept ans.

Censure. La décision est censurée par la Cour suprême, au visa de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l'ordonnance n° 2000-916, du 19 septembre 2000 N° Lexbase : L0609ATQ.

En effet, selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages et intérêts et d'une amende.

Procédant à une interprétation stricte de ces dispositions, la Cour régulatrice en déduit que le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis.

Or ainsi que le faisait remarquer le demandeur au pourvoi, la cour d’appel avait relevé qu'en l'absence de prise de position de certains héritiers sur l'acceptation de la succession et en l'état d'une contestation sur leur qualité, le notaire n'avait pu encore dresser l'acte de notoriété.

Statuant au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Haute juridiction retient alors qu’il résultait des constatations de l'arrêt que la SCP notariale n'avait pas dressé d'acte de notoriété et que celle-ci ne pouvait donc être contrainte ni de communiquer un acte qu'elle n'avait pas établi ni des informations détenues par elle et soumises au secret professionnel.

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