Réf. : Cass. com., 13 avril 2022, n° 20-20.137, F-B N° Lexbase : A41197TQ
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par Vincent Téchené
le 22 Avril 2022
► Le manque de vigilance du dirigeant est impropre à établir que celui-ci a commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, écartant ainsi sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif.
Faits et procédure. Une société a bénéficié d'une procédure de sauvegarde le 28 février 2011. Elle a été mise en liquidation judiciaire le 4 juillet 2011 à la suite de la rupture brutale de ses relations commerciales avec son client unique. Le liquidateur a alors recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant de la débitrice.
La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 9 juillet 2020, n° 19/14602 N° Lexbase : A89273QP) ayant condamné le dirigeant, celui-ci a formé un pourvoi en cassation au soutien duquel il faisait pour l’essentiel valoir que le manque de vigilance – à le supposer avéré – ne pouvait tout au plus constituer qu'une négligence insusceptible de caractériser une faute de gestion du dirigeant.
Décision. Cet argument convainc la Cour de cassation.
Elle rappelle qu’il résulte de l’article L. 651-2 du Code de commerce N° Lexbase : L0708L7D qu'en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif est écartée.
Or elle relève que, pour condamner le dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt d’appel a constaté que le cocontractant unique de la débitrice avait imposé à cette dernière des investissements destinés à adapter sa capacité de production à ses demandes dans un secteur d'activité et à une période où le dirigeant pouvait légitimement croire à l'expansion de sa société et que ce cocontractant a brutalement rompu, à sa seule initiative, leurs relations commerciales. Par ailleurs, les juges du fond ont relevé que le dirigeant a manqué de vigilance en engageant la société qu'il dirigeait dans une activité reposant sur un client unique sans trouver le moyen de garantir la pérennité des relations commerciales.
La Cour de cassation censure donc l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 651-2, précité, retenant qu’en statuant par de tels motifs tirés seulement d'un manque de vigilance du dirigeant impropres à établir que celui-ci aurait commis une faute de gestion non susceptible d'être analysée en une simple négligence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Observations. La loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, dite « Sapin II » N° Lexbase : L6482LBP (art. 146) a assoupli les modalités de l'engagement de la responsabilité du dirigeant en ajoutant une précision à l'article L. 651-2 du Code de commerce : en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. Par ailleurs, l'article 1er de la loi n° 2021-874, du 1er juillet 2021, en faveur de l’engagement associatif N° Lexbase : L0465L7D, a étendu « l'exception de négligence » prévue pour les dirigeants d'entreprises aux dirigeants associatifs bénévoles en cas de faute de gestion.
On rappellera également que la loi du 9 décembre 2016 en ce qu’elle écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours (Cass. com., 5 septembre 2018, n° 17-15.031, FS-P+B+I N° Lexbase : A3704X3L, B. Brignon, Lexbase Affaires, septembre 2018, n° 556 N° Lexbase : N5512BXG ; Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-22.011, F-D N° Lexbase : A7743YPH).
Enfin, plus récemment, la Cour de cassation a précisé que si la responsabilité pour insuffisance d’actif d’un dirigeant ne peut être retenue en cas de simple négligence dans la gestion de la société, celle-ci ne peut pas être réduite à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission (Cass. com., 3 février 2021, n° 19-20.004, F-P N° Lexbase : A01604GZ, V. Téchené, Lexbase Affaires, février 2021, n° 665 N° Lexbase : N6419BYE).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, La simple négligence, exclusive de la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E9960E9R. |
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