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par Caroline Lantero, Maître de conférences en droit public à l’UCA, CMH-UPR 4232, Avocate associée Seban Auvergne
le 14 Avril 2022
Mots-clés : question pratique • déontologie • avocat • médecin • secret professionnel • locaux professionnels
L’une et l’autre de ces professions sont tenues aux mêmes règles relatives au secret professionnel, lequel s’étend jusque dans la salle d’attente, et il n’existe pas de notion de secret partagé. Néanmoins, le partage de la salle d’attente semble possible.
Le partage des locaux professionnels - Le partage des locaux de l’avocat avec d’autres professions est assez largement admis : expert-comptable (Cass. civ. 1, 27 février 1996, n° 94-10.821, inédit au bulletin N° Lexbase : A9751C3K) ; psychothérapeute (CNB, comm. R&U, avis n° 2012-060 du 20 décembre 2012), en co-working au sein des bureaux de l’Ordre (CNB comm. R&U, avis n° 2019-40 du 25 novembre 2019), mais toujours à la condition que le risque de violation du secret professionnel soit écarté et qu’aucune situation de conflits d’intérêts ne se pose.
Secret professionnel – L’avocat y est tenu, comme le médecin. Pour les avocats, il est précisé que le secret couvre toute matière jusqu’au nom des clients et l’agenda de l’avocat (RIN, art. 2.2 N° Lexbase : L4063IP8). Pour les médecins, il est précisé que le secret couvre tout ce qui lui a été confié, ce qu’il a entendu ou compris (CSP, art. R. 4127-4 N° Lexbase : L8698GTC). Pour chacune de ces deux professions, ce secret est « général et absolu » et d’ordre public. Pour chacune de ces professions, sa violation peut donner lieu à des sanctions pénales (C. pén., art. 226-13 N° Lexbase : L5524AIG).
Pas de « secret partagé » - Bien qu’un avocat et un médecin appartiennent chacun à une profession réglementée dotée de règles professionnelles, et qu’ils soient chacun soumis à une prestation de serment, et au secret professionnel, ces convergences ne peuvent permettre de conclure à la possibilité de partager des secrets professionnels. Chaque professionnel est gardien de son secret professionnel. Ainsi, le fait pour un médecin de transmettre le compte rendu opératoire d'une intervention d'esthétique à l'avocat de son patient, constitue un manquement au le secret professionnel (CDN, 24 avril 2009, n° 10031). D’ailleurs, même s’ils appartiennent à la même profession, ils ne partagent pas davantage leur secret. Ainsi, pour les médecins, la loi encadre la notion de secret partagé de manière drastique, la limitant à l’équipe de soin et aux seules informations indispensables à la prise en charge du patient et à la continuité des soins, ou la conditionnant à l’accord préalable du patient lorsque les informations sont échangées en dehors de l’équipe de soin (CSP, art. L. 1110-4 N° Lexbase : L4479L7Z). Deux médecins n’ayant pas de patient en commun ne peuvent en discuter. Deux avocats n’ayant pas de client commun ou successif (par exemple dans le cadre d’une succession, ou dans le cas d’un avocat à la Cour qui passe le relai à un avocat aux Conseils) ne peuvent pas davantage discuter de leurs clients.
La salle d’attente doit respecter le secret professionnel - Aucun texte ni aucune position ordinale ne traite spécifiquement de la question de la salle d’attente, mais l’étendue du secret professionnel auquel l’un et l’autre sont soumis implique nécessairement que l’identité de leurs clients et de leurs patients soit couverte par le secret. Au sujet du respect de l’anonymat, le fait pour un médecin, de transmettre au directeur de l’Agence régionale de santé des éléments non anonymisés du dossier médical d’une de ses patientes ou de mentionner des éléments permettant de lever l’anonymat constitue une violation du secret professionnel (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 16 avril 2019, n° 13986). En pratique, un médecin qui appelle son prochain patient par son nom dans une salle d’attente où il n’est pas seul viole le secret médical. La bonne pratique consisterait à appeler le « patient suivant » ou le numéro de dossier attribué. En ce qui concerne la profession d’avocat, dans laquelle la cadence des rendez-vous n’est pas tout à fait la même, les chances que les clients soient nombreux en salle d’attente sont moindres. D’ailleurs, l’existence même d’une salle d’attente n’est pas une obligation posée par les règles professionnelles qui se bornent à exiger un « des conditions matérielles conformes aux usages et dans le respect des principes essentiels de la profession » (RIN, art. 15.1). Dans le cas d’une file d’attente, il appartiendrait en toute logique à l’avocat de ne pas appeler le client par son nom, mais d’appeler le numéro de dossier. Cela exige d’informer au préalable le patient et le client de leur référence dossier, ou de confier cette tâche à l’accueil du cabinet.
Confusions - Seule la salle d’attente peut être partagée (CA Besançon, 15 décembre 2020, n° 20/01072 N° Lexbase : A67504AA). Aucune confusion ne doit naître dans l’esprit des personnes accueillies. Ajouter un secrétariat commun et un traitement commun des communications paraît non conforme à l’exercice de l’une et de l’autre de ces professions (au sujet d’un partage trop étendu de moyens entre un avocat et un expert-comptable : CNB, comm.R.U., 24 juin 2014, avis n° 2014-023).
Conflits d’intérêts - Il va de soi que l’avocat qui partagerait ses locaux professionnels avec un médecin ne pourrait prendre l’un de ses patients comme client, pour un dossier contre ledit médecin.
Conflits d’obligations ? – Un obstacle inédit est né avec la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 posant une obligation vaccinale pour certains professionnels. En vertu de l’article 12 de cette loi, un médecin, comme son personnel, est tenu à l’obligation vaccinale contre le SARS-COV-2 et ne saurait continuer à partager une salle d’attente, ni même ses locaux, avec un professionnel qui n’y est pas tenu. Inversement, une lecture téléologique de la loi étendrait l’obligation vaccinale à l’avocat (et son personnel) en tant qu’il exercerait son activité dans un « demi » cabinet médical.
Le partage de la salle d’attente est possible – Sous les conditions des règles et bonnes pratiques précitées, le partage de la salle d’attente entre un médecin et un avocat pourrait être admis.
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