Le Quotidien du 17 mars 2022 : Copropriété

[Brèves] Mise en concurrence pour les contrats et marchés de travaux : précision utile de la Cour de cassation

Réf. : Cass. civ. 3, 9 mars 2022, n° 21-12.658, FS-B N° Lexbase : A94437PG

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 16 Mars 2022

La mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, qu'ils soient soumis (chacun) au vote de l'assemblée générale ; il est dès lors exclu que l'assemblée générale vote sur le seul devis mentionné à l'ordre du jour et choisi par l'architecte, et non sur chacun des devis des soumissionnaires.

Les textes. Selon l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 N° Lexbase : L4821AHZ, l'assemblée générale des copropriétaires arrête un montant des marchés et des contrats, autres que celui du syndic, à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire. Selon l’article 19-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 N° Lexbase : L5506IGZ, la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats, autres que le contrat du syndic, lorsque l'assemblée générale n'en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l'établissement d'un devis descriptif soumis à l'évaluation de plusieurs entreprises.

Pour l’application de ces dispositions, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser, tout d’abord, que l'obligation de mise en concurrence se trouve respectée par la demande de devis à deux ou trois entreprises, la circonstance que pour certains lots, les entreprises consultées n'aient pas toutes répondu n'affectant pas la régularité de la délibération dès lors que les documents annexés à la convocation décrivaient de façon suffisamment précise le détail des différents travaux prévus ainsi que leur coût global et par lots, de sorte que les copropriétaires avaient disposé des éléments nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause (Cass. civ. 3, 27 novembre 2013, n° 12-26.395, FS-P+B+I N° Lexbase : A4044KQT). Ensuite, il faut savoir que la mise en concurrence n'est pas obligatoire à défaut de fixation par l'assemblée générale du montant à partir duquel elle doit être mise en œuvre (Cass. civ. 3, 26 mars 2014, n° 13-10.693, FS-P+B N° Lexbase : A2495MIA).

Problématique. La question soulevée dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 9 mars 2022, était celle de savoir si la mise en concurrence est satisfaite dès lors que plusieurs devis ont été transmis, et joints à la convocation (première analyse), ou si elle suppose alors, en outre, un vote de l’assemblée générale, pour chacun de ces devis (seconde analyse).

Décision CA Versailles. La cour d’appel de Versailles s’en était tenue à la première analyse. En effet, pour rejeter la demande d'annulation d’une résolution d’assemblée générale relative à des travaux (de ravalement de façade et d'isolation de l'immeuble par l'extérieur), la cour d’appel avait retenu que, quand bien même un seul devis avait été soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, plusieurs devis avaient été joints à la convocation et le maître d'œuvre avait procédé à leur audit en expliquant les raisons du choix de l'entreprise retenue, de sorte que les copropriétaires avaient été en mesure de voter cette résolution en connaissance de cause (CA Versailles, 15 décembre 2020, n° 18/05469 N° Lexbase : A04044A9).

Cassation. Le demandeur avait formé un pourvoi en cassation soutenant que la mise en concurrence suppose que plusieurs devis soient soumis au vote de l'assemblée générale et que l'assemblée générale ne peut valablement voter que sur les questions inscrites à l'ordre du jour ; dès lors, en l'espèce, la mise en concurrence étant obligatoire en vertu d’une précédente résolution d’assemblée générale, il était exclu que l'assemblée générale vote sur le seul devis mentionné à l'ordre du jour et choisi par l'architecte, qui n'avait pas le pouvoir de se substituer à l'assemblée dans la sélection de l'entreprise, et non sur chacun des devis des soumissionnaires.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction qui énonce qu’il résulte des textes précités que « la mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, qu'ils soient soumis au vote de l'assemblée générale ».

Statuant au fond, en application des articles L. 411-3, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L2546LBW et 627 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8428IRL, la Cour de cassation annule la résolution en cause, après avoir relevé que plusieurs devis avaient été joints à la convocation des copropriétaires mais qu'un seul avait été soumis au vote de l'assemblée générale.

Pour résumer :

  • l'obligation de mise en concurrence se trouve respectée dès lors qu’il existe une pluralité de demandes de devis, peu important au final qu’un seul devis n’ait été transmis (Cass. civ. 3, 27 novembre 2013, n° 12-26.395, précité) ; le vote peut alors valablement porter sur le seul devis joint à la convocation ;
  • en revanche, dès lors que plusieurs devis sont communiqués et joints à la convocation, ou notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, chacun d’eux doit faire l’objet d’un vote (Cass. civ. 3, 9 mars 2022, n° 21-12.658, FS-B).

Pour aller plus loin : cf. ÉTUDE : L'assemblée générale des copropriétaires, Le montant des travaux, marchés et contrats au-delà duquel sont obligatoires la consultation du conseil syndical et une mise en concurrence, in Droit de la copropriété, (dir. P.-E. Lagraulet), Lexbase N° Lexbase : E5926EY7.

 

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